and for the first time in a long time, i feel alive — cadeaux

22-05-2013 à 22:11:44
05/02/2013

— Dis, pourquoi tu pleures ?

Israël murmure. L'enfant ne hausse jamais la voix - de peur d'effrayer les anges. Il ne fait que chuchoter - les échos de sa voix martèlent les mots, insistants. Il n'oublie pas, jamais. Ça fait mal, dans toute sa rhétorique. Pourquoi pleures-tu, Hénoch ? Vous n'avez pas besoin d'être le mythe qui renaît de ses cendres. Le gamin s'appuie à la fenêtre. Ses bras pendent dans le vide, il se penche en avant. Tu le retiens, de peur qu'il bascule. Tes larmes coulent, libres, sans barrière ou frontière - comme tu aimerais l'être. Ce monde-là ne t'appartient pas. Peut-être est-ce celui d'Israël ? Ses pieds de même patinent, en appui sur le vide - à l'abri dans tes bras. Ton sourire déchire ton visage. Ces mots-ci ne sont pas des mots à susurrer aux oreilles des enfants. Pourtant, son cœur irradie de cette douce chaleur si près du tien. Qui es-tu, Hénoch, pour te ressourcer dans cette douce lueur - en as-tu seulement le droit ? Israël tend ses mains vers l'azur noir de cendres.

— Dis, pourquoi tu pleures ?

Israël a les yeux qui se remplissent de flammes. L’enfant, alors, se perd dans l’éther – évadé du doux cocon que formaient tes bras autour de lui. Des yeux, il embrasse les étoiles, qui brillent là, rien que pour lui – il a le cœur qui se soulève, qui se retourne ; le tien se serre quand il s’échappe. Tu n’es encore qu’en enfant, Hénoch. Ce n’est peut-être plus toi que l’on empêche de sauter – peut-être en tout cas plus de le faire à la poursuite de tes rêves – et, pourtant, c’est toi qui sèche tes larmes dans les plis de ton écharpe trop ample, offerte par l’enfant qui s’envole. Israël est bien trop loin de toi, tu ne crois pas, Hénoch ? Bienvenue dans son monde. L’enfant s’envole – il croit encore au paradis, alors il peut se baigner dans les nuages et y retrouver la torpeur moelleuse de ses draps lorsque tu viens l’en tirer le matin. Pourtant, Israël a dans les yeux l’odeur du charbon qui crépite – tout sourire pour le feu qui naît des folies de son cœur.

— Reviens-moi, Israël.

Israël tourne la tête – ses yeux ont des éclats de braise quand ils rencontrent les tiens. Il marmonne quelque chose que tu ne comprends pas et tu fais mine de faire attention. Ouvre les yeux, Hénoch – tu n’as pas besoin d’être adulte avec ce gosse-là. Il se pelotonne contre toi ; il ronronne presque. Tu passes sa main dans ses cheveux, en ébouriffe les mèches entremêlées. Il vit encore dans un monde que tu ne connais pas – les nuages y ont un goût de barba papa et les adultes n’y mentent pas. Il se serre un peu plus fort contre toi – ses doigts s’enfoncent dans la chair de ton dos ; ses phalanges griffent ta peau. Il te fait mal. Israël brûle – ne le touche pas, Hénoch, éloigne-toi. Tu as un mouvement de recul et il tombe, s’écroule en arrière. Les larmes naissent des bords de ses yeux incandescents.

— Ezéchiel dit qu’Israël, c’est interdit.

Rumen sourit entre ses larmes – il te tend une moue triste. Il est un peu adulte, ton ange, quand il porte ce prénom-là. Alors, tu t’approches doucement de lui. Parfois, il hoquette entre ses larmes bouillantes et tu te figes. Est-ce que tu te rends compte, Hénoch ? Rumen est dépendant tout autant que l’est Israël. Il a les mêmes ténèbres enflammées gravées sur la peau. Il frémit alors que ton doigt glisse doucement sur ses joues, bordant ses larmes. Tu n’es que douce comptine dans un monde où l’on jette des cœurs d’enfants dans les autodafés. Le gamin t’écrase sans le vouloir. Il est accroc, Rumen – à tes mains douces qui caressent sa peau lorsque tu sèches ses pleurs d’enfant. Il se colle contre toi et tu ne protestes pas. Tes pensées vont à Ezéchiel, un instant – à vos corps qui s’enchaînent, à vos noms bibliques qui éclatent dans vos accents bulgares. Israël attrape le briquet et peut-être est-ce Rumen qui l’allume – cela importe peu. La flammèche tremble un peu entre vos yeux, perd l’équilibre, tombe ; se rattrape, crachant l’odeur du kérosène dans une toux tuberculeuse. Israël se mord les lèvres, si fort que l’enfant a le goût du sang sur la langue – c’est âpre, visqueux et il en grimace – d’un horrible sourire.

— Déteste-moi, de tout ton corps.

Israël hurle presque. A tes oreilles, ses mots sonnent amers, presque délavés – rescapés d’une guerre que tu n’as pu connaître, perdu que tu es dans ton monde d’adulte où l’on se contente de mentir. Les ombres s’embrasent, effleurent tes bras d’une morsure ardente. Il s’approche de trop près, alors tu recules. L’enfant braille et son souffle a les flaveurs du carbone qui grésillait. Le briquet implose sur le sol de ses derniers échos de naphte – l’odeur te monte à la gorge. Pourquoi pleures-tu, Hénoch ? L’enfant s’écroule sur toi – tu ne sens plus rien d’autre que les griffures passées de ses doigts qui ébranlent ta chair. Le sang afflue à tes joues. Tu suffoques, Hénoch. Essaie d’ouvrir les yeux – tu t’étouffes. L’éther dans son souffle crame doucement les restes de vie que tu expulses – tes poumons crachotent. Les flammes se répandent dans ton cœur – doux feu de bois. Israël fait mine de t’embrasser ; ses dents s’accrochent à tes lèvres et tu retiens ton souffle. La douleur n’est plus rien quand on oublie ses mots dans les relents de pétrole. Tu n’es plus que néant annihilé, Hénoch.

— Abhorre-moi encore plus fort.

Israël détonne dans ses sanglots. Tes pensées reviennent à Ezéchiel qui, entre deux étreintes et quelques baisers charnels, te parle du marmot – chéris-le, abomine-le ; il lui en importe peu. Israël est dépendant et il n’a d’autre drogue que le mal qu’il entrevoit dans les flammes. Pourtant, il n’est qu’un enfant et c’est ce môme-là qui pleure et que tu fais basculer sur le côté. Israël éructe des ardeurs de cierge.

— Dis, Israël, je vais te conter une histoire, d’accord ?

Israël tient le monde entier dans ses mains – et tu lui tends la tienne. Tu l’emportes Hénoch, de deux baisers claqués sur ses joues humides et de ses doigts entre les tiens – tu le traînes vers des aventures auxquelles son cœur d’enfant brûlé aspire. Ses mains s’écartent dans l’air, doigts tendus, comme s’il cherchait à caresser les nuages. Dans l’azur éthéré, parmi les étoiles, brillent les mots tapis dans le cœur d’un jeune homme ; ses phrases en tissent les histoires, comme tant d’utopies que l’on chérit du bout des lèvres et du creux des étreintes. Dans le firmament brillent les figures des anges, peinturlurées de la suie des rêves de l’enfant. Ils sont là, personnages de contes qui ne sont pas les tiens – pourtant, ils te prêtent gracieusement leur monde. Tu y construis le carrousel de la vie, Hénoch, découpé dans un élan de douceur, pour qu’Israël y joue – pour qu’il y chante le bonheur.

— C’est l’histoire de tous ces gens-là.

