-2013-
Kairec-Bac blanc-
Dans les brumes limpides du soir, je peux donner un nom aux bois que la nuit enveloppe d'ombres fébriles. Ce ne sont pas des syllabes dont l'assemblage évoque la moindre image à ceux qui ne connurent pas notre enfance ; je dis nôtres. Au temps des genoux écorchés et des rêves que l’on n’avait pas encore étouffé, je n'étais pas seul à disparaître sous les frondaisons ondoyantes. Nous étions deux. Minuscules, comme couvés par une géante qui nous gardait des violences du monde, jumeaux au sein de cette forêt aux douceurs verdoyantes. Car là-bas, au fond de cette brèche obscure et verte qui donnait sur un monde plus beau, nous étions nés tous les deux une deuxième fois, créatures sylvestres sorties du ventre d'humus de la terre, tout de chair palpitante et de regards gigantesques : il fallait avoir le sens vibrant et l'œil énorme pour connaître les beautés de cet abyme embaumé. Le corps souple et chaud, aussi leste que le rayon et vif ainsi qu'un éclair figé dans son élan kamikaze. Nous devions brasser, dans le creux rouge de nos veines une nuée d'étincelles, respirer des ouragans et sauter le feu aux talons ; c'était une manière nouvelle et secrète de voir le monde. Elle ne pouvait nous êtres inspirée que par ce lieu. Là-bas où tout devenait une mélodie, là-bas où nous étions bercés dans un vent éternel.
Kairec.
La forêt de Kairec.
Concrètement, c'était un bras de forêt près d'un parc. Des enfants y construisaient cabanes et repaires, prêtant aux environs des personnages légendaires, des habitants effrayants qui donnaient aux excursions une saveur délicieusement dangereuse. Mais au fond, la civilisation était proche. Elle respirait bruyamment, tout près, comme un vieux géant ronflerait pendant son hibernation séculaire. Comme une personne âgée qui se serrait endormis avant vous, peuplant la chambre d'échos graves mortifères aux rêves. Avec le bruit de ses routes, la grisaille squameuse de son derme bétonné, et ses émissaires familiers, elle se chargeait de toujours nous rappeler à ses bras meurtriers, à nos vies, chez nos parents, à l'intérieur de nos véritables demeures, avec nos véritables problèmes et notre temps compté... Loin du bois, dont les arbres ne dormaient qu'entre eux parmi les nuits qui coulaient dans le parc. Loin de ses parfums enivrants, de ses chansons mystérieuses et de son étreinte fraîche.
Du moins tentait-elle de le faire. Mais en vain : ses armes n'étaient pas suffisantes. Grandir dans la ville, prisonniers de l'étau d'une civilisation étouffante, ne plaisait à aucun de nous deux ; pire, cela nous faisait peur. Et tandis que ces montagnes de verre et ces coulées noires nous effrayaient, la forêt, elle, berçait nos rêves de son murmure bruissant, plus douce qu'une mère, plus tendre qu'une amante, fidèle autant qu'une amie de l'âge du lait.
Dès lors, le choix était- fait ; c'était en ses bras que nous nous jetterions. Des bras qui ondulaient partout, jusque sur les trottoirs ; nous étions à Kairec, touchés par l'une de ses mains, pour peu que le vent daigne souffler sur nous. C'était là son plus grand pouvoir : s'imposer à nous avec de tendres brises.
Car s'il est une chose à savoir de ce lieu, c'est qu'il semblait un poumon. Toujours le vent y courrait entre les arbres, toujours il roulait des murmures sur sa langue agile, pour faire parler les feuilles curieuses. Un jour sans vent n'existait pas à Kairec. Jamais ne s'éteignaient les bourrasques, ne mourrait l'alizé ni ne soupiraient d'adieu les branches caressées. Le vent ne pouvait expier dans la forêt. Il y tournait pour un instant sans fin, plongeant entre les feuilles pour faire danser ses doigts sur le sol brun, habitait l'air immobile de tourbillons foliaires aux teintes riches d'une Vénus alanguis dans la boue. Il pouvait être tiède ou froid ; glacé en hiver. Câlin et violent, indomptable et sauvage ; épuisé, cajoleur, doux et timide comme une première caresse ; audacieux pour claquer des baisés sur les joues, jouant à tirer sur nos vêtements, à emmêler nos cheveux ; tonitruant au point de couvrir nos mots, ayant perdu tout sens de la mesure, ne sachant plus chanter ; candide quand l'allégresse qu'il transportait dans ses spirales faisaient glousser les feuilles éphémères ; artiste méconnu, les jours où la forêt chantait au passage de sa voix légère, chorégraphe de l'ombre qui faisait à nos esprits des questions innocentes.
