_Innachevés-Dépotoire_

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21-11-2012 à 11:13:43
Quand je me suis éveillée, le monde était froid et noir.
Je n'ai pas compris tout de suite ce qui s'était passé. Bêtement, j'ai observée les décombres grises de la ville, la mer gelée et les gouffres béants nappés des brumes blafardes. Je suis restée coite devant le spectacle des ruines qui m'avaient servis de lit. Cette poussière froide avait été une couverture pour moi. Cette neige là m'avait ensevelie comme elle l'avait fait des corps auprès desquels j'ai sommeillée, pendant longtemps, si longtemps, tant d'années, d'éternités peut être, qu'ils ne sont plus que des os livides désormais. Pourtant, j'étais encore là, au milieu du silence, sur les territoires vides et muets de l'hiver. Il avait foulé ces terres jusqu'à en faire un vaste iceberg, et marcher sur ce sol crissant, c'était briser à chaque pas une plaque de verglas qui se craquelait bruyamment en fumant dans l'air. Redevenant eau un instant, avant de se transformer en poudreuse qui retombait placidement... Je réchauffais ce monde mort comme une fugace étincelle, lui apportant un instant une chaleur évanescente qui lui faisait se rappeler d'une époque plus faste de bruits, d'odeurs, et teintes. Il gémissait sous la plante de mes pieds, soupirant aux souvenirs de ces temps bariolés, d'abondance et d'équilibre capiteux, cacophonique. Il, le sol, mais Elle, cette voix, se languissant, doucement, tandis que je foulais sa triste dépouille animée, envers le froid, d'un tremblotante et falote braise encerclée de givre... Comme le dernier soubresaut, long, interminable, d'une vie qui s'endormait sans prendre conscience que tout était mort autour d'elle.
<< Où sont donc passées, l'entendais-je sangloter douloureusement, ces heures riches de tout ? J'ai été dépouillée, fouillée, on a introduit une main froide dans mon ventre pour le rendre stérile. Mes entrailles crissent comme un sac emplit d'éclats de verres ; je suis brisée dans toutes les profondeurs de mes boyaux secrets, empaillée de neige, enveloppée d'un linceul de glace... Je ne suis plus que verglas et pilons aiguisés, fractures ahanantes aux souffles de brumes pâles... Livides et froide, vieille et fouillée de mille douleurs coupantes enfoncées dans ma chair ! Je ne sais plus, tout ce temps, j'avais oubliée. Oubliée ce qu'était d'être bouillante, fluide, couverte d'un fin duvet et flattée de chants, de cris, de flaveurs innombrables issues de millier de choses minuscules qui battaient toute ensemble ! J'avais oubliée le goût de la vie qui courrait sur le cuir de ma peau, la tendresse des fleurs épanouies qui exultaient d'embaumer l'air, et me louangeaient jusqu'à la flétrissure, moi, leur mère bien aimée qui nourrissaient leurs racines chatouilleuses ! Comment ais-je pu laissé partir les temps de chaleur et de merveilles qui me comblaient de si abondants présents ? Pour cela ! Pour ces brouillards froids que j'expire fastidieusement, pour ces eaux immobiles et lourdes qui n'ont plus connues la danse des vagues depuis tant de siècles, qu'elle leur est un doux rêve de mouvement relégué à la demeure des mythes ?! Pour ces décombres nues qui gisent sur moi sans rien porter en leur ventre pierreux que des ossements livides ?! Fuis, le temps des folies effrénées, coccygrues que le souvenances des voluptés printanières ?! N'y aurait-il que l'hiver, noir et froid, qui patiente en la crypte glaciale de mes gerçures verglacées ? Ne faudrait-il que je ne vois plus que cela, cette nuit, ces brumes, ces glaces ? Les démences, je les veux à nouveau... Je veux mes folies tendres... Je veux les exultations de la vie qui commence et se termine... Ah je veux !, je veux le cycle, à nouveau, des eaux qui courent, volent, chantent et rient en tombant parmi les rafales parfumées du printemps ! Printemps, je te veux, je te veux... Toi qui marche sur moi, éveille la, cette chaleur perdue, apporte moi les flammes, ô doux printemps, ô beau printemps, beau bourgeon, déploie tes pétales abattus par le gel pour refaire de mon corps un monde vivant ! Va, capiteux printemps, ô tendre printemps, trouve l'hiver et dis lui qu'il est temps pour lui de dormir, à nouveau, comme le fit son père avant de le remettre aux ténèbres glacées. Offre un nouveau sommeil à ce nouvel hiver qui a temps fait pour les glaces et le silence, dis lui que sont venues tes heures, et que les siennes, prochainement, apporteront pour une autre fois la noirceur et la neige. Trouve le, brave printemps, ô fragile printemps, envoûte le de tes charmes pour éveiller en lui les échos de l'époque faste où les saisons faisaient une ronde harmonieuse au travers du temps... Fais lui retrouver les rêves et la fatigue, pour que ces doux souvenirs redeviennent un présent, plus délectable encore que les réminiscences de mon esprit transis... >>




27-05-2013 à 14:57:23
Dans ses oreilles, les bruissements s'étouffent. Ils s'étranglent et s'éteignent, soupirant doucement. Et finalement, ce n'est rien que le silence qui l'atteint et l'endort ; elle clôt les yeux, sur l'image rutilante des lèvres qui s'enlacent en un sourire, cessant de lire les mots dessinés par sa mère, à même la peau.
Dans le noir, elle s'endort, à l'ombre de ses paupières et sur l'obscurité qu'a déposé la nuit à l'intérieur de sa chambre. Elle ne tarde pas à y couler, faible gosse, sans se soucier de nager, et bientôt, aux ténèbres chaleureuses qui se trémoussent derrière ses prunelles, elle va chuchoter des rires qui ne s'entendent pas. Renée en ses rêves, elle s'arrache au monde que lui impose l'éveil. Là, dans ces ombres aux bras chauds et moelleux, elle s'abîme et oublie.
La gamine est sourde. Elle ne connait des chants que les mots qu'on peut lire imprimés sur des lèvres et des pages. Elle ne connait des contes que la danse rougeoyante dans laquelle se complait la bouche maternelle, tendre berceau des mots qui s'envolent sans but. Jamais une parole n'a fondu dans le creux de son oreille ; elle n'a pour présence là-bas, que leur cadavre glissant sans un bruit vers son cerveau qui n'entend rien du tout. Ce n'est pas assez. Décidément, ce n'est pas assez.
Alors elle s'entraîne à parler au vide, pour voir si soudain ne lui viendrait pas un son.
05-06-2013 à 19:33:18
"Maman se sent bien dans le grouillement des vers


I Identité d'une poussière-


Pseudonyme : Eden n'est que son troisième nom. Une brume mouvante lui a murmuré un jour, alors qu'elle scrutait les mondes qui se frôlent. Avant d'être un blasphème vivant, la fillette a été une petite française, répondant au doux nom d'Amande. Quel charmant patronyme, n'est-ce pas ? Mais avant Amande, il y avait Miloslava. Miloslava qui dansait dans les flocons éteints, riant au vide poudré ; Miloslava qui dans les bras froids de sa cruelle Russie, chantait au silence des chansons apprises d'une ombre.
Aujourd'hui, c'est Eden qui parle aux brouillards invisibles. Eden, qu'on appelle Prophétesse, Eden la Bâtarde de l'Avalon, Eden la Putain du temps. Peu importe qu'elle ne soit qu'une enfant ; le monde n'en est que plus avide à son égard. Les chairs tendres et fraîches, encore gorgées d'innocence... L'on se prend si vite à apprécier leur fondant.

Un jour, Eden finira dévorée par le monde. Ou le monde finira dévoré par elle.

Age et Date de Naissance : Inconnu. Inconnu. Inconnu. Inconnu. Allez savoir. Peut-être est-elle sans âge, peut-être n'est-elle jamais née. N'est-ce qu'une illusion, un subterfuge du monde, un délire collectif ? Eden n'existe pas vraiment. Parfois. Elle devient cette brume observée dans le vide trompeur du monde. Elle devient une chose informe, une probabilité, une possibilité qui s'avorte chaque fois en redevenant fillette.
Eden est un gâchis. Elle vient d'un autre temps, d'un autre monde, et son âge n'a pas d'importance. Elle semble avoir dix ans et parle d'un temps plein de rois et d'empires qui s'affrontent. Elle semble avoir dix ans, mais son esprit a fait moitié moins de parcours que son corps. Son âme est antique, ses passions sont puériles.
Peu importe son âge. Eden n'en a pas. Elle n'est rien.

Avatar : Deviantart, mon amour !
Race : Humaine ? Elle n'est qu'un déchet de l'Avalon, une créature unique et sans race ni espèce. Un songe tordu déglutit par un monde obscur.
Statut de sang : Mêlé. D'une certaine manière...
Métier ou groupe d'appartenance :Prophétesse de Valériane.B.Kravt. Propriété de la dernière Dragonne.

II Visage du brouillard-


Votre patronus : Une fouine de cendres. Car Eden est une fouine, une terrible petite fouine voyeuse qui observe les danses secrètes du monde, et parcourt le temps de ses yeux avides.
Votre plus grande terreur : La neige. Elle ne supporte plus ni la glace, ni le froid ni la poudreuse. Entrer en contact avec la plonge dans une peur panique, une sorte de folie ; une frénésie démente. Quand les premiers flocons tombent, Eden est déjà loin. Leur danse la terrifie.

Votre caractère : Douce Eden, belle Eden. Dans la poussière tu fais des anges qui s'effacent avec le vent, dans le vide tu imprimes en lettres légères tes rires cristallins. Sur le monde tu roules comme une pomme tombée de son arbre, gorgée de soleil et savourant l'herbe tendre. A te voir Eden, on te croirait l'enfant à jamais candide, l'innocence incarnée ; perle de ce monde à l'écrin immonde.
Mais il n'en est rien. Eden, tu es un mensonge.

Tu n'es que caprices, gourmandise et jalousie. Tu te consume face aux gens, tu malaxes tes joues en haletant pour leur réclamer une caresse, une sucrerie, un animal. Tu es ce qu'il y a de pire dans l'enfance, une éternelle foucade qui court après ses envies d'un instant. Tu ne vis que pour t'approprier le monde, tu vis pour les objets qu'on t'offre. Superficielle, tu t'accroches à tout ce qui est tangible, comme pour compenser le manque de ces mondes qui te narguent. Tu ne supportes pas le refus et la claque, tu hurles et fulmine comme un ouragan à la moindre contrariété. Tu es une gamine vicieuse et cruelle, manipulatrice, qui cherche avant tout son propre plaisir. Seuls comptent tes excès, tes désirs. Les autres n'existent pas à tes yeux, ils ne sont que des marches pour accéder au paradis.

Eden, tu ne cherches que lui. Tu vis pour le trouver. Mais ton idée du paradis n'est qu'un blasphème, à l'image de ton nom. Ta simple existence semble proclamer qu'il n'existe pas de lumière en ce monde.

Tu es l'innocence pervertis, le penchant morbide de l'enfance. Entre tes doigts tu laisses ramper des vers, tu écrases des fourmis. Tu aimes poser les limaces sur tes joues, et les réduire en bouillie dans tes paumes veloutées. Eden, tu aimes les choses mortes. L'agonie est un spectacle si doux à tes yeux d'enfant ; tu la traque dans les brumes de l'Avalon, tu la piste en piégeant des insectes qu'attendent ensuite de lentes tortures. Parfois entre tes mains, tombe un pauvre animal. Parfois sur un esclave, un hybride, tu laisse tomber tes ongles, ou le tranchant d'une lame.

Eden, douce enfant, abjecte créature. Sur tes lèvres souriantes meurt l'espérance d'un monde nouveau. Tu dénies l'apogée d'un futur éclatant ; dans les fossettes qui coulissent sur tes traits, naissent des futurs emprunts de violence. Eden, tu n'apportes nul espoir. Tu es la relève de cette cruauté qui ronge le monde. Tu ne changeras rien autour de toi, comme tous les autres, tu n'aspires qu'à te vautrer dans une existence vaine et voluptueuse. Tu aurais pu venir prophète déclamant aux foules un avenir meilleur... Mais l'Avalon t'as vomis comme une horreur qu'il ne pouvait plus contenir. Entre les mains qui te flattent, tu es une arme, une lame immonde qui veut percer toute chose et se baigner dans ses tripes.

Eden, tu es le mal incarné. Tu aimes la douleur des autres, tu savoures leur dépit et te gorge de tes triomphes égoïstes. Toujours à bout de souffle, tu te consume en faisant brûler ceux qui t'approchent. De ton passage sur terre, tu ne laisseras que des cendres. Destructrice, tu n'accordes d'attention qu'au présent, toi qui pourtant t'immerges dans les futurs possibles, les passés révolus qui jamais ne sont nés. Toi qui caresse du bout des doigts les mondes flétris à l'ombre de celui, ténébreux, qui a fleuris comme une plante toxique. Peut-être sont-ils pour tout ces univers fanés, les pétales bruns dans tes poches. Les fleurs séchées dans ta chambre, tes danses au milieu de l'automne, dans la nature mutilée qui a tes yeux n'est que beauté. Tu aimes voir flamboyer les arbres qui doucement s'éteignent quand vient l'hiver ; hiver que tu fuis, saison abhorrée, que tu tentes de faire mourir dans la chaleur d'une pièce. Une obsession te prend quand elle vient : tuer le froid sous tes gants, bonnets et pulls, il ne te faut qu'éviter la neige à tout prix. Pour certains, ce sont des jeux d'enfant, ces broutilles, ces croyances candides... Mais il n'en est rien, tu le sais Eden, ce ne sont pas des jeux. Tu es brisée, tu es un prisme fêlé. On a jeté sur toi des pierres qui n'ont laissé après-coup que des éclats dentelés, et désormais ne te parviennent plus que des faisceaux obscurs.

Eden, Eden. Il y a tant à dire sur les ténèbres qui t'habitent. Eden, abject déchet du cauchemar d'un monde. Eden, prophète des ombres. Ta vie est une élégie secrète que jamais tu ne chantes.

Eden, dans tes yeux s'éteignent les lumières prochaines.

Frustrée de ne pouvoir atteindre les mondes brumeux qui t'entourent, tu enrages parfois et sanglotes, trépigne, gifle le brouillard et halète en courant, dans les couloirs, après des visions qui cherchent à t'échapper. Il te faut tout savoir, connaître chacune de ces possibilités, en voir toutes les vies. Que cherches-tu Eden, dans l'Avalon qui t'as régurgité ? Ton passé est-il là, tournoyant avec le reste du temps dans ces univers en pleine valse ? Obsessionnelle, névrosée, tu scrutes les brouillards mêlés de l'Avalon. Quand tes yeux, frénétiques, s'acharnent sur le vide, tu rejettes le monde matériel qui t'entoure ; crache aux visages qui te parlent, mord les mains qui se tendent. Égarée dans le cosmos abyssal, tu te laisses envahir par une fureur aveugle.