Parmi les astres scintillent les yeux violacés d’un petit garçon roux dont le cœur n’appartient à aucune terre et l’enfant sourit à la moue grognonne parsemée de barbe drue d’un visage qui lui paraît connu. Brillent surtout dans les accents de mort céruléenne du jour les effluves de voyage, de contes qui se murmurent encore, de portes vers l’infini. Les légendes se mélangent dans ta voix, Hénoch. Ce n’est pourtant pas toi qui leur donne vie – c’est ce magicien, par-delà les étoiles, dans un monde que tu ne pourrais appréhender. Est-ce que tu comprends, Hénoch ? Il est des gens qui ont au bout des doigts et dans la voix tant de fables que tu n’en pourras jamais connaître. C’est les chroniques de ces gens-là qui naissent ce soir dans tes intonations. Parmi elles, surtout, tu racontes à l’enfant qui ronronne doucement, blotti contre toi, celle de ce jeune garçon avec un cœur en or – c’est vers lui que les visages peints dans le ciel se tournent ce soir. Tu le narres ainsi, Hénoch : ce soir, c’est pour lui, surtout, que les étoiles brillent de leurs lumières explosives. Cette nuit parmi tant d’autres, sans qu’il ne le remarque. Crois-tu qu’il sourit, Hénoch ?

— Dors bien, mon cœur.

Les flammes s’étirent en ronronnant dans l’âtre, domptées par les mots susurrés. Alors, l’enfant s’endort – séchées, les larmes, envolées, les morsures. Croasse la corneille, par la fenêtre ouverte. Dans les rêves du gamin, elle s’envole, tu sais, Hénoch ? Crois-tu qu’elle pourrait attendre les étoiles ? A ton cœur, le vieux corbeau est déjà étoile filante, aux lueurs d’arc-en-ciel. Il faut sourire, quand le soir soupire, sourire pour de tels miracles – célébrer la magie des mots surtout quand ils viennent du conteur des odyssées que tu marmonnes pour l’enfant que tu berces. Israël s’apaise lorsque les mots l’enchantent flammèches oniriques aux charmes de ses chimères.

— Pardon pour les sourires.

Oh, Israël …
Les promesses sont douces, quand elles viennent des étoiles

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22-05-2013 à 22:13:43
05/02/2012

Vacillant, au son du soleil épuisé, un sourire naquit sur ses lèvres ; un peu étiré, soufflé par une brise fleurie, affable ; comme un coup de couteau qui, dévoilant ses dents blanches, alignées, perçaient le bronze forgé de sa peau.
Il dansait.
Bras étendus, autour de lui comme, soudain, les ailes d'un oiseau qui pliaient les jambes, prenant son envol. En cela, le gamin avait quelque chose du poète en partance vers le grand infini du ciel.
Il avait surtout quelque chose de ce bonheur pur qu'ont les enfants lorsqu'ils oublient les fardeaux des adultes. Pas un instant ses genoux se pliaient ; cependant, appuyé sur ses pieds de toute sa frêle carrure, il tournoyait comme si, soudain, il s'était cru carrousel, porteur de rires à des bouches innocentes. Il l'était en quelque sorte, comme un bambin quelconque un peu vieilli, délavé déjà par la fureur des années ; brûlante torpeur dévastatrice.
Et, sous bonne garde de sa dame nocturne, l'enfant continuait à s'embrouiller, perdu dans ses tours sur lui-même, comme s'il était décidé à ne jamais tomber, ployer sous les caresses molles du vent.
Autour de lui les pans de sa tunique qui se relevaient dans le mouvement formaient une auréole, pour lui, brave ange de ces contrées lointaines, qui ce soir n'aurait voulu que sourire.

Pourtant, restait cette pression illusoire sur sa cuisse, d'une arme salvatrice, qui aurait, encore une fois, sauvé un monde ce soir, s'il n'avait pas décidé de l'ôter pour la poser en contrebas ; si près du lac roulant, centenaire, ses flots tranquilles, gardant, sempiternel, les enfants de son cœur.
Le garçon n'était qu'un pion dans le grand jeu du monde, une tour dans l'échiquier, quelconque dans l'univers.
Jamais il n'avait voulu de ces voix croassantes, ces cris désespérés, ces sourires ravis ; de cette attention impromptue qui l'avait arrachée à son monde sous les traits d'un grand homme.
Il se souvenait encore du voyageur qui lui avait tendu la main, lui demandant, poli, s'il voulait bien l'attraper et venir avec lui ; partir voyager, découvrir des contrées qui, jusqu'alors, lui étaient inconnues. S'il se rappelait jusqu'au moindre trait de ce charmant colporteur, ce n'était pas le cas de la réponse qu'il avait donnée.
Il ferma ses grands yeux violets alors que ces lèvres se fanaient sur une douce moue rêveuse, bordées de ses rêves d'enfant ; puisqu'au fond, c'était ce qu'il était resté. Peu de gens voyaient encore cela en lui ; pourtant, c'était bel et bien le cas.
Le spectre effacé d'un visage au teint doucement hâlé s'imposa, bravant le noir de ses paupières closes. Un visage envahi de mèches grisonnantes et de barbe drue et, dans ses yeux gris, sur sa bouche, cet air bourru d'homme qui a perdu et sacrifié trop de rêves pour en arriver là, dans lequel le jeune garçon distinguait pourtant une nuance colorée de paternalisme affectueux – ou de quelque chose s'en rapprochant.
Un soupir passa la barrière de ses lèvres : si, parfois, il ne savait que trop peu en quoi croire, il était, en son cœur trop grand, convaincu que quiconque avait pu créer cet homme était une personne merveilleuse. Bien qu'il lui arrivait d'articuler des mercis silencieux à l'entité en question, il avait l'impression qu'il ne la remercierait jamais assez ; pour ce que cet homme avait fait pour lui.
Il avait fini par attraper sa main et, à mesure qu'il le connaissait mieux, à essayer d'aimer le monde dans lequel il avait été ainsi propulsé à l'improviste.

Il rouvrit les yeux sur un monde qui tirait sa révérence, entraîné dans la décadence de l'astre des jours.
Au fond de son cœur enfantin, il rêvait d'encore se laisser tourner ; de n'avoir à décaler sa silhouette offerte à la nature, qui tendrement le couvait de ses bras éternels, que pour replacer derrière ses oreilles ses boucles rousses qui tantôt l'aveuglaient, empêchant devant ses yeux l'univers de tournoyer avec lui. Il laissa tomber alors, la grande valse dans laquelle il s'était engagé, ployant les genoux pour mollement, échouer dans la neige argentée.
Ce soir, l'enfant se serait presque pris à se croire autre qu'il ne l'était, comme si une grande joie sucrée avait, tout soudain, refermé ses doigts sur son cœur, pour le faire battre plus fort et plus espérant. C'était venu comme ça, avec la première étoile s'étirant dans le ciel, comme un sourire dont il serait l'unique destinataire.
Et il n'oserait mentir, il adorait ça.

De délice, il ferma les yeux.
La brise, à ses oreilles, chantait une mélodie aux couleurs vives de l'arc-en-ciel.

Quelque part, dans son souffle, son sourire, son pouls, il se rappelait des mots, qu'il se souvenait pourtant ne jamais avoir entendus. Ils sonnaient tous étonnamment joyeux, chantants, agréables.
Ils s'échappèrent dans un murmure de sa bouche.
Ils avaient l'odeur des feuilles mouillées sur les pavés, la fraîcheur du vent dans les branches pleurant leurs défuntes amies, l'amertume doucereuse des gouttes de pluie et la mollesse brûlante des feux de tout bois.
Ils étaient automne au milieu de l'hiver, décalés sur ses joues rosies, fascinants mélanges de mondes qui s'entrechoquaient.
Les mots s'évanouirent dans une sensation telle qu'il n'avait jamais connue.

Un grognement grésilla entre ses lèvres.
Cette nuit, quelque chose avait décidé de tout chambouler, depuis tout là-haut, entre les étoiles. Une fois ou l'autre, il avait eu affaire à ces entités complexes, au cours d'une de ses nombreuses pérégrinations. Jamais il ne s'était remis entier de ce genre d'histoires.
Cependant, entier, il était plus qu'un banal passant. Tant d'années avaient laissé leurs traces sur sa peau qu'il avait depuis quelques éternités perdu le compte ; bien qu'il ne l'ai jamais vraiment tenu.
Un lent soupir tordit sa bouche en une moue fatiguée.
Ce ne pouvait qu'être ce qu'il supposait ; et, si cela se confirmait, la nuit serait, encore une fois, bien occupée.

