Ton angoisse remet de la substance dans mon coeur rongé dévoré par les vers. Ils se réveillent grâce à la vibration de l'anxiété maternelle. Enfin ils excrètent délicatement dans les tunnels creusés à même la chair putride, ils le remplissent voluptueusement de leur merde fertile. Exquise. Mon coeur fourré comme un fin chocolat. A la crème patissière, crème fouettée, tourbillons de chantilly rebouchant les artères. Mon coeur est un nuage de crème qui s'envole dans la chambre, qui fait pleuvoir des flocons de beurre, des trombes de gouttes opaques, lourdes, épaisses, comme des larmes de sperme.
C'est un jour de plus à passer seul ici à attendre que les cours prennent fin, à attendre que les gens aient finis de me passer à côté. C'est un jour de plus à se convaincre qu'il y a de meilleures solutions que la mort, à y penser pourtant toujours un peu plus. Je cherche à innover : ma dernière idée en date comprend l'achat par un moyen ou un autre de morphine ou d'un dérivé quelconque, afin de pouvoir me vider de mon sang sans douleur. Jamais eu les couilles de me couper, mais j'espère que libéré de la crainte d'avoir mal, j'aurais le courage d'enfin passer à l'acte. Tous les jours, je me dis que je devrai déjà tenter le coup en coupant quelque part, appréhender la souffrance du rasoir qui tranche la peau : ou faire ça au couteau, ou avec des ciseaux. Peu importe. Mais j'ai la vanité et l'optimisme de penser aux cicatrices qui resteront gravées dans ma chair, aux gens qui les verront. Je pense à mon corps que je méprise déjà, et à ce que je veux lui faire subir. Si je suis trop lâche pour en finir, je devrai vivre avec ça, encore plus laid, plus abîmé qu'avant. Ça me fait peur, alors je ne me touche pas. Je me regarde juste dans le miroir en imaginant quelle parcelle de chair pourrait être entaillée sans que ce ne soit trop visible. Ou juste en tentant de déterminer l'apparence des cicatrices. Mais je ne fais jamais rien de concret, et je continue à vivre, physiquement intègre. Hourra.
Il s'est déshabillé
Les feux d'artifice qui ondulent dans la nuit. Dansent. Le chant des sirènes des feux. Les sirènes qui s'en retournent au ciel. Ecartelées dans les ténèbres.
J'oublie ma peau dans la fumée des joints, j'y brouille les contours de mon corps, les roulements de tambour silencieux du trip s'élancent dans mes veines et font rompre mon coeur dans l'abandon et dans l'envol. Mon gosier crisse et brûle, se parchemine et s'emplit de chabrons, d'escarbilles aux cocons de cendres vivantes.
La gueule chiffonnée, défigurée au vitriol par des larmes amères.
[J'ai regardé le garçon qui était mort ce soir. Il était couché là, froid et compact, comme un bonhomme de neige. Il en avait le teint, et les yeux vides, deux yeux d'un bleu limpide sur son visage blafard aux pupilles en bouton, d'un noir opaque voilé d'une patine grise. Une mèche de cheveux blond reposait en travers d'un de ses globes oculaire, humide de larmes, poisseuse de sang. J'imaginais le contact moite des cheveux et de l’œil, la kératine fondant dans la gélatine tiède, une sorte de dissolution languide aux bruits inaudibles, doux, écumeux... Bien entendu, ce n'était qu'un fantasme, aucune réaction chimique de ce genre ne s’opérait ici. Mais j'aimais à y croire, à imaginer cette lente et croustillante dégradation, perdu dans la contemplation de son visage serein, au regard si franc. Un regard qui ne pourrait plus faire autrement que de rester fixer là où bon me semblerait, désormais que je l'avais privé du réconfort de ses paupières.
Le méandre des veines à fleur de la peau fine, le lacis bleu pastel sinuant sur l'avant-bras, une teinte si douce, si délicate, qui se mêlait splendidement à sa pâleur morbide.
Ses lèvres étaient sèches et froides, aussi douces que du satin frai, aussi glaciales que le verrou d'une porte scellée, l'entrée close d'un antichambre moite. J'ai néanmoins pénétré le tombeau de sa bouche, enlacé dans la mienne sa langue inanimée, aux papilles encore imprégnées de la saveur piquante de l'alcool, puis celle plus amère des drogues soporifiques qui l'avaient plongé dans un sommeil létale. ]
<< Envoie ton coq à la basse cour, mais gardons l'hirondelle. >>
Ses lèvres entrèrent en éclosion au sommet de sa verge. Elles y glissèrent, et sa bouche était comme un fourreau de velours, la moiteur de sa douce langue amère semblait la bise d'un vent d'automne sur l'ébullition de sa chair rubescente, gorgée et palpitante.