Pourtant tu cherches la tendresse, l'amour et la chaleur. Tu coures après une mère qui s'est noyée dans le flot luisant des vers, tu te languis des bras d'un père. Mais c'est tout ce que tu ne trouves jamais. Le seul désir que personne ne semble pouvoir combler.

Ta seule envie qui ne soit pas un caprice, à jamais inassouvie.

Eden hait le monde, et prie pour qu'il s'écroule dans sa propre poussière.


Votre apparence physique : Sur la peau d'albâtre de la gamine errent des astres crevés. Ils sont là, tâches de sons sur ses joues pâles qui se gonflent parfois d'un mignon sourire ; sur son nez à la courbe si douce qu'on y verrait rouler des billes sans surprise, piquetés sur ses petites narines. En été, elle se couvre de ces étoiles fanées qui n'ont su que tomber sur son visage ; à toute autre saison, elle offre une face marmoréenne, teint parfait d'une porcelaine vierge.
Ses lèvres ont l'opulence chaste de l'enfance, dessinées joliment et charnues, gorgées semble t'il d'eau de rose, doucement versée. Elles font écho au bleu innocent de ses yeux, dont la clarté sans fond lui donne l'air d'un de ces poupons que bercent les petites filles, dans des mondes plus paisibles. Ces joues ont la mollesse tendre et fraîche de la mie de pain. Quand elle réclame une nouvelle babiole, et que ses petits poings blancs les malaxe, Eden semble préparer une pâtisserie avec la pâte à gâteau de sa peau.

Si blanche, si douce, si fragile. Toute frêle, comme un papillon posé sur le bout du nez.

Elle s'engonce dans des robes vaporeuses et chargées de froufrou. Eden aime sentir les tissus riches et doux sur sa peau, elle savoure le contact des étoffes ostentatoires. Ses longs cheveux blonds, ondulés par le vent et la pluie, s'habillent de rubans, de cerfs-tête et de petites barètes. A ses poignets, pareillement, elle enfile des bracelets, et à ses doigts de bagues, entoure ses bras satiné de falbalas qui se veulent pimpants. La fillette se charge, poids-plume, d'un fardeau de toc, de plastique et de verre. Eden brille avec les artifices enfantins qu'on lui tend. Parée de ces richesses illusoires, princesse de pacotille, elle sourit de ses dents nacrés. Perles en l'écrin rose de ses gencives. Billes d'ivoires qui n'osent pas glisser sur sa langue de velours. Tendre incarnat rougie tout au fond de sa gorge. Blancheur de ses os, tout au fond de son ventre, boyaux et tripes qui gigotent joliment. Ô Eden, que dire de toi ? Tu n'es qu'une enfant comme les autres, un éclat de blondeur argentée avachis dans ses robes abondantes.

Qui verrait en toi, ce monstre si terrible que l'Avalon lui même a rejeté par trois fois ?


III Rêve fugitif d'un monstre-


Facultatif :-Amande. Amande ? Regarde-moi Amande. Amande.
Entre les épis de blé, elle courre. La brume. Elle roule dans les champs, déchire l'air bleu. Grise entre les brins dorés que le soleil caresse. Elle avale le monde, dévore la réalité ; entre ses crocs dentelés de brouillard, des univers se tailladent, bestiaux. Ils glissent et se frottent, s'enivrent d'une danse sauvage et morbide. Des visions craquent comme de vieux parchemins dans cette plaie impalpable. Elles suppurent des bruits et des odeurs.
L'Avalon parle aux sens de celle qu'il a bannit.
La fillette a cessé de bouger quand lui est parvenu le murmure saccadé de ce cauchemar déployé. Sa cavalcade fascinante a immobilisé la gamine sur le chemin de terre ; à ses pieds gisent les paniers, qui déversent leurs entrailles de pains et de confitures sur le sol poussiéreux. L'été donne à l'air la tension lourde d'une peau de tambour. Nuage bistre autour des jambes nues de l'enfant figé.
Elle a senti qu'il arrivait. Un autre monde, entré en contact avec celui qui l'héberge, rejeton ignoble d'un univers en déclin, un autre monde qui cogne contre cette réalité qu'a investie le monstre au visage poupon. Avant de le voir, elle a perçu ses effluves entêtants et riches de sang versé, de boue fait sombre linceul, de corps suants qui meurent. Elle a senti le musc de la peur, l'odeur des nausées qui n'ont pas été retenu. Un miasme lui est parvenu, opulent. Les parfums de la guerre traînent et tournoient autour de lui, se mêlant en bouquets somptueux dans ses tendres narines. L'odorat de la gamine s'affole, et de désir fou, elle se mord les lèvres.
Face à ses yeux, le champ de bataille. En lieu et place des blés, la boue. Des tranchées gluantes qui aspirent les bottes cerclées de fers, les uniformes tâchés ; un air bouillant qui fait ressembler le monde à une marmite. Voilà l'univers devenu une vaste soupe. Des bouts d'humains tournoient ensemble en l'épais sirop gris de l'air enfumé, des éclats de shrapnels viennent épicer la viande sale qui tourbillonne follement, pleine d'acier. Flaveurs des gens qui crèvent en hurlant, des hommes carbonisés qui suffoquent, morceaux de charbon dans lesquels on a taillé des silhouettes humaines. Quelque part, des gaz s'épanouissent en fleurs blafardes sur l'horizon, et leurs pétales brûlent la peau mouillée des soldats qui subissent son touché. Visages moites qui fondent. Les humains ont cédés le pas à la machine- les obus leur ont bouffés le corps jusqu'aux os. Presque cyborgs, ils beuglent en s’entre-tuant, criblés de fer bouillant.
Amande.
La guerre s'épanouit au milieu de la boue. C'est une plante vénéneuse qui rampe dans les tranchées, plonge ses racines entre les corps entassés. Elle fouille le sol, dépouillant de vieux bouts d'acier luisant de leur deuxième peau poisseuse. Les hommes qui se battent-là n'ont plus d'individualité ; pauvres insectes, éphémères et vains, comme des papillons cherchant le nectar d'une fleur desséchée.
Ils ont oubliés les champs qui s'étalaient ici pour le plaisir des bambins et de leurs courses folles. Ils ne savent plus, ou n'ont jamais su, pour ceux que seule la guerre a porté jusqu'ici, l'herbe blondoyante de juillet qui frisait sur la terre, les coquelicots sauvages comme des jeunes filles apprêtées pour le bal, tout autour d'un sentier qui n'existe plus. Ils pourraient n'avoir jamais connu la plaine frémissante sous les caresses du vent, et le ciel d'un bleu dur qui jetait ses reflets dans l'eau claire des ruisseaux ; peu importe ces souvenirs, pour les gamins perdus de la campagne ensanglantée, qui se battent, qui meurent, qui déchirent la chair de leurs pitoyables congénères.
Aujourd'hui les bambins assemblent des armes de leurs mains potelées, qu'ils ont crasseuses de charbon, de rouille et de poussière. Leurs genoux écorchés s'infectent dans des taudis dégueulasses qui vomissent des ombres puantes aux lisières d'une zone de front flamboyante de sang. Ils se couperont les veines sur les arrêtes rouillées d'un monde qui s'embourbe. Tétanos. Les cœurs innocents s'infesteront d'insectes comme ceux des pourris qui prennent plaisir à tuer.
Le monde. Le monde se perd, tremble. Monde énorme, monde qui s'esclaffe en postillonnant du sang. Monde immonde.
Amande, n'oublie pas ce que maman t'as dit. Amande.
Les gens se cherchent pour s'étriper. Les entrailles sautent dans l'air comme dans une poêle, valsant avec des princes de fer incandescent. Où est passé le moulin, où sont donc les maisons ? La guerre a fait reculer la vie en tapissant le sol d'os encore tout charnus de muscles rouges. Dans la boue, ils ont l'air de bijoux. Peut-être toutes les planches ont-elles finis en hampes d'armes, peut-être le petit sentier est-il devenu une tranchée. La campagne engloutit par la boue, les hommes furieux qui se réduisent à l'état de pulpe éclatée... Du ciel coule la nuit, purpurine.

Ô Lune, dans ton écrin imbibé repose toi et souries du carnage. Tu as la silhouette d'une faux argentée dans le ciel ; comment ne pas te voir, ainsi crochue, comme l'émissaire d'une mort qui laisse sur terre traînées ses jupes souillées ? Le carnage s'empêtre dans ses robes noires.
La violence, prostitué, prends tous les hommes peau contre peau et les fait haleter ensemble en une orgie répugnante.

La guerre s'enroule ainsi faîte autour de la gamine. Elle ouvre les bras. Touche du bout des doigts le brouillard sanglant qui a roulé depuis l'Avalon jusqu'ici, tout près d'elle. Happée, l'enfant se gorge du carnage ; le futur l'éclabousse de ses visions ignobles.
Un beau sourie étire ses lèvres roses, et la gamine au regard fasciné tournoie soudain, comme une feuille blondie par l'automne, prise dans l’alizé mutin.
Amande ! Arrêtes ! Amande ! AMANDE ARRÊTES TOUT DE SUITE !
Quand une main lui prend le bras, plante ses doigts dans sa chair, l'enfant cesse sa danse de joie. Son bras potelé tremble, secoué par l'arrêt brusque. Manège explosé. Autour d'elle, la brume s'évanouit, emportant ses délices. Une chanson visqueuse d'entrailles versées, de boue explosée et de gargouillis vains s'éteint aux oreilles de la gosse aux mèches folles.
Elle tourne vers l'aînée qui croit pouvoir lutter contre les Prophéties son visage tâché de son par le soleil estivale. Ses joues pleines de fossettes se plissent, faisant danser les tâches rousses qui s'y trouvent criblées.

Amande, on avait dit que tu arrêtais ! On avait dit que tu ne devais plus faire ça ! Il n'y a rien Amande, rien du tout ! Ce n'est que de l'air ! Il n'y a pas d'ombres qui parlent, pas de brouillard, pas de-de... BORDEL AMANDE ! Y A RIEN D'ACCORD ?! ARRÊTES DE SOURIRE, Y A RIEN !

-J'ai vu le monde, et bientôt, vous serez tous en paix.
Vois les dents de la gamine qui étincellent dans la lumière du chemin. Reflet doré du jour sur leur nacre vierge.
Vous allez rejoindre Marguerite et Zachary et Brocé- une claque. L'aînée dévisage cette créature au visage innocent qui leur promet la mort. Presque chaque jour, depuis un an. Obsédée par une guerre supposée à venir qui ne les tuera jamais.



-La ferme Amande. La ferme. Ramasse ton panier.

Elle semble exténuée. Effrayée. Lasse. La jeune femme tourne le dos à cette enfant qui ne comprend rien au monde réel, qui s'invente un passé plein de défunts et de froid ; qui se construit un présent où l’avenir est une présence perpétuelle, brouillard sulfureux. Elle reprend sa marche, sans regarder ce qu'il advient de sa cadette étourdie par une imagination trop puissante.

Elle ne voit pas son regard furieux, ni ses joues rouges. Elle ne voit pas son regard venimeux, et son sourie satisfait. Ombre mauvaise sur le visage de la gamine.

Amande sait. Amande a été Miloslava. Amande a vu les insectes qui rongeaient tout, Amande a vu le feu et la guerre.
Et comme toujours, dans son sillage, ils reviendront. Les insectes, la guerre, les incendies puis le froid.

<< Tous en paix. Tous en paix dans la boue et la poussière, avec les vers qui glisseront dans vos veines asséchées. >>

Et bientôt, Amande prendra son troisième nom.

Eden approche de vous. Elle ne fera que passer, vous frôler ; la gamine continuera son chemin.

Dans son dos, on ne trouve que des cimetières.


IV Nouvelle existence d'une horreur en exil-


Année à Poudlard ou maison fréquentée : Aucune. Eden n'a jamais connu d'école d'aucune sorte.
Ses parents et famille proche : Tous morts. Tous. Les uns après les autres. Rongés par les vers. Elle s'est roulée dans leurs corps putréfiés. Elle a patienté jusqu'à ce qu'il ne reste plus d'eux que des carcasses grouillantes, et détachée leurs membres pourries pour se frotter avec. Elle a guetté le grouillement de vers.

Eden aime tant les insectes. Ce sont les seuls à ne jamais la quitter. Ils reviennent toujours, au bout du compte. Alors elle les prend dans ses mains et les laisses ramper sur son corps. Elle laisse leurs petites pattes courir contre sa chair d'enfant. Elle les cherche, et s'arrose de leur flot vivant, lève au dessus de son doux visage ces êtres insignifiants, pour qu'ils tombent sur ses joues et glissent sur ses lèvres.

Eden est seule. Elle a toujours été seule au fond. Il ne lui reste qu'elle même... Et ses reflets. Ces choses qui rôdent, quelque part, dans l'Avalon. Ces créatures dans la brume.

Eden, Eden, regarde au milieu du brouillard : c'est ton visage qui danse là-bas, dans ce monde qui s'éteint...



V L'objet qui voulait posséder le monde-


La baguette magique : La gamine n'en a pas. Pourrait-elle s'en servir ? Peut-être. Aura-t'elle accès à ce genre d'objets un jour en tout les cas ? Sûrement. Un caprice, une envie dévorante ; dans ses yeux la passion pour tout ce qui n'est pas tombé entre ses mains d'albâtre. Eden veut posséder le monde entier... Ceux qui s'y trouvent, et tout ce qu'ils ont.
La richesse, monture, esclave : Aux yeux de tous, elle n'est rien. Aux yeux de tous, elle n'est pas.
Eden est apparue un jour à Londres, fillette égarée dans les rues, comme tant d'autres, et disparue presque aussi tôt ; une maison sorcière l'a raflé. Surgit en ce monde dans l'ombre la plus noire, des mains l'ont dés son arrivée entraînées vers des ténèbres plus profondes encore... Anonyme à la foule, inconnue de tous, Eden est apparu en tant qu'ombre, pour en mener la vie. Sans famille, sans existence passée en ce monde, elle est probablement le secret vivant le plus facile à garder, entre tous. Vomis de l'Avalon, emportée dans l'obscurité.

D'elle même, la gamine ne possède donc rien. Elle n'appartient, par le sang, à aucune famille noble.

Mais cela ne l'empêche pas de leur être liée, intimement. Pour son plus grand plaisir, car jamais elle n'avait connu la puissance politique, l'amoralité ; toujours elle n'a été qu'une gosse dans la campagne... Son nouvel état de Prophétesse attitrée d'un clan de sorciers n'est pas pour lui déplaire. Avec eux, voici venu le pouvoir. Un grand pouvoir ; ce sont des mains redoutées qui se sont emparées d'elle.

Eden est la propriété de Valériane.B.Kravt.

