Twiner Game. ( Concours Muxxu. )

28-04-2012 à 15:53:47
Ce rp est réalisé en collaboration avec Anari ; le personnage de Rilée est de son fait, et nous nous sommes concerté quant au déroulement des actions dans le texte.

Lémoné Orion !
Oui, c'est moi. C'est bien cette carcasse maigrichonne et osseuse qu'on a désigné. C'est cette chose à face pâle qu'on va tenter de massacrer dans une arène. Bref. C'est moi. C'est moi. Moi. Comme un écho quelque part dans ma tête creuse. C'est Lémoné Orion, oui, bien moi, pas vrai ? Lémoné, quel nom. Sûr que personne n'aura de mal à retenir ; un bon petit citron, un petit coup acide de lemon qui vous ravage la gorge. Je ne sais pas trop d'où mes parents ont sortit une plaie pareille. D’une boisson citronnée ou un truc du genre. Enfin. C'est moi. Putain, encore cet écho. Il faut que j'arrête de me le répéter. Les caméras vont se braquer sur ma tronche d'ahuri. Ça fait déjà une seconde que je pense. Le temps passe vite. Espérons que ce sera pareil face à ces détraqués des autres districts. Surtout ceux du Un ; ils veulent se battre là-bas. Bande de tarés.
Il faut que j'avance, comme je l'ai toujours fait : avancé pour protéger ma famille de gamins efflanqués des brutes. Avancé pour me prendre des baignes à la place de ces pauvres gosses qui m'ont désignés comme père, mère, chien, enfin une sorte de protecteur quoi. C'est franchement désolant, mais je m'y accroche. Et puis, il y'a mes jumelles aussi. Sophia, Mélonan. Je crois que je me suis laissé avoir par leur jolie frimousse mad in japan. Des cheveux biens lisses et biens noirs, des yeux bridés aux prunelles de jais. Deux petits modèles conformes identiques. Je devrais m'avouer que je les aime vraiment, un jour. Mouais. Plus tard peut être.
En bon petit orphelin du foyer communal, j'avance les épaules voûtées, tremblant de ma carcasse misérable. Pff. Trop cons. Ils vont tous y croire, pas vrai ? C'est mon rôle de toute façon. Je dois avoir une tronche de zombi, avec mes lèvres exsangues, ma peau trop pâle, mes putains de tâches de rousseurs et mes cheveux secs, couleur du genre, "boue dégueulasse". Je suis sale. Je suis moche. Je suis maigre. Ok, j'ai rien pour moi.
Mais merde, j'attendais ça depuis des lustres ! Je suis qu'une pauvre loque du septième district, mais j'ai été choisi, pas vrai ? Ils l'ont tous dans le fion ! Je vais pouvoir... Devenir quelqu'un. J'étais personne, mais c'est finis. Je peux devenir riche. Je peux retourner dans mon foyer, et arracher mes petites jumelles à la violence et la faim. Je peux faire pleins de choses, je peux... Ouais, je peux devenir un putain de vainqueur. Et après, ce serait plus pareil, il y'aura pleins de trucs à faire, des trucs nouveaux, des trucs merveilleux ! Genre... Manger, donner à manger. Acheter des poupées à mes Japanes. Mes gentilles Japanes. Et les autres, ouais, aussi, sûrement...
Bon. J'avance maintenant. Il faut bien. Je dois avoir l'air d'une vraie merde. Tant mieux. Rien de mieux que de sembler sortir d'une peltée de fumier pour tous les prendre par derrière. Enfin, je crois...
Les jumelles doivent chialer derrière moi. Quel connard. Je pourrais me retourner. Et puis les rassurer, aussi, hein ? Mais non. Ils doivent pas savoir que j'ai une raison de vivre.
Que je dois gagner pour elles.
Lémoné Orion va vous péter la gueule, préparez-vous bande d'enfoirés... Je sais pourquoi je dois pas perdre. J'ai aucune importance. Mon corps, faîtes en ce que vous voulez. Je vous aurais. Même si je dois rentrer manchot, unijambiste.
Je rentrerais, c'est tout.