L'homme pencha tranquillement son dos raidi.
De ses mains ouvertes, il fendit doucement la quiétude du lac, veillant à ne pas troubler ses flots. Cette brèche de calme dans le continent, en ce moment remué de part et d'autre, méritait à son avis que l'on prenne soin d'elle comme elle le faisait d'eux, les abritant dans ses branches sombres, parées de nuit.
Une rasade d'eau claire disparut de ses mains, roula une seconde sur sa langue, pleine de tendresse éternelle, comme si elle cherchait à apaiser l'homme au cœur gonflé ; enfin, s'en fut.
Résigné, le voyageur - arrêté quelques instants en ces terres auxquelles, quoi qu'il en dise, il appartenait – se saisit des bottes de cuir sombre qu'il avait abandonné à quelques pas de la berge et, grommelant, les renfonça sur ses pieds.
Ce soir, il aurait peut-être toléré qu'un quelconque camarade vienne lui adresser la parole, voire aurait apprécié converser avec la personne en question ; cependant, son cœur désirait ardemment la paix de la part de ses gens qui s'amusaient à chambouler leurs vies, comme s'ils avaient pu décider que, d'un sourire, jour serait nuit.
Quelques mètres enfouis de flocons glacés se dérobèrent à ses pieds, tandis que, nerveux, il s'approchait d'une fenêtre qu'il avait lui même forgée vers d'autres mondes.
Ce soir, s'il n'était plus un mage, seulement un voyageur, il n'en restait pas moins un homme inquiet.

Pourtant, un sourire s'étira sur ses lèvres, gonflant un peu ses joues pâles.
Il leva une main vers son visage, comme s'il avait voulu s'assurer qu'il ne rêvait pas ses lèvres plissées. Ses doigts rencontrèrent une barbe drue, fraîchement taillée.
Son bras retomba doucement, et se plaqua nerveusement contre son corps dissimulé dans sa chemise et son pantalon de voyageur.
Ce n'était pas un songe, conclut-il, sentant trop vivace la morsure du froid sous ses yeux vaguement cernés, caresse insolente.
Il fronça les sourcils.
Son cœur avait sans mot dire cessé de vaciller.
Quelque chose s'agitait vraiment, là haut.

Et il faillit s'effondrer, lorsque, d'un coup, des bribes de souvenirs lui revinrent, en vrac, faisant ployer ses épaules tenues hautes.
Quelques rires, des sourires, des mots, dont il ne se souvenait plus, chantants, rassurants, dont il marmonna l'air. Ses yeux de gris maussade, se firent bleutés, alors qu'il recouvrait le bonheur de temps anciens et révolus. Sous la pression étrange des images valdinguant, il ne se souvenait plus même du mot à mettre sur toutes ses phrases bariolées ; lui revinrent encore, joues rouges, poignées de main, cris d'enfants, bras serrés autour de lui. C'était comme si soudain, tout son bonheur passé avait décidé de revenir gonfler son cœur d'un souffle bravache.

L'homme passa une main anxieuse dans ses cheveux courts, taillés récemment ; ses doigts ne se perdirent néanmoins pas longtemps dans les mèches noires – retombèrent plutôt serrés dans sa poche.
Envers et contre tout, il se sentait heureux, comme rarement il avait pu être ; non pas qu'il ne l'ait jamais été – il s'agissait simplement loin d'une joie qui remuait aux tripes. Par cela, il se sentait un peu gamin redevenu, à s'extasier comme cela, sans bien savoir pourquoi.

L'unique chose qu'il savait devoir attendre était une sensation qu'il n'avait que trop bien connue.
Alors qu'il levait la tête pour murmurer des interrogations outrées aux étoiles, il s'effondra au sol, renversé par le tourbillon qu'il avait tant attendu.
Sans résister, il se contenta de se laisser emporter.

Comme il s'y attendait, il se retrouva ancré ailleurs, sourire aux lèvres, respirant un air différent.
A chaque fois un monde nouveau ouvrait pour lui ses portes.

Pour eux, dut-il se rectifier lorsque, les yeux plus grands ouverts, il jeta un coup d’œil aux alentours et découvrit de nombreux visages, dont certains, peut-être, lui étaient connus.
Certains autres, non.

Il n'avait désormais plus qu'à attendre les mots qui, toujours, venaient.

Tremblant sur ses jambes, le jeune prophète se retrouva les pieds enfoncés dans une moquette moelleuse, frissonnant dans sa tunique gorgée de flocons éteints.
Au fond de ses yeux, une brève seconde, la peur se devina. Il s'écroula doucement ses genoux, sourire troublé un court instant par un pli étonné.

En dépit de cela, il réagit plus vite que d'autres autour de lui, qui, hébétés, restaient là, prostrés, hors même de leur caractère.
Il tourna la tête ; peut-être d'abord à gauche, ou au contraire, à sa droite.
A quelques reprises le jeune homme croisa des sourires et de traits connus qui le firent sourire en retour, des étoiles au fond des yeux.

Dans la pièce, tous les sens se mêlaient, comme si, soudain, ils donnaient une farandole, en l'honneur peut-être de ce qui les rassemblaient tous, bien qu'ils ne soient pas au courant de quoi il s'agissait.
Les murs se perdaient, derrière des livres empilés, et l'odeur amère des pages jaunies se glissa entre ses lèvres entrouvertes, doucereuse et fleurie, roulant sur sa langue.
Tous les mots du monde dansaient, autour d'eux, une valse infinie ; battant le rythme, l'allégresse de son cœur.
Un homme le bouscula, qu'il avait croisé quelque fois, au cœur de la forêt sempiternelle qui enfermait leurs rêves entre ses branches ; douce mère qui gardait sur ses joues les songes en baisers claqués de ses enfants par peur d'un jour les voir revenir le cœur crevé, hors d'haleine.

Les rêves ne devaient pas mourir.

Ses lèvres étendues entre grimace et sourire marmonnèrent quelques mots d'excuses au gamin qui s'était par hasard trouvé sur son chemin.
Le voyageur alla s'abriter dans l'ombre d'un coin de la pièce, entre deux piles de vieux bouquins fleurant les larmes des hommes. Son sourire se fit plus grand.
Jamais encore l'entité ne lui avait fait le coup de la bibliothèque ; il trouvait habituellement dans ses voyages entre les étoiles de ce monde quelque chose de plus fantasque, plus tordu. Ce qui n'était pas étonnant, de la part de l'adolescent qu'il avait déjà rencontré à quelques reprises.
Cependant, il sentait ici quelque chose de différent, qui ne ressemblait que vaguement à ce qu'il avait vu auparavant. Brièvement, il eut un soupir grinçant. De manière évidente, cela devait venir d'une autre entité.
Plus joyeuse, peut-être, et ce devait-être en partie cela qui avait dérangé les étoiles dans son ciel tranquille, cette nuit-là.

Que fais-tu, ce soir, alors que les astres meurent ?
Tu es toi-même étoile. Accoudé à la fenêtre, un sourire aux lèvres, peut-être.
Si ce n'est pas le cas, sache que tu devrais.
Et si tu te demandes pourquoi, là, dans le froid ; sache que ce feu d'artifices est pour toi.
Peut-être que tu ne peux qu'être ces mots, qui se retrouvent là, qui s'animent, loin de chez toi, articulés par tes phrases, que ces sourires que tu donnes.
Parce qu'au fond, tu devrais le savoir, c'est plus que cela, comme toi-même tu l'as dit.
Et tu mérites ce sourire.
Les autres aussi, tu sais, ceux que j'avais tu n'as vu, peut-être jamais tu ne contempleras, qui brille aussi un peu pour toi.

