i've been waiting to smile — défi one-shot quotidien

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23-05-2013 à 06:52:23
Condensation — 01/08/2011

Un souffle chaud, collé contre la vitre. Dehors, le froid de l'hiver, qui se lève avec le soir, comme le soleil glisse sous sa couverture noire, décorée d'étoiles. Bonne nuit astre de nos jours, fais de beaux rêves et reviens nous souriant demain. Et puis c'est l'explosion sur les molécules, un truc qu'il ne connaît pas ; ça fait un contraste de température, et la fenêtre se couvre de buée. Alors il continue, l'enfant, il souffle pour agrandir la zone. Il trouve ça très chouette, c'est un peu comme la porte vitrée quand il prend sa douche, les miroirs quand sa petite soeur sort de son bain, ou les fenêtres de la voiture de papa quand il neige dehors et que les gens ont le nez rouge, une écharpe et des mouchoirs sales pleines les poches. C'est de la buée, elle dit maman. Elle dit aussi qu'il faut pas dessiner dedans, que c'est pas bien, parce qu'après ça sèche, et faut nettoyer. Parfois il se dit, pauvre maman, pourquoi c'est elle qui doit tout nettoyer, d'abord. Et puis il rentre dans la maison avec ses bottes en caoutchouc pleines de boue, il laisse une traînée de chocolat chaud sur la table basse devant la télé, et maman râle. Il résiste pas, aussi, c'est si drôle dessiner dans la buée, après avec les dessins qui coulent en petites gouttes, et qui se déforment. Ça fait des monstres, comme ceux que sa cadette croit qu'il y a sous son lit la nuit pour la manger, et qui n'existent pas, sauf dans les films, et ce truc que la maîtresse dit qu'il en a beaucoup, c'est comment déjà ? L'imagination. Sa petite tête est pleine déjà de pleins de choses, pas besoin de retenir des mots savants en plus. Alors du bout des doigts il esquisse un bonhomme bâtons dans la buée, il lui offre un petit soleil, et un oiseau gros comme un avion. Il change d'endroit et il appose la marque de ses lèvres comme ses copines filles font sur les vitres de la maternelle. Et puis il fait une fleur, et un bonhomme qui sourit avec un double point et une parenthèse, comme lui a appris son cousin, celui qu'on dit adolescent et embêtant quand il grommelle au dîner de famille. Il pose son nez sur la buée, pour en voir la marque, et quand il le décolle, rigole à la drôle de forme. Il est joyeux comme ça, et puis sa mère l'appelle, dit viens mon chéri, c'est l'heure du goûter, j'ai fait du gâteau. Alors il s'en va. Chef d'oeuvre abandonné.

23-05-2013 à 06:52:42
Animation — 02/08/2011

Terminant un rêve, elle ouvrit doucement les yeux. Brièvement, elle se dit, rappelant à elle les dernières bribes de ce songe nocturne, qu'elle avait définitivement un drôle de subconscient. Et une imagination à fleur de peau, brillante, magnifique, fantabuleuse, disaient ceux qui s'émerveillaient devant ses dessins. Chassant les dernières vapeurs de sommeil, avec les derniers souvenirs de sa nuit, elle songea brièvement qu'elle adorait ces compliments. Elle avait une fâcheuse tendance à se laisser porter à la mine de son crayon, à disparaître toute entière dans son oeuvre, le temps de l'esquisser, à la commencer et l'achever d'un même trait, planant à des kilomètres de la planète. C'était le retour le plus dur, le deuxième coup d'oeil sur le dessin achevé, qui lui ancrait à nouveau les pieds dans leurs chaînes. C'était son sourire sans joie, la déception dans ses yeux et le rouge honteux à ses joues qui rendaient la chose difficile. Elle adorait dessiner, elle aurait pu en vivre, comme d'autres vivaient d'adrénaline, d'enseignement, d'écriture, d'informatique ou quoi que ce soit. Le problème résidait dans le fait que, chaque jour un peu plus, elle abhorrait le résultat de cet instant de bonheur qui transportait son coeur vers d'autres horizons. Elle s'ébroua, encore enfoncée dans les oreillers. Penser à ce genre de choses au saut du lit était chose commune chez elle. L'appel de la mine de graphite, de la feuille blanche qui n'attend qu'à se remplir grondait dans son coeur. Et il y avait ses gouaches, étalées sur son bureau, entre ses pinceaux, et la toile vierge sur le chevalet devant la fenêtre. Elle baillait, repoussant sa couette, tentant de se lever doucement, quand il lui sembla qu'on lui pressait doucement l'épaule. Vivement, elle tourna la tête, un peu surprise. Il n'était pas censé y avoir quelqu'un dans sa chambre. Rapidement, elle enfila ses pantoufles, et jeta un coup d'oeil circulaire à sa chambre. Un rire moqueur, enfantin, retentit dans son dos. Elle fit volte-face, mais il n'y avait rien. Paniquée, elle resta immobile, figée au milieu de la pièce. Et puis une voix mutine claqua dans l'air, rieuse, dansante, comme fredonnant une comptine.