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GONG
Je fonce.
Il n'y a pas le temps de s'allier, pas le temps de chialer, pas même le temps de pisser. Et j'ai bien envie pourtant. Peut être la peur. Ouais, je suis une grosse merde trouillarde. Mais je m'en branle. Pour l'instant, je dois juste courir, très vite, très loin, sans regarder derrière moi. Je suis doué pour courir. J'ai appris à m'échapper vite. Je distance rapidement les autres tributs, sans prendre le temps de regarder ce qu'ils deviennent. Mine de rien, je suis rapide ; j'ai l'impression de voler au dessus de sol. J'ai toujours envie de pisser. Mais je me sens libre, ouais, libre comme un piaf. Je sais bien que c'est illusoire, y'a des caméras partout autour de moi... Mais je me sens libre, c'est tout.
Lémoné, libre.
Je m'enfonce le premier dans la forêt, sans me poser de questions, sans chercher à m'orienter ; je tomberais bien sur quelque chose. J'ai appris à reconnaître tout ce qui se bouffe. Je peux survivre au milieu nul part, je le sais. J'espère juste que personne ne va me suivre. Que personne ne va me suivre. Personne, personne... Je tourne la tête, juste une fois. La lisière du sous-bois n'est déjà plus qu'un horizon lointain. Mon putain de coeur cogne si fort que l'arracher à ma poitrine serait une libération. Mais non. Je suis pas là pour glander et me suicider comme une pauvre merde. Je continu de courir, je file entre les troncs, je me prends des ronces dans les genoux, j'écrase des fougères, je laisse des arbustes me griffer la gueule et me gifler sur tout le corps. Je sais même plus ce que je dois sentir. La forêt agresse mes narines, si pure dans son naturel, dégageant un fumet angoissant et sauvage. L'humus, les feuilles qui se décomposent, les odeurs laissées par la faune... Mes poumons me font mal. Mon coeur veut s'éclater la face contre ma cage thoracique. Par dépit ? Oh, et puis je l'emmerde mon coeur. Ma peau aussi. Tans pis si elle me brûle. Je m'emmerde profondément, voilà.
Je n'arrêterais pas de courir avant de trouver un obstacle. Un truc infranchissable, une bonne grosse barrière contre laquelle je pourrais poser le cul et souffler un peu. Quand je serais sûr d'avoir échapper aux autres.
Je m'enfonce dans la forêt sans m'arrêter. Je ne regarde pas autour de moi pour me repérer ; pour le moment, tout ça n'a aucune importance. Il faut juste trouver un abri, j'aviserais pour le reste, après. J'aurais le temps de penser à mes Japanes, de regretter encore une fois d'être ici, de couler un bronze quelque part, et puis de lâcher enfin la source qui veut jaillir depuis tout à l'heure. On devrait pas faire attendre la nature ; mais bon, si je veux survivre, il va falloir faire quelques petites concessions aussi. Je dois y mettre du mien. Genre. Arrêter d'emmerder le monde. Arrêter de m'emmerder moi. Arrêter de rester sourd à mon propre corps, par exemple. Comme maintenant. Je m'étale. Comme une tranche de pain qui tombe du mauvais côté. C'est à dire, pour faire plus simple, droit devant, nez en face du sol. J'ai l'habitude des chutes aussi, tient. C'est marrant comme on apprend pleins de trucs utiles au foyer communal. Vraiment cool de se faire tabasser, de fuir les coups trop violents, toutes ces choses qui vous servent une fois qu'on courre comme un dératé au milieu de la forêt pour échapper à une mort certaine, pas même sûr d'être pourchassé mais craintif face à une très probable poursuite. Tout ça pour finir par se rétamer, tarin pointé vers le centre de la Terre. Merci la gravitation. Putain.
L'habitude me fait dévier sur le côté, et je me cogne l'épaule. Mais la couche de feuilles humide qui couvre le sol amortit le choc. Je sens quasiment rien ; ça me change du goudron. Finalement, c'est pas mal du tout la forêt ! Je me relève et recommence à courir. Pour quelques temps. Sauf que... Mon souffle meurt. Je ne tiens plus la cadence. Tant que je ne m'arrêtais pas, j'avais l'impression de pouvoir continuer pendant des heures, sans jamais perdre espoir. Mais cette petite chute a finalement eu un poids tout autre qu'un nez brisé. Je n'arrive pas à retrouver une respiration normale. je suis presque étourdis, et je transpire dans mes habits de tribut. Ils sont déjà déchirés par endroit... Je suis vraiment un porc. Et un porc exténué. Tans pis pour la fuite, je dois déjà avoir semé pas mal de monde. Je les entendrais venir de toute façon... Pas vrai ?
Je m'offre une pause pour l'instant, en me laissant aller contre un tronc. Je reprends mon souffle, en essayant de m'occuper l'esprit. De penser à des stratégies, en rageant de na pas connaître l'heure, l'emplacement des points d'eau... Et tout d'un coup, je me souviens que tout ça n'est qu'un jeux. Que je suis filmé en ce moment même, et qu'on observe mes doutes avec délectation. Je dévisage le sous-bois, atterré. J'ai aucune chance de survivre si je ne trouve pas vite un abris. Aucun sponsor ne misera sur moi, même si je suis un Carrière. On voit bien que je suis un orphelin, que je suis maigre. Même si j'ai eu droit à un dix de la part des juges, on ne puisse pas dire que je sois vraiment brillant. Mon agilité et mes lancés de couteaux les ont amuser, et les passes avec le bâton surpris, mais c'est tout. Là, je n'ai que mes poings pour me défendre. Mes poings osseux... Et en plus je suis déjà essoufflé. C'est dangereux de se reposer. Qu'est-ce-que pensent les gens en me voyant comme ça ? Ils sont amusés, ces connards ? Ou ils ont pitié ? Qu'est-ce qu'on peut bien dire de moi, à part de la merde ? Putain... Est-ce que mes Japanes ont peur ? Peur que je ne revienne pas les protéger, qu'un autre tribut me tombe dessus dans quelques secondes, minutes, heures, et que je meurs déjà ? Est-ce que j'ai quelqu'un pour croire en moi ? Je sais que c'est hypocrite de demander ça. Je ne me fais pas d'illusion, même moi je sais que j'ai aucune chance. Pourtant, bordel, ça me ferait vraiment du bien de savoir que des gens ont confiance, qu'ils croient que je puisse survivre aux Jeux. Je sais pas. Avant, je me souciais pas de tout ça. Je devais juste jouer mon rôle de protecteur efflanqué, partager ma part de nourriture avec Sophia et Mélonan. C'était facile de se sentir fier de ces petits sacrifices. C'était facile d'encaisser les coups et de se carapater après avoir voler du pain. Il n'y avait pas des milliers de regards braqués sur moi, pour me juger, cracher mon nom comme une insulte, et se moquer, railler ma course à travers le bois, puis ma chute, et ma pause, là tout de suite... Pourquoi ça me fait tant de mal ? J'ai jamais rien eu à faire des autres. Seules comptaient mes Japanes, et quelques autres gosses à qui je sers de chien de garde. Je ramassais mes dents et celle des autres, puis je vivais comme ça sans trop savoir à quoi ressemblerait le lendemain.
Maintenant, il n'y a plus que cette angoisse qui me ronge les tripes, à l'idée de mourir bientôt ou de ne pas réussir à m'organiser. Comment je vais faire ? Comment supporter le poids des regards ? Y'a tellement de gens qui m'attendent au tournant. Chaque faux pas me rapproche de la défaite. Tout le monde doit exulter, même les gens de mon district. Et pourtant, je dois jamais me laisser aller, parce-que si je n'intéresse personne, si Lémoné Orion n'arrive pas à capter la foule, je passerais pas la nuit prochaine. C'est juste un jeu, bordel, un jeu, un jeu... Je dois les intéresser. Sinon, c'est foutu. Je dois attirer le regard des sponsors, des juges, et des enfoirés du Capitole. Leur regard est un bouclier. Je dois me débrouiller pour les impressionner, les émouvoir, ou provoquer un truc chez eux, une émotion qui m'avantagera.
Voilà, c'est bon. Cette pause n'était pas si inutile en fin de compte. Je peux penser calmement. Je peux m'en sortir. J'ai la ruse, j'ai l'observation. La vitesse. Quand j'ai été choisi, j'étais prêt à rentrer estropié ; il faut que je retrouve cet état d'esprit d'enculé psychopathe prêt à tout pour gagner.
Je dois m'endurcir à nouveau. Ces quelques jours passés au Capitole m'ont ramollis la cervelle et les jambes. Aller. Reprends toi Lémoné, pauvre con, te laisse pas avoir. T'as bien mangé, t'as porté des beaux vêtements. Mais c'est finis cette aparté. Maintenant, tu te bouges. Je bouge. Je cours.
Je me relève, et je pisse enfin, au pied du tronc qui a bien voulu me soutenir. Ma façon de lui dire merci. Un peu d'eau, ça peu pas lui faire du mal, non ? Bon. Dés que ça se tarit, je rentre l'engin et je reprend ma fuite. A nouveau, la forêt défile autour de moi. Je me sens voler, même si mon coeur bat toujours aussi vite. Je ne regarde pas au dessus, pas le temps de lever les yeux, mais le soleil doit avoir déjà parcouru un bon chemin dans le ciel. Il faut que je me trouve un coin avant de dormir, une grotte, un terrier... Quelque chose. Absolument. Je ne sais pas si il fait froid pendant la nuit, ici, mais je ne compte pas l'apprendre à mes dépends. Je sais ce que c'est de se geler les couilles dehors pendant l'hiver, j'ai déjà eu le droit à ce genre de soirées en tête à tête avec les rats. Après une baroude trop violente, quand je ne pouvais plus me relever, je rampais jusqu'à un petit creux et je dormais là. A ces moments, je regrettait franchement le Foyer Communal. Je pensais à ces corps chauds entassés, ces matelas serrés... En hiver, tout le monde se colle. Et je ratais ça. Collé moi aussi, mais contre un mur froid. J'ai pas envie de revivre des instants pareils. Ce genre de moments où on se sent abandonné, à la vue de tous, vulnérable. Je suis pas faible. Je sais que je peux me battre. J'aime pas être rabaissé.
C'est ça aussi qui me porte tellement loin, tellement vite. Je ne m'arrête plus. La course continue, s'éternise. Est-ce que le soir va bientôt tombé ? Je dois être entré dans la forêt depuis plusieurs heures au moins. Avec un peu de chance, j'ai semé les moins endurants et les cinglés. Si quelqu'un a fait autant de chemin que moi, c'est qu'il préfère se cacher. Du coup, j'ai sûrement une chance de passer la nuit, avec les plus dangereux à l'arrière.
Mon moral remonte, ma respiration se stabilise. Tout va bien. Je peux me dégoter un coin. Trouver à manger et à boire d'ici demain ; j'ai la gorge un sèche, mais mon estomac a appris à rester vide. Dés demain, je me mettrais à la recherche d'eau, et tout sera réglé... Je pourrais me lancer dans les Jeux avec un espoir de tous leur latter la gueule, en étant patient, rusé et furtif.
Et soudain, comme une récompense à cet espoir fou, je débouche sur une clairière. A flanc de montagne, plutôt petite, rongée de tout les côtés par le sous-bois. Mais, enfin, devant mes yeux, salutaire, titanesque, un obstacle. Un putain d'obstacle ! Infranchissable. Des montagnes. Abruptes. Aucun sentier, quasiment aucune prise. C'est ce que j'attendais. Je me dirige vers la paroi, et me laisse tomber entre les racines d'un arbre plutôt grand, à la lisière du sous-bois. Je me cale bien dans le creux, en essayant de rester un minimum caché. On sait jamais.
Je suis soulagé d'avoir trouvé ces montagnes. Je vais chercher un refuge aux alentours, essayer de trouver à manger, un point d'eau. Je ne sais pas chasser, mais je connais des plantes comestibles. C'est instinctif chez moi, comme un don. Je reconnais d'un coup d'oeil ce qui se mange et ce qui ne se mange pas. Et si c'est pas le cas, je sent, je tâte ; ou je teste. Sur quelqu'un d'autre, bien sûr.
En attendant, j'aimerais bien me poser un peu ; mais un courant d'air me chatouille les reins, c'est franchement désagréable, et mon dos s'enfonce un peu trop dans... Un trou ? Entre des racines ? Je me retourne.
J'étais assis juste devant un terrier, plutôt large, mais discret. Je suis sûr que je peux y rentrer. Bon. Pas sûr que je pourrais me cacher là dedans, mais qui ne tente rien n'a rien. Alors je tente toujours, hein. J'entreprends de me glisser à l'intérieur, me tâchant allègrement au passage, et accrochant des feuilles mortes à mes habits. Tout frais ce matin, déjà complètement pourris. Encourageant. On perd pas les bonnes vieilles habitudes, même en pleine nature. En attendant, ça m'aide pas à rentrer là dedans...
...
...
Un bruit. J'ai le cul dehors. Et il y'a un bruit. Je me fais violence pour sortir le plus vite possible, en me cognant la tête, je plante les doigts dans la terre. Elle s'incruste sous mes ongles ; et mes genoux brisent des feuilles sèches. En plus de récolter des bleus, je dois faire du bruit.
Mais je réussis me sortir à temps, et je bondis sur mes pieds. Je m'attend à tout. Une bête sauvage. Ou un autre tribut. Au fond, peut importe la différence, vu qu'on doit tous s'étriper gaiement pour survivre. J'ai que mes poings pour me défendre, mais ça devra suffire. Ou pas. On verra bien.
On verra bien. Sauf que. J'ai qu'une môme devant moi. Jeune, peut être treize ans, moins ou plus, je sais pas. Elle me fixe, et je suis mal à l'aise. Mes poings fermés se mettent à trembler légèrement. Son visage. Ses yeux. Ses cheveux. Elle me rappelle Sophia et Mélonan. Non pas qu'elle leur ressemble vraiment, mais... Il y'a comme un air de famille Un air angoissant. Voire carrément dérangeant.
Mais je peux pas me laisser avoir. Je me reprend, et je souris avec provocation. J'ai du bagou, je le sais. Je peux l’impressionner. La faire fuir. J'ai pas envie de la tuer, celle-là ; de toute façon je pourrais pas. J'ai aucune arme, hein ? Donc c'est tout aussi bien. Et puis, non, elle n'est pas pour moi. Je la laisserais à quelqu'un d'autre. Tans-pis. Je peux juste l'envoyer valser autre part.
J'avance d'un pas, je laisse retomber mes bras, et impulse un mouvement à mes lèvres figées.

- Salut la morveuse. Barre toi , ou je te lapide.
Autant pas faire dans la dentelle et aller tout de suite au fond des choses.
J'ai des cailloux dans ma poche. Je te laisse te sauver pour cette fois, et...
ET QUOI ? PUTAIN. Elle m'a vue, qu'est-ce que je peux faire ?! Si elle s'enfuit, elle peut dévoiler ma position. Si je la laisse en vie...
MERDE. C'est vraiment trop con ! T'hésiteras pas à t'allier avec d'autres cinglés pour venir te venger, hein ?