Et les étoiles, tu sais, ne se laissent pas plier par les années qui passent.
Elles sont là, immuables.
Bouge, toi ; écris.
Tu as des gens à faire rêver.

En attendant, va donc les voir, eux, qui t'attendent, dans la bibliothèque.
Ils sont que des mots ; tu les rends feux d'artifices.
Ce soir, ils le sont pour toi.

Tu seras étoile filante.

22-05-2013 à 22:39:55
11/05/2012

Rendez-vous par delà les étoiles.

A ton cœur, tu donneras rendez-vous là où l’azur se pare des lueurs d’arc-en-ciel, là où les sourires s’en vont se perdre.



Tu donneras rendez-vous, à cet enfant, là-bas, qui s’illustre, solitaire, d’un pas de tango, enfoui dans son printemps aux relents d’hiver ; ce souffle, qui sorti de ses joues sous la caresse de ses lèvres, s’embue comme ses yeux se brouillent, ce rouge qui peinturlure sa peau, élan d’art d’un vent frais jouant tendrement sur le gravier doucereux. Enfermé dans sa posture singulière, dos un peu rejeté, en arrière, épaules creusées, lançant à tout va des bras appréhendant le monde, il tournoie, frêle toupie que fait plier le vent. Jamais il ne s’arrête. Rouillés, les mécanismes de son cœur crissent avec lui, tenant canon à la danse farfelue de ses pieds, en ronde. Seuls, les enfants farandolent ; comme si on leur prenait la main …

Les monstres, sous son lit, s’agitent, au fond de ses yeux, noyés dans l’océan brouillonneux de merveilles contenues. Et à ne pas troubler l’enfant fragile qui tremble dans la bise câline, les doigts fins du soleil des effluves de fleurs écloses s’entrelacent aux ondes calmes de ses yeux. Ouverts, tout grand, sur un monde incompris, et qui ne comprend pas. Pourtant, tendu sur la peau pâle, un sourire envahit le monde d’accents acidulés. Entre les lambeaux de peau laissés là par l’hiver impitoyable tornade, un souffle se courbe au bon vouloir du bambin. Un peu en pagaille sur son front, sur ses tempes, sur ses joues, des mèches claires qui l’illuminent un peu. Et d’un amour onirique, songeur, un rêve l’effleure de ses doigts intangibles, aux phalanges extendues ; et d’une douceur de merveilleux, un monde qui le berce, enfant qui perd ses désirs grandioses au milieu de sa réalité torturée.

Les chimères hurlantes, sous les couvertures ; leurs doigts s’agrippant aux draps froissés.

Et l’enfant qui n’a pas de nom sinon celui du doux murmure articulé quelques fenêtres au dessus de son monde ; quelques syllabes sans importance, qui s’envolent, qui s’effacent comme de la craie écrasée contre un tableau noir. Heureux sur le chemin, heureux, l’enfant.

Frissonnant, pourtant, quand, encore, résonnent sur ses tympans comme des mitrailles de battants les accents dégénérés des voix bilieuses. Tremblotant dans les bras du vent qui se déchaîne, couvé par les souvenirs des peurs creusées dans sa poitrine, agitée, son enfance, grelottant aux sons des breloques à paillettes et des babioles colorées. Des rêves, de ceux qu’on prête au mauvais sang, pleins d’yeux écarquillés, fendus, entourloupés de pupilles un peu brillantes, un peu frémissantes ; un cri, hurlant, sirène d’alarme à ses sourires décomposés, aux cadavres grouillants de ses espoirs. Et la bile sur ses joues, coulante, collante ; tannant sa peau comme une mauvaise blague – celle de la gifle sifflante sous les sifflements. Aberrant d’inhumanité glacée, le cri qui se répercutait dans ses entrailles. Encore. Toujours. Arrachant un rire à ses tripes, horrible, dissonant ; quand la cacophonie prenait les notes délicates, dansantes de la mélodie …

Parce qu’il était heureux, l’enfant ; venue lui rappeler, la main entrelaçant doigts aux siens.

Comme une étoile, qui se mirait dans ses éclats d’astre scintillant.

Et le soleil se mêlait aux ombres, délicat, et c’était le souvenir d’un sourire qui lui remontait en travers de la gorge comme une nausée un peu sucrée. Chamboulant ses cauchemars, un souffle sur ses joues arrondies, achevé sur ses lèvres entrouvertes, une caresse chaleureuse dans son cou, finissant dans sa main, et ses doigts qui serraient les siens. L’enfant, rougi de partout, au creux de ses joues, comprimait dans sa poitrine son souffle. La peur s’acharnait à cogner contre ses côtes, comme son cœur s’affolait dans sa sauvage envolée. Arraché à ses rêves bilieux, emporté au cœur du monde battant, onirique, paumé dans les ondes frissonnantes. Un sourire effacé comme le pâle souvenir du claquement d’un bilboquet, et qui tournait autour de lui sur des traits fantomatiques, ondulant à la bise du printemps naissant. Un instant le visage déformé et l’enfant qui recule découvrant encore une fois les cauchemars qui transpirent ses nuits saccagées. Et le spectre qui le pousse, un peu, au creux du dos, qui lui prend la main abandonnée, et l’entraîne dans une douce farandole. Aux bras des fantômes, les enfants dansent ; comme si on leur ouvrait les bras.

Il se souvenait, invisible, d’un baiser intangible qui, brassé sur ses lèvres, fourmillait jusqu’à son cœur. L’astre qui lui coulait entre les doigts ; l’étoile de ses nuits, si belle étoile, de sourires parée. Et cette sorte d’amour aux effluves de fruits mûrs qu’on lui jetait dans les bras. L’enfant alors restait bambin et susurrait des mots chaotiques, maladroits. La vérité déchirée du monde pantelant s’échappait de ses lèvres.

L’étoile se cachait dans les couvertures, frissonnant sur les draps ; et ses reflets d’éclats se miraient dans la vitre ouverte au soleil. Et c’était devenu un univers de mains qui se tendent et de sourires qui s’étendent. L’écho de son bonheur et ses goûts doucereux de citron acidulé. Alors, doux enfant, croit au monde, à ses débris ramassés parmi les ruines des mensonges, à son cœur semé par la vie qui s’étire. Petit garçon avec son sourire contre l’ennemi barbare fait trembler son monde d’un accent d’espoir. Encore quelques mots murmurés aux chimères et l’univers déguisé entrera dans la ronde.
Les résonances aux échos de tes sourires bouffés par les monstres se font dans son cœur mélodie vicieuse qui fait trembler tes membres. Le cœur gonflé il s’’étend, bras lancés, sourire tendu, torse bombé. Frêle comme un enfant debout dans une flaque de boue ; visage caressé par le vent, qui mordille avec une tendresse amante de ses tempêtes glacées. Quelques notes, rien d’autre, qui dansent sur ton tempo envolé, dégingandées. Tourbillonnent au cœur du monde, mêlées au plaisir d’argent des dames sélènes qui couvrent tes nuits. Et le rythme étoilé aux parfums acides qui te mord les joues.

Et les monstres sous son lit ; les rêves qui l’accueillent dans leurs bras.



T’es un peu cet enfant, au sourire retrouvé, qui s’abandonne au bras de ses peurs êtres aimés. T’es un peu ce sourire, qui fait tournoyer le monde entre ses doigts.

T’es un peu cette magie qui fait tomber les étoiles.



Enfant, aux monstres qui l’embrassent ; et il lance ses sourires, par delà les étoiles. Sur son visage, bordant ses yeux, naissent des cernes ; l’enfant donne rendez-vous à ses songes, quelque part, au milieu de la nuit, quand la Lune dans le ciel se met à valser. Au creux de ses joues, bercées par les fossettes de son sourire, les ondes qui se courbent, lumières farfelues, tout en explosion barbouillée – boum boum c’est son cœur chef d’orchestre. Autour de lui les immeubles se penchent, dégainés leurs toits arrondis, jetées en vrac leurs fenêtres pantelantes. En ronde aux mains attrapées, opprimées, enchaînés, ils dansent une valse de rires qui éclatent déchiquetés. Lueurs fébriles, dansantes dans les cages délabrées. Brûlant les yeux les couleurs qui se brisent sur des vitres explosées, parmi quelques sourires. Ebloui gamin s’enfuit. Un monde qui n’en peut plus de cracher sa lumière.

