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01-01-2014 à 20:41:03
✥ Nom : Kaligan.
✥ Âge : 23 ans.
✥ Ville/région : Originaire de Bauge, fils d'un bourgeois vivant près des montagnes, il est néanmoins tombé littéralement amoureux de Cerf. Ses paysages, sa côte... Même Bourg-de-Castelcerf, qu'il parcourt souvent comme si il se trouvait à Jamaillia, avec un ravissement qui en laisserait plus d'un septique.
✥ Classe sociale : Bourgeois.
✥ Profession : Scribe.


Stats

✥ Magie : 8.
✥ Force : 8.
✥ Précision : 4.
✥ Endurance : 8.
✥ Intelligence : 10.
✥ Perception : 4.
✥ Charisme : 8.




Le Royaume et vous...

✥ Êtes-vous originaire des Six-Duchés ? Bien sûr. J'aurais aimé venir d'un endroit plus exotique, comme le Désert des Pluies par exemple, mais j'aurais peut-être plus de plaisir à découvrir ce dernier en venant des Six-Duchés, que j'en aurai éprouvé de visiter les Six-Duchés alors même que j'étais originaire cette belle jungle ?... Pardonnez-moi, je parle trop.
✥ Ah ? D’où venez-vous exactement ? De Bauge, tout près des montagnes... C'est une belle région, vous savez, propice à l'enfance. On y trouve moult ménestrels pour habiter les nuits de cent rêves fabuleux, et les nomades qui conduisent leurs troupeaux font de bons compagnons pour les jeunes fugueurs !... Ah, certes, j'en dis trop, encore. Désolé.
✥ Êtes vous sensible à la politique des Loinvoyant ? Les Loinvoyants ?... AH ! En effet, nos souvenirs ! Pardonnez moi, j'avais un instant... Oh, rien. Il m'en cuirait de dire ces choses là. ( Il m'arrive parfois d'oublier que je fais partie d'un royaume, voyez-vous. )
Disons que la politique ne m'intéresse pas vraiment. En tant que scribe, j'y ais souvent affaire, mais il me semble que les informations passent entre mes deux oreilles pour aller se perdre dans quelque sombre néant. Néanmoins, j'ai retenu d'elle son hostilité envers les Vifiers... Ces choses là ne me plaisent pas. Faut-il vraiment que ce soient d'elles dont je me souvienne justement ?! Sûrement ais-je encore un instinct de survie, profondément enfouie, pour ne retenir que ce qui me concerne directement... Mais je préférerai enregistrer d'autres nouvelles, comme par exemple, les incroyables formules alambiquées qu'affectionnent Dame Absinthe pour reprocher tant et si bien son absence à son fils, Sire Orage. Voilà qui ferait de bons commérages aux cuisines ! Pour peu que j'ai la témérité de parler dans le dos de mon noble ami... Mais je m'égare, veuillez m'excusez.
✥ Peut-être ne vous intéressez-vous pas à ces choses-là, mais quel Duché a votre préférence ? Que sais-je ! Ne me suis-je pas découvert une passion pour Cerf, malgré mon enfance en Bauge ? Une chose est certaine, Labour n'a pas ma préférence. Mais si jamais il me venait l'idée d'aller jusqu'en Bearn, puis, grands dieux, en Rippon ? Je ne connais rien de ces Duchés, et grand bien me ferait d'y porter mes pas... Cependant que j'ai ma place au château, le monde attend ! Ah, que ne suis-je pas scribe itinérant.
Pour le moment, Cerf restera mon amante, tandis que Bauge jouera le rôle de mère à mes yeux. Je ne brûle que de me découvrir d'autres amours passionnés ! J'ai bon espoir que Sire Orage m'envoie en Rippon près de sa mère, un jour... Néanmoins, je gage que rien de tout cela ne vous intéresse, et je m'afflige d'emplir tant vos oreilles.
✥ Que pensez-vous de nos voisins ? Quels royaumes avons nous pour voisins ?... Taisez le, mais il m'est trop familier de mélanger toute les informations, quand je ne suis pas face à une feuille. Bien, alors... Les Montagnes, bien entendu ! Un beau royaume m'a t'on dis, qu'il me plairait de visiter ; il semblerait que j'y ais des ancêtres, et cela serait dés lors légitime, n'est-ce pas ? De plus, j'apprécie grandement la notion d'Oblat, et l'humilité dont font preuve ces deniers. Néanmoins, je suis hostile à leur rejet des enfants anormaux. Ma jeune soeur n'aurait pas eut droit à la vie en ces terres rudes ; or, sa présence nous a toujours été une grande joie, et je l'aime de tout mon coeur. Je ne peux que remercier mes ancêtres de s'être établis de l'autre côté des montagnes, et d'avoir enfantés à leur ombre plutôt que dans son ventre si exigeant.
Je me souviens aussi, tout à coup, de Chalcède. N'y pratique t'on pas l'esclavage ? Si proches de nous...!, et pourtant, si différents. C'est un pays sinistre paraît-il, je n'aimerai pas m'y rendre. Mais si un jour je mène à bien mes rêves, et trouve le courage de tout quitter pour marcher jusqu'au Désert des Pluies, j'y passerais sûrement. De là-bas, la mer s'offrirait à moi... Je voguerai jusqu'à Jamaillia ! Et plus loin encore, au delà de l'horizon, pour faire crisser le sable du sud lointain. J'ai tant lu sur ces contrées... Peut-être y verrais-je un de ces enfants pâles dont parlent les Écrits Blancs ? Doux songes...
Quant aux Outriliens, je ne suis pas certain qu'on puisse les considérer comme des voisins, mais ils portent leurs bateaux jusqu'à nous très souvent, et bien des gens de Cerf en ont du sang dans les veines. SI je trouve leur culture passionnante, et suis notamment intéressé la place qu'on y réserve aux femmes, je dois m'avouer plutôt effrayé par eux. Leurs raids font beaucoup de mal, et cette sordide histoire de Forge... Pourquoi n'ont-ils pas continuer à commercer paisiblement avec nous, pour le bien de tous ? Cet amour de la guerre me dépasse.
Cependant, je m'avance trop, la question n'était sûrement pas si large ; je suis navré d'en dire toujours tant...
✥ Vous considéreriez-vous comme un grand fan de la famille royale ? Assurément pas. J'ai un grand respect pour eux, assumer la charge de tout un royaume me semble une tâche bien pesante, mais leur Art me fait froid dans le dos. J'ai lu ce qu'on pouvait en faire, et si jamais un Loinvoyant décidait d'espionner le peuple avec cette magie, il trouverait vite les Vifiers qui en font partie... Que ferait-il alors ? Cette perspective me fait froid dans le dos. Je n'ai pas une totale confiance dans le roi Juste, je dois bien l'avouer. C'est un bon roi, mais sa haine du Lignage m'inquiète beaucoup ; heureusement, Dame Prudence est à ses côtés pour le modérer. Comme le veut la coutume, son prénom l'honore d'une vertu hélas trop rare chez les puissants. Nos rois ont toujours été guerriers, ils ont le sang chaud. Nôtre seul espoir pour les modérer ? Leur Reine. Dame Prudence saura nous préserver de décisions trop irréfléchies... Je l'espère.
✥ Pourquoi ? Tout est dis. Pour une fois, je ne m'étalerai donc pas.
✥ Au fait, vous avez un titre ? Sire Orage m'a surnommé "Maître Plume" car j'aime ramasser celles que je vois dans le rue. Ce doit être mon seul titre... Je ne suis pas le premier né, c'est donc mon frère qui héritera du domaine familial. J'en suis plutôt heureux, car toute ces charges qu'il va devoir assumer me font horreur ! Je préfère être libre de faire ce que je veux. On offre notre petit fief à Selivan, tandis que ma liberté me laisse le monde entier. Le choix est vite fait.
Je regrette juste que, Tamara demeurant en Bauge, je ne puisse la voir plus souvent... Elle me manque.
Mais tout cela est encore bien trop, ne m'en gardez pas rancoeur, je parle toujours à outrance.



Physique ~

✥ Yeux : D'un gris bleuté terne, clair comme un ciel par temps de bruine.
✥ Cheveux : Châtains et mis-long, invariablement embroussaillés malgré quelques efforts pour les discipliner. ( Être un scribe et avoir les cheveux longs ? Il l'a fait. Vénérez le. )
✥ Silhouette : Grand et fort, Bartholomeï a du coffre et une carrure certaine. Si on ne l'avait pas trouvé scribe, il aurait fait un garde parfait. C'est un rude gaillard, épaules larges, bien musclé, qui pourrait se reconvertir en marin ou en ouvrier si l'envie lui en prenait. Son père comme sa mère sont du même acabit, et Bartholomeï n'a pas été un enfant sage contrairement à ce qu'on pourrait penser en le voyant désormais. Il a grimpé partout, passé son temps à courir et s'entraîner à l’épée ; bien inutilement, mais avec une fougue à en faire pâlir plus d'un. Son adolescence n'a été qu'un déchaînement d'énergie, autant physiquement que psychologiquement. Il a dévoré les livres autant que les mètres sous ses pas, jamais posé, jamais calme. Un véritable enfer ambulant.
Aujourd'hui encore, il lui arrive de s'entraîner au maniement des armes, sans raison particulière semble t'il. Il touche un peu à tout, toujours extrêmement sérieux, studieux... Et volubile, n'approfondissant rien du tout. Le maître d'arme de Castelcerf le connait bien et le laisse volontier lui prendre une ou deux armes pour quelques heures, quand l'envie lui prend de manier du fer et pas seulement des plumes.
Plus en détail, soyons rapides : il mesure un mètre quatre vingt pour une dizaine de kilos de plus que sa taille...( Mais que de muscles mesdames, profitez-en. \o/ ) Et là dedans, il doit y'en avoir au moins un consacré à ses poils. Cheveux, barbe et tout le reste compris, Bartholomeï est un peu le cauchemar de toute femme amatrice de peau glabre. Outre sa peau mis à mal par les vents de Castelcerf -Bartholomeï passant un temps déraisonnable à marcher sur la plage, quand il n'est pas penché pour écrire des lettres-, il est assez poilu pour effrayer les pucelles. Jambes portées disparues sous des poils bouclés, pieds eux même touchés par la dérive de ceux-ci ; ne parlons pas de son torse.
...
Certes, ne regardez pas non plus ses épaules.
✥ Habitudes vestimentaires : Il n'y a pas grand chose à dire. Bartholomeï n'est pas frileux, alors malgré les vents de Cerf, il ne porte pas grand chose, même en hiver. En fait, il aime avoir froid... Aussi étrange que cela puisse paraître.
On jette généralement un regard septique en le croisant dans les couloirs. Outre ses yeux dans le vague et sa tendance à se prendre des portes, des murs, voir des gens, il dénote de par son habillement outrageusement simple. Des tuniques sans apparats, variablement blanches, noires, grises, brunes ; fades, ternes, associées à des braies lassées ou pas selon son envie. Il ne porte que des bottes. Autant dire que Bartholomeï ne peut pas être présenté à la noblesse sans qu'on l'ait forcé à acheter quelque chose de décent avant... Et encore faut-il lui faire passer le message en insistant, sans quoi il ne comprendra pas ce qu'on lui reproche. Une fois cela fait, il se confondra en excuse, tentera de faire mieux... Tentera. Puis oubliera, après quelques temps. Il faudra recommencer. Encore et encore. Même Sire Orage n'a pas réussit à le marquer durablement ; cela ne viendra probablement jamais.
Quand on parle de l'habillement de Bartholomeï, c'est toujours pour souligner un manque de goût effarant, ou un sérieux problème avec les convenances. Il est devenu une référence en la matière, dans le château.
✥ Autre ? Une barbe épaisse, qu'il n'a pas l'air prêt de couper. A quand des poils pendants ? Ce ne devrait pas tarder, à ce rythme. Il n'a daigné se raser que trois fois dans sa vie, mais à intervalles plus ou moins grands. Cependant depuis un peu plus d'un an, ses joues n'ont pas connu la caresse du vent autrement qu'à travers sa barbe.
Rien de plus marquant chez lui, malgré tout, que son air absent quand il marche. Il semble vivre dans un autre espace-temps, complètement détaché de la réalité standard à l'intérieur de laquelle évolue le reste du monde. Quelquefois, Bartholomeï à l'air d'un zombi. Les chairs décomposées en moins, mais l'expression hagarde parfaite collée sur le visage. C'en est presque gênant... Mais une fois arrêté, quand on lui parle face à face, il redevient un humain à peu près normale.