Attends. Une alliance. Une alliance.
Alors écoute. On est dans une impasse. Sois je te trahis, sois tu me trahis. Tout les deux, on peut se tomber dessus à tout moment, hein ? Donc je te propose un marché : on reste ensemble pendant quelques jours. Disons, le temps qu'une bonne moitié des autres candidats se massacrent, ok ? Je sais pas si ça va durer longtemps, mais voilà. Donc, tu vois, on peut s'allier ensemble. Le topo, c'est qu'on s'entraide un moment. Puis quand nous serons moins nombreux... On se sépare. Sans tenter de se tuer l'un l'autre. On part chacun de notre côté ; et si on se retrouve, plus de quartier. Ça te va ?
Voilà. C'est clair, elle ne peut pas démonter mes arguments. Tout ça c'est vrai. On peut pas se faire confiance, mais si l'un de nous doit partir, il peut trahir l'autre. Et j'ai pas envie de rejoindre les autres Carrières. Bon, ni de la tuer moi même... Alors c'est parfait, une alliance. Mais y'a encore un point à éclaircir.
Ah, et je veux pas connaître ton putain de nom. Un nom, ça s'oublie pas, ça se grave. Si on doit se tuer, je veux pas pouvoir mettre des syllabes sur ta jolie frimousse.
Bon, je m'en suis pas si mal sortit. Et elle a toujours ouvert le bou-

-D'accord, ça me va...
Ah bah tient, si enfaîte. Sa voix est tout drôle elle aussi. Un peu de Sophia et Mélonan, encore. C'est pas bon tout ça.
Moi, je connais ton nom

Ah. Heu. Je devrais dire quelque chose. Que je m'en branle. Me moquer. Réagir, simplement. Je dois articuler.
...
Bon, c'est évident que depuis trois secondes, je la fixe sans rien dire, et que c'est louche. Je peux pas me moquer d'une déclaration pareille. C'est marrant qu'elle connaisse mon nom, ça veut dire qu'elle a porté de l'attention à Lémoné Orion, le tribut orphelin du district deux... Et ça, je pense que ça peut pas trop se railler. Enfin, pas tout de suite. Quand je la connaîtrait plus, je réussirais peut être à me foutre de sa gueule.
En attendant, je peux pas avoir l'air trop con. Alors j'hausse les épaules. C'est une réponse comme une autre, bon, qui vaut franchement pas une bonne dose de sarcasme, mais au moins ça rattrape en partie le silence.
Je me retourne vite fait et je retourne vers l'arbre, ou plutôt le repère providentiel qu'il offre. Je plonge la tête la première à l'intérieur du trou, en me débattant contre la terre et le bois pour passer. Cette fois-ci, je finis par me retrouver dans un sorte de tunnel. J'avance à quatre pattes pour laisser de la place à mon... Alliée. Elle suit, avec moins d'efforts car elle est plus mince et petite que moi, malgré tout.
Je continu mon chemin et découvre vite une sorte de grande salle souterraine, plutôt grande. Je crois qu'elle est juste sous la montagne, au-delà de la lisière de la paroi. C'est pas la nature ou des animaux qui ont creusé ce terrier ; deux bâtons sont sagement posés sur le sol au milieu de notre nouveau repaire. Les juges ont confectionné cet endroit pour nous, les tributs lâches qui auraient la force d'aller assez loin pour le trouver. Et ils y ont laissé deux armes ! Artisanales, mais je sais à peu près me servir de ce genre de truc. J'ai impressionné les juges avec mes moulinets et mes acrobaties accompagnées de jolies coups dans le vide. Ça doit vouloir dire que je suis pas trop mauvais.
Derrière moi, l'autre clone se ramène. Pas question d'engager la conversation. De tout façon, je lui ferais pas confiance. Je vais me coller contre un mur, et j'observe mes pieds, résolu à me montrer un parfait chieur. Au moins, elle aura pas envie de nouer quoi que ce soit avec moi, après. C'est dans notre intérêt à nous deux, au fond. Une clause de silence dans notre alliance. J'avais pas précisé, mais ma tronche maussade vaut toutes les paroles du monde. Enfin, j'espère.
Miss clone se ballade , puis s'engouffre dans un tunnel qui s'ouvre autre part dans la paroi de notre abris sous-terrain. Je suis soulagé de son départ, et je me laisse le droit de bouger. Je vais attraper un bâton, prenant la décision de ne plus le quitter à partir de maintenant. En jetant un coup d'oeil au tunnel dans lequel est entrée Miss clone, je décide de la rejoindre, finalement. Comme quoi. Je suis contradictoire.
J'avance en me demandant comment le Capitole a pu construire un truc si vaste. Jusqu'où s'enfonce ce terrier pour tribut ? Et ils n'étaient pas sûr que quelqu'un le trouve. Ça aurait pu être juste un énorme gâchis. Il y'a des fois où je me demande si ils sont bien diaboliquement rusés, ou simplement stupides.

- Lemoné !
Je m'arrête. Elle connait bien nom, alors.

-Ouais, quoi ?!
J'attends, mais elle ne répond pas. Quelle emmerdeuse ! Je reprend mon chemin, en me disant que si elle devient trop chiante, je pourrais toujours l'assommer à coup de bâton. Si j'arrive à me sortir de la tête qu'elle ressemble à Sophia et Mélonan, bien sûr...
Je débouche dans une salle.

-Oh putain, je lâche admiratif.
Celle là aussi est plutôt grande, mais surtout, lumineuse : remplie de champignons fluorescents, tout l'espace est baigné d'une vague lueur bleue. Ça fait assez mal aux yeux, mais c'est beau. Et surtout, mon regard se pose sur un lac. De l'eau ! Claire, limpide, et j'en suis certain, potable. A l'intérieur de ce liquide béni, je remarque des mouvements...

-T'as vu ? Il y a même des poissons, et..
Je la réduis au silence d'un geste agacé. Elle est vraiment naïve. Elle croit quoi ? Que la Capitole va nous livrer toutes les clés de la réussite d''un seul coup ? Il y'a forcément un piège. Soit c'est l'eau, soit c'est les poissons. Peut être même les champignons, qui diffusent des spores, ou un truc glauque du genre...

-T'emballe pas, c'est peut être un piège. Rien nous dit que ces poissons ne sont pas toxiques, ou que l'eau est potable. Je vais sortir et laisser traîner un d'eux dehors ; si ça appâte un animal et qu'il meurt en le mangeant, on sera fixé. Je suis sûr que y'a un truc. Ils nous auraient jamais tout livré sur un plateau d'argent ; n'oublie pas que c'est un jeu. Tout n'est pas si facile. T'as pas un truc pour pêcher ? J'ai remarqué que t'avais un sac.
Elle hoche la tête, et sort un couteau. Je lui prend des mains sans dire merci, pour effacer le peu de sympathie qu'aurait pu lui inspirer mon discours préventif. Je n'ai aucun mal à attraper l'un des gros poisson qui nage paresseusement. Sa chair abondante, appétissante, finit de me convaincre qu'il n'est là que pour nous piéger. Des animaux aussi gros, dans un abri pareil, c'est beaucoup trop pour être vrai.
Je sors en vitesse et retraverse le tunnel en courant presque. Même si c'est un bon endroit pour se cacher, je serais pas mécontent de retrouver l'air libre. En passant par la salle principale, je remarque une chose à laquelle je n'avais pas fait attention : d'ici, la lumière sort de partout. Des murs, du sol. C'est léger, mais pas le moins du monde naturel. Le Capitole accomplit vraiment des folies... Ils sont bien cinglés, enfaîte. Faire briller la terre. Il ont des lubies bizarres chez eux.
Je rampe entre les racines, dans l'autre sens cette fois-ci. Je vais vagabonder un temps dans la forêt, en abandonnant la dépouille du poisson à la lisière du sous-bois. Je garde le couteau serré dans ma paume. En marchant je ramasse quelque trucs qui me paraissent comestibles, je déterre des racines, découpe au possible de l'écore. J'arrive même à cueillir des feuilles, des noix. Bref. Rien de très conséquent, mais ça nous fera un dîner frugal. Et un dîner le premier jour, c'est déjà pas mal. Quand je retourne dans la clairière à flanc de montagne, il fait nuit. Le temps se rafraîchit. Je me presse pour rentrer au plus vite. Un couteau se plante à mes pieds. Je bondis sur place, en brandissant celui que je tient toujours.
Miss clone s'agite, affolée, et je me demande si elle m'a trahie sur un coup de tête. Mais elle court jusqu'à moi en sautillant de tout les côtés.

-T'approche pas ! J'ai truffé les alentours de pièges... Si tu veux te déplacer, il faut suivre un chemin précis. Attends, je vais te montrer !
Je la dévisage. Cette fois-ci, c'est elle qui me prévient. J'arrive pas à réfréner un petit sourire. C'est drôle la vie, des fois. Je la suis, en sautillant de manière ridicule, et on retourne tout les deux dans notre abris. En arrivant, je pose mon maigre butin sur le sol.