Peu importe la richesse. Avec cette femme pour maîtresse, Eden obtiendra le sang ; et la gamine, jamais, ne pourra étancher cette soif là.


La demeure : L'endroit où on a jugé bon de la claquemurer. Tenu secret. Il possède de beaux et vastes jardins, de hauts murs ; la maison ne semble avoir été construite qu'à son égard. Là-bas, Eden possède une chambre, une salle de jeux, une autre de cours. Des esclaves vivant dans la cave prennent soin d'elle.

Une demeure charmante, donc.

On lui a même aménagé, quelque part, une salle spéciale, dans lequel elle observe l'Avalon en mouvement, et note en des carnets toutes ses observations.... Du reste, personne ne la voit jamais. Esclaves, précepteurs, hommes dont elle ne connait pas les fonctions... Et Vaélriane Kravt, qui la sort parfois de ce monde sur-mesure.


Les habitudes vestimentaires et armes (facultatif) : Eden n'est que froufrous, dentelles et explosions de soie. Des gerbes de tissus entourent son corps frêle, des bouquets de jupons et d'écharpes bourgeonnent contre sa peau. Elle se couvre de babioles brillantes, lustre ses cheveux calamistrés. Cascade d'opulence. Son corps en est presque caché ; voir sa peau blanche, au milieu de tout ce tissu déployé en apparat constant, fait l'impression de tomber sur une fleur au milieu d'exquises broussailles chargées de baies. Plantés emmi de cette rondeur argenté au cou enrubanné, ses yeux ont une brillance presque surnaturelle. Quand elle s'enveloppe de vêtures sombres, la gamine a un regard presque dur à soutenir ; phosphorescent, étoilé. Trop clair.

Eden, c'est goût consommé pour l'opulence. Elle se charge et se pare tant, qu'elle en semble parfois une poupée, une création artificielle. Son visage est le seul à ne jamais pâtir du moindre changement ; toujours dégagé, pâle comme le mercure. Pas une mèche sur ses joues rebondies, pas un cheveux égaré sur son front. Elle le garde vierge de tout tracé sauvage.

Parfois, égarée dans ses fanfreluches sombres, ses rubans noués tout festonnés de glands, Eden ne semble qu'un visage. Pas un corps, pas une entité construite et logique. Non. Un simple visage, flottant dans des brumes tantôt obscures, tantôt blafardes...

Parfois Eden, semble la face offerte de l'Avalon même qu'elle scrute avec délectation.



VII Si Viktor Frankestein avait été rp-iste-


Votre pseudo sur le net : Appelez moi Zone. Ou Poitou. Non, je n'habite pas en Poitou-Charente.
Votre âge réel : Dix sept ans, depuis quelques mois maintenant !
Comment avez vous connu Clan-Kravt :Par partenariats, même si je crois me souvenir être tombé dessus grâce à un topsit, également.

Vos autre forums (facultatif) : Je les garde secrets. 8D AHAH.

Non bon. En vrai je suis aussi sur les Six-Duchés ( un scribe un peu cassos tiraillé par des désirs contraires qui rêve de voyager et une prostitué née d'un inceste qui veut devenir courtisane -soit Bartholomeï Kaligan et Felicia Renarde. ), Aisling ( un personnage qui va bientôt disparaître en faveur d'un nouveau dont je ne sais pas encore grand chose heu, à part qu'il s'appellera Dimitri parce-que voilà j'ai décidé hein ) et Les Rêves D'Inverness ( Une chimère acrobate qui officie à la cour du baron Harkonen en tant que bouffon -soit Nafanaël Stigulf. ). Sinon j'écris beaucoup sur des petits rps qui prennent la forme d'un unique sujet, sur un site en petit comité. C'est comme ça que j'ai fais mes débuts d'ailleurs, et je ne côtoie de forums que depuis un an environ..... Pour moi c'est encore tout nouveau ! Et vachement grand.


Des remarques, suggestions ? : AMOUR SUR VOUS TOUS. J'aime beaucoup ce forum, j'espère pouvoir y trouver ma place !
26-06-2013 à 19:24:19
Tournoie le soleil au milieu des nuages ; danse floutée par la lumière abondante des cieux. Là-haut un astre chante, rieur. Clarté bleue douloureuse entre les voyageurs célestes, serrées ensemble dans leurs habits moelleux de laine blanche. Une tribu nomade passe ici, attentive aux vents qui la poussent. Roulent les nuées, valsent les heures.
En contrebas, la terre. Puissante et matérielle, sensuelle, pleine d'effluves qui montent à la gorge. Elle est d'humus, de boue et de roches. Ses strates, froides et chaudes, s'agglutinent ensemble et se parfument de vie, décomposée, recomposée- mort et naissance, stase séculaire. Dans son ventre large pourrissent doucement les corps, qui remontent à la surface en boutons de roses et brins d'herbes bruissants.
Mais pas ici. Ici, l'herbe est timorée, hésitante à sortir. Intimidée, elle a laissé la terre à d'autres. Ils se dressent, géants, et leur territoire est vaste comme est vaste le royaume des rêves. Il s'étend pardessus les montagnes, sillonne d'anciennes plaines... Il est tout proche des petits villages, qui se serrent à sa lisière, bicoques de paille et de terre blottis pêle-mêle à flanc de collines vénérées, tout proche d'un autre royaume morcelé de mammifères grouillants.
C'est une forêt. Une forêt immense, aussi vieille que le monde. Ses frondaisons ont vu les premiers nuages sillonner le ciel. Les branches dansaient déjà dans la brise quand les humains sortaient seulement de leurs ténèbres protectrices. Pas dans la lumière, découverte du monde ; il était déjà plein d'odeurs, et des titans aphones s'épanouissaient dans la fraîcheur du vide.
01-07-2013 à 19:42:51
<div class="p3"> « Dimitri Smirov » </div>
<div class ="p2">« File moi ton cœur. J'ai la dalle. »</div>
<div class="p5">
[table border="0"][tr][td]<div class="p4"> </div>[/td]
[td][list]

• Surnom : Le Mort, Cynique, Sadique, Winter. Tremblez pauvres fous.
• Age : Dix huit ans.
• Année : Septième année.
• Année d'arrivée : Deuxième année.
• Classe : Spéciale ou psychique !

[/list]
[/td]
[/tr]
[/table]
</div>

<div class="p3">« J'ai trouvé un moineau dans le jardin. Le chat l'avait bien amoché. Alors je l'ai achevé à coups de pierre. » </div>
<div class="p2">« Maman. Pourquoi je vis ? »</div>
-Je t'aime.

<div class="p3"> « Don »</div>
<div class="p2">« Citation, jukebox ou autre. »</div>
[list]
[table border="0"][tr][td]
• Don : (A remplir après propositions de l'admin, sauf si votre personnage est un personnage prédéfini.)
• En détail : (inconvénients et avantages, à quoi peut-il servir ?)
• Maitrise : (Jusqu'à quel point votre personnage contrôle-t-il son Don ?)
• Lui & les ELEM :
• Lui & les SPE :
• Lui et les PHY :
• Lui et les PSY :
[/td]
[/tr]
[/table]
[/list]

</div></list>

<div class="p3"> « Tous mes hivers en conserves ; ils puent. Décomposés. » </div>
<div class="p2">« L'été aussi il faisait froid. »</div>

(Ah, l'histoire... C'est elle qui fait votre personnage, racontez donc tous les moments importants de sa vie, sauf ce qui concerne son secret. Décrivez nous son enfance, si ses parents possédaient eux aussi des Dons, comment il les a découvert, quel a été sa réaction, ce qu'il a pensé d'Aisling à son arrivée, etc... Et pourquoi ne pas essayer de caser une description physique ? )
25 lignes minimum.


<div class="p3"> « Poitouruzou » </div>
<div class="p2">« Mais qu'est-ce qui les fait courir, les fait avancer,
Les oblige a tous se suivre, à se rassurer,
Dans un tourbillon effrayant, vers lequel, ils vont en chantant.
Moi je me noie dans un verre d'eau, j'ai sûrement raté,
Un truc, un très gros panneau, je peux pas les rattraper,
Si d'aventure je m'y essaye, pour moi c'est la chute assurée.

<div class="p5">
[table border="0"][tr][td]<div class="p4"> </div>[/td]
[td][list]
• Age : 17 ans.
• Sexe : Seulement avec des corps froids. Ou des animaux. :regardfixe:
• Avatar : Ici > http://cika.deviantart.com/art/F-O-A-F-133194454
• Comment avez-vous connu le forum ? PAR UNE ETOILE. Elle m'a indiqué le chemin
• Pensez-vous demander un parrain/une marraine ? Nooon.
• Pourquoi vous êtes-vous inscrit ? Je me suis réinscris en fait. Mon ancien compte ne me convenait plus, j'ai pas eu de chance dans mes rps et ils sont tous restés sans réponses. Comme ça faisait un an et que je n'avais jamais rp le personnage, j'ai décidé prendre un nouveau départ !
• Autre chose ? Craze c'est la meilleur, et d'abord Bhou est creepy ok.[/list]
[/td]
[/tr]
[/table]
</div>
10-07-2013 à 13:40:36
Le char s'écrase cette fois encore,
Le jour est mort et moi je dors,
Loin du soleil aux sourires d'or.

Dans mes draps noirs qui me dérobent,
L'étreinte fraîche de la nuit,
Je peux entendre qui s'éteignent,
Dans un chuintement en clair-obscure,
Toutes les secondes moribondes,
Les minutes frêles,
Et les heures,
Si mignonnes ;
Le temps,
Meurt.
29-09-2013 à 22:08:28
Il était une fois, au sommet d'une colline.
Une tribu d'enfants et un vieux saule pleureur. Les premiers, mille et cent, dansaient en ronde pour toutes les fleurs. Le deuxième, à son aise, penchait ses mains vertes vers celles roses des enfants ; il avait l'air parfois, d'un père antique tendant les bras, pour les lancer en l'air. Les gamins, alors, entre ses doigts de feuilles, auraient touchés les astres dans cette étreinte multiple. D'un geste du poignet, ils auraient fait tourner la Lune, sur le bout d'un index, emmenés les étoiles en ballades aux ravins chauds des lignes de leurs mains. Du bout des lèvres, chantés la sérénade à la lumière timide qui se cache dans son draps de satin, cherchant sous un plis de nuit une courbe nacrée ; et leur voix caressante sur les monts occultés, aurait traînée comme l'eau chaude qui déshabille des mousses irisées.



J'en étais sûr x). Ton imaginaire commence à contaminer le mien, han. /out

L'autre rêve, je m'en souviens encore moins bien, mais en gros mon cerveau a remanié l'histoire de Silver. Donc, elle s'accrochait à autre chose de très bizarre, en fait tout commençait dans une sorte d'énorme château aux entrailles obscures, humides et infestées d'ombres bruissantes. J'étais d'abord une sorte de mixe entre Gollum et Slenderman, puis je me suis détaché de ce personnage là pour devenir un truc non définis mais agile. Je me souviens qu'il y avait une salle tout en hauteur qui était creusée dans la cave d'un volcan, et qu'elle était pleine de lave. Il y avait des ponts jetés partout au-dessus, des escaliers de pierre noire et ce genre de chose. Bon, en tout cas je me souviens d'une histoire avec des robots et ce genre de trucs, mais heu bref. Tout commençait à devenir vraiment cohérent à partir du moment où


Il ne faisait pas beau. Il faisait gris comme dans une mauvaise soupe, il faisait gris comme dans la cavité éclaté d'un crâne ouvert, découpé. Il faisait aussi gris que sur un dessin qui s'estompe, gâchis d'une autre ère, gris comme dans les yeux de la pluie. La lumière ondulait trop lentement, sirop fade, dégoûtant, puis cristallisée sur les toits aux tuiles ternes. Elle jetait dans les rues les reflets d'un soleil harassé, faisant briller la poussière d'une teinte rêche immonde. Sur les passants gris, ils jouaient en courses grises, baffant de leurs mains grises des pavés gris, une boue grise, où poussaient des plantes grises. Le bleu du ciel avait disparu ; les oiseaux ne chantaient pas. Les oiseaux ne chanteraient plus jamais.
Leur reine était morte. Ils ne pouvaient plus chanter, c'en était finis d'eux, finis de leur chant, finis des chants à l'aube, des chants aux soirs, finis des chants agaçants, finis les chants, finis les oiseaux. Pour toujours, pour jamais. Sans Doli, il n'y avait plus d'oiseaux. Simplement des notes grises échappées de becs gris, qui en formant des mélodies, faisaient d'atroces guirlandes grises enfilées au compteur gris du temps, pierre grise qui roulait en écrasant les bonheurs frémissants, ces sots enfants de l'innocence dont les jeux prenaient fin en vous laissant le cœur vide- et gris. Si le jour gris manquait d'oiseaux, ce n'était pas tant qu'ils étaient aux abonnés absents : ils étaient devenus gris eux aussi, comme tout le reste. Et les oiseaux gris, peu importait leur nombre, peu importait leurs danses, ne pourraient jamais créer que des mélodies spectrales, la musique des moins que rien, le chant gris des fantômes gris qui erraient dans le monde aux teintes funestes des limbes- grises.
Ce devait-être ça. Les limbes. Elles étaient remontées de quelque profondeur pour tous les engloutir, et maintenaient ils rampaient dans son ventre aux couleurs de la brume, défigurés par les jeux de ses arcs-en-ciels éteints, définitivement morts, plombés pour toute l'éternité. Depuis la lettre seulement ? Non. Bien entendu, non ; c'était ce jour fatidique qui avait décidé de leur dévoration par les limbes, ce jour là où ils étaient heureux, réunis en famille, ruisselants de lumières et de couleurs, ce jour de beauté. Depuis ce jour, ils n'avaient fait que jouer la pantonyme, pitoyables fantômes. Et Doli, l'anomalie éclatante, jolie anomalie, joyeuse anomalie... Splendide et fantastique Doli, aux couleurs de l'été sur les cuivres. Doli qui ressemblait à une arme et portait le nom du ciel, ah Doli, mais quelle étrange floraison que Doli... Et Doli- son anomalie à lui, ses chansons d'amours en chair, en os, en regards. Et Doli- l'oiseau bleu en une langue quelconque, l'azur plaqué, le geai perché sur son tilleul. Et Doli- la belle illusion. Et Doli, morte. Et Doli, l'attrape-rêves, l'attrape-sourires, l'attrape-couleurs. Doli l'attrape-nigauds ; un miracle comme Doli, voilà qui était bien stupide. Il fallait être un sot pour tendre les mains vers une telle beauté, espérer la toucher- la garder, surtout. Doli était trop pointue pour elle même, Doli était trop acérée. C'était une lame de bronze à la poignée gravée de chants, une arme sublime et dangereuse, assoiffée de chair, de sang, d'amour et de paix. Doli était trop belle peut-être, trop grande pour ce monde.
Doli, l'assassinée. Un ange crevé ; quelle sinécure Doli, dans cette vie de baudet gris... Mais elle était défunte, sa Doli, six pieds sous terre peut-être. Simplement morte, éteinte, étreinte- par le froid, et plus jamais ses bras. Rien que ça. Tout le vide cosmique le séparait de Doli, des milliards d'abysses, des millions de cadavres, des centaines de milliard de million de tombes entassées tout le long de l'Existence du monde, tout ça et plus encore, et la grisaille aussi, qui s'était découverte une fois la Belle laissée aux bras d'Hadès.
26-12-2013 à 13:05:11

http://www.linternaute.com/dictionnaire/fr/definition/chalala/
http://www.linternaute.com/dictionnaire/fr/definition/chalandise/
http://www.linternaute.com/dictionnaire/fr/definition/chalon/
http://www.linternaute.com/dictionnaire/fr/definition/chamarrure/
http://www.linternaute.com/dictionnaire/fr/definition/chanfrein/
http://www.linternaute.com/dictionnaire/fr/definition/chanterelle/

