L'orphelinat.

03-11-2011 à 22:50:03
Où les gosses passent, restent, partent, s'échappent, pleurent et rient... Où la vie commence et se termine pour tant d'enfants.

Envole toi putain de merde.
T'es libre, alors dégage. T'attends quoi ? Une pluie d'étoiles filantes pour saluer ta bonne fortune ? Des chants religieux en ton honneur ? Des bonnes fées qui sourient et des lutins qui dansent ? Connard. Hors de ma vue, nouvelle colombe.
Pfff, colombe... Quel titre à la con ! Pigeon, ouais, ça sûrement. Mais colombe ? Non. T'es plutôt un de ces volatiles complètement abrutit qui picore l'asphalte sur les trottoirs de Paris. Ouais, tu sais ? Ceux que les enfants poursuivent en faisant des grimaces ? Et bah, ça, ce truc obèse qui bat d'une aile et demi, c'est toi. Et moi, je te jette des pierres à la gueule pour te faire tomber sur la route. Après, il ne manque plus qu'une voiture pour compléter le tableau ; et te voilà crevé. Comme tu devrais l'être maintenant.
Raide mort, rigide, cadavérique, pâle comme et cul et complètement à la ramasse avec ta tronche de cake aussi lisse qu'un bouton infesté de pus. Putain. Il ne manquerait que la teinte verte, connard, et tu serais comme ça tout les jours ! Ouais, comme un truc laid et énorme dans ma vie.
Je peux pas te saquer. C'est comme ça. T'es trop moche, t'es trop con. Et maintenant t'es libre. Avec tes jolies ailes duveteuses, toute fraîches, et ta gueule de martyre encadrée de cheveux noirs. Le monde t'attends. Il à toi. ET MERDE. A toi, putain, à toi, à toi ! Casse TOI ! LE MONDE T'OUVRE LES BRAS, ALORS CASSE TOI !
Tu vas me faire dégueuler, avec ton sourire niais qui te découpe la tronche en deux. Putain. T'es encore plus craignos comme ça. Rien pour relever la donne, jusqu'au bout, même dans ton bonheur de connard, connard, tu restes un gros connard. Connard, connard, connard, connard, connard. Je t'emmerde pour ton existence, je t'emmerde pour ta joie, je t'emmerde pour tes jolies dents alignés, je t'emmerde pour ta réussite, je t'emmerde pour tout. Envole toi, va-y ! Sors de la merde, décolle des chiottes de l'humanité et laisse l'eau saumâtre de la cuvette universelle derrière toi ; je sais que t'en a envie, de t'élever comme un ange et de regarder de haut les microbes que nous sommes. Tu nous trouveras vraiment tout petit depuis le ciel, hein ? Petits comme ta bite, connard. Ouais, aussi petit que ça ! C'est dire.
Mais va-y, barre toi. On collectionne pas les miniatures ici. Tu peux bien aller renifler les jupes des autres anges, des salopes divines qui marchent dans les rues du ciel, personne n'en aura rien à foutre... Personne n'en a rien à foutre de toi, de toute manière. C'est juste comme un chien de moins, qui irait chier ailleurs. C'est ça que ça représente ton départ. Une merde en moins, parmi les autres merdes. Mais t'inquiète, y'aura bien un autre plancton cropophile pour te remplacer. Y'a toujours des mioches qui finissent par s'écraser ici ; le ciel a la chiasse et il vient couler un bronze ici au moins trois fois par an. C'est comme un pot de chambre transmit de génération en génération. Tout les anges du monde viennent chier ici. Des mioches, ouais, on pourrait êtres des mioches. Mais c'est pas le cas. Pas de gosses, pas de lardons, pas de mômes, pas de moutards, pas de... De bambins. D'enfants, putain de merde, c'est ça, d'enfants. C'est pas nous les enfants. Nous, on est les merdes, les trucs pas nettes qui ce sont présentés sans qu'on le demande. Tu vois, un peu comme une envie soudaine. La première chose qu'on fait, c'est d'aller aux toilettes.