Au bout des doigts qui s’agitent féériques, bordés d’étincelles, sur les parois glacées, la couleur qui s’estompe, écrasées comme le sourire, d’un revers de main. Et les arc-en-ciel revenus, qui jaillissent arcs-boutants sur les camaïeux affolés, perdus le temps d’une histoire. Sur les murs rêches des immeubles la vie qui s’impose senteurs d’agrumes pressés. Ebauche, traits de crayon sur les briques grisées qui s’émiettent au son d’une dingue mélodie qui s’emmêle dans des pas de danse embrouillée. Sourire sur le visage d’enfant, qui chamboule le monde jetant son regard par la fenêtre. Bambin rieur qu’enserre la vie de partout et qui dans ses bras l’enlace en retour, comme les étoiles sur son cœur. Trop fort, qui s’emballe, déchirement de plaisirs chaotiques. Les monstres revenus sur les traits des adultes qui pressés s’entrechoquent aux bruits des crécelles. Son sourire parfois s’en fait doucereux, mimant les accents de l’hypocrisie étrangère, jusqu’à ce qu’encore, une main se referme sur la sienne, chaleureuse. Cueilli dans le froid de l’hiver l’enfant qui frissonne bercé de sentiments. Des vers jetés en pagaille ne retient que le nom, et les rires qui s’enterrent. Fantômes de ses jours, abysses de ses nuits, les chimères amies ; grouillantes dans les flaques qui réverbèrent ; la lumière sur la boue, sale, en pagaille. Acrimonieux les boniments des grands, monstres de l’univers qui se laissent dévorer par leurs craintes pantelantes. Moteurs grondants, mensonges articulés sur les engrenages des doigts écartés.

Et une main qui se serre, la sienne, renfermée sur ses heurs et de l’air oppressé. Et le cœur qui s’en mêle, croassant ses géhennes amers. A l’encre baveuse les sourires qui s’étirent, douloureux, emplis des limbes du cœur qui s’enthousiasme bordé par souffreteux les cris des monstres. Presque qu’une larme qui se lacère à ses yeux méandres d’écume salée sur les océans sablonneux. A ses brins d’amour qui se froissent roulés en boule quand la nuit tombe sur le crépuscule de ses rêves ; à ses songes de magie entraîne vie et fait tomber le monde.

A la commissure de ses lèvres, frontières de son bonheur, l’enfant porte le message de son temps qui arrive, et les pleurs qui s’enfuient quand le sang au cœur s’enflamme. Enfant des ardeurs bouillantes qui naît au point du jour ; comme l’oiseau chantonne sur le toit et célèbre le couchant étirant ses bras à l’alarme du réveil le matin. Embrasé les espoirs qu’on lui passe et lui écrase contre la paume creusée de toutes ses lignes absurdes, entre ses doigts tordus comme ses rires. Explosé sur ses joues la marque brûlée des morsures figées que laisse derrière lui le conte du coin de la cheminée, dans les braises du petit jour. Quelques histoires, murmurées de cette voix qui ne naît qu’au creux de bras accueillants, soufflées à son oreille comme l’alizée enragé. Exaltées les légendes gravées dans ses idées, vrombissant train de mots qui s’enchaînent. Pour beaucoup rien ne veulent dire ; môme lui sait les risettes qui se cachent derrière – aperçues au coin de lèvres aimées qui le bercent de la ronde de phrases embrouillées. Jetées sur la toile, sauvages, écrabouillées du pinceau du temps qui s’en va solitaire – file sur l’horizon des frissons comme des hochets qui reviennent au bout des aventures.

Au marc de café où on lit les souvenirs à venir, claquant au bord du présent larmoyant ; au soleil qui le jour de ses bras dorés bercent les enfants de la nuit et tient contre son cœur la dame sélène ; aux monstres qui explosent en braillements dégénérés, affamés des peurs d’enfants dans les cœurs adultes ; aux fleurs écloses de la dernière vêprée qui sourient aux passants et aux pétales barbouillés de couleurs qui se courbent pour les rires des inconnues ; aux fruits pourris tombés de l’arbre qui abritent un monde.

Aux crayons de papier qui s’écrasent sur les feuilles ; aux albums bruissant d’odeurs vieillottes qui embrassent les fleurs ; aux calepins troués qui recueillent ses pensées ; aux parfums fruités qui portent ses secrets d’enfance ; à l’odeur des flammes qui se nichent dans l’âtre. A la musique encore qui fait ses sarabandes dans les yeux ouverts sur le cœur ; à toutes ces mélodies qui se cognent dans sa tête et s’entremêlent de leurs corps fêlés ; aux échos du bonheur qui ne lâchera jamais son cœur. Au monde caché, resplendissant, une fois les yeux grands ouverts.

Et chroniques encore, nées d’une étreinte maternelle, qui le berce sous des couvertures ; et trop près des flammes cette écorchure ébouillantée sur ses joues aux pommettes saillantes. Entre ses lèvres le filet d’air qui passe, grondant crachats vaporeux, et sa langue qui caresse, poisseuse des arômes d’un univers qui hurle ses harmonies. Et qui lui monte au cœur une effluve turgescente de chocolat fondu imbriquée aux accents d’un ailleurs trop proche. Les contes qui le réveillent souriant à des rêves qui agitent la main paumés dans ses oreillers. L’étoile de ses aurores lovée sur son cœur et l’histoire qui commence, chuchotée.



T’es un peu ce monde, qui ne vit jamais que de légendes hoquetées. Et toi t’y es surtout cet ange, qui largue la réalité mêlée à tes rêves cachée dans les mots.
T’es cet enfant soleil qui illumine à coup de prose qui prend vie, et qui s’impose, magnifique, vivace dans les ténèbres nocturnes.
T’es un peu les mondes que tu crées et qui s’essoufflent à tes songes.



De ses lèvres les légendes feux d’artifices prenant vie.

Premiers les mots dansants, désarticulés ; époque reculée, endroit inconnu.



Lèvres embrassées
Fleurs cueillies de tes amours
Rire fraîche été



Fichée en permanence sur les cieux la Lune qui étale son souffle sur l’horizon tranquille. Tambour battant, le cœur des étoiles aux noms différents quand la reine s’abandonne. Fruités les secrets qui se glissent dans la soie du jour quand vient la nuit. Les mots bouts de papier qui se plient sous ses doigts fins comme un sourire dévoile des dents fendues. Les doigts qui remuent, effleurent les feuilles d’une caresse amoureuse, n’osent trop appuyer. Yeux concentrés. Et les étoiles qui brillent, les mots, les phrases – marionnettes aux fils coupés dans le soleil qui claque en été – comme une ribambelle de papier mâché. Un sourire papier journal, où un écrivain jette les notes de sa mélodie et la tâche d’une tasse de café ronronnant. Jeté au feu, le monde – univers qui ne tourne plus rond, perdu dans les flammes de son enfer qui crépitent les accords de la joie quand tout le monde s’en va de ses pas tendres. Son cœur qui entre ses doigts s’échappe, et elle bat le rythme de la fuite, sonate au lever du jour, claquée sur les cordes du piano des étoiles. Alors c’est ses espoirs tamponnés des cachets du cœur, papier glacé, couvert de sourires. Tordu, balancé, et l’accent qui t’emporte, relents de voyages, d’épices explosées. Trop fort tout ce monde qui siffle sur ses tympans et le vent qui gifle ses joues. Au papier à musique, couvert de son encre délavée, qui porte l’histoire fanion déchiré. C’est les contes sur les parchemins brûlés par les feux agacés, qui s’étalent surtout dans l’encre éparpillée. L’hymne de ses rires comme le zéphyr d’été qui s’enferme dans les feuilles frissonnantes. Coulés, comme la tempête, les échos des souvenirs sur les mouchoirs encrés et entre les lettres imprimées. Emotions brisées, envolées sur les vagues roulées de la tempête. Les câbles de ses moues tirant sur ses yeux explosés. Et les mots, pluvieux ; les mots avions de papier.