Caractère

« Mes amis disent que je suis… » trop tête en l'air, légèrement fou, drôle, souriant, exagérément bavard, insupportablement passionné par tout et n'importe quoi, d'une curiosité innocente mais parfois fatigante, épuisant, trop énergique, enjoué, affectueux, complètement déphasé, gentil, studieux, brave, inconscient, étrange, surprenant, paradoxale, rêveur, imaginatif, trop maladroit... Trop poilu.
« Mes ennemis me trouvent… » insupportable, stupide, irritant, hyper-actif, pas assez prévenant, niais, louche, cinglé, négligé, totalement inconscient des usages de la cour, trop proche de Sire Orage, trop plongé dans mes livres, trop paradoxal, trop... Tout le temps "trop" quelque chose, ou bien pas assez. Jamais normal, toujours excentrique. Chiant par défaut. J'angoisse les gens, je les perturbe. Je suis si différent d'eux... Ma présence les met mal à l'aise.
« La première impression qu’on a de moi, c’est… » que je suis grand. Et étrange.
« En société, je suis... » très énergique, bavard, souriant. Je passe pour être de compagnie agréable, mais plutôt épuisante. Généralement, on me fuit en fin de journée : quand tout le monde est abattu et fatigué, je suis encore fringuant. Pour dépenser mon énergie, je vais souvent visiter les tavernes de Bourg-de-Castelcerf, y payant des tournées, chantant quelques chansons, ou cherchant de la compagnie ; mais je n'y passe pas forcément la soirée. Sire Orage se lève parfois brusquement, et me demande d'écrire des lettres au milieu de la nuit. Il est très inconstant, et malgré notre amitié profonde, sur laquelle caquette plus d'un serviteur, s'énerve fréquemment pour des raisons futiles. Quoique irascible, c'est un homme bon, et une compagnie inestimable à mes yeux. Je lui suis indispensable, car peu de gens supporteraient ses sauts d'humeur et sa manie de me sortir du sommeil ; il m'est indispensable, car sans lui, je me laisserais tenter par la folie d'un voyage aux confins du monde connu, sans plus réfléchir.
« En privé, je suis… » exactement le même, mais plus affectueux et attentionné... Surtout avec les femmes. Je pense pouvoir dire que Tamara en est la cause, car j'ai toujours été très prévenant et protecteur envers elle. Sa maladie l'a rendant très fragile, Selivan et moi étions ses seuls remparts contre le monde extérieur. Elle a toujours su qu'elle n'était pas comme nous, mais nous l'entourions d'amour pour que la peine ne supplante pas sa joie de vivre. Je suppose que cela explique ma grande prévenance envers les femmes, alors que je suis si sourd au reste du monde la plupart du temps.
« Ma plus grande peur, c’est… » de ne jamais réaliser mes rêves. Avant de mourir, j'aurais alors l'impression que ma vie a été vaine et dénuée de saveurs.
« Ce que je déteste… » pardessus tout, c'est ne pas sortir de la journée. J'ai beau être scribe, passé mon temps dans une pièce, penché sur une feuille, enfermé, me fait horreur. Je ne supporte pas l'isolement, j'ai besoin de sentir la vie et la nature autour de moi.
« Ce que j’aime… » c'est sentir le vent secouer mes vêtements, tenter de m'arracher les cheveux, éprouver ses claques gelées contre ma peau. Me baigner dans les embruns salés de la mer, plisser les yeux à cause de l'air iodé, avaler de grandes goulées d'air frais avec le sentiment d'être vraiment vivant. Sentir que tout fonctionne dans mon corps, que je puis encore en faire ce qui me plaît ; que du jour au lendemain, je puis décider de ne plus être scribe, pour devenir quelqu'un d'autre aux yeux du monde. Ce que j'aime, c'est la chaleur d'une femme à mes côtés, les caresses que nous nous rendons au creux d'un lit. L'odeur de son corps, la texture de sa peau, de ses cheveux, et tout, tout... Tout ce qu'elle est, peut importe sa beauté, peut importe qu'elle soit douce ou rêche sous mes mains, abîmée par une existence rude ou poudrée, soyeuse, comme une noble dame. Pouvoir fermer les yeux, quelque part, et sentir le Vif partout autour de moi, parcourir les couloirs de Castelcerf en explorant secrètement les ombres et les passages secrets... Sans voir le monde tel qu'il l'est aux yeux de non-vifiers. Laisser errer mes sens au delà des murs du château, parfois, et suivre les mouettes, ou bien... C'est cela que j'aime. J'aime vivre. Plus que tout.
« Si j'avais un rêve... ? » J'ai un rêve. Je veux voyager. Voir tout ce que les Six-Duchés ont à m'offrir, puis aller au delà. Je veux visiter les pays exotiques dont parlent les légendes et les marins. Je veux me sentir stupide et barbare en marchant dans rues de Terrilville, puis ignorant de tout tandis que Jamaillia s'offre à mon regard. Je veux rencontrer des animaux qui parlent différemment de ceux que je connais déjà, apprendre encore mille chose sur la faune des pays qui me sont inconnus, et voler ! Voler parmi les vagues de l'océan ourlées d'écume, sur un navire, peut m'importe lequel, ce qu'il fait, où il va. Je veux descendre plus loin au sud que n'importe qui d'autre, puis remonter pour aller au plus profond du nord, au delà des Crêtes Peintes, dans les contrées gelées où ne voguer que des glaces éternelles. Je veux en savoir plus sur les autres sociétés, innombrables, passionnantes, pour avoir le droit de repenser le monde afin qu'il soit meilleur ; mais aussi m'enfoncer dans la sauvagerie pour éprouver mes sens. Je veux trop. Je veux la Passion. Je ne veux pas d'une existence morne et insipide. Je veux que chaque jour soit différent de l'autre.
J'ai un rêve, et il attend. Quelque chose... Je ne sais pas vraiment quoi. Il attend.



La magie et vous...

… ça fait deux ? Non. Mon frère et moi avons la même sensibilité au Vif ; elle est primaire. Nos parents ont toujours veillés à nous élever dans le respect des traditions du Lignage, mais ils nous ont laissés découvrir seuls nos limites. J'explore ma magie par accrocs, n'osant faire de bond trop brusque... Pour cette raison, je n'ai toujours pas de Compagnon. Quand j'aurais acquis une plus grande connaissance personnelle du Vif, que je me pencherais vraiment sur les possibilités qu'il m'offre, peut être me sentirais-je prêt pour commencer ma quête... Cette fois-ci, je saurais faire les choses bien. Sans me précipiter.
Êtes-vous sensible à l’Art ? Non. Je ne sais pas. Peut être l'ais-je déjà ressentit, sans jamais en avoir conscience ? J'ose espérer que personne n'a fouillé mes pensées... Mais qu'en sais-je ?
→ Le pratiquez-vous ? écrire ici
→ Comment l'avez-vous découvert ? écrire ici
→ Avec-vous un maître ? écrire ici
→ Un clan ? écrire ici


Et le Vif ? Oui. J'ai même ressentit la présence de quelques Vifiers dans le château, mais je n'ai pas osé les approcher. Font-ils partie du Lignage, ont-ils conscience de leur don ? Je préfère rester prudent.
→ Comment l'avez-vous découvert ? J'ai toujours su que je le possédais. Mes parents me l'ont expliqués dans ma prime jeunesse, et nous l'avons expérimentés, Selivan et moi, ensemble.
→ Le cachez-vous ? Oui. Je suis trop conscient de l'hostilité qu'on manifeste aux Vifiers. Plus que pour moi, c'est également pour ma famille que j'ai peur : si on découvre que je possède le Vif, on soupçonnera également mon frère et mes parents... Ainsi que Tamara, bien qu'elle en soit dénuée. Je ne peux pas assumer ma magie sans les mettre en péril. Bien que j'en souffre, la situation étant ce qu'elle est, il est mieux pour tout le monde que je sois frustré mais insoupçonnable.
→ Avez-vous un compagnon ? insérez le nom, la race de l’animal… et une petite description si vous le souhaitez, écrivez ici
Je n'ai pas encore de compagnon, je ne me sens pas prêt, contrairement à mon frère qui a déjà trouvé le sien. De plus... Le souvenir d'une perte m'est encore trop douloureux. Quelles bêtises fait-on, quand on est enfant... Parfois, si cruelles de conséquences.

Que pensez-vous des fidèles du prince Pie ? Ils sont trop violents, et inconscients. Leur action n'aide en rien les Vifiers à gagner la confiance du peuple. Or, c'est du peuple dont nous devons quêter le soutient, plus encore que celui du roi. Par leur faute, on pend et brûle des membres du Lignage, ou des Vifiers qui ont à peine conscience de leur magie... Ils ont le sang des innocents de nos deux camps sur la conscience. Celui des non-vifiers, et celui de nos frères.
Et des membres du Lignage ? J'en fais partie. En prenant du recul, je trouve qu'ils sont trop rigides et conservateurs. Néanmoins, leurs apprentissages sont précieux et selon moi nécessaires. Ne pas les prendre en compte, expose les Vifiers à de grandes douleurs et incivilités ; eux ainsi que ceux qui sont dénués du Vif, d'ailleurs. De plus, savoir que je ne suis pas seul et que je peux compter sur le soutient de mes pairs est rassurant. Je ressens une plus grande appartenance au Lignage qu'au royaume ; nous sommes un peuple à part entière, tandis que la Terre est la même partout.
Que pensez-vous des autres formes de magie ? J'ai peur de l'Art et de ce qu'il permet. C'est une magie qui me semble insidieuse et traîtresse, une alliée des tyrans. Nous avons grande chance que nos souverains aient toujours fait bon usage de cette magie, et j'admire leur dévouement à protéger le royaume. Malgré l’animosité du roi Juste envers les Vifiers, je ne peux que loué son courage : il s'entraîne d'arrache-pied, suant sang et eau, pour affiner son Art et défendre les Six Duchés. Je pense que l'Art est un outil dangereux, au même titre qu'une épée, ou qu'une hache. Entre les mains des Loinvoyants, il est cependant au service des Six-Duchés, tout comme les armes des soldats... Reste que je m'en méfie.
Les autres magies ne me semblent pas dangereuses. Ce sont des dons utiles qui améliorent la vie du peuple, et lui sont donc bénéfiques ; je ne peux que leur être dés lors favorable.
Cependant, je n'apprécie pas que les Sorcières des Haies fassent le commerce d’amulettes pour repousser les Vifiers. N'ont-elles donc aucune tolérance ? Elles devraient pourtant comprendre, elles qui sont si proches de la nature. Celles parmi cette communauté qui s'abaissent à de pareilles vilenies ne méritent pas même leur titre.
Avez-vous des magiciens, des artiseurs ou des vifiers dans votre entourage ? Mes parents, grands-parents, mon frère ainsi que d'autres membres de ma famille possèdent le Vif. Je sais que le château compte quelques Vifiers, cependant, je n'ai pas cherché à savoir qui ils étaient.
Je ne connais par contre d'autres Artiseurs que ceux qui se trouvent à Castelcerf. A ce qu'on dis, de potentiels Artiseurs vivraient partout dans les Six-Duchés et les Îles d'Outre-mer, cependant, n'étant pas sensible à l'Art, je ne puis savoir si j'ai déjà côtoyé l'un de ceux là.
Pratiquez-vous une autre forme de magie ? Non, et je n'ai jamais cherché à le faire. Ma lente exploration du Vif me suffit.



Histoire ~

La vie de Bartholomeï, c'est un peu compliqué. C'est long. C'est plutôt triste. Veut-on vraiment écouter ça ? Il y'a des histoires plus gaies, mieux contées. Cette vie là ne vous fera pas rêver. Elle est pleine de douleurs, de désillusions. Elle a laissée un goût doux et amère à celui qui l'a vécut. Comme un rêve dont on se réveille en pleurant, bêtement, sans se souvenir pourquoi... A ceci prêt que Bartholomeï se souvient, lui. Il n'a pas oublié ce genre chose. Les larmes, les rires, les questions, si nombreuses... Tout est encore là, au fond de lui. Ces peines et ces joies l'ont construit. L'enfant qu'il fut à créer l'adulte du présent ; tout autant, il aurait pu n'aboutir à rien de plus qu'un jeune cadavre.
Bartholomeï a pris trop de risques. Il a contesté trop souvent. Cherché trop de liberté... C'est joué des règles, se pensant invincible. Il a fait du mal à ses proches, il s'est fait souffrir seul. Son histoire n'a rien de drôle. Si vous escomptiez un récit riant, passez votre chemin.
Vous ne trouverez ici que regrets et nostalgie.

