Verdun — 20/04/2011 & 21/04/2011
PERE — Verdun, tu me les casse.
Verdun est un abruti. D'abord et avant tout. Verdun vous aime, et pourtant Verdun vous fait chier. Il ne fait pas vraiment exprès. Non, c'est juste qu'il a une opinion sur tout, et même si la plupart du temps, cette opinion tombe à côté de la plaque, il ne se gène pas pour la faire partager. Plus encore, il parle pour ne rien dire. Verdun, c'est quelqu'un de passionné, et il aime faire partager ses passions au monde entier, qu'il s'agisse de bonbons multicolores, de rock and roll, de skate board, ou de séries américaines. Verdun parle, parle, parle, et si vous ne l'arrêtez pas, il ne s'arrête pas non plus. Il est trop possible qu'il ne s'arrête jamais, d'ailleurs. Et il parle vite, trop vite. Dur d'en placer une. Quand il a dit ce qu'il avait à dire, il trouve un autre truc. Peu importe si c'est plus idiot encore que ce qui précédait. Verdun s'en fout, Verdun vous aime, donc Verdun vous parle. Et si vous cherchez comment le mettre hors tension, sachez que beaucoup de gens avant vous ont cherché, et n'ont pas encore trouvé. Et lui, il en profite à fond. Après, dites lui qu'il vous soûle. Essayez. Dans ces cas-là, Verdun s'éteint. C'est soudain un sourire tout triste sur son visage, et il se tortille sur place. Vous voyez un enfant qu'on vient de gronder ? Bah voilà, ça c'est Verdun. Mais attention, le répit n'est que de courte durée. Tout de suite après, il commence à s'excuser. Une bonne centaine de fois à la suite, minimum.
MERE — Verdun, tu as trop d'imagination.
Verdun imagine. Verdun rêve, rêve beaucoup, rêve tout le temps même. Verdun croit aux extraterrestres. Il les observe la nuit, il lit des magasines, des revues, des témoignages. Il veut discuter avec eux. Et il essaye de vous faire croire qu'ils vont débarquer demain chez vous, pour vous serrer la main. Parce qu'ils sont pacifistes, bien entendu. Verdun vous assomme avec ça. Verdun croit que vous avez tous eu plein de vies avant. Verdun aime vous raconter votre vie d'avant, et la sienne aussi. Il s'assoit parfois, quand il n'est pas entrain de courir partout, et il y pense. Il s'imagine, s'il avait été un roi dans une vie précédente. Si on l'avait brûlé sur un bûcher, peut-être. Et tous ces voyages à travers le temps le fascinent. Verdun ne comprend rien à l'histoire, mais il aime ça. Verdun est aussi fervent défenseur des dimensions parallèles. Dans un autre monde, peut-être qu'il n'a pas de don. Qu'il se teint les cheveux en vert, qui sait ? Verdun, du coup, les histoires d'astronaute, c'est aussi un truc qui le passionne. Parce que eux, ils auront peut-être la chance de serrer la main à un extra-terrestre, ou de trouver un passage vers une autre dimension. Verdun les envie, Verdun veut être comme eux.
FRERE — Verdun, arrête de me coller !
Verdun câline. Il a un coeur assez grand pour tout le monde, et il vous le montre. Vous pensiez que l'époque des câlins et bisous baveux était passée depuis que n'étiez plus un nourrisson, détrompez vous. Verdun ne peut pas vivre sans câlin. Alors Verdun réclame, et pour une fois la parole n'est pas fleuve, juste une simple demande, mais avec ses grands yeux suppliants, il vous en prie. Il gigote sur place, ça fait un effet un peu bizarre. Et si vous acceptez, Verdun vous saute dessus. Si vous refusez, il s'en va vite, et va quémander chez quelqu'un d'autre. Verdun est resté au stade du suppliant fais moi un câlin, fais moi un bisou, et si vous lui en faites, il vous les rend. Verdun vous aime, Verdun crie votre nom dans les couloirs. Une chose est sûre, avec lui, impossible de se sentir seul. Verdun vous aime tellement qu'il fait plein d'efforts pour vous écouter. Il ne coupe pas la parole, c'est juste que vous n'avez pas vraiment beaucoup de temps pour commencer à parler. Si vous y arrivez quand même, Verdun vous écoute avec de grands yeux admiratifs.
CAMARADE — Verdun, tu fais flipper.
Verdun fait des choses bizarres, parfois. Verdun, d'un coup, se met à chanter et à taper dans ces mains. Verdun se met debout sur les bancs, et essaie de sauter le plus loin possible. Verdun se balade avec une peluche lapin recousue de partout. Verdun tourne sur lui-même, bras étendus, jusqu'à ce qu'il ne tienne plus debout. Verdun tombe, Verdun ne tient pas sur ses pieds. Verdun se promène en grande conversation avec un Playmobil. Verdun vous invite tous à danser la macarena en plein milieu de la cour. Verdun s'assoit d'un coup par terre, alors qu'il marchait. Verdun fait des ombres chinoises avec ses mains. Verdun porte un bonnet un été, un short en hiver. Verdun vous regarde avec les yeux grands écarquillés. Verdun est un abruti, un point c'est tout.
