-Fics Pokemons- 2010-2012-

06-06-2013 à 12:43:06
-2010-


Sous les décombes

Le ciel pleurait encore, déversant ses larmes de part les nuages déchirés qui parsemaient sa grisaille monotone. Il hurlait au rythme de la foudre, se lamentant sur les meurtres qu'il avait aidé à commettre : Sous sa masse nuageuse, ruines et décombres s'amoncelaient en d’épars souvenirs de la civilisation humaine.
Plus personnes n'animait le paysage. Il restait vide et silencieux. Seul le ciel osait briser le sceau de la mort. Même la terre avait arrêtée de trembler. Il ne restait rien d'autre que les ruines. La dévastation. L'ultime punition. L’explosion des monstres industriels, ces centrales nucléaires horrifiques, mettrait un terme définitif à l’expansion de cette race, qui avait pendant quelques dérisoires millénaires, dominée toutes les autres.
.....
Et pourtant, la vie n'avait pas quittée les villes et villages. Elle hantait encore les lieux..... Elle gémissait et criait- mais le monde restait sourd : Personne ne pouvait aider les Sacrifiés. Ils étaient réduits à hurler dans le vide : c'était la même impuissance que pouvait ressentir un muet ou un aveugle. Soumit à la séparation du monde, à l'ignorance. La mort aurait mieux valut, que cette situation intenable. Cette isolation sans échappatoire.
Et pourtant, sous les ruines d'une habitation, une maison de bois et de pierres, Nathanaël résistait. Il avait arrêté de crier, mais le jeune garçon continuait de vivre, sanglotant en attendant la fin. Bien que pour lui, ce ne soit qu'un évènement auquel précèderait le retour de sa famille. Cette triste illusion aurait put être jouée en théâtre : Une ténacité si louable et désespérée aurait tirée les larmes, même à un esclavagiste.
Immobilisé, l'enfant pleurait face contre terre, couvert de sang et de poussière. Des poutres lui écrasaient les jambes, et des blocs de ciments c'étaient amoncelées sur ces mêmes charpentes de bois, lui interdisant de sentir quoi que se soit en lui : Il n'y avait que l'engourdissement, le bourdonnement intense qui réduisait ses seules sensations à un vague fourmillement semblable au crépitement lointain de la foudre. Seulement, il était là à l'intérieur et à l'extérieur de sa peau. C'était semblable à une autre présence, qui emplissait ses os et tout son corps ; elle glissait en lui, happait tout ce qui aurait put lui procurer réjouissance ou douleur, à partir de sa taille. Dans le cas présent, c'était plus un avantage qu'autre chose..... Quoi qu'à son âge, Nathanaël aurait préférer avoir mal. Juste pour être sûr qu'il existait encore..... Que les ténèbres qui l'entouraient ne l'avaient pas effacé. Qu'on ne l'avait pas oublié.
Il y'avait dans se désir, un espoir dérisoire que l'explosion n'avait pas tués ou chassés tout le monde. De toute manière, l'enfant ne pouvait pas encore comprendre ces notions : Il n'avait que cinq ans. Que l'on est put l'abandonner à son sort, n'avait pas même effleuré son esprit juvénile. Comment ses parents auraient-ils put oublier son existence ? Comment imaginer qu'il puisse rester sous les décombres ? La justice et l'injustice lui étaient inconnu, mais il savait avoir été un enfant sage et calme. Il n'y avait aucune raison qu'on le punisse, donc.
Nathanaël attendait juste qu'on vienne le chercher. Patiemment.
Ses parents étaient juste partit un temps, faire les courses. Ils allaient revenir. Ils allaient réveiller sa grande sœur, qui dormait dans la pièce d'à côté. Oui. Ils allaient pousser les choses qui étaient tombées sur le lit, et Catherine se relèverait. C'était évident. C'était tout à fait normal.
C'était la façon de penser d'un enfant de cinq ans. C'était les idioties d'un gamin. Les espoirs d'un gosse stupide. Ingénu, mais innocent. Peut être un peu sot, mais touchant en ces sombres instants.
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Un fond d’amertume accompagne ses lignes. Vous le sentez ? Il enrobe votre langue, noie vos papilles. C’est une saveur qu’il faut savoir aimer. N’est-ce pas délectable, de connaître l’angoisse et la peine ? De sentir des sentiments passer en vous ? De frémir de dégout ou de plaisir ? De rire ou de pleurer ? Si une lecture ne vous donne pas ça, ce n’est qu’un essaie….. Un brouillon. Je ne sais pas si ce texte que j’écris en ce moment même, que vous lisez alors que je l’ai terminé, vous procureras ce dont je parle. Je ne sais pas si cette histoire vous fera réfléchir. Je ne sais pas si vous la lirez jusqu’au bout. C’est simplement un désir, une envie de raconter. Prenez là comme une possible vérité.
Car, sous les décombres, c’est là que va commencez la véritable histoire….. Jusqu’ici, tout n’était qu’une mise en bouche ; un essai, comme ces bouts de pâtisseries dans les boulangeries : Simplement pour vous faire gouter un produit. Si la saveur vous a plût, alors vous continuerez- sinon, passez votre chemin et posez vos yeux sur un autre texte.

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Resterait-il seul à jamais ? L’obscurité était si profonde, les ombres si étouffantes….. La pierre avait rendue les ténèbres sans fin et palpables : l’humidité pesait sur l’air ambiant. Le temps se résumait à ses goulées lentes, et l’assèchement certain de sa bouche. Nathanaëlle faiblissait.
Le jeune garçon ne savait plus si ses yeux étaient ouverts ou fermés. Il n’y avait que les ombres moites, qui couvraient son regard d’une chape de noirceur sans fond. C’était là sa seule perspective : le Néant. Il n’y avait rien d’autre, pas moins ou plus qu’une constante solitude, pesante et désagréable.
Nathanaëlle ne pouvait que sentir le temps passer lentement au dessus de lui, pareil à une vibration tenue, qui se propageait dans le ciel, survolant les décombres. Ses sens s’étendaient jusque dans la pierre qui l’emprisonnait, jusque dans la terre où il était couché.
Est-il entrain de grandir ? C’était donc cela, la « puberté » dont parlait sa sœur ? Ce genre de secrets des grandes personnes ? Si c’était le cas, alors l’enfant pensa qu’il était déjà plus grand qu’il ne l’avait crut auparavant. Peut être qu’il n’avait pas cinq ans après tout.
« Si je suis grand, alors je vais devoir partir de la maison. » S’inquiéta le jeune garçon. « Et puis après, je devrais trouver une amoureuse, et avoir des bébés avec elle, et je devrais travailler….. Je veux pas être grand ! Je veux rester avec Papa avec Maman ! »
Des larmes vinrent à ses yeux, voiles humides sur ses prunelles claires. Il n’avait aucune envie d’être grand, ou même de grandir, tout simplement. Il voulait juste que ses parents reviennent, et qu’il n’ait plus à devenir adulte. C’était tout.
Dans ce moment de panique, Nathanaëlle se souvint d’un enfant, qui lui, n’avait jamais grandit. Un enfant éternel. « Peter Pan ! » Pensa le garçonnet. « Je vais faire comme Peter Pan, et je vais rester pareil. Et puis après, j’irais dans le Pays Imaginaire avec lui. » Du plus profond de son âme, il s’imagina autre part, survolant l’océan, qu’il avait vu une fois, puis passant au dessus des forêts. Il ne savait pas à quoi ressemblaient des forêts, vues d’en haut, mais ce devait être comme des grandes pelouses pensa t‘il. Et lui, il quitterait sa ville, laisserais les immeubles derrière lui, et se mettrait en quête d’une sylve, si rares à présent. Il n’y avait plus beaucoup désormais. L’homme les avait presque toutes abattues. Mais lui, il trouverait celles qui existaient encore. Lui, il planterait des arbres. Lui, ce serait le plus grand enfant du monde, qui n’aurait jamais grandit.
Ce que Nathanaëlle ignorait, c’était qu’il divaguait. La fièvre s’emparait lentement de son esprit, et le pliait en tous sens, pour le retrancher en des pensées délirantes. Et ce n’était pas que son être spirituel qui se tordait….. Lentement, le corps du jeune garçon changea de forme. Sa colonne vertébrale s’étira, sans qu’il ne le sente ou n’en prenne conscience. Ses orteils fondirent les uns dans les autres, pour ne laisser plus que deux masses de chairs épaisses, qui s’étirèrent lentement. Une chaleur infernale balayait tout son corps, enflammant ses poumons, son cœur, sa peau et jusqu’à ses os qui se dessoudaient, puis se ressoudaient brutalement. Des hurlements d’agonie emplirent ses oreilles, alors que ses cordes vocales vibraient à en s’en rompre. Puis, ce fut au tour de son crâne de se distordre. Il enfla, changea de forme, puis son contenu lui-même se distendu. Le cerveau du jeune garçon se fit une masse remplie de données, sur le monde, le réel, l’irréel, la matière, la Terre et l’espace, l’univers en sa totalité. La vie et l’existence avaient prit sens pour Nathanaëlle. Il ne le savait pas encore, mais plus rien ne pouvait lui être caché. Il était omnipotent, omniprésent, et précurseur d’une nouvelle ère.
Car sous les décombres, sa chair rosit. Un fin pelage le recouvrit, et les pierres devinrent poussières au contact de sa peau. Les yeux fermés, des oreilles devenues félines rabattues sur les côtés de son crâne, le jeune garçon venait de quitter sa condition humaine. Il était devenu autre chose.
Il était désormais l’unique représentant d’une race qui naitrait bientôt, grâce à un homme coincé sous d’autres décombres. Eux deux, formeraient un duo qui changerait le monde. Ces deux oubliés, écrasés par des ruines oppressantes….. Dans la douleur et de la solitude, ils venaient de renaître, de commencer une vie nouvelle, qui révolutionnerait l’évolution, la faune et la flore ; la pensée humaine. Ce n’était qu’une question de temps, avant que l’homme qui gémissait sous l’habitation qui c’était effondrée sur lui, ne devienne le deuxième. Maintenant que Nathanaëlle était Mew, c’était à Arcéus de naître.
Les deux premiers Pokémons s’élèveraient bientôt depuis les ruines de la civilisation humaine. Les Sacrifiés deviendraient les nouveaux maîtres du monde. Ce n’était plus qu’une question de temps …..
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06-06-2013 à 12:43:58
-2011-