<< Pourquoi les mains du vent font-elles danser les branches ? >>
<< Pour les coquelicots qui s'ennuient en regardant le ciel. >>
Clair ou obtus. Le vent. Devenu un ami dans le ventre parfumé de la forêt, chargé d'être une main dans les méandres arides de la ville.
Respiration toujours renouvelée. Kairec.
C'était aussi l'abime dans lequel nous plongions. En lui, exaltation était synonyme d'existence. Plus que son souffle capiteux et sa tendresse à l'égard de nos rêves, elle avait surtout pour elle ce monde tamisé qui dormait loin du ciel. On imagine souvent le paradis comme un lieu céleste, une étendue écrasante de bleu, un espace clair et vaste où tout peut se comparer à ce qui nous semble précieux ; ciel céruléen, eaux tant limpides qu'elles évoquent le cristal, herbe d'émeraude, soleil doré, lune d'argent... Mais pour nous, le paradis était un abîme plein de terre et des feuilles gluantes coalisées sur le sol, un méandre de troncs et de racines, tavelé, bossueux , brun et gibbeux, festonné d'arbres gisants empourprés de champignons ; et le ciel, loin de nous surplomber, se cachait derrière les branches chargées, repoussé, comme une fumée phosphorescente planant au-dessus de nous, indécise quand il s'agissait d'envisager descendre. Le ciel, plutôt que de dominer, s'effaçait pour laisser la forêt nous happer tous entiers. Engloutis, nous en venions à l'oublier ; il n'était que la surface, tandis que nous avions pénétrés dans les profondeurs occultes. Loin de lui, nous étions à notre aise. Sans son regard gigantesque et perçant, nous pouvions fleurir. Nos sens s'épanouissaient à l'obscurité, les bêtes endormis entre nos chairs en déployaient les pétales pour sortir, emplissant le vide de sensations nouvelles... A vrai dire, de vide, il n'était plus question. Nous étions mêlés à la forêt, formant un tout, une unité, telle une boule de chair et d'écorce, et c'était une immensité hermétique qui savait s'habiter toute entière, pour ne plus laisser l'once d'un espace étranger la défigurer. Ce qui nous parvenait du monde en dehors de Kairec, cet enfer goudronneux et cuisant, était éthéré, irréel. Le spectre de la lumière tamisait Kairec, mais ce fantôme doré ne pouvait rien nous faire. A peine savait-il nous toucher. Il venait de trop loin. Nous étions comme ces créatures abyssales vivant dans les entrailles du monde, là où l'obscurité est liquide ; nous vivions avec notre propre lumière dans cet univers ténébreux, cette parcelle d'ombre chaude ramenée à la surface... Et à la fois poissons luminescents, brillant comme des statues d'opale, et bêtes de chair aux sens déployés, nous devenions pourtant encore d'autres immenses et insignifiantes merveilles. Car dans cette obscurité profonde, l'abysse pouvait se travestir en espace sidéral. Candides alors, nous étions les étoiles de ce creux cyclopéen, astres embrasés pareils aux comètes furibondes, exaltées, bien plus que qu'aux soleils pondérés sagement posés dans leur coin d'univers. Enveloppés de gazes étoilées, nous fendions les profondeurs en nous moquant du ciel bleuté, couleur de lèvres exsangues ; la forêt aussi pouvait accoucher d'étoiles. Il n'avait le monopole sur rien. Tout ce qu'il faisait, Kairec en était semblablement capable. Et dans cette même action créatrice, elle donnait à ces transformations une intimité étrangère au ciel présomptueux et voyeur. Nous étions cachés, ici, en son sein, et personne ne nous savait étoiles, poissons d'opale et bêtes palpitante comme le brasier. Tout cela restait notre secret à tous les trois.