Nous, ça a été la même. Les anges ce sont retenus un temps, puis quand ils sont passés au dessus de l'orphelinat, ils ont enfin larguer les merdes que nous sommes. Comme ça, comme on jette un vieux morceau de pizza pourri à la poubelle ; sauf que nous, nous sommes des merdes. Retiens, connard. Des MERDES. T'en es une aussi. Ils t'ont chier aussi, les anges. Ne l'oublie pas, connard ! Nous sommes tous des merdes ! C'est juste que toi, t'as des ailes maintenant. T'es une colombe. On t'as rincé, brossé. T'es une colombe... Tu me lâches. Tu m'as pas chier, mais c'est tout comme. Tu me lâches. Comme si t'étais déjà devenu un ange. Putain de bordel de merde. Connard... On s'était promis tant de choses. T'as oublié ? C'est le soleil qui t'as brûlé les neurones ? T'es pas encore monté au paradis, alors non, c'est pas ça. Mais alors quoi ?
C'est quoi ton blem ? Tu vas me laisser ici ? Tu vas t'envoler ? Ok. Je t'ai dis de te barrer. Mais toi, t'avais dis que tu le ferais pas. Si tu t'en souviens pas, vas te faire soigné connard. MOI, je me souviens ! J'ai pas une mémoire d'abricot. Alors vas te faire foutre ! Dégage de... Putain, reste, reste, reste. T'avais promis. Tu dois rester. On s'était cracher dans les paumes. On s'était brosser les cheveux avec des glaires. C'était un vrai pacte, ça. En plus, on était enrhumés... Se passer de la morve dans les cheveux, ça scelle une promesse. Tu peux pas faire comme si t'avais pas promis. Tu peux pas te casser comme une colombe. On avait dit que ça n'arriverait pas. Que toute les colombes étaient des pétasses. Redeviens un corbeau, mec. Te laisse pas blanchir les plumes ! Salopes de colombes ! Tu veux glousser comme elles ? Volatiles à la con ! Pigeons à la con ! T'es une colombe qu'ici, ça, tu le sais ? En haut, dans le ciel, tu vas devenir aussi gris que les cendres de ton passé. Gris comme un pigeon. Et quand je sortirais de là, putain, je te jure que je te retrouverais, et que tu seras toujours un pigeon. Et que ce pigeon à la con, je vais lui casser la gueule avec de la caillasse.
C'est vraiment ce que tu veux ? Tu seras jamais un ange. Il y'aura toujours un peu de merde sur tes ailes. T'y peux rien, c'est comme ça. C'est dans tes gènes, c'est dans ton sang. Ton sang, c'est de la merde. Tes larmes, c'est de la merde. Ton âme, c'est de la merde. Sous ta peau, il n'y a que de la merde. Ils le sentiront à trois kilomètres à la ronde ! Ils connaissent bien ce genre d'odeurs. Ils la reniflent dans leur jeunesse, juste pour savoir, juste pour pouvoir nous reconnaître après. Ils sont... Enfants, et ils savent déjà. Ils savent que nous, on en est pas. Tu peux pas changer ça, connard ! C'est si dur à comprendre ? Ils t'ont éblouis avec quoi ? Des promesses, tout le barda ? Ils t'ont réclamé, et t'as accouru ! T'as même pas cherché à me prévenir, à te souvenir de moi ou de ce que t'avais promis... Ils sont venus, ils t'ont souris, t'ont dis qu'ils te prenaient, et c'est tout. Après ça, je n'existais plus. J'ai disparue comme ça. Shshsh. Coup de vent dans ta vie. C'est pas juste.
Je t'aimais connard. Je suis sûr que tu le savais. On l'a toujours sut tout les deux, de toute façon. C'était là, ça gigotait comme vieux ver à l'affût dans un estomac, qui attendrait qu'un morceau de bouffe tombe pour commencer le festin. Pourquoi on s'est jamais rien dit ? On savait, pourtant, on savait et on s'est tut... C'était con de se taire. On aurait dû le gueuler, le chanter dans les dortoirs aux oreilles des autre merdes endormies. Ils en auraient bouffés de notre amour. Ils en auraient eu des crampes d'estomacs. Mais aujourd'hui tu te barres. Aujourd'hui, t'es libre. Et moi... C'est comme si j'étais une chaîne. Alors tu m'as brisée. Tu m'as cassée en deux pour pouvoir t'envoler. C'est bon, c'est réussit.
Je suis morte, je suis fendue. Tu m'as eue. Alors va-y, je te dis.
Envole toi connard...