◆◆◆◆◆◆◆◆

L'air est glacial, lové autour de lui. Il forme des bourgeons qui lui éclatent à la figure, répandant au milieu du vide des relents d'hiver ; c'est une floraison de bourrasques sèches et froides, qui rasent la peau de si près qu'elles en font du vieux cuir avant l'heure. Des feuilles de vent, des pétales invisibles, des épines qui tournent, traversent et passent leur chemin. Des roses de l'automne mourant, qui annoncent l'hiver en se dévoilant brusquement au visage de qui veut bien se laisser envelopper de leurs violentes douceurs. Il se laisse excorier, immobile, tendu de tout son corps pour ne pas laisser échapper à ne serais-ce qu'une tendre claque. Chaque baisé sauvage sur sa peau rosée lui est un plaisir ineffable. Il en demande plus, obstinément bandé en un seul effort, les poings serrés, le souffle court, presque semblable aux soubresauts d'un agonisant.
Le vent ne lui permet de respirer que par à-coups, bridant les élans de ses poumons, affolant son coeur dans sa poitrine... Il ne palpite plus, de tout son être, qu'entre deux submersions dans le souffle éternel du ciel. Autour de lui, tout n'est qu'infini. Le monde et l'instant n'ont pas de fins. Tout est sans limite, plus beau et plus sauvage qu’auparavant. Il ne sent pas le Vif, perdu dans les bourrasques glacées : il en est une flammèche attisée, qui s'étire et se tord, s'enroulant dans l'air en d'absurdes gondolements, détachée du feu qui lui a donnée naissance, solitaire, insignifiante. Une éternité passe où les étoiles s'éteignent les une après les autres. Les montagnes s'écroulent sur la terre stérile en soulevant des déserts de poussière grise, les gouffres se joignent, faisant des fractures innombrables une seule grande plaie sèche, si vaste, si affamée... Le monde disloqué se défait silencieusement dans le vide noir où brûlent les dernières étoiles agonisantes.
Tout se meurt. Le Vif disparaît, happé par les ténèbres, les déserts, le silence.
Bartholomeï ouvre les yeux.
Le monde est encore là. L'herbe est grisée quand le vent roule sur elle en lui volant des brins le temps d'une danse enivrante. Le soleil, depuis son écrin gris de nuages, déverse sur la plaine une pâle clarté dont les montagnes immuables se gorgent, pour faire étinceler leur couronne de glace dans les hauteurs du ciel. Rien n'a changé. Bauge est la même. La Terre également. Autour de lui, le Vif fluctue, follement. Libéré du vent, il le sent. S'y perd, autant que dans une bourrasque aux caresses effrénées.
Il se laisse tomber dans l'herbe, s'y vautre. Le vent lui passe sous le nez, l'ayant déjà oublié. Il reste muet, gelé et rougis. Il se sent vide et vain, seul dans une monde trop vaste. Tandis que le Vif se débat et grouille autour de lui, que toute être se précipite sans le savoir vers le temps des choses figées en une décadence imperceptible, il se languit d'une présence pour habiter le gouffre béant à côté de son coeur, ou de son âme, ou... Ce gouffre, quelque part. Creux, il fixe le ciel. Son Vif se répand partout, à la recherche de quelqu'un qui le comprenne. Il perçoit les moutons des nomades, les petits rongeurs des prairies. Des oiseaux, des serpents, des insectes... Ses parents, au loin, qui arrivent déjà.
Il aurait dû courir encore, aller plus en avant vers l'ouest. Jusqu'à la Froide. Puis là-bas... Faire quelque chose, peut importe quoi. Nager. Se noyer. Tenter de grimper. Tomber. Longer les rives pour s'immerger dans les eaux de Lac-Bleu. Ne jamais en sortir... Devenir un poisson. Une algue. Se mêler au fond boueux pour tenter de comprendre un peu, en quoi vivre était si important.
<< Personne n'arrive à me l'expliquer. Je veux savoir. Pourquoi la vie ? Pourquoi le Vif ? >>
Il regarde le ciel, aveugle à son coton grisâtre. Fouillant sa mémoire pour tenter de composer une réponse, en assemblant toute celles qu'on lui a stupidement servit. De vagues chimères, absurdes, qui s'évanouissent à la moindre tentative pour s'en emparer, et faire ces idées siennes... Il les observe, démantibulées d'un frôlement, retourner au néant pour y trouver un repos éternel. Le ciel, devant ses yeux, est un calque salis par les nuage qui y défilent indolemment. Le monde tente de le rappeler. Il rabat ses paupières pour lui signifier son refus, se ferme au Vif. Le monde disparaît presque.
Bartholomeï a l'impression d'être devenu infirme. Sourd, aveugle ; amputé d'un autre sens, qui n'a pas d'autre nom que "Magie". Il se terre dans l'ombre qui couvre ses prunelles, se recroquevillant au milieu de l'herbe fraîche. Sans le Vif, la solitude est écrasante. Il ne sent plus rien. Juste la caresse de l'herbe et le frôlement du vent. Couché sur le côté, l'insistance du soleil à lui faire ouvrir les yeux devient dérisoire. Si peu, tout à coup. C'est donc ainsi que vit Tamara ? Se sent-elle toujours si démunie et abandonnée ? Il se promet, à son retour, de lui signifier que non, il est là, avec elle et... N'est-ce pas faux ? Où est-il, en cet instant ? Pas auprès d'elle.
Il cherche un sens à tout ça. A ses os emboîtés, à sa peau frémissante, à ses poumons qui, quelque part, se froissent vaguement, à ce coeur qui bat, encore, à jamais, depuis toujours... Pourquoi ? Huit années. Il cherche un sens, nonobstant les heures d’insouciance propres à ses huit années.
Peut être n'aurait-il pas dû s'échapper. Laisser Tamara, seule... Non, Selivan est avec elle. Tout le temps. Il a compris avant lui. Selivan comprend toujours tout avant lui. Du haut de ses onze ans, il a appris assez pour avoir toujours une longueur d'avance. Selivan ne fait pas de scènes et se plie aux règles. Selivan est un enfant modèle, et l'héritier du domaine familial, du commerce, de tout... Tamara, elle, est juste une petite fille. Elle en restera toujours une. Elle ne sera jamais femme. Ne portera pas d'enfants, ne sortira pas de Bauge, n'entendra jamais les voix qui murmurent avec le Vif, vivra toujours dans la maison familiale, incapable de quoi que ce soit, diminuée mentalement... Tamara, cette petite boule blonde innocente, la gentillesse même. Elle sourit beaucoup ; tout le temps. Elle est butée, et a peur du changement. Tamara est différente de lui, de Selivan, et de tout les autres enfants. Elle n'a pas le Vif, certes, mais cela va plus loin encore. Son visage, et ses gestes, ses expressions... Il n'y a pas de mot, ou aucun que Bartholomeï connaisse, pour la désigner. Tamara est malade, simplement, et elle le sera toute sa vie. C'est pour cela qu'il faut prendre soin d'elle.
Et ne pas l'abandonner. Jamais. Non. Plus jamais... Mais partir, quelques jours. Il peut le faire, n'est-ce pas ? Car qui est-il, lui, entre Selivan et Tamara ? Que doit-il être ? Bartholomeï, indiscipliné, affamé de réponses à des questions séculaires... Tout ça le mènera t'il quelque part ? Il se retourne, sur le dos.
Ouvre les yeux. Au dessus de lui, deux ombres cachent le soleil. Le Vif revient l'irriguer de sensations. Il peut percevoir toutes ces choses qui lui sont invisibles sans lui... Les compagnons de lien de ses parents sont là eux aussi. Il tente de ne pas avoir peur. Tique légèrement. Ses yeux cherchent le ciel gris, pour s'y fixer. Triste tentative pour s’insuffler du courage. Insolemment, il reste couché.


-Désolé. Je ne savais pas encore si j'allais rentrer. Laissez moi revenir seul la prochaine fois.
Il ne sourit pas. Il ne leur cache pas : ce n'est pas sa dernière fugue. Seulement la première.
En tentant de ne pas craindre les punitions, les coups peut être, Bartholomeï reste fixé sur le ciel, environné du Vif.
Toujours si seul, au milieu du grouillement...
Mais la prochaine fois, il trouvera ce pour quoi il a quitté le domaine familial.
Un sens à sa vie. Des réponses.
Une présence.
<< Je trouverai mon compagnon moi aussi. Mon âme soeur. Et elle donnera un sens à tout ça... Et elle me fera comprendre les choses. Je la trouverai. >>


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Certaines choses sont immuables
Toujours cette même plaine. Les montagnes n'ont pas bougées depuis la dernière fois. Le vent n'a semble t'il jamais quitté ces parages, toujours froid et violent, à jamais amant de l'herbe fébrile. Rien n'aurait donc changé, depuis pourtant une année ? Non. Bartholomeï lève les yeux au ciel ; et constate, tout à coup... Plus de plomb gris pour cacher le soleil. Quelques monstres blanchâtres, moutonneux, dans l’immensité des cieux. Rien de moins. La chape disparue, ne s'offre plus au regard qu'une vaste étendue bleu, désespérément semblable aux prunelles de Selivan... Il ne soutient pas cet azur pesant ; c'est comme ployer sous les regard accusateur de son frère. Toujours si mesuré, si piètre à se débrider pour enfourcher la folie ne serais-ce qu'un instant, galoper vers ses passions ardentes sans leur opposer de frustrante pondération. Incapable de laisser libre court, dans un accès de démence juvénile et de ce fait légitime, à ses secrètes envies. Selivan ne demande pas plus que ce qu'on lui donne. Il se contente de savoir où le mèneront ses pas, sans chercher à glaner d'autres plaisirs que ceux qu'on lui a promis. Ne faut-il pas être une âme insipide pour ainsi laisser s'en aller l'existence, en suivant stupidement un chemin déjà tracé à son attention ? Bartholomeï ne comprend pas ce désir de bien faire aux yeux des autres. Lui qui veut toujours des réponses à tout, lui qui cherche la satisfaction dans tout les aspects de sa vie, lui qui rêve d'un monde et d'un avenir qu'on ne lui réserve pas, si preux à courir après ses songes d'enfants, pour les serrer dans ses bras en tentant de les retenir ; mais de prendre conscience, que dans sa ferveur de les préserver, il n'a fait que les étouffer un par un d'une étreinte démesurée... Les chimères rassurantes dont la fresque fantasque lui faisait rêver mille merveilles pour sa vie, mortes contre son torse, déjà réduites en poussières grises tandis que la réalité lui impose une vérité dont il ne veut pas voir les bornes douloureuses imposées à son âme éprise d'horizons infinies. Il a erré dans son existence, pendant une année, constatant la mort de chaque rêve doucement bercé au creux du lit, chaque rêve misérable qui alimentait ses sourires, ses jeux d'enfants, justifiait ses colères et faisait briller quelque chose dans ses yeux, cette brave joie enfantine qui ne souffre pas de désillusions, cette joie stupide qui fait la vie si belle parfois. Un contentement où s'exprime toute la douce innocence des jeunes âmes qui papillotent doucement, des années durant, inconscientes et belles dans leur fine bulle d'illusions... Si tragiques, quand la bulle disparaît et que leurs ailes se consument. Elles tournoient, incapables de battre de ces membranes embrasées, confrontées au monde véritable ; faîtes cendres par cette forge incapable qui leur donne des ailes de fer, pour les empêcher de s'élever trop haut. Martelées par les marteaux, pliées, repliées. Les esprits libres n'existent plus tandis que sur l'enclume, on martèle l'âme choquée pour en faire autre chose, lui donner une forme que rien ne lui prédisait pourtant.
Les rêves ne sont qu'un amour de jeunesse. Grandissant, il fallait simplement constater leur agonie malgré l'acharnement si vain dépensé à tenter de les sauver de la mort, du néant. Bartholomeï l'a compris tandis qu'il s'échinait à les préserver du temps. Ils périssaient dans ses mains maladroites, flétris entre ses doigts, racornis, pitoyables. Grotesques et risibles, ils lui avaient fais horreur par leur fantaisie délirante. Il semblait tout à coup formidable d'avoir nourri de pareilles espérances avec tant de candide ardeur... Elles n'étaient plus rien qu'une poudre froide et terne dans ses paumes. Étais-ce là les passions qui l'avaient animées ? Il ne voulut pas y croire, alors même que son coeur crevé mourrait un petit peu, trahis par l'esprit même à qui il permettait de penser. Tout cela était trop drôle, et trop stupide. Il avait renié ces futiles croyances, se tournant vers le reste : la recherche du sens, le manque. Il s'était torturé avec ces motifs d'évasions pour ne pas pleurer sur ses illusions brisées. Désormais ? Il marche, espérant trouver cette fois-ci, à la fois une réponse et une présence. Comme si répondre à cette injonction puérile qui l'a conduit à la fugue, un an auparavant, pouvait maintenant combler cet autre vide béant.
Bartholomeï avance sur la plaine, la tête baissée. Est-il déjà top tard ? A t'il déjà perdu ses ailes pour ne plus être lesté que de deux battants de bronze inaptes à le faire voler ? Il serre dents et poings pour ne pas hurler... Le silence à un goût d'amertume, comme une vieille chose rance que la poussière a recouverte. Une saveur séculaire qui n'a pas sa place dans une bouche si jeune.
Autour de lui, tout est semblable au souvenir qu'il s'en fait. Le monde se moque de lui. Alors qu'il a tant changé ! Tant laissé derrière lui... Les choses, ici, sont restées les même. Toujours cette herbe gloussant des impudeurs du vent frivole, toujours ce Vif grouillant sourdement partout autour de lui, toujours la lumière habillant d'un éclat glorieux la cime des montagnes implacables.
Certaines choses sont immuables.
[g]<< Ma douleur est immuable. >>
Il cesse de marcher, à cette pensée. S'arrête, comme auparavant, mais cette fois-ci sans faire face au vent annonciateur d'hiver. Il s'assoit, laissant au bon soin du vide les bourgeons impalpables des bourrasques effrénées ; que ces roses glacées aillent se flétrir contre la roche des montages. Que lui ont-elles apportées de plus qu'un instant de plaisir singulier à résister à leurs froides épines ? Transpercé, caressé, embaumé de l'hiver par ces fleurs éoliennes aux voluptés glaciales, il avait cru à l'éternité d'une seconde tandis que le Vif se taisait pour laisser parler le vent. Mais ce n'avait été qu'un mensonge parmi d'autres : ses rêves sont morts, son enfance, bafouée par les cruautés cuisantes de la réalité. Il a grandis malgré cette illusion d'éternité consommée lors d'une résistance démente et délicieuse aux bourrasques si froides et si sèches... Grandis et souffert de ce constat : il n'est plus l'enfant d'hier.
Et le Bartholmeï de demain ne lui plaît pas.
De nouveau couché dans l'herbe tendre, de nouveau creux et sans réponse à sa simple question : pourquoi la vie est-elle si importante ? Pourquoi tant d'ardeur à respirer chaque jour ? Il fixe le ciel bleu, hanté par les ténèbres du gouffre toujours béant. Aucune présence n'est venue réchauffer ce vide qu'il porte près du coeur. Il continue de béer, glacial, comme une plaie jamais guérie où a glissé l'hiver.
Mais il persiste à chercher. C'est pour cela qu'il est ici, comme un an plus tôt. Une obscure folie lui fait croire à un signe, une réponse, qu'il ne trouverait qu'en ces lieux de vents et de vide. Sans autre raison que, c'est sur cette plaine qu'il a laissé libre court à ses premiers émois silencieux... Pourtant, rien. Malgré cette autre fuite, rien. Nonobstant ce piètre espoir d'un sens enfin trouvé, seule une même sensation d'être perdu au milieu d'un grouillement de Vif, insignifiant, embourbé dans l'ignoble marasme d'une chose trop vaste qu'il ne sait pas appréhender. Il attend... Car si ce qu'il cherche n'est pas ici, où alors ? Il s'est promis de trouver, mais soudain, le doute l'emplit. Le pourra t'il ? Devra t'il vivre encore longtemps dans l'attente d'une réponse ? Dans l'attente... D'une présence ?
Une présence.
Une présence.
<< UNE PRÉSENCE. >>
Le Vif a porté sa plainte. Jusque loin dans la plaine, dans les montagnes, dans... Le ciel. Quelqu'un l'a entendu. Un être libre et fier, aux ailes plus puissantes que celles que lui prêtaient ses rêves. Il n'a pas besoin d'espérances pour s'élever au dessus du monde, il n'a qu'à impulser un mouvement à ces merveilles emplumées amplement étendues, fendant l'air, se moquant des épines de l'hiver, domptant les bourrasques que lui, sot enfant, a affronté sans gagner plus que d'être soumis par elles. C'est un oiseau. Le maître des cieux.
Avant même de s'être touchés, corne sur peau, ongles dans sa chair tendre, ils sont déjà ensemble fondus l'un en l'autre. D'eux deux, l'un a déjà vu beaucoup. Son regard perçant a balayer bien des horizons, et de nombreuses années l'ont vu voler dans les cieux... Un vieillard de son espèce, un vénérable chasseur dont la venue vers ce petit humain semble bien saugrenue. Pourquoi répondre à l'appel d'un enfant ? Ressent-il lui aussi cette détresse face à la solitude, s'est-il trouvé égaré face au ciel immense, après toute ces années pourtant ? Y'a t'il en lui une peur semblable, un doute, un instant de faiblesse, de la pitié ?
Un aigle peut-il ressentir la douleur d'un enfant ? Peut-il s'y intéresser ?
Ses serres trouvent une prise sur le poignet tendu. Elles s'y enfoncent, et percent la peau si fine... Quelques gouttes de sang perlent, que tout d'eux sentent couler. Des yeux noirs, plantés dans ceux gris de l'inconscient dont la détresse a attirée l'aigle, prêt à se lier. Alors même qu'il est trop jeune pour comprendre et assumer cette charge, trop jeune pour partager sa vie avec le rapace, Bartholomeï se tend tout entier, aveuglément, et accepte tout.
Un vide en lui, est comblé. Une question trouve sa réponse, fulgurante : il vivra pour lui. Son compagnon de lien.
Un sourire s'épanouit sur ses lèvres, tandis qu'il comprend à peine. Déjà, leurs pensées sont mêlées. Déjà, il lui semble être plus fort, plus sage. Mieux voir les choses, et se sentir, étrangement... Si léger ! Léger et prêt à saisir une bourrasque sous ses plumes, pour s'élever dans le ciel et toiser la plaine. Ne planait-il pas à la recherche d'un rongeur à qui donner la chasse ?
L'enfant se lève, et tend le bras. L'aigle s'envole, dans un glapissement puissant et enivrant.
Grisé, Bartholomeï s'époumone à son tour, offert au ciel dans une sauvage exaltation. Voyant par les yeux de son nouveau frère, de son âme-soeur ; de cette partie de qu'il lui semble retrouver, comme si cette présence avait déjà été là un jour. Il hurle de joie, de fierté, met en garde les proies : il est prêt à fondre sur elles. A vivre comme jamais encore il ne l'a fait.
... Tandis que, si près, on s'horrifie de son bonheur.
Au loin, à l'horizon, la silhouette d'une mère est secouée de sanglots. Elle sait ce que son fils vient de faire, et ce que cela signifie... Elle a comprise, avant lui, ce qui ne tardera pas à arriver. Bartholomeï s'est lié à un aigle trop vieux.
Dans deux ans tout au plus, il rendra son dernier soupir.
Et lui, abandonné, âgé de onze dérisoires années, si vulnérable... Devra faire face. Devra supporter une amputation brutale, horrible et douloureuse, dont même des adultes ne se remettent pas. Il a scellé son sort, risquant la folie. Trop d'ardeur dans son coeur, trop d'impatience. Il a voulut se lier trop tôt, enfant de l'excès souffrant des limites qui l'écorchent et le brident.
En s'offrant une fugace liberté, il vient de sonner le glas de son bonheur... La douleur qu'il a pu ressentir, si puissante à ses yeux, justifiant cette folie scellée en un seul fatal instant...
Cette douleur là, n'aura jamais été qu'un rien quand le frappera celle de la Perte.
Si tôt. Trop tôt.
Bientôt.