AMI — Verdun, tu redescends sur Terre, oui ?
Verdun ne redescendra jamais sur Terre. Il n'y a jamais mis les pieds.
— Verdun ?
— Oui ?
— C'est quoi le premier truc qui te passe par la tête ?
— Je t'aime.
— C'est trop chou.
— J-
— ...
— Toi aussi, tu m'aimes ?
— Bien sûr, petit frère. Mais moi, je n'ai pas l'habitude de le dire aux gens. Toi, dis le le plus souvent possible.
&&
Un soleil se lève, rond, blond, trop blond. Un peu rouge aussi. Beau soleil d'hiver qui vient te dire le bonjour. Il caresse tes joues de sa lumière, t'ouvre les yeux doucement, de sa douce chaleur. Et tu cries, petit, dans ton berceau, dans ton hiver. Pas de nuages ce matin, ils ne veulent pas fêter ta venue. Tu bouges tes petits yeux marrons, et il coule ton regard, comme du miel, il est beau, tout sucré, et toi tu cries encore, tu vois flou, cela ne te plaît pas. Et là, tu vois des yeux sur toi. Elle te regarde, la peluche à côté de toi, de ses petites billes noires, et ses oreilles tombent dans tous les sens, tu veux toucher son museau de tes petits doigts potelés, seulement tu n'y arrives pas. Alors tu te tortilles vers le lapin jaune qui te veille. Tu te retournes sur le côté, et tu fourres ton pouce dans ta bouche, tu le rends tout gluant de salive. C'est les yeux fixés sur ta peluche que tu te rendors, bébé. Bienvenue dans ton nouveau monde. Moins confortable que le doux flottement dans le ventre de ta mère, peut-être, mais tu verras, il y a tant de choses à voir. Tant de mots à dire. Tant d'émotions à ressentir. Tant de larmes à pleurer. Tant de sourires à étirer ... Tant de gens à aimer. A aimer de ton petit coeur, ton coeur qui explose, ton coeur qui fait boum, qui fait bim, ton coeur minuscule, ton coeur qui va tous les accueillir. De ce côté là, tu vas avoir du boulot, bébé, tu sais, les gens, ils ont du mal à se laisser aimer maintenant. Ne t'inquiète pas, tu y arriveras.
Et tu rouvres les yeux, parce que tu sens qu'on te regarde. Tu gobes tout ton petit poing entier, et au dessus de ton berceau, c'est deux époux qui se tendent la main, qui te tendent un regard tendre, et c'est deux petites têtes blondes, qui te sourient, qui te lancent dans leurs grands yeux qui te fixent une passerelle pour ta nouvelle vie. C'est ta famille, tu vois, elle est belle tu ne trouves pas ? Ils sont heureux, les gens. Et toi, tu ne sais pas qui c'est, tu pelures alors, et la dame, avec ses longs cheveux roux, elle te prend dans ses bras ; elle est bizarre la tenue qu'elle porte, tu trouves, elle ressemble à la tienne. Et qu'est-ce qu'elle fait sur ce lit tout blanc, dans cette chambre toute blanche ? Tu ouvres tes grands yeux, et elle ne laisse pas le miel en couler, elle te serre contre elle, tu sens son odeur. Ça sent bon, ça sent ta maman. Alors tu arrêtes de pleurer, et tu lui colles tes mains pleines de bave sur ses joues rondes, et tu babilles. Tu babilles sans t'arrêter. Tu arrêtes aussi finalement. Tu vois flou de nouveau, et tu bailles, sans savoir pourquoi ta bouche s'ouvre comme ça. Il neige dehors maintenant. Et tes yeux, ce n'est pas ce qui te gène le plus. Le pire c'est ton ventre, il grogne, il te fait peur. Tu pleures. L'homme, il te regarde. Il sourit à la dame. Il lui tient la main ? Pourquoi. Et la dame elle te tient toi. Elle t'offre à manger. Tu tètes, c'est trop bon. Les gamins, ils te regardent encore, mais ils jouent en même temps, ils sont plus vieux que toi. Tu verras, ils t'aimeront.
Ils pensent que tu dormes mais tu gardais un oeil ouvert. Plein de gens sont passés, un monsieur en blanc, une dame en rose, et un monsieur avec les cheveux blancs, et une madame avec une jupe rose. Tu ne les connais pas, mais ils parlent avec le monsieur qui te sourit, et la madame qui te fait boire du lait. Ils viennent chez toi, ils se penchent sur ton berceau, ils regardent ta peluche d'un air bizarre, ils appuient sur tes joues, ils disent des mots curieux, des mots qui sonnent pas comme eux, pas vraiment. Tu ne comprends pas, ou tu ne sais pas que tu comprends. Et tu finis quand même par t'endormir, parce que c'est dur de tenir tes yeux ouverts, c'est dur de les regarder. Tu es exténué. Et les gens partent, ils ne restent plus que les autres qui se tiennent la main. Il a fallu que tu naisses un dix-neuf décembre, bébé.