« Je suis devant toi ! Non, pas là ! Plus bas ! »

Elle baissa les yeux. Un cri aigu s'échappa de sa gorge alors qu'elle faisait un pas précipité en arrière. Il y avait là … un petit garçon riant, aux joues bien roses, aux yeux bruns en amande, et aux cheveux noirs mi-longs, qui la regardait très amusé, tenant une sucette dans sa main gauche. Il y avait là … le bambin qu'elle avait dessiné le soir précédent, avant de se glisser dans son lit. Elle sursauta, laissant échapper une nouvelle exclamation aiguë. Le rire délicieux qu'elle s'était plue à imaginer au garçon retentit à nouveau, béat de joie doucereuse.

« Alors, tu m'as reconnu ? »

Un dessin animé, en quatre dimensions.

23-05-2013 à 06:53:01
Potager — 03/08/2011

Une chanson, sifflotée entre des lèvres guillerettes, pincées tout justement. Il n'y avait pas à dire, il était heureux, l'homme qui se tenait là. On le voyait souvent, en passant dans les quartiers, on l'enviait pour ce torse bombé, cette tête haute et cette mélodie glissant, dansante, de ses lèvres. Ses voisins surtout, prenaient vite l'habitude en arrivant, de le saluer au passage. L'un ou l'autre souvent, s'arrêtait pour une petite causette. Et le vieil homme les accueillait tous avec le même sourire chaleureux, la même lueur de jeunesse résistante dans son regard, le même accent chantant dans la voix. Il aurait fait un bon musicien, brandissant sa musique comme arme pour faire sourire le monde. Il l'avait été d'ailleurs, qu'on apprenait vite quand on l'écoutait un peu parler. C'était l'bon temps, à l'époque, il contait. C'était les moments où ils sortaient avec ses copains et où ils se faisaient un feu de camp assis sur des bottes de paille, où ils grattaient un peu la guitare, picolaient quelques bouteilles, et finissaient égayés par sombrer dans des rêves d'adolescents. Il ne le regrettait pas, qu'il disait. Non. Il avait encore tout pour être heureux, qu'il affirmait justement. En disant cela il faisait allusion à son petit jardinet derrière sa vieille maison au crépis en ruines. Et justement c'était comme ça qu'on le trouvait, une bêche ou une pioche, en travers de l'épaule, une main musclée refermée sur le manche de bois, un chapeau de paille incliné de travers sur ses cheveux blancs. Pour le cliché, encore, il mettait une salopette brune sur une chemise rouge à carreaux et des bottes vertes lui remontaient aux genoux. Parfois il glissait un épi de blé couleur de miel blond entre ses lèvres. Il avait la classe, lui aurait accordé n'importe quel adolescent. Parce qu'entre les gens qui osaient ça, il y avait ceux à qui ça n'allait pas du tout, dont on pouvait se moquer, et ceux qui le portaient bien, que ça rendait plus impressionnants encore. Plus respectable, un peu comme un vieux sage. Et l'ancêtre du voisinage ne s'en souciait pas, de la pétaradante jeunesse et de ses avis sur lui et son air de patriarche du village. Lui il se contentait de se poster comme ça, de se pencher sur l'humus, dont il savourait l'effluve trop bonne. Il souriait, plantait ci ou ça, surveillait ses tomates qui poussaient aussi rouges que son amour grandissait universel. C'était beau, de le voir comme ça, à chanter une vieille comptine de soûlard, comme il disait. Il se repentait pas, parce que regretter c'était pour ceux qui n'avaient rien dans le pantalon, qu'il affirmait en toute délicatesse. Il souriait, comme ça, et il devait presque être le plus heureux du monde. Une chanson traînante dans la terre du jardin.