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Tu as toujours su que cela t'arriverais.
Voler dans le ciel qui a tant attiré ton regard, ce n'était pas qu'un rêve d'enfant bêtement étouffé. C'était une prémonition de ce qui allait advenir, de ce bonheur ineffable qu'est la Danse des Vents... Tu virevoltes dans les bourrasques, te jouant de leurs tours fourbes. Apprivoisées par tes ailes, elles hurlent et claquent de tout côtés ; les plumes transforment leurs coups en douces caresses qui te portent plus loin encore. Sans autre limite que celle de ta fatigue, tu peux passer tant d'heures que tu le veux sous le ventre des nuages, si près, plus près que tu ne l'as jamais été en tant qu'humain. Leur masse blafarde, gonflée et bosselée, n'attend qu'un frôlement de ton corps pour se déchirer doucement et te couvrir d'une fraîche rosée, volée au ciel lui même avant qu'il ne te l'offre... Grisé, tu te découvres maître en l'immensité azurée de ces cieux sans fins. Jamais tu n'avais connu pareil bonheur que celui d'en parcourir les étendues vides, habitées seulement de vents déchaînés qui hurlent à ton visage, impuissants à te faire tomber. En tant qu'aigle, tu n'as jamais connu la chute... Grises-Ailes t'ouvre les yeux sur une nouvelle réalité, il te semble parfois qu'il n'est venu que pour t'offrir cela, sans rien demander. Étrange sentiment, que de se sentir couvé et aimé comme un oisillon qu'on protège de tout, auquel on transmet son expérience, peu à peu...
Ce lien ne plaît pas à tes parents. Ta mère t'observe souvent avec un regard hanté, ou avec cette horrible expression navrée qui semble te promettre mille tourments, mille punitions, qui ne viendront pourtant pas d'elle... Quant à Selivain, toujours si studieux et obéissant, il t'a pourtant soutenu, et te sourit comme avant, n'ayant en rien changé. Il te l'a chuchoté, la nuit, quand personne ne pouvait entendre :


"Si tu te sens mieux qu'avant, je ne vois que de bien à ce lien... Ce n'est pas grave que tu sois trop jeune, pour que le Lignage trouve cela convenable. Tu as retrouvé le sourire petit frère, et si il fallait transgresser quelque ancestrale règle pour cela, alors tant pis... Ce sourire là, le valait bien."

T'es tu jamais sentit si proche de lui ? De lui et du monde. Tes sens étaient si peu ! Grises-Ailes t'as offert les siens, et tu découvres combien les tiens étaient dérisoires. Ta vue est si perçante, que pleinement de retour à ton corps, tu te sens stupidement aveugle. Quand à la joie que tu as pu éprouvé durant ta vie, elle n'était que peu de choses en prorata de l'exultation de la chasse. Être prédateur, et fondre sur la proie... L'air déchiré accueille ta chute dans un glorieux hurlement. Déjà, en vain, elle tente de te fuir ; ton plongeon est trop rapide. Ouvrir amplement tes ailes, te tendre... Sentir la chair chaude et palpitante entre tes serres, crevée et suintante de sang parfumé, la porter dans l'air, quelques instants, puis se poser. Déplier tes ailes pour en couvrir le corps ; déchiqueter la chair savoureuse, fouiller les entrailles chaudes. Dévorer jusqu'à satiété, sans peur de rien, sans codes, sans attention à quoi que ce soit...
Et redevenir un enfant. Devoir endossé de nouveau des responsabilités, retenir des formules, apprendre des choses. Singulièrement, rien de tout ça ne te gêne plus. Grises-Ailes t'as fais comprendre l'importance de l'apprentissage, de la transmission des connaissances. Aigle ou homme, tu te dois d'en savoir autant que tes ancêtres, puis de chercher plus encore pour que tes petits puissent être instruit par toi de manière plus complète que tu ne le fus par ses propres parents... Tu n'es qu'un maillon d'une chaîne trop vieille pour qu'on en trouve le commencement, et tu te dois de t'assurer que la prochaine boucle sera d'un acier plus résistant que le tien. Les autres, eux, s'en assureront que tu le fasses ou non.
Pour que ta lignée ne s'éteigne pas, tu dois combattre ainsi : en te gorgeant de connaissances. Deviens un esprit vif et instruit, le monde se prosternera devant toi, dévot... Bartholomeï, tu t'offres enfin une chance de faire quelque chose de ton existence. Une année passe, et tu n'a pas fugué. Tu es studieux, polis, riant et si mature tout à coup ! Raisonné, étrangement, par ton compagnon de lien, assagis, te voici devenu comme Selivan, une force tranquille, l'âme en paix. Tu n'as pas perdu cette fougue bestiale de l'enfance, pourtant : quand Grises-Ailes et toi ne faîtes plus qu'un chaque soir, que tu t'offres tout entier à lui, et lui de même, tu redeviens cette petite teigne sauvage, ne cherchant plus que la liberté et le vent à défier. Tes rêves ressuscitent aux lumières de l'aube et du crépuscule. Les cendres s'éveillent, se font de nouvelles braises, et des flammes trop vites éteintes se remettent à danser.
Parfois, le midi, tu laisses Grises-Ailes chasser seul, tandis que tu te sustente toi même ; mais il aime te sentir suivre ses mouvements, l'accompagner dans son vol, et sa piquée, puis alors qu'il se nourrit de chair fraîchement ensanglantée. Tu ne le dérange pas, tu ne réclames pas le fruit de sa chasse, bien qu'il ne te le refuserait pas. Tu es simplement ce compagnon émerveillé, grisé, qui l'emplit de fierté et le fait glapir comme un jeune fanfaron. Avec toi, chaque chasse semble la première. Il aime ressentir cette sensation puissante d'excitation, ce désir frénétique de faire bien. Puis de réussir, et se sentir si jeune tout à coup... Il t'offre la sagesse, tu lui donnes l'innocence, et la fougue. Vous vous comprenez, vous complétez. Le temps s'égrène, et tu ris.
Deux années passent finalement. Lentement, un changement s'opère. Bartholomeï, pourquoi es-tu si pâle ? Où est passé la douce rougeur de tes joues baisées par la brise ? Tu maigris, Bartholomeï, légèrement, tu t'assombris. Ton sourire est comme une fêlure, ligne maladroite sur ton visage encore arrondis par l'enfance. Quelque chose s'est brisé. Tu ne veux pas dire quoi. Mais tout le monde sait.
Grises-Ailes vole moins souvent. Tu l'entoure de tes bras, tu le sers contre toi pour le réchauffer durant l'hiver qui vient. Le visage enfouis dans ses plumes douces et chaudes, qui n'ont pas bravées les bourrasques depuis trop longtemps, tu tentes de rester aveugle, refusant la vérité. Apeuré, tu redeviens capricieux et craintif de l'avenir. Tes rêves restent morts. Tu persistes à t'accrocher à des illusions que tu sais sur le point d'être déchirées ; elles te semblent la seule vérité acceptable, la seule justice de ce monde, voile opaque qui te cache les choses. Désespérément, retenant tes larmes, tu le retiens, refusant son départ.
Puis un jour, un peu plus de deux ans après cette fugue que t'as fais le trouver, tu disparais, une fois de plus. Personne ne va te chercher. Tous savent où tu t'es rendu...
Toi, enfant misérable sur la plaine, tu restes debout, figé. Tes larmes ont tant coulées que tes yeux au supplice, trop secs, ne peuvent plus supporter d'autres caresses que celles de tes paupières. Ta poitrine encore secouée de sanglots arides, tu le tiens à bout de bras. Il réunit ses dernières forces, tremblant, les plumes ébouriffées par une brise printanière. La plaine fleurie est belle, comme une vaste tombe décorée par la nature elle même. Embaumé par ses senteurs obstinées, Grises-Aile a perdu son odeur de mort. Il t'adresse un dernier mot.
<< Vis. >>
Et s'envole, quittant tes mains, comme un pétale éolien de ces roses que tu voyais dans le vent, la première fois que tu es venu ici... Pour lui, tu ouvres les yeux. Le monde est flou, cruellement irritant. Doucement, sa silhouette bafouée par ton regard si faible, incertaine à tes prunelles enflammées de douleur, disparaît, derrière les montagnes... Toujours si royales et si hautes. Hagard, clignant des yeux sans rien ressentir qu'une violente souffrance, tu te laisse repousser. Tu cesses de voir par ses yeux, cesse de sentir son coeur... Le Vif porte encore sa flamme vacillante, mais vous n'êtes plus liés. Il t'a rejeté... Et malgré tout, tu refuses sa décision, courant vers les montagnes, comme pour suivre sa trace impalpable. Tu sais que ce n'est pas raisonnable, et vain. Son Vif faiblit, s'éloigne. Tu hurles, pourchassant à l'aveuglette cette vie qui s'éteint.
En un instant, alors que jamais tu n'aurais cru ressentir de nouveau ce vide, le gouffre s'ouvre en toi. Toujours si près de ton coeur... Frappé, tu tombes. Sans te protéger de tes mains, sans comprendre. Tu tombes, face à face avec la terre, et ton visage s'écrase dans l'herbe capiteuse, tapissée de renoncules, de marguerites, coquelicots, pissenlits... Des ridicules froufrous parfumant l'atmosphère.
Immobile, vide, tu constates que le Vif grouille toujours autour de toi... Mais qu'il n'a plus rien d'attractif ni de beau. Ce que tu y cherchais a disparu.
Grises-Ailes est mort.
Gisant, toi aussi, tu te fais une macabre pantomime.
Seul.
Amputé.
Est-ce cela d'être mort ? Bartholomeï, te relèveras-tu après cette chute ci ? Tu es tombé de tellement plus haut... Tes ailes, comme ton coeur, sont de nouveau brisés.
Au milieu de ces fleurs, tu es comme couché sur une stèle festonnée de mille offrandes mortuaires... La quitteras-tu seulement ?
Ou viendra t'on, sur ton corps, poser une asphodèle ?