— Il est vraiment si chou !
— Mmmmoui.
— Tu n'as pas l'air convaincu. Voyons, c'est ton fils quand même !
— C'est que je m'inquiète pour toi, tu n'as pas dormi depuis longtemps.
— Le regarder me suffit.
— Et puis les enfants ont une grande différence d'âge, je me demande s'ils l'accepteront.
— Ne t'en fais pas.
— Mais ça va être dur pour eux, déjà qu'on vient de déménager, alors un petit frère maintenant.
— Ne t'en fais pas, je crois en eux.
— Si tu le dis...
— Alors, comment est-ce que tu veux appeler ton fils —
— J'y ai beaucoup réfléchi aujourd'hui.
— Et donc ?
— Je pense à Verdun.
— Quel prénom magnifique ! Je suis sûre qu'il le portera à merveille. C'est déjà un enfant à croquer.
— Hm.
— ...
— Tu es sûre qu'on a bien fait ?
Et le soleil tombe.
—
Tu t'allonges, tu plonges dans l'herbe du haut du mur. Tu voles, tu voles, tu voles toujours. Tu ne voles plus, tu tombes. Et tu joues sur tes articulations d'enfant, tu ne peux pas te faire mal, tu le sais. Tes jambes se sont dépliées en vol, tes bras écartés dans l'air que tu mouds, et tu souris, tu absorbes l'air qui se tient devant toi. Tu t'écrases de tout ton long. Maman va pas être contente, tes Télétubbies sont entourées de longues trainées verdâtres maintenant. Et tu ris, tu roules sur toi-même, seul sur ton herbe, ton royaume. Tu es heureux, c'est tout. Tes coudes se plient, se déplient, tu virevoltes sur le sol, danseuse étoile allongée, et tu étends ton ballet dans le gazon. Une ronce s'accroche à son genou, tu la mêles à ta danse, et bientôt tes joues sont jaunies d'avoir embrassé tous les pissenlits. Tu ris, tu ne t'arrêtes plus. C'est beau un enfant qui rit, mais personne ne te regarde, personne pour te dire que tu fais plaisir à voir. Tu brilles, tu vois, t'es une luciole dans la nuit, bébé. Et tu pleures, de joie, parce que ça déborde de partout, parce que t'aurai explosé sinon. Tes larmes deviennent jaunes, jaunes, et elles reflètent la paille de tes cheveux, le sirop de tes yeux. Et tu te heurtes à une pierre, t'as des bleus sur les mollets, tu sais. Tes lacets épousent les brins d'herbe, noces rapides dans ton été, ton été, ton hiver, ton monde. Et t'es beau, et tu t'en rends pas compte, et ça te rend encore plus beau. Beau comme un gamin, beau comme un peluche, comme la peluche qui te regarde peut-être. Ce que tu trouves beau, toi, Verdi, c'est pas toi. C'est le papillon pour lequel tu t'arrêtes de tourner. C'est la peluche jaune qui te regarde. C'est les étoiles, surtout. Alors tes coudes se replient, mais cette fois-ci, ils ne sont que des piliers pour tes poignets qui portent ta tête, et tu lèves tes yeux, et tu contemples.
Bébé Verdun, quand tu contemples, t'entends pas les pas qui s'approchent de toi. T'entends pas le corps qui s'allonge près de toi. T'entends pas le sourire qui s'installe sur le visage dans l'ombre de ta lumière. Et c'est finalement parce qu'il t'ébouriffe les cheveux, que tu daignes t'arracher à ta contemplation. Tu abandonnes les étoiles, et c'est bien à grand regret. Mais le visage, là, tu l'aimes aussi, il est doux, il te sourit. C'est ton frère, ton frère qui te râle dessus, et te persécute, et t'éjecte, et qui t'aime quand même, peut-être parce qu'on ne peut pas ne pas t'aimer. Peut-être parce qu'il t'aime et que c'est tout. Tu jettes des regards furtifs vers le ciel, tu attends quelque chose, tu attends quelqu'un qui viendrait de là-bas et à qui tu réclamerais un câlin. Tu as commencé tôt à les réclamer en criant, tes bisous et tes étreintes. Tu ouvres la bouche, d'ailleurs, tu veux raconter plein de choses, dire qu'on pourrait voir une étoile filante, par exemple. Il pose un doigt sur ses lèvres, pour t'intimer le silence, et il se lève, le frangin. Tu le regardes partir, tu le laisses s'éloigner. Tu te lèves, et tu voles vers lui, tu lui sautes dessus. Il a cinq ans de plus que toi, il te porte quand même, il râle un peu, ou il fait mine. Et puis tu gigotes tellement qu'il s'effondre, ou qu'il se laisse effondrer. Alors vous roulez dans l'herbe grasse, tous les deux cette fois, dans votre nuit tiède d'été, vous riez ensemble, enfants du même sang, enfants du même rire.