23-05-2013 à 06:53:23
Bercer atténuer — 04/08/2011

Effacer sur ta joue, sur ton coeur, cette larme de tes yeux qui pleurent, effacer aussi le sourire de celui qui se fout de toi à quelques pas de là. Réduire en cendres les rires et les insultes qui te brûlent la peau. Annihiler la peur qui se tapit dans ton coeur, et qui se cache toujours un peu plus bas dans tes entrailles, lâche, lâche, froussarde. Abandonne abandonne. Oublie les mauvais souvenirs, et toutes les ironies qui grincent des dents sur ton compte. Rature-les, comme tu fais avec les faux calculs et les mots erronés. Raye ceux qui te dérangent de la surface de la terre. Estompe ce hoquet qui monte aux lèvres, et cette nausée qui t'écrabouille l'estomac comme tu écraseras ce qui ne va pas. Parce qu'il arrive un moment, tu sais, ou il faut grandir, oublier, pardonner si tu veux. Hurler, sinon, tu peux crier. Percer les tympans de celui qui t'écoute parce que la vie c'est pas la plus belle des mélodies, juste la plus affreuse effroyable. C'est pas fantastique ni fabuleux, pas fantabuleux ce qu'on te chante à l'oreille. Ni ce qu'on te susurre, comme un poignard dans le dos, comme une morsure dans le cou. Tu suis, t'essuies. Faut pas, oublie. Bats-toi, outrepasse, ils trépassent. Tu pourrais faire tes rimes toi aussi en vers libres sur la fureur de ta cité paronymes antonymes homonymes. Ce serait l'armée des figures de style qui t'aideraient à la folie, au bord de l'hémistiche fétiche à l'affiche. Et tu pourrais le faire aussi, ton style ton genre, ton armée juste comme ça. Attrape ça c'est l'encre qui t'aidera, jette leur dessus écris, tu sais pas, y a trop de choses à faire. Enterre les cadavres de papier dans des tombes de verre où tu pourras les laisser faire. Courir, pourrir, mourir. C'est triste les mots de la vie résumée comme ça, tu devrais sourire, il y en d'autres qui riment aussi. Rire, rire. Toi tu veux pas, t'effaces tu laisses pas capituler. Fin du monde tant pis tu l'omets un peu volontairement, tu la chasses tu l'empêches, la repêches. C'est ta vie qui se décline, comme ça, se déroule, annihile. Change les plans change le monde, c'est de l'indicatif vindicatif qui vire à l'impératif. Des mots que tu cries, que tu négliges comme ça jetés dans un coin. A fond tu pourrais le dire en verlan catalan. Cataclysme catastrophique que le réveil de tes sens.

23-05-2013 à 06:53:42
Décompte — 05/08/2011

Onde de choc qui transpire, déchire. Il plisse les yeux. Minuscule, il est minuscule, sur le dos d'un papillon. Et il y a les ailes qui battent autour, toutes fines, trop fines, qui brassent l'air, s'envolent vers une mort aussi éphémère qu'une vie. C'est un peu comme ça le monde, comme un papillon qui s'enfuit, qu'on chasse alors qu'il vient en quête de lumière, ou qui s'envole se cacher la nuit tombée. C'est fragile, même la fragilité incarnée. Ça pourrait être le vase en porcelaine de sa mère, posé trop prêt du bord de l'étagère, celui qui forcément, se prend toujours la balle, les coups. C'est le grand miroir de sa soeur, posé en équilibre par terre, dans les courants d'air de la porte qu'elle claque. C'est les verres de son père, avec leurs pieds en arabesque, qu'on claque un peu trop fort sur la table. Ou c'est les os de son grand-père, comme elle dit l'infirmière. Ça se brise, vole en éclats, se casse en mille morceaux. Ça s'ébrèche même, ou s'émiette, se broie, s'écrabouille. Ça se détruit surtout, et c'est ça qu'ils font les hommes avec leur monde, ils le fendillent, tous un peu, et puis un jour, y aura plus rien. Il sait ça, lui, parce que tous les jours, il a le droit au compte-à-rebours. C'est les nombres qui se dessinent dans le sable de la plage, s'impriment en nuages dans le ciel, et toutes leurs variations en pleurer. Il pleure lui, il chiale même, on croit qu'il est juste embêtant, qu'il veut se rendre intéressant. On ne voit pas les secondes qui s'égrènent quand il bat des paupières, qui s'écoulent en lettres d'argent dans ses yeux. Il peut dire ce qu'il veut on le déclare simple d'esprit. Un jour peut-être on le dira fou, pour l'instant il est stupide. Alors il quitte ce monde-là la nuit, pour les songes qui lui tirent l'alerte rouge au cor de chasse. Il a peur c'est pas le tout, il tremble, grelotte, claque des dents comme ils devraient tous. Et comment avertir quand on n'écoute pas, simple il ne peut pas, personne ne peut, et ça l'enrage. Pauvre enfant, faites gaffe à la nouvelle génération on devrait dire, si vous le faites pas pour vous. Pas pour vos gosses non plus, alors faites-le pour leurs bambins à eux, au moins on se souviendra de vous. Le monde a besoin de hérauts pour héros.