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Je n'ai pas compris. Personne n'a compris.
Il est revenu, la nuit, et Grise-Ailes n'était plus dans ses bras, serré contre son torse en une boule de plumes palpitant faiblement. Pourtant, ses yeux étaient secs, son visage serein. Il est rentré, sans un mot, nous déroutant d'un regard doux et résigné. Je crois que chacun a déglutis en le voyant après tout un jour, avec ses yeux gris si tristement dénués de toute flamme de colère ou de révolte. Ce regard là ne ressemblait pas à Bartholomeï... C'était un spectre, pensions nous, qui était revenu. Une coquille vide, rendu creuse pas le chagrin. Avec une placidité morne et lasse, il a simplement dis :

<< Il est partit. >>

Puis, sans autre mots, nous est passé à côté, se gardant de quémander le moindre réconfort. Sélénite, égaré, comme perdu dans ce monde ; avait-il laissé avec Grise-Ailes s'envoler son âme ? Personne n'a su quoi lui dire. Nous avons tous regardés stupidement cette pauvre chose douloureuse, tandis qu'elle se dirigeait d'un pas lent et silencieux vers notre chambre. Mon frère... Dépouillé de lui même par la mort de son compagnon, à peine plus qu'une sorte de pâle image de ce qu'il avait été. Risquais-je aussi, un jour, de paraître si étranger à tous ; étranger à ma propre personne ? La mort a donc cet effet, ce terrible pouvoir, de faire d'un homme un morne fantôme ? Nos parents n'ont rien dis, ne s'échangeant qu'un regard, un de ces regards d'adulte qui vous fait vous sentir à nouveau un enfant, comme si ils pouvaient comprendre... Sûrement. Grand mère a perdu son compagnon, ils ont donc déjà vu quelqu'un errer ainsi à la surface du monde.
Moi, c'était la première fois. Je n'aimais pas ce que je voyais. Bartholomeï... Où était-il passé, mon petit frère ?
Le soir, il n'a pas parlé dans le lit. Je sentais bien qu'il n'était pas endormis. Par le Vif et par l'oreille, je le sentais. Mais il ne disait rien... Seulement immobile et silencieux, flasque au milieu des couvertures, tourné vers le mur dans un ostensible mutisme... Si totalement renfermé que rien ne filtrait de lui. Il était injoignable, retranché en lui même... En deuil. J'ai cru ne jamais m'endormir, paralysé par cet horrible silence, qu'aucune respiration régulière, porteuse du soulagement du repos, ne venait briser. Ni aucun sanglots. Ni aucune parole. Rien. Rien d'autre cette sourde impression de vide qui émanait de lui, cette boule de Vif bouillante mais creuse qui ne voulait rien voir du monde extérieur, qu'il était devenu. Existerions nous jamais à nouveau pour lui ? Je me suis assoupis en retenant mes larmes, angoissé, les tripes nouées. A quatorze ans, je me croyais déjà un homme ; mais le voir ainsi, mon frère, semblable à Tamara lorsqu'elle exécutait ses étranges rituelles avec un air captivé, pareillement lointain à toute réalité collective...
Le matin venu, quand je me suis réveillé, Bartholomeï n'était pas dans la chambre. Mon coeur a fait un bond douloureux. J'ai sentis dans ma gorge une boule énorme, qui m'a étouffée un instant ; avait-il fugué encore une fois ? Comptait-il revenir ? Une décharge m'a traversée, et j'ai projeté mon Vif pour le trouver.
Il n'avait pas le droit de nous quitter ! Partir, alors que Tamara avait tellement besoin de nous ? Hier, ne comprenant pas, du haut de ses sept pauvres années, si démunie face à tout derrière son large front, elle s'était mise à pleurer pour nous tous.

<< Pourquoi Barth il a plus de visage ? Pourquoi ses yeux sont vides ? Où il est passé Barth ? >>

Certainement pas dehors. Il n'aurait pas fait ça... Il savait qu'il ne pouvait pas se permettre ce genre de chose. Il m'avait promis de ne pas nous laisser, de ne jamais nous abandonner, même si il devait partir quelques heures seul, sans que personne ne sache où. Maintenant, je doutais. Ce n'était plus le même Bartholomeï. Celui-ci, ce spectre à la fougue disparue, dans un accès de démence, aurait peut être tout quitté sans rien annoncer, couvert par le silence de la nuit. Ou alors... Peut être... Comme ces gens, désespérés, qui ne voyaient plus d'attrait à la vie...
Je trouvais son Vif dans la bibliothèque. Je m'y précipitais. Les couloirs semblèrent trop longs, et mon visage livide s'empourpra alors que je grimpais en courant les escaliers qui menaient à l'étage où je captais le Vif de Bartholomeï. Je ne me souviens plus si j'ai renversé un meuble dans ma frénésie à le trouver ; cela fait seulement quelques heures, mais j'ai déjà oublié. Je ne me rappelle que de la porte, que j'ouvrais avec une brusquerie à faire sauter un chat au plafond.
Je le trouvais pourtant assis, à un table. Il lisait un livre, calmement, ses cheveux brossés, habillé pour la journée et sagement parfumé. Je le dévisageais, débraillé que j'étais, essoufflé. Il a levé la tête, sereinement, et posé ses yeux gris sur moi. Comme hier, ils n'avaient pas d'éclat... Et pourtant, j'ai sentis que ce n'était pas pareil.

<< Tu n'étais pas obligé de te lever aussi tôt que moi, Sel'. >>

Puis, il a fait une chose à laquelle je ne m'attendais pas... Un chose qui me stupéfie encore, dont je pensais d'elle que plus jamais elle ne pourrait l'illuminer d'une douceur rassurante. Une chose si étrange, qui témoignait de tant de force, tant de noblesse d'âme ! Ce n'est qu'un enfant après tout. Bartholomeï sera toujours un enfant... Il en a les passions violentes et soudaines, la candeur bienheureuse et la curiosité éternelle, insatiable. Nous l'aimons pour ça.
Et pourtant, cet enfant, qu'on pensait mort et creux... Doucement, endeuillé et brisé, même si ce n'était que timide en comparaison de ce qu'il nous fit tant de fois avant, étira ses lèvres en un ligne ferme.
Il m'a sourit.
Alors, j'ai compris que la mort de Grises-Ailes ne l'avait pas détruit... Et que pour lui, plus que jamais, il allait vivre.
Je n'ai pas compris. Personne n'a compris... Mais ça n'a aucune importance. Pour cette fois-ci, nous n'avons pas besoin de comprendre. Juste, comme lui, de continuer à vivre ; et de ne pas en parler, jamais. De ne pas mentionner ce à quoi il a étrangement échappé, à ce gouffre de douleur dans lequel il n'est pas tombé... Non. Jamais. Une seule chose compte.
Il m'a sourit.

