-One-shot-

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06-06-2013 à 18:14:25
-2012-
Premier souffle-

Arrachée à la glaise et la chair, cette vie de mort vagit une vague complainte de douleur. Un premier souffle pour ravager ses poumons et brûler sa gorge. Une entité qui s'engouffre entre ses lèvres molles et le fait expirer en cet instant de souffrance. Première seconde en ce monde, première douleur pour le faire crier. Il hurle comme tant d'autres avant lui, vulgaire, gesticulant de son corps flasque qui ne peut que vainement trembloter. Ses bras boudinés et rosâtres brassent un vide moite qui le viole, brusque son être empâté par neuf mois à végéter en l'antre obscure d'une mère. Il menace de glisser entre les doigts qui le serrent, de s’épandre en leurs creux et de combler les sillons de ces paumes vétéranes. Cent ou plus ont déjà frétiller au bout de ces bras tendus. Autant qui remuent aujourd'hui dans d'autres mains vieillies par la lourdeur d'une vie nouvelle. Ce poids si vain. Cette vie qui vient saisir sa part d'air et d'espace sans conscience de rien. Le monde la soumet, dompte son arrogance d'exister. Une respiration pour mater cette misérable créature à la la face rougeote. Et pourtant, elle s'y accrochera fermement... Ne voudra plus cesser de respirer désormais. Tout sera fait pour empêcher la mort de s'emparer de l’horripilante chose neuve. Sa vierge fragilité n'attend que d'être brisée par un amour unilatéral. Ce prochain Raphaël rejoindra bientôt le rang des suicidés. Son pauvre corps éclaté contre un goudron noirâtre, labouré par des os ravageurs de son être propre. Tel est son destin. Tel est le sort partagé par un petit Simon qui s'endort sous son couvercle de verre. Et Samantha, qui ne naîtra que deux ans plus tard, emportée par l'ombre d'un homme, un agent de la mort qui semble ange tout en étant démon. Des masques. De la souffrance. Un amour qui rimera trop tôt avec mort. A l'adolescence fauché, plus de souffle prolongé pour ces enfants du malheur. Car le vie est injuste.
Car le monde les tuera.
Mais pour le moment, ce n'est qu'une porcelaine écarlate, que l'on pose délicatement dans son coffret de soie. Il rejoint un lit à la dentelle industrielle, à l'abris sous la tiède couverture du verre conforme, lisse et protecteur.
Dors bien mon petit, être de vie né de la mort, ô nourrisson à la peau si douce dont la tendre chair est issue de cadavres. Rêve de la mort qui t'as formée, rêve de la nuit de laquelle tu as surgit... Demain est un jour nouveau. Un autre combat.
Bonne nuit.
01-04-2017 à 14:23:02
-2014 ? Berk c'est pas beau. Surtout la fin-