Avec le vent

Avez-vous déjà entrevus, au gré d'un cauchemar saisissant, le pire des futurs qui pourrait engloutir le monde d'un étau de malheurs étouffants ? Vous êtes vous un jour demandés, si la liberté d'expression et de penser, pouvaient vous êtres retirées avec une douceur machiavélique ? Et si les êtres les plus vils, aux cœurs si sombres que même la nuit n'ose les glacer de son étreinte, en venaient à devenir ceux qui dictent les lois ? Seriez vous assez valeureux, pour vous dressez contre l'indolente tyrannie qui happerait ce que vous considériez comme acquis ? Il est triste de penser, qu'en toute vanité, vous affirmerez que oui, que vous seriez capables de cette noblesse d'esprit, de cette incomparable acte de courage suicidaire, de cette mise en holocauste de votre être. Mais en réalité, voyez-vous, sûrement serrez-vous de ces couards qui se laissent tuer par le poison nouveau galopant en les artères de la société. La chance est moindre, qu'un seul de vous soit de ceux qui seraient près à mourir en défendant une cause.
Mais après tout, que y'a-t-il de plus normale ? Les héros sont toujours stupides. J'en suis une preuve flagrante, là, laissée à terre, comme un vulgaire cadavre. De toute manière je serais bientôt de ceux qu'on enterre. Ah, et bien sûr, je n'aurais pas de ces sépultures décentes que l'on offre à nos cauteleux dictateurs ! Je finirais sûrement au fond d'une fosse débordant d'un amas de corps entremêlés, ou bien simplement oubliée là où on m'a abattue, pour avoir oser me lever contre ceux qui mènent la destruction de leurs mains monstrueuses, tenant les ficelles de notre société affamée d'espace, qui se déroule lentement en un tapis hérissé, pour couvrir la terre de villes aux allures d'hydres titanesques. J'ai voulut me battre contre notre voracité, et ce sont les agents de la mort qui m'ont accueillis, armes en mains. J'ai crus à la lettre d'espoir que l'on m'a offerte comme un appas, et j'ai marchée jusqu'à cette colline ; la dernière qui n'a pas été dépouillée son tapis de verdure. Et tout cela pour quoi ? Des balles qui ont perforées ma chaire, et du sang qui s'écoule. Je ne suis qu'un gâchis de matière.
J'ai envie de hurler quelques infamies, pour maudire tous ceux qui vivent encore en ville. J'ai envie de me relever, comme portée par la brise, puis de descendre à toute allure vers les grandes cités grises. J'ai envie de bousculer les passants, de leur crier de se révolter, puis de m'envoler jusqu'aux célestes bureaux des hommes politiques. J'ai envie de briser les vitres de leur immeuble, puis de les attraper pour les en balancer. Allez donc vous écrasez par terre, voleurs ! Monstres, odieux manipulateurs, cœurs de pierre et de métal, créatures du mal ! Vous êtes les pires d'entre nous, et pourtant, vous voici au pouvoir, entourés de vos cortèges de sombres charognards, ceux que l'on nomme « maires » et qui se repartissent les villes du monde et leurs habitants, comme des tranches d'une viande juteuse..... Vous n'êtes que des vampires, volant la vie qui appartient à la terre, et celle qui habite le peuple. Vous vous engraissez, posés sur des chaises, les yeux rivés sur vos comptes en banque débordants d'une richesse prise au prix de la nature et du bonheur. Mais malgré le malheur que vous propagez, vous voilà heureux, béats, répugnants reliquats d'humanité qui dictent la bonne parole.
Et moi, je me meurs lentement, seule, abandonnée aux caresses glacées d'un vent d'hivers. Les cieux semblent déplorer le monde qui s'étend sous lui ; piles de cités grises qui rongent les plaines de Bandornie. Il voit jusqu'à la mer lointaine, qui se couvre de grandes tours bétonnées sous les machines de l'homme. La civilisation s'étale, sinueuse, morne et malfaisante, présence cacophonique qui fait s'enfuir les derniers pokémons sauvages. Des vols de Roucoules aux plumes blafardes, survolent les villes horrifiques, monstrueuses. Ils témoignent du mal que répand notre race, empoisonnant la terre et ses habitants. Nulle pitié pour la nature qui nous a bercées si longtemps auparavant, transformant les singes que nous étions en êtres avides et sans conscience. Désormais, seule reste de la faune, celle qui contribue à notre vie à nous ; éparses espèces parquées, clonées, maintenues en vie pour nous offrir leurs chairs dont tant de citoyens se délectent. Ils arrachent la peau et les muscles, baignent la viande cuite, dans le sang qui stagne au fond des assiettes..... Les os se font des récompenses pour Arcanins et Ponchiens de salon, qui servent d'amusement à nos enfants élevés par d'insensibles infirmières. Joëlle n'est plus, ni souriante, ni attentionnée. Elle débite ce que le gouvernement a implanté dans son cerveau à sa naissance, en des laboratoires austères. Elles ne vivent que pour réciter d'interminables tirades, sur l'homme et sa gloire construite sur la souffrance et la mort. Un flot d'inepties valorisants ce que nous sommes : Des monstres haineux, envieux, désireux de couvrir le monde de cités grises, tortueuses, construites pour héberger la population croissante. Oui. Nos citoyens qui ne vivent plus que pour procréer, comme prit d'une frénésie les contraignant à copuler furieusement, pour étouffer le monde sous notre écrasante supériorité numérique. Ces mêmes citoyens, gavés d'une impossible quantité d'inepties vaniteuses, allant jusqu'à faire d'eux des êtres divins, choisis par Arceus pour dominer la terre, en lui imposant un joug de violence et de pollution. Qui aurait put prédire une pareille manipulation ? Les puissants qui tirent les ficelles avaient pensé à tout ! Ils nous ont donné l'illusion d'être les maîtres, et nous les avons crus. Quels pauvres moutons nous avons fais. Quels pauvres idiots nous faisons maintenant.
Ah, et voilà où m'ont conduis ces pensées que j'ai longtemps cultivées en secret, avant d'oser les revendiquer..... J'agonise sur la dernière colline saine de Bandornie, surplombant les plaines d'herbe rase. Et puis-je m'estimer heureuse de mon sort ? Oui. Car je me meurs en un espace préservé de notre corruption. Ma vie s'étiole et se délie, mais va nourrir la terre qui supporte mon corps. Que je dois paraître frêle, ainsi couchée au sommet de cette colline, là, nue et offerte ! Et pourtant, que les caresses du vent sont douces..... Que cette herbe verte, presque unique désormais, me parait tendre et moelleuse..... Est-ce la mort que j'ai cherchée en hurlant face au monde ? Ais-je inconsciemment, toujours voulue courir vers ma perte ? Peut être ais-je toujours sus, que je finirais ici. Là, étendue face au ciel gris. Moi et ma chaire frémissante, froidissant alors que des brises glacées emportent ma chaleur, me l'arrachent tendrement. La mort est douce parfois. J'espère que mon âme suivra le vent qui souffle.
Oui, voilà. Je veux m'en aller avec le vent.
06-06-2013 à 12:45:17
2010-2012


Porcelaine

Un seul visage peut changer un homme. Je le sais. Car il y'en a un, qui a embrasé mon esprit, au gré d'une rencontre qui me fut fatidique.
L'incendie qu'il a allumé en mon être, brûle jour et nuit sous mes paupières. Le sommeil se refuse à moi, me rejette et me maudit. Je me damnerais pour pouvoir dormir... Mais c'est impossible. Chaque fois que mes yeux réclament leur couverture de chair, chaque fois que je cède à la tentation de laisser Morphée me porter, c'est pour voir brûler ce feu infâme. Il est toujours là, maléfique et carmin, crépitant dans les ténèbres. C'est une flamme immense, au milieu d'une mer d'ombres. Il m'est arrivé de me demander, pourquoi l'incendie n'emplissait pas entièrement le dessous de mes paupières.
Avec le temps, j'ai cru trouver une réponse : Ce sont les ténèbres profondes qui lui permettent de brûler. Ce sont mes ténèbres à moi. Je suis le combustible de l’enfer qui me ronge... Mes ténèbres... Peut être...
Elles sont toujours présentes, glissant, s'écoulant, noyant mon cœur et mes poumons, remplissant le corps qui les accueille de leur grouillement malsain. Je ne suis plus qu'un calice, dans lequel remue une colonie de vers obscurs. Mon dégoût de moi-même est devenu tel, que j'ai déjà songé à m'arracher la peau, pour que les ombres s'en aillent. Mais à quoi bon ? J'ai la certitude que même la mort ne pourra me libérer de ce calvaire. Je ne ferais que me précipiter vers des ténèbres éternelles.
Et une sombre ironie, me murmure que mon enfer se composerait d'un unique incendie, acharné à réduire mon âme comme mon corps à une loque funèbre.
Et dire que tout cela a commencé par une simple curiosité, dont j'aurais dû m'abstenir… Bah, écoutez-donc mon passé. Autant que ce que j'endure serve de leçon à d'autres dresseurs ignorants. Vous seriez stupides de passer votre chemin, sans que je ne vous conte mon histoire. Elle pourrait vous sauver.
Bien. Êtes-vous prêts ? Alors, avant tout, ne vous rendez jamais au Manoir qui croupit dans la forêt de Vestigion. Car c'est là que je l'ai rencontré.


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Il y’a de ces jours, qui semblent décidés à n’être qu’une suite de malheurs et de mauvais choix, emboîtés en une poupée russe infernale.
Celui qui me vit changer était de ceux là. Jeune dresseur téméraire, habitant de la petite bourgade de Vestigion, je venais de perdre un autre combat, dans l’arène où la pétillante Flo’ attendait qu’on ne vienne la défier. Las et éreinté, j’ai observé avec une certaine jalousie, le talentueux garçon qui venait de me terrasser. Il disparut, pokéball en main, souriant, sans plus soucier de moi, qui couvert de feuilles, jouais mon rôle de vulgaire figurant -comme d’habitude-. Je soupirais, et me dirigeais vers ma pauvre Roserade, qui était encore sonnée, face contre terre. Une fois de plus, elle avait été vaincue, par ma faute, à cause de mon manque de tact et de stratégie, qui nous menait tous deux inextricablement vers d’amères défaites. Je la soulevais tendrement, soucieux de lui avoir fait endurer un raté de plus. J’abandonnais derrière moi mon vulgaire camouflage de feuilles tressées, dépité et d’humeur trop sombre pour avoir le courage de sortir affublé de ce costume ridicule. Alors que je passais la porte de l’arène, j’eu la soudaine envie d’abandonner ma vie misérable, et mon rôle de passoire qui devait laisser se faufiler les élus dignes d’affronter Flo’. Autant, certains auraient pu être qualifiés de véritables murs, autant étais-je malgré mon ambition pleine d’espérance, un dresseur médiocre, et rien de plus qu’un ustensile de cuisine juste bon à affaiblir des adversaires qui n’avaient eux, que du talent à revendre. La vérité était dure, mais belle et bien présente, dans toute sa cruelle véracité : je n’étais pas fais pour être dresseur. Mes compétences scolaires ne valaient pas bien mieux, et aussi me demandais-je comment j’allais finir. J’étais sans talent, sans désirs réalisables, et visiblement destiné à rester coincer dans le petit village de Vestigion, avec sa population vieillissante et son arène où je subissais que des défaites. Ce constat m’emplit d’amertume, et je me dis que ma seule chance, avait été d’avoir un jour capturé un Rozbouton dévoué, qui comblé par l’affection que je lui portais ( faute de réussir à en faire un Pokémon puissant, je lui offris tous ce qui en moi, ne réclamait pas de capacité particulière ), était devenu un magnifique Roselia. Je ne devais par contre, son évolution qu’à une chance illusoire, qui me fit un après midi, deux ans auparavant, déterrer une pierre éclat alors que je m’occupais de travaux de jardinage dans le jardin d’une vieille femme. Généreuse, celle-ci m’avait prié de garder l’étrange minéral, dont elle disait ne pas avoir d’utilité, en soulignant le fait qu’il serait mieux entre mes mains, que posé sur une étagère pour servir de décoration. Elle déclara d’ailleurs ceci sur un ton de menace, comme me défiant de refuser son gage, et de laisser la pierre finir son existence entre deux porcelaines couvertes de poussière.
J’acceptais avec la plus grande déférence, et utilisait ce présent pour faire de ma Roselia, une magnifique Roserade aux fleurs épanouies.
Mais finalement, tout cela pour quoi ? Des défaites qui s’entrelaçaient en un maillon de honte, m’enchaînant à ce village que je voulais éperdument quitter. Mais le destin semblait décidé à faire preuve de cruauté, et aussi, malgré mon envie de partir sur les routes, je ne pouvais que rester piégé ici, par peur de ne plus trouver ma place en ce monde si je quittai celle de perdant, que je m’étais tranquillement faite après deux ans à combattre dans l’arène de Flo’. J’étais un couard conscient de sa lâcheté, et rien ne pouvait plus me blesser que ce constat, qui lacérait aussi bien mon amour propre que ma volonté- dont il ne restait d’ailleurs que des lambeaux grisâtres. Même en sachant que je n’étais qu’un pleutre, je n’arrivais pourtant pas à me résoudre, et continuais de vivre dans la morne lassitude qui me servait d’existence.
Abattu, j’entrais dans le centre de soins du village, et adressais un sourire misérable à Joëlle. C’était une belle femme, aux formes généreuses et au visage avenant, qui calamistrait toujours ses cheveux roux aux reflets roses, impeccables boucles se déployant sous son haut chapeau, assortit à son uniforme d’un incarnat tendre. Elle soupira, mais prit délicatement la Roserade d’entre mes mains, avec une petite moue désolée.


-Je suis navrée Léonard.

-Bah, ce n’est rien. Je commence à m’habituer à ce rôle de perdant qui me sied si bien.

-Il ne faut pas dire cela, voyons ! S’exclama l’infirmière avec un air réprobateur.
Ayez au moins la décence de ne pas abandonner, alors que votre Pokémon croit encore en vous ! Il se bat car il a confiance. Si vous n’avez pas confiance en le vôtre, fiez-vous tout de même à son jugement Léonard, ou ne la laissé plus ainsi espérer vainement !

-Vous avez raison, déclarais-je d’un ton pitoyable.
Il faut que je continu d’être à la hauteur, au moins pour elle. Je ne peux pas la contraindre à faire l’impasse sur ses rêves... Elle aussi veut voyager et se devenir plus forte. Elle veut que je devienne un dresseur qui nous mènera vers la victoire. Alors je dois au moins essayer, encore et toujours.

-Et bien voilà, pensez à cela Léonard ! Il faut garder espoir. Tout le monde rencontre des difficultés dans la vie, mais ce n’est pas une raison pour abandonner toutes ses espérances ! Hauts les cœurs ! Je vais remettre votre Roserade sur pieds, et d’ici ce soir, elle sera de nouveau prête à se battre pour vous. Pour sa foi en VOUS !

Joëlle m’adressa un énorme et lumineux sourire, puis se retourna pour se diriger vers la salle d’opération. Je restais un instant à l’observer s’éloigner, maussade et sombre, toujours convaincu que je ne valais rien, et qu’aucune parole ne pourrait changer cela. Après que la porte ce soit refermer derrière l’infirmière et son généreux mouvement de hanche, je sortais du centre, et commençais à vagabonder sans but précis dans les rues quasiment désertes de Vestigion.
Les quelques passants qui vagabondaient sous le soleil d’été, m’observaient avec scepticisme. Je devais avoir l’allure d’un croque mort, vêtu d’une chemise et d’un haut noir, assortis d 'un pantalon large tout aussi sombre. A cela, s’ajoutait mon expression sinistre, collée sur mon visage pâle dévoré par un semblant de barbe brune. Les coups d’œil inquiets ou compatissants de ceux qui me connaissait, me plongèrent dans un mutisme plus profond encore, et je décidais d’aller m’exiler dans la forêt jusqu’au soir.


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Ce qu’il y’a de beau dans le silence d’une sylve, c’est qu’il n’est jamais complet. On peut toujours y déceler un bruissement dans l’herbe haute, le souffle du vent qui murmure un secret inaudible aux feuilles, ou le vrombissement serein d’un Apitrini à la recherche du nectar onctueux des fleurs sauvages. J’ai toujours été attiré par ces lieux enchantés, ombragés par les arbres endormis, avec pour sentinelles les buissons de baies sauvages qui parsemaient la grande forêt. Elle baignait dans un calme vivant, toujours ponctué d'apaisantes chansons par l’existence des Pokémons qui l’habitaient, l’entretenaient, en transportant les fruits, en déblayant les terrains trop touffus... Dans l’atmosphère tamisée, chaude, je retrouvais le sourire. Je remarquais alors une lueur, entre les feuilles d’un arbre. Un Feuforêve au sourire malicieux et au regard mutin, me fixa un instant depuis une branche, puis disparut en gloussant. Je connaissais la plupart des Pokémons de la forêt, et aussi me dirigeais-je vers le tronc, en laissant filer un sifflement d’entre mes lèvres. Les grands yeux écarlates de la petite créature ténébreuse, apparurent dans les feuillages. Elle s’échappa dans un nouveau gloussement, lévitant jusqu’au sol, puis s’enfonça dans l’herbe. Je la suivais, toujours portant pour participer aux petites courses que me proposait l’espiègle Feuforêve. Je rentrais à mon tour dans la zone herbue, en calculant mes pas, pour éviter de malencontreusement écraser un Mystherb somnolant. ( Cela m’étais déjà arrivé, et je puis vous assurez que malgré leur apparente faiblesse, mieux vaut ne pas les troubler ! )
Je passais sans encombre l’épaisse étendue d’herbes ondulantes, puis continuais mon chemin. Mes yeux captèrent le regard luisant et pétillant de la meneuse du jeu. Elle me sourit, et se faufila entre deux petits arbustes. Un instant j’hésitais. Depuis ma position, je remarquais déjà le grand manoir, qui s’élevait depuis les arbres en une masse ténébreuse. Il paraissait s’affaisser toujours un peu plus, comme un monstre s’assoupissant avec le temps. Tout de pierres et d’ombres, imposante demeure abandonnée et livrée aux Fantominus, elle restait un mystère autant pour les habitants de Vestigion, que pour le reste de Sinnoh. Personne ne savait vraiment à qui avait appartenu le manoir, ni pourquoi il avait été ainsi délaissé. Car malgré l’aura sinistre qu’il dégageait, un passé grandiose se devinait encore dans les teintures somptueuses qui couvraient le sol des grandes salles, la statue de marbre qui reposait dans le vestibule, et les escaliers en bois de chêne- bien que ceux-ci soient désormais rongés par l’humidité ambiante... De ce qu'on en disait. Je n'y avais jamais été moi même.
J’avais toujours sentit de l’angoisse s’enrouler en une boule pesante, tout au fond de mon ventre, comme un sac remplit de billes en plombs, chaque fois que j’approchais de la vieille bâtisse. Étais-ce une peur irrationnelle ? Sur le moment, je pensais que oui. La seule chose qui m’effrayait véritablement dans ce manoir, me disais-je, était les histoires que l’on contaient sur lui à la tombée du jour, pour se faire peur entre amis au coin d’un feu où grillent des marshmallow. Et rien de plus, comme je m’en convainquais alors.
Je balayais mes doutes et craintes d’un revers mental, puis courait à la suite du Feuforêve. Je passais la barrière de deux arbustes, puis déboulait devant le sombre château. De l’herbe haute et des buissons s’étendaient jusqu’au pas de la porte en chêne massif, qui était couverte de lierres et de mousse. Les arbres étendaient leurs frondaisons jusqu’au dessus de cette petite clairière. Au centre des bras ondulants de l’herbe, il y’avait une vieille table de fer forgé, toute en courbes et en motifs. Sa peinture pelait, comme si elle voulait se débarrasser d’une peau blafarde, pareille à celle d'un reptile albinos. Dans un frisson glacial, il me vint à l'esprit que ces pieds semblaient d'affreux Abos blafards. La table ne m’évoquait qu’une nature erronée.
Mais il y’eut une vision, qui fut plus forte encore. Elle me stupéfia tant, que j’en restais bouche bée. Une jeune fille, n’ayant pas encore dépassée l’âge à deux chiffres, une tasse ébréchée portée à ses lèvres carmines, était assise sur une chaise posée devant la table. La Feuforêve tournait autour de son visage pâle, encadré d’une chevelure blonde bouclée. Elle m’observait de deux yeux d’un bleu aussi profond que celui de l’océan. Je restais un instant muet. Elle posa sa tasse, et me sourit. Un instant passa, pendant lequel une lueur malicieuse brilla dans son regard marin. Puis elle repoussa vivement sa chaise, et s’échappa en courant. Je sursautais comme si un tisonnier venait de marquer ma chair de son fer brûlant. La fillette s’arrêta devant la porte en chêne, qu’elle ouvrit d’une main, et me jeta un coup d’œil plein de défis. La Feuforêve voletait à côté d’elle. Toutes deux me souriaient. La porte se referma, rabattant sur la scène son bois épais. J’hésitais. Qui était cette étrange fillette ? Que faisait-elle ici ?
Je me rappelais de toutes les histoires effrayantes contées au coin d’un feu. Je me rappelais des ombres fuyantes et des regards sanglants, que tissaient les paroles de mes amis. Et je me rappelais des prétendus malheureux, qui disparaissaient derrière les portes du manoir, entraînés dans des ténèbres glacées où des créatures léchaient leur corps de leurs langues râpeuses. Il n’y a pas un mythe qui échappa à ma mémoire, alors que je fixais les battants de chêne sculptés, dont les ornements foliaires rongés par l'humidité, rappelaient des pétales de rose séchés par le soleil.
Je levais la tête vers le ciel, occulté par les épaisses frondaisons de la forêt Vestigion. Un sourire ironique se dessina sur mes lèvres. Quel soleil ? Il n'y avait que des ombres ici. Des ombres rampantes, qui sifflaient avec l'entrain de serpents défendant leur territoire. Ou alors n'étais-ce que mes oreilles, qui s'étaient mises à bourdonner, à cause du silence oppressant ? Mon esprit chuchotait peut être tout seul à l'intérieur de mon crâne. Et ce désert auditif faisait ressortir mes pensées sous un jour sinistre. En cet instant, ce n'était plus un silence de forêt qui m'entourait. Celui-ci partageait une ressemblance avec l'un de ceux qui rôdait dans les cimetières, traînant autour des sépultures en étouffant les bruissements de vie du monde extérieur. J'avais l'impression de m'être aventuré au beau milieu d'un lieu maudit par la mort.
Ce n'était peut être pas si faux. Mais non. Impossible. Les malédictions sont la croyance des imbéciles. Je le suis, parfois, mais pas là. Je ne pouvais décidément pas me laisser envahir par le peur, là, comme un jeune enfant encore couard de la vie ! Non, j'allais entrer. Et ce Feuforêve m'avait défié, tout de même ! De plus... La fillette m'intriguait. Qui était-elle ? Et quelle était la raison de sa présence en ces lieux ? Ces interrogations me poussèrent plus que tout à pénétrer à sa suite, dans le manoir. Vaincre sa peur n'était pas plus qu'une question de curiosité.
Je traversais la pelouse, passant près de la table blanche qui pelait lentement, puis le laissait derrière moi, en ayant l'impression désagréable qu'une présence ricanait dans mon dos. Stupide esprit bourré de superstitions. Je m'arrêtais devant les portes, et les ouvrais en bandant mes muscles, qui n'étaient d'ailleurs guère développés, ce qui me fit paraître plus ridicule qu'autre chose, pensais-je. Il me vint alors à l'esprit, qu'il était incongru que la fillette ait put les ouvrir si aisément. Certes, je n'avais pas moi même la carrure d'un lutteur, mais de là à se trouver être plus faible qu'une jeune fille de huit ans tout au plus... ! Je préférais m'abstenir d'y penser, pour ménager mon amour propre, déjà rudement mis à l'épreuve ce jour ci.
Mes bras finirent par arriver à bout des deux battants de chêne. Je pénétrais dans le vestibule du manoir, pris d'une quinte de toux, quand mes pas soulevèrent un nuage de poussière moutonneuse. Il s'envola autour de moi, et s'échappa vers la clairière, comme une foule terrifiée qui se voyait enfin capable de laisser sa prison derrière elle. Je le suivais du regard, et l'intérieur de mon ventre se noua. Entourée d'ombres épaisses, les portes semblaient être un passage vers une idylle perdue. Le simple fait de me retrouver en ce lieu, transformait la clairière dont je venais en paradis vertueux et gaie. Je me retournais, et faisait face au large vestibule. Deux grands escaliers rongés par l'humidité s'élevaient vers un étage supérieur, qui me parut vertigineux et défiant les lois de la gravité : tout en marbre blanc strié de gris. Ce lieu avait dut être incroyablement lumineux, avant. Désormais... S'était une tout autre histoire. Chaque respiration m'immergeait un peu plus dans l'ambiance sinistre du manoir. J'avisais les escaliers, et me dit que la fillette n'était sûrement pas montée. Cela lui aurait été impossible, de toute manière. Je portais donc mon regard vers les grandes portes de bois blanc, qui se trouvaient être au centre du vestibule, entre les deux escaliers. Près d'elles, dormait une statue de pierre grise, yeux fermés, comme recroquevillée sur elle même. Des traits noirs avaient été dessinés partout sur son corps, pareil à des sutures le découpant de manière macabre. Je frissonnais. Les vandales qui avaient fait cela devaient avoir un goût prononcés pour le glauque.
J'inspirais, puis marchais jusqu'aux portes, quittant le rectangle de lumière dessiné par la porte, pour pénétrer dans l'atmosphère glaciale de la pénombre grisâtre. Un grincement me fit sursauter. Il provenait d'au dessus de moi. Je levais vivement la tête. Ce n'était qu'un lustre en bronze. Il se balançait au bout de sa chaîne, pendant depuis le plafond. Un souffle de vent avait dût l'agiter. J'eu un sourire nerveux, pour me rassurer. Mes craintes se faisaient de plus en plus irrationnelles !
Je marchais d'un pas décidé jusqu'aux battants blancs, et sans jeter un seul regard à la statue qui les gardait, poussait dessus avec force.
Elles s'ouvrirent, laissant s'échapper l'exhalation fétide de la pourriture. Je plissais le nez de dégoût, agressé par ce souffle d’outre tombe. Mais maintenant que j’étais entré, il n’était pas question de reculer. Et puis... Dehors, il y’avait cette table reptilienne, dont les pieds m’évoquaient des Abos moqueurs. Plus que tout, ce souvenir porta mes pas jusque dans la pièce puante. En passant la porte, je ressentais un certain malaise. La clairière et son salon de thé qui pelait, me paraissaient moins bien angoissants à l’instant... Et pourtant, je ne reculais pas, et pénétrais dans cette antre fétide.


Mes chaussures s’enfoncèrent dans l’épais tapis rouge, humide et spongieux. Je fis glisser mes yeux sur la salle. Une grande table de bois sombre, vérolée par les lichens, sur laquelle des assiettes vides n'avaient plus contenues autre choses que d'indéfinissables embrouillaminis, les toiles vaporeuses de mimigals pour seule compagnie. Quelques chandeliers drapés de voiles filandreux, des chaises renversées, brisées, carbonisées pour certaines... La nappe blanche était déchirée par endroits, et des lambeaux noirâtres jonchaient encore le sol. Des éclats de verre brillaient doucement, atteins par la lumière laiteuse et tamisée filtrant depuis les grandes fenêtres opaques qui se découpaient sur le mur du fond. Au plafond, l’armature d’un lustre en bronze pendait, macabre parodie du luxe qu’il avait dût incarner. Je ne remarquais rien d’autres, dans le sinistre décor. Malgré tout, j’avançais dans ce qui, en un temps lointain, était sûrement une salle à manger. M’approcher de la table ne fit que mettre mes malheureuses narines, plus encore à l’épreuve. Je restais donc à l’écart de celle-ci, sans pour autant cesser de la longer. Je marchais d’un pas rapide, aussi, arrivais-je vite devant une porte fracassée, dont les échardes pourrissantes formaient un tapis peu avenant. Néanmoins, je me glissais dans l’ouverture déchiquetée, et posais le pied sur le sol carrelé. Il glissait, et je dus me rattraper au mur. La fresque ballante qui le couvrait me sauva. J’y restais collé, malgré l’humidité qui mouilla la peau de mes bras. Ainsi aplatit contre le mur, je me laissais aller à un nouvel examen, de ce lieu cette fois-ci.
Il me paraissait que c’était une cuisine. Large, noyée dans l’ombre, seules quelques lucarnes sales l’éclairaient légèrement, dévoilant de longues rangées de fourneaux, de tables, et un âtre de pierre grise tout au fond. Des ustensiles gisaient partout, éclats métalliques au milieu de la lourde noirceur, et certains étaient même plantés dans les murs. Je commençais à me demander ce qui avait secoué ce manoir. Les lieux semblaient avoir été ravagés par une violente bataille. En baissant les yeux, j’avisais des couteaux tordus, dont les lames pliées se recourbaient vers l’arrière. Ils étaient près de mes pieds. Je reculais, toujours collé contre le mur, et sortait de la pièce, troublé.
Plus que jamais, le manoir me paraissait sinistre. J’en étais certain : il avait été le théâtre d’une sanglante tragédie. Tout s’accordait envers cette hypothèse. Au premier regard, déjà, ce qui m’avait parut glauque, devenait maintenant carrément funèbre. J’y voyais bien plus que ce que mes yeux m’avaient montré au début. Un insondable mystère entourait ces lieux.
Cela me mettait mal à l’aise. Et m’excitait. J’avais oublié la défaite endurée plus tôt dans la journée. Le manoir et son aura inquiétante aspiraient tout entier mon esprit, en mille échafauds d’hypothèses absurdes : Peut être était-ce un de ces endroits maudits, comme il n’y en avait que dans les contes ? Un cimetière sous les fondations ? Des spectres dans les murs ? Et où étaient les lueurs fugaces, le sang qui coulait le long de la tapisserie ? J’attendais tout cela, comme dans un film d’épouvante.
Mais je me trompais. L’horreur était bien plus subtile... Et elle n’émanait pas des murs.
Alors que mes pensées tournaient toujours en une valse sinueuse, un gloussement fit courir un doigt glacial le long de mon échine. Je me dressais, frissonnant. La fillette... La jolie blonde aux anglaises épaisses, son regard azuré qui me lançait un défi... On me rappelait à ma tâche : j’étais ici pour la chercher. Et je savais que ce n’était pas une présence anodine. Elle était la clé de tout. De cette histoire... Et en cet instant, je balayais d’un revers toutes mes autres hypothèses. Tout cela n’était pas assez sombre. Il y’avait quelque chose d’autre, de bien plus horrifique qui se cachait reclus entre ces murs. Ce n’était pas une de ces vieilles légendes de tombes qui dorment depuis cent ans, avec leur lot de zombis titubants et de fantômes réclamant vengeance... Non. C’était l’histoire d’une fillette. Je le sentais. Ce gloussement qui m’appelait ; oui. Il voulait tout dire. Il me signifiait que la maison n’était que le décor. Que tout tournait autour d’elle. Le reste... Simplement un grand mur, pour masquer la vérité. Il y’avait une porte à ouvrir, et dans la pièce de l’autre côté du battant, la réponse à mes interrogations. Je devais trouver la fille. Et je savais où. Le gloussement... De derrière moi. Il avait jaillit de derrière moi. Je me retournais. Une des grandes fenêtres était ouverte. Une baie vitrée. La couche de poussière m’avait cachée son encadrement. Mais plus maintenant. La poussière rampait sur le sol, brume grisâtre qui s’étendait en volutes reptiliennes à la surface du tapis. Elle s’était réveillée. Je m’avançais, lentement, fébrile. Un flot de lumière dorée jaillissait depuis l’ouverture. Je me stoppais un instant. C’était anormal... Les autres fenêtres ne laissaient filtrer qu’une faible radiance grise. Mais un pareil éclat... Même la crasse des carreaux n’aurait pu le cacher. Étais-ce un autre monde qui m’attendait au-delà de cette abondance solaire, en apparence chaleureuse ? Il me le semblait. Je n’avais peut être pas tord. Je ne sais pas, encore aujourd’hui. Peut être étais-ce bien le cas, ou peut être pas. Je ne savais pas, et pourtant, j’avançais, papillon de nuit que l’envoûtante lueur de ce dehors inconnu attirait implacablement. Allais-je, comme tant d’autres insectes nocturnes, m’y brûler les ailes, réduit à l’état d’un petit corps carbonisé échoué sur le sol ? La pensée m’effleura.
Mais j’entrais pourtant dans cet or éthéré, me laissant guider par l’instinct, stupide et faible face au magnifique danger qui m’attirait vers lui...


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« Paym ! Arrête un peu de tourner ! Tu me donnes mal à la tête ! Je me sens mal Paym... Allez, viens, on rentre, si il te plait. J’en ai assez du jardin... Il fait trop chaud. »

C’était une petite voix fluette. Une voix de fillette. Elle paraissait fragile, souffreteuse. Malade. Oui. Elle était malade. De quel maux souffrait-elle ? Il n’y avait plus que mon regard en cet instant. Je ne sentais pas le reste de mon corps. Il était plus simple d’observer, quand on se retrouvait cantonné à deux yeux suspendus dans le vide. Je su tout de suite, en la détaillant. Ses traits fins, altiers, dont la pâleur empruntait sa pureté à la neige immaculée de Frimapic... Les longues boucles blondes, en anglaises, qui tombaient sur ses épaules étriquées, cascade dorée le long de son dos, jusqu’à sa poitrine. Et cette robe rose froufroutante, tout en dentelles blanches et en soie incarnat, qui ne cachait pourtant pas ses pieds chaussés de souliers noirs propres et luisants. Un de ces petites nobles à la blondeur parfaite, dont les racines de l’arbre généalogiques remontaient sûrement jusqu’au moyen-âge, période sanglante dont bien des contes s’inspiraient pourtant... Oui, je le su en l’observant, fillette fragile agenouillée dans la pelouse verte parfaitement taillée.
C’était une consanguine. Une albinos. Une poupée de porcelaine grandeur nature, dont la délicate beauté m’ensorcelait. Elle ne me voyait pas. Moi, je n’avais d’yeux que pour elle. Tant et si bien, que je ne vis le Feuforêve, que quand il alla se poser sur ses genoux. La fillette l’observa d’un regard suppliant. Que ce passait-il ? Son regard… Elle le détourna au bout de quelques secondes. Une bataille venait de se jouer, mais je n’en avais vu que la moitié. Un enjeu étrange. J’y repensais. Elle voulait rentrer. Pas son Pokémon, visiblement. Mais sans que je ne puisse en exprimer la cause, je sentais que ce n’avait pas été une persuasion amicale. La fillette paraissait terrifiée. Je vis ses yeux briller légèrement. Des larmes contenues. Elle ne dit pourtant rien, et resta muette, les yeux fixés sur un coin de la pelouse, avant de reculer pour s’asseoir contre le tronc d’un saule pleureur. Le Feuforêve parut satisfait, et retourna en lévitant sur le sol, pour entamer un parcours laborieux à travers les ombres du jardin. Il ne quittait pas celles-ci. Cela me parut encore plus étrange. Pourquoi vouloir rester dehors alors ? Je voyais la peau de la fillette qui commençait à luire. De la transpiration. Elle ne bougeait pas pourtant. Toujours assise. Ses yeux se fermèrent. Elle plongeait dans ce qui semblait être une désagréable torpeur. Ses lèvres roses étaient pincées. Le Feuforêve, lui, se baladait tranquillement dans les ombres.
Leur relation me laissa perplexe : un pokémon ténèbres qui obligeait sa dresseuse à supporter, ce qui, à en juger par le ciel éclatant, devait être une torride journée d’été ? Mais sans quitter les quelques zones ombragées ? Pourquoi vouloir lui faire endurer un pareil traitement ? C’était à la fois odieux et incompréhensible... Quelle étrange situation.
En cet instant, je ne pensais pas à la singularité à ce qui m’entourait. La lumière crue, les vertes pelouses, les massifs de fleurs, et les arbres bien taillés qui dispersaient leur ombre sur le sol ; toutes ces choses qui n’avaient pas leur place en cette époque. C’était un jardin du siècle dernier. De plus, étant donné l’insalubrité du manoir, celui-ci n’aurait jamais dût être aussi bien tenu. Et ce ciel d’été... Nous étions en automne, et des nuages gris chargés de pluies alourdissaient l’horizon. Le soleil perçait à peine cette gangue orageuse. Mais pas ici. Pour le moment, cependant, je n’y pensais pas, absorbé par la contemplation des deux occupants du jardin : la fillette, torturée par la chaleur, et le Feuforêve qui continuait son manège. Le lien entre ces deux là devait être des plus complexes... Je pouvais presque sentir le rapport de dominance qui s’était établit. Un rapport inversé. Un pokemon qui dirigeait sa dresseuse. Un frisson parcourut mon échine. C’est en cet instant que je repris conscience de mon corps. Et que le décor qui m’entourait me parut enfin étrange. Je reculais, soudain parcouru de sueurs froides. Tout cela n’était pas normal. Mon dos heurta la porte. Fermée ? Pourtant... Je me retournais.
Derrière la vitre, la salle à manger se présentait dans toute sa splendeur. Le tapis rouge aux motifs dorés était impeccable, de même que les murs, dont le papier peint bourgeois arborait une teinte verte clair vieillotte, et sur lequel une frise magnifique courrait. La grande table de bois était dégagée, les chandeliers nus de toute toile, et la pièce luxueuse baignait dans une lumière éclatante, qui donnait au marbre blanc du sol, une apparence plus majestueuse encore. Aucune trace de crasse, de pourriture, d’humidité, d’objets brisés. Une servante joufflue marchait même d’un pas pressé vers les cuisines, un Ponchien sur les talons. Tout était serein. Le manoir m’apparaissait dans toute sa splendeur. Nouveau frisson le long de ma colonne.
Je me retournais encore, le cœur battant à une cadence folle, s’écrasant contre la cage des mes os avec une violence, avant de retourner valdinguer à l’autre bout de sa prison. J’étais totalement désemparé, et pire ; effrayé. En entrant dans cette lumière, je venais de mettre un pas dans le passé. Un écho. J’étais un fantôme perdu en une autre époque. Personne ne me voyait. Moi, c’était une autre histoire.
Je calmais mon palpitant malmené, en respirant lentement. Il ne fallait pas m’inquiéter. Un écho, c’était une chose éphémère. Un écho, cela s’éloignait vite. Je devais me calmer, et au contraire profiter de ce retour dans le passé. Il n’était forcément pas anodin. Et il m’aiderait à trouver les réponses à mes questions... Du moins, je l’espérais. Car pour le moment, le silence était complet, et personne ne semblait décidé à faire quelque chose de concret. Le Feufeurôve ne s’arrêtait pas de tourner. Je reportais donc mon attention vers sa dresseuse, la fillette de porcelaine.
Elle était passé d’assise contre le tronc, à véritablement affalée. Ses yeux étaient mi-clos, et même depuis la porte vitrée, je devinais que sa peau était moite. La chaleur devait être étouffante. Elle s’endormait doucement, les paupières lourdes, les lèvres entrouvertes, tassée dans sa grande robe rose. Celle-ci ressemblait à une fleur fanée. Une poupée habillée avec des pétales défraîchis. C’est l’effet qu’elle me fit. Je restais muet, et m’asseyais par terre, m’adossant aux vitres. J’attendais. Pour quoi, au fond ? Le silence était presque complet. Le jardin paisible, le ciel aphone. C’en était pesant. Et le Feuforêve, qui continuait de tourner… Qu’attendait-il ? Le temps passait, mais le soleil était toujours aussi fort. Le monde silencieux. Lui, lévitait tranquillement dans les ombres, prenant toujours le même chemin. J’établissais son itinéraire outrancièrement répétitif, pour m’occuper l’esprit. Dans l’ombre du saule pleureur, près de sa dresseuse, puis dans celle d’un cerisier, puis rasant un grand massif de roses rouges, puis le mur qui entourait le jardin, puis, puis, puis... Je commençais à somnoler aussi. Je ne ressentais pas la chaleur probablement étouffante de cet été fantôme, mais le silence et l’inactivité m’assommaient aussi sûrement que le sommeil. Ma conscience commença à voguer dans les brumes d’un semi-éveil, ballottée doucement au rythme de ma respiration, qui ralentissait, ralentissait, et de mon cœur qui s’apaisait, s’apaisait... Je finis par fermer tout bonnement les yeux. Morphée me fit une visite cordiale, que je ne puis refuser, étant donner la mollesse actuelle de ma détermination. Je sombrais.
Combien temps dura cette... Sieste ? Sûrement plus longtemps que je le pensais d’abords, en me réveillant subitement. Un sursaut. J’ouvrais les yeux, d’un même mouvement sec que celui de mes épaules. Il y’avait quelque chose dans l’air. Quelque chose de nouveau.
Les ombres s’étaient élargies sur le sol. Elles avaient profité ma torpeur pour gagner du terrain. Et le jardin... Était vide. Plus de Feuforêve ni de fillette. Le ciel s’était assombri. Mais ce n’était pas tout. Mon nez captait les désagréables effluves de la pourriture. Inquiet, je me retournais. Peut être étais-je retourné dans le présent ? Pourtant, le jardin n’avait pas perdu de sa beauté... Et la salle à manger de son faste, pus-je remarquer. Les protagonistes de ce passé s’en étaient allés, mais pas l’écho en lui-même. Il était simplement plus gris. Plus inquiétant. Et cette puanteur ! Je me tournais de nouveau vers le jardin. Et suffoquait. Là... Dans les ombres.
Sous le saule-pleureur, il y’avait une forme. Un garçon large d’épaules. Il m’observait d’un air serein. Il... Il me voyait. Un sourire calme se dessina sur son visage. Je restais interdit, l’observant comme si il eut été un animal dangereux. Et il en partageait l’aspect. Son regard était celui d’un loup.
Deux yeux gris féroces et scrutateurs, surmontés de sourcils bruns imperceptiblement froncés. Son nez était fin et long, criblé de tâches de sons. Elles s’étaient établies sur ses joues également, couvertes d’un duvet roux frisé. Ce visage aux traits marqués, s’entourait d’une épaisse chevelure bouclée, rêche, d’un orange pâle, retombant jusque sur ses épaules. Et dans la pénombre ambiante, je distinguais son corps solide, tanné. Il était nu. Adossé au tronc, les bras croisés, m’invitant d’un sourire serein que ses yeux de prédateurs rendaient inquiétant. Il n’ouvrit pas la bouche, me laissant le temps de l’observer ; tout en semblant me jauger lui-même. Du mépris alourdit légèrement le coin de ses lèvres. Visiblement, il ne me trouvait pas digne de respect... Cela me piqua dans mon amour propre. J’avançais pour la première fois sur la pelouse, jusqu’à une distance respectable de l’inconnu. Ses yeux se plissèrent. Il attendait que je parle. Je me raclais la gorge.


-Bonjour...
Toujours ce silence. Il arqua un sourcil, comme pour me signifier de continuer. Je ne savais pas quoi dire. J’enchaînais alors abruptement, sans savoir quelle serait sa réaction :
Qui êtes-vous ? Pourquoi me voyez-vous ? Les autres ne semblaient pas avoir conscience de ma présence. Et... Si vous pouvez me voir, pourquoi ?

-Trois questions dés le début. Joli score, déclara-t-il d’un ton moqueur.
Tu veux savoir qui je suis... Mais je ne te répondrais pas. De toute manière, mon nom ne te serait d’aucune utilité. De même que le tient pour moi. Je ne te le demanderais pas. Je n’en ais pas grand-chose à faire. Tu m’importes peu... Seulement, voilà, il y’a un problème, ajouta-t-il en me fixant intensément.
Toi. Tu ne devrais pas être ici. Mais je suppose que si c’est le cas, c’est que la petite t’a transportée... Dans le passé. Ce qui met en avant l’aboutissement de mon plan, dans un futur plus ou moins proche. J’ai réussis.
Je ne répondais pas, sonné. Ce qu’il me disait n’avait aucun sens pour moi. Il me paraissait simplement, authentiquement antipathique. Et méprisant.
Soit, donc tu n’es pas là par hasard. Si elle t’as envoyée, c’est pour que tu comprennes son histoire... Mais il ne faut pas. Tu pourrais l’aider. Et plus que tout, cela ne doit pas se produire. Tu gâcherais tout. Aussi, je ne vais pas non plus répondre à tes autres questions. Sache juste que tu n’aurais jamais dût entrer dans le manoir. Si je ne t’ai pas encore repéré, dans le futur, cela ne devrait plus tarder... Et je la punirai. Elle n’avait pas à demander de l’aide auprès d’un humain. Plus maintenant.
<< Bien. Tu me vois désolé de te l’apprendre, mais tu ne connaîtras jamais le fin mot de cette histoire. Personne ne le doit. La petite le sait ! Mais elle t’utilise. Elle garde espoir... Dis-moi, de quelle année viens-tu ?

-Vous ne répondez pas à mes questions, alors je ne répondrais pas aux vôtres, répliquais-je, fulminant.
Allez-vous faire foutre !
Je me retournais, froissé, décidé à quitter cet écho. Je ne savais pas comment, mais il le fallait. Cet homme ne m’inspirait ni la confiance, ni la sympathie. Et pourtant, à en juger par son apparence, il ne devait pas avoir plus de quelques années que moi. Mais ses yeux... Ils lui donnaient un charisme que seul un homme endurcis aurait pu dégager. Malgré tout, il n’était pas question de me laisser tourner en bourrique ! Qu’il aille au diable. Je partais la tête haute.
Puis tombais en avant. Un poids s’était abattu dans mon dos. J’en eus le souffle coupé. Mon nez se brisa contre le sol. Je gémissais. Un souffle fétide agressa mes narines ensanglantées.


-Répond moi, grinça la voix de l’inconnu. J’ai besoin de connaître sa résistance. Dis moi de quelle année tu viens, ou je te briserais les doigts un par un.
Il m’attrapa la main, tordant mon bras en arrière. Je grognais. Il était assis sur mon dos, et je n’avais aucune chance de me libérer : imposant et tout en muscles, là où j’étais maigre, son avantage physique était indéniable. Je le sentis attraper un de mes doigts.
Réponds.

Aucun doute. Il tiendrait parole si je ne lui donnais pas de réponse. Et je tenais à mes doigts... Je le sentais qui serrait plus fort mon annuaire, prêt à tirer sèchement pour briser l’os. Une inspiration.

-Je viens de l’année deux mille onze... Lâchais-je dans un souffle.

-Deux mille onze ? , marmonna-t-il. Elle résistera si longtemps ? Décidément... Quelle force. Mais je finirais par la plier à ma volonté.
Il se releva, laissant mon dos enfin libre. J’essuyais le sang qui coulait dans ma bouche, et me levais à mon tour. Un coup d’œil au jardin m’apprit qu’il avait disparut. Comment ? La question m’importait peu. Je m’inquiétais désormais plus qu’autre chose, pour ma vie. Cela me paraissait évident : l’homme ne voudrait pas que je sorte vivant. J’avais appris des choses. L’impression de secret, n’était justement pas qu’une impression. Cet homme, la fillette, son pokémon. Tout était lié. Il avait lui-même parlé d’elle, « la petite ». Alors quoi ? Quel était donc le fin mot de l’histoire ? J’aurais aimé savoir... Et pourtant, je songeais qu’il ne fallait pas. Je devais partir au plus vite. Tout cela me dépassait, il avait raison. Je n’aurais jamais dût céder à la curiosité. De plus, n’étais-je pas utilisé ? D’après ses dires, l'on m’avait attiré ici. En y repensant, je me sentais trahis. Ce Feueforêve que je connaissais depuis si longtemps ! C’était lui qui m’avait conduis au manoir, vers sa dresseuse. Tout deux, venus du passé. Un passé sombre, lourd d’un secret dont la noirceur s’apparentait à celle des ténèbres qui le couvraient ; ténèbres poussiéreuses piégées dans le manoir qui avait été le théâtre de cette tragédie. Et moi, je m’étais stupidement précipité dans cette toile infernale. Piégé. Maintenant que je l’étais, plus vite je me mettrais en mouvement, mieux cela serait. Plus le temps de penser. Je courrais vers la porte vitrée, et l’ouvrait d’un geste sec. Je n’eus pas une hésitation à pénétré dans la salle à manger.
Je refermais la porte presque aussi rapidement. Autour de moi, de nouveau, tout était brisé. Étrangement, cela me réconforta. Au moins, ici, il n’y avait aucun leurre : le décor s’accordait parfaitement à ma situation. Sinistre et dangereux... Je courrais vers la porte qui menait au vestibule. Il me fallait faire le tour de la table... Et alors que j’arrivais au tournant, je le sentis. Je n’étais pas seul. Quelque chose m’agrippa la jambe, et me tira sous la nappe. Je m’effondrais durement sur le tapis en hoquetant. Un autre bras s’agrippa à ma chair, me faisant disparaître entièrement dans son antre ; les ombres de la table...


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L’horreur s’apprêta à jouer son rôle. Ma gorge s’emplit d’air, mes poumons se noyèrent d’eux même sous le flot fétide, et le hurlement entama comme une ébauche hors de mon corps. Une ébauche stoppée par une main qui s’aplatit contre mes lèvres. J’étais maintenu au sol, et je sentais qu’une prise solide m’empêchait de me lever. Une fois de plus, impuissant ; la deuxième fois en peu de temps. C’en était rageant. La peur fut balayée par la colère. Je gesticulais de toutes mes forces, refusant de rester passif face à ce nouveau danger. Je n’allais pas mourir ici ! Encore moins sous une table ! Pas sans rien faire. Je me battrais, pour la vie, et pour tous ceux que je ne pouvais pas laisser derrière moi... Au moins pour ma Roserade. Surtout pour elle.
Mais je ne pouvais rien contre la force brute. La pression s’accentua. Je continuais de me démener, et balançais mon pied contre une surface chaude. J’entendis un grognement, et le tintement des assiettes sur la nappe. J’avais touché l’agresseur, et même réussis à l’envoyer percuter le bois de la table. Petite victoire. Un corps lourd se coucha sur le mien, bloquant mes jambes en nouant les siennes autour. Souffle fétide. J’arrêtais de bouger, tétanisé. Pas même une minute auparavant, une même respiration avait dégagée la même odeur... L’inconnu me maîtrisait une fois de plus. Quelques secondes passèrent, pendant lesquelles il haleta. Puis pris la parole.


-Bon dieu, pauvre idiot !, souffla t-il. Sa voix était rauque.
Si tu veux vivres, laisses-toi faire ! Elle te croit peut être encore dans l’écho, alors ne l’alerte pas ! Si elle te retrouve, tu finiras comme ceux qui sont entrés avant toi... Et leur sort n’est pas très enviable. Alors n’essais pas de t’enfuir, et ne cris pas ! La donne a changé depuis notre dernière rencontre.

La paume qui scellait ma bouche se décolla. Je crachais sur le côté, dans l’ombre. Elle était moite, comme tout son corps. D’une moiteur froide, alors que son corps était chaud. Une sueur glacée. Elle avait glissée entre mes lèvres, et son gout salé abominable s’était emparé de ma langue. Mais je ne m’attardais pas sur le sujet. Il parlait de notre dernière rencontre... De combien de temps datait-elle pour lui ? Moi, à peine deux minutes désormais. Et je me serais bien passé de me retrouver encore en sa compagnie, après notre récente altercation... Surtout pour finir encore une fois à mis à terre. De plus, je n’avais pas de temps à perdre : il fallait que je parte au plus vite. Mais l’autre ne semblait pas du même avis. Il ne se décidait pas à se relever. Je fulminais.

-Poussez-vous !, grinçais-je. Je ne veux pas savoir ! Vous m’avez demandé de partir, non ? De ne pas me mêler de l’histoire, non ? Et bien je m’applique à suivre vos directives ! Dégagez !

-Silence ! gronda t-il. Arrêtez un peu vos jérémiades ! Vous êtes en danger ! Et cette fois-ci, je vais vous aidez ! Je vous l’ai dis : la donne à changer. Je ne contrôle plus rien. Ce n’est plus moi qui suis dangereux pour vous désormais. Il fut un temps, où oui, j’étais votre ennemie... Mais l’écho que vous venez de quitter date de plus d’un siècle. Maintenant, je suis votre meilleur atout. Votre seule chance de vous échappez. Rien ne s’est passé comme prévu... Pendant les premiers temps, tout allait bien, mais elle a réussit à se libérer. Elle était déjà folle à ce moment là. Sa raison n’est plus : les ombres l’ont rongées. Il n’en reste pas même un os. Il y’avait trop de pouvoir... Depuis trop de générations... Elle ne l’a pas supportée. Ce n’est plus une fillette désormais. Celle qui vous a attirez ne veut pas d’aide, comme je le pensais. Elle veut du sang. Le vôtre. Ou peut être même... Bien plus.

Je restais un instant muet. Cette histoire me dépassait. Je n’y comprenais rien. Trop de pouvoir ? Que voulait-il dire ? Et pourquoi une fillette voudrait-elle m’appâter ? Pour mon sang... Mais à quelle fin ? Étais-ce une sorte de vampire ? Mais surtout, pouvais-je le croire ? L’inconnu ne l’était pas peu : je ne connaissais rien de lui. Pas même son nom. Ses paroles pouvaient n'être qu’un tissu de mensonges. D’autant plus que je n’en saisissais même pas le sens... Et c’est ce qui me décida à lui faire confiance. Car, un mensonge ne devait-il pas convaincre, au fond ? Et sans faits concrets, ni compréhension de ma situation, je ne pouvais pas l’être. Paradoxalement, c’est cela qui me calma. Je restais pensif pendant un moment. Il ne parla pas pendant ce temps, mais je sentais sa nervosité. Tous ses muscles étaient tendus.

-Je ne comprends pas, déclarais-je finalement. Toute cette histoire... Je n’y comprends rien. La fillette et vous, le Feuforêve... Je sens bien que tout est lié. Que vous êtes l’origine de tout cela. Mais je ne sais rien d’autre. Quelque chose c’est déroulé ici, il y’a plus d’un siècle. Avant que vous m’exposiez vos raisons de m’aider –car j’armerais comprendre ce revirement de situation-, pourriez-vous m’expliquez ? Que c’est-il passé ? Pourquoi la fillette est-elle encore en vie ? Vous aussi... Rien de tout cela n’est normal. Je veux savoir, avant de partir. Vous êtes le seul à pouvoir m’expliquer. Alors faite le. S’il vous plait.

-Je n’aurais pas le temps de remonter jusqu’au début de cette histoire... Mais si vous le voulez, je peux vous en conter la fin. C’est elle qui a déterminé l’état des lieux. Simplement, ne posez plus de question après : vous devez partir avant qu’elle ne vous attrape. Ce bavardage est déjà trop dangereux. Autant pour vous que pour toute la région... Voir ce monde. Mais vous ne pouvez pas comprendre. La machination dans laquelle vous êtes entré sans le savoir, remonte à déjà plusieurs siècles. Et contrairement à ce que vous pensez, je n’en suis pas l’origine. Je ne suis que le douzième engrenage.
<< Bien. Cela va peut être vous étonnez, mais ce n’est pas moi qui ais détruit le manoir. C’est la fillette. En une soirée, elle en a tuée tout les occupants, et fracassée chaque salle. En une soirée, elle a réduit à l’état de ruines son éternelle demeure. Elle est devenue folle. Car elle était le dernier engrenage... La treizième porteuse. Celle qui détient l’ultime pouvoir. Mais pas la liberté. Si je suis encore en vie, c’est pour l’empêcher de sortir... Seulement, elle amasse de l’énergie. En attirant des curieux ici. Ils ne reviennent jamais. Toutes les histoires que l’on a pu vous contez pendant votre enfance sont fausses, je peux vous l’affirmez : personne n’est jamais ressortit du manoir après y être entré. Ce n’était que fanfaronnades de la part de morveux inconscients. Car passé le pas de la porte, revient à pénétrer dans Son antre... En vérité, elle n’est plus humaine depuis cette fameuse soirée. Et voyez-vous, elle n’a pas de scrupule à dévorer les âmes de ceux qui s’égarent jusqu’ici. Rester serait signer votre arrêt de mort... Ou pire. Elle pourrait vous rendre fou, ou vous marquer. Découper une partie de son esprit, afin de l’enfouir en vous. Pour vous tourmentez et vous maudire. Vous tuer à petit feu, en volant chaque jour passant un peu plus de l’énergie qui vous maintient en vie. Jusqu’à n’en laisser plus qu’un souvenir. Mais je dois l’en empêcher... Pour être franc, votre survie m’importe aussi peu qu’à notre première rencontre. Mais je dois l’empêcher d’amasser de l’énergie. Et vous êtes un risque... Désolez si je vous pique, mais c’est ainsi. Votre mort mettrait tout Sinnoh en danger.

-Si je comprends bien, elle m’a attirée ici pour me drainer de mon énergie... Afin d’augmenter son pouvoir ?

-Oui, lâcha-t-il laconiquement, en opposition à son récent monologue.

-Mais quel pouvoir ? Et cette histoire d’engrenages ? Pourquoi la région est-elle menacée, pourquoi la fillette a-t-elle perdue la raison, et quel est le lien entre tous ces éléments ? Je ne suis pas plus avancé que cela. Il reste trop de zones d’ombres, qu’il faut éclai...

-Nous n’avons pas le temps, me coupa-t-il d’un ton hargneux. Arrêtez un peu de fouiner ! Ce n’est pas votre histoire. Elle ne vous concerne pas. Elle n’a jamais concerné personne d’autre que deux engrenages encastrés pendant une même époque. Si vous voulez des réponses, il faudra les chercher seul ! Et plus tard. Pour le moment...
La pression qui m’écrasait disparut. Il s’était levé. Mon haut était trempé par sa sueur glacée. Son contact m’arracha une grimace, dans l’ombre. Je m’accroupissais sous la table, sentant toujours son halène fétide près de moi.
Il faut partir. Je vais essayer de la retenir. Mais elle risque d’envoyer son Feuforêve à vos trousses... Et je n’ais plus de Pokémon avec moi. Elle me l’a prit...
Je sentais la douleur dans sa voix. Il avait bien une faille : son pokémon. Cela le rendu de suite plus humain à mes yeux. Ce n’était finalement pas un loup ou une bête sauvage. Il y’avait aussi de l’humanité en lui. Une faiblesse. Je me sentis prêt à le croire véritablement. Mais avant... J’avais une question, à laquelle il n’avait pas répondu, dans l’écho. Quelque chose qui me dérangeait. Je connaissais son visage, sa voix, mais...

-Attends. J’aimerais savoir, juste une dernière chose... Quel est ton nom ?
Il resta un instant silencieux. Peut être l’avais-je surpris, en le tutoyant ? Pour écarter un peu de cette distance, engager une relation plus cordiale.

-Baptiste, lâcha-t-il dans un marmonnement troublé.
Et ce fut tout. Je n’eu pas le temps de répondre : il m’attrapa le bras, et m’entraîna à sa suite. La nappe tâchée s’ouvrit comme un rideau. La pièce qui se jouait derrière était toujours la même : celle du silence lié à l’horreur et à la ruine. Nous courûmes vers la porte. Je crus un instant que tout serait simple. Que je quitterais ce manoir sans que rien ne m’en empêche... Je me trompais. Quand Baptiste ouvrit les deux battants d’une poussée, la course s’arrêta, étouffant mon espoir dans l’œuf. La porte de sortie était fermée. Deux fenêtres couvertes de poussières filtraient une lumière fantomatique, grise, qui emplissait le vestibule comme une brume épaisse. Dans cette pénombre spectrale, elle attendait. Son visage était placide. Son regard comme emplit d’une encre tourbillonnante. Elle se dressait, dans sa robe rose, toujours aussi blanche. Une poupée de porcelaine sortit de son écrin de soie. Son Feuforêve voletait à ses pieds. Le silence était complet. Le vestibule nous séparait, et la statue suturée semblait observer le face à face avec une curiosité malsaine. Personne n’avait d’armes. Et pourtant... La mort rôdait dans l’ombre. L’ombre de la fillette dont le nom m’était inconnu. Le treizième engrenage d’un complot implacable. Je ne connaissais pas toute l’histoire. Je savais seulement ce que Baptiste m’en avait dit. Et en cet instant, face à cette idole aphone à la peau si blanche, je ne doutais plus de sa parole.
Il me poussa doucement derrière lui, dans la salle à manger.

<< Fuis, murmura-t-il.
Et pour une fois, je ne posais pas de question.
Alors que je faisais volte face, et me mettais à courir, j’entendis les sifflements qui résonnèrent subitement. Mille serpents n’auraient pas fait tant de bruit... Et pire. Sans même regarder, je su que j’étais déjà pris en chasse. Le Feuforêve était lancé à ma poursuite. Derrière moi, un gloussement d’enfant résonna sinistrement.


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Cette fois-ci, les rôles étaient inversés : c’était lui qui courrait après moi. Sombre ironie de la vie.
Je fuyais avec toute l’énergie du désespoir, électrisé, volant presque au dessus du tapis. Je perdis vite mon souffle, hélas, et traverser la salle me laissa haletant. Je ne savais pas où continuer. Par où m’échapper. J’étais piégé. Et derrière moi, le gloussement c’était tut. Mais je le savais toujours présent, savourant ma terreur, voletant lentement vers moi. Il se délectait sûrement de ma peur. C’était un pokémon spectre après tout... Je secouais la tête. Il y’avait forcément un moyen de lui échapper. Je fis coulisser mon regard. Et tombait sur la porte défoncée de la cuisine. C’était pourtant évident ! Il y’avait sûrement un sortie par les cuisines. Sans plus réfléchir, je fonçais à l’intérieur. La panique occulta le souvenir de ma dernière glissade, et cette fois-ci, l’élan me fit faire un voyage jusqu’à un des fourneaux, accompagné d’un crissement du carrelage humide. Affolé, j’improvisais une réception, avec mes bras. Reflex des plus naturels. Et des plus stupides, également.
J’heurtais durement le plan de travail, et le choc remonta jusqu’à mon crâne, secouant mes bras, mes épaules et mon cou au passage. La tête me tourna, entraînant le monde dans une folle farandole. Je restais sonné un instant, une grimace sur le visage. Les secondes qui passèrent suffirent au Feuforêve pour me rattraper. Quand il entra dans la cuisine, j’entendis un étrange raclement métallique. Et je n’eus pas besoin de me retourner : je me souvenais des couteaux à l’entrée. Je restais figé, la respiration suspendue par une terreur oppressante qui sourdait dans mon corps, les imaginant rampants sur le sol, comme pour baiser ses pieds... Il m’avait attrapé. Avant même de refroidir sur le sol, j’étais déjà comme mort. Une crainte primitive m’assaillit. Je ne voulais mourir. Pas maintenant, pas ici. Peu importait la place de perdant que j’occupais à Vestigion : ma Roserade comptait toujours sur moi. Si je disparaissais dans ce manoir, que je rejoignais Giratina prématurément, alors elle serait seule. C’était une chose plus forte encore qu’un désir de vivre... C’était une interdiction formelle de trépasser. Étrangement, cela me calma, et je songeais avec détachement qu’être tué par un spectre était pour le moins amusant. Un mort qui donne la mort. Oui, amusant.
Je me retournais sans crainte, prêt à esquiver vainement les attaques que l’on me lancerait. Et quelque chose de plus glaçant encore que la terreur traversa mon corps. Un sentiment d’horreur révulsant.
Prêt de la porte, un garçonnet aux cheveux bruns fixait le couteau qu’il tenait avec fascination. La lame se reflétait dans ses grands yeux rouges. Il sembla sentir mon regard, et leva lentement la tête. Son visage aurait pu être fait de plâtre. Un sourire innocent se dessina sur sa face livide. Une candeur illusoire l’habitait.


-J’ai découvert un nouveau jouet. J’aimerais bien que l’on joue ensemble, avec. Ce sera drôle, tu verras... Je connais pleins de manière de faire souffrir les gens. Je vais t’écorcher vif et coudre une veste avec ta peau. Puis je te forcerais à la porter. Tu verras ! Ce sera vraiment drôle. Tu verras.

Il s’approcha, guilleret, le couteau tordu serré contre sa petite paume. Ses prunelles écarlates semblaient pleines de sang. Deux billes de verres que l’on aurait teintées de fluides hématiques. Ils tournaient encore à l’intérieur, comme si l’on venait de les y verser. Ses spirales sinistres m’envoûtaient. Il était hypnotique. Magnifique, dans sa pâleur mortelle. Un cadavre démoniaque de toute beauté. Ses lèvres se retroussèrent doucement. Elles dévoilèrent ses dents. Des dents d’enfant, blanches et alignées dans un ordre parfait. Celles de devant étaient plus allongés, ce qui avait dût lui conférer un air mutin dans un passé lointain. Plus maintenant. Elles luisaient de leur propre éclat, aspirant presque à me mordre. Je souriais, un flot de pensées étranges me traversant. Être déchiré par ces dents là ne me dérangeais plus le moins du monde. Et après tout, un peu de sang ne pouvait pas faire de mal à ce pauvre garçon ! Il était si pâle ! Oui, il fallait bien rougir ses joues là. En barbouiller ses lèvres et le reste de son corps n’était pas une mauvaise idée non plus. Je riais doucement en l’imaginant faire.
Au fond de moi, il restait toujours un semblait de révolte. Une petite flamme qui pointait au milieu de ces pensées délirantes, minuscule brasier de lucidité dont la distance réduisait tout espoir de reprise à néant. Une sorte d’incendie dérisoire qui n’arrivait pas à se propager, qui... Je me rendais alors compte que je pouvais penser. Penser normalement. Mon esprit c’était scindé en deux parties, l’une béate à l’idée de mourir, l’autre toujours lucide. Et autre chose : la petite flamme grandissait. De brasier à incendie. Je pouvais dévorer le bonheur parasite et macabre. Il suffisait de trouver du combustible...
L’espoir suffit amplement. Ma Roserade ne quittait pas mes pensées. Elle était toujours présente, comme une bûche solide qui ne demandait qu’à brûler pour alimenter ma résistance. Ce fut une expérience des plus étranges.
Physiquement, je restais rigide, observant l’enfant démoniaque qui approchait. Mais dans un monde psychique, au-delà de toute compréhension, au-delà de la matière, au plus profond d’un univers dément et sans nom... Je sentais mes bras roussirent au contact du feu. Je m’immolais, crachant un flot d’espoir argenté d’entre mes lèvres, et les flammes courraient sur ma peau en la laissant morte et noircie. A mes pieds coulait une rivière lumineuse, qui serpentait entre les flammes en s’évaporant doucement. Je pouvais ressentir toute ces souffrances, ma chair à vif, mes organes réduits en cendres. Je vivais la scène, tout en la voyant depuis un point lointain. C’était le prix à payer pour me délivrer : la douleur. Une insoutenable douleur.
Longtemps, je résistais à l’envie d’abandonner ce combat. Les flammes avançaient lentement, l’espoir remontait de mes entrailles et se déversait par terre en me glaçant la gorge. Autour de moi, tout n’était que flammes, ombres, et crépuscule. Je distinguais vaguement les silhouettes lugubres de collines à l’herbe noire, qui se découpaient contre un ciel rouge dans lequel s’éteignait un soleil harassée, d’un orange sale, dont les contours semblaient onduler. Il y’avait tant de choses à voir, ici ! Ce n’était pourtant qu’un monde incréé, sans substance, dont chaque courbe était une illusion éphémère... Mais je n’oublierais jamais ce que j’en ais vu. Les collines sombres et silencieuses, perchoirs d’arbres à l’écorce charbonneuse dont les branches tordues griffaient le ciel, les flots d’argents qui s’écoulaient en rivières impossibles à mes pieds, serpentant sur la terre grise avec une grâce qui n’appartenait pas au domaine du réel... Malgré la souffrance insoutenable, le feu qui rongeait mon âme sacrifiée, je sais que ce paysage entrevu ne me quittera jamais. Sans que je puisse l’expliquer, je sais qu’un jour, peut être une fois face à la mort, je m’y trouverais de nouveau... C’est une certitude. Ces lieux font partit de l’impénétrable mystère du manoir, et celui-ci cessera un jour de l’être, quand les plans tortueux -dont la compréhension m’a à peine effleurée- se réaliseront fatidiquement. Ce jour-là, l’enfer se déchaînera sûrement sur terre, et je ne doute pas que la désolation de cet univers au-delà de tout se fasse nôtre ; un monde de poussière et de noirceur, fondamentalement changé par le treizième engrenage. Une fillette... Nous mènera t-elle à notre perte ?
Aujourd’hui, je ne sais plus... J’ai oublié beaucoup de choses durant ma vie, comme tout le monde. Des parcelles de mon enfances, d’autres de ma scolarité ; de nombreux souvenirs futiles. Pourtant, j’ai la sensation que j’ai perdu quelque chose de vraiment important. La réponse à cette question. Je l’avais. Pendant ces quelques secondes d’éternité, je pouvais savoir ce qu’il adviendrait de notre monde. De l’espèce humaine et des pokemons... Je n’ai toutefois réussis à retenir que des pâles images, fresques chaotiques qui mènent toute à la désolation. J’ai toujours été pessimiste, et ces visions m’ont confortées dans cet état d’esprit. Je vous souhaite, à vous qui m’écoutez, de vivre heureux tant que ce mot a encore un sens, car le futur m’a susurré que dans un siècle, peut-être moins ou plus, ce que nous connaissons de ce monde aura disparu...
Cependant, je ne suis pas un prophète. Juste un conteur. Effacez ces mots chargés de lassitude et de fatalisme de vos mémoires, cela n’a aucune importance. Je dois terminer cette histoire... Mon histoire.
Alors que la douleur cessait dans un dernier élancement, la vue me revint. J'étais écroulé contre le plan de travail, la tête douloureuse d'avoir heurté la pierre froide. Face à moi, l'enfant était redevenu un Feuforêve, et il se battait avec rage contre un Ectoplasma qui semblait fait d'une brume plus noire que l'encre. Ses yeux rouge y tourbillonnaient dans une dance folle au rythme de son agitation démente. Des éclairs pourpres jaillissaient de lui pour agresser le Feuforêve au visage révulsé par la colère, et l'air se déformait avec violence autour de son corps orageux. Il dégageait une telle fureur, son existence même paraissait si contre-nature, que je ne pensa pas même qu'il me sauvait. Terrorisé, je prenais mes jambes à mon cou et courrais, glissant sur le carrelage humide, vers la sortie des cuisines. Je cru ne jamais atteindre la porte alors que des hurlements gutturaux résonnaient derrière moi, et alors même que je fus sortit en quelque secondes, ces moments eurent pour moi le goût rance de l'éternité.
06-06-2013 à 12:45:54
Pocelaine : suite

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Quand je jaillis à l'air libre, enfin, je découvris un nouveau jardin. Celui-ci ne s'encombrait pas d'illusions passées : la flore sauvage en avait ravagée la majesté, et ne restait de ce vaste espace qu'une parcelle de forêt hantée par des ombres. La roseraie persistait à s'élever sous les arbres qui la plongeaient dans l'ombre, comme figée par l'horreur d'une heure ancienne. Les plantes semblaient avoir été piégées par un éternel hiver précoce. Leurs tiges étaient noires et sèches, cassantes, et les pétales bruns ou d'un éclat terni qui ne faisaient qu'ajouter au sinistre du lieu. Des massifs entiers de roses fanées parsemaient ce que le temps avait changé en sous-bois, tandis que des plantes sauvages poussaient sans vergogne au milieu de fleurs délicates dont les apparences évoquaient autant de représentations décrépis taillées dans la pierre. Des champignons aux couleurs fades occupaient des espaces démesurés de la pelouse qui arrivait au moins jusqu'à mes genoux, et empiétait parfois sur le chemin de pierre qui serpentait au milieu du jardin. Des pavés étaient disjoints sur toute sa longueur rongée par la mousse, les lichens, et il était infiltré par des orties mêlées à des pissenlits d'un jaune sale. A ce tableau s'ajoutaient les silhouettes de fontaines, proches ou lointaines, dont les statues décoratives étaient brisées ou rongées par des parasites végétaux. Certaines étaient asséchées et ne présentaient rien de plus qu'un fond de pierre plein de feuilles mortes en décomposition ; d'autres retenaient une eau saumâtre où s'étaient développés des algues d'un vert glauque, dont la pellicule flottante semblait cacher des secrets qui gagneraient à n'être jamais dévoilés ; puis il y'avait celles qui continuaient de glouglouter doucement. Sans entretien, elles avaient pâtis comme les autres des ravages du temps, mais l'eau continuait d'y couler avec un bruit doux et régulier qui brisait le total silence de ce jardin redevenu inculte. Cette sereine chanson n'enlevait rien de son aura lugubre au lieu, et il persistait à dégager une impression d'abandon, de mort et de danger. D'une certaine manière, elle y contribuait plutôt, persistance saugrenue d'un passé où le manoir était encore habité et auréolé de lumière. Elle était trop vivante dans ce paysage mort et figé, trop palpable au milieu de tout ces fantômes. Le jardin, dans son tout, dégageait quelque chose de malsain. Il était comme un cadavre que les vers n'avaient pas touchés, comme une tâche que personne n'avait nettoyée. Il n'avait pas sa place ici ; dans ce "ici" vaste qu'on nomme le présent, et qui devient à tout instant le passé. Il avait outrepassé son temps. Sa persistance était un crime.
Étais-ce donc de ce fait un sacrilège de fouler son sol maudit ? Ce lieu malsain ne devait-il jamais accueillir de regard ? Peut être est-ce en cet instant que j'ai véritablement scellé mon sort. Peut être aurais-je dû retourner sur mes pas, tenter de vaincre la peur viscérale qui me saisissait aux tripes quand je songeais aux deux pokemons spectres qui se battaient dans un déchaînement de pouvoir, tout deux aussi contre-nature que l'était ce jardin gelé.
Cette peur m'inclina à faire preuve de stupidité. Je recommençais à courir, frappant du pied les pavés du chemin de pierre. J'aurai pu tomber, mais c'était le moindre de mes problèmes. Cette course m'a tout de même épargnée bien des visions, qui n'auraient pas manquées, sûrement, de se graver dans ma mémoire avec trop de vivacité comme l'avaient faîtes avant elles de trop nombreuses autres au cours de cette journée.

Peut être ais-je échappé à une partie du pire de ce que réservait le manoir ? Tout du moins, je le pressentais, tandis que je m'esbignais vers le terme du chemin, à la recherche d'une sortie.
Je ne regardais par autour de moi, ne fixant que le bout du chemin, n’apercevant que du coin de l'oeil des lueurs fantomatiques, des Joliflores flétris, de pâles et immobiles cocons de Crisacier. Et d'autres choses. Des créatures cadavériques, une horloge solaire brisés, une fontaine à l'eau verdâtre où flottaient des cadavres écailleux. Rien de tout ça ne s'offrit pleinement à mon regard, qui ne se concentrait qu'en un point : la porte, noire et ouvragée qui me délivrerait de l'emprise étouffante du manoir. Elle n'était pas marquée d'une seule tâche de rouille, luisante et sombre, coincée entre deux murs. On l'avait ornée de courbes foliaires, de barreaux spiralées, d'un poignée entourées d'anneaux d'acier étincelant gravés de minuscules inscriptions. C'était une merveille. C'était la liberté.
Je l'atteignis essoufflé, le coeur battant, des larmes aux yeux, la poitrine douloureuse. Je n'osais pas regarder derrière moi, par peur d'embrasser du regard quelque chose de trop horrible pour être vu. Mais je savais que j'avais couru sur une distance assez grande pour que cela me laisse un point de côté, une distance dans laquelle on aurait aisément compris Vestigion... Deux fois. Ce jardin était immense, et il gardait prisonnier des murs qui l'entouraient une corruption mortifère. Que se passerait-il si elle se déversait dehors ?
Je posais une main tremblante sur la poignée froide. L'abaissais. M'écartais sans qu'aucun grincement ne résonne dans la morbide quiétude ambiante. La noirceur tamisée de la forêt s'étendait face à moi. Alors que dans mon dos, il n'y avait que l'horreur. Je me demandais un instant ce que deviendrait Baptiste, ce qu'Elle lui ferait pour m'avoir empêché de tomber entre ses griffes. Le révérais-je jamais un jour ? Resterait-il une rencontre fugace qui m'avait par deux fois mis au sol, un allié incertain contre une menace qui l'était tout autant ? Une partie de moi le regrettait, comme si j'abandonnais un ami. C'était ridicule. Et pourtant... Ce furent ces remords qui signèrent ma perte. Avec toute la sottise du monde, je tournais la tête pour envoyer un dernier regard au manoir, comme si ce simple geste pouvait parvenir à Baptiste et lui dispenser un peu de chaleur. Il devait avoir si froid, depuis si longtemps, à veiller seul dans les ombres hostiles de la vieille bâtisse maudite...
Il était bien là, lointain à travers les arbres et la végétation à la pousse erratique. Il était là, à plus d'un kilomètre. Avais-je tant couru ? Qu'importe. Il était là, simplement, juste face à moi, au bout du chemin de pierre disjointes.
Il était là. Et elle aussi. Elle était là.
M'observant avec tristesse. Je lâchais la poignée. Je me tournais complètement. Elle me fit un petit sourire tremblant, et me tendit une main. Son visage irradiait de lumière, ses yeux s'ouvraient sur un ciel d'été. Ses doigts pâles comme de l'ivoire attendaient les miens.
Je refermais la porte et fit un pas hésitant vers elle. Le jardin sombre et corrompu était toujours le même ; il ne faisait que mettre en valeur sa radiance pure et attractive. Et... Elle avait besoin d'aide. Elle me demandait de la rejoindre.
Je sentais que tout s'effondrait autour de moi. Que mon futur s'écroulait alors même que je marchais vers elle. Ma Roserade fanait sous une tendre caresse, la nourriture devenait poussière dans ma bouche, et l'eau acide sur ma langue, les gens que j'aimais mourraient les uns après les autres, se dénudant de leur chair, ma demeure devenait le repaire des ombres et j'y croupissais dans la solitude, attendant une mort qui ne venait pas. Le toit s'écroulait et les murs cédaient ; tout se fondait dans la poussière de plâtre et un nuage terreux. Personne ne venait chercher ma dépouille et la ville reculait des ruines de ma maison, comme si la déblayer n'était pas possible. Le temps passait, la forêt engloutissait cette parcelle abandonnée de Vestigion, enténébrant les décombres où mon corps étouffait.
Tout allait terminer ainsi ; je ne pouvais rien y faire. Il n'y a pas de justice ni de seconde chance, simplement des erreurs et les conséquences qu'elles entraînent.
Je regrette tellement aujourd'hui, d'avoir marché jusqu'à cette fillette au visage innocent repeint d'une ardente demande, d'avoir saisit sa main froide et pressé ses doigts glacés. Je regrette tant d'avoir d'avoir répondu à ses attentes.
Elle m'a sourit comme une enfant, son visage radieux, ses yeux brillants. Dans ma poitrine, il n'y avait plus de coeur, seulement une pierre. Je n'avais pas été capable de combattre la fascination qu'elle inspirait, l'attraction qui se dégageait de son petit corps fragile et lumineux. Ce n'était qu'un masque et je le savais... Mais malgré tout, j'avais marché vers elle. Étais-ce alors mon destin, ou l'ultime preuve d'une faiblesse qui m'avait toujours reléguer au rang de passoire dans l'arène de Vestigion, passant de défaites en défaites, vivant à jamais dans la déception ? Je n'existais qu'à travers cette faiblesse depuis des années déjà. Pourquoi pas maintenant après tout ?
Ce jour là, je nous ais tous condamnés.
La fillette m'a ramenée vers le manoir en me souriant comme l'eut fait un ange d'Arceus pour me conduire au Paradis. Je ne fixais que l'air devant moi, trop conscient de ce m'attendait, sentant la paume froide et étrangère qui était collée à la mienne. Quand nous passâmes tout deux la porte des cuisines, j'y trouvais le même désordre glauque, mais plus aucune trace, ni de l'Ectoplasma, ni du Feuforêve. Creux et vidé de toute volonté, je la suivais à travers la pièce ravagée. Avant que j'en prenne conscience, flottant dans un lieu vague entre l'éveil et le repos, anesthésié de tout sentiment, la réalité de l'écho de nos pas sur un sol de pierre m'atteignit. Nous avions passés le salon pour arriver au vestibule. La fillette me lâcha la main, et s'avança tranquillement vers la statue grise qui gardait les portes du salon. Du bout d'un doigt pâle, elle traça une ligne sur la pierre grise. La statue se tordit dans un vagissement strident, dépliant son corps tordu de sculpture d'un mouvement emprunt de lourdeur. Je ne réagissais pas à cette vision. Ce n'est que plus tard que son horreur s'insinua en moi, longtemps après l'avoir vu, quand elle me revint en mémoire. Je me contentais sur le moment d'observer le ventre gris et duveteux de la statue qui se contorsionnait mollement, en poussant ce cri affreux dont seul les nouveaux-nés ont le secret. L'index de la fillette traça un segment sur le ventre étrangement mou de la statue ; et alors, je compris, de manière détachée. D'une façon ou d'une autre, ce geste avait un rapport avec ce dont m'avait parlé Baptiste. Elle découpait quelque chose pour le planter en moi. Elle allait m'infecter de son âme corrompue.
Je vis une ligne noire apparaître, suturée et luisante, suintant de ce qui semblait être une cire pourpre. Comme une lumière qui aurait fondue pour devenir cette substance brûlante à l'écoulement pataud. Les doigts d'ivoire de la fillette se souillèrent d'amarante, alors que la statue émettait un doux soupir de mort. Elle se recroquevilla de nouveau.
Puis soudain, le monde disparut. Je n'eu le temps que de voir deux paumes blanche qui se plaquaient sur mes joues, et deux lèvres roses qui dévoilaient un sourire trop large qui parut grandir en même temps que mes paupières s'abaissaient. Il dévorait ses joues, traçait une courbe de vide moite émaillé de dents sous ses pommettes, s'étirait jusque dans ses conduits auditifs... L'éclat blanc de sa dentition s'y perdait.
Je sombrais. Et au milieu de la noirceur, je vis crépiter une étincelle ; la flammèche qui donnerait naissance à l'incendie.


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Tout doucement, par la main,
Traîné contre mon gré,
Mais je ne résiste pas, non,
Non, je la suis... Elle m'amène, je crois, là où tout a commencé.
Et soudain... Ici. Je ne comprend plus.
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Douce nuit,
Nuit de folie,
Tu emportes,
Tu emportes,
Tout mon souffle,
Toute ma vie,
Toute mes envies,
Tout mes désirs.

Douce nuit,
Tes crocs sont si froids,
Douce nuit,
Que tes crocs sont longs.

Douce nuit,
Tu glaces mon coeur,
Douce nuit,
Tu ouvres une plaie,
Une plaie de vide,
Douce nuit,
C'est un gouffre dans ma tête.

Douce nuit,
Je me tue sans arme,
Douce nuit,
Mes pensées ne sont pas à moi,
Douce nuit,
Ô douce nuit,
Ce n'est pas mon esprit,
Ce ne sont pas mes paroles,
Douce nuit,
C'est quelqu'un d'autre qui parle par mes lèvres.

Douce nuit,
Ma volonté est morte,
Douce nuit,
Tu l'as enterrée.

Douce nuit,
Tes ombres me séquestrent,
Douce nuit,
Elles m'étouffent dans le lit.

Douce nuit,
Que j'ai peur,
Douce nuit,
Je cris.

Je suis un enfant,
Douce nuit,
Un enfant et je vois,
Ma douce nuit,
Quelque chose qui rôde,
Qui rôde autour de moi.

Douce nuit,
Je hurle,
Douce nuit,
Mais je suis seul ici.

Douce nuit,
Pourquoi ?
Douce nuit,
Suis-je si seul ?
Douce nuit,
Je veux partir,
Douce nuit,
Ils m'observent.
Ils sont douze.
J'ai peur...
Ô, nuit cruelle.

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C'est ainsi que se termina ma journée au manoir. Comme moi, vous êtes sûrement resté sur votre faim : que s'est-il passé ensuite ? Quelle est cette histoire d'engrenage ? Qu'en est-il de Baptiste ? Je ne le sais pas. Je ne saurais jamais.
Quelques souvenirs me reviennent parfois, mais je ne suis pas certain de pouvoir donner à ces images un pareil nom. Peut être ne sont-ce que des bribes de cauchemars ou des visions, fantasmes horrifiques que je dois à une folie naissante ; je ne dors plus depuis bientôt six semaines. Je sais que mon cerveau ne peut pas supporter ça, que je vais finir par mourir de ce manque de sommeil ou peut être car j'ai cessé de m'alimenter il y'a cinq jours. Je ne peux plus supporter de vivre en sentant remuer les ténèbres en moi. Elle les a réveillées en venant dans ma tête, et depuis ce jour, elles ne se sont plus jamais assoupies...
Quelques fois, entre deux battements de paupière, j’aperçois une autre pièce que celle dans laquelle je végète et me meurt. C'est une chambre d'enfant qu'on a saccagée. Les murs sont couvert de frises obscènes et de secrets peints du bout de doigts d'ivoire. Le lit a été éventré, vidé de son bourrage, et des peluches mutilées ont remplacées ce dernier. Au milieu de ce coton sale et humide, un cercueil. Blanc. Comme du marbre. Tapissé de feuilles mortes et mouillées, poisseuses.
La fenêtre ouverte est obstruée d'une branche d'arbre noire, énorme, qui entre jusque dans la chambre, masquant de sa masse ligneuse l'au delà de cette ouverture bafouée. Ses griffes sombres ont poussées jusqu'au plafond, et plus loin encore. Des brindilles cassées, et de la cendre, sur le sol, font un tapis. Et au milieu de tout cela, assise par terre... Non, pas assise. Abandonnée, dans une pause grotesque, ses jupons souillés de terre, ses robes salies et déchirées, une poupée de porcelaine. Fine, délicate. Sur son visage, un main cruelle et perverse a tracée mille sutures.
Des fils coupés sinuent autour d'elle... Un croisillon brisé, plus loin. Carbonisé ? Ou simplement du même noir que le bois de cette branche qui gratte les murs de la chambre, creusant le vieux plâtre ? Je ne sais pas. Je ne sais jamais.
Le monde finit toujours par revenir tel qu'il est, et je constate, qu'autour de moi, tout se meurt, tout tombe en ruine et en poussière. Ma Roserade a fanée, et je n'ai plus d'emploie. La forêt se flétrie lentement, sans que personne ne fasse plus que s'inquiéter dans une écoeurannte léthargie générale ; les arbres tombent malades, pourrissent, du plus profond de leur pulpe, ou, parfois, le mal remonte depuis leurs racines. Les Pokemons s'en vont, disparaissent, laissant les bois déserts, livrés à eux même... En perdition. Tout ce que j'ai connu semble avoir disparu, s'être ternis peut être, ou bien... N'avoir jamais existé. Alors, quoi ? Ne serais-je qu'un vieux fou, de fond en comble, ais-je créer de toute pièce cette histoire ? Peut-être suis-je un esprit malade. Un vieux clochard dément et hirsute qui a voulut oublié sa véritable vie... Donner un sens à son malheur, une origine.
Je l'ai cru, parfois.
Mais toujours, quelqu'un a démentit cette possibilité. Joëlle, compatissante, qui vient réchauffer mes mains de boissons chaudes, et déplorer ma situation. Elle pleure plus que de raison sur mon sort, et dépose chaque semaine un bouquet là où j'ai enterré ma Roserade, qui gagnée par le mal qui me ronge, est morte en une seule nuit. Elle n'aura jamais voyagé, comme nous l'avions tant espérés. Ne sera jamais devenu forte... Joëlle ne festonne pas que sa tombe, ce sont aussi nos rêves à tout les deux, à jamais enfouis, auxquels elle offre des pauvres plantes trop vite desséchées.
Ce quelqu'un s'incarne aussi en Flo', qui n'a pas oubliée son misérable employé. Elle m'invite, parfois, à venir partager ses repas. J'ai toujours refusé. Je vois la peine dans ses yeux... Je crois que je lui ai plu, auparavant. Que ne l'ais-je pas vu ! Tout aurait été différent. Tout. Hélas, désormais... Plus que la douleur au fond de son regard, ce regard fuyant qui ne veut pas s'attarder sur moi. Je regrette souvent ses sourires, et son énergie. Aurais-je pu être son amant... Son mari ?
J'ai l'impression d'avoir ôté tout bonheur à mon entourage. Je les ai plongés dans la tristesse, amies, familles... Je refuse leur aide, et ils me voient mourir. Ils tentent de me sauver. Tant de gentillesse, de douceur... J'ai été stupide. J'en paie le prix désormais. Je l'ai déjà payer à vrai dire- et je continu.
Soyez-en heureux. Plus longue est mon agonie, plus longue sera vote paix. Je suis le dernier rempart, branlant et déjà destiné à tomber, de ce monde. Quand la fillette sortira du manoir, drapée d'ombre, qu'elle se parera des ténèbres de la forêt et du feu inique qui brûle au fond d'elle, ce jour là, le monde sera perdu. D'ici là, je dois mourir, encore. Tandis qu'elle puise en moi, elle ne peut pas encore franchir les limites de sa sombre demeure. Voyez donc ! Je suis vote Dieu, n'est-ce pas ? A retarder le trépas de ce monde, par ma vie ! Me voilà enfin utile. Amère ironie. Comme de la cendre dans ma bouche.
Ce n'est pas une victoire. Les ombres brocardent dans mon dos.
Allez, maintenant. Poursuivez votre chemin. Abreuvez vous de rires, de joies, de futilités... Pour vos beaux yeux, je vais me nourrir, boire, et maintenir cette carcasse en vie encore quelques années. Je vais supporter le feu, et le grouillement obscur, continuer de me battre ; peut être même, tenter d'offrir un peu de bonheur aux miens ? Qu'en sais-je. Que sera demain, pourrais-je m'en tenir à cette promesse ? Je ne peux l'affirmer. Alors vivez de tout votre soul pour le moment. Je vous en prie, utilisez à bon escient le temps que je vous offre, badinez, laissez vous allez à des joies simples.
Et bien. Poursuivez désormais ! Quittez moi. Vous m'aurez oublier d'ici qu'une jolie fille vous offre un sourire, ou qu'un dresseur vienne vous défier au détour d'un chemin. C'est bien ainsi, peut être. Tant que vous n'allez pas visiter le manoir. Faîte ce que bon vous semble...

Il est temps pour moi de souffrir encore un peu... Juste un peu... Le temps d'un autre automne, pour voir tomber les feuilles, et m'en faire un linceul gluant... Ou jouer à l'ange des neiges, et me coucher, quelque part, au milieu de la poudreuse glacée. Alors, je deviendrai aussi pâle, à la faveur de l'hiver, qu'une triste porcelaine, une belle porcelaine, une porcelaine brisée...
Alors, je serais ce petit coup, ce petit rien, qui fera tourner le treizième engrenage...
Alors, elle viendrait, cette petite... D'ivoire et d'or, chryséléphantine dans sa robe de deuil, prête à verser sur le monde détruit des larmes de fillette, aussi froides que ses joues blafardes...
Triste enfant, pauvre démone buveuse d'âme.
Attends ton heure, porcelaine maudite.
Porcelaine qui en a trop vu.
Trop fait.
Attends ton heure, oui.
Elle vient.
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