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Un plume de mouette, par terre.
Ébouriffée, humide, écrasée par tout les pieds qui ont battu la boue de cette rue. La terre mouillée en a souillée la demie-blancheur légèrement grisée. C'est une relique inutile et sale, qui en a déjà trop vu... Informe, pitoyable de forme, sûrement porteuse d'assez de microbes pour déclencher une épidémie quelconque ; sûrement pas à vrai dire, mais toute personne censée aurait eu ce soupons paranoïaque lors d'un instant fugace de peur justifiable. Une personne censée n'aurait pas même portée d'intérêt à cette plume boueuse. Quel intérêt à ceci ? Pas même capable de faire rêver un enfant en prenant place dans ses jeux... Trop sale pour satisfaire qui que ce soit. Même la mouette l'ayant perdue n'en voudrait pas, dût-elle avoir été déplumée par un ouragan. Triste chose que cette tige opaque brisée à la pointe fracturée de tout côtés. Le plus talentueux des scribes n'en aurait rien tiré... Pourtant, l'un des plus médiocre y vu une merveille. Il se baissa pour la ramasser, et continua son chemin.
Une petite brise marine soufflait sur Bourg-de-Castelcerf, ou du moins près des ports, là où errait Bartholomeï. Une odeur de saumure, d'iode brûlant, de poisson frais, et... Sûrement d'autres, qu'il ne pouvait pas sentir. Il n'avait jamais eu un très bon odorat. Ni un vue extraordinaire. Outre sa carrure, il n'avait véritablement rien pour lui en réalité. Toujours à se prendre un meuble, un mur, un page courant dans les couloirs... Et à s'excuser pour compenser cette maladresse affligeante. Désolé pour tous, même les objets, ou les portes. "Excusez moi" lui était devenu une formule instinctive, et tout les synonymes en peuplaient dés lors le bout de ses lèvres, prêt à s'élancer à l'assaut de n'importe quelle chose -vivante ou pas- fatidiquement heurtée. A son arrivée au château, il ne s'était pas passé un jour sans qu'il ne rentre dans une noble tandis qu'il laissait errer son Vif au delà des murs ; elles avaient finis, bien heureusement, par comprendre qu'il ne cesserait sans doute jamais de fixer le vide d'un regard vague, et qu'elles devaient donc l'éviter de leur propre initiative. Au départ, plus d'une avait hurlé en protestant qu'un vulgaire scribe aurait dû légitimement leur céder le passage dans les couloirs, et montrer un plus grand respect envers elles. En tant que nobles dames, il était tout naturel que pour elles, le monde entier ne soit qu'un écrin de sois où préserver leur fragile carcasse de porcelaine... De vraies faïences que ces pauvres femmes de haute-naissance. Bartholomeï n'avait pas vraiment compris ce que lui reprochait Sire Orage, jusqu'à ce que ce dernier, excédé de lui grincer des explications plus ou moins compréhensibles, lui ordonne d'écouter aux portes tandis qu'il recevait une invitée. Elle avait allègrement critiqué son "scribe singulier et peu soigné", l'attaquant par la même occasion sur divers autres sujets, chacun risiblement dénué d'importance... La cour était un véritable champ de bataille. Les reproches voilés n'échappaient à personne. Quand Bartholomeï avait compris que sa totale indifférence à l'égard des convenances pouvait faire rejaillir l'opprobre sur Sire Orage, il avait commencé à faire des efforts pour se comporter en bon serviteur. Si il n'avait pas cessé de marcher sans faire attention à rien ni personne, il s'était montré un bon larbin en éclaboussant littéralement les nobles victimes de son inattention d'un flot de flagorneries et de galanteries excessives, coupant par là court à leurs piques futurs. Quand c'était à un homme de lui devenir un obstacle, il changeait de discours, mais peu de différences en fin de compte... A ceci près qu'aucun homme ne lui avait proposé sa couche, à la suite d'une de ses théâtrales scène d'excuses formulées avec soin. Certaines femmes nobles considéraient apparemment comme dans leur droit de disposer de la piétaille à d'innombrables fins ; parfois plus agréables que d'autres... Bartholomeï ne s'était jamais refusé à devenir l'amant d'une de celles-ci. Pourquoi s'en priver ? Elles finissaient de toute manière par se défaire de lui, lorgnant un autre homme, lassées de sa présence, ou ayant trop peur qu'on découvre leur liaison. Il continuait son chemin, sans regret.
01-01-2014 à 20:43:38
Sans regret non plus, il alla marcher sur la plage, songeant à tout ce qui avait changé dans sa vie depuis qu'il avait quitté Bauge, deux ans auparavant. Il aurait pu occuper son temps de manière plus utile, en allant lire par exemple, ou en cherchant de la compagnie dans un taverne. Aurait pu. Il n'en avait pas envie. Laisser traîner sa grande carcasse sur les galets froids lui semblait plus agréable. Il retrouvait ici le vent qu'il chérissait tant, et ses bourgeons avaient un goût de sel inédit qui le ravissait encore. Le ressac lénifiant des vagues, alors même que leurs embruns glacés picotaient sa peau, était une douce chanson dont il ne se lassait pas. Quant à porter son regard sur l'horizon, limpide et gris, où rien ne s'élevait d'autre que, parfois, quelques bateaux lointains, Bartholomeï s'en découvrait passionné. L'infinie de la mer avait quelque chose de vertigineux et de terrifiant, une grandeur hautaine et profondément inhumaine qui lui rappelait le ciel dans lequel Grises-Ailes l'avait fait volé en partageant son esprit avec l'enfant qu'il était, douze ans en arrière. Toujours, une mélancolie vibrante s'emparait de lui à la vue de cette eau qui n'en finissait pas, remuant en vagues ourlées d'écume de tout les points de l'horizon. Une vibration le parcourait, tenue comme la mort d'une onde sur la peau d'un tambour, faisant bouffer un nuage de cendres au fond de lui, quand renaissaient ses rêves à la faveur d'une contemplation éperdue, la millième peut être, de ce cette mer si vaste... Mais cela ne lui faisait pas du mal. Il se prenait à souffler sur les braises de vieux songes, pour en ranimer l'éclat falot ne fusse qu'un instant, loin des Six-Duchés en un monde parallèle, aventurier plutôt que scribe, voyageant au travers des terres rêvées tendrement tandis qu'il n'était encore qu'un marmot béat face aux récits d'un oncle érudit. Ils n'avaient rien perdu de leur puissante beauté, constatait-il alors, quand de nouveau s'élevaient en lui les flammes fougueuses de vieilles résolutions. Il n'avait jamais renoncé, au fond, à ces rêves là au moins... Ils avaient perduré, alors même qu'il n'y pensait plus si souvent, seuls survivants d'un âge d'or où chaque jour était porteur de nouveaux émerveillements. Que fallait-il en conclure, si ce n'était qu'il se devait dés lors de leur rendre hommage ? Un jour, il partirait sur les routes, à la poursuite de ces lieux qu'on lui avait tant décrit, et que son esprit, sûrement, avait déformé pour en faire de glorieux fantasmes juvéniles... Le Désert des Pluies, Jaimaillia, les cités mortes au delà des Montagnes, les terres sauvages du sud, où les hommes avaient la peau aussi dorée que du miel, et même les Îles d'Outremer dont les clans sans pitié ravageaient les côtés des Six-Duchés. Chacun de ces lieux avait sa faveur, il ne voulait pas en laisser un seul échappé à son regard. Rester scribe toute sa vie ne lui convenait pas. Il n'y avait jamais pensé, ne l'avait pas même envisagé une seconde. Que faisait-il au service de Sire Orage, d'ailleurs ? Porter l'épée lui aurait mieux convenu... Ou bien travailler aux cuisines. Servir dans une auberge. Peu importait qu'il soit bourgeois : n'importe quel métier, même le plus misérable, aurait mieux sied à celui qu'il était que cette profession mortifère. Rester pencher au dessus d'une feuille, à la lueur d'une chandelle, éveillé au milieu de la nuit pour écrire une missive... Que y'avait-il de palpitant là-dedans ? Il n'avait même pas de contact avec le monde extérieur, ne le touchant que du bout d'une plume encrée, en transmettant les nouvelles sans rien en retenir tant son esprit vagabondait ailleurs.
Que n'aurait-il pas donné pour passer ses soirées à ripailler en compagnie des gardes de Castelcerf, entouré de vie, de chaleur et de rires...
Quand il tentait de souvenir pour quelle raison il était devenu scribe, il lui fallait toujours avoir une plume en main. Sans quoi elle lui échappait, totalement disparue en les méandres de sa négligeable mémoire, qui ne daignait retenir que ce qu'elle lisait mais rien de ce que son esprit concevait dans un moment de folie. C'était un instant de démence, d'ailleurs, qui l'avait conduit à devenir scribe... Il se rappelait, chaque fois, en faisant rouler la tige d'une plume ente le pouce et l'index. Lui revenait alors l'image de Grises-Ailes, et de ce dernier jour, quand il était partit pour un ultime vol en survolant les montagnes, silhouette floue et pâle que le vide du ciel happait. En rentrant, le soir, après n'avoir pensé à rien pendant des heures, rien d'autre que sa douleur et la chaleur perdue de l'aigle envolé pour ne jamais revenir, il avait pensé longuement à ce que serait sa vie. Et alors qu'il fixait le mur, incapable de s'imaginer un avenir quelconque, une ombre projetée par la lumière de la Lune lui avait fait voir un intrus parmi ses cheveux. Au début, il n'avait pas compris, se contentant de fixer stupidement l'ombre minuscule, imperceptiblement agitée par Eda savait quelle brise. Puis il avait saisit légèrement, tâtonnant sur son crâne, une chose douce et dure à la fois. En l'amenant devant ses yeux, il avait saisit : une plume. Couleur de perle, mouchetée de blanc, la pointe ferme et dure. Le dernier vestige physique qui lui restait de Grises-Ailes. En cet instant, dans son lit, il avait cessé subitement de ruminer. Il s'était dis, avec un frisson étrange, qu'il voulait toute sa vie durant, tenir une plume entre ses doigts ; en hommage à ce compagnon qui lui avait tant appris, et pour écrire afin de... Faire quelque chose. Laisser une trace peut être. Ne pas garder pour lui l'existence de Grises-Ailes. Pourrait-il créer des contes pour les enfants du Lignage ? Il avait grandis bercé d'histoires sur le Vif... Y ajouter sa prose lui sembla quelque chose d'honorable et de grandiose.
Il avait étudié d'arrache pied pour en connaître le plus possible. Avec une frénésie aveugle, c'était cultivé sur tout ce qui lui passait sous la main, et, mieux encore, écrivit avec autant de fougue, presque dément, en furie totale, autant poèmes que textes sans suite. Ce n'était pas une foucade : il passa son adolescence une plume dans la main, un livre dans l'autre, à s'user au dessus de table avec une folle énergie qui tenait du bouillonnement volcanique. De toute part surgissaient les idées, les passions ; il s'intéressait à tout, sans parfois approfondir vraiment, toujours en pensant à ce que lui avait appris Grises-Ailes : son devoir d'en savoir plus que ses ancêtres, afin que ses enfants aient toute les chances de faire mieux que lui, d'être plus cultivés, plus à même de se faire une place dans le monde... Chaque connaissance glanée était un pas de plus qui facilitait l'avancée futur de sa postérité. Il se devait d'en savoir toujours plus, pas seulement pour lui, pour le bonheur de ses parents ou la fierté de son frère, qui l'observait -il le savait-, en se disant qu'il avait survécu et surmonté la perte de son compagnon, dont certains adultes ne se remettaient jamais ; non, pour rien de tout cela malgré l'importance que ces motifs revêtaient à ses yeux. C'était à sa descendance que profiteraient sa réussite, et c'était pour elle qu'il devait devenir un homme cultivé, ou... Important, aux yeux des souverains des Six-Duchés.
Bartholomeï Keligan devait entrer dans la lumière, quand il ne rêvait que de s'évanouir dans l'ombre pour y glisser vers de nouvelles contrées... C'était ce que lui avait appris Grises-Ailes. En serait-il seulement capable ? Il n'en était pas encore certain. La sagesse de l'aigle n'avait pas fait disparaître l'enfant passionné qu'il avait toujours été. Au fond de lui, il restait ce gamin indompté qui allait braver les bourrasques pour se sentir vivant et indépendant ; ce gosse qui cueillait les brises contre ses joues comme certains fauchaient les marguerites de leurs doigts encore gourds. Il s'était tartiné la figure des pétales écrabouillés de l'hiver glacé, savourant les piqûres du froid là où les autres enfants cherchaient la douceur du soleil. Il n'avait pas grandis comme eux tous, avec la même imagerie, les mêmes rêves et les mêmes joies candides. Les siennes avaient des saveurs de neige, de vents indomptés, de pluie froide, d'orage au fouet incandescent, de poil mouillé, de feu de camp, d'ombres sèches ou moites, un goût de feux crépitants et de bêtises acidulées, des flaveurs citronnées, capiteuses, parfumées à l'humus, à la poussière, au sang des genoux écorchés et aux brises des hauteurs escaladées avec la plus belle, la plus scabreuse inconscience qui puisse animée les jeunes âmes. Il avait les oreilles pleines de rires rauques qui clamaient la fatigue gaie des bons jours, de chansons fantasques de ménestrels qui ne chantaient que leurs propres récits déments pour les auditoires incultes, de bises claquées sur les joues avec la sensation de mains appuyées sur ses épaules, de jappements de chiens dévergondés qui sautaient comme des lièvres fous, des bruits et des sons de la nature qui hurlait aux portes, frappait aux fenêtres et secouait le sol, l'air lui même parfois, mais aussi qui murmurait doucement d'antiques mélodies aux accents de vieux secrets dévoilés au compte goutte, dans le bourdonnement des abeilles, le froufroutement des feuilles et les chuchotis humides d'un ruisseau mutin qui charriait les flammes mortes des arbres quand venait l'automne. Ses vieux bonheurs avaient tout ces aspects là, comme toute les pages moelleuses d'un livre en patchwork dont on aurait trouvé les chapitres par terre. Ils se suivaient et ne se ressemblaient pas, tous volés à une histoire différente, puis, par fantaisie, collés à la suite entre les bras chauds et secs d'une reliure bienheureuse à qui la fortune avait sourie, pour lui offrir des saveurs exotiques s'esbignant contre son cuir craquelé de la douceur à l'acide.
Bartholomeï était devenu adulte avec ce genre d'enfance en lui, lovée contre son coeur à l'en étrangler doucement, si proche, prête à le serrer d'un instant à l'autre pour lui faire voir un peu ce qu'était de redevenir un gosse aux joues dénudées rougies par les claques amicales des bourrasques. Aujourd'hui encore, sur la plage, parce-qu'il n'avait pas oublié et qu'en lui, une sorte de chose molle et brûlante palpitait plus fort, il cueillait chacune de ces gifles éoliennes avec une mélancolie larmoyante qui se parait de sourires tremblotants. Il en était toujours là, à savourer avec exultation et innocence les gentilles baffes du vent, les yeux plissés à cause de l'iode acharné qui lui montait jusqu'au dessous des paupières pour mettre le feu sous sa peau, grimpant dans ses narines en les incendiant comme des feuilles de menthes glissées sur la langue, tout simplement heureux et glorieusement imbécile.
Dans une heure, il sera dans une chambre à écrire une missive dont chaque mot sombrera dans l'encre noire dont il mouillera sa plume, se noyant dans sa propre substance sans parvenir à s'accrocher à son esprit volage. Il ne retiendra rien de son travail, serein et vide tandis que le contact du calamus l'enverra pourchasser des souvenirs aigres et doux remplis de chasses exaltantes, de vent ébouriffant des plumes grises et de douces, douces caresses sur des genoux d'enfant, un âtre flamboyant chauffant le bout de son bec... Peut importe que n'ait pas été lui. Grises-Ailes est encore là, quelque part, avec ses sensations, les survivances de sa mémoire et son calme, qui a tant appris au gamin fougueux qui s'enfuyait avec les bergers nomades à la faveur d'une colère.
Bartholomeï a bien changé. Mais il n'a rien oublié des souffrances... Ni des joies. Le coeur gonflé de peines et de bonheurs éclatants, il avance encore sur son propre chemin, ne sachant pas vraiment quand il bifurquera vers le petit sentier sombre qui l'a toujours attiré, s'enfonçant droit dans l'inconnu, l'indécis pétillant des jours aventureux. Doucement, il marche se heurtant à tout, n'importe quoi... Souriant, toujours, depuis ce jour où il s'est relevé après être tombé du ciel.
Heureux d'être là. De vivre.
Avec dans sa main, serrée mouillée contre sa paume, une plume qui lui rappelle ses résolutions, un aigle envolé d'entre ses bras d'enfants, et des vieux rêves desséchés qui reprennent leurs couleurs à l’effleurement d'une espérance étirée d'un sourire...


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Je vous ais mentit. Où ça, les regrets boursouflés qui prennent toute la place et la nostalgie obèse qui étouffe tout le reste ? Oui, il y'a eut des larmes et de la douleur. Oui, Bartholomeï a vécut du noir, et du gris, du triste affreux et de la peine lancinante. Oui, rien n'a été simple.
Mais il les a eut aussi, les rires. Les joies, les bons moments... Il en manque beaucoup, qui ne sont pas contés là, c'est tout. Ils l'ont construit autant que le reste, avec leurs feux d'artifices qui éclataient dans son coeur et les étoiles en gerbe qui brillaient en farandole au milieu de ses yeux. Rien de tout ça n'a manqué. Les accolades de Selivan, et les conseils, et les fous-rires, les regards entendus et les sourires complices. Les beautés innocentes et si fraîches, si sucrées, de Tamara qui lui parle du monde où elle vit, si différent du sien chaque jour, alors qu'ils vivent là, côte à côte, ses câlins félins aux étirements de lèvres ostensiblement enfantins, ses petits gloussements puériles et caressants, sa tendresse toute simple, prosaïque et réconfortante, aussi mauvais qu'ai été le jour.
La force de son père, son honnêteté, et son amour bourru, toujours un peu retenu et gêné ; mais véritable. Le soutient éternel d'une mère qui a toujours été là pour adoucir le monde et lui donner mille fois confiance en lui, le rasséréner avec les bons mots, les bons gestes ; c'est elle qui lui a appris à ne pas craindre la nuit.
Et puis, il en manque. Tant. Tout les gosses du village, et les serviteurs dont chaque nom est encore vivace dans sa mémoire, et les patronymes affectueux des vieux arbres entaillés par les enfants hardis... Le bêlement des moutons, stupides et doux.
Il y'en a trop, des choses à dire. Une infinité qui ont fait, chaque jour, que Bartholomeï est devenu cet homme là, qui passe son temps à rentrer dans des gens et à s'excuser de tout, qui va chauffer les couches du château et de Bourg-de-Castelcerf sans distinction, dénué de gêne, souriant, affable ; un peu bizarre et lunaire, mais toujours à vous envoyer une petite joie sans fondement à la figure, pour que vous vous en tartiniez les lèvres afin de sentir, à votre tour, le goût du bonheur de vivre... Simplement de vivre, comme il l'a retenu, comme il l'applique tout les jours, à tout instant.
Prenez-en un peu, de ce bonheur : il est prêt à vous le tendre... Peut être en vous le renversant au visage, après vous avoir heurté.
Mais il s'excusera. Toujours. Avant d'oublier encore...
Et de vous sourire demain, parce-que vivre, c'est beau.
03-01-2014 à 12:50:06
Nom : Stornwarks.
Prénom(s) : Dorian.
Surnom : Aucun. Enfin, peut-être : les médias le désignent comme "L'Ombre poseuse de bombes".
Age : Beaucoup trop âgé ; plus de quinze mille ans.

Apparence Physique

Taille : Un mètre soixante dix et quelques.
Poids : Soixante kilos tout mouillé.
Yeux : Bleu-gris.
Cheveux : Noir profond, coupés plus ou moins courts mais toujours en bataille.