C'était un homme-oiseau aux grâces faunesques, aux longs membres duveteux, mordoré de l'iris aux orteils, aux lèvres pourpre comme le vin, au ventre plat et tiède, délicatement ombré, moucheté d'une pubescence pâle et fantomatique, qui, parfois, se colorait en un jaillissement dru, brun, soulignant le tracé captivant des lignes de son corps.
Il vacillait toujours sur la pointe des pieds, exhibant le relief incisif des muscles de ses jambes, allongeant la finesse aérienne de son cou, offrant à la contemplation d'autrui l'architecture dépouillée de son enveloppe moite, croquante et onduleuse. La plante sèche de ses pieds de danseur se posait pourtant fermement sur le sol, adhérait à la terre, et sa marche était aussi vive, aussi intense, vigoureuse et sauvage, qu'elle était aérienne, angélique, langoureusement déliée. Dans le mouvement il unissait l'abdication sensuelle et la supplique fébrile, semblant goûter avec satisfaction au contact infaillible de la terre, puis testant avec lascivité les liens de la gravité, aspirant à s'élever, dans un élan désespéré qui relevait autant du spasme angélique que de l’exhibition.
Le coffret calfeutré qui existait derrière ses lèvres sèches, l'écrin de velours du palais, l'étendue moite et caressante de la langue, invitant à s'échouer dans la bulle cramoisie, humide et sulfureuse ; j'ai possédé le mystère de sa bouche durant quelques secondes.
Il a défroissé l'origami du goût, l'a posé sur ma langue, a brûlé mes papilles des saveurs de sa bouche.
Le plis verticale et musqué de ce dos musculeux l'excita plus encore.
Il connut de sa langue chacune des vertèbres de ce dos sinueux, les caressa de ses lèvres, dessina leurs contours dans sa bouche de velours, goûta à la sueur comme on s'offre à l'alcool. Il fit fondre la peau salée sur sa langue à la manière d'une viande assaisonnée avec amour, laissa les saveurs de cette chair imprégnée de soleil s'étaler sur ses papilles, s'y dissoudre comme des morceaux de sucre pâteux, dans l'effervescence délicate de l’ivresse.
La chevelure de moire aux éclats aurifères, les lèvres de satin et les yeux de velours, où la pupille repose, comme un joyau d'obsidienne dans un écrin froissé. La guirlande adamantine des dents festonnant le feutre fondant des gencives, surplombant la langue aussi douce et fluide que l'alcool, marbrée de bleu, de jaune. La peau tiède et veloutée, souple et jeune, caressante, tissu soyeux de pâleur crémeuse, de duvet frémissant.
Un visage pâle et sans relief, un visage en 2D.
Dans chaque geste, il y avait un millier de personnes, un millier des autres qui avaient appris ce mouvement, l'avaient perfectionné, transmis.
Son corps était un merveilleux cercueil de feutrine et de membranes mouillées, de velours cramoisie et de douceurs humides. Les bords de ses plaies murmuraient comme du satin sous ses caresses, un chuchotis feutré, foliaire.
J'aimais quand il s'abandonnait sur les passages piétons.
Il faisait toujours une petite révérence pour remercier un automobiliste ; une sorte maladroite et dénaturée de révérence, tout à fait charmante dans sa fragilité.
[...]
Je suçais sa langue comme un sucre d'orge.
[...]
Il se mit à vomir des flots de gerbe tiède écumant de fluides gastriques, festonnés de bouts de viande ; pas la sienne, heureusement. Il eut néanmoins un instant de doute, s'imagina dégobiller ses propres entrailles crues...
[...]
Ses lèvres vermillonnes dégoulinèrent de salive et de bile, sa jolie langue savoureuse et agile devint pâteuse et prit un goût amer.
Un adolescent va se suicider en forêt. Alors qu'il s'apprête à mourir, le dieu Pan apparaît, le sauve et commence à lui parler. L'influence de Pan va déchirer l'existence de l'adolescent et la bouleverser sur tous les plans.
