( Hordes. )

21-02-2012 à 00:46:40
Si il faut mourir ce soir, prends moi la main et dérivons.
Si il faut mourir ce soir, prends moi les lèvres et dérivons.
Si il faut mourir ce soir, regarde moi et penses le encore. Penses le, que je t'aime, car si il faut mourir ce soir, c'est la dernière chose à faire. Pense le, car au dehors, le monde est fou. Une seule chose mérite d'être véritable. Nous. Nos mains, nos lèvres, qui dérivent au loin.
Si il faut mourir ce soir, il faut que ce soit dans tes bras. Car il faut bien goûter à une dernière étreinte. Une ultime chaleur, qu'on dépose d'un baiser, que l'on étale d'une caresse. Il faut mourir enlacés.
Si il faut mourir ce soir, laisse moi t'aimer encore un peu. Lèves les yeux, croises mon regard. Je sais que je vais mourir ce soir.
Ce n'est pas pour ça qu'il ne faut pas t'aimer.
Si il faut mourir ce soir, ô goule aimée, que soit de ta main tant de fois caressées...


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21-02-2012 à 02:26:40
Tu n'es pas mort ce soir, mais tes sanglots sont comme une fin.
Tu n'es pas mort ce soir, mais tes yeux saignent du mensonge révoqué.
Tu n'est pas mort, car je n'ai pas daignée combler le creux de tes lèvres. Car ma main que tu serrais n'a pas serrée ton cou, ne s'est pas faîte serre pour lacérer ta peau. Car dans mes yeux le désir portait le nom de tromperie.
Tu n'es pas mort ce soir, ou peut être que si. Peut être t'ais-je tué sans avaler ton coeur, en le brisant simplement. Peut être la vérité t'a t'elle portée un coup plus mortel que ne l'aurait fait une main aux griffes avides. Peut-être est-ce plus cruel de te laisser ainsi, loque, lambeau, pauvre chose esseulée, éplorée. Pauvre chose pitoyable.
Tu n'es pas mort ce soir, pas de mes crocs ni des armes de la faim, mais toi qui te croyais aimé, de ma langue aux paroles acérées, je t'ai ouvert les portes de l'enfer.
Je ne t'ai jamais aimé, ô toi homme méprisé, à l'ardeur tant de fois, secrètement moquée.
07-03-2012 à 19:36:11
Depuis longtemps, il n'y avait plus que cette... Solitude.
Comme un poison qui lui rongeait l'esprit, les dents du destin sur son âme esseulée. Un ogre qui suçotait et mordillaot les os d'un enfant égaré. Mais un enfant ne peut pas se défendre. Il ne comprend pas. Toujours pas. On ne peut pas comprendre la mort et le silence quand on est enfant. Ni l'accepter. Un enfant peut juste attendre quelque chose... Une intervention. Un enfant, c'est si pur, si naïf. Il ne savait pas qu'autour de lui, il y'avait encore beaucoup de monde. Il n'entendait pas encore les grognements... Car ils n'étaient pas levé pour l'instant. Mais cela ne tarderait plus. Le destin emmerde même les enfants.
Enzo gardait les yeux ouverts depuis trois jours. Il y'avait eu un bruit énorme, comme un orage sur la terre entière qui aurait fait tomber des éclairs dans les maisons, qui aurait envoyé la foudre fouiller toute les pièces pour se saisir des adultes et les étreindre jusqu'à n'en faire plus que des plaies noires. Puis ensuite, rien. Personne n'était venu le chercher dans son armoire. Il n'osait plus déplier son corps chétif pour sortir. Alors il attendait quelqu'un, quelque chose, un bruit, une voix pour desceller ce qui semblait être devenu un vaste tombeau. Deux mains pour faire racler la couverture de pierre qui l'enfermait au fond de cette tombe. Il avait peur de s'endormir et de se réveiller dispersé en poussière sur le sol. Ou d'être si fatigué, qu'il ne se réveillerait pas avant que même les trottoirs se disloquent tout seul dans des craquements de vieux goudron gelé, pendant un hiver éternel qui allait mettre le monde à mal. Peut être était-ce déjà arrivé ? Il n'avait sûrement pas entendu, simplement. Malgré ses oreilles tendues en l'espoir d'un appel. Malgré ses yeux qui transperçaient l'ombre jusqu'à y voir des tâches colorés qui dansaient.
Elles étaient sa seule compagnie, spectres évanescents qui éclaboussaient le néant pendant des brefs instants, avant de se diluer quelque part, laissant place à des nouvelles venues aux tons fanés. Les couleurs avaient brûlées avec les adultes. Elles étaient grises, cramoisies, ternes. Couleur de cendres, de rat et d'automne hostile. Il aimait bien l'automne pourtant. C'était une saison d'incendie. La nature entière se recourbait, s’enflammait, faisant pleuvoir des flammes virevoltantes sur la ville et dans la cour de l'école. Un grand tapis de braise couvrait le monde, immense feu de cheminé aux pas de danse ravissants. Il pouvait courir derrière les flammes que les arbres jetaient aux visages de passants, et elles fuyaient sous ses pas, s'envolaient en désordre comme des volées de perroquets et de canaris. Certaines, pleines d'hardiesse se plaquaient sur son visage, courroucées, enveloppant ses pommettes de leurs doigts cramoisies, courant sur ses cheveux châtains de la pointe de leurs pieds. Mais elles finissaient pas cesser ces attaques. L'automne s'éternisait, et les oiseaux perdaient leurs ailes. Viraient au brun. Leurs plumes sèches s'émiettaient sous ses semelles.