Corpulence : Moyenne, presque faible.
Condition Physique / Santé : Plutôt bonne, mais sans plus.
Traits Particuliers : Négligence capillaire légendaire.
Imperfections Physiques : Cheveux en bataille, barbe en friche, il est très pâle, cerné et marqué par la vie.
Gestes Caractéristiques : Se frotter la barbe, grimacer, se passer sa main dans les cheveux.

Famille
Religion : Pratique Religieuse : Aucune.

Groupe Ethnique : Aucun, il vient d'un autre monde où tous les peuples sont unis au sein d'une seule cité.
Date de naissance : Inconnue. Trop vieux, trop seul.
Lieu de naissance : Célébia, ville des mages.

Nom du Père : Doménamestion ou mon nom, selon le point de vu.
Description ( Physique Etc. ) : Inconnu.
Relations du personnage avec lui : Inexistantes.

Nom de la Mère : Théodora.
Description ( Physique etc. ) : Inconnue.
Relations du personnage avec elle : Inexistantes.

Relations Familiale ( Par ordre de naissance. Description des personnages, relation avec le héros / héroïne ) : De Nam, son cousin et ennemie mortel, investigateur de sa seconde amnésie et de nombreux malheurs. Kyte, son frère, qu'il a tué alors qu'ils étaient tous les deux sous l'emprise d'un démon différent. Lyra, sa cousine démoniaque qu'il a vaincu et réduite au silence. ( Elle est muette désormais. )
Son père l'a abandonné, sa mère était une voyageuse et elle est morte loin de son foyer, dans un autre monde ; elle ne s'occupait pas vraiment de son fils.
De ce qu'on en sait, son véritable père est une Entité au delà des mondes qui réside dans un cosmos totalement différent. De ce fait, il serait le fils de chair de ces deux parents sus-cités, mais le fils spirituel de cette Entité, responsable de sa création.
( Note : au vu de sa généalogie, Kyte serait plutôt son demi-frère. )
( Note : sa mère était une déesse exilée de son monde d'origine et son père un changeur de forme. )

Background
Education : Solitaire. Élevé par un golem nourrice.
Diplômes : Aucun, il a tout appris seul ou sur la route.
Etudes au Lycée : Aucunes.
Aptitudes, talents : Épéiste, mage d'exception, chieur de première catégorie..... Il dessine de manière acceptable et sait plus ou moins tailler du bois ; il sait jouer du violon. On peut aussi dire qu'il a des aptitudes à l'enseignement, ce qui est pour le moins surmenant au vu de son mauvais caractère. Il cuisine très bien quand il s'en donne la peine. ( Il pourrait chanter
Précédents emplois : Il a été professeur de magie pendant certains moments de sa vie, officiellement et officieusement. ( Notamment précepteur de sa propre fille pendant un temps, de Bergeau, jeune prince des Dieux, et de Léon, un jeune Honolyen ayant fuit à Kairec. )
Domaine de prédilection : La Magie.
Expérience militaire : Aucune ; du moins, dans l'armée. Mais il a déjà combattu en tant que Gardien de Kairec ou simplement lors de ses aventures. Il a aussi apporté sa contribution à la Trame de Célébia, ce qui peut se comparer au service militaire de sa patrie d'origine, en quelque sorte. ( Note : la Trame est une muraille invisible ( ou plus ou moins invisible ) qui entoure Célébia. Elle protège la ville de toute possible attaque ou de toute catastrophe, sans l'isoler totalement pour autant. La Trame est composée de sortilèges crées par tous les habitants de la ville sur plusieurs générations : chacun a le devoir d'y apporter sa contribution, qu'elle soit mineure ou pas. Tous les sortilèges ne sont pas défensifs, et certains ont seulement des fins esthétiques, comme par exemple, déclencher une impulsion le long de la toile magique qui entoure Célébia pour que seule une couleur du spectre lumineux soit filtrée. Il existe autant de variantes que d'idées. Quoi qu'il en soit, ajouter un sort à la Trame est un passage obligatoire dans la vie d'un Célébien, bien que la portée en soit surtout symbolique : au bout d'un certain temps, les sorts qui la composent ont cessé de se déliter, et depuis ce jour, la Trame est préservée de toute dégradation induite par le temps. Ce qui signifie que le sort ajouté par un habitant persistera après sa mort, à priori aussi longtemps que Célébia continuera d'exister. )
C'est-il ( elle ) déjà fait arrêté ? Pourquoi ? Une fois par une secte adoratrice de Chougrou, un dieu pieuvre à tête de choux, mais seulement car il était sur son territoire. ( Dans une forêt calcinée, après la destruction d'une île volante par un oiseau géant aux airs de condor qui se la pétait. ) Une autre fois par les "serviteurs" de sa cousine diabolique, Lyra. Il s'est aussi déjà sûrement fait arrêté lors des quinze mille années qui séparent Kairec de Kairec Futur.

Vie sociale
Employeur actuel : Aucun. Il vit dans une grotte sous-marine et fabrique des bombes magiques.
Profession : .....Terroriste ?
Revenu : Aucun.

Voisinage : Des ombres humides, et des créatures magiques endormies par la Magie, dont il est plus ou moins le gardien.
Adresse : ..... Une grotte. Sous la mer.
Description du foyer : Une. Grotte. Avec un lit en bois, vaste, aux draps rouges. Des lumières flottantes. Une alcôve où reposent quatre armes. Une table en bois massif et quelques chaises. ( Deux ou quatre ? ) Enfin, une malle massive qui lui sert de fourre-tout. ( Il y préserve notamment un vieux violon, dans un étuis. ) Il va sans dire que toute ses possessions sont préservées du passage du temps par de petits sortilèges qui le gardent intacts.

Numéro de téléphone : Aucun.
Voiture : Aucune.
Couleur de la voiture : Aucune.
Conduite lente ou rapide ? Respect du code de la route ? La question ne se pose pas.

Statuts : Il vit hors de la société. Célibataire de longue date, bien qu'il ait connu quelques autres femmes depuis la mort de sa dernière épouse en date ; mais sans jamais fonder d'autre famille.
Nom de l'épouse : Akemi. Elle est morte. ( Il a eut une autre femme, Eméra, qui est morte également. )
Surnom de l'épouse : Aucun pour Akemi. Il appelait Eméra, "mon aube", en référence à la signification de son nom.
Profession de l'épouse : C'était une vampire ex-chasseuse démoniaque. ( Eméra était Faucheuse, une sorte de chasseuse/mercenaire. ) ( Dorian aime les femmes dangereuse, il faut croire. )
Enfants ( avec leurs âges ) : Sa fille Hymis. Morte. ( Vers la trentaine, sûrement un peu plus. ) Il avait une autre fille, elle est morte également. ( Vers onze ans ? ) Un fils, mort. ( Sensiblement le même âge. ) Enfin, une dernière fille, préservée par la Magie et changée en Nymphe. Il la pense morte.

Animaux familiers : Aucun, mais son âme est matérialisée sous la forme d'un chat noir nommé Pandémon, qui mène une vie plutôt indépendante de la sienne.

Activités quotidiennes
Compagne/ Compagnon : Ses deux femmes sont mortes. Il n'a jamais repris d'épouse après la mort d'Akemi, son grand amour.

Heure a laquelle le personnage se réveille ? Variable. Sois tôt ( vers six heures ) soit tard ( vers midi, voir plus. ) Tout dépend de ses activités nocturnes.
Comment le personnage se réveille-t-il ? Quand il n'a plus sommeil.

Dispositions matinales : Généralement mauvaises, ce qui n'a rien d’inhabituel au vu de ses dispositions le reste du temps aussi.
Que mange-t-il / elle au petit déjeuner ? De la merde bon-marché qu'il fait apparaître par magie.
Que fait-il / elle pendant ce petit déjeuner ? Il fixe le vide, morose, pense à ses futurs attentats, ressasse le passé, ou ne pense à rien, creux.
Les vêtements ont-ils une grande importance ? Non. Il a les même bottes depuis son tout premier voyage, et se vêtit, du reste, de ce qu'il a trouvé et préservé ou. Peu importe. Généralement, on le voit engoncé dans les tons gris, blancs et noirs, avec quelques couleurs sombres pour agrémenter le tout.
Apprécie-t-il / elle son travail ? Beaucoup. Faire exploser des bâtiments ( et des gens parfois ) lui est un véritable plaisir.
Est-il / Elle Performant(e) Dans Son Travail ? Très. Il fait périodiquement la Une des journaux.

Heures de travail : Variables. Il travaille plus ou moins tout le temps.
Menu typique au déjeuner : Des croissants sans goût, du café bien amer. N'importe quoi. Ce qui lui passe par la tête.
Lieu du déjeuner : Sa grotte, à une table massive de vieux bois.
Qui prépare le déjeuner ? Lui même.
Compagnons de table : Le silence et sa mémoire.
Qui fait la vaisselle ? Personne. Il n'a pas de vaisselle fixe.
Activités typiques d'une soirée : Quand il ne pose pas des bombes en ville, il se morfond, échafaude de nouveaux plans terroristes ou écume la ville sans but.
Heure ou il / elle se met au lit : Peu importe. Variable. Quand le sommeil l'appelle.
Habitudes avant d'aller se coucher : Aucunes. Il rêvasse jusqu'à s'endormir.
Quel genre de dormeur est-il / elle ? ( rêveur, calme, agité ) Agité. Mais son sommeil est profond.

Préférences
Boisson, nourriture préférée : Il n'a plus de préférences depuis longtemps, il mange pour se maintenir en vie. Mais il aime néanmoins particulièrement ce qui est amer ou acide.
Destination de voyage préférée : Kairec. Qui n'existe plus. Il aimait bien revisiter les lieux où il a voyagé, mais cela lui est désormais impossible.
Boit-il / elle de l'alcool ? ( régulièrement ? ) Cela lui est arrivé, mais pas depuis longtemps. Son organisme le rend quasiment impossible à saouler, de toute manière.
Fume-t-il / elle ? ( régulièrement ? ) Hobbies / Passions : Non, et il n'a plus vraiment de passions non plus. Il lui arrive de reprendre un violon pour en jouer tristement, mais sans publique à ravir, il n'y trouve plus tant de joie. Parfois il se laisse aller à le faire dans la rue, mais c'est un petit plaisir dangereux.
Films Préférés : Aucuns. ( Il rit des adaptations sois-disant épiques, poisseuses et suintantes de mièvrerie ses vieilles aventures, des vies de ses amis qu'on a porté à l'écran, pensant sottement qu'elles n'étaient que vains mots, fariboles de l'enfance. Parfois, il a même fait face à son propre rôle joué, manquant de s'étouffer dans des larmes au goût de café noir. Trop de budget, pas assez d'âme. )
Livres Préférés : Aucuns. ( Il lit sans passion aucune, avec un rire amer et cassant face aux vieux contes déformés de Kairec, et se jette dans les autres romans en vibrant de dépit. Aucune histoire ne peut plus le surprendre, lui faire éprouver quoi que ce soit ; il est trop vieux pour vivre encore par procuration. Parfois, certaines arrivent encore à lui faire quelque chose, à tirer de son cœur desséché des spectres d'émotions... Mais elles sont rares, et il n'avoue avec pudeur être touché par des livres seulement qu'en cas de fatigue. Très peu pour lui, de reconnaître une once de mérite aux Hommes de cette époque maudite. )
Musique Préférée : Aucune. ( Il aime les voix rocailleuses, les musiques lancinantes qui déchirent l'âme. Il se baigne dans les ondes obscures qui font vibrer les fibres sensibles et asséchées de son âme, goûte aux mélodies décadentes qui se fanent comme des floraisons issues de la pourriture, à l'ombre de son cœur trop souvent indifférent. )
Emissions T.V. Préférées : Aucune. ( Il n'a jamais apprécié la télévision. Quand il en existait encore, il regardait des documentaires animaliers. Il ne reste guère de nature sur laquelle faire ce genre d'émission désormais.)
Ce qui l'attire dans le sexe opposé : Sa personnalité. Ses ressemblances avec l'amour de sa vie, Akemi.
Ce qui, chez le personnage, attire l'autre sexe : Aucune idée. Pas franchement un canon de beauté, et niveau caractère, c'est pas trop ça non plus au premier abord. Mais il a un certain charisme, une aura.
Ce qui excite le personnage : Kairec. En parler le plonge dans une colère sourde. De même avec son passé.
Ce qui rebute le personnage : Le meurtre de sang froid. Il a gardé des scrupules, quoiqu'il soit bien décidé à se venger de l'humanité, ce qui passe pour lui par des attentats, le trouble de l'ordre sociale et une guérilla sauvage contre les villes ; il tue, mais cela ne lui plaît pas. Pas toujours.
Style de vêtement / vêtement préféré : Des trucs passes-partout ou sombres.
Phrase / expression préférée : Aucune.