Entre les siens déliés des doigts qui se glissent, une main qui serre la sienne dans sa paume, et cette pression entre ses phalanges. Sa main qui se resserre un peu aussi, adoptant la douceur de l’étreinte du soir. Un sourire naissant sur ses lèvres, aux coins relevés de bonheur apaisé. Le silence qui tourbillonne sans se poser sur ses tympans. Et soudain des bras qui l’attrapent, la presse tendrement contre son amant. Lèvres entrouvertes comme pour cueillir la nuit plus douce encore ; immergée dans le mutisme des ténèbres alambiquées, lovée encore un peu plus dans les bras tendres qui chevaliers la protègent du froid torturé dans elle grelottait doucement. Agitée comme la lueur d’étoile qui brille artifice au fond de ses yeux, demoiselle d’un sourire se hisse sur la pointe de ses pieds. Envolés les mots pliés dans du papier, le vent sous les ailes des avions aux lignes froissées. Echappées les couleurs de la nuit pluvieuses qui s’abattaient sur son cœur comme sur la chaussée ruisselante, fleurant le bitume chaud de l’été. Disparu, effacé, le monde, quand ses lèvres se pressent aux commissures de celles aimées, dansant à droite à gauche la même valse langoureuse. Frémissante de douceur qui fait envie, elle glisse quelques mots contre l’oreille de son amour aux yeux verts d’émeraude explosée. Et sourire qui s’étend un peu plus grand sous le baiser qui fait trembler de toute la passion envolée. Les mots, encore une fois, murmurés, avec cette tendresse naissante qui fait briller les yeux dans la nuit qui suspend ses ténèbres entre les étoiles, courtisanes dorées qui effleurent de leur rire de couleurs le monde qui s’offre à leurs bras en étau.

Dans ses prunelles rien d’autre que quelques mots qui scintillent, et le regard brûlant, soufflant sur les lèvres du jeune homme, elle chuchote quelque chose d’un peu comme « Je t’aime. »

Vivre. C’est ce que crient les boucles de ses cheveux noirs un peu bouclés sur ses yeux verts, et ce que depuis trop longtemps hurle son sourire. C’est, surtout, ce que murmure l’ange lovée dans ses bras, dont les pupilles souriantes content l’amour. Vivre, c’est ce qu’il doit au jeune homme qui se cache, quelque part derrière les étoiles, là où quelques mots chamboulent le monde s’ils ont la grâce des sourires vérité. Vivre à en crever, les joues barbouillées des couleurs de l’existence destinée aux rires magnifiques.



T’écris et sur tes mots se fondent leurs mondes.

T’écris, et plus tard, tu pourras changer ton monde.



Aux histoires racontées demain si tu veux bien
Aux mots barbouillés grand jeté qui s’entrelacent
Vérité damoiselle embarrassée qui s’éteint
Révérence tes phrases dansantes dépasse

Histoires contées portées dans tes mots à deux
Aux sourires ondulés et la vie donnée
Les océans d’idées sur les voiles bleutées
Qui jetée l’ancre farandole d’amoureux

Branlebas de contes ravivés pluie d’étoiles
Pantins aux ficelles cachées empoisonnées – désir
Brûlé – larguées les amarres du ciel mots qui voilent
Sourires animés entourés de vers – rire

Tendres tes mots d’un enfant crayon de couleur
Ballons gonflés qui des mains s’échappent gracieux
Et du soleil acidulé la vie tes bonheurs
Magie – l’oiseau bleu qui s’envole vers les cieux



T’es un peu l’oiseau bleu qui part pour les étoiles ; t’es un peu une d’entre elles, aussi, avec tes mots qui s’animent comme ça dans l’arc-en-ciel.



Tu t’en souviens, de cet enfant perdu qui tranchait l’air d’été de ses bras étendus, et qui s’abandonnait aux bras de zéphyr lui-même, à ses caresses audacieuses, qui l’entouraient. Tu t’en souviens, dis-moi ? Le petit garçon debout sur la rambarde, penché un peu vers l’avant, qui dévorait des yeux l’asphalte brûlant en contrebas, du haut de son toit. Et le zéphyr qui calmait ses tempêtes d’une douce mélancolie, l’enroulait de la chaleur de l’été, avec des sourires gracieux. Le gamin aux yeux un peu clairs, cachés derrières les verres de ses lunettes, et toute cette tristesses gelée dans ses prunelles torturées. Et dans l’océan les vagues tristes, houleuses, qui s’acharnaient sur la jetée à s’élancer au monde. Feu marcheur se pensait l’enfant déchiré, aux lambeaux de son cœur piétiné. Et penché en avant, un peu trop, l’enfant avait sauté.

Ange d’un instant, dans le ciel troublé, rêve parmi les nuages. Et cette main tendue, qui le rattrapait, t’en souviens-tu, dis-moi ? Etoile déchue tendait la main à l’ange dans sa chute. Et sur ses lèvres un sourire éclaté en tendresse infinie, relents de citron pressé. L’amour qui ouvre les bras si grand qu’il peut, avec le cœur au bord des lèvres, palpitant. Petit ange, infernale sa chute, attrape du bout des doigts la main, et la serre doucement dans la sienne. Sourire à l’infini, mince sur ses lèvres, immense, en retour, tendu sur celles de la jeune femme. Et d’un rire le secours qui éclate apaisé, à la folie du monde. C’est l’enfant dans ses abysses pour qui le sourire se fait soleil, chaleureux, flammes à son âme fondue, brisée. Elle l’attire dans ses bras, étoile damnée, d’une étreinte bouillante le presse contre son cœur qui se mimant tambour bat le rythme de la folie des mots qui en silence s’articulent. L’enfant sauvé qui frissonne affolé dans ses bras aimants, calé contre elle. L’enfant qui de son sourire se fait un peu soleil pour illuminer l’instant. Alors c’est aimer, comme cela, qui brille au fond de ses yeux ; aimer dont le petit garçon avait besoin pour grandir et sourire.

Amour d’ange son miracle.

Aux cœurs battant lentement bercés par les étreintes ; aux douceurs murmurées et au vent qui leur fait écho, joueur dans le grand chaos de l’espérance ; à la tendresse qui se faufile entre les étoiles et qui tirent des sourires magnifiques à ses soleils ; la magie qui ouvre tout grand ses bras, resplendissante dans ses rayons dorés. Et majuscule du jour qui mène le tango du doigt chef d’orchestre, aux mots entrelacés. Et le monde câlin qui se blottit aux bras des phrases articulées.

Aux sourires d’un ange, où, la nuit, brillent les étoiles quand dans les cieux elles s’étirent dans leurs couvertures ; aux sourires dont les monstres se cachent. Papier buvard, à tout va l’espoir maître de ses pantins de bois, papier buvard, sur ta mémoire, où il ne restera que souvenirs heureux qui prennent les tons joyeux des pigments d’autre monde. Et l’espérance marionnette qui s’abandonne où le zéphyr et l’alizée s’embrassent. Onirique ton monde de papier, noirci d’encre déliée, délavés les merveilles de l’imagination qui s’embrase au point du jour. Et quand la nuit cliquète l’ange qui s’envole rejoindre l’espérance amoureuse.

Et miracle qui se fait rêves désirés où les songes oiseaux rejoignent les nuages poésie. Miracle des amours comme du crayon qui frotte le papier crachotant sa bile. Farandole de mots qui mêlent toutes les danses – aux échos du monde au pied des utopies. De ses amarres affranchi bonheur lance sa grand voile au cap de la vérité et de cet univers qui n’est que danse veloutée – aux aspirations bercées d’illusions véritables bercées par les cieux. C’est l’ange qui s’envole, pour un voyage encore, ballotté dans les ondes tumultueuses des peintures impassibles versées de Lune et de Soleil.