Vous vous arrêtez, finalement. Maman va s'inquiéter, Papa va râler, Maman va crier, Papa va s'angoisser. Tu ramasses ta peluche, tu la prends par l'oreille, Maman l'a déjà recousue, elle te fait la morale à chaque fois, tu dois faire attention. Mais ton lapin, ton ange gardien, s'il doit veiller sur toi, il ne le fait qu'à moitié. Il te laisse faire tes bêtises, te blesser, rentrer en sang et en boue, avaler une libellule, la vomir avec ton petit-déjeuner. Et comme ça tu ouvres les yeux seul, tu découvres ton monde comme un grand. Tu prends tes playmobils aussi, tu les serre dans ta main, petites figurines sous ton bon vouloir. Eux aussi tu leur fais des câlins et des bisous, mais ils ne peuvent pas te les rendre. Tu te pends à la main du frangin, bébé, il te traîne avec lui, sur le chemin de la maison, sur le chemin de Maman, de Papa, et de grande soeur. Toi tu bailles, tu n'avais pas remarqué que tu étais crevé, tu riais trop. On est jamais fatigué quand on est heureux. Et quand on a ton âge, tu sais, on devrait pas rester jusqu'au milieu de la nuit couché dans l'herbe, à attendre une étoile qui voudrait bien te laisser faire un voeu. Et pourtant tu le fais quand même, parce que tes parents, même s'ils te grondent, ils ont dit qu'ils te laissaient faire, ils veulent que tu t'arroses seul. Et tu pousses, tu étends ta tige vers un ciel lointain. Va, bébé, suis le frangin.
— Maman, diiiiiiiiiis ...
— Verdun ? Qu'est-ce que tu fais encore debout à cette heure-là ?
— J'arrive pas à dormir, Doudou a plein de trucs à me dire.
— Mais lui aussi, il devrait dormir.
— Et les gens dans mes rêves ils ouvrent la tête des extraterrestres avec des gros fusils bizarres !
— C'est qu'un rêve, Verdun.
— Mais j'ai peur quand même, maman.
— Va te recoucher, va, mon fils.
— Dis maman ?
— Oui, qu'est-ce qu'il y a d'autre ?
— Tu me fais un câlin ?
—
T'as grandi, Verdun, tu sais, tu devrais plus te comporter comme un bébé. Tu devrais pas t'accrocher à ses jambes, tu devrais pas tirer comme ça sur sa belle chemise. Tu devrais pleurer, tu devrais pas inonder ton visage de larmes. Tu devrais pas ne pas vouloir partir, tu devrais pas tenir autant à elle. Tu devrais pouvoir la laisser s'en aller, tu devrais pouvoir sourire. Tu devrais pouvoir rire. Tu devrais pouvoir lui coller un bisou plein de bave sur la joue, tu devrais la serrer fort contre toi. Tu devrais être toi, tu ne devrais pas être le bébé que tu étais il y a trois ans. Tu devrais, tu ne devrais pas. Ton Jiminy Cricket à toi, il fonctionne au quart de tour, il a plein de trucs à dire. Il fait exploser ta tête, ça fait mal, ça fait mal, ça crie dedans. Tu l'écoutes pas. Elle, elle fait exploser ton coeur, il s'agite, il s'agite, il s'affole, il perd le rythme, il ne suit plus la cadence, il se perd, il a peur, il recule, il recule, il s'enfuit. Et toi tu exploses. Et tu pleures, tu pleures des torrents, tu veux renouveler la mer, c'est ça ? Pourtant t'en es loin, tu sais, ils ont pas besoin de mer ici, y a juste tes parents qui ont besoin que vous vous en alliez, y a juste ton frère qui a besoin de se soulager, y a juste ta soeur qui a besoin que tu puisses la laisser. Ils ont tous besoin de toi. Tu ne devrais pas les ralentir, tu sais, tu dois les aimer, les aimer tous, elle a dit la fée sur ton berceau. Mais c'est pas ta faute, la frangine, tu l'aimes plus, parce que c'est bizarre, elle te comprend, elle t'aime le triple en retour, elle t'aime en silence, elle t'aime simplement. Les autres ils sont obligés d'aimer en public, obligés d'aimer en fracas.