> il découvre son homosexualité. ( Pan lui rapporte une nymphe = jeune fille droguée évanouie ou autre. Il l'enjoint à la toucher, à avoir une relation sexuelle avec elle, mais finalement, termine en souriant par lui faire comprendre qu'il aime les homme, en entreprenant de baiser avec lui. Rapport tendre et bestial. Manié comme de la terre glaise, baisés et morsures dans le cou, langue fluide et soyeuse, la douceur piquante de sa barbe, ses lèvres chaudes et humides. Il le fait jouir dans un éparpillement complet des sens, une abondance de messages nerveux qui fait taire son esprit.)
> il remet en cause toutes ses opinions, la direction qu'est en train de prendre sa vie. Décide de la changer.
> Ses relations sociales bouleversées les unes après les autres avec violence. Les masques tombent fracassés.
> Il explose soudain, ses émotions, ses actes deviennent passionnés et violents.
Un poète contemplait le ciel, refusant le spectacle des misères de la terre. Il rêvait de l'azur éclatant, des nuages lumineux, d'une lune majestueuse et d'un cortège d'étoiles. Le pauvre sot, il n'avait rien compris.
Le poète doit baigner dans la crasse. Il doit barbouiller l'azur de sa merde, imbiber les nuages de sa pisse. A quoi bon évoquer les fragrances d'une fleur de lilas, la blancheur symbolique du lys ? Le bouquet des entrailles et son parfum de viande ne parle t'il pas bien mieux de la vie et de la mort ? En est-il même de plus légitime ? A la pureté cireuse de l'asphodèle, je préfère l'éclat glacé de l'os, l'ivoire jaunis des dents. Aux douceurs du printemps, les remugles entêtantes des viscères fraîches, le technicolor insidieux des tripes grasses.
Les mains qui déambulent.
Les doigts qui écument la jungle de ses boucles.
Mon corps c'est un flacon, le parfum c'est mon âme. Je la vaporise sur toi et tu sembles aimer ça.
Les harmoniques du métro, comme le chant des baleines.
Brise attentive ( à ne pas claquer les joues ou raser la peau fine )- bruine fraîche- le bruit des arbres ressemble à celui de maracas.
Je traverse la houle, je fends les vagues dont les crêtes aux frontières de la chair déposent leurs baisées et rasent de leurs caresses, le sel entre en mon corps en traversant mes pores. Mes artères rongées charrient la langueur piquante de l'océan qui réveille le soupir assoupis au fond de mes entrailles. J'entrave l'écume au bord des yeux, je repeins mes paupières d'eau vive et de brouillard salin, j’assassine la vision et j'abandonne sans questions sans peurs sans rage. Mes pupilles s’enlisent dans la cécité, mes mains ondulent au creux des vagues comme dans le creux des hanches, j'oublie mes articulations, j'apprends l'errance rythmée par la marée qui suçote le bords des plages crépitantes de soleil ou de pluie et recrache des galets. J'abolie l'unité corporelle factice, je romps mes tendons un à un, déconnecte les nerfs. Mon esprit est comme un instrument fatigué dans le feutre de la chair, il ballote dans les replis inconnus où se reposent les ombres que j'ai au dedans du crâne et des membres comme de secondes muqueuses collantes.
Et il ne sentait plus sa voix qui montait dans de parfaits aiguës en harmoniques étranges dans la nuit noire et dense où les arbres dansaient, frôlés et tourmentés par les mains rasoirs du vent furieux d'hiver. Les étoiles qui poignardaient le ciel n'avaient plus de couleurs, tout était devenu noir et gris et bleu, dans la clarté obscure des soirs où les tempêtes s'embrouillent en circonvolutions mystérieuses et odorantes au dessus des terres assoupies qui exhalent le brouillard comme une longue buée, une respiration frêle délitée par la brise.
Treat. Je me souviens de Treat. C'était un gamin quand je l'ai rencontré ; et maintenant que je le retrouve, je n'arrive pas à me sortir de la tête qu'il est mort enfant, si jeune. Ce brave type ressemblait à un épouvantail, un croque-mitaine dégénéré à la voix éraillée. C'était comme ça qu'on le présentait, ce grand bonhomme blafard aux longs membres osseux de Mister Jack. Mais moi, je l'ai toujours vu comme une montgolfière, ou bien un dirigeable. Avec ses yeux dorés comme des braises mourantes, la fumée qui l'environnait de voiles bleuâtres, sa caboche pleine de rêves, plus sûr que l'hélium pour planer vers les étoiles piquantes, et son corps décharné, sa peau qui ressemblait à une toile monochrome tendue sur l'armature délicatement proéminente de son squelette d'anorexique, et de camé. De malade. Treat volait, je n'ai aucun doute là-dessus. C'était un oiseau en papier, un ballon de fête-foraine échappé des doigts gourds d'un enfant bousculé.