-Heu, voilà. C'est notre dîner. Désolé, j'ai rien de mieux.
Je m'assois, et je me force à la laisser commencer. C'est une des choses que j'ai toujours fait, quand même : d'abord laisser aux plus jeunes. En plus, c'est une fille, alors bon...
Elle parait cependant un peu septique devant les tubercules, racines et autres choses ratatinées. Je soupire, et je croque une poignée de racines blanches.
Tu peux y aller, ça se mange.
Elle hésite encore un instant. Grimace. Hausse les épaules. Puis se décide à manger.
Cette fois-ci, je décide de ne plus parler pour le reste de la soirée, contrarié. Je crois que je m'attache déjà à Miss clone. Et merde.
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28-04-2012 à 16:00:20
C'est drôle quand même.
On est sous terre, mais pourtant, je vois des tâches de lumière sous l'ombre de mes paupières. Comme en plein soleil. La terre doit briller assez fort mine de rien. Si j'ouvre les yeux, est-ce que je vais me défoncer la vue ? Le matin au Foyer Communal, on nous réveillait en ouvrant largement les fenêtres. A part en hiver pour éviter de refroidir les dortoirs ; mais l'été, la lumière nous tombait dessus dés le réveil. Nous griffait. Elle déchirait nos rétines, s'engouffrait dans nos prunelles comme des tourbillons de crocs éthérés. Ça faisait toujours un mal de chien. J'avais l'impression qu'on m'attaquait les nerfs optiques à la petite cuillère. De manière lente et douloureuse.
Mais bon. Maintenant que je suis là, c'est rien du tout ce souvenir. Je vais sûrement subir trois mille fois pire pendant les Jeux. Alors autant me faire mal tout de suite, histoire de virer masochiste au plus vite.
J'ouvre les yeux pour de bon. Cligne deux ou trois fois des paupières. Mais enfaîte, ça va. Notre terrier luit doucement, sans agresser mes yeux à peine sortit du sommeil. Si j'avais un juge devant moi, je crois que je l'embrasserait à pleine bouche. Bon. Et après je lui casserais la gueule pour oser faire partie du Capitole. Faut pas exagérer non plus.
Je me redresse contre le mur auprès duquel j'ai dormis. Ma gorge est sèche. Je fais coulisser mon regard, mais Miss clone n'est pas là. Merde. C'est risqué de dormir avec quelqu'un qui peut se lever avant vous. J'ai le sommeil profond, depuis toujours. Avant c'était déjà chiant, et ça pouvait jouer contre moi quand on me faisait des mauvaises blagues, mais maintenant, c'est carrément dangereux. Elle aurait pu me tuer pendant que je dormais... Mais d'un côté, le fait que ça n'ai pas été le cas prouve que je peux lui accorder un minimum de confiance pour l'instant. Je sais pas si c'est une bonne chose, mais ça me libère d'un poids.
J'attrape mon bâton, lâché pendant la nuit. J'avais pourtant prit la précaution de dormir avec ; mais il a roulé loin de moi. Une fois cette arme de fortune en main, je me dirige vers le tunnel qui conduit au lac souterrain. Je sais que c'est celui-ci car on a convenu, Miss clone et moi, qu'il fallait mieux le marquer. Avant de dormir, j'ai donc gentiment défoncé à pan de sol à grand coup de bâton, comme on écrase des herbes avec un pilon. J'ai déjà fais ça au Foyer Communal. Les corvées, ça me connait. J'en ai totalisé tellement que je m'étonne de ne pas avoir reçu un trophée, une médaille, ou simplement plus de coups. Enfin, je pouvais pas laisser passer ce que certains faisaient à mes Japanes. Alors je tapais. Fort, et au bon endroit. Dans les couilles ou en pleine poitrine. Je leur coupais la respiration. Je leur écrasais les burnes. Bref, que du bonheur au bout des pieds et des phalanges.
J'étais donc envoyé au réfectoire. Je devais aider le personnel. Faire la vaisselle, remuer des mixtures sois-disant comestibles, découper des légumes... Un tas de trucs plus ou moins lassants qui ont quand même eu le mérite de m'apprendre deux ou trois choses sur la cuisine. Et je crachais dans la soupe quand je le pouvais. Une petite revanche sur le monde entier. Enfin, je prévenais les jumelles quand même, hein. Je suis pas un connard.
...
Bon, d'accord, disons pas au point de faire du mal à mes Japanes.


Sophia sourit de toute ses dents. Elle tapota le bras de sa soeur, la tirant du sommeil. Mélonan bailla largement, encore comateuse. Elle cligna lourdement des paupières pour chasser le sommeil qui pesait encore dessus. Elle s'imaginait la fatigue comme un vol de corbeaux qui venait se percher au bout de ses cils. Ils y dormaient toute les nuits, faisant ployer ses paupières et celle de tout le monde. Les oiseaux de malheur ne s'envolaient à tire d'aile que le matin, une fois la torpeur chassée d'un battement de cils.
Aujourd'hui, ils étaient particulièrement tenaces. Ou simplement très lourds.
Elle mit une minute avant de se ressaisir complètement, les yeux plissés et larmoyants. Mais elle sourit elle aussi. Lémoné marchait tranquillement dans un petit tunnel, naturel jusque dans son air blasé et le demi-sourire sardonique qui flottait sur ses lèvres. Il laissait son grand bâton racler le plafond. Sûrement pour égratigner l'oeuvre des juges, par pure vengeance. Un petit affront discret de ceux qu'il prenait toujours plaisir à commettre.
Sophia et Mélonan s'étaient endormis tard, devant la télévision. Elles n'avaient pas fermés les yeux avant que Lémoné ne se soit lui même endormi, après avoir mastiqués des racines et allègrement endommagé le sol de son abris. Elles avaient gloussé en le voyant faire, convaincues qu'il s'acharnait au moins autant à des fins utiles, que pour mutiler ce terrier créer de toute pièces par les soins du Capitole. Elles le connaissaient si bien que chacun de ses actes était transparent à leurs yeux. Lémoné était un rebelle inavoué et frustré. Du haut de leur dix ans, elles l'avaient déjà compris depuis des lustres. Et cela les faisait rire au moins autant que quand leur protecteur attitré se laissait aller à quelques pitreries, dans ses jours de bonne humeur.
Aujourd'hui, ces jours là leur paraissaient bien lointains. Elles avaient veillées aussi tard que Lémoné, pour s'assurer qu'il ne lui arriverait rien. Elles espéraient que leur regard pourrait peut être faire quelque chose pour lui. Lui composer une sorte de bouclier surnaturelle à longue distance qui éloignait les corbeaux de la fatigue et les colombes de la mort. Car oui, les colombes étaient blanches. Comme la neige froide. Comme une peau glacée. Comme une chose délavée. Autant dire que pour les jumelles, elles étaient le symbole des choses mortifères en général.
Ce matin, Sophia s'était réveillée à temps, aussi tôt que possible. Fatiguée mais résolue à ne pas rater une seule seconde de la journée de Lémoné. Elle fixa ses yeux rougis sur l'écran, faisant fi des picotements qui les parcouraient. Elle ne comptait pas se reposer avant que Lémoné soit hors de danger. Autant dire que les prochains jours s'esquissaient déjà difficiles.
Mélonan, qui prenait toujours soin de suivre sa soeur dans toutes ses opinions, prit cependant cette décision seule, au moment même où Lémoné s'avançait vers l'estrade. Si elle n'était pas la jumelle forte, décidée, dominante de leur inséparable duo, elle s'affirmait sans aide quelconque quand un choix lui paraissait important. Celui de soutenir Lémoné depuis la grande salle du Foyer Communal étaient de ceux-là. Même si il ne voyait rien de leur dévouement muet, elles ne pouvaient faire autrement que de rester présente à tout instant, pour ne pas perdre une miette de la nouvelle existence dangereuse de leur protecteur. Ou de leur frère. Les jumelles ne savaient jamais quand elle devait utiliser l'un ou l'autre de ces qualificatifs. Lémoné affirmait son indépendance affective -erronée- et son dévouement à ses petites Japanes -comme il les appelait- avec une fierté qu'il valait mieux ne pas blesser.
Protecteur le flattait, bien sûr. Il prenait son rôle au sérieux, pire, il vivait pour ce rôle. Jamais il ne les avait laissé tomber. Pas une seule fois il ne s'était tu face à une injustice. Il s'était imposé des responsabilités et les assumaient pleinement. Néanmoins, Lémoné aussi avait besoin d'une famille.
Frère le rapprochait plus encore des jumelles. Sans nul doute, cela l'aurait touché. Mais à quel moment ? Il pouvait aussi se draper de fierté et rejeter cette marque d'affection profonde. Lémoné était imprévisible. Sophia et Mélonan ne savaient pas quand elles pouvaient se permettre une approche aussi intime. Alors elles n'essayaient pas, se contentant de le considérer comme frère quand elles étaient entre elle. En silence.
En ce moment, elles avaient beaucoup de temps pour profiter de cette acquis tout frai et incertain. Beaucoup trop. Elles étaient jeunes, mais elles savaient. Tout le monde savait. Lémoné risquait de mourir. Personne ne croyait en lui dans le district... A part ces deux là. Ces deux poupées jumelles aux yeux bridés. Elles en surprenaient plus d'un, dans leur ferveur envers ce pensionnaire agitateur et maigre, ce tribut faible dont personne ne voulait qu'il revienne de toute manière. Elles semblaient si matures et innocentes à la fois, que pour le moment, personne ne les avait dérangé. On les avait laissé seules dans la grande salle, sans poser de question. Elles espéraient simplement que personne n'oserait rompre ce recueillement.
Pour le moment, elles étaient les premières éveillées. Les autres pensionnaires ne tarderaient pas à rejoindre la salle ; ils passeraient la journée ici, à regarder les Jeux. Ils mangeraient debout ou accroupis, agglutinés tels des oignons suintants tranquillement dans leur boîte. La pièce allait puer. On ouvrirait les fenêtres pour laisser entrer de l'air pur. Mais il n'y aurait que des relents de ciment, de poussière et de sueur. Rien de transcendant donc.
En attendant ces moments fatidiques, les deux jumelles étaient libérées de la présence des autres pensionnaires. Elles ne prirent donc pas la peine de se lever, d'aller manger ou de se rincer le visage ; elles restèrent toute deux assises, pelotonnées l'une contre l'autre. Le regard fixé sur la télé. Espérant que Lémoné survivrait à ce jour là aussi... Et que son allié le resterait pendant un petit bout de temps.
Rillée leur avait plu tout de suite. Elle semblait douce, digne de confiance. C'était le compagnon qu'il fallait à Lémoné. Quelqu'un de posé qui ne sautait pas sur tout et n'importe quoi... De plus, la jeune fille était douée de ses mains. Elle avait piégé les alentours du terrier avec brio, tout en posant d'autres pièges afin d'attraper du gibier. Si Lémoné trouverait à coup sûr des plantes comestibles et des champignons une fois seul, il aurait beaucoup de mal à dénicher de la viande. Les collets et lui n'étaient pas bons amis. Mais au moins pourrait-il profiter de la viande ramenée par Rilée le temps de leur alliance ; ce qui n'était pas négligeable dans l'arène. Le jeune homme allait avoir besoin d'énergie. D'autant plus qu'il était censé être en pleine croissance. Si il continuait de grandir alors qu'il était déjà si osseux... Sa maigreur allait en faire un véritable bambou sur pattes.
Elles y songèrent au même instant, se regardèrent en fronçant les sourcils, puis retournèrent la tête vers la télévision. Avec le plus grand sérieux du monde, toute deux tendirent leur mains vers l'écran. Leurs doigts s'agitèrent dans l'air dans un mouvement halluciné ; elles prirent leur expression la plus farouche Et hurlèrent à l'unisson.