23-05-2013 à 06:54:05
Crépuscule — 06/08/2011

Tu te promènes, la nuit. Tu grimpes sur une chaise, tu ouvres la fenêtre. T'englobes le monde, surtout les cieux, de tes petits yeux, fatigués. Et puis tu rabats les paupières sur tes prunelles, t'écrases tes petites mains avec leurs doigts tous ronds dessus, pour les garder bien fermé. Et tu reconstruis ce que tu as saisi. Tu remplis les lacunes avec les astres de ton coeur, que t'imagines et colories avec le plus beau des sourires. Et tu t'envoles. T'as l'air qui te fouette le visage, l'apesanteur qui te retourne le coeur, te serre l'estomac. T'as tes yeux qui s'ouvrent grands écarquillés étonnés et curieux, tes oreilles qui entendent juste le son du vide, le silence qui ricoche, comme un petit yoyo. Alors t'oublies ça, le vent, tout ce qu'il y a là, et tu tends la main. Du bout des doigts, t'effleures une étoile. Elle a l'air en carton, comme celles sur tes dessins, bien avec cinq branches et toute jaune. Pourtant il y a cette chaleur qui t'irradie, te brûle même un peu. T'es étoilée toi aussi, et elle c'est tes amies. Tu leur imagines même une vie. Il y a monsieur, il y a madame, et leurs cinq enfants. Ils font une ronde, souriants. Il y a aussi les ministres, leur présidente la Lune, qui te regarde vaguement, te dédaigne un peu, et te sourit accueillante pourtant. Elles ont leurs mimiques toutes, il y a celle-là, c'est le prêtre des mariages, et celle-là le maire pour celles qui aiment pas la religion. Il y a les soldats aussi, des casse-noisette qui se mettent en rang, et leur fanfare qui te sonne une chanson joyeuse pour te souhaiter la bienvenue. Et puis certaines on dirait des boomerangs, perdus dans l'espace, que quelqu'un a lancé, et que quelqu'un vient regarder puisqu'ils ne reviennent pas. Sans toutes ces farandoles peut-être que tes soirées seraient un peu trop seuls, mais comme ça t'es contente. Il y a l'étoile de mer aussi, et celle assez grande pour que tu y marches, qui t'irradie d'un halo de lumière comme si t'étais l'élue. Elles ont une vie pour toi, fillette, toi qui les rêve, qui les chante toujours encore. Elles s'inclinent, t'es une reine, un trésor, tant que tu les aimeras, les petites fées de tes nuits. Si tu cesses elles meurent, s'éteignent, crèvent, agonisent. Ce serait à cause de toi, et tu voudrais pas ce massacre sur ta petite conscience, pauvre gosse que t'es là, à sourire à rire, et à inscrire. Alors tu les rejoins à tous les coups, tu voles vers elles. Tu marches entre les étoiles.

23-05-2013 à 06:54:27
Acrylique — 07/08/2011

Un grognement s'échappa de ses lèvres, involontaire, alors qu'il s'étirait, les doigts croisés, les bras tirant son corps tout entier vers le haut. Deux ou trois articulations craquèrent, bruit qui ne fit que le faire grimacer, le temps d'une brève seconde, et puis il abandonna cette occupation, pour tourner le regard vers son bureau. En vérité, surtout vers la feuille blanche qui trônait au milieu, tranchant avec le noir de jais du bois laqué de son bureau. Autour, disposés en ovale, accompagnaient le papier ses tubes de gouache. Il poussa un soupir, dans le genre désespéré en plus de l'habituel tintement désabusé. Comme sa jeune soeur lui avait conseillé, il avait déroulé un morceau d'aluminium coincé à côté, pour lui servir de palette. Un nouveau soupir fugua de ses lèvres. Il haussa un sourcil. Il n'avait aucun don pour la peinture. Il fallait dire qu'il dessinait même plutôt mal. Il avait simplement eu la bêtise de relever un défi lancé au hasard de la voix rieuse d'une amie. Du plat de la main, il se frappa le front. Que diable, il était parfois véritablement un idiot. Il en rirait presque, si ça n'avait pas été si dramatique. Rassemblant tout son courage, il rompit le silence de la petite pièce en envoyant valser en arrière sa chaise de bureau. Il peindrait debout. Pour une raison qui lui échappait, il trouvait cela plus inspirant, plus approprié. Bon. Qui vivrait verrait. Les sourcils haussés, les yeux écarquillés sur sa concentration, il saisit le tube cyan. En effet, son petit frère, juste assez âgé pour avoir derrière lui une année de collège, lui avait interdit sur un ton de professeur d'arts plastiques furieux de démarrer avec autre chose que les quatre couleurs primaires, gracieusement autorisées à être accompagnés par du blanc et du noir. Décidément, sa famille l'accablait de tous les côtés. Peut-être qu'un monde meilleur, ce serait un endroit où il serait enfant unique. Oh, et puis non. Il aimait quand même sa famille. Tous les clichés, tout ça, les bons moments et les mauvais, c'était comme ça qu'il était né, il n'allait pas en plus se plaindre. De toute façon, il avait déjà beaucoup d'autres choses sur lesquelles râler. Bref, songea-t-il, coupant court au débat. Il pressa le tube, et étala de la gouache sur l'aluminium. Perplexe devant la drôle de couleur, il choisit d'y ajouter du blanc. Et c'est, mélangeant du bout de son pinceau les deux couleurs, qu'il sonna sa fin. Toute la peinture, il la fit dans un bizarre état second. Il se sentait ailleurs, planant à des kilomètres, à peine conscient du mouvement de ses doigts. C'était quelque chose provenant des tréfonds de son subconscient qui guidait ses muscles, bandait son inspiration, rassemblait l'embryon de talent raté qui lui restait. En émergeant, il poussa un soupir. Il n'était quand même pas un de ces artistes vachement inspirés, qui gifflés de plein fouet par leurs muses, se mettaient à composer dans un état second inconscient. Bon. Sceptique, il haussa plus encore les sourcils. A bout de bras, il brandit la feuille, et l'engloba du regard. Ce fût une sorte de décharge électrique. Il sursauta. Ce n'était pas particulièrement beau, mais drôlement captivant. Et bizarrement venu de lui. Il y avait des champs à perte de vue, blonds de blés, et des forêts sur le bordure du dessin, quelques montagnes en arrière plan, délicatement estompées dans un ciel bleu pâli. Et au premier plan, il y avait une famille qui mangeait un pique-nique, tous avec des grands sourires sur les lèvres. Allons bon. C'était donc ça, le monde dans lequel il aurait aimé vivre ? … C'était pas mal.