Étions-nous les élus de la forêt ou simplement de jeunes fous ? Je ne sais. Quelle importance. Kairec a donné de sa sève pour irriguer nos rêves qu'un monde aseptisé voulait faire flétrir. Elle a donné à nos pieds de la terre vivante et grouillante, quand des écoles livraient des croûtes noires stériles aux enfants que nous étions. C'était une bulle de verdure et d'obscurité mouchetée remontée des profondeurs. Si insignifiant qu'ait pu être ce bras de forêt qui s'étirait au bord d'un parc -comme la bordure d'un rêve déchiré par le réveil, à la périphérie de l'esprit-, elle sut nous parler pour se faire majestueuse à nos yeux. Je ne sais comment, sans employer de mots, Kairec fit pour semer des étoiles dans nos yeux et pécher des sourires dans l'onde trouble de nos visages... Je ne sais quels purent être les envoûtements véritables qui nous poussèrent à vivre sans notion de temps une enfance si longue que je peux encore la toucher du doigt. Je ne sais pas. Je n’ai pas le talent du vent pour parler. Ma voix n'est pas reprise comme un chant par les feuilles. Je suis humain. Je suis minuscule, et j'ai été rendu au ciel écrasant, au monde gris.
Cependant... Je crois me souvenir de l'enchantement particulier de certains lieux. Ma mémoire ne les a pas comptés comme indépendants, car pour elle Kairec n'était qu'une entité, mais ils avaient chacun leur importance propre. Comme les pas traînent les souvenirs, et les plaines foulées du passé murmurent doucement à mon esprit.
Avant tout, je me souviens du lac. Une petite étendue d'eau bourbeuse dans une clairière où le printemps déposait des coquelicots, comme des perles de sang dans l'écrin d'une pelouse. A vrai dire, ce n'était qu'un étang. Boueux et peu profond, un trou d'eau dans lequel la fange dessinait des volutes, mais nous l'avons toujours désigné ainsi, "le lac".
<< Allons danser pour les fleurs sur les berges du lac. >>
<< C'est l'été. Il y a des moustiques. >>
<< Vois leurs piqûres comme des baisés de fées. >>
On pouvait penser qu'il était peu de choses. Triste, impropre, infesté d'insectes quand la chaleur tombait. Pourtant, nous en avions fait le cœur de la forêt, le nexus de Kairec, où se rejoignaient les deux mondes. Ici le ciel reprenait sa place, retrouvait l'emprise que les frondaisons lui avaient prises. En partie. Il en naissait un troisième monde, une tierce réalité où s'éclipsaient toutes les transformations, où les deux enfants desquels nous étions composés -celui du soleil et de la ville ; celui des ombres et de la forêt- se superposaient comme le soleil et la lune, pour donner naissance à une créature à mis-chemin entre ces deux natures contraires. Produits de cette éclipse, nous cessions nos courses fluides au travers des bois pour méditer soudain, face au lac apaisé. Il était immobile pour jamais. Son eau ne savait plus courir, la terre, avec ses souvenirs de journées statiques, lui avait fait oublier en se mêlant à elle. Au fond, ce lac nous était semblable : résultat d'une alchimie douteuse opérée sous les mille yeux du ciel inquisiteur.
Son importance tenait dans cette laideur, pourtant. Face à elle, cette triste imperfection, nous pensions à l'avenir assassin et au passé grandiose, au temps qui passait sans pitié pour nos rêves massacrés. Nous prenions conscience que nous étions en train de grandir, sans rien pouvoir y faire, même entre les mains fraîches de la forêt. En cet instant même où nous regardions l'eau terne, les secondes se passaient le mot pour aller alerter la minute qui irait sonner chez l'heure afin qu'elle éveille le jour qui appellerait la semaine pour lui signifier que le mois devait mettre l'année en branle. A ce rythme-là, nous aurions de la barbe avant même d'avoir pu porter la main à notre visage pour en toucher la surface lisse une dernière fois. C'était une pensée désolante.