-PRENDS DE LA GRAISSE ABRUTIT !
Puis elle éclatèrent toute les deux de rire. Car, sans aucun doute, c'est ce que leur aurait dit Lémoné si les rôles avaient été inversés... Et il aurait sûrement tourné en rond comme un fauve en cage. Aussi.
Contrairement à ces deux petites filles qui préféraient rire, en espérant avec une naïveté pleine de candeur, qu'au fond, il percevait peut être cet instant de bonne humeur à distance, les collant chaque nuit contre son coeur pour se réchauffer, lui et les corbeaux grassouillets du sommeil...


Dans ta gueule le Capitole. Dans ta gueule l'assemblée des Juges. PRENEZ ÇA DANS VOS GUEULES.
Je le racle à mort votre plafond. Composé par vos soins, détruits par les miens. Bon dieu ! Si je pouvais foutre le feu à cette arène sans risquer d'en mourir... Voir leur oeuvre partir en fumé et en cendres. Imaginer leur face livide et atterrée. C'en est jouissif. Je les emmerde tous.
Ma petite marche à travers le tunnel se termine trop vite à mon gout. C'est dommage. J'aimais bien dégradé un peu ce cadeau du Capitole. C'est pas dans mon intérêt- enfin NÔTRE intérêt, vu que j'ai une alliée. Mais bon. Il faut savoir profiter des petits plaisirs de la vie, hein. Comme boire par exemple. Ce que je m'empresse de faire. J'évite soigneusement de toucher les poissons, malgré tout. On sait jamais. Je les garde à l'oeil, leur lançant un regard mauvais. Je suis sûr qu'ils ne sont pas comestibles.
Une fois que je me suis désaltéré, je quitte la salle du lac. Miss clone est peut être revenue à l'heure qu'il est. Je me demande pourquoi elle est sortit. Pour s'enfuir ? Me trahir en s'alliant avec les autres Carrières, révélant ma position pour clore un pacte avec eux ? Peut être. Ou simplement a t'elle été vérifier les pièges qu'elle a posés hier. Ce serait bien qu'on ait de la viande aujourd'hui. Je dis pas que c'est indispensable, mais rien que d'y penser, je sens comme une saveur fantôme qui me passe sur la langue. Pour me narguer. A partir de maintenant, je déteste mes papilles, et mon connard de cerveau. Les hallucinations sensorielles, ou échos de repas passés, je sais pas et je m'en branle, c'est le mal. De toute façon, ce qui compte, c'est de trouver de quoi manger, même si ça consiste juste en quelques racines, des noix, et des champignons. Si je remporte les Jeux, j'aurais tout les jours de la viande... Et je pourrais même en offrir à chaque repas à mes Japanes. Ma vie serait carrément... Parfaite. Plus de Foyer communal. Plus de gosses chiants. De connards autoritaires. De règles. J'aurais une maison, de l'argent, de la nourriture, du confort... J'aurais Sophia et Mélonan. Je vivrais comme ça m'aurait été impossible si je n'avais pas été sélectionné. Je devrais peut être dire merci au Capitole en fin de compte. Ils m'offrent un vrai futur ; en échange, je dois juste leur donner du spectacle. Le problème, c'est que je suis pas sûr de réussir à tuer qui que ce soir. Déjà, est-ce que je me sens capable d'ôter la vie à un autre tribut ? Je me suis déjà battu, mais ça n'avait rien à voir. Maintenant, les rixes seront mortelles. Et je sais pas si j'aurais le courage d'achever une autre personne... De lui porter un coup fatal.
De toute façon, on verra bien. Je vais pas y penser pour l'instant. Les Jeux commencent plutôt bien. Tard hier soir, moi et Miss clone sommes sortit au son de l'hymne. Il y'avait déjà cinq morts. Et on a pas eu à se salir les mains. C'est con à dire, mais j'étais soulagé. J'aurais pas la mort de ceux sur la conscience au moins... Puis on est retourné dans notre terrier, et je me suis dis que j'avais vraiment de la chance. Une alliée, un abris. Pour l'instant, aucun problème notoire. Je me fais pas d'illusion quand même, il faut être stupide pour croire à un calme durable. On finira bien par se trahir Miss clone et moi. On nous trouvera un jour ou l'autre. Peut être que finalement, on mourra même empoisonnés par une plante toxiques que je n'aurais pas su reconnaître.
Les Juges bouleverseront tout si ils voient qu'il ne se passe rien, de toute façon.
Autant profiter de cette aparté, car elle ne durera sûrement pas. Enfin. Pour l'instant, ma vie est cool, le monde est beau, le monde est gentil, blablabla, tout va bien. Le grand bonheur c'est maintenant, aller, tous les mains en l'air, on danse, on chante, puis on attend le poignard qui va vous fouiller les cottes. Youpi mon existence.
Je retrouve la salle principale. Miss clone n'est pas revenue de sa destination inconnue. Bah. Je m'en tamponne. Je vais en profiter pour... Heu. Faire quelque chose ? C'est bien ça, non ? Chercher des trucs dehors ? Je sais pas. Ça peut attendre. Je tourne sur moi même, dépité. Comment occupé mon temps utilement ? Mon regard se pose sur un tunnel. Ah, mais oui ! Il en reste deux qu'aucun de nous n'a visités ! Et bah la voilà mon occupation utile ! Je vais découvrir plus amplement notre terrier, tient. Si c'est pas magnifique comme idée. A la fois distrayant et potentiellement important. Il n'en faut pas plus. Je fonce, bâton en main, et rase les murs. Et puis. Enfaîte non. Il ne serait pas question d'aller trop vite non plus, hein. Il faut que ça m'occupe pas mal de temps, histoire de pas culpabiliser de ne rien faire, après. C'est tout un art, de faire quelque chose par pure frustration de se dire qu'on ne veux pas rester immobile comme une merde dépitée, tout juste larguée, déjà coulée, et bientôt adicte aux antidépresseurs.
"Bonjour monsieur le scatologue. Je me sens actuellement rejetée. Je ne trouve plus ma place, je suis tout le temps à fleur de peau... J'ai l'impression qu'on en veux à ma vie, et je sens une menace pesée dans l'air, autour de moi, comme un immense ouragan, vous savez, un tourbillon électrique prêt à m'emporter. C'est vraiment très angoissant. D'autant plus qu'on m'a bannie de ma ville natale, pour une sombre histoire de purge ; depuis, je me drogue en avalant un tas de pilules joliment colorées. C'est grave ?"
Bref, que d'émotions dans cette seule pensée. Mais je crois qu'il faut éviter de se représenter des déjections parlantes, c'est pas saint d'un point de vu psychologique à mon avis. En plus je vais me culpabiliser de les laisser seules et abandonnées après. Bon. De toute façon, si je me met AUSSI à penser de la merde en plus d'en dire... Bah voilà, quoi, déjà que je crains, hein.
Sur cette aparté bizarre avec mon cerveau, je débouche au terme du tunnel. Dans. Un cul de sac. ( Décidément, c'est vraiment une journée de merde. Non, vraiment, j'insiste.
Les juges doivent bien se marrer de me voir planter devant la paroi, comme un abrutit. Je me suis fais avoir. Et par des décérébrés du Capitole en plus... C'est rageant. Je réclame vengeance. Et comme j'ai pas de Juge à frapper, c'est leur oeuvre qui va prendre.
Je reprend avec une certaine joie mon vandalisme en frappant le cul de sac à coup de bâton. Ça défoule. Je me retrouve bientôt au milieu d'un tourbillon de poussière et de petites pierres. Certaines se perdent dans mes cheveux. Me cognent la tête. Mais je continu, parce-qu'il y'a de la colère quelque part en moi. Tout au fond, qui remonte, explose, envahit mes bras comme une coulée de lave. Ardente, elle me dévore. J'en ais conscience. Je suis empourpré. Mon visage me brûle, mes yeux... Pleurent. Pourquoi ? C'est injuste. Je devrais pas pleurer... Putain. J'espère que la poussière me cache des caméras. Ou alors. Peut être que ce serait bien, non ? Si les gens me voient pleurer, je les toucherai... Ou pas ? Me prendront-ils pour un faible ? Personne ne voudra miser sur moi si on le croit. Mais je suis pas sûr. Ça peut être une bonne chose de sembler pitoyable. On peut s'attirer la sympathie des gens, en jouant avec une image de jeune héros que la vie accable, mais qui se relève, et se bat. Je peux devenir leur nouveau chouchou comme ça. Je dois commencer tout de suite à penser à une stratégie pour séduire le public. Hier, je n'ai rien fais d'exceptionnelle. Ma rencontre avec Miss clone m'a peut être avantagée pour les sponsors aussi, mais rien n'est sûr ! Alors si je peux attendrir le Capitole aujourd'hui, c'est maintenant ou jamais.
Je lâche mon bâton en plein élan, et je m'effondre. Je tombe à genoux, et même si je suis intérieurement calmé, mon corps a besoin d'exprimer ma profonde frustration. J'éclate en sanglots, la tête baissée. C'est étrange. Je ne me sens pas vraiment si dévasté que je dois en avoir l'air ; mais mes épaules secouée par les pleurs, les larmes sur mes joues, indiquent tout le contraire. Je dois offrir une scène à la fois pitoyable et attendrissante ; enfin j'espère. Mais ce n'est sûrement pas assez. Alors je redresse la tête, et je fixe le plafond, comme pour trouver une réponse à cette crise qui m'agite. En réalité, ce n'est pas pour moi que je le fais, mais bien pour le Capitole. LUI, il a besoin d'une réponse. Il veut savoir pourquoi je pleure. Putains de voyeurs. Je vais vous donnez ce que vous voulez.