Tu t’en souviens, dis-moi ? L’enfant qui se tenait là. Grandi, l’enfant, un peu magique, paré de sourires. Papier buvard, papier musique, papier mâché. Amour papier froissé qu’on serre contre son cœur battant un peu vite, un peu fort. Aux mains qui ne se lâchent plus ; aux étoiles enlacées.

Il est sauvé, dis-moi ? Tu sais, il n’a plus jamais quitté ces bras ; il a peur de tomber, dis-moi ? L’enfant qui se balançait par-dessus le monde. Le miracle du jeune homme, les ailes du petit garçon, la route du marcheur ; l’espoir. Encore, toujours. L’espoir soleil levant.



Gamin au sourire grand comme l’univers, s’illumine aux espoirs des amours heureux qui se font écho à travers tout son monde, et par la fenêtre jetées les dernières peurs qui habitaient ses tripes s’écrasent lamentables sur le sol où l’es larmes s’éparpillent. Douce mélodie que l’espoir qui s’étire, yeux embués de sommeil, dans la tête gravée l’alarme du réveil, et qui bras étendus se met à danser l’intime valse du soleil des jours heureux. A venir les aubes qui s’envolent avec les oiseaux gazouillis de bulles dans son verre de limonade. Alors la peinture des couleurs sur les murs, embourbée dans les briques, prend des tons pastel.

Marie à l’espérance les douces couleurs du carnet à dessin.

Donnant la main au monde, les enfants farandolent ; comme s’ils se complaisaient aux bras de l’extase.



Alors ce soir, regarde un peu par la fenêtre, tu les verras briller pour toi, et entre elles les sourires des gens qui t’aiment ; un peu trop proches, beaucoup trop loin. Respire de toutes tes forces, et, tu sais, laisse pas le monde prendre le dessus sur ton cœur – tu seras astre, toi aussi, emporté là-bas par tes mots caressants les nuages amoureux.

Tu seras l’étoile des rêves qui chamboulent, et le sourire des gens qui se perdent.

Alors, souris, simplement, et laisse de cette main tendue les doigts s’enlacer aux tiens.

Quand le monde entier se résume à ton sourire.

Rendez-vous par delà les étoiles.



06-06-2013 à 14:04:30
décembre 2011

Qu'est-ce qu'il reste de toi, de ton coeur qui bat, lorsque l'orage s'en va ?
Tous ces mots susurrés, ces cris, plaqués là, sur tes lèvres, les gémissements d'un autre, un brin de chaleur qui te colle à la peau. Toutes ces longues phrases, alambiquées, torturées, déphasées. Beaucoup trop jouent avec les mots - sans même parfois s'en rendre compte, tu sais ?
Les voix, toujours, dans ta tête, les restes des leurs, et la sienne ; Lili, si belle Lili, et ce « faible, faible » entre deux champs de son, sur ses joues, lorsque tu pleures, tordu par leurs abandons. Tu sais, les mots qui crachotent, crépitent, et ceux-là, qui brûlent, et ceux-ci, qui caressent. Ceux, aussi, qui te plantent juste là, au coin du mur, parlant au rien ; pour toi, c'est tout, pas vrai ?
Ou peut-être que ... Pas vraiment ?
Laisse-les tomber ; comme ils t'ont tous jeté. Pour nombre tu n'as été que l'amant destiné à jarter. Alors, toi aussi, abandonne, brave petit ange. Tu ne voudrais pas ?

Alors, tu sais très bien ce qu'il resterait de toi ; un sourire enfantin, jeté sur ton visage, à l'infini, trop blanche ta figure, tes cheveux décolorés où passent parfois les mains de Reeta, tes bras, là, épars dans l'air, ou là, autour de Catharina, tes lèvres rosées, autre fois barbouillées de rouge ; les jeux, aussi, et le monde, il est beau, tu ne trouves pas, Lucis ? Regarde, ils rient tous. Ils sont heureux, tu ne crois pas ?
Dis, est-ce que tu crois qu'on peut recoller les ailes d'un ange ?
Tu penses qu'on pourrait rafistoler les tiennes ?

Tu n'es beau que comme ça, heureux - peut-être pas -, chérubin aux ailes brisées, et, dans ta bouche, ce goût amer de pomme pourrie.
Est-ce que tu te déciderais à abdiquer, toi, petit roi des songes perdus ?

Ils sont magnifiques, pourtant, tes princes, tous, pas vraiment charmants ; ils sourient, quand tu finis à eux. Si cela les rend heureux, pourquoi est-ce que tu finis parfois ce pieu fiché dans le coeur ; en cendres, ramassé contre ton lit ?
Les mots, soleil de tes jours, et l'orage sur tes joues.

Tu n'es qu'un enfant perdu.
... Est-ce que tu sais, ce qu'on leur donne, aujourd'hui, aux poupins égarés ?
L'espoir. As-tu déjà entendu dire que « l'espoir ne meurt jamais » ? Ce n'est peut-être pas si vrai ; en tout cas, chose certaine, l'espoir est un phénix, qui sans cesse renaît de ses cendres, et s'en va voler à la face des gamins paumés.
Juste pour aujourd'hui, tu pourrais croire à tout ; au prince charmant, aux « je t'aime » murmurés, à tes ailes, toi, le cupidon déchu, à l'amour, entre tous, envers toi, aux contes que les mamans racontent pour te border au lit, aux étoiles qui descendent bercer les enfants orphelins. Continue de croire qu'ils sont tous heureux, lorsqu'ils se fichent de toi, ou lorsqu'ils rient trop fort de ce gamin qui trébuche, et s'étale joliment par terre. N'oublie pas : le monde est merveilleux.

Aujourd'hui, prémice au grand jour, tu sais, celui des fronts sans bataille, des amours sans mensonge, des yeux sans peur, des rires sans moquerie, des sourires sans artifices.

Au milieu des beaux livres, des nez écrasés sur la douce odeur de vieux papiers, des sourires immenses, des visages hypocrites, des cris de joie, des douces folies, des amitiés amères, des amours étranges, des mains l'une dans l'autre, des billes dans les escaliers, des crissements d'instruments, des batailles de musique, des bouches tartinées de chocolat, des escaliers mutants, des bateaux pirates, des jungles équatoriales, des aquariums imposants, des jardins pédants, des courses dans les couloirs, des déjantés ; au milieu de l'école, c'est Noël qui se fait sa place. Aucun endroit n'en réchappe, partout, il y a toutes ces belles décorations, ces couleurs qui s'écrasent, contagieuses, sur les joues de tes camarades. ...
Dis-moi, reste-il ces éclats de voix qui te creusent les joues et s'abattent sur tes tempes ? Oubliées un instant, alors que le monde n'est plus que ce sourire de la part d'un blondinet au visage couvert de peintures guerrières, que cette amie qui se glisse dans tes bras, que son « je t'aime » d'enfant gâté, que tout ça, la folie en grande pompe qui éclate en feux d'artifices. Tu ne les as - presque - jamais vus plus heureux que ça, pas vrai, petit ange ?
Tu sais, c'est en partie grâce à toi, s'ils sont si heureux.
Parce que toi aussi, tu l'es, pas vrai ? Il est si beau, le monde, comme ça. Tu y crois, toi, à la magie des fêtes, à ces contes de vieil homme bourru, avec son gros ventre dans ses habits bien fourrés, aux odeurs d'orange-cannelle, aux bruits des boules qui cliquettent, aux lumières qui clignotent sur les guirlandes, aux grands sapins fièrement dressés, aux baisers sous le gui ; aux marchés dans les rues, à la neige qui scintille sous les étoiles, aux rennes volants, aux paix bien tendues. Tu connaîtras tout ça, les bruits de papier cadeau qui se déchire et puis se froisse, l'impact des boules de neige sur tes joues rouges, les flammes crépitants dans l'âtre, les délices de la bûche doucement glacée, le vin chaud.
Après tout, dans une école pareille, la magie, tu ne peux même pas oser prétendre ne pas y croire. Et, toi, en dépit de tout, tu es cet enfant grandi un peu trop vite, qui croit, tout ça, le soir, quand par la fenêtre il jette un de ces doux regards aux étoiles, aimantes dans le ciel, par delà les horizons. Alors, quoi de plus beau que la magie des fêtes, pour un garnement qui s'est perdu dans ses rêves trop grands ?
Et, tendrement, tu te rappelles de ce sapin dans ta chambre, que t'as décoré joliment. Ce n'est pas n'importe où qu'ils feraient ça, mais eux, ils le font - et donc, toi. Tu ne vas pas t'en plaindre ; bien sûr que ça t'a plu, que tu aimes, en te réveillant, tous les matins, le voir fièrement planté là, qui te rappelle qu'après tout la vie n'est que magnifique ; rien d'autre.
Une phrase désormais, nominale, bien trop belle : effusions de joie.