Je dois avoir la gueule des mauvais jours. C’est sûr, je me sens flasque et froid- un peu comme si je venais de mourir et que j’étais en train de tiédir, pas trop raide pour le moment, mais déjà bien crevé.
Enfin, je veux dire, c’est vraiment étrange comme sensation, mais je crois quand même que je ne me sens pas bien, du tout, et je pense pouvoir dire qu’un mort est serein. Donc je ne suis pas mort, ou alors pas trop. C’est un avis comme un autre, je sais, mais bon, pourquoi pas, donc ? C’est au moins aussi vrai qu’un autre avis, ou alors. Merde. Est-ce qu’il me faudrait une certaine légitimité pour affirmer ce genre de chose ? Je ne crois pas qu’il soit légitime que je m’exprime sur ce genre de chose. En fait je dois bien avouer que je ne sais rien de moi ; je déduis tout au plus. C’est que ma vie n’est pas bien pesée en fait.
26-01-2014 à 20:03:07
Une aurore décharnée contrariée par les branches de la nuit persistante, jette la feuillée nocturne humidifiée d'étoiles d'un revers de main noire. Lisse en ses robes plissées par les doigts du chien-loup, accouché d'une métaphore convenue. Proprette, les souliers verts et la peau claire, tourbillonnante des soirs malaxés par les astres. Elle pose un doigt sur le visage de la nuit ; pousse doucement pour en prendre la place. Impérieuse cacochyme au règne trémulant. Brûle la rosée d'une frappe hautaine, gâtant les ombres d'un scintillement limpide. Les paupières méprisantes, le demi-regard trempé d'un dédain pourpre. Trop prompt à s'égarer dans son mépris céleste, délicate et violente en ses œuvres éclairées. Elle allume les pelouses d'une paume négligente, danse sur les carreaux que personne ne regarde. Claque les reflets lunaires s'attardant sur le verre.
Quelques rares yeux vont se perdre dans les nuées rosées, à la recherche d'une Lune pâlissante, quêtant peut-être la rumeur onduleuse des oiseaux qui s'éveillent. Giclées, leurs chansons se jettent sur les épaules de cette journée naissante. Elle se drape de cet habit vibrant, ne lâchant pas un mot, prestance royale accordée à la courbe assassine de ses lèvres étendues, ensanglantées du feu douloureux qui hante le lever de rideau. Rejette en arrière ses cheveux tressés de quelques lambeaux de nuit, bousculant les astres retardataires, ensevelissant les rues sous les mèches éthérées de sa toison dorée. Elle glisse sur les trottoirs, se frotte aux toits qui sont ses nouveaux peignes. Se brosse aux branches des forêts, ondule dans le creux des vagues. Tâte les sous-bois d'un contact découpé en éclats sur le sol.
Elle fait son numéro, l'aurore, lascive, noble en sa nudité, jetant une bretelle d'oiseaux au delà d'une épaule nue. Brûlante et fraîche, baise de ses lèvres couronnées par l'azur la teinte défraîchie de ce monde endormie. S'indigne doucement qu'on ne vienne pas la voir, s'incline patiente et pose ses mains autour du soleil qui monte.
Elle attend les poèmes, dressée au dessus des villes, ne lâchant rien, tenace et mauvaise dans sa vaine espérance. Personne n'est levée pour la voir onduler. Dame Aurore s'accroche, blessée de sa solitude, de l'ignorance de la plèbe. Elle prend la lumière en otage, souffle sur le soleil. Mais rien n'éteindra sa frustration ardente ; rien n'éteindra, surtout, l'astre pimenté de feu. Trop vite, c'en est finis de son jeu désespéré.
Le jour franc la bouscule.
Elle tombe.












Il n'est de peuple plus hanté que le mien. Aucun autre ne peut prétendre à plus grand héritage invisible, aucun ne peut s'affirmer détendeur d'une multitude ectoplasmique plus battante, prolifique, ardente et affamée de reconnaissance mortelle ; nous traînons un trésor de fantômes, d'âmes amoncelées qui comme de soleils en perdition s'étreignent au son des vieilles cloches, sonnant un glas mille fois renouvelé, chantant pour les tombes embrouillées par la boue, par les membres cassés et cassants, séjours d'une mort amoureuse des chairs froides. Sur trois millénaires d'errances couvées par les pluies et les vents, poussées par les bâtons, les pierres ainsi qu'un feu rallumés en cent foyers nouveaux, nous avons laissé plus de spectres que tout autre à l'Europe décadente.




14-02-2014 à 12:25:32
[ Mak- pavot
Zaïda - voyageur de passage
Zaïdisvet - vagabond ]


On aurait pu tuer le jour entre les crocs de Randall. Plus gelé que l'hiver, impassible comme la roche ; un véritable supplice de froideur et de rigidité. Acéré en ses angles, taillé comme un bloc de glace jusque dans sa silhouette même, découpée de manière anguleuse par son costume sempiternellement funèbre. Bartel, ici, n'avait pas l'apanage de l'analogie paysagère, et s'il était une infinité de falaises où rugissait le vent, tout autant de monts cascadant de forêts bruissantes et cent mille vallées explosant de verdure, creusées de tourbières et brouillées par les orgies des faunes, son hôte lui, avait toute la prestance impitoyable du grand nord, hommage aux plaines de glace et de neige, aux branches épineuses, à la nuit de trois mois qui jamais ne frise l'aube.
Mais il n'était pas que pâleur, flamboyance argentée et carne blanche agrippée, chiche, sur un échafaudage d'os emboîtés pour former une étrange constitution anguleuse et frappante : ses gestes eux mêmes trouvaient écho dans l’Arctique, résonnant à l'ifnini sous le soleil de minuit. Caresse lascive, pâle comme une avalanche, lente et appréciatrice, gourmande de la tiédeur du marbre. Une douce ondulation de sa main fine sur la table, glissade d'un affamé pour une brève expression de contentement sur les trais escarpés de Randall -on aurait fait de l'alpinisme pour grimper de ses pommettes jusqu'à ses yeux-, tout juste dans l'éclat ravivé brièvement par une flamme étrange, des ses yeux aussi bleu que l'azur rêche d'au-dessus la banquise. Un bref jaillissement d'humanité sur sa face impavide ; mais le satyre n'était pas dupe.
Il sentait jusqu'au moindre fourmillement qui visitait le cœur prétendument asséché de Randall. Et derrière cet air impénétrable se cachait bel et bien un être plus humain que ne le laissait voir sa froideur légendaire, une créature pleine de curiosité qui portait plus d'intérêt qu'on ne le pensait à tout ce qui lui tombait entre les pattes ; et de fait, Bartel savait qu'il intriguait son hôte, quand bien même ce dernier n'en laissait rien paraître. Il pouvait suivre la danse lente et hasardeuse de ses émotions, perçant les masques enfilés sans avoir à faire même l'effort d'une attention portée. A son Empathie, jetée et volage, captant toutes les brumes tenaces qui montaient dans l'Underground, l'ancien guide était doté d'un cœur aussi battant que celui de tous les clients de son établissement. Peu importait que la floraison de se sentiments ne déploient pas de pétales jusqu'à la plaine marmoréenne qui lui tenait lui de visage : les fragrances qui montaient depuis le fond de son âme palpitaient jusqu'aux sens de Bartel. Dés lors qu'on le savait sensible, Randall semblait bien moins intimidant... Le Faune n'était pas intimidé par sa face impavide, ni par sa vêture funèbre. La créature -il n'était pas un homme, l’Égaré l'avait saisit depuis longtemps déjà- semblait appartenir à un autre temps que celui dans lequel elle évoluait, le siècle dernier peut-être, même au milieu de la foule qui assaillait son établissement.
Mais les forêts ne se souciaient guère des époques humaines, et suivant leur exemple, le Faune ne s'embarrassait plus des manières curieusement analogues à celles d'un autre temps qu'affectaient son hôte ; d'autant plus que Randall était à Hellishdale comme un bouton d'ivoire dans l'échancrure d'un costume, à sa place et bien moins exotique qu'on l'aurait cru  d'abord. Un étrange et courtois personnage, pour une ville à l'aspect victorien, à la mise impeccable, aux gestes emprunt d'une force tranquille, monstre de pâleur anobli par un maintient aussi froidement parfait que l'étaient ses vêtures ; nécessaire bourgeoisie de semblable cité, austère, irréprochable, à la richesse reconnue et à l'aura énigmatique. Le vampire de la ville, en quelque sorte, autour du nom du duquel s'agglutinaient des contes fantasques- mais trop minutieux pour que jamais la vérité vienne s'étaler toute nue sous un grand jour publique.
On ne prenait jamais Randall à exécuter le moindre faux pas dans la chorégraphie diaboliquement inexorable qui caractérisait la tenue de son établissement, et il semblait pourtant engranger cet ordre par manière d'acquis. Bartel n'aurait pas eu l'audace de prétendre y comprendre quoi que ce soit, mais il aimait à l'observer faire preuve de cette étrange organisation ; pour lui qui était devenu étranger à toute forme d'activité professionnelle, c'était là un spectacle des plus désopilants. Le monde entier se calquait sur des horaires absurdes, fonctionnant au tempo d'horloges réglées avec une minutie à faire frémir le vent. Le faune restait sur le côté, hors de la trajectoire de leurs aiguilles tranchantes, se riant de cette manie déplorable qu'avaient les Hommes de découper le monde comme un gros saucisson... Un besoin maniaque de segmentation conceptuelle, puis concrète. Névrose ridicule à en pleurer. Depuis sa retraite sauvage, Bartel brocardait cet univers incroyablement stupide qu'avait édifié ses semblables, aussi méprisant que fasciné par la mécanique sociale. Tant de siècles pour en arriver à cette singulière civilisation... Il ne pouvait nier que c'était là un aboutissement surprenant, fruit d'une longue entreprise, mais une partie de lui persistait à n'y voir qu'un énorme gâchis.
Néanmoins, il était de ces grands fauves qui observaient l'humanité d'un œil intéressé, couché sur un trottoir. Matou alanguis occupé à jouer avec ses griffes, les yeux brillants fixés sur un monde qu'il semblait continuellement moquer. Nul n'aurait pu dire de lui qu'il méprisait complètement ceux qu'il venait tourmenter, bien au contraire. Là où se portait son intérêt, Bartel emmenait également une part de bonne humeur. Certes, voir débarquer une Bête n'était jamais rassurant... Mais celle-là semblait en bonne santé, d'une édifiante audace et d'agréable compagnie, nonobstant les réticences premières à tendre la main vers sa large carcasse où s'emmêlait une fourrure rêche et indisciplinée. On se prenait trop vite à l'apprécier, peut-être car lui-même ne manquait pas de vouer à ses compagnons -auxquels il s'imposait- de bons sentiments sincères, et cela avant même qu'on ne lui rende la pareille.  Pourtant, Bartel savait que ce n'était pas tant ce trait de son caractère qui lui avait valu les faveurs de Randall, qu'une observation menée par son hôte lui-même : la grande créature le jaugeait, tout comme lui le faisait pour le reste du monde. Elle aimait à appesantir ses yeux glacés sur lui, l'observer avec curiosité, rester attentive à ses gestes, à ses mots ; à cette vie qui pulsait dans chaque phrase, rôdait dans ses œillades, tonitruait sur ses lèvres, à ses poignets, dans la prose que ses membres inscrivaient sur l'air noir. Comme tous les êtres froids de corps, Randall était attiré à la manière d'un papillon de nuit par ce fanal ardent qui lui tenait lieu d'être, entraîné vers cette chaleur sourde qui s'échappait de son étrange invité par une chaîne invisible... Car il était l'intermédiaire entre les mondes qui se frôlaient, un monstre charmant agréé par les Hommes et ceux qui en prenaient l'aspect, né dans l'abjecte grisaille des mortels, transité par les ténèbres, rené à l'éternel printemps qu'il affectait d'incarner avec un brin d'arrogance. Et en cela sûrement était-il attirant, abolissant toutes les frontières et s'offrant aux mains qui voulaient bien toucher sa peau chauffée par le soleil, éraflée par les vents, creusée par le sel et enluminée de coupures occultées par un temps infini à chômer sous le ciel, immolant la faim et la fatigue pour mieux profiter d'une vie que beaucoup auraient jugé pétrie d'inconfort- que pourtant on se prenait parfois à envier, à la faveur de cet éclat fugace qui élevait le satyre jusqu'au rang de grand Pan. Étrange créature, un fauve à dompter du plat de la main ; non en frappe mais en caresse. A moins d'être, à sa manière, une Bête. Et cela, Randall l'était. Dans le fond glacé de ses tripes, au-delà de sa figure impavide, bien au-delà de cette apparence boréale qui lui collait au corps... Non pas de ces monstres à errer sous les branches, à emmêler leurs membres aux buissons épineux, nourris dans l'éternel fraîcheur des forêts balayées par le vent. Il était de l'arctique, horreur polaire glissant sur la banquise, dévalant les montagnes rocailleuses et drapées dans leur linceul neigeux. Surgissant de la grêle, poussé par le vent du nord et affûté sur le tranchant des glaciers. Silhouette douloureusement anguleuse où s'écorchaient les yeux.
Et pourtant, ils se trouvaient bien là, piètres monstres en fin de compte. A se tourner autour du cœur, maraudeurs dans le mouvement des yeux, rôdant sans trop en faire vers l'étrange et familier vis-à-vis que leur tendait le soir. L'un s'offrant dans une foule accoutumée de paroles et de gestes, entraînant l'autre en ses grimaces cordiales, aimables défilés de tortillements de lèvres ; l'autre en question gardant ses rictus pour lui même, affectant la courtoise surannée d'un siècle mort dont les us et coutumes avaient contaminé ses manières jusqu'à lui donner des airs de vampire délaissé. Ils n'avaient pas la même musique au bout des doigts... Chacun sa partition pour faire battre son cœur. A cadence différée, une autre vie inscrite dans le grouillement des mots.
Bartel voyait bien quelle chanson ils s'étaient mis à jouer, et cet air lui plaisait. Il en aimait les notes et les accents aventureux, le parfum âcre et excitant ; puisqu'il était question de jeu, et que Randall avait choisit de s'y adonner ce soir. Ils étaient fauves, oui... Ils en avaient les jeux, les tours de griffes et les rictus. Sourires ciselés et prestance indomptée. Au delà de ses beaux airs, de ses costumes soignés, Randall avait encore en filigranes sur le cœur la portée de ceux qui rôdaient la nuit, crocs découverts et regards assassins. Et ses yeux ne pouvaient en perdre complètement l'éclat. Face à un jeu -ce jeu-, ils retrouvaient un peu de cette lumière propre aux chasseurs. Ce n'était pas pour déplaire à Bartel : il avait éveillé l'intérêt de son hôte, et le fumet qui dérivait jusqu'à aiguisait l'appétit de l'Empathie qui lui s'acharnait à lui transmettre l'émotion alentour. Il en était saturé, mais la saveur de Randall lui était familière désormais, et elle se détachait assez des autres pour ne pas le laisser désarmé.
Reniflant dans un sourire hirsute, le vagabond s'abandonna à une posture plus confortable- et moins convenable. Il présageait une réponse digne de la parade amorcée.