Et tu sèches tes larmes, finalement. Les écorchures sur tes joues, elles te font mal, elles piquent. Tes lèvres sentent le sel, tes lèvres puent le sel. Tu les croques, tu grimaces. Ton sang est amer. Toi tu aimes le sucré, le sucré des fruits, et le sucré des bonbons. Et puis le croquant des carottes. Alors, elle te sourit, elle te dit plein de mots en silence, toi c'est la seule personne à qui tu parles qu'en silence, le silence c'est un truc entre vous que les autres comprennent pas. Tu la lâches, et pourtant tu restes assis par terre, assis dans le couloir, devant sa nouvelle maison. Elle vous abandonne, et surtout elle t'abandonne, curieusement, tu lui en veux pas bébé, au fond, tu t'en veux un peu à toi, non ? Tu voudrais être né plus tôt, tu voudrais pouvoir choisir ton endroit toi aussi, parce que ça doit faire du bien de choisir sa vie. Même si à toi, on te laisse la découvrir, on la choisit pour toi, ta vie. Alors, tu choisis quelque chose, tu choisis de ne perdre le lien avec personne, surtout pas avec elle. Tu regardes, tu coules ton miel sur le tapis pas beau autour de toi, tu prends les autocollants, les étoiles phosphorescentes qu'elle t'a donné, tu choisis de les coller sur tes joues. Tu déballes les petites briques que t'as reçu, tu choisis de toutes les mettre dans tes poches. Et tu choisis aussi de sourire, en fin de compte. Tu prends ta peluche par l'oreille ; ça c'est quelque chose que tu n'as pas vraiment décidé, tu le fais à chaque fois c'est comme ça. Tu baragouines une chanson en allemand, et puis tu pars devant.
Le nez collé contre le hublot, tu regardes le ciel. La vitre, elle s'embue sous tes larmes. Tu pleures, tu pleures, et en même temps t'es heureux, tu sais, parce que tu rends chez toi, et tu l'aimes ton chez toi. Tu couvres la tablette de mouchoirs, tu t'essuies le nez, tu renifles, tu fais des bruits bizarres en te mouchant qui font rigoler ton frangin. Et pourtant, lui aussi, il pleure, mais juste un peu, ça brille dans ses yeux, ça scintille. Il pleure à l'intérieur, parce qu'à qu'à quinze ans, on veut pas montrer qu'on est faibles, on fait le beau, on fait le fier, on fait l'insensible. Et finalement on se blesse, on se fendille, on craque, on se fissure. Et ça finit par se voir, un jour, et les autres se rendent compte qu'on avait mal, et qu'on s'est fait encore plus mal, alors qu'on essayait de ne pas souffrir, de ne pas faire souffrir. Et c'est pas vraiment pour cette raison que tu pleures, mais ça fait couler tes larmes plus vite, ça les rend plus belles, plus tristes. Elle te manque dans la voiture, sur son siège, elle te manque dans votre maison surtout. Pourquoi tu pleures alors que demain, c'est ton anniversaire ? Pourquoi tu pleures alors que dans une semaine, c'est Noël ? Tu pleures plus, tu sautes sur le téléphone.
— Hallo Schwester ! Tu me manques tu sais, et puis, eux, ils pleurent même pas, moi je parle, mes mains sont mouillées, parce que je t'aime, parce que tu me manques. Je suis sûr, même Oratio Caine il trouve que c'est bien de pleurer. Même les super-héros ils pleurent parfois, hein, dis ?
— Verdun ! Tu es vraiment un abruti, Bruder. Tu m'appelles à peine rentré, on s'est vus il y a quelques heures ! Et puis tu te rends même pas compte, la facture que va devoir payer maman !
— Les super-héros, ils pleurent dis ? Et les astronautes ?
— Oui bien sûr. Tout le monde pleure, tu sais. Mais y a des gens qui pleurent en cachette.
— Tu pleures toi ?
— Je pleurerai dans mes rêves.
— Tu me manques, pourquoi t'es restée en Allemagne, dis ? T'aimais pas l'Irlande ? C'est notre pays pourtant, c'est là qu'on est nés, c'est là qu'on a grandi, qu'on a ri, qu'on s'est souris ! Et puis en Allemagne, ils ont des bonbons au moins ?
— Ils en ont. Et tu sais ? Je suis pas née en Irlande. On a déménagé pour le mariage des parents, un peu avant ta naissance, parce que maman voulait rentrer d'où elle venait. Et moi, moi aussi je voulais rentrer d'où je venais. Et il faut que je fasse ma vie, tu sais, j'ai vingt ans quand même !
— Mais, mais m-
— Ça va devoir couper, Verdun.