-Sophia ! Mélonan ! Je sais que vous m'entendez, que vous me voyez ! Ecoutez, je suis désolé... Je suis désolé de tout ce que je vais devoir vous faire ! Je vais devoir tuer des gens, je vais devoir me battre pour vous deux... Pardonnez moi, ok ? Je vais revenir ! Je vais revenir pour vous, mes Japanes !
C'est dingue. J'y crois. Je sais déjà que c'est ce que je veux. Depuis le début, je ne veux que ça. Réussir pour elles. Mais eux tous, tout les gentils idiots qui se prélassent au Capitole, oui, eux ils ne savent pas. Est-ce que ce que je fais est bien ? Je me dévoile, je leur offre ce que j'aime en pâture... Est-ce que c'est pas pire que de mourir ? Me mettre à nu devant tout leurs yeux qui sont braqués sur moi ?
Je vous jure que je vais revenir. Je le dis pourtant. Je promet. Devant tout Panem.
Je crois que je viens de faire une grosse merde. J'aurais jamais dû... Putain ! Pourquoi j'ai ressenti le besoin de déballer ma vie maintenant ? Je sais que ça peut s'avérer stratégique, mais... C'est mal. Mes Japanes vont être sous les feux du Capitole, elles aussi. Qu'est-ce qu'ils vont leur faire ? Je sais qu'il y'aura des questions. Et si elles ont peur ? Et qui les protège en ce moment même ? Comment vont-elles répondre ? Est-ce qu'un connard les soumet à son autorité pendant que je chiale à genoux ? Et si elles ne disent pas ce qu'ils attendent d'elles ? Qu'est-ce qu'ils attendent de toute façon ? Seront-elles couvertes de bleu quand je rentrerais ? Si je rentre... Si je rentre, ouais. Ce serait déjà un bon début. Pour l'instant, je suis dans l'Arène. Je dois penser aux Jeux, seulement aux Jeux. Je ferais ce qu'il faut pour redresser la situation si elle a mal tourné. En attendant, je dois juste jouer mon rôle de tribut. Et survivre. C'est simple pourtant. Je dois me focaliser sur cette épreuve. Avec Miss clone, c'est possible de gagner. C'est qu'une gamine, mais à deux, on peut réussir quelque chose ! Elle sait poser des pièges, moi je peux trouver de la nourriture à peu près n'importe où. On fait la paire. C'est un duo parfait pour survivre ; d'autant que cette arène comporte une forêt. Elle peut ramener du gibier, et moi des plantes. Avec tout ça, on va s'agrémenter des repas tels que les autres n'en auront pas une seule fois durant les Jeux ! On va prendre des forces pendant qu'ils s'épuiseront. Et puis, à part les autres Carrières, j'imagine qu'on est les deux seuls tributs à s'être alliés. Tout le monde n'a pas les tripes pour supporter un accord qui va se terminer dans la trahison, le sang, ou la séparation définitive. Moi même je suis pas certain d'en être capable ; la différence, c'est que je préfère foncer. Je suis peut être inconscient, tête brûlé, ou juste excessivement con, mais au moins, je met toute les chances de mon côté pour survivre.
Je reste encore quelques secondes à fixer le plafond. Mes joues sont humides, bien que je sois encore couvert de poussière de la tête aux pieds. J'imagine que l'image doit être assez frappante et pitoyable. C'est l'effet que j'y recherche en tout cas, même si c'est un peu théâtrale. C'est la seule stratégie que j'ai élaborée pour l'instant, alors je vais miser dessus jusqu'au bout. A moins que je trouve mieux.
Même si ça me démange, je n'essuie pas mes larmes, je reprend mon bâton, et j'observe le mur, avec un air que j'essaie de rendre à la fois farouche et larmoyant. Je me remet à taper sur la paroi, en poussant des cris pour avoir l'air de faire une véritable crise de nerf. Au fond, j'ai envie de sourire.
Quelques parcelles de l'impasse manquent de m'écraser les pieds. Je sautille sur place pour éviter de me faire broyer les orteils. Je dois avoir l'air d'un vrai cinglé. Et ridicule en plus de ça. Franchement, ce qui faut pas faire pour-
WOW. OH PUTAIN. Ça fait un mal de chien... Bordel de merde, bordel, bordel, BORDEL...
Je suis plié en deux, c'est bon. Mis ko par ma propre arme. Le bâton s'est prit dans une sorte de trou, ou je sais pas quoi. Il a bloqué, et en appuyant dessus, je me le suis enfoncé profondément dans le ventre. J'aurais jamais cru que ça pouvait faire si mal... J'ai l'impression qu'on m'a envoyé une salve de coups de poings.
Je reste prostré, presque à genoux. Je me laisse le temps de récupérer. Au bout de quelques minutes, je me sens mieux. Mais je suis en colère. Dans une colère de tout les diables.
Je saisi ce putain de bâton, et je le tire. Ce n'est qu'un bout de bois, mais il va PAYER pour ma douleur. Je le pose entre mes paumes, à l'horizontale, et l'observe d'un air malveillant. Je me demande ce que pensent les abrutis du Capitole. Ils doivent se dire que je suis un gros schizophrène. Bah. Si ils pensent que je suis fou, ça a une chance de leur plaire aussi après tout.
En attendant, je me demande comment prendre ma revanche sur ce vulgaire bout de bois. Je ne peux pas le casser à mains nues. J'en ai pas la force, il est trop épais. De toute façon, je me demande bien qui pourrait. Il faudrait avoir des épaules larges comme mon torse et des bras qui pèsent plusieurs fois mon propre corps. Je sens que c'est du bois ferme. Sûrement une matière créer par le Capitole. Un sorte d'OGM aussi dur que du fer, ignifugé, qui peut briser de la pierre. Et des crânes.
Je lève donc les yeux, pour exercer ma vengeance sur le mur. Si le bâton peut pas prendre, alors c'est à lui de recevoir une raclée. ( Oui, je me met en rogne contre un cul de sac et un bout de bois génétiquement modifié, ça pose un problème à quelqu'un ? Je vous emmerde. )
Sauf que visiblement, il y'a plus intéressant à faire que de détruire ce mur par pure colère. Car je vois désormais ce qui m'a renvoyer le bout de mon arme en plein estomac : un grand trou. J'ai défoncé tant et si bien la paroi qu'un vide d'une largeur de main s'y est formé. On peut voir à travers. J'y colle mon oeil... Incroyable. Derrière le cul de sac, se cache en réalité un véritable trésor. J'ai un regain d'intérêt pour notre abris, tout d'un coup. Et une bonne raison de détruire ce mur. Si c'est pas beau, de pouvoir lier l'utile à l'agréable !
Je me remet à l'ouvrage à grand renfort de grognements. Je commence à avoir mal aux bras, au épaules, et même aux poumons. C'est du travail de défoncer une paroi, même si c'est que de la terre, et pour quelqu'un de plutôt frêle comme moi, pas facile du tout. Sûr que qu'un mec musclé aurait déjà terminé. Il y'a des jours où je regrette de pas être plus imposant. Ce serait plus facile pour un tas de choses chiantes qui demandent du muscle. Mais bon. Je m’accommode de mon corps maigre. Je suis endurant et débrouillard, c'est déjà pas mal.
Je finis quand même par y arriver, à détruire ce mur. Il tombe par parcelles, en gros tas à mes pieds. Je suis pas peu fier ! C'était du boulot. Je m'appuis sur un bout de terre plus gros que les autres, puis je passe dans la pièces cachée.
C'est une bibliothèque. Ils ont dissimulés une bibliothèque sous terre ! Quel bande d'enfoirés ! Si j'avais pas été aussi cinglé, on ne l'aurait jamais découverte. Heureusement, j'ai un grain. Et je suis sûr qu'il y'a des choses intéressantes ici. J'avance droit vers les rayons, et sans attendre, je commence à chercher des livres intéressants. Je trouve tout de suite des ouvrages utiles : une encyclopédie du monde végétale, une autre sur la faune, une carte de l'Arène coincée entre deux pages d'un bouquin sur les pièges... C'est une vraie mine d'or. Je me retrouve déjà pas mal chargé, avec un catalogue qui parle des autres tributs, de leurs forces, du pourquoi de leur note à l’entraînement, et un autre moins utile où sont notés les emplacements longitude/latitude des bons repaires de l'Arène. Sauf qu'il faut connaître des calculs et tout ça ; or les maths n'ont jamais été mon fort. Peut être que Miss Clone saura se servir de ces informations avec la carte. En tout cas, moi pas.
Je décide d'aller porter ça à la salle principale de l'abris, c'est déjà beaucoup. Je passe de nouveau par-dessus le tas de gravats terreux avec une satisfaction certaine. Ce n'est pas un mur qui m'aura arrêté !
Seulement, j'ai à peine le temps de faire un pas dans le couloirs que la terre se met à trembler. Je m'appuis contre un mur pour ne pas tomber. L'encyclopédie du monde végétale m'échappe des mains. Je regarde autour de moi, plus septique qu'affolé. J'ai l'intuition que c'est un mauvais coup des Juges. Et je ne me trompe pas : Une sorte de deuxième plafond s'écrase sur la bibliothèque. L'entrée que j'ai faîte est vite rebouchée, et un nouveau mur, mais celui-ci de gros blocs de terre sèche et de pierres, condamne à jamais l'accès à la salle. A peine découverte, et déjà inaccessible... De toute façon, j'ai vu des parcelles de plafond s'écraser sur les étagères. Les livres doivent être déchirés ou illisibles. Je rage quand même, en pensant à tout ce travail pour me tailler un passage. Je suis encore couvert de sueur et de poussière, mes bras me font mal ; et j'ai peut être laissé passé des livres importants. Je suis sûr que les Juges avaient déjà tout prévu : laisser une seule chance à celui qui découvrirait la bibliothèque, ça, c'est sadique. Heureusement que ma sélection d'ouvrages a été éclairée, malgré tout.
Je ramasse l'encyclopédie. Je la sers contre mon torse. J'ai pour ce livre une certaine tendresse... C'est stupide au fond. Mais il m'évoque de bons souvenirs.
Dans le district deux, il y'avait une bibliothèque. Un petit bâtiment rempli d'étagères pleines à craquer de bouquins mal classés. Je crois que j'avais sept ans la première fois que j'y suis entré. Un des instructeurs du Foyer Communal m'avait envoyé y chercher un livre de contes pour le cours, ou quelque chose comme ça. La bonne femme qui avait la bibliothèque à sa charge n'était pas foutu de me dire où trouver "l'Odyssée". Je me souviens encore de quoi ça parle. Un mec qui errait sur avec son bateau. Il lui arrivait un tas de trucs horribles. C'est bête de le dire comme ça, mais, j'ai gardé un mauvais souvenir de cette histoire. J'en ai fais des cauchemars pendant un bout de temps... Et sans personne pour me consoler au réveil, j'ai mis des années avant de passer à autre chose. Mes peurs les plus profondes doivent toujours comporter des femmes anthropophages et des monstres qui avalent l'océan ; et bien que je n'ai jamais vu ce dernier, l'image que j'en ai est elle même terrifiante. Une grande plaine d'eau à perte d vue, qui engloutit les navires et les hommes... Rien de bien gai somme toute.
En tout cas, j'aurais bien chercher cette peur. Sans l'aide de la flegmatique et terne bibliothécaire, j'ai dû trouver seul l'Odyssée. Mais avant ça, je suis tombé sur pleins d'autres livres. Et un, avait particulièrement retenu mon attention. L'encyclopédie illustrée du monde végétale. J'ai été bien inspiré de la ramener avec l'Odyssée ; et de la garder. De toute façon, presque personne ne va à la bibliothèque. Alors je l'ai, disons, emprunté pour la durée de mon existence sur Terre. Bah. Rien de bien longuet si je crève durant les Jeux. Enfin. Quoi qu'il en soit, alors que l'Odyssée et ses monstres me poursuivaient la nuit, le jour, je rêvais aux plantes qui recouvraient les pages de l'encyclopédie. Je l'ai lu. Lu. Lu. Relu. Encore et encore. Jusqu'à en connaître parfaitement le contenu. Et ça va peut être me sauver aujourd'hui... Cette fascination que j'avais pour le monde végétale. Elle m'a poussé à apprendre tout ce que je pouvais sur les plantes. Celles qui sont comestibles, et celles qui ne le sont pas. Ici, tout ce savoir que j'ai emmagasiné va pouvoir me servir ; comme hier d'ailleurs.
Je retourne à la salle centrale de l'abris, enserrant mon maigre butin avec une moue résigné. C'est mieux que rien d'avoir pu ramené ça. Ce ne sont que des livres importants, et le magazine pourra nous apprendre des choses, à Miss clone et moi, sur les autres tributs. ( En plus il y'a des photos des juges à l'intérieur. Je crois que je vais bien m'amuser ce soir. Deux pierres et le tour est joué... Je pourrais enfin leur déchirer la face. )
En débouchant dans la grande salle du terrier, je trouve Miss clone assise par terre. Elle a ramené deux lapins, morts. Ses pièges ont bien fonctions. Cependant, elle semble un peu gênée pour les dépecer. Elle n'ose pas y aller franchement, sûrement un peu intimidée. Bah. C'est une gamine. Sûr que c'est pas de son âge de tuer des animaux, de leur découper la peau, de retirer les tripes et de poser bien à part les cuisses. Je vais aller l'aider. Un peu. Parce-que sinon, on aura pas fini d'ici ce soir. ET J'AI LA DALLE.