- Il t'en faut beaucoup en effet, tu n'as jamais été du genre timide.
Un timoré n'aurait jamais osé s'approcher de Randall... Trop imposant à sa manière propre, affûté jusqu'aux commissures ses lèvres blafardes.
Mais soit, pour toi j'imagine un repas copieux et digne d'une certaine époque aujourd'hui disparue. Une viande de qualité, des légumes rissolés, des fruits frais et une eau claire et pure, quoiqu'un vin de qualité puisse également convenir. Rouge, cela va sans dire.

Grognement d'assentiment grésillant sur les lèvres. Il broncha avec un grand sourire, et dévoya ses mains dans un tambourinement appréciateur.

-Soit, tu sais parler à mon estomac. On soupçonne trop peu l'attrait d'un bon repas, et en l'occurrence... La faim me taraude déjà. Prends garde aux mots que tu emploies, tu pourrais bien intéresser mon ventre jusqu'à le faire parler.
<< Mais voyons, ais-je à me plaindre ? Tu prends soin de moi, Randall. J'apprécie, vraiment. Dis moi, où vas-tu trouver tout cela ? Un si bon repas, hum... Non, je ne m'inquiète pas de savoir cela.
Un geste de désintérêt. Ses yeux brillaient d'un éclat qui révélait assez ; il avait en tête d'autres idées qu'un repas, quand bien même la perspective ne l'en laissait pas indifférent.
Une autre question, pour la route : quel prix à ce don du ciel - dont mon estomac approuve maintenant explicitement ton choix- ? Tu n'es pas sans savoir que les impératifs économiques ne sont pas de ceux qui me tracassent le plus... Mais je dois bien avoir quelque chose d'intéressant à t'offrir en échange, autre que de l'argent. Je serai trop gêné de ne te laisser que des remerciements conclut-il, et sans doute était-ce faux, mais puisque Randall avait consentis à entrer dans le jeu... Alors ils joueraient, et le Faune ne se lasserait probablement pas de sitôt d'ajouter d'autres rebondissements à cette danse courtoise.
Muant la valse en bringue, arrachant le tonnerre à sa gorge au beau milieu d'un concert de violons. Puisque satyre, détonnant toujours dans un cadre convenu : il ne laisserait pas la soirée devenir ennuyeuse.
19-03-2014 à 19:56:32
Aveugle aux valses des mirages tombés sur le salon, Bartel avait conté son récit en y versant la substance de ses rêves.
Il n'avait pas pu voir les voiles illusoires qui dansaient face à l'aurore condensée fichée au front de Silver, déjà enfouis lui même au plus profond d'un monde factice- un monde qui fut, maquillé d'une laideur grise cachant quelque chose de plus obscur encore, de plus dégoûtant dans ses angles taillés en lames de couteaux rouillées ; réalité purulente où grouillaient des cauchemars on ne peut plus tangibles. Là, dans cet abîme préservé, il avait ses propres mascarades à édifier avec une douce fébrilité que l'âge pourtant avait émoussé, des fresques peintes sur de la peau, à déployer dans les arabesques colorées de sa voix. Ses propres mensonges élégants à fixer dans les yeux, -retour à cette nuit, plus beau et douloureux mensonge, transposition répétée jusqu'au terme des astres de la mémoire- pour quelques minutes de plus à ressasser le passé, quelques minutes de vérité où les souvenirs s’enchaînaient à ses lèvres. Tout un univers de paroles engluées dans les tourbes d'une mémoire vivace, quand venait l'heure de la mélancolie... Cosmos lexical entrechoqué à l'air, galaxies sonores échappées de sa gorge, dans une douce litanie relevée de son accoutumé brusquerie, toujours prompte à surgir au détour d'un buisson effervescent de mots, niant la misère de cette histoire trop ridicule pour mériter des larmes. Avec de pareilles toiles, à démêler du bout des cils, il n'avait pas les yeux assez vagabonds pour percevoir la venue discrète, impalpable, des mirages échelonnés sur la réalité tordue d'un monde déjà factice dans sa candeur fanée, essoufflée et impropre aux jeux de la dissimulation. Comme une flaque d'eau croupie, un nénuphar voguant sur l'onde fangeuse cernée de feuilles pourrissantes ; il passa à côté des rideaux froufroutants de mirages, saupoudrés ça et là par l'esprit en errance de Silver, étranges nuages qui affirmaient les barreaux de la cage de ses seize ans éternels, redessinant la contrainte martelée qui s'acharnait à lui coller au corps, malgré sa barbe, ses rides, nonobstant sa mystérieuse sagesse de satyre remâché par les vents, parfumé de la main des feux follets de son marécage natal- de tourbe, d'eau mousseuse et de baies écrasées. Il aurait pu débarqué d'un ravin peuplé de ronces, des feuilles de framboisier entre ses lèvres drues, la peau ointe d'un miel chaud aux brillances frénétiques et suaves ; ramper depuis un terrier de renard, coiffé de feuilles pourries, cascadant d'humus frai, le corps délavé par les vents, les paupières malaxées des doigts terreux des faunes. Venu au monde dans les bras gelés des ténèbres engluées de sirop pour la toux où les malades crachotaient près du braillement martelé, frénétique, des bourgeons de chair rose tout juste défroissés hors d'utérus gluants... Il avait connu la prolifération des brumes, spectre aux voiles d'ectoplasme cousus de questions tintant comme les chaînes acérées qui sinuaient sur des frusques noires, sourires des mômes balafrés par le doute, gotiques jusqu'aux oreilles percées, chaînes froides et rassurantes aux douces mélodies de maillons entrechoqués contre une peau blafarde, parfois repeinte avec l'absurde volonté de paraître toujours plus sombre à la face d'un monde qui n'avait rien à faire des plaintes adolescentes. S'il était satyre, c'était par le pouvoir perfide d'une abnégation, et nul chapelet d'heures, de jours, d'années, n'aurait pu effacer cette lente rumeur onduleuse du passé, serpent lascif aux crocs dénudés sur une gueule aux relents d'éthanol, parfumée de chairs putrides qui avaient choisis, de bonne grâce, de céder sous un émail lustré de venin- l'un des poisons les plus doux, virulent au compte goutte, corrosif dés lors qu'on lui cherchait un remède, que l'on prenait conscience de son lent cheminement, de ses flots sirupeux, corrupteurs. On menait trop volontiers la barge de sa vie sur des eaux assoupies, onde lente et obscure roulant des tourbillons glaiseux sur les berges limées, dépouillées, sagement refaites à coup de marteau. Lui même aurait suivis l'écoulement abrutissant de ces flots crayeux sans l'orage déferlé sur sa vie, un beau jour tout aussi dénué d'éclat qu'un autre. Un jour sans prétention, sans attraits ni abjection finale, jour de papier-mâché sur le décors en carton-pâte de sa vie, drapé de cellophane, illuminé du bouillonnement des lampes assassines en leur clarté immonde. Jour aseptisé, un autre jour de mort ignominieuse, presque doux, presque bon. Un jour de presque vie, loin des arbres et des vents, un jour propice à l'agonie abjecte où s'avachir dans de fausses voluptés jusqu'à ce que mort s'ensuive-mort de la noblesse d'âme, mort du cœur, mort de la grandeur humaine, pour peu qu'il y en ait une. Puis finalement, contre toute attente, jour d'une mort bien réelle, précipitée, déclarée.
Mort de l'ennui. Enfin, le grand soupir avait saisit sa carcasse anonyme, enfin l'ultime respiration remâchée de la routine s'était éteinte, sans que rien n'ait prédit de changement, sans aucune évidente accolade du destin. L'orage, le fameux, convoité édredon de noirceur veiné de foudre, s'était appesantis sur lui.
L'orage, terrible, rugissant, incarné dans le bleu trompeusement limpide des yeux d'un monstre presque humain, crépitant sur la langue d'une créature au-delà des caresses bassement portées par des mains. Les cheveux noirs comme des ronces racornies, les lèvres acérées, la voix sèche, comme un végétation coupante. Brocéliandre. Une ménade enfiévrée, toujours rauque et dangereuse, nymphe corrompue dans toute sa morbide splendeur ; tout à la fois cadavérique et exultante, toujours environnée de vapeurs, toujours parfumée de papiers brûlés par ses soins terrifiants. Mais pourtant plus divinement aride que le cœur du Sahara, infertile jusqu'au bout de sa langue océane, douloureuse et salée. Il avait déjà fait les récits de cette banquise croulante qui s'acharnait à glacer sa mémoire, mais encore elle revenait le hanter dans des échos spectraux, tenace à glisser d'un souvenir à l'autre, rôdant dans sa mémoire comme une bête dans les bois. L'évoquer, c'était avoir de nouveau offert son cœur à un étau sauvage, avoir rendu son emprise à l'étrange, terrifiante, et absurde mélancolie qui le saisissait parfois- comme si Brocéliandre était à regretter.
Et même les lèvres closes sur un rictus espiègle, il n'en restait pas moins pensif, mâchant sa pitance sans y songer vraiment, mauvais chien en fin de compte, et sans doute meilleur dans un rôle de conteur que dans celui d'invité. Il garda ses yeux fiévreusement vert sur la Démence aux bras grêles, l'air songeur.
Son hôte semblait épuisé, et son visage blafard, relevé entre les ailes de ses cheveux épouvantablement noir, semblait le fixer comme celui d'un cadavre dont la tête aurait dépassé d'une terre profondément imprégnée de pourriture. Une fleur cireuse dans la clarté polymorphique du salon, sereine et abjecte asphodèle d'un vase de porcelaine obscur. Un pâleur de crypte qui renfermait un univers entier d'espoirs décomposés. Il tenta de comprendre ce qui l'attirait et le révulsait tout à la fois dans l'étrange conception de Silver. Doucement, établit un portrait de leur deux êtres, opposés d'apparence, mais résonnant étrangement au diapason d'une onde obscure qui unissait leur drame. Son esprit se mit à peindre une fresque singulière, amalgame des impressions les plus certaines qu'il pouvait se faire sans trop songer à ce qu'elles signifiaient.
D'abord Silver, dans la lumière d'aquarelle de ses astres en crépon. Un champ de fleurs fanées, romantique et morbide, une forêt desséchée où se pendaient les rêves. Une poupée écorchée dans une robe accrochée par des épingles noires. Un chiffon chamarrée sali par la suie. Un songe fascinant, déformé par l'angoisse, qui aurait oublié de finir bien une fois la peur passée. Somme toute, un beau gâchis, mais quelque chose quand même, et pas une moindre, non, plutôt une montagne cauchemardesque, une incommensurable merveille, au moins aussi atroce que fantastique. Une réussite dans la défaite morale la plus totale, une lumière aveuglante malgré les brumes de l'oublie. Une tragédie glacée- sa chevelure, charbonneuse, fluide, ténèbres absolues, et ses yeux, un souffle boréale fragmenté autour du prisme noircie de sa pupille élastique. Un poème démembré sur les flots de la nuit, navire coulant sans cesse dans la caresse des vagues à l'écume étoilée ; Silver était au moins une muse, autant qu'il était monstre. S'il n'en savait rien, le vent murmurait son nom sur les lèvres d'un faune.
Puis à ses côtés, autre chose. De terreux, d'enfiévré. Un bouillonnement de fourrure sanguine.
Lui était là. Satyre de l'éternel lendemain surprenant, ravin tavelé de champignons, bord de ruisseau mousseux frissonnant de joncs. Fragment de paysage qui bruissait sur le tambour des saisons. Bourrasque brutale, agréable parfois. Intrusive surtout. Trop palpable dans tout ce qu'il avait pourtant d'immatériel. Et quand il n'était pas question d'aura, sa chair faisait le reste. Il était autrement qu'un paysage mouvant ; faune arrogant de sensualité, printemps prisonnier d'une carcasse ardente, fourrure ensoleillée rôdant dans le plein jour... Souffle d'automne où résonnait le brame.
Il était beau ainsi, à traquer les effluves, beau dans sa rudesse charmante, dans l'éclat brûlant de ses yeux, beau à la manière d'une falaise escarpée où ne courrait nul sentier, et peut-être comprenait-on alors que parfois l'espoir d'y tracer des chemins saisissait quelques fous, entraînant leurs mains à céder sous les siennes, impérieuses et vagabondes jumelles délabrées par la vie- plus belles d'être salies. Il y avait, à le voir, comme le germe d'un désir de dompter son éclat, de rabrouer fermement la sauvagerie exsudée par sa peau, de claquer la sensualité obsédante de ses manières bestiales. Quelque chose de vague, comme l'envie d'incendier la forêt, de tuer Pan une seconde fois ; et il vous laissait entrevoir une victoire, cédant le terrain de son corps pour une nuit, une chevauchée seulement ; reprenait ses sourires carnivores et son rire rêche une fois le sable renversé, le sablier brisé, jamais dompté finalement, tout juste aussi trompeur qu'un sous-bois inconnu, acharné à ronger toute entrave, à faire tomber chaque mur.
Réel et ancré dans le monde comme l'un de ses nécessaires dangers, plus profondément vrai qu'un millier de citadins existant dans la trêve et dans l'abdication d'une nature dépouillée, spectres de l'entre-monde goudronneux qu'ils avaient façonné. Si réel qu'il en était blessant, réel jusqu'à l'abstraction même de son être singulier ; presque un principe vivant, une sauvagerie sans visage, car elle en avait trop... Un pour chaque odeur, chaque parfum qui avait consentis à s'échouer sur sa peau, à s'agripper dans la végétation durable de sa barbe emmêlée. Autant de noms que d'essences différentes, que d'arbres enracinés.
Et pourtant si piètrement humain... Si ancré dans le drame de sa vie, perdu dans ses propres mots, à jamais cousu sur la noirceur poignardée de son existence, et heureux d'une histoire dont les maillons persistaient à enserrer sa gorge. Dérisoirement mortel au fond, à mille lieux d'avoir sabots fourchus et cornes spiralées. Humain jusqu'à plus soif de misères véritable. Insatiable puits de banalité humaine. Terrible humanité, grimée, tordue, ressourcée dans l'oublie silencieux des forêts.
Et quelque part, Silver était déçu. Déçu et rassuré, peut-être, de le savoir dérisoirement semblable à une infinité d'autres- entité presque non distincte de la foule anonyme, avant d'avoir pris la route en bandoulière. Avant d'avoir été le vent. Anciennement un pauvre homme ridiculement insignifiant ; pas même un homme si l'on était précis, un simple bourgeonnement de maturité étique volontairement flétris. Silver aurait pu rire, peut-être aurait-il dû tant la cible était grande, l'ouverture évidente. Tendons la hache et étirons le cou.
A quel point envieux, aussi, le bibelot maniaque ? Un peu hagard face à tant de réalité. Aurait-il voulu connaître une vie si ennuyeuse, une existence au moins autant pathétique que la sienne ? Ou bien regrettait-il ce récit adolescent, morne fragment d'histoire trop semblable à une vieille plaie jamais cicatrisée ? Suintant des odeurs de caniveau, de gouffre dépotoir, conte tricoté une nuit de Décembre à la lueur des astres indifférents... Il y avait, après tout, tant de louable banalité dans cette histoire, derrière ses apparences d'étrangeté, derrière les danses malveillantes des Ombres d'Hellishdale, derrière les mots si habilement employés, derrière.... Tout ce qui faisait de lui un merveilleux conteur. Un merveilleux menteur.
Ce qu'ils étaient, tous les deux, un peu à leur manière. L'un parodiant l'enfance, l'autre apostrophant la pauvre, pouilleuse et laide réalité, lui enfilant les parures de ses mots.
Mais dans ses yeux à lui, l'aurore se troublait au vol ardent des dragons, les lèvres se descellaient sur des chants de victoire , et quand bien même il n'était après tout qu'une poupée dégueulasse, une aube suintantes où les contes s'ébattaient dans un grouillement impie, lui se prenait à pencher ses vertèbres rompues par le voyage, redessinées sous un peau poussiéreuse gorgée de soleil usé, vers les lèvres gonflées de cette bête, splendide cauchemar marmoréen au linceul de mèches noires. Et sûrement après tout n'était-il pas si réel, plutôt factice, comme un mannequin de crash-test, mais il avait la beauté des rêves qui s'accrochent aux paupières quand l'éveil déchire le voile unis des peaux, la douceur scélérate mais presque nécessaire des demis-sommeils qui ne manquaient, jamais, de mettre dans l'embarras. Et quand son vis-à-vis de satyre étendait toute la puissance impérieuse de sa réalité, pressant les sens communs, lui touchait autre chose, grattant à la porte de l'esprit, à peine croyable à force d'étrangeté. Diaphane, tangible au compte-goutte, aussi lointain qu'une aurore boréale. Dansant parmi les mirages qui chuchotaient pour ses oreilles en pointe, dérivant dans les flots de sirop de son antre mensongère, cette douce mascarade imbibée de folie, doux si doux mouroir boursouflé d'innocence factice. Un papillon qui se consumait depuis des milliers d'années, escarbille éternelle dans les tourbillons étrangers de la folie, externe brasillement dans l'incendie en perpétuel élévation de l'univers sylvestre, valsant en dehors du cosmos enfiévré de Bartel.
Et s'il avait su, pourtant... Sut Silver accroupi parmi les feuilles gluantes, les genoux embrassés par le sous-bois poisseux, sut ses traques dans les forêts dégoûtantes de pluie, sous les branches nues ou à l'abris des végétations basses, chargées, odorantes et lourdes... Sut la caresse des brises embaumant la sylve ivre des saisons dansantes, tapissée de champignons, étouffante de pollens et de spores, éclaboussée de lumière infirmée par les frondaisons renouvelées au printemps... Sut Ténébris, sut les tourbières mousseuses, les mille fondrières envahies de joncs clairs, les berceaux de racines, les terriers volés, les branches où reposer son corps sculpté par la faim ; odieuse nature hybride du Candélabre noir, horreur hermaphrodite, produit dément et insensé d'une copulation fatale, glas d'une femme, d'une mère dévorée, carillon de l'existence pour un enfant nourri d'entrailles chaudes, de viscères bouillonnantes et de sang infusé. Déjà glacé dans le ventre déchiqueté d'une génitrice innocemment assassinée.
Mais il ne savait pas tout cela, et à ses yeux, aussi scrutateurs puissent-ils être, Silver était de ces beautés déchues fatalement magnifiques, dans leur défaite sur un monde affamé. Assurément fantasmé, mais gagnant aux changes... Car s'il était laid, au travers des yeux d'un fou au moins il trouverait la grâce, rené en tant que muse dans son antre burlesque et morbide- trop onirique pour être un craint, si tendrement couvé d'un regard indulgent -et pourtant acéré dans ses errances exigeantes- qu'il en serait moins monstre. Beau au-delà de sa maigreur affichée, de ses crocs, de sa pâleur douloureuse.
Et un jour, peut-être, cesserait-on de voir ses yeux violet, ses poignets intolérablement fins, un jour plus de fièvre artistique pour grimer sa laideur... Ce serait un jour pour la vérité nue, pour l'image presque insoutenable de cette humanité trop peu factice dans laquelle était piégé Silver. En fin de compte plus humain qu'on aurait voulu le croire, pris à leur façon dans le marasme affligeant de ses émotions, enveloppé dans la bourbe terrifiante où le cœur se risquait toujours à suffoquer, abrutis de sentiments plus débilitants qu'une piqûre de morphine. Aussi maniaque et démentiel qu'il puisse paraître, aussi incohérentes que soit ses paroles dont la modulation rauque manquait à chaque instant de muer sa voix râpeuse en long cri, il restait de ces âmes qui n'étaient que trop belles, à leur manière inconvenante, belles d'avoir été saccagé, d'avoir enduré les tourments qu'un monde impitoyable imposait même à l'innocence aveugle- et au prix de cette souffrance, peut-être, avait-il gagné et un monde, et un trône en carton-pâte, et le pouvoir de troubler les yeux par trop rêveurs qui se posaient sur lui ; et encore la solitude, la douleur des vampires qui se soignent dans l'ombre, vaguement réel à force d'avaler l'imbuvable sirop où se dessinait son univers d'impossible candeur. Plus triste que le monstre du dessous de lit, esquinté au-delà de tout espoir.
Mais au moins il était roi, triste victoire, ah l'amère réussite... Il était roi oui, et ici, même les mirages dansaient pour lui. Il aurait pu être joueur d'Hamelin au milieu du désert, et lui l'enfant mourant de soif, abreuvé de musique sous l'ombre rouge des dunes, tendant ses lèvres sèches vers les paumes accueillante d'un monstre maternelle. Et peu importait qu'il fut cet enfer de pâleur aux dents limées par une horreur discrète, que l'espace livide de son visage fasse des tours autour d'une langue piquante- les trémulations de sa conscience, la danse maniaque de ses doigts de brindille écorchée. L'ensemble était beau.
Un esprit moins errant aurait dit inquiétant.
Et un être censé aurait fuis devant le regard envapé de l'Architecte, devant le glissement crispant de ses griffes sur la table... Mais pas un faune. Les faunes tournaient en danses indignes autour du danger, jetaient leurs mains au feux pour mieux se brûler les lèvres de leurs doigts embrasés. Gantés de suie, parcours d'étincelles qui ne voulaient qu'encombrer les peaux tendues à leurs jeux maniaques. Ils buvaient leur vin dans la bouche ouverte d'une femme étendue et tiraient de leur barbe des encens dont la fumée allaient vêtir les nymphes ; de leurs yeux des vapeurs s'élevaient pour retisser entre les troncs des buissons pleins d'épines, et là où personnes ne portait son regard, ils posaient sur la pudeur leurs paumes éraflées par le vent, saoul des odeurs de la terre et des corps jetés contre leurs gestes, emmêlées dans la poussière soulevée par leurs orgies.
Les faunes auraient tressés les cheveux de Silver en lui chantant le torrent qui arrachait les arbres aux berges où leurs racines chuchotaient la forêt. Puis leurs doigts seraient tombés sur ses joues, et tous se seraient déchirés dans une orgie sanglante.
Cependant il n'y avait ici qu'un satyre plutôt que le cortège bacchanale, et il se contenta de garder les yeux tremblants, à jamais pris de fièvre, les lèvres pincées sur le bord d'une coupe et presque sage dans sa calme impudeur. Il eut à peine à patienter pour entendre Silver.
Ses lèvres se descellèrent comme la pierre d'un tombeau.