Peut être que l'automne était arrivé plus tôt, et avait soufflé sur les adultes avec un vent de poussière et de vieux tons sépias. Les rendant eux aussi tout secs. Comme des feuilles mortes.
Ou peut être faisait-il un rêve très long et très désagréable dans lequel il ne se passait rien... Il ne réussissait même plus à bouger, maintenu au sol par le silence et les ombres qui pesaient sur ses frêles épaules en deux lourds baluchons de plomb. Mais il arrivait à garder les yeux ouverts, malgré tout.
N'importe qui serait sortit. Pas lui. C'était un enfant, en effet, et le destin aime ronger les os d'enfant. Alors il l'avait plaquer au fond de cette armoire, et lui patientait en silence, en attendant... En attendant quoi ? Ce petit bruit. Qui serait suivi d'autres encore. Puis d'autres après. Puis d'autres. Partout. A travers le monde entier, dans toute les villes silencieuses, dans toutes les maisons frappées par la foudre.
Ce petit bruit qui fit cligner des yeux à Enzo. Léger raclement. Hésitation. Reprise. Soulevait-on le couvercle de sa tombe ? Il ne savait pas. De toute manière, une tombe n'était qu'un lit pour les personnes montées au ciel. Alors il n'avait rien à faire là. Il fallait qu'il sorte pour laisser dormir les gens en paix. Il ne fallait surtout pas les réveiller, car ils étaient très contents au paradis. C'était une sorte de rêve collectif où tout le monde était heureux et ne faisait jamais de cauchemars. D'après ce qu'il avait compris.
Pourtant, le destin ne voulait pas. Enzo ne pouvait pas bouger. Au fond de lui, remontant en doux frissons sur sa peau déjà blafarde et sale, une peur effarante remuait insidieusement ses entrailles. Une de ces terreurs nocturnes, mal des ténèbres qui frappe dans toute les vies, laissant un corps figé dans les couvertures, un regard immobile qui fixe un non-lieu dans les ombres. Il en était la proie en cet instant. Le bruit. Hésitant. Suivit d'autres bruits. Des pas lourds et lents sur le carrelage. Un cliquetis étrange qui riait au milieu de ce silence entaillé. Deux pas. Frottement d'une paume qui pelait contre du papier peint. Elle laissait de la peau sur son passage, des lanières de chair mortes qui retapissaient les murs un instant, se recourbaient en mus reptiliennes verdâtres, et tombaient en boulettes fétides sur le sol. Des fluides épris de liberté suintaient d'un corps dans un bruit visqueux.
Il entendait tout.
Jusqu'aux pieds qui frottaient la moquette de sa chambre. Jusqu'aux éclats de verre qui s'enfouissaient dans la peau putride. Jusqu'à la main qui tâtonnait contre la porte de l'armoire. Trouvait la poignée. Se renfermait dessus avec un bruit spongieux. Puis alors, il put voir également.
Voir la raie de lumière grise qui fendait les ténèbres et tombait entre ses yeux. Dans ses yeux, alors qu'elle s’élargissait comme une blessure dont les bords s'écartent. Ses paupières papillonnèrent pour protéger leurs prunelles agressées. Entre deux battements de chair, il voyait la silhouette qui se dessinait à contre jour, remplaçant l'ombre de l'armoire. Une robe vaporeuse, qui semblait brouillard autour de cette fine apparition. Son bras retomba, quand elle lâcha la poignée. Brusquement, avec violence. Il alla baller contre une hanche voluptueuses. Enzo sursauta, en retard.
Le plomb s'était envolé de ses épaules. Il renifla, le nez soudain plein de morve et les yeux emplit de larmes.

- Maman ! Sanglota t'il.

Le petit garçon se leva dans l'armoire, illuminé par la lumière grise qui filtrait de la fenêtre poussiéreuse de sa chambre. Ses yeux bleus brillaient, lustrés par les larmes qui en coulaient. Ses cheveux bouclés avaient un éclat terne, éteint, qui rendait son pâle visage aussi resplendissant que celui d'une poupée. Une petite poupée de porcelaine, si fragile...
La silhouette lui ouvrit les bras, ange du contre-jour, enveloppée de brume. Enzo y sauta. Sans même constater que l'étreinte maternelle qui lui avait tant manqué, l'offrait aux crocs dévoilés de ce qui avait été sa mère.
Parce-que le destin est un pauvre enfoiré.
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