-Hey, laisse. Je veux bien m'en charger. Passe le couteau.
Je pose les livres juste à côté d'elle. Miss clone leur jette un regard médusé, puis elle se tourne vers moi d'un air interrogatif. Elle sûrement de remarquer que je suis couvert de poussière. Je ne daigne pas croiser son regard, attrape le couteau, puis j'entreprend de dépecer les lapins. Voyant que je ne répond pas, elle hausse les épaules et attrape le magazine qu'elle compulse rapidement, visiblement fascinée. Je la laisse observer un peu les pages, puis je répond enfin à sa question silencieuse.
Je les ais trouvé dans une salle secrète, en empruntant le tunnel à droite de celui qui mène au petit lac. Mais les Juges ( CONNARDS ) ont tout rebouchés après que je sois sortit. Plus moyen d'y aller. ( BORDEL DE MERDE. )
Je pose la fourrure du premier lapin à côté de moi. J'entreprend de lui faire une belle entaille sur le ventre, mais je m'abstiens. On va pas laisser les tripes et tout le reste au milieu de l'abris, quand même.
Heu, tu peux creuser un trou, dis ? Pendant que je découpe l'autre.
Elle acquiesce en silence, attrape son bâton, et se met à défoncer le sol dans un coin de l'abris. Et bah. Je dois pas avoir le palme du vandalisme et de la tronche fermée, enfaîte. Enfin bon, c'est pas comme si je l'avais pas cherché. Tant mieux au fond.
Je me m'atèle à mettre à nu l'autre lapin. C'est fait rapidement, me laissant en compagnie de deux tas marrons aux bords rosâtes et tâchés de sang. Je pose la bestiole qui va nous servir de repas à côté de son ami. Ils se ressemblent à un point. C'est dingue.
Je remarque alors une autre dépouille. C'est un renard. Ça s'attrape avec le même genre de piège que les lapins ? Il faut un appât non ? Comment elle a réussi à ramener ça ?

-C'est toi qui l'a tué.
Je fais presque un bond. Elle est penchée au dessus de mon épaule, et observe l'animal avec un petit sourire. Je suis sûr qu'il est pour moi celui-là. Je suis ridicule... Se faire des peurs pareilles à cause d'une gamine. Putain.
Enfaîte, il a mangé le poisson que tu avais laissé hier. Et il est mort. Donc tu avais raison : il ne faut surtout pas y toucher. Conclut-elle.
Je hoche lentement la tête. Ok. J'en étais sûr pour ces poissons de merde. Trop gras, trop opinés. Mais il y'a encore un truc qui me chiffonne.

-Pourquoi tu l'as ramené ?
Silence. Je tourne la tête vers Miss clone. Elle semble pensive. En observant toujours le renard, sans m'accorder un regard, elle déclare finalement d'une voix hésitante :

-Je sais pas... Mais ça se mange la viande de renard, non ?

-Pas après qu'il ait avalé un poisson toxique. Objecte-je. La seule chose qu'on va pouvoir en faire, c'est des gants, et encore. Pas sûr que même ça, ce soit possible. Avec le Capitole, on peut s'attendre à un coup fourré. Du genre une substance qui subsiste sur les poils et te ronge la peau.
Elle semble dépitée.
Mais c'est bon, hein, fait pas cette gueule. On l'enterre quelque part et basta. On en parle plus après.
Je devrais pas me sentir obligé de la voir sourire. Mais c'est plus fort que moi... J'ai pas envie d'être accompagné d'une tronche de tombe sur pattes. ( Je ne me voile pas la face, je ne me voile pas la face, je ne me voile pas la face... ) Et merde à l'arrière fond de mes pensées.
J'attrape les deux lapins, et je vais les évider au dessus du troue qu'elle a "creusée" dans le sol. Je recouvre ensuite avec la terre éclatée qui en parsème les abords. Pour ce midi, je pense qu'on devrait se contenter d'un seul lapin. Je ne demande pas son avis à Miss clone, de toute façon. Je le pose près d'elle. Puis je me souviens qu'on ne peut pas faire de feu, trop dangereux. Et merde. Comment on va bouffer, sans feu pour cuire la viande ? Je me laisse tomber par terre en soupirant. Miss clone lève la tête vers moi. Elle a commencé à lire l'encyclopédie du monde végétale. Quelque chose pulse en moi. Un souvenir. Mon coeur. Je sais pas. Je fuis son regard et observe le sol luisant.
On va pas pouvoir profiter de tes prises. Il faudrait faire un feu, mais c'est trop dangereux.

-Non. Déclare t'elle. On peut. Si on les mange ce soir, il suffira d'éventer la fumée. Elle ne sortira pas en gros nuages et passera peut être inaperçue.
Pas con. Il reste une marge de risque, mais c'est toujours le cas dans l'Arène. En attendant, on aura de la viande pour ce soir, et ça vaut bien une possibilité minime de se faire repérer. Le ciel noir devrait cacher un peu la fumée. Surtout si on fait ça après le décompte des morts de la journée. Plus personne n'aura de raisons de regarder en l'air. Ce sera le moment parfait. L'Arène semble vaste de toute façon.

-Ah ouais, bonne idée. Heu, donc, on ira chercher du bois ce soir... Et pour l'instant je vais nous dégoter deux ou trois trucs rassis à bouffer. Des racines, tout ça. Bref. Que du bonheur. T'as qu'à lire en attendant.
Je me barre avant qu'elle puisse répondre. Regagner l'air libre est un véritable soulagement. Je me sens libéré d'un poids, comme si le terrier avait pesé sur mes épaules pendant tout ce temps. Si je me fie au soleil, on doit être en début d'après-midi. Il me reste toute une journée devant moi, donc. Je pense que Miss clone et moi devrions passer notre temps à lire. Pendant qu'on est encore tranquilles, on peut réunir une somme de connaissances sur l'Arène et nos concurrents qui ne pourra nous être que favorable. On fera le point ce soir, puis... On verra bien de quoi sera fait le lendemain.
Je pars à la recherche de notre dîner, en attendant. Il se compose de racines, de racines et... De racines. Certaines plantes ne devraient même pas coexister ensemble. Mais il faut croire que le Capitole s'amuse bien. Je trouve donc de la betterave, de grosses racines de panais, du chou sauvage ( mais qu'est-ce que ça vient faire là ? Pff... ), de l'hélianthi et du topinambour. Du goût décliné sous toutes les formes. Je dois bien avoué que tout ça n'est pas très appétissant. Charnues, boursouflées, de couleur jaune ou terreuse... Sûr que les racines ne flattent pas le regard. Après notre petit séjour au Capitole, des mets magnifiques et véritablement délicieux servis à chaque repas, on ne pouvait pas tomber plus bas. Enfin, tout ce que je rapporte a au moins le mérite de se manger et de ne pas être trop mauvais. Même si cuit, notre repas n'en aurait été que meilleur...
En revenant vers notre abris, je surprend un nid rempli d'oeuf sur une branche. Aucun oiseau ne le surveille. Une idée germe dans mon esprit. Je me tortille pour retourner dans la grande salle, pose ma collecte sur le sol, devant Miss clone qui est absorbée dans l'encyclopédie illustrée du monde végétale, et en attrapant mon bâton, je ressors. Je laisse le couteau qui m'a servi à déterrer les racines à l'intérieur. Je n'en aurais pas besoin pour cette collecte là.
Je fais passer le bout de bois devant par le passage, puis je le reprend une fois dehors. Le nid est toujours sans surveillance. Je m'approche de l'arbre, et m'accroche au tronc. Je suis agile. Monter ne me pose aucun problème, j'essaie juste de ne pas faire de mouvements trop brusques une fois à califourchon sur la branche où est posé le nid. Avec une lenteur exaspérante, j'approche mon bras. Au contraire, c'est avec rapidité que je me saisi de trois quatre oeufs. Je n'en laisse qu'un seul, moucheté de gris, qui aura l'occasion d'éclore. Je redescend en faisant attention à ne pas serrer trop fort les coquilles contre moi. Finalement, je n'ai pas eu besoin de bâton pour assommer quoi que ce soit. Je le laisse dehors pour l'instant, contre l'arbre qui m'a offert ces suppléments providentiels. Je ne rente pas tout de suite dans l'abris. Je pars d'abord à la recherche d'une pierre ; que je ne tarde pas à trouver. A côté de la montagne, il n'y a rien de difficile à ça. Elle est large, plate. Et chauffée par le soleil. Pile ce que je cherchais.
Je pose les oeufs à côté, et je retourne une fois de plus entre les racines, plongeant seulement ma tête sous terre pour appeler Miss clone. Elle ne tarde pas à venir, avec un air curieux. C'est dingue, elle semble intéressée par tout ce que le monde lui plante devant le nez. C'en est déprimant. J'ai l'impression d'être blasé de la vie à côté d'elle. ( C'est peut être le cas, aussi. ) Oh c'est bon, ta gueule l'arrière fond. ( Ouais, je préfère me voiler la face, mais chuuut. )