23-05-2013 à 06:54:44
Chanson — 08/08/2011

Dépose les notes de ta vie sur la portée. Des noires, des blanches, des rondes. Entrecoupée par des silences, c'est la mélodie de ta vie, qui bat du pied au rythme de la batterie. Tes doigts qui appuient sur les touches du piano, les noires et les blanches doux contraste. Et tu grattes les cordes, certaines tu les pinces aussi. Tu souffles et il te faut des doigts de virtuoses, tu tapes de toutes tes forces et de tout ton coeur, percussion à toute folie. Et la mélopée se fait un peu plus douce. Elle caresse ta joue, glisse sur tes lèvres humides, tourbillonne dans tes cheveux. Elle apaise ton coeur et puis l'affole, fait de toi ce qu'elle veut bien. Il y a les pizzicati qui viennent en canon, et les tons, les octaves. Allegro ton ballet sans bémol, qui s'en va crescendo, et puis de-crescendo. Il y a les écouteurs aussi, que t'écrases dans tes oreilles, et la musique qui s'acharne, la guitare qui s'envole, la basse qui mène et la batterie qui palpite. Il y a de l'accordéon, et un peu de violon, une contrebasse, une flûte, deux clarinettes et un saxophone. C'est l'orchestre qui joue la musique de chambre, et tout le répertoire. Tu tapes la cadence en contrepoint et puis il y a la voix qui s'envole. Il y a l'anglais le français, toutes les langues qui se mélangent, qui te susurrent des mots à l'oreille, en écho à ton coeur qui bat trop trop fort et que tu n'entends toujours pas. Et c'est toi, et c'est eux, c'est des mots, qui se fondent en choeur dans le fond ou s'éteignent parfois pour laisser place aux instruments. Il y a ce rock'n'roll de jeune fille amoureuse des temps passés, il y a cette pop japonaise qui fait danser cette fille qui se rêve asiatique. Il y a cette vieille balade qui te parle, et les chansons des îles qui te donnent l'envie de danser, de chanter avec eux qui sifflent leur bonheur, et toute cette joie que devrait être la vie. Il y a le jazz qui chante la mélancolie, celle qu'on essaie d'abandonner et qu'on a quand même alors tant pis. Tu tapes des mains, tu scandes avec eux, tu palpites toi aussi sur le tempo. Pas une fausse note ni un contretemps ne vient troubler l'arc-en-ciel. Alors tu souris à force, tu n'as plus le choix. Musique.

23-05-2013 à 06:55:05
Printemps-été — 09/08/2011

Elle arrive par le bout de l'allée, un sourire aux lèvres qui résonne dans ses yeux bridés. Prunelles presque noires qui s'inclinent à la vie, l'accueillant avec plaisir. Son carré noir qui tombe sur ses épaules, ondule avec son mouvement. Elle avance doucement, la petite fille, et pour l'instant elle s'arrête. Elle prend le temps de contempler, la perspective en point de fuite à l'horizon. Tout autour du sentier barbouillé, se dressent fidèles légionnaires, ces cerisiers légendaires. Dans tous les pays on les conte, on chante les floraisons, on les dessine, les décrit et les rêves. C'est un cliché quelconque, auquel son coeur pourtant de native du pays, ne peut s'empêcher de répondre. Comme une majorité des personnes qui viennent flâner ici, profitant du doux parfum, elle s'est drapée dans un kimono, dont les motifs reprennent, doucereuses, les fleurs toutes roses toutes tendres. Le bruit des chaussures, qui claquent sur le sol, ne parvint pas à dominer les battements allègres de son coeur, qui lui aussi contemple la majesté, avec ce beau sourire qui s'étale sur ses lèvres. Une larme solitaire, lourde de son bonheur roule sur sa joue pâle, qui s'empourpre un peu. Elle observe les cerisiers en fleur, les cueille du regard, les grave dans sa tête, comme si plus jamais elle ne devait les revoir. Ils sont nombreux à faire cela, les nippons venus pour célébrer la beauté de leurs arbres, et se reposer, le temps du festival. Elle laisse échapper un soupir, fillette perdue là, et puis reprend sa marche, toute seule comme ça. Son cartable dans une main, décoré de rose poupée, se balance dans l'air, alors qu'elle trace son chemin. Elle tourne alors à droite, au fond de l'allée, jusqu'où pas un autre qu'elle ne s'est donné la peine d'aller. Fredonnant alors une joyeuse comptine, elle se laisse tomber dans l'air, les genoux repliés dans la toile de son costume. Une fleur se décide à tomber, s'écrase sur son nez. D'une main délicate, elle l'arrache à sa peau, l'éloigne juste assez pour la contempler. Son souffle fait bruisser les pétales, agitant leur blanc pur, tirant sur le rosé au coeur de la petite fleur. Alors, elle lâche le pincement de ses doigts, et la petite effluve qui accompagnait le cadeau du ciel, laisse une traînée dans l'air, douce, fruitée. Parfum de bonheur. La fillette détourne les yeux, et de son cartable, tire un papier coloré. Appliquée elle y trace un pli, le lisse doucement. Plus tard, ce sera un origami. Joyeuse tradition.