Style de langage : Moyen. Un mélange de familier et de soutenu. Son langage est un peu décomposé ballant, il ressemble à une vieille corde éliminée.
Parti politique : Anarchiste ? Aucun en particulier en fait. Il se contrefout de la politique actuelle, il veut juste faire vaciller et tomber l'ordre sociale pour se venger de l'humanité.
Sujet politique / social de prédilection : La justice..... Arbitraire. Et violente. Il veut faire renaître l'Ancienne Kairec, et attend patiemment ( sans trop y croire ) le retour de la Magie, afin d'entrer en guerre contre cette société mondiale.
Opinions caractéristiques du personnage : Il considère l'humanité comme une horrible chose rampante, une nuée de charognards indignes et prétentieux. Il ne leur trouve pas d'excuse, il veut être leur châtiment. Pour lui la Magie est beauté, Kairec était le cœur du monde, et les humains ne sont que des enfants ingrats qui n'ont pas su remercier leurs Gardiens séculaires. Mille fois ils ont été sauvés par ceux qui vivaient dans la forêt de légende, mille fois on a vu ce joyau de verdure les accueillir en ses bras..... En réponse de quoi ils ont tué ce cœur vert. Ils ont tué le monde.
Nombre et caractéristiques des amis proches : Tous morts. ( Pas réellement, mais il ne le sait pas encore. Ab vit dans le Désert avec les enfants du Carrousel, Omatao n'est pas réellement mort, mais enfermé dans un cercueil de bronze et plongé dans le sommeil, Bergeau s'est réveillé dans un laboratoire, Eileen vit sous une fausse identité, Léon s'est réincarné dans le corps d'un homme ayant renoncé à la vie, rappelé en ce monde par la Magie et par la "renaissance" de Za ; enfin, cette dernière s'est avérée avoir survécu à la chute de Kairec, protégée par ses démons qui l'avaient transformés en corbeau. )

Meilleur ( e ) ami (e ): Aucun. ( TKL, ou Thimodore, un voyageur inter-dimensionnel adepte de voyage dans le temps, issu d'un univers sans magie. On ne sait pas ce qu'il est devenu. )
Autres amis : Aucuns. ( Trop pour les citer, la plupart des Gardiens de Kairec et les nombreuses personnes à avoir voyager avec lui. )


Personnalité
Type de personnalité ( optimistique, pessimistique, extraverti, introveti, etc... ) : Pessimiste, introverti, râleur, mélancolique, peu abordable, un peu cynique, instable, irascible, amer, impulsif, le soupir facile et le regard blasé. Il ne manque pas de culot, c'est un chieur moqueur et désabusé au ton un peu mordant, presque agressif, gentiment acide. Il n'est pas sans posséder un certain flegme parfois, nonobstant son allure nerveuse.

Quelle première impression donne votre personnage ? Au choix, il a l'air parfaitement banale quoique négligé, dans ses moments de joie relative. Autrement, il a tout l'air d'un dépressif profond ou d'un homme dangereux.

Comment est-il perçu par les autres ( y compris par les inconnus, les amis, la famille ) ? Ses amis et sa famille l'aimaient beaucoup tout en ayant conscience de ses défauts ( ils les regardaient même avec une certaine tendresse ), qu'il tentait de gommer pour eux ( il s'est même sérieusement amélioré pendant un moment ), mais désormais, il n'y a plus personne pour penser quelque chose de lui.

Manies : Il marche souvent en rond, ou bien fixe le vide. Avant, il avait pour habitude de faire apparaître des plantes et de les faner.
Excentricités : ..... Venir d'un autre monde, avoir plus de quinze mille ans d'âge, et être un Mage peut-être moins qu'à demi humain voir même pas du tout, sauf morphologiquement parlant et ce par sa propre volonté ?

Tempérament
Comportement face au conflit : Il se renferme et boue. Ou bien se montre carrément agressif. Il peut exploser à tout moment. C'est un homme impulsif, bien que capable de raisonner.
Comment traite-t-il / elle les autres : Plutôt mal en fait. Et paradoxalement bien. Il faut apprendre à le connaître, disons, et passer ses premières barrières. En tout cas, la première confrontation n'est jamais simple
Comportement face à la colère : Il se met en colère également. Parfois, cette colère lui sert à résoudre celle de l'autre en lui donnant de la force et du coffre ; d'autres fois ( souvent ), elle est simplement stupide et conduit à une impasse ou à l'animosité voir la rancœur.
Qualités premières : Fidèle, aimant et protecteur envers ses proches. Il ne manque pas de courage ( qu'il qualifie lui même de stupide ) et sait faire des efforts pour ceux qu'ils aime.

Défauts : Irritable, associable, instable, râleur, pessimiste, mélancolique, amer, désillusionné, mordant, c'est une tête brûlée au regard de tempête furieuse. Son mauvais caractère en général, en fait.
Mauvaises Habitudes / Vices : Remuer le couteau dans ses plaies, tripoter sa douleur, se faire du mal tout seul. Être peu agréable avec les gens lors de leur première rencontre, car à jamais un peu sauvage.
Préjudice ( s ) : Causés ? Meurtres par bombes interposés. Et sûrement d'autres au cours des quinze mille ans d'errances relatives. Subis ? Destruction de son foyer, génocide des êtres Magiques, meurtres de toute sa famille et de tous ses amis exceptée sa petite fille Elaura.
Plus Grande Vulnérabilité : Elles portent plusieurs noms, car il n'y a pas un point qui fait moins mal que l'autre. Kairec, Akemi, Hymis, Eméra, ceux de ses autres enfants, de tous les gens qu'il aimé, et de son frère Kyte.
Point Faible : La Magie a presque disparu. Il est seul face au monde entier, sa vengeance en bandoulière, et presque fou.
Bête Noire : L'humanité.

Type d'humour : Grinçant. Sarcastique, ironique, cynique et noir. Absurde également.

Peur / Phobies : Perdre sa magie, même s'il ne l'a jamais envisagé. Elle est tout ce qui lui reste... Il sait déjà avoir un peu perdu la tête, après tout.

Perception
Comment se voit votre personnage ? Comme un vieux chieur fatigué. Il est lucide sur sa nature d'ours mal léché et son caractère de cochon.
Quelle est, pour lui sa meilleure qualité ? Il ne s'en voit pas vraiment. Mais à chercher vraiment, le courage, qui se confond avec l'orgueil et la stupidité.
Quelle est, pour lui son pire défaut ? L'orgueil.
Comment votre personnage se pense-t-il perçut par les autres ? Il n'y pense pas. Si tel devait être le cas, alors il se dirait qu'on le considère comme il se voit lui même.
Ce que votre personnage aimerait le plus changer chez lui : Son passé. Quoi, ce n'est pas la question ? Allons bon. Disons, ses problèmes de démonstration affective alors. ( Même s'il n'a plus personne à qui les faire endurer. )

Philosophie de la Vie : Vivre au jour le jour. Pas comme si il pouvait faire autrement.
Aspirations à court terme : Se venger.
Aspirations à long terme : Se venger. ( Faire revenir la Magie ? )
Besoins immédiats : Se venger. ( Ou aller aux toilettes, c'est selon. )
Besoins futurs : Voir la renaissance de Kairec s'accomplir, et pouvoir y mourir, enfin.

Quel est le rêve de sa vie : Le retour de la Magie, la renaissance de Kairec ; assouvir sa vengeance. Il n'espère plus être heureux autrement qu'en restaurant un peu de son passé.
Ce qu'il / elle aimerait le plus avoir : Sa famille. Akemi et leurs enfants ( Dimitri, Amande et Lotis ), Hymis et Elaura. Il aimerait avoir ce qu'il a déjà eu, il y a si longtemps. Dommage que ce soit impossible.

Plus grand regret : Avoir trahis Akemi. ( Blessure éternelle. )
Autres regrets : Ne pas avoir été là pour Hymis, avoir aimé Eméra simplement car elle lui évoquait Akémi ( puis l'avoir oublié à cause de De Nam ) ne pas avoir pu sauver sa famille, avoir tué son frère, avoir été si mélancolique, avoir vécu si longtemps.

Secret le plus sombre : ( qui d'autres est au courant, et comment l'ont-ils su ? ) Eméra, sa deuxième femme rencontrée après son amnésie. Tous les Gardiens étaient au courant, puis Akemi par la suite ; il ne s'est jamais remis de cette trahison, certes involontaire, mais traumatisante pour Hymis, Akemi et lui même.
Plus grande peur : ( pas nécessairement liée au secret ) Mourir en vain. Après tout ce temps..... Et perdre sa magie.
Tout au fond de lui / d'elle qui aime-t-il / elle le plus ? Akemi. A jamais.
Pour quoi votre personnage donnerait-t-il volontiers sa vie ? Pour la Magie, pour Kairec, pour sa famille s'il en avait encore ; ses Descendants ( cf Tristana ) lui sont étrangers. Néanmoins, il pourrait se sacrifier pour ceux d'entre eux dont le sang n'aurait pas été trop altéré par quinze mille ans à disséminer les gènes du vieux mage à travers le monde. ( C'est drôle, en fait, beaucoup de gens sont théoriquement à compter dans sa descendance \o/ )

Croyances Religieuses : Aucunes. Il connait son créateur et entretient des relations étranges avec lui, mais ne le considère pas comme un dieu.
Ce qu'il pense de la vie : Longue, difficile, éreintante, amère, cruelle, décevante. Beaucoup de mal somme toute.
Pensées sur l'au delà : Il en est revenu trop de fois. S'il devait mourir aujourd'hui, il ne sait pas trop ce qui l'attendrait : le Désert de cendres, à nouveau, le néant ( au final ), ou un havre créer par son Père d'au-delà des mondes ? En tous cas, il ne s'attend pas à retrouver ses proches décédés

Tout premier souvenir : La solitude, entre les bras de son golem nourrice.
Plus grande influence et Pourquoi : Son amour infaillible pour Akemi, peut-être. Sa soif d'aventure, son besoin de voyager, son amour des routes.
Traumatismes / blessures psychologiques liées au passé : Son instabilité émotionnelle/quasi folie. Dorian n'est pas humain, il a donc enduré son interminable vie sans y perdre totalement la mémoire ou la tête.
Expérience la plus marquante : Le bonheur. Avoir été heureux et comblé. Son errance dans le Désert l'a profondément marqué également ; la perte d'Akemi, la découverte de ce qu'il avait fait de ses années d'amnésie. ( Épouser Eméra, enfanter Hymis. )
Chose qu'il trouve gênante / embarrassante, et pourquoi : Il n'est plus embarrassé de rien, sauf peut-être de sembler faible au x yeux de qui que ce soit.
Chose la plus douloureuse de sa vie : La perte de tout ce qui lui était cher en à peine deux mois de sa vie tellement longue.
Ce qui lui importe le plus : Restaurer ce qui fut détruit.

Chose la plus importante a ses yeux ? ( pour laquelle il donnerait tout afin de la posséder ou de la garder ) Il n'y en a plus, et il n'a plus rien à donner. Mais sa magie est tout ce qui lui reste et ce dont il peut encore être fier, car il a tout appris seul au cours de sa longue vie. Ceci-dit, il donnerait sa vie pour revoir l'émergence de Kairec.
En étant totalement honnête, comment votre personnage se décrirait-il ? De manière presque complète, en omettant ses qualités qu'il ne voit pas, ou ne considère pas.
Comment les autres le décriraient-il ? Tel qu'il est vraiment. Ceux qui l'aiment, avec tendresse, les neutres avec un certain malaise ou désintérêt, et ses ennemies..... On s'en doute.
Comment vous ( en tant qu'auteur ), le décririez-vous en une phrase, ou encore mieux, en un seul mot ? Esprit-totem protecteur.

D'après vous est-ce que votre personnage serait d'accord avec vous, et pourquoi ? Oui, car il me connait comme je le connais.
04-01-2014 à 19:44:53
Nom : Pan. ( Son ancien nom de famille était Van Kust > "Qui vient de la côte, du rivage". )
Prénom(s) : Bartel.
Surnom : L'Errant, la Bête, le chien, cabot, corniaud ; crachez lui donc des mots fauves au visage.
Age : Vingt sept ans.

Apparence Physique

Taille : Un mètre quatre vingt cinq bien sentit.
Poids : Quatre vingt quinze kilos.
Yeux : Marron tourbeux semé d'un vert vif qui s'étend au soleil.
Cheveux : Châtain sombre tendant à s'éclaircir au soleil ; un peu ternes, mêlés de teintes échelonnées qui lui composent une palette de terres neuves et fatiguées. Bouclés.

Corpulence : Moyenne ou forte selon le point de vu.
Condition Physique / Santé : Très bonne.
Traits Particuliers : SO MUCH BEARD AND HAIR. YEAAAAH. Il a l'air d'une créature sauvage, corps martelé de soleil et captivant dans ses mouvements fauves, emprunts de force.
Imperfections Physiques : Aucun soin apporté à son apparence. Peau usée, capillarité luxuriante et laissée à ses fantaisies.
Gestes Caractéristiques : Il sourit beaucoup, s'adosse souvent aux murs et préfère s'asseoir par terre. Il a aussi tendance à bouger quand on lui parle.

Famille
Religion : Pratique Religieuse : Aucune.

Groupe Ethnique : Turc-Hollandais, bien qu'il n'en sache rien ( Même si son ancien nom de famille parle pour lui. )
Date de naissance : Premier Décembre 1986.
Lieu de naissance : Inconnu. Quelque part sur la route, ou dans une ville que ses parents n'ont fait que visiter.

Nom du Père : Braam.
Description ( Physique Etc. ) : Grand, blond, yeux bleus-verts, cheveux courts et bien coupés, coiffés, un air digne, une mise sobre. Un homme honnête ( presque ) et complaisant qui ne manque pas de culture ni d'un certain charme, mais il cache des fêlures et ne parle pas de sa Hollande natale. Il semble avoir trempé dans des affaires louches et sauve les apparences maintenant, tant bien que mal.
Relations du personnage avec lui : Elles étaient bonnes avant Brocéliandre ; après Brocéliandre, elles n'étaient plus du tout. Bartel n'a jamais été très proche de son père malgré tout, faute à son envie de rester dans le rang ( et au mystère que ses parents font de leur passé ), quand lui n'aspirait qu'à en sortir. Mais il ne faisait pas tant de vagues avant Brocéliandre, ce n'est que dés lors qu'il s'est lié à la plante vénéneuse que leurs relations se sont nettement détériorées. Ils ont finis par se vouer une hostilité commune puissante ; Braam n'a pas pardonné à son fils, avant son premier voyage, d'avoir souillé la jolie façade qu'il avait édifié autour d'