-J'ai trouvé des oeufs. En les faisant cuire sur une pierre, avec le soleil qui y'a, on devrait pouvoir se les bouffer !

-C'est super ! Ses lèvre s'étirent en grand sourire. La perspective de manger autre chose que des racines doit vraiment la réjouir. D'ailleurs... LES RACINES ! Elles sont encore en bas. Rah. Putain. J'en ai marre des allez-retours, je vais finir par ressembler à une merde ambulante avec de la terre et de la poussière plein les cheveux... Attends, je vais chercher les racines Lémoné.
Et elle retourne dans le terrier, comme si elle avait lu dans mes pensées. Je reste un instant à fixer le trou entre les racines, d'un air stupide. Elle m'a encore appelée par mon nom. C'est la deuxième fois.
Je retourne vers la pierre, au bord de la montagne, et je casse les oeufs dessus. Il glisse sur la surface plate en grésillant. Le bruit me fait saliver. Je me concentre sur mon ventre pour oublier le trouble qu'a déclenchée Miss clone en moi. J'ai tellement faim que ce n'est pas difficile.
Elle revient avec les racines, s'assoit en face de moi, et observe les oeufs qui cuisent avec des étoiles dans les yeux. Je me sens fier de moi tout un coup.
On commence à manger le racines pendant que le soleil se charge de nous préparer le reste du repas. Elles ne sont pas si mauvaises. Les betteraves sont légèrement sucrés, le panais cru s'avère enfaîte très agréable. A côté, les feuilles du chou paraissent un peu amères, mais on mange mieux que je ne l'aurais espéré.
Quand les oeufs sont cuits, nous nous jetons tout les deux dessus. On mange avec les doigts. C'est tellement bon que je me contrefous de m'éclabousser de jaune d'oeuf. Après, je ne sais pas. Tout se déroule comme un rêve. Je fais rire Miss clone en me faisant des cornes avec les racines de panais qui n'ont pas terminées dans nos estomacs. Je ris moi même de son visage luisant et jaune. On se raconte des blagues stupides, on mime des choses drôles. J'ai l'impression de ne plus être moi. C'est un sentiment délicieux.
Une fois que nous avons terminés de faire les pitres, nous retournons dans le terrier avec les racines survivantes. On se rince dans le petit lac. Je jette un regard méprisant aux poissons qui y nagent. Aucun d'eux n'aura eu Lémoné Orion. Petits joueurs du Capitole.
Ce n'est qu'une fois assis dans la salle principale, à compulser les pages du magasine pour jeter à coup d'oeil sur les autres tributs, que je prend conscience des répercutions de cette petite heure de détente. Nous avons ris ensemble... Comme de vieilles connaissances. Comme des amis. Mais nous ne pourrons jamais être amis. Comment je vais pouvoir la trahir après ça ? Je me sens tellement responsable d'elle... J'ai l'impression de ne plus pouvoir lui faire du mal. Il faut que je me reprenne.
Nous n'échangeons pas une parole pendant le reste de l'après-midi. Chacun de nous est plongé dans un livre. J'ai terminé la lecture du magazine, pour y apprendre que les plus grands dangers tiennent en quatre noms : Shizukesa, Aryek, Acacia, Théo, et un mec du district quatre. Acacia et Theo se sont portés vonlontaires. Shizukesa est un malade mental. Aryek est de mon district, et entraîné à tuer. Le dernier semble être un Carrière dans l'âme.
Je passe sur l'étude de la carte, en essayant d'en graver les moindres détails dans mon esprit.
Le soir venu, j'ai mal à la tête. J'ai commencé le livre sur la faune de l'Arène, et mon cerveau réclame une pause. Je m'adosse à un mur et je ferme les yeux. Quelque chose pulse douloureusement sous mon front. Miss clone baille. Je crois qu'il est temps de s'arrêter.

-Hey, on en a fait assez pour aujourd'hui... On reprendra demain.
Je me lève. Je voudrais bien dormir dés maintenant, mais ça va pas être possible. On doit manger, et attendre de voir qui est mort aujourd'hui. Je marche lentement vers le tunnel qui conduit à la surface.
...Je vais chercher du bois pour le feu. Je reviens tout de suite.
Ou presque. Je met un peu de temps à ramasser des branches mortes et à les glisser dans le terrier. L'air frai me fait du bien, mais ma migraine ne disparaît pas pour autant.
A ma grande surprise, Miss clone vient m'aider. Elle ramène aussi des cailloux pour essayer d'allumer notre tas de bois. Nous rentrons et creusons un trou à main nu au milieu de la grande salle. On y entasse les branches. Quand elles sont trop grandes, on les brise avec les genoux.
Miss clone essaie d'allumer les tas en entrechoquant ses pierres. Après plusieurs essaies infructueux, elle soupire et abandonne. Est-ce qu'on va pouvoir bouffer son gibier oui ou merde ? Je ne suis pas d'humeur à être patient. Je sors du terrier sous le regard étonné de Miss clone. Je sors, et je réclame un briquet... Au ciel. Enfin, à mon mentor quoi. Le paquet met un peu de temps à apparaître, mais il finit par arriver. C'est bon signe. Si on peut m'envoyer un briquet, c'est que j'ai du soutient. Des sponsors. J'ai réussi à intéresser du monde au Capitole.
Je reviens avec le briquet, souriant bêtement. Miss clone sourit elle aussi. Elle me le prend des mains - les rôles s'inversent ou je rêve ?- et allume le tas de branches.
Nous faisons cuire les lapins en les embrochant sur un bâton. C'est artisanale et dégueulasse, mais la perspective d'avoir de la viande à manger l'emporte sur mon léger dégoût. Et puis bon, si j'ai pu les dépecer, il n'y a pas de raisons pour que je fasse des manières maintenant.
Nous tenons chacun une extrémité du bâton, debout, pour faire cuire le lapin. Nous pensons à tourner régulièrement. Le temps me semble passer avec une horrible lenteur. Quand nous pouvons afin commencer à manger, il fait totalement nuit dehors ; je le sais car l'hymne retentit, assourdie mais distincte. Nous sortons la tête entre les racines, et observons le ciel. Cinq morts. Deux faisaient partis des tributs les plus dangereux : Acacia, du sept, et Theo du neuf. Je suis soulagé de les voir rayés de la liste. C'est toujours plus de chance de survivre pour no... Pour moi. Plus de chance pour moi. Seulement moi.
Nous rentrons dans le terrier. Il y'a un peu trop de fumée. Nous éteignons le feu, puis ventilons de notre mieux. J'espère que personne ne remarqua les résidus insaisissable de notre feu... Sinon, on l'a dans le cul.
Je vais me coucher dans un coin, loin de Miss clone. Nous nous sommes trop rapprochés aujourd'hui. C'est dangereux. Je crois pouvoir m'endormir sans problème, quand elle vient s’asseoir à côté de moi.

-Lémoné ? Je peux te poser une question ?

-Non.


-Alors je ne vais pas me gêner. Je comprend pas. Tu es distant, puis tout d'un coup, drôle et avenant... Et tu redeviens malpolie et antipathique après. Joue franc-jeu. Si tu comptes avoir le moins de contacts possibles avec moi, soit au moins constant. J'en ai marre de tes hauts et tes bas. C'est blessant.
Putain. Elle est mature en plus. Je ne répond pas. Elle le mérite trop. Je ne lui donnerais pas son dû.
Écoutes. Je comprend ta situation, on est tous dans le même cas. Alors... Je vais tout te dire.
Et elle le fait. Elle me raconte sa vie dans le district quatre. Elle me raconte sa mère Aïgda, ses deux frères aînés et sa petite soeur. Sa famille sans père. C'est si beau. Tellement triste. Je ne peux pas m'empêcher d'être touché. Son récit semble si vrai... Je suis sûr qu'elle ne ment pas.
Alors, une fois qu'elle a terminé, je le fais aussi. Je... Me dévoile.


Il parlait d'elles. Lémoné se confiait.
Sophia et Mélonan se serrèrent dans leurs bras. C'était bon ! Il avait trouvé une amie dans l'Arène ! Plus qu'une alliée, plus qu'une compagnie éphémère... Il disait vraiment ce qu'il ressentait.
Ce soir là, les deux jumelles dormiraient bien. Car maintenant, elles savaient que Lémoné n'était plus seul. Pas seulement physiquement. Mais aussi dans son coeur...
Et cela, les corbeaux grassouillets du sommeil ne lui enlèveraient pas.