-

Il n'y a pas de fatalité.

-

Tu marchais depuis trop longtemps, là, comme si tes jambes étaient devenues folles et que la route ne s'arrêtait jamais.
On t'avait proposer mille fois au moins une aparté dans ton voyage, un petite pause de rien du tout. Mais tu n'étais jamais fatiguée. Tu continuais d'avancer, toujours. Qu'est-ce qui t'as permis de marcher aussi longtemps ? N'importe qui ce serait arrêté. Mais non, bien sûr. Pas question de poser ton cul sur une chaise, tu t'y refusais catégoriquement.

<< Pas tant que je ne l'ai pas trouvé.>>

Ta réponse. Énigmatique ? Oui. Personne ne pouvait comprendre que tu retournais le chercher. On ne savait pas d'où tu sortais, ça t'allais très bien comme ça. C'était ton secret. Le monde entier était stupide quand il se retrouvait en face de ton visage déterminé, de ton air buté qui en aurait donné l'envie à plus d'un de te claquer par crainte. On a peur des gens qui savent ce qu'ils veulent.Tu étais effrayantes à leurs yeux à tous : une jeune fille qui avance seule, qui refuse la gentillesse curieuse, perfide, des adultes qui l'abordent, ce n'est pas normal. Tu aurais dû être apeurée, égarée, fragile. C'est l'image qu'on se fait d'une adolescente qui erre sur la route sans personne. Il fallait que tu ais fugué, ou quelque chose comme ça, parce-que ça ne pouvait pas s'expliquer autrement. Il n'y en avait pas un pour imaginer autre chose. Comme qu'on ait voulu se débarrasser de toi.
Bon. Tu avais tout fais pour ça, aussi. Provoquer des batailles de nourriture au milieu de la cantine, réveiller les filles du dortoir en leur jetant des oreillers, et même écraser les pieds du directeur sous un implacable talon. Tu avais tes raisons. Il fallait que tu sortes de cet orphelinat. Pas au bras d'une gentille colombe adoptive, un ange bienveillant comme l'un de ceux qui te l'avait enlevé, lui dont l’absence t'as forcée à devenir insupportable. Non. Trop facile, et inacceptable. Toi, tu tiens tes promesses. Aucune foutue colombe ne t'emmeneras jamais dans son céleste royaume.
Tu es partie seule, quand ils se sont arrangés pour te virer. Tu leur a juré que tu n'arrêterais pas de faire de leur vie un enfer, tant qu'ils n'auraient pas fait un petit effort pour que tu puisses partir. Tu les as harcelé pendant des semaines avant qu'ils n'accèdent finalement à ta demande. De faux papiers d'adoption, une famille bidon et imaginaire. Le tour était joué. Tu étais libre maintenant. Tu t'es envolée aussi, mais toi, avec tes moignons d'ailes. Sûr que c'est moins facile que d'être escorté par des colombes. Mais tu as ton honneur. Il n'était pas question de se laisser traîner par un couple de piaf immaculés.
Alors voilà. Tu as commencée à marcher, et tu ne t'es plus arrêtée. On a vu ta silhouette le long de la route pendant des mois. Ils habitaient loin, les deux anges qui te l'avaient volé. Mais ça aussi tu l'as réclamé, alors on t'as donnée son adresse, et tu t'es mise à sa recherche. Ta marche erratique t'as conduite un peu partout, même là où il ne fallait pas. Un trafiquant de filles t'as légèrement retardée. Tu t'es enfuies quand même. Et continuer, pendant des mois, à traverser les pays qui te séparaient de lui. On t'as fait faire un long détour. Tant pis.
Le temps ce n'était pas grand chose, et ça l'est toujours pas d'ailleurs ; une mesure inutile de plus pour se rassurer, se dire qu'on a une emprise sur ça aussi, cette chose énorme qui nous ronge, nous draine, nous tire avec elle dans sa course immortel, jusqu'à ce que tout ne soit plus que poussière. Elle laisse des tombes sur son sillages, et des déserts de cendres froides que le vent n'emporte jamais. C'est le genre de cendres qui ne dansent pas. Elles ne vont jamais au bal, comme une multitude de cendrillon grisâtres et frigides qui restent clouées au sol, interdites d'amour à tout jamais. Tu étais peut être l'une d'elle, morte trop tôt, tombée du traîneau et transformée en poussière dés qu'il était partit, ce conard que tu chérissais tant.
Mais tu avais invoquée ta propre bourrasque, tu t'étais envolée en laissant les autres cendres derrière toi, à se lamenter sur une existence perdue, un destin fatidique qui leur avait tout arraché. Au dessus d'elles, tu étais redevenue cette merde qui te collait à la peau, cette chose charmante qu'une colombe avait larguée au-dessus d'un orphelinat pour se vider les entrailles de ta lourde présence. C'était bon de te retrouver.
Alors maintenant , tu te trouvais là, à quelques mètres d'une porte. Tu allais l'ouvrir à coup de pieds, défoncer ce rectangle de bois qui te bloquais le passage. Tu ouvrais la grille en fer avec son loquet grinçant, marchait mine de rien sur la petite allée d'ocre rehaussée de quelques touffes d'herbes desséchées, laissait traînée une main sale et écorchée sur un mur blanc trop propre à ton gout, et posait sagement tes deux pieds sur un paillasson poilu en crin d'un animal quel qu'il soit, puis enfin, sans prendre cette respiration fatidique dont tu aurais bien eu tant besoin, tu frappais la porte à coup de phalanges. Élégamment, bien sûr.
Le rectangle brun faisait tourner sa masse vers la droite. Un adulte effaré, comme tant d'autres qui t'avaient déjà lancer ce regard qui présageait une putain de curiosité mal placée, se présentait pour te barrer le passage à son tour. Agacée, excédée, tu le toisais, une menace dans les yeux.

<< Bonsoir. Votre connard de fils est-il ici ? J'aimerais bien lui cracher deux ou trois mots à la gueule. Ah, et si vous avez une chaise à me proposer, c'est pas de refus aussi, je commence à avoir mal aux jambes. >>
  • Liens sponsorisés