Thème image garçon ailé
Rien qu'un joli visage, rien qu'un trésor à consumer. Une jolie gueule dilapidée en froncements de sourcils. Une perle à sertir sur toutes les couronnes qui passent à sa portée. Finalement rien d'autre qu'un rebus d'incendie. Q'une étincelle d'humanité, tout juste bonne à consommer.
C'était là, à saisir, une lueur dans l'orbite, joyau paumé qui crève d'ennui. Un soleil qui tremblait- au fond de l’œil mouillé, la pupille éclatée. Dans la pupille il y'a un trou, un abîme où tomber- pour tous ceux qui oseront et voudront regarder. Aucun lapin au fond, du noir qui broie. Mais n'ayez crainte, faîtes soulagement, car il est fort aisé de se fermer à la vision du vide. C'est un abîme acommodant qui fera des slaloms pour mieux vous éviter. Il est pudique, c'est de la dentelle de vide, du néant en napperon. Il volette hors de portée des doigts même quand on cherche à s'en saisir. Cet vide là est fuyant comme l'ombre d'une brebis.
Il y a des chemins plus praticables sur le joli visage, des routes où trois fois rien vous conduiront sûrement. C'est facile d'y dégringoler, on vous ouvre la voie. Vous le saurez comme tous les autres le surent avant votre arrivée.
C'était tout juste un baiser à cueillir, petite fleur de tendresse éclose entre les lèvres. Sans une épine, que du velours et de la crème, de l'épice et du miel... Doux comme un feu qui se craquèle, une mélasse ardente dans son replis de cendres. C'est la plus volatile et craintive des tendresse. De la tendresse qui meurt jusqu'au prochain contact. Un camélia fané qui s'ouvrait dans la bouche, une aurore frémissante éclose contre sa langue- sous l'arc chaud, lové, de la langue ramassée contre les dents serrées. Juste là, un petit bourgeon d'aube, comme une plaie qui palpite, colorée et lascive... Facile de s'en saisir. Il suffit de pencher, de se glisser dans la craquelure ouverte sur le joli visage- cette bouche qui ne sait pas parler, faille humide et pâteuse.
Ce n'était rien qu'une fleur qui menait au jardin, rien qu'une fleur en frissons pour ouvrir le sentier.
Le jardin c'est son cœur. Petite bulle de forêt entre les ventricules, encerclée par les ronces, le brasier et le vide- une mangeoire à oiseaux pour les pilleurs d'amour. Tous les feux le signalent, toutes les routes s'y fracassent. C'est facile à piller un jardin de cette sorte. On fait vite d'y entrer quand on en trouve la porte, certains y mettent les pieds même sans pourtant chercher. Comme ça, sans s'en apercevoir. Et ils se contrefichent de tout y piétiner, leurs yeux sont ailleurs et ils vous foulent du pied. De la pointe du soulier ils se font meurtrier.
L'indifférence tue aussi bien que l'envie, souvent même mieux de fait. L'indifférence des autres et l'envie qui est vôtre. L'envie vous creuse le bide comme une grand sarcophage. L'indifférence y enferme une momie vivante. C'est une momie qui gratte, et tous ceux qui l’entendent et pourraient l'en sortir tourneront les talons sans l'ombre d'un regard. La mort à ceux qui meurent, c'est une sorte de règle.
Il en faut si peu pour tuer quelqu'un. Suivre un courant, c'est suffisant : quelques coups de rames noieront bien une personne prisonière des tumultes. La passion n'est pas chic -ça tâche trop, ça danse trop-, la vérité non plus. On veut du mouvement et un peu moins de dialogue. Les mots enlisent, les gestes vibrent- c'est plus facile d'être un tambour que de vivre en orchestre. Trop complexe et bruyant.
Alors venez à la curée, festoyez de sa chair ! L'oiseau bas est tombé et il aime la poussière. Il ne demande qu'à se vautrer plus profond dans la cendre.
Arrachez lui la peau et pétez les os, utilisez les donc pour jouer au mikado. Qui fera s'effondrer en premier sa poitrine ? Qui lui fendra le dos et lui bouffera les ailes ? Dénudez et mordez, ça se mange cru l'oiseau... Ca se possède pour trois fois rien, un peu de tendresse feinte, une nuit d'étreintes dénuées d'amour. Rebondissez des hanches contre son cul osseux- il vous piaillera dans l'oreille ses jolies mélodies. Des qui font bander dur et font tout oublier. Une étreinte, un baiser pour se l'approprier ; à chaque saccade contre son corps, à chaque mouvement pour s’enterrer dans sa chair fraîche et tendre, en feignant de l'emplir vous creuserez un peu plus- vous émietterez ce que les autres n'ont pas su emporter.
Pilleurs d'oiseaux, je vous dis bienvenue ! Il y a encore à prendre, fondez lui sur le corps ! Pressez, pressez, avant que le banquet n'ait finit de pourrir. Tous les jolies visages finissent par se froisser. Toutes les fleurs finissent par arrêter d'éclore. Elles se lassent, à force, puis elles partent en voyage. Elles vont chercher d'autres jardins où propager leur blessure palpitante, leurs épices de désir. Venez donc vous repaitre avant qu'il ne se fane, car le jolie visage attend qu'on le profane- car le si joli corps n'attend plus que l'outrage- car le tout petit cœur demande qu'on le saccage. Les oiseaux n'échappent pas au compost de la pourriture. Certains s'y jettent pour durer moins longtemps.
C'est la guerre, tout est suie, tout est sang, dans l'ombre des absents les enlarmés pullulent. Ils se défroissent comme des gerbes d'orties, et ils vous griffent la paume en cherchant une caresse.
Vous ne pourriez leur faire de plus gentil cadeau que de les arracher à l'existence d'une torsion fatale. Si vous tendez l'oreille, dans leur dernier soupir vous entendrez un rire. Ils ne savent pas ce qu'ils manquent, mais ils savent parfaitement tout ce qu'ils laissent derrière. Croyez le ou non, ils ne le regrettent pas.
Il y a trop d'assassins sans lendemain qui aiment se nourrir des jeunesses volatiles.
Il n'en a fallu qu'un plus silencieux et plus fort que les autres pour lui défaire le cœur. Cet oiseau là a dépassé le rire. Il ne vole pas ni ne se contorsionne dans sa poussière allouée.
Il flotte, moins lourd que l'air, car il ne reste rien dans sa carcasse vidée.
Rien que du rien et des baisers volés.