23-05-2013 à 06:55:31
Dioxygène — 10/08/2011

Tu devrais venir. On irait se percher sur le toit de mon immeuble. On descendrait des bières, comme quand on était adolescents. On plierait des bouts de papier en hélicoptères et on les lâcherait dans l'air, comme quand on était enfants. On referait notre vie et le monde en même temps. Il y aurait de la joie, des sourires jetés en vrac sur des lèvres étirées, des rires à gorge déployée. Il y aurait des pleurs peut-être, des regrets du passé, parce qu'on a pas grandi comme on l'aurait aimé. Parce qu'on aurait aimé ne pas vieillir. T'aurais bien voulu, rester jeune, j'en suis sûr, ça aurait été chouette. T'aurais pu t'abstenir des soupirs devant le miroir, de ta peau qui s'affaisse, des patrons tyranniques, des galères de fin de mois, des salaires pas assez, des appartements trop petits. Quand on était gosses, tu t'en souviens, les seuls trop qu'on avait c'était trop de bonheur. Trop jouer dehors au goût de nos parents, trop manger pour que nos estomacs nous épargnent leurs grognements. Des sourires trop grands pour que la maîtresse arrête de nous gronder, trop d'inquiétude pour ne pas croire aux monstres le soir sous notre lit. Peut-être qu'on était trop heureux. Là tout ce qu'on est, c'est trop vieux. Faut pas se faire d'illusions, bientôt c'est la fin. On peut cacher ça à demi-mots, à coups de mensonges par omissions, ça nous empêchera pas de vieillir. Ce serait bien, si tu venais, on pourrait être jeunes, juste un instant. On reverrait comment on a grandi, ce qui a cloché, et ce qui nous manque. Sans toi, un peu seul sur le toit, qui regarde le ciel, et les gens tous petits comme rêve d'en voir les gens qui voudraient voler. Les bières ont un goût amer, le goût de la défaite, tu sais celle qui te fout une bonne baffe à la tronche, de quoi bien te calmer pour longtemps. Et les pliages, ils sont ratés, ils ne volent pas, ils coulent à pic. Parfois ils heurtent un passant qui râle et qui grimace. Rien d'autre, juste le vite, et puis à contresens du temps on fait du sur place, tu sais. T'aurais dû, t'aurais pu, on aurait sauvé le monde avec des bâtons. On aurait pu dessiné nos drôles de croquis. Ç'aurait été bien. Peut-être que t'as fait le bon choix. Regrette rien, tu entends, jamais rien, c'est ce qu'il faut apprendre aux enfants qui grandissent, pour les voir sourire sinon ils finissent à mourir sans rien, en l'ayant un peu voulu. On aurait fait des avions en papier.

23-05-2013 à 06:55:54
Souffre — 11/08/2011

Le rire, comme un frisson commun qui agite tous les corps vibrants à l'unisson. Il sort de toutes les bouches ; gras, léger, exagéré, lourd, pesant, inquiet, jaune, bleu, blanc, rouge, vert, envolé, sincère, heureuse, explosé. Il les remue tous, jeunes adolescents. Ils sont trois, six, douze, une vingtaine, assis sur leurs bûches qu'ils ont disposé en rond. Et dans ce cercle ils sont tous là, ceux qui content les histoires avec la lampe torche giflant le visage, ceux qui écoutent, et ceux qui n'écoutent pas. Certains parlent avec le voisin, deux ou trois ragots qui s'écoulent, de bouches jalouses ou mécontentes. Et puis il y a un jeune homme, qui est ailleurs, sur un autre monde. Penché en avant sur le feu, les mains tendues, les doigts en éventail, il grelotte sans mot dire. Avec un peu de peine, il a fait taire ses dents par le battement en rythme silencieux de ses pieds. Tous les poils de ses bras hérissés en dehors de sa chemise, il a froid. Et puis surtout il y a ses yeux perdus dans le feu de camp, qui dansent avec les flammes, et leur lueur absente qui déclare de rappeler plus tard. Il se perd dans la lueur rougeoyante, ondule au rythme doux du foyer crépitant. C'est le feu, le feu qui l'appelle d'un cri qui gronde comme le désert piétiné dans son coeur, et sa gorge qui s'assèche, la fumée qui le pique au sinus. Il reste comme ça pourtant, ignoré de ses camarades, trop occupés à se débattre entre eux et avec leur coup dans le nez. Alors un instant, il bombe le torse, aspire de toutes ses forces en levant les yeux sur les feuilles glissantes des arbres. Et puis à nouveau son regard plonge dans les flammes, seulement cette fois-ci, il se donne tout entier à cette fascination. Brûlant de chaleur communicative, il finit par se retrouver dans un rêve lucide aux murs orangés. C'est ses tréfonds de l'enfer personnels apparemment, offerts rien qu'à lui. Il tremblote un peu, admiratif, drôlement oppressé par l'émotion. Un soupir content s'échappe de ses lèvres, drôle, un peu amer dans sa gorge pâteuse. Alors il se perd dans le labyrinthe de feu, se brûle le coeur contre les murs. Et étrangement il est heureux quand les ténèbres le prennent, le tirent dans le sommeil. Il s'endort comme ça, fasciné par la lueur dansante du foyer. Et il tombe en arrière, dans l'herbe, dans son profond sommeil. Perdu dans un rêve où il compterait pour quelqu'un.