— NON ATTENDS JE T'AIME JE VIENDR-
—
Tu sautes de joie à l'aéroport. Tu trépignes sur tes pieds devant les bagages, qui roulent, et roulent, et roulent à l'infini. Tu souris. C'est fou, ton sourire est mille fois plus beau quand tu mets les pieds chez les germaniques. Cent fois plus vrai, et dix mille fois plus heureux. Et tu sais, il est déjà pas mal tout ça dans ton pays pluvieux. Tu fixes le tapis, maintenant. T'as bien du mal à tenir en place, tu te retiens d'éclater ta joie, c'est un ballon trop précieux, un ballon que tu veux offrir à la frangine. Tu la répands, pourtant, ta joie, les gens qui passent autour, dans ton cercle à toi, ils sourient, ils se demandent pourquoi, il sourit, et toi tu sais. Tu fixes le tapis, tu voudrais lui dire d'avancer plus vite, tu lui dis d'ailleurs, il ne t'écoute pas, tu pestes, tu tapes dedans. Tu rayonnes, tu rayonnes tellement que t'en deviens violent avec des machines innocentes. Et ton sac apparaît. Tu sais que c'est ton sac, parce qu'il est plein à craquer, et puis il y a une oreille jaune une oreille de lapin pelucheuse qui dépasse et tu sers le sac contre toi, il sent bon l'orange, il fleure le parfum tous doux de tes bonbons, il brille, t'as collé pleins d'étoiles dessus. T'as oublié d'en mettre sur tes joues, t'en avais plus peut-être, Maman te les a enlevées parce que c'est pas bon pour la peau. Papa voulait pas que tu prennes tous ces bonbons, Papa dit que t'auras des caries. Tu les as pris quand même, t'écoutes pas quand il s'agit de bonbons, et tu plonges ta main dans ton sac, t'ouvres un paquet, tu t'assois dans la galerie en même temps, tu commences à manger. Faut les liquider, ta soeur, elle va t'en donner des meilleurs, ta soeur, elle t'envoie des Haribo tous les mois, parce qu'en Allemagne, ils sont moins chers, et puis ils sont meilleurs. Meilleurs aussi parce que c'et elle qui les envoie, et personne d'autre. T'engloutis, t'engloutis en attendant, parce qu'elle peut pas venir tout de suite, elle est au travail, la frangine, faut bien un salaire pour payer sa vie et tes joujoux. Et puis elle arrive. Tu te mets à tournoyer, bras tendus dans la galerie, tu chantonnes un truc, ils te regardent, pas grave. Elle s'approche, t'as l'élan, tu prends ton envol, t'atterris dans ses bras, tu accroches les tiens à son cou, et tu couvres ses joues de bisous. T'as dix ans, mais t'as pas grandi, bébé.
Et tes dix jours de vacances, ses dix jours de congé, vous traînez votre joie à tous les coins de rues. Vous riez, vous souriez. Tu lui souffles des pissenlits dessus, tu lui dessines des coeurs sur la joue. Elle t'achète des bonbons, elle te fait goûter des fruits. Vous dansez, vous tournoyez. Tu la harcèles pour avoir des câlins, tu l'obliges à regarder tes séries américaines. Elle te borde dans le lit qu'elle te prête, elle t'emmène dehors voir les étoiles. Vous êtes beaux, tous les deux. Vous riez, riez, riez, riez encore. Et toi plus, parce que ton rire est plus fort, il monte plus haut, plus aigu, il s'envole, il monte, haut, très haut. Et dix jours, vous êtes heureux ensemble, au milieu des trois cent cinquante cinq autres jours où vous êtes heureux tous seuls. Mais le temps passe, le temps file, il est pressé, tu peux pas l'arrêter, et même si tu pouvais, tu ne le ferais pas, ce serait égoïste, t'as d'autres gens à aimer, à câliner, à couvrir de bisous. Y a des gens qui comptent sur toi, toi le petit jeune. Alors tu te résignes, Verdun, tu fais semblant, en tous cas, et tu mens bien, jusqu'à la dernière minute, en tous cas, tes parents, ils y croyaient. Mais les mensonges, ils se fanent toujours, ils deviennent tous pâles, grisonnants, ils s'effondrent d'eux-même, s'autodétruisent, et c'est pas plus mal en fait, sinon tout le monde croirait aux mensonges, pour toute sa vie. Ton bobard à toi, c'est toi qui la gâches, qui la fous à terre, dès que la première larme roule sur ta joue. Et tu te mets à crier, tu ne veux, tu veux te cacher, t'essayes de claquer les portes, mais ils sont habitués, t'as fait ça l'année dernière.
Alors tu désires très fort être tout petit, pour pouvoir te cacher. Et sans que tu comprennes pourquoi, ta mère se met à crier, elle se jette sur la table basse, ton père te fixe avec des yeux écarquillés. Tu penches la tête d'un côté, tu renifles, tu remues le museau, tu remues tes petites oreilles rondes. Ton museau ? Tes oreilles, rondes ? Tu réfléchis, tu comprends pas. Et puis tu regardes de nouveau ta mère. La table basse du petit loft te semble une table géante, et l'être juché dessus, c'est ta mère, mais plutôt version ogre. Et ton père ? Même verdict. Ils paniquent, tu paniques. Tu comprends pas, qu'est-ce qu'il se passe ? Tu deviens fou, bébé, t'as des hallucinations, non seulement on va pas te laisser en Allemagne, mais en plus, on va t'enfermer dans un asile, avec les bras serrés dans une camisole. Tu voudrais te frapper la tête, tu lèves ta patte. Ta patte ? Ça marche pas ; au lieu de ça, tu tombes. Et puis ça devient clair, quand tu vois tes pattes, des pattes de rongeur. Tu t'es transformé. Mais comment t'as fait ça ? Ta mère, elle a pas le temps de se demander. Elle tombe, géante, ton père, immense, la rattrape. Et tu tombes, exténué.