http://neverneverland.forumactif.org/


> Azaria Kanerva.
Renommé par Peter : Tristelin.
Renommé sur le bateau : Rossignol.
-enfant prodigue au piano. Il a oublié les pianos en eux même, mais la musique le hante et ses doigts s'agitent souvent dans le vide. Quand il ferme les yeux, il peut voir les pianos par bouts : touches noires et blanches, qui se soulèvent et retombent. Il imagine des vagues de notes, des mélodies qui vibrent et ondulent, il voit la musique incarnées sur les touches du piano, et pour lui piano = un paysage.
-Père Finlandais. ( Je ris de moi. ) Anglais en réalité, mais avec des ancêtres Finlandaie + sa mère ( celle d'Azaria ) était la fille d'un intellectuel Arménien, elle a été bannie et déshéritée ( cf liaison avec un musulman, amour de jeunesse ), mais le père d'Azaria, homme d'affaire, touché par son histoire et aspirant à un monde plus juste, l'a recueilli. Végétarien et profondément attaché à la nature ( Finlande ) il entretenait avec elle une relation purement platonique = ils n'étaient pas mari et femme mais profondément liés, coup de foudre intellectuel et spirituel. Son père reste donc en Arménie où la mère d'Azaria accouche. ( Son père biologique est donc l'amour de jeunesse de sa mère. ) Elle finit par se lier à nouveau avec une partie de sa famille, bien que cette dernière ait du mal à comprendre sa relation avec son "mari".
Ils adoptent des orphelins. ( Deux filles, un garçon. )
Alors que tout semble s'arranger dans leur vie, la guerre d'Arménie commence : massacre, déportations. Le père d'Azaria est tué face à eux, ses deux sœurs sont violées et assassinées. On l'emmène avec son frère, longue marche.

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Une capricieuse
[00:08:40] Omatao Onrdi: Confortée dans ses caprices par l'Architecte.
[00:08:47] Omatao Onrdi: Qui prendrait plaisir à la pourrir grave.
[00:08:58] Omatao Onrdi: Dans l'idée de la lâcher un jour, ou de la détruire, ou de la garder sous sa cape.
[00:09:06] Omatao Onrdi: Bref, de la dominer via ses caprices.
[00:09:32] Voodoo Child: Et elle serait comme ça parce que sa soeur o uson frère, plus jeune, était gâté, et ça l'a deg
[00:10:52] Omatao Onrdi: Et un prédef d'emballé. /O/
[00:10:59] Omatao Onrdi: Ah non tiens, son pouvoir.
[00:11:06] Omatao Onrdi: Bouarf, libre.
[00:11:17] Voodoo Child: Ouep
[00:11:33] Voodoo Child: (c'est ce que je me suis dis en créant mes autres prédef)


Son sourire hésitant perdu sur les lèvres comme le baisé d'une fée, il regarda le cœur en fête Nasim se joindre à lui ; pantelant d'une joie effervescente, transis par un soulagement qui allégeait son corps. La solitude, enfin bannie de cette journée si longue, si morne, à l'image de tant d'autres, d'une platitude presque rassurante- s'il ne se passait rien, alors il n'y aurait pas de mort, tout le monde resterait sagement en vie, splendide tesson d'existence coloré, merveilleuse part d'humanité aux jours baignés de soleil. Cela suffisait à Azaria : quand bien même les journées moroses s'échouaient l'une après l'autre sur les rivages de son cœur alanguis, au moins pouvait-il sourire de les savoir tous vivants, en sécurité sur le Jolly-Roger. Il n'y avait qu'à attendre le soir, pour le retour d'un peu d'animation, et le Rossignol vivait pour ces quelques moments de bonheur avant le retour aux couches, où tous s'unissaient au sein d'une assemblée qui ne quittait plus les  rires des yeux. L'humeur générale était bonne alors, ils baignaient tous dans une atmosphère légère, agréable, rassurante ; appartenant tous au même groupe, unis dans leur exil, parias flottant loin des côtes maudites de l'île. Ceux qui, à Neverland, n'étaient aimés d'aucun si ce n'était d'eux-mêmes. Au moins, sur le pont du navire, dans l'éclat mélancolique du soir poignardé d'astres, ils retrouvaient une forme de lien particulier qui leur faisait souvent défaut le jour, quand on ne se voyait guère ou pas plus que furtivement. Ils étaient de nouveau ensemble, et non vacants à des tâches quelconques pour maintenir leur demeure à flot, royaume de planches flottantes d'une cohorte bannie.
En plus de quoi ces jours mornes étaient ce qu'ils pouvaient espérer de meilleur, quand bien même la sérénité sépulcrale qui entourait le navire avait parfois quelque chose de profondément triste. Si certains se lançaient volontiers dans la bataille dé lors qu'elle survenait, impatients de croiser le fer avec peaux rouges ou bambins trop armés, d'autres préféraient encore la morne immobilité qui caractérisait l'absence de tout litige entre les différentes factions.
Azaria ne pouvait donc que savourer cette offrande prosaïque, moment de partage dans la longue période vide qui séparait deux nuits de réunion sur le pont. Même s'il n'avait pas parlé, Nassim aurait été le bienvenu... Le savoir présent, tout proche, aurait suffit à reconstruire un peu le cœur en ruine d'Azaria.
Aux tentatives d'humour de l'aîné, il répondait par un sourire plus franc, moins crispé, sans toutefois réussir à se départir totalement de sa gêne coutumière. Toujours un peu claqué par la brise saline, hésitant à se montrer trop heureux, peu enclin à vivre assez fort pour faire preuve d'une brillance aussi effrénée que celle du maître voilier. Ses lèvres avaient de toute manière oublier comme se déployer pour rire, et si des chants hantaient sa gorge, la vibration cependant sur laquelle se réglait le tempo du bonheur lui semblait bien lointaine, étrange, presque inconnu. Comme une mélodie dont il n'aurait gardé que des échos froissés, rangés tout au fond de lui.
Cependant, il apprendrait auprès des autres. Il commençait déjà, tentant de rattraper sa vie qui s'était cru maligne à filer loin devant avant que son corps n'expire. Déjà maintenant, il faisait de son mieux, se laissant porter par la joie simple d'une compagnie estimée au plus haut par son cœur déchiré.
Le gamin s'assit également, une grimace plus sincère lui balafrant le visage.