Il n'aurait pas dû finir sous une pierre tombale, plutôt poussières au vent. Pourtant, il est bien mort ici, dans cette prison, et ses ossements reposent sous la stèle fleurie qu'on lui a dédié, dont on a assommé son cadavre exsangue. Quelle petites mains tremblantes ont déposé ces fleurs ? Si je restais ici quelques heures de plus, peut-être que je le saurais. Sinon, il faudrait que je revienne tous les jours m'accroupir devant cette pierre tombale, que je scrute le cimetière à la recherche de ce visiteur qui ravive l'existence achevée de Treat en sacrifiant des fleurs sur son dernier autel. Je me demande ce que savoir pourrait bien m'apporter. Pas grande chose, probablement rien du tout à vrai dire. Des embrouilles ou des mots balbutiés. Je n'ai pas envie de parler de Treat à quiconque. Je le connaissais à peine, à vrai dire. Ce gamin de la Nouvelle-Orléans qui s'arrachait la gorge et les doigts en compagnie de son groupe, médiocre mais plein d'énergie, suant sur la scène obscure tous les fluides de son corps anémié. Ses veines asséchées charriaient des flots de whisky et de drogue, ses lèvres fines traçaient des sourires catégoriquement défoncés sur son visage aiguë... Ce sont des images nettes. J'ai à peine côtoyé ces enfants, ces créatures du soir qui ont accepté ma présence au sein de leur groupe adolescent. Pourtant, je me souviens d'eux. Je me souviens de nos discussions, suspendues sur le fil de fumée qui s'échappait d'un joint partagé entre leurs douces mains graciles, et les miennes, larges, rugueuses. Nous étions presque intimes. Je suis resté trois mois à la Nouvelle-Orléans, et je les ai vu quasiment chaque interminable jour de moiteur et d'enivrante puanteur, revenant vers eux le soir, tel un animal qui sait où trouver à manger, un chien errant à la recherche d'un peu de chaleur, de caresses et de restes à grailler. Nous nous sommes mutuellement apprivoisés. Et j'ai appris à aimé chacun d'eux pour ce qu'ils montraient au monde, le visage faussement blasé d'une jeunesse terrifiée... J'ai appris à aimer ce qu'ils étaient, au fond et en surface, leur apparence provocante et leurs blessures secrètes.
Je me souviens leurs voix traînantes ou vives, leurs visages exsangues, leurs yeux alertes aux pupilles élastiques. J'ai aimé leur esprit vif et leur corps aiguisé par la faim. J'ai vénéré leur innocence claudicante, cette candeur mise à mal qui persistait dans un éclat au fond de leur regard constamment alarmé. J'aurais voulu les préserver à jamais de ce monde et de ses pestilences, mais ils aspiraient tous à s'y plonger, à inhaler toutes ses vapeurs toxiques, ils cherchaient le baptême dans les eaux empoisonnées du Mississippi et cultivaient leur apparence morbide, atténuaient les couleurs de leurs joues et creusaient leurs orbites pour paraître plus morts qu'ils ne l'étaient déjà. Si j'avais vraiment tenu à les tenir à bout de bras, j'aurais pu. Mais au fond, je savais n'être que de passage, comme toujours. Je savais que bientôt, je les quitterai pour d'autres découvertes, et je n'avais donc aucune promesse de salut à leur offrir, juste une épaule secourable à leur abandonner pour quelques heures nocturnes, la protection illusoire de mon corps, la chaleur de ma voix ; presque rien somme toute, des futilités qui s'en iraient dans le soir comme la cendre des cigarettes écrasées sur les trottoirs, telle autant de balises lumineuses mourantes qui témoignaient de leur passage dans les rues de la ville. De leur présence en des lieux dédiés.
Je suppose qu'ils marquaient leur territoire ainsi, à coup de clopes écrabouillées et de crachats amers, en diffusant des odeurs de fumée autour d'eux, plutôt que celle de l'urine. Cigarettes au clou de girofle. Je peux encore inhaler cette fragrance depuis les jours passés.