— Putain mais qu'est-ce qu'on va faire ?
— Je sais pas. Calme toi, va.
— Mais, mein Schatz, tu sais, je pensais pas que ce genre de trucs, c'était possible !
— Ta mère aussi avait un truc comme ça pourtant !
— Ne parle pas de ma crétine de mère ! Et puis ce ... truc, ce putain de truc, ne devrait pas sauter une génération ! C'est pas possible, je veux pas avoir à gérer ça.
— Tu n'as pas le choix. Calme toi, s'il te plaît.
— MAIS TU TE RENDS PAS COMPTE PUTAIN.
— Si. Mais ça ne change rien au fait que Verdun est notre fils. Et qu'il va falloir lui expliquer.
— Et si on lui disait pas ? On aurait pas de problème, pour gérer.
— On va lui dire, ça fait partie de lui.
— Et cette école-là, elle accueille à partir de quand ?
— Douze ans.
— Et pendant ces deux putain d'années, on fait quoi ?
— On a reçu un bracelet de protection, pour pas qu'il déclenche son don.
— Ouais bah. T'as qu'à lui expliquer toi.
—
— MAMAN, TU SAIS JE T'AIME. T'es tellement une bonne maman, je suis sûr dans ma vie d'avant, t'étais aussi ma mère, parce que sinon, hé bah j'aurai pas été un badass dans mes vies antérieures.
— Prends soin de toi, Verdun chéri.
— ET TOI PAPA. Toi t'es badass à mort aussi, tu sais, c'est trop cool, ce que t'as dit, comme toi tu m'enregistras tous les reportages que tu trouves sur les étoiles, et que tu me les enverras, tu gères Papa.
— Merci, mon fils. Allez, hasta la vista.
— ET TOI FRANGIN. Continue de be rauksor, j'suis sûr j'vais te manquer en plus, t'auras plus personne pour te stalker, et te faire des câlins, et des bisous, et tout, et tout.
— Ouais, bien sûr, tu me manqueras. T'inquiète, on se revoit, Bruder.
— ET JE VOUS AIME TOUS. Allez voir la frangine ce week-end un, et dites lui que je l'aime.
— T'inquièèèèèèète, on transmettra le message.
— Han je veux plus partiiiiiiiiiiir !
— T'as pas le choix, fils.
— OK OK JE VOUS AIME OUBLIEZ PAS.
T'avais tout rassemblé le soir d'avant. Tes bonbons, fourrés dans ton sac, tous en blocs. Tes Legos, tes Playmobil, enfoncés dans le sac aussi. Toute ton armoire, atterrie dans une valise qui faisait au moins ton poids. Et t'avais ta peluche, dans un bras. T'avais écrit tous les numéros sur ce bras-là, et toutes les adresses sur l'autre. T'avais même une sucette fourrée en bouche, c'est dire que t'étais prêt. Et t'avais ce sourire, celui qui dit, moi, aujourd'hui, je vais découvrir un nouveau monde, un monde que vous ne connaîtrez jamais, sûrement. Et tu partais aborder ce nouveau monde avec tout ce qu'il te fallait pour survivre, et même plus. Il t'aurait juste fallu ta joie, ton sourire, et puis bien sûr, des vêtements quoi, et ce monde aurait été à toi. Alors tu leur avais dit adieu en braillant, en chialant, t'avais étalé tes larmes sur tes joues, sur ton T-shirt, sur leurs joues, sur leurs T-shirts, t'avais rejoué un mélodrame, on aurait dit que tu connaissais ton rôle sur le bout des doigts, et du coup, ça faisait un peu tragi-comédie. Mais toi t'improvisais, t'étais lancé tout droit, et tu savais pas quoi dire, alors tu disais n'importe quoi. Et tu gâchais ton temps pour les adieux, du coup, et toi tu voulais les faire quand même, tes aurevoirs, alors tu le prolongeais, ton temps imparti. Tu braillais au milieu de la gare, t'en pouvais plus de brailler, les gens ils te regardaient, et toi tu t'en fichais, tu hurlais ton malheur de plus belle. T'avais failli rater ton train, t'avais pleuré tes larmes en courant, t'avais martelé tes pieds sur le béton, t'avais failli t'étaler de tout ton long dans les escaliers, t'étais sauté dans le train, et puis tu t'étais assis à ta place. T'avais collé ton nez à la fenêtre, et c'était parti direction leur école de fous, l'école où t'allais apprendre ton don.