-Je ferais attention.
Il n'y pensait pas vraiment, doux éclat de jeunesse inconsciente. Il se sentait si bien, en hauteur, loin du sol qui tanguait, que l'idée de tomber des vergue ne l'avait jamais saisit. Évoluer entre les voiles, dansant avec le vent, lui semblait naturel, au moins autant que de marcher sur le pont.
Et quand bien même parfois l'envie de sauter depuis le haut du mat polluait son esprit enchevêtré de pensées obscures, Azaria savait qu'il ne se délivrerait jamais en se laissant tomber vers les planches lustrées : sa mort l'attendait sous les vagues, entre les bras glacés d'une sirène de passage. Là, il recevrait son premier baisé- le dernier également. On l'entraînerait dans les abysses, et quand finalement la créature atteindrait son repaire, il serait déjà mort d'avoir connu trop intimement l'eau froide, le sel, et la pression des profondeurs
Personne probablement, ne serait surpris de le voir passer au-dessus du bastingage.


-C'est bien vrai ! Après tout on risque d'avoir besoin de nous à tout moment !
Azaria hocha la tête, laissant l'horrible rictus mécanique qui rôdait entre ses joues lui étirer les lèvres. Il aurait voulu répartir également quelque chose, mais aucun trait d'esprit ne vint jouer sur ses lèvres, et l'angoisse de ne réussir qu'à s'empêtrer dans les mots poisseux qui lui coulaient sur la langue l'empêcha d'ouvrir la bouche. Finalement bourdonnant de silence, le gamin ravala sa frustration pour mieux apprécier la compagnie de Nassim. Il s'accrocha à son pauvre sourire, tordu, hésitant et fleuris pourtant. Comme une guirlandes de bourgeons déjà flétris, un chapelet délité qu'il aurait pourtant continué de porter vacant contre sa gorge.
Qui sait, peut-être notre bon Capitaine trouvera enfin le moyen de nous faire quitter cette île extraordinaire...
Fidèle à l'équipage qu'il voyait sa famille, Azaria haussa doucement les épaules, peu enclin à savoir s'il voulait ou non quitter Neverland. Cela n'avait plus aucun sens à ses yeux, et il ne se souvenait plus s'il avait ou non tenu un jour à voguer loin des rivages de l'île. Bien sûr, il avait très tôt voulu quitter Peter, mais le pays en lui-même... Certes dangereux, mais si beau ! Quand bien même il ne se souvenait plus de l'autre monde, le Rossignol savait qu'en ces lieux d'où on l'avait tiré, on ne trouvait ni fées, ni monstres, ni sirènes. La jungle elle-même lui semblait merveilleuse, et à écouter Nassim dont le ton trahissait une certaine nostalgie à l'idée d'un départ, Azaria pensait que Neverland n'était pas si terrible, au fond. Sûrement y avait-il pire, mais quant à savoir si le pays de Jamais était meilleur que le monde lointain auquel on les avait volé... Personne ou presque n'était capable de préciser quoi que ce soit sur l'autre monde. Certains s'en souvenaient plutôt bien, comme Nassim, mais la plupart étaient juste capables de de se baser sur les dires de Peter ou de quelque autre mémoire plus ou moins vivace. Azaria faisait partie de ceux-là : seuls ses cauchemars pouvaient se faire passer pour d'illusoires souvenirs d'une vie passé hors de Neverland, et il doutait parfois que tous soient dû à ce monde oublié. Il n'aurait su décrire de villes comme le faisait Nassim, parler de gens connus, raviver l'image fuyante d'un visage qui se dessinait dans la poussière de ses rêves...

-Je ne sais pas... Peut-être que ce n'est pas vraiment important ,chuchota t'il sans vraiment regarder le maître voilier. Le monde doit avoir changé, de toute manière.
Il secoua la tête, troublé au fond par son désintérêt, puis releva les yeux. Le regard de Nasism se planta dans le sien comme une flèche à la pointe d'obsidienne. Il rougit, mais n'osa pas se détourner.
Que quelqu'un le fixe aussi franchement le mettait mal à l'aise ; il avait trop peur qu'on puisse lire l'agitation sordide qui agitait le derrière de ses yeux, que quelqu'un ne plonge dans l'entrelacs sinistre de ses pensées noires. On s'y serait écorché comme dans un bouillonnement rageur de ronces aux branches barbelées.


-Dis moi, Azaria... Tu penses souvent à ta vie d'avant ?
Un instant, le Rossignol resta interdit. Le mots s'enchaînèrent comme des cordes de brumes, enlaçant son esprit, puis la phrase tout entièrement formée le tira vers un sens qu'il aurait préféré davantage occulte- alors, il aurait pu éluder, faire semblant de ne pas comprendre. Mais Nassim avait parlé clairement, et ses yeux sincères d'une effroyable profondeur l'empêchèrent de feindre la moindre ingénuité.
D'abord, il paniqua, ayant du mal à croire qu'on lui pose cette question, tant le sujet abordé semblait tabou, tant l'idée de se souvenir lui parut incongrue d'une part, puis dangereuse d'une autre. Terriblement lascive, mais scabreuse, mauvaise. Une idée suicidaire, celle d'une vérité nécessaire, d'un changement de voile qui ne le tentait guère. D'une remise en perspective dont il ne voulait pas vraiment.
Ensuite, une franche sensation de malaise s'insinua en lui. Confier sa douleur sourde lui semblait indécent, cruel... Tentateur. Affreusement tentateur. Il avait rêver trop de fois de se libérer du silence qui lui rongeait le cœur, de se défaire de la solitude qui l'étreignait toujours quand ses lèvres restaient closes alors qu'il ne voulait qu'hurler. Mais toutes ces fois là, personne ne lui avait posé de questions, personne n'avait pris la peine de lui tendre la main : tous sentaient le monstre d'obscurité qui se cachait derrière son air éteint, tous avaient vu la violence piégée dans ses yeux qui s'allumaient trop peu. Tous savaient intuitivement qu'il était de ces êtres brisés dont les éclats risquaient de vous couper, un chiffon remplis de verre qu'il était dangereux de saisir. Et tous avaient jusqu'à maintenant laisser la ruine angulaire de son cœur à ses seules mains scarifiées, décombres lugubres signalées à cent lieux par ses paupières lourdes, ses cernes et ses nuits agitées. Est-ce que Nassim savait à quoi s'attendre ? Faisait-il vraiment preuve de cette générosité dangereuse qui lui avait été si longtemps refusée ? Peut-être ne savait-il pas. Peut-être ne se rendait-il pas compte, peut-être... L'aîné devait penser engager une discussion légère. Ou bien il n'avait pas sentit ce mouvement abyssale, ces glissements noirs en lui.
Azaria le dévisagea, les yeux brillants. Sa détresse béait, et il avait de pleurer, allumette rallumée au briquet des lèvres safranées de Nassim- puis, une partie de lui, la plus noire, purulente, désespérée, céda soudain sur sa langue.
L'éclat furieux de son regard se ralluma alors. Et il parla.


-Chaque nuit. Chaque nuit je me souviens, dans l'étreinte lacérante de mes rêves. Peut-être n'est-ce pas tout, j'ai sûrement été heureux, et David était avec moi, je sais qu'avant Neverland aussi, nous vivions sous un seul et même toit. Alors, ma vie ne devait pas être si terrible. Elle était sûrement agréable même, avant que nous n'arrivions ici.
<< Mais il s'est passé quelque chose, et je sais que tu peux le comprendre. Il y a dans ta voix, sur ta peau, je.. Un reste, un signe, quelque chose qui me dit que nous avons appartenu à un même pays peut-être une même région de ce monde que tous ici cherchent à retrouvé sans que je n'arrive à savoir trop pourquoi. Et je peux le dire : quel qu'ait été ces lieux, quand je les ais quitté, ils étaient en proie à une guerre sanglante. Je ne saurais dire quand, pourquoi, si ma famille l'a subite, si j'ai toujours été orphelin... Je ne sais rien de toute ça. Mais mes rêves sont hantés par la haine, par le sang. Par la mort et la douleur.

Il se tut. Baissa les yeux.
Chaque nuit, je me souviens , murmura t'il doucement, mais ce dont je me rappelle cette vie passée ne mérite pas de resurgir vraiment... Alors non, je ne veux pas y penser. Je ne peux pas faire autrement, mais je ne le veux vraiment pas.
Il respira profondément et releva les yeux ; vers le ciel cependant.
Tous les jours, presque à chaque heure. J'y pense, encore et encore. Sans jamais aller trop loin, sans jamais me souvenir complètement. Mais j'ai peur de chanceler un jour, de...
Le gamin retrouva à nouveau le silence, incapable de s'exprimer plus clairement. Il fit un geste vague, fataliste, d'un air tragique et impuissant.
Tout le monde ici sait que je ne mourrais pas lors d'une bataille.
Et la conclusion lui sembla bonne. L'éclat furieux retomba, sans avoir véritablement brûlé, sans avoir consumer qui que ce soit : Azaria avait su tenir sa langue. Presque.
Le Rossignol tourna les yeux vers Nassim. Cette fois, il accrocha son regard lui même, et peut-être, s'il n'avait pas été si dépouillé de charmes, aurait-il d'abord souris, ou frotter son crâne chevelu ; mais Azaria était au fond plus abrupt et froid qu'aucun autre sur le Jolly Roger, et sa question sembla trop dure pour ses lèvres hésitantes. Quand bien même au fond de lui, il ne voulait blesser personne.

Et toi, tu y penses à ta vie d'avant Neverland ?
25-04-2014 à 01:23:36
Kairec s'efface dans le glissement des astres, se redessine dans le bruissement de ses feuilles. Les jeune prophète laisse glisser les crépuscules jumeaux que couvrent ses boucles rousses, baisse l'étendard étincelant de ses cils, et son regard abdique sur l'image pulsante de la nuit convulsée dans le tourbillon des astres. Ses joues flamboient sur un dernier sourire, mais il s'éteint sous le requiem de ce firmament dansant, et il soupire du bout de ses lèvres de bronze. Jamais nuit ne fut plus longue, et jamais aussi belle la solitude des princes- sur ses espoirs en ruine, l'enfant vacille au bord des larmes. Ses yeux tremblent, à l'abris de la double-oraison de ses paupières fermées. Comme un chant qui s'éteint, Omatao agonise sur l'ultime note d'un bonheur trépassé. Il perd toute couleur dans un serrement de gorge, et les rituels d'abondance effrénée que renferme son esprit se taisent pour laisser place au vide ; sur l'autel de ses rêves, on dépose un corps mort. Il n'en reconnait pas le visage anonyme. Un sanglot grésille sur ses lèvres, comme un insecte brûlant tournerait autour de l'enfer miniature d'un fanal meurtrier.
25-04-2014 à 01:53:59
-L'âge adulte est un vêtement trop serré qu'on met aux grands enfants.
Le silence qui s'ensuivit valait toutes les forêts du monde brûlant sur l'horizon de la postérité. Le gamin leur sourit cordialement, quêtant l'approbation. Sa pupille élastique délira dans une fuite éperdue, emportée par un tourbillon noir, quand l'éclatement jaunâtre d'une cigarette se mit à luire au milieu de la flanelle déchirée de ses iris en vadrouille dans la noirceur gourmande autour de laquelle se convulsait son regard. Il renifla la fumée, puis fronça le nez, blafard comme un perce-neige devant l'apex rubescent que lui tendait la bouche pincée du flic. Demeuré, il pencha la tête, cherchant un signe qui l'assurerait d'une sympathie externe. Rien ne vint, et son museau chiffonné par la fatigue se retira de nouveau vers l'abris de ses jambes resserrées. Il posa la pointe douloureusement aiguë de son menton sur ses genoux dénudés par une déchirure un peu moins pâle que sa peau, carne résignée à l'éternelle velléité de la drogue. Ses grands yeux, abyssaux, se posèrent en soucoupes tristes sur la planète étrangère de la désapprobation policière.
Inquiet, le gamin battit de ses cils de biche, éparpillant ses yeux dorés dans une averse de paupières où se décalquaient ses veines. Il ajouta avec hésitation, d'une voix qui se voulait moins tremblante que ses poignets trop maigres :

Qu'en pensez-vous ?
27-04-2014 à 23:44:24
Toutes les fées sont mortes. Elles vivaient dans la forêt des contes, et les contes ont brûlés. Quand les dernières volutes de leurs cendres magiques ont fini de s'éparpiller au vent des lèvres cernées de rides, quand le dernier lutin a fini de s'étrangler entre les mains puissantes d'une personne responsable ; à ce moment là, quand les nymphes se décomposaient dans le mercure et que les faunes mourraient au bruit des tronçonneuse. A ce moment, les fées sont mortes. Les contes sont morts. Et toute la douceur du monde a cessé d'exister.
Il nous reste leur spectre, mais il s'étiole doucement. Déchiré par les doigts de la raison. Vous savez, nous sommes encore en train de nous éveiller d'un long, long sommeil... C'est encore le matin. Nous sommes fatigués car les rêves s'accrochent à nos paupières, des muqueuses collantes de rêves. Et ce n'est que le début de la journée, d'une très mauvaise journée qu'on ne pourra pas finir, puisque le monde est condamné par des amas de muscles énervés, déglutis par un génocide dont touts les gentils adultes "responsables" se moquent. Nos belles dents blanches d'avoir été brossées déchirent des victimes qui ne peuvent pas crier. Et les enfants se réjouissent du sang dans leur assiette.
Bois du lait, tu deviendras fort. Et quand tu seras fort, tu pourras entamer ta misérable vie dénuée de magie. C'est comment quand on souffre ? Mais voyons : comme tous les jours. Heureusement qu'on lime les angles. Heureusement qu'il y a ces fantastiques œillères pour tous les assassins pudiques.
Revenons-en aux faits. Toutes les fées sont mortes. On ne les reprendra plus à glisser dans les airs, diaprées et vagabondes. Si belles. Astres errants dans les buissons. Et les enfants ne seront plus jamais enchantés par leurs danses.
Toutes les fées sont mortes. Oui, oui, on ne les reverra plus jamais. Oui c'est triste. Oui, le monde est laid. Et les sous-bois ont l'air bien noirs, n'est-ce pas ? Le dernier elfe a cessé de se débattre dans les fumées de nos usines, et les sylphes sont mortes étouffées dans les cieux de nos grandes villes. Ce qu'il reste des contes se tord, corrompu, abject, sur des écrans de cinéma.
Pendant que les enfants grandissent sans magie, gorgés de pixel en orgies frénétiques, les adultes s'enivrent de réalité... Dieu, qu'ils sont laids. Effacez moi ce tableau, qu'on recommence un nouveau dessin à la craie colorée. L'univers a dû foirer quelque part.
Où est passé le grand Pan ?