23-05-2013 à 06:56:14
Flocon — 12/08/2011

« Hé, venez voir, venez voir ! C'est la neige ! »

Un cri de la part de son aînée qui le tira de la torpeur de son sommeil d'enfant. Le soir précédent, ses parents avaient eu bien du mal à l'endormir, finissant par réussir à coup d'histoires doucereuses, de baisers chatouilles, de grands sourires et de belles promesses. Et il suffit de sa frangine, la dizaine, deux fois âgée que lui, et qui pourtant criait dans les couloirs, pour le tirer de ce repos durement acquis. Il tomba hors de son lit, gentil gamin, déjà plein d'énergie le matin. Sans jeter un coup d'oeil à la fenêtre, ce qu'il aurait pourtant du faire, il passa la porte entrebâillée. Où était partie la bambine, c'était une devinette aisée à résoudre. Elle était allée tirer les parents, eux, pas très matinaux, de leur lit, ce qui allait sûrement faire grogner un peu leur père. C'est comme ça que le gamin, descendant prudemment les escaliers, percuta brusquement que sa soeur avait dit la neige. C'était quoi, la neige ? Il savait bien que leur grand-mère disait des oeufs à la neige pour ce que ses parents appelaient une île flottante, et qu'il ne trouvait pas bon. La neige toute seule, pourtant, ça lui échappait. Il devait d'ailleurs y penser un peu trop fort, parce que dans un petit claquement, il se retrouva sur les fesses. Grimaçant de douleur, les yeux larmoyants, il fit le grand garçon, et se redressa pour finir en courant jusqu'à la chambre des parents. Il trouva là son père en pyjama qui bayait aux corneilles, cherchant sa deuxième pantoufle, et sa mère avec son habituel doux sourire, qui réprimandait à voix basse sa soeur. Et pourtant, elle avait l'air heureuse la petite fille, plutôt pas mal, même, tellement son sourire débordait de partout.

« Papa, c'est quoi la neige ? C'est comme les oeufs à la neige de mamie ? »

Son père, avec un sourire amusé, enfila son deuxième chausson, qu'il venait de retrouver, et puis s'approcha de lui, pour se mettre à sa hauteur. D'abord, il hocha négativement la tête. Et puis d'une voix scintillante, il apaisa l'éventuelle crainte qui percerait dans son coeur.

« Pas vraiment, chéri, mais tu verras, c'est mille fois mieux. Au moins mille fois mieux ! »

Devant l'air intrigué et le mignon sourire de son rejeton, il eut une mimique satisfaite, puis, se relevant, chopa la main du petit garçon. Silencieux, les yeux riants, il emmena le gamin jusqu'à la porte, avant de lâcher ses doigts. D'une main, il lui poussa un peu l'épaule, pour lui faire signe d'ouvrir, et de voir ce qu'il y avait dehors. L'enfant s'exécuta. Et, devant lui, La pelouse de devant sa maison, et la rue, et le tout des voisins était tout blanc. Il sursauta, fit un pas en arrière. Aussitôt suivirent deux en avant. Il se pencha, plongea son doigt dans l'étendue blanche. Un frisson remonta son bras. C'était froid, constata-t-il. Mais c'était génial ! Alors, il fit un autre pas dehors, et s'élança comme ça, en pyjama. C'était la première fois qu'il voyait la neige. Sûrement pas la dernière.