Et jamais ne se taisaient les cris de l'enfance qu'on avait oublié. Elle tendait ses bras grêles dans le noir, quêtant le soutient d'une flamme qui daignerait brûler, cherchant dans les ténèbres comme une belle inconnue, perdue quelque part, peut-être agonisante aussi quelque part dans le monde trop vaste- trop laid, qui les gardait prisonnier de son étau sordide. Et jamais on ne pourrait s'échapper d'un marasme pareil : tous le monde finissait par se laisser prendre dans la bourbe acide qui engluait les rêves. Doucement, on glissait vers les tréfonds du marécage titanesque où flottaient tous les bourgeons d'existence, flétris au sein d'un hiver morale où jamais ne poussaient les premiers perces-neige de l'espoir flageolant.
Tout compte fait, ils en crèveraient tous. Un par un. Et l'enfance, en ses chaînes, continuaient de répercuter ses hurlements contre le vide de l'air. Lui répondait l'écho lointain, au delà des monts de l'indifférence générale qui s'élevait en muraille tout autour de sa présence tenue, mourante. Quelque part, dans le ciel, un oiseau répondait à ses plaintes, et le tourment des astres accompagnait ses pleurs, sanglot d'un ciel qui s'éteignait sur un dernier accent de nuit. Même les nuages en tremblaient sur les cimes, troublés de ce chant d'agonie.
Et là, quelque part. Quelque part, un cri semblable, un pair qui s'exerçait à quémander une aide absente. Partout sur la Terre, l'Enfance mourrait, cent fois, mille fois, égorgée sur les arrêtes du monde. On la saignait à mort dans chaque salle de classe, on la couvrait d'hématomes partout dans les rues, on lui crevait les yeux dans les salons chaleureux, où sur les écrans noirs, le monde exhibait sans pudeur ses horreurs claquées d'une nudité atroce.
Percevra t'on jamais cette complainte autrement que par l'oreille d'un autre ? Il y a toujours quelqu'un pour désigner ce chant, le révéler soudain- pointer du doigt les notes qui tremblent au bout du fil d'une voix soufflée. Aujourd'hui, ce sont mes doigts qui sonnent l'alarme. A demain son prophète, je suis déjà celui d'hier. A demain ses propres plaintes. Et peut-être bien, dans un éclat d'espoir, à demain ses victoires. Sait-on jamais, si l'univers apprend soudain la pitié, ou que saisit d'ennui, il décidait enfin de donner à l'enfance l'éternité des ombres... Ces ombres qui ne cessent de s'agripper dans le ciel. Immuables, comme ne peuvent l'être que les ténèbres entre les galaxies. Le froid est sauf aussi. Compagnon de l'obscurité qui gèle, coulée au sein noir des étoiles.
Eux seuls persisteront à entendre l'enfance, jour après jour, mais ils n'oseront répondre. Et alors, toutes les fées seront mortes.
Et alors, le futur, sans charmes, étendra ses chairs nues, pâles, laissera les yeux glisser sur son corps have. Doucement, en regardant le monde aux sylves abattues, les océans où ne bouillonneront plus des nuées d'écailles affamées de lumière... Doucement, en posant nos yeux rouges sur le reste de ce monde où ne germent plus que les stèles, ce monde où personne n'entend les cris des animaux, où personne ne veut recueillir la complainte des forêts ; quelques fous peut-être, les plus beaux d'entre nous ; doucement, en s'écarquillant sur la laideur du tombeau que nous aurons creusé... Doucement, alors nous comprendrons, dans une convulsion qui sera l'ultime sanglot.
L'espoir ne meurt jamais, sauf quand on l'assassine. Et il ne s'agit plus que d'entendre l'enfance : c'est tout un champ de possibles où se flétrissent les bourgeons des lendemains heureux. Le monde est de terre-glaise, et les mains maniaques de l'humanité démente l'ont fait à l'image du pire de ses cauchemars. Mais elle n'en prendra pas conscience à temps. Non, nous étions une belle tragédie, insoutenable histoire où des milliers d'acteurs courraient vers d'infinies désolations qui sont le reste des années où survivront encore cette inhumanité immonde à la démence "raisonnable."
Puisque l'on chante des louages à la maturité qui condamne notre monde.
Puisque l'on balaye les forêts emmêlées sur le sol, branches brisées dans la poussière soulevée par leur chute, d'un regard indifférent où se lit la fin du monde.
Puisque jamais ne dure le temps du rêve, puisque jamais les espoirs ne survivent aux années.
Puisque tant de bonnes âmes font entrer dans leur bouche des restes d'animaux, laissant glisser dans leur gorge des muscles avachis, puisque découper et manger des cadavres semble si naturel à cette humanité risible.
Puisque c'en est finis du chant dans les bois, que le Grand Pan est mort et que je ne peux l'entendre.
Puisque le monde, tout simplement.
Alors moi je dis non, et je meurs, dans le dernier souffle des forêts qui brûlent.
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