-Puisque nous en sommes à conter, parlons, parlons... De choses heureuses, hum ? Ne finissons pas la soirée sur des sanglots amers. Vraiment, je ne veux pas te laisser un mauvais souvenir.
Un rictus moqueur tailla au-dedans sa barbe.
Ou point trop.

Voyons, voyons, quels récits heureux puis-je bien avoir, quelle gageure... Voyage ? Mythologie ? Bon dieu, trop de mots. Tant de mots. Dis-moi Silver, connais-tu cette histoire de l'arbre et de la princesse ? Non, n'est-ce pas... Non.
Il prit respiration comme on prenait la cape pour sortir dans les brumes. Respiration profonde, comme pour plonger dans le feuillage, comme un oiseau piquant vers le sous-bois ; et à respiration de transe, un regard abyssale, et une voix plus insondable encore. S'il était un paysage, on y trouvait des ravins, des gouffres où chevauchaient les ronces, une rivière, une peuplade de joncs et de champignons puants- des feuilles pourries, de l'ambre et beaucoup de fleurs sauvages. Peut-être aussi un oiseau mort, couché sur les mousses, et un cerf s'abreuvant à l'eau fraîche au tapis doux de vase.
<< Il était une fois un arbre. Un vieil arbre, comme tout le monde en connait. Tu sais desquels je parle, n'est-ce pas ? Ces arbres immenses qui dominent la forêt et les hommes, à la cime si lointaine qu'on la rêve pourfendant les nuages. Il aurait pu jeter ses racines noueuses dans le un triste verger, une sylve préservée voyant mourir toutes les forêts primaires, mais ce doyen là avait été planté par une main humaine, et il a

-dragon

L'étoffe de son sourire, dans la végétation cascadant sur ses lèvres, brûlait de rhabiller les courbes invisibles- circuits tracés dans les broussailles, empruntant des rails emmêlés par les racines des sylves.

Glycérine

La glycérine ou glycérol est un alcool qui se présente sous la forme d'un liquide transparent, visqueux, incolore, inodore, non toxique et au goût sucré.
C'est un sous-produit issu de la fermentation malolactique du vin, de la réaction de saponification, dont le but premier est de fabriquer du savon à partir de matières grasses animales ou végétales et de la transestérification d'huiles végétales lors de la production d'esters méthyliques d’huiles végétales (EMHV) qui servent de carburants sous la dénomination de biodiesel ou diester.


la glycérine est utilisée dans l'industrie pharmaceutique, cosmétique et chimique pour ses propriétés lubrifiantes et son goût principalement.


Velléitaire - Qui est incapable de s'en tenir à une décision prise.

Abnégation - Sacrifice de son intérêt, renoncement.





Le poignard dans les yeux, le regard embrasé des comètes et le cœur en farandole au milieu des entrailles. Une fête-foraine ambulante transgressant le silence, les sylves au bout des lèvres, pendant en boucles rêches de ses joues granitiques. L’œil vif et les mains promptes, puisque toujours les doigts des satyres cherchent où tambouriner.
Une sale bête, mais tenace, et ses parfums dispersent la froideur des brumes dans un éclat sauvage. Le monstre éveille sa gorge, face à une troupe obscure, mèches encrées en berne, les yeux rougis de mise.
Il se déchire en un cri guttural, couvé par la brouillard. Un son rauque et sauvage, hybride du brame et de l'éboulement ; ses bras se tendent et son corps entier semble exploser dans la lumière lunaire, diluée par les volutes qui s'allument en danses mornes. Cornes et sabots, ne lui manquent que les crocs. Dans la vapeur du soir, il a l'éclat corrompu du macadam humide, et des promesses violentes fuient ses yeux goudronneux. Ses mains affamées cherchent une chair à froisser, et à la commissure de ses yeux au pétrole embrasé, on sent la nuit qui flambe. Odeur poisseuse d'une faim ingoble.
Il viendra déchirer leur ventre doux et tendre, glissera ses doigts terreux et acérés dans leurs entrailles juteuses. Sous le regard de pierre de la ville endormie, il portera à ses lèvres impudiques une faune inanimée de viscères marbrées, et dans les plaies suturées de brouillard des corps adolescent, boira ce sang si riche qui flamboie dans leurs veines, épicé à outrance d'alcool et de fumée. Mastication versicolore d'entrelacs de boyaux. Ils peuvent déjà ouïr les côtes brisées, comme les arrêtes de poissons faméliques, les esquilles dispersées au milieu de cette carne chaude et moelleuse où pulse un organe essentiel, probablement délicieux à la langue râpeuse et sèche d'un satyre en errance...
Hurlements éraillés des gamins qui tournent les talons. Lâchant leurs bouteilles, leurs épaules et leurs rires. Le tout tombe en chapelets et se brise sur le sol- seul le verre condamné accompagne leurs cris, éparpillé sur une note délicate et coupante ; tintement unique répercuté contre l'asphalte des rues. Hellishdale avale les fuyards et leurs cris, abandonnant à la brume et aux astres le loisir d'être uniques témoins.
Le monstre ne prend pas en chasse les fêtards imbibés. A nouveau il fait vibrer sa gorge, et cette fois c'est d'un rire à faire tourner les têtes. Un rire d'enfant, mais aux tonalités trop graves, chanson hargneuse et moqueuse définitivement sienne. Ce soir, c'est une légende urbaine de plus qui sera ravivée. Il y tient et prends soin de garder le tisonnier en main. Toujours à entretenir le feu, à jeter le charbon lors des nuit des fusains. Plume en main et l'encre au bout des doigts, écrivant corps à corps les chapitres d'une histoire sans fin. Si ce n'est pas lui, alors les Ombres d'Hellishdale s'en chargeront elles-mêmes. Il aime à leur voler ce plaisir, faune virtuose des mauvaises symphonies, encanaillé des lèvres jusqu'aux ongles. Toujours une allumette au-dessus de la poudrière, et le souffle d'une brise pour orienter la flamme.
Il reprend son chemin dans les rues comme si de rien n'était, laissant quelques bouteilles brisées et l'âcreté de la terreur aux brumes voraces qui glissent sur les trottoirs. Elles engloutissent ce qui reste de lui, et Bartel est heureux de plus être que l'ombre d'un conte. Les spectres de la ville l'ont avalé depuis longtemps déjà, digéré même, dans leur gosier soyeux. Il n'a plus rien à craindre du brouillard et des nuits : il n'est plus qu'aidé par eux à la faveur d'un jeu, quand la peur devient sa cape et que cornes lui poussent. Là, dans les ténèbres cisaillées, où les errants se muent en monstres.
Pourtant, ce soir, ce n'est pas l'envie de rugir aux nez rougis des gamins inconscients qui l'a traîné en ville. Il n'est ici que pour les beaux yeux d'un seul, une bête de son acabit dont la flamboyance n'a rien à voir avec celle de l'alcool. Il connait le chemin désormais, depuis quelques années déjà, et les ricanements lointains de chats de gouttière qui servent le Lapin ne peuvent plus le troubler. Quelques tours, quelques détours, changement de route, errance, voyage, on traîne la jambe sur les trottoirs, on sourit dans la brume aux quelques fleurs qui s'ouvrent à la vêprée. Là, un bourgeonnement de chair pâle qui titube, là un guide dont la main se tend pour cueillir une tendre pousse, timide, enveloppée par le brouillard qui goûte déjà sa perdition. Le jardin d'Hellishdale qui s'éveille, et bruisse, plein d'épines et de bouquets aux teintes vives- d'autres plus ternes. Dans les petits sentiers, on trouve ombre où se poser gisant.
Le vagabond trouve son passage embrumé, la rue où ses pieds le guidaient. Elle n'a rien de glorieux, malgré son nom. Sombre et poisseuse, comme tant d'autres... Et pourtant. Tout au fond, il y a cet étrange bourgeon de toile, une tumeur boursouflée de couleurs froissées les unes sur les autres. Détrempé par la pluie, avachi, voici le domaine d'un passeur. Ce n'est pas grand chose, mais ça fait bel effet aux yeux du vagabond, et il connait l'intérieur de cette demeure pour s'y être déjà délaissé quelques soirées d'après-contumélies. Tentures et tapis jetés à l'envolée, des meubles placés là pour convenir aux attentes de l'ombre repliée en ces lieux... L'odeur lui en est familière, les replis de tissus ont connu ses doigts curieux. Dans ce petit terrier, il a fouillé chaque recoin de couverture et fait glisser ses paumes partout ; mais jamais les lieux ne lui ont vraiment appartenu. Territoire de corbeaux et d'ailes ensanglantées, non pas de faune qui désavouent les antres exsangues... Quand bien même, il y revient, attiré par les parfums de la protubérance où gîte la créature, ses affaissements colorés- par son cœur plumeux, velléitaire, qui vient et part au grès des aubes et crépuscules. Harael. L'oiseau maître des lieux.
Bartel dégage un rabat pour entrer dans le palais du guide, quittant les brumes du soir.
Elle est là, dans son nid, la colombe déglinguée. Pâle oiseau de malheur aux courbes acérées, une créature de perpétuelle agonie aux ondulations sordides et aux mains limées sur l'azur le plus rêche. La hargne dans les yeux, les serres trompeusement douce, elle est assise. Fumée dans les yeux, la braise au bout des lèvres. Elle fait danser la fumée sur le cadence rythmée de ses inspirations, et dans le clair falot d'une lanterne oscillante, ses ailles immobiles ont l'air d'un éternel naufrage. Les voiles déchirées par les vents. Des os creux comme les rangées d'une flûte, hâtivement vêtus de plumes immaculés. Parfois, quand aucune âme ne vient chercher sa perdition jusqu'à la Gloire passée, Harael laisse les doigts du faune glisser de son dos jusqu'aux os qui lui percent le dos. Dés lors que leur corps en viennent à s'enchaîner, que le rythme se mue entre eux deux pour atteindre une musique trop bien connu de l'un et de l'autre. Ils dansent, et alors qu'une chevauchée menée par un satyre se devrait d'être brusque, une certaine douceur persiste à s'inscrire dans leurs gestes- quand les mains sinueuses du faune dérivent jusqu'aux plumes, parures du vide, caressent l'entrelacs scabreux et magnifique des os tordus qui ploient, qui frémissent, font comme les bois d'un cerf. C'est là, cette couronne, en-dessous des épaules. Toucher du bout des doigts la liberté qu'on a bridé. Sentir la rage monter en gorge, et faire tonner le brame au-dessus d'un ange aux passions trop terrestres.
Il en crèverait de colère. Il en briserait à martèlements furieux le trône du Coupable, s'écorchant sur les éclats de glace. Insoutenable vision d'un gâchis perpétué la main leste. Irrécupérable. Magnifique et blessé. Ce soir encore, comme tant de soirs passés... Paraîtra t'il jamais autrement qu'écorché ?


-Et bien, dans quel état je te retrouve encore...
Ce n'est pas un reproche, et il n'y a pas de surprise dans sa voix.
Il s'approche, mais ne vient pas prendre place sur le lit. Quand bien même on le laisse pénétrer ce nid caché au ciel, Bartel respecte pour une fois son statut d'invité. D'une bête à l'autre, on se comprend. Le faune se penche, narines palpitantes pour inhaler un peu de la fumée onduleuse qui se gondole depuis la cigarette. Il sourit de l'odeur âcre, et pose deux mains sur les épaules endolories de l'autre. Elles sont fraîches, comme un baume. Sa peau vibre.

Je te sens fier et troublé. Une grande marée, ce soir ? Raconte moi un peu tout ça.
Et la satyre bascule en arrière, laissant tomber son corps sur un tapis du sol. S'affale sur la trame en souriant au vide.
Je t'ai ramené de la résine, des graines des pavots, de la menthe. De l'ocre et un rameau de pin.
Relevant les yeux, juste de quoi regarder l'autre en face. Il respire l'odeur humide du tapis -rien n'y fait, cette ville suinte toujours de brumes-, puis s'assoit, fouillant ses poches.
Nous devrions parfumer tes ecchymoses avec de la résine. Il n'emportera rien, plus jamais de victoire sur ton corps.
Un geste pour l'enjoindre à quitter son perchoir, à se poser avec lui sur le tapis très légèrement moisis.
Il mérite d'autres mains que celles du Tyran. Que penserais-tu des miennes, hmm ? Viens là que je te délasse pendant que tu me parles.
Un grand fauve amène s'apprivoisant le temps d'un récit.
20-05-2014 à 13:52:31
Il eut un sourire pour cette main tendue où reposait un cœur. Cristallisé et dormant dans les cercles immobiles des bacchanales froissées dans la noirceur de l'encre, pulsation effréné dans le silence de la page blanche tatouée par l'esprit inspiré- des paragraphes-artères déversant des musiques pleine d'images engluées au bout des doigts tombants. Un pile de feuilles. Un cœur.
D'encre, de papier et de mots, le cœur d'un oiseau en dérive sur les vents de son deuil, ailes déchirées mais tenace à se garder en vol. Peut-être n'était-ce qu'un conte de plus, une histoire comme une autre, qui sous le couvert d'agiter sa douleur, mettait en scène des personnages presque fictifs ; peut-être une de ces vérités occultes qu'il lui rapportait, mine de rien, sans trop les départir de leur attrait illusoirement fantastique. Les coupes-gorges qu'il habitait des monstres, les rues qui crissaient sous les griffes des chatons chaotiques, et les adolescents perdus qui s'oubliaient dans la fumée, entre les bras d'un papillon de nuit qui avait faim de leur lumière occulte... Les mains tendues dans le soir, comme des fleurs tentatrices, des bouches empoisonnées qui s'ouvraient, un baisé vaut une âme, une poignée de main est un suicide. Pertes, envie, cruauté toujours. Voilà les histoires qu'il contait à Alise. Noires, purulentes et denses, ou bien claquantes à raz dans leur cinglante brièveté, plus légères à entendre d'un relent d'éthanol ; plus lourdes de réalité qu'à première-vue portée. Mais Alise pouvait bien tourner sa longue-vue vers les brumes, elle ne verrait rien avant de poser elle-même un pied dans le jardin des ombres, de prendre un partenaire pour la danse de l'oublie, nouveau compagnon désincarné dans un froissement de ténèbres, quand le monde se plissait tel une bouche ridée, déglutissant leurs membres froids sous un ciel étranger.
Il la tiendrait loin des ruelles, la nuit flambée une fois tombée, brûlante, comme un tapis glouton de cendres sur la ville peinturlurée d'une apparente sobriété.

Deviendrait son manteau, ses bras son caniveau. La garder tout près et lui parler du monde secret, lui murmurer les Guides, le Lapin, sans jamais laisser entendre qu'il fallait chercher à en découvrir plus. La nourrir mot par mot, composer en patchwork sa culture urbaine, l'air de rien mais l'air conspirateur, l'air malicieux mais grave- vagabond de paroles en virées.
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