Et maintenant, tu passes le portail en jurant en allemand, tu les regardes tous, tu leur souris. T'hésites à rire, même si t'es heureux. T'as personne pour te visiter, alors t'engloutis tes bonbons à toute allure, tu traînes ta valise dans les longs couloirs, tu la traînes, tu traînes tes pieds, tu traînes ta bonne humeur. Jiminy Cricket dans ta tête, ça fait longtemps qu'il se tait, parce qu'il sait que tu l'écoutes pas, mais là, il parle, il te dit d'éviter ci, de passer par là et de parler à telle personne. Et puis tu cours, tu cours du mieux que tu peux, tu tiens ton gros bagage à une main, tu l'entraîne dans ta course, t'as des étoiles dans les yeux. Les gens ils te regardent, et toi tu les regardes aussi, et tu vois sur leurs visages un air différent que celui qu'y a d'habitude. Ils ont l'air de dire que ton comportement est normal, et toi, ça t'encourage tu coures, t'évites les gens, tu balances ta peluche, tu la fais tournoyer par les oreilles. Tu te perds, plein de fois, tu te retrouves, et puis tu passes ta journée à faire ça, finalement, ta journée à tourner, bras tendus, sourire aux lèvres. Et tu t'effondres sur ta valise, tu tombes. Tu t'écrases, 'éclates de rire, tu contiens plus rien, ça secoue, ça secoue, ça sort tout seul. C'est beau un rire, ça fait une drôle de mélodie, un truc entraînant, un truc contagieux. Et puis rire ensemble ça rassemble, rire c'est le propre de l'homme, qu'on te dit. Toi tu sais juste que rire c'est beau, et ça te suffit, et tu ris, et ça te remplis, et t'as l'air idiot, mais tant pis. T'es heureux, bébé.
Tu te rends compte que t'es libre, au moins ? T'enlèves ton bracelet, et puis tu reprends ta course, t'as déjà mangé plein de bonbons, alors tu sautes partout, tu cours, tu bondis, et t'avances, tu tournes, t'avances, tu cours, tu cours, t'arrêtes plus de courir, et ça te rend heureux, parce que finalement, tu cours tout droit, et tu réfléchis pas. T'es là pour ton don, t'as le droit de l'activer alors, c'est pas grave, t'es pas obligé de porter ce truc qui gratte, c'est ton lapin qui le porte maintenant, au cou, et la peluche, tu l'as fait tournoyer, elle a l'habitude, ça se voit, elle est recousue partout, elle est recousue tout le temps. Mais maman elle est plus là pour te la recoudre maintenant, pas pour le faire sur le champ en tous cas, alors tu te débrouilleras, tu feras attention, tu la chériras. Tu la promèneras moins, tu la laisseras dans ta chambre peut-être. Et tu remarques que le souffle te manque, que tes jams sont lourdes, que t'es fatigué, alors tu t'assois, t'observe, et tu vois que les gens, ils sont originaux, comme toi, tous un peu différents, tous un peu pareils. T'attends qu'on vienne te chercher, tu plisses les yeux pour patienter, et puis finalement, tu t'endors souriant, debout à côté de ta grosse valise.
—
Tu passes une main dans ta tignasse blonde, et tu les ébouriffes, comme faisait le frangin. Ils sont longs, tu sais, tu devrais peut-être les couper, bébé. Et tu veux pas, tu toucheras pas à tes cheveux, personne changera ta coupe de folie. Et puis tu passes ton regard tout doux, avec sa belle couleur brune, aux reflets ambrés, ses teintes de miel, de sirop d'érable, tu le coules sur les gens tout autour. Elle est belle la cour, et y a plein de gens qui s'activent. Le saule pleureur te fait de l'ombre, il fait des reflets bizarres sur ton visage de gosse. Y a pas que dans ta tête que t'as pas grandi, Verdun, mais ton physique t'y peux rien, c'est pas grave. T'as connu des gens ici. Des gens bleus, des gens verts, des gens jaunes, des gens rouges, des gens bons, des méchants gens. Des gens que tu soûles, des gens qui te fuient, des gens que tu couvres de bisous, des gens chez qui tu vas chercher des câlins. Des gens que tu colles, des gens qui te collent, des potes, des fêtards, des sérieux, des frimeurs, des bizarres, des idiots, des intelligents, des matheux, des littéraires, des geeks, des passionnés, des fous, des travestis, des hermaphrodites, des guitaristes, des pianistes, des satanistes, des anarchiste, des punks, des rockeurs. Des gens pleins, de gens, des gens en folie, des gens habités par la folie. Et c'est un peu ta grande famille, et pour une fois, tu les regarde, tu ne dis rien, tu les aimes en silence. Ta frangine aurait été fière de toi. Alors tu souris, et puis tu leur tourne le dos. Tu les aimes. Tu te baisses, tu cueilles une fleur. Une de ces fleurs qui font les bonheurs des petits bébés et des grands enfants. Tu n'échappes pas à la règle, surtout pas à celle là, parce que cette règle-là, tu l'aimes. Et tu te retournes, et puis tu souffles sur le pissenlit, tu souffles de tout ton coeur, les graines, elles s'envolent, elles toucheront peut-être certains personnes, elles feront fleurir d'autres pissenlits, et certains de ces gens les souffleront. Alors t'es heureux, et tu pars en riant, et tu chantes ton truc allemand, t'as pris l'habitude de le chanter tout le temps. Heureux, heureux, heureux.