23-05-2013 à 06:56:37
Dictionnaire — 13/08/2011

Danse avec les mots. Tu sais il y en a plein. Ils font la ronde, ils farandolent, et leur danse est la plus belle. Elle tourne, virevolte, s'envole, pirouette. Elle chante même un peu. C'est la chanson de la vie, avec tous les mots dans un ordre au hasard, qui se succèdent sur une accolade, une révérence, se répètent parfois. Se varient aussi, se déguisent, parfois pour faire rire, sourire. Et puis souffrir. Ils peuvent tout, les mots, ils sont là, ils te pressent. Ils claquent ta langue sur tes dents, ils s'échappent de ta bouche, coulent sur tes lèvres. Il y a ceux qui font bien rire, qui te filent l'envie de vivre. Ils sont joyeux, eux, ils s'articulent bien, ils te poussent en avant, à grands pas. Tu dois filer, courir. Il y a ceux aussi qui te donnent la nausée, que t'as envie de vomir. Et il y a le silence qui est un mot sans mot à l'intérieur, et qui parfois en cache pourtant, beaucoup souvent dans ce cas-là. Des mots qui font plus mal ou plus plaisir que ceux qui sont dits, et on sait pas pourquoi, ça a toujours été comme ça. C'est sûrement pas toi qui nous les expliqueras, pourtant toi les mots tu les tords, tu les presses, sale retors. Tu leur fais faire ce que tu veux, en échange de ce qu'ils te font à toi. T'es un conteur, un historien, peut-être bien un politique, de ceux qui savent y faire avec ce miracle de la vie. Et tu dis qu'on pourrait tous, le faire comme ça, les déguiser, les plier et puis les assouplir. On devrait essayer peut-être, on sait pas, il y en a peut-être, qui ont ton talent et qui ne le savent pas. Et puis les mots quand même, ils sont là, ils surveillent, et parfois il en suffit de deux, ou de trois. Et en quelques lettres tu as tout un monde de signification. C'est drôle aussi comme ça peut être personnel, l'interprétation. Alors virevolte, tourne, claque, pirouette, envole-toi, danse avec les mots, farandole. Chante-les. Et puis quoi d'autres, juste des mots. Murmure, crie, hurle, braille, souffle, chuchote, meugle, pleure, chante, sifflote, danse, tapote. C'est ta symphonie, ta mélodie, rien qu'à toi, fais en ce que tu veux, ce que tu ne peux pas faire de ton monde. Fais en un rêve, ou un cauchemar, comme ça te chante, tu peux faire ce qu'il te plaît.

23-05-2013 à 06:57:01
Requête — 14/08/2011

Tu me pardonneras sûrement de ne pas t'écrire cette missive selon la forme conventionnelle ; de toute manière, il est très probable que tu ne t'en rappelles plus. Peut-être seulement à demi ; je suppose que ça t'évoque quelque souvenir embrumé de tes cours d'allemand de début d'année, auquel tu n'as daigné prêté qu'une attention concise. Néanmoins … Tu dois te dire que je te connais bien, pas vrai ? Ceci dévoile quelques petites choses sur toi, que tes potes connaissent probablement, s'ils se donnent la peine de réfléchir. Cependant, mon adresse, mon nom, je ne les ai pas apposés. Tu ne sais donc pas qui je suis, pas vrai ? J'aurais aimé me laisser croire que tu devinerais. Peut-être est-ce le cas ; je vais pourtant m'en assurer en te dévoilant la vérité. Je suis toi. … Curieux, n'est-ce pas ? Me crois-tu ? Sûrement que tu en doutes un peu. C'est normal, je dois dire. Si j'avais reçu cette lettre quand j'avais ton âge, j'aurais probablement été sceptique. Cependant ce ne fut pas le cas. Ou peut-être que si, puisque tu es moi ? Nous allons peut-être éviter de nous perdre dans des considérations qui nous amèneraient à réfléchir à un étrange paradoxe temporel. Je sais que tu n'as pas que cela à faire. D'ailleurs, es-tu en train de demander quel drôle de bonhomme peut parler de cette manière ? C'est toi, mon vieux. Grandi, passé à la moulinette, conformé à la société. Ah, ça te révolte, pas vrai, que je dise ça ? Je m'en doute, ne t'en fais pas. C'est pourtant le cas. Ah ! La jeunesse. Terrible, anticonformiste. Admets que ces deux mots te mettent le vent en poupe. Oh, comme je te comprends. Parfois, je songe assez fort que j'aurais aimé rester un adolescent. La jeunesse, les cheveux hérissés au gel, les yeux pétillants, les baskets traînantes. Les fêtes, les livres, les séries à la télévision, inédites et en rediffusion. Les clopes, les beuveries, aussi, peut-être. Ne nie pas, je te connais bien. Je me demande … as-tu compris ? Je suis toi, mais du futur. … Oh, merci pour le sursaut et le bond en arrière. Bien sûr que tu deviendras comme cela. Tu n'y peux rien. Je voulais simplement te prévenir de certaines petites choses, qu'on commence à regretter à mon âge. Par exemple, arrête donc de te disputer avec tes parents. Plus tard, ils te manqueront, tu sais. J'ai souvent rêvé à leurs sages conseils alors que je me retrouvais seul. Il faudrait peut-être aussi que vous arrêtiez de vous bagarrer entre frères. Tu verras. … Oh, et ... Arrête de fumer, s'il te plaît. Même si je sais que tu ne le feras pas. Tu n'as pas idée de ma condition physique. Nonobstant … Profite.

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