Regarde, pauvre ange, ce beau spectacle de vie qui s'offre à toi. Ils sont tous si heureux - plus ou moins, oh, forcément, il y en a qui détestent ça, il y en a toujours ; une minorité, tu sais ? Ce n'est pas grave. D'autres jours leur fichent des étoiles dans les yeux.
Tu vois, il y a cette petite reine, avec ses couettes, au bras de son roi, venu d'un pays perdu, lointain ; il y a ce monsieur blond qui travaille à la bibliothèque, qui court partout après les élèves, grand sourire aux lèvres - il a l'air gentil, tu ne trouves pas ? Tu le connais ? - ; ce monsieur avec ses longs cheveux violets que tu croises parfois au coin d'un couloir, cambré pour ramasser les épines qui tombent des sapins et les débris de boules fracassées par des turbulents ; cet adolescent déchaîné, qui grimpe là, piétine les jolis nappes de fête, se met à crier des choses, cet « ange » comme l'ont appelé ses parents - au fond, c'est toi, l'ange, ne le vois-tu pas ? Tu ne vois peut-être plus cela, depuis que tu es tombé du ciel, là, dans une rue sale, une voiture laide.
Et bien d'autres, toutes ces têtes rousses, comme Lili qui est un peu heureuse, tout simplement, sur le moment ; c'est comme si tout le monde laissait tout tomber ; au diable, livres qui te perdent, formules de chiffres que tu finis par ne plus comprendre, bombes de peintures, marqueurs fleurant le désuet, sarcasmes douteux, sourires narquois aux portes des labyrinthes ; pourtant, personne n'abdique, tu sais, ils sont tous juste là, et ils vivent le jour un peu différemment.
Aujourd'hui, il ne restera pas de toi l'amant éperdu ; juste l'enfant aux joues rosées, des étoiles brillant au fond de ses yeux clairs, ses lèvres relevées, plissées entre des mignonnes pommettes, et le visage éclairé, baignant de tous les reflets colorées des lumières en grenades.
Une main glisse dans la tienne, un « je t'aime » s'enfuit, hurlé - sincère, les mots, les mots. Plus qu'une farandole, et l'étreinte de cet ami à qui tu manqueras, le sourire de celui-ci que tu reverras peut-être, et cette jolie princesse qui vient te dire « bonjour ». Ce sont tous des soleils, tu ne trouves pas, Lucis ? Ils sont tous un peu ce trésor, qu'on te promet au pied de l'arc-en-ciel.
Et le prince aux grands sourires se réveille comme le petit enfant braillant dans la paille ; retrouvées, les clés égarées de son royaume perdu au creux du cœur.
Merveilleux.
Les mots, tu n'en connais pas tant, ils viennent tous à l'assaut. Tous un peu plus beaux.
Il y en a un que tu retiens, tu ne sais plus vraiment de qui il vient ; peu importe, il est joli, « beau comme un coeur », il se pare de toutes les senteurs de fruits doucement sucrés, tous les éclats froids de l'hiver. Fantabuleux ; le monde, les gens, les rires, la joie ; fantabuleux.

Tous ces chants qui éclatent - pas forcément trop juste - dans des bouches souriantes, c'est beau, n'est-ce pas ? Tu pourrais te joindre à eux, pas vrai ?
Qu'est-ce que tu fais, toi, au final, sinon, te promener là, au milieu de l'agitation - t'arrêter parfois ; reprendre sans cesse - ; tu frottes ta joue glacée qui s'est prise une boule de neige bien tassée, tu ripostes en relançant les restes, trop tard, l'enfant qui te l'a lancée est reparti là-haut, dans son monde onirique ; toi, tu vis dans le tien, pas vrai ?
Et si l'ange avait à nouveau des ailes ?
Si cet amour que tu t'appliques à donner, à créer, illusoire, cet amour entre tes mains, celui que tu voudrais tellement recevoir - pour toujours. Ce serait le plus beau des cadeaux, n'est-ce pas ? Tu t'accroches à ce petit espoir, mince bouée de sauvetage dans l'océan déchaîné des baisers et caresses factices. L'espoir, pour une fois pas seulement pour un soir, pour une galipette, une roulade sous le couvertures.
Des cadeaux, tu en auras, tu sais ?
Il y a tous ces gens que tu aimes, ce avec qui tu cours partout, ceux que tu suis dans leurs aventures ; vos jeux, les batailles d'eau, les arc-en-ciel de crayons, les sourires, les comptines, reliques de vos enfances respectives - rares sont ceux qui jamais n'ont été ce gamin qui clôt ses yeux la veille du grand jour, espérant si fort qu'au matin, le bon vieux monsieur aura mangé les bons vieux cookies que sa mère a fait mine de lui laisser faire, et que ce gentil vieillard aura laissé quelques présents rutilants pour la bonne grâce des « cette année, j'ai été gentil ».
Ils sont tous un peu tes cadeaux au pied du sapin ; de véritables trésors.

Et, ce joli dernier jour, avant que tous partent faire leur chemin vers où ils daigneront avoir envie, alors que tu te réfugies dans ta chambre, tout doucement, on toque à ta porte. Trois coups, brefs, mesurés, presque timides, comme s'ils avaient peur de te troubler dans ta quiétude ; tu n'y reconnais pas un de tes doux princes aux arabesques cruelles. Il y a pourtant derrière la porte, dans le couloir, quelqu'un que tu connais, tu sais, le genre de personne qui ne se risque d'habitude pas à aller frapper chez les gens pour les voir - peut-être parce qu'elle n'a pas vraiment besoin de les voir, d'habitude, la fillette.
Tu as une jolie voix, lorsque celle-ci s'élève sobrement.

— Entrez ?


Et tu appuies sur la poignée.
Elle a ce visage de poupée, cet uniforme tout neuf, bien soigné, typique des premières années, ces yeux un peu fatigués qui proclament en silence « je passe des heures à lire », cette odeur d'enfant plus trop enfant bien propre ; tu la connais : c'est Amande.
De derrière son dos, elle brandit doucement ses mains, dans l'une, une petite tasse thermos remplie de bon chocolat chaud, qu'a fait à sa demande un adorable petit cuisinier - elle croit naïvement encore, que les boissons chaudes réconfortent les gens tristes ; en partie au moins - ; dans l'autre une douce fleur que tu reconnais tout de suite. Une belle rose, tout rouge, demoiselle épineuse. Normalement, elle ne devrait pas tirer sa révérence au jour ; ici elle pousse nonobstant les règles de bienséance traditionnelles. Douce, aimante.
Et la fillette a glissé ses doigts entre les épines, pour ne pas se piquer aux défenses de cette belle dame de cour offensée.
Offensée pour toi, petit Lucis ; parce que la gamine aime à te poser de ces questions innocentes - « dis, est-ce que tu crois à toutes ces belles légendes qu'on nous conte ? » ; y croit-elle, elle ? - ; parce que c'est sa tournée, pour une fois, avant de partir main dans la main avec son père pour les vacances.

Amande te tend la rose, vois-tu, cher enfant, la belle dame fleur qui rit en silence ?

— Joyeux Noël !

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