Alors nous hurlions face au lac. Nous tempêtions, rugissions, parlions seuls, nu-pieds dans la vase, ou jetions nos récriminations au visage de l'autre.
<< Maman m'a dis que je ne pourrai JAMAIS aller en Islande et que j'allais devoir rester ici, je te hais ! >>
<< Et bah moi j'ai eu une mauvaise note en mathématique, et JE TE DÉTESTE. >>
<< Hier il faisait trop chaud, c'est de ta faute ! >>
<< Si j'ai mal aux pieds, c'est à cause de toi ! >>
Tel était le jeu, telle était la catharsis.
Nous nous libérions de nos angoisses dans la clairière balayée de lumière, les jetions comme des pierres à l'intérieur du lac, pour qu'elles y coulent et disparaissent dans sa fange globuleuse. Nous rougissions nos joues de cris poussés trop fort, et nos larmes étaient bouillantes aux coins des yeux ; elles tombaient dans le lac, devenu tombeau liquide de nos frayeurs et rejets du futur. Cimetière fangeux.
Désormais, la boue m'évoque la peur, et l'odeur des joncs décomposés rappelle à mon souvenir cet étang bourbeux où nous avons tenté de noyer le temps inexorable.
Le deuxième lieu qui s'impose à ma mémoire est une grotte. Un trou obscur entouré de racines, dans lequel auraient habités des ours si la ville n'avait pas été si proche.
Elle était toujours humide, et jonché de caillots terreux, ou de petites pierres. Et profondément ténébreuse, comme si de vieilles ombres obèses étaient venues se poser ici, pour attendre la mort assises sur leurs grosses fesses grasses et noires. Nous les aimions comme des grands-mères et glissions ente elles sans faire de bruit, pour aller tout au fond de la grotte, là où le regard crée des tâches sur la rétine pour essayer d'imiter la lumière. Et alors, nous pouvions tanguer au bord du vide pour éprouver nos ailes.
Ici, seule notre imagination pouvait nous empêcher de tomber. Sans elle, c'était la chute assurée. Il fallait s'y enrouler pour apprendre à voler, sans risque de se perdre et de rencontrer le vide. Devenir des oiseaux, des insectes, des nuages, des étoiles, des feuilles, des souffles de vent... Changer de forme, faire fondre nos corps et flouter la réalité jusqu'à la dissoudre, pour en émerger nouvellement, comme éclos dans les ténèbres sur une corde tenu.
J'ai été, donc, sans prétention aucune, un papillon chamarré, un phénix éteint, une poche de cendres froides, un tourbillon de pétales arrachés à leur prairie, une comète grésillante plombée par l'âge, une balle lancée trop fort, un grain de pollen, une goutte d'eau égarée, un ange effrayé par le soleil, un démon mangeur d'ombre, qui plantait ses doigts crochus dans les bides gras de l'obscurité assoupis... Et puis d'autres choses, d'autres merveilles qu'on ne saisit pas à la lumière du jour. Nous étions aussi des bruits et des chants. Il fallait inventer de nouveaux sons, puisque la chanson du monde n'atteignait pas ce néant. Il fallait recréer dans ces ténèbres insondables un univers en éternel perdition, qui ne tenait qu'à nos sensations propres. Nous étions le monde. Nous étions notre monde, à nous deux seuls.
Alors parfois, j'ai été la musique qui me plaisait le plus, ou un mot étiré à l'infinie ; parole d'un agonisant, dernier mot d'un soldat, accent détendu puis jeté dans les nuées noires. J'ai été un murmure, et j'ai rencontré un cri. Un rire poursuivant un drapeau, le galop d'un cheval courant sur les vallons mouvants d'un drap... C'était l'obscurité. Les ténèbres totales. Alors je pouvais tout être. Tout ce que je voulais. Une fois, j'ai même tenté d'être la forêt ; mais même mon imagination n'était pas assez vaste pour me déguiser en Kairec. Pour flétrir mon chagrin, j'ai été flocon de neige.
Et lui, tout près, récitait des poèmes, oiseau bleu aux ailes désarticulées. Il était la grandeur des vers et des musiques secrètes. Il était le ciel fait chair, et il s'étendait à travers tout l'espace comme une onde à la surface d'un lac... Je me laissais porter par les poèmes qu'il jetait de ses lèvres. Ils étaient mes nuages.
Le dernier lieu, parmi les trois qui se démarquaient au sein de la forêt, a été son orée. Cette entrée, cette sortie ; porte principale, largement étendu en longueur, et de ce fait également porte dérobée. A l'orée de Kairec, se touchaient deux mondes. Mais ici, il n'y avait pas d'éclipses ; la frontière en était brutale et implacable. Il fallait pénétrer dans l'un et quitter l'autre, chaque fois en s'emportant tout entier, sans oublier une part de soi dans le monde qu'on laissait au regard de nos nuques.
Pendant longtemps, nous avons choisi la solution facile. Rester dans ces deux mondes, et se préserver d'une coupure trop brusque avec l'un comme avec l'autre. Puis, nous avons délaissé la civilisation pour Kairec, et la tricherie contraire s'est imposée ensuite.
Ces années durant lesquelles nous laissions à Kairec des bouts de nous, jamais le vent ne nous a quittés. A tous les temps on conjuguait ses caresses ; à toutes les saisons, on murmurait ses chants. Chaque journée qui passait, chaque seconde loin de Kairec, nous avions toujours une main qui passait sur nos joues. La forêt soufflait ses bras sur nous. Ils se tendaient, prêt à nous reconduire en son sein verdoyant. Nous avons vécu dans ce vent constant durant des années au goût tout doux d'éternité. Hélas, il a fallu un jour laisser ce vent s'éteindre.
Un jour, je ne sais plus lequel, nos rêves ont commencé à mourir, et nos sens à faner. Nous avons voulu les retenir, mais n'avons réussi qu'à les étouffer. Dans notre étreinte désespérée, ils sont morts. Je me souviens. Nous avions du poil sur les joues, et le bruit du vent n'était plus que le bruit du vent. Plus de chanson. Les feuilles bruissaient sans parler. Plus de murmures.
A l'orée de Kairec, soudain, nous avons réalisé : nous avions grandis. Le temps nous avait emporté, tous les deux, et sans que nous en prenions conscience. Et pour nous, Kairec n'avait plus que des merveilles spectrales. Impalpables. Lointaines.
Pourtant, un soir d'hiver, je suis revenu. Il y a deux jours de cela.
Il y a deux jours, j'ai revu Kairec. Dans le soir, j'ai revu la forêt. J'ai cru, entre les troncs, apercevoir deux étoiles qui courraient... Mais peut-être ai-je rêvé ? Car il y a deux deux jours, avant de me poster à l'orée du bois, j'ai quitté un cimetière.
J'ai quitté Joseph. L'oiseau bleu, dans son dernier lit de bois, ne chantera plus jamais. Je vais devoir marcher sans ses poèmes pour me porter à chaque pas.
Ce texte, il est pour nous. Pour Kairec. Au-revoir Joseph. Adieu. Kairec a de nouvelles étoiles, de nouveaux poissons d'opale. Nous, nous sommes éteints. Même moi, qui ne suis pas encore mort. Je ne suis plus qu'un caillou déshabillé de ses lumières. Sans rêves, sans Kairec, je ne suis plus qu’un homme...
Sans toi, Joseph, je suis seul aussi, comme tous les autres. Un monde sans Kairec, un monde sans Joseph, c'est un monde où je suis seul. Je suis une étoile éteinte, et je tombe, je tombe dans le vide. Je n'ai plus d'ailes. Est-ce que ce texte y changera quelque chose ? Non.
Mais dans vos cœurs, désormais, vous tous... Prenez soin de Kairec, prenez soin de Joseph, et prenez soin de moi.
Je vais le rejoindre, dans les ténèbres, et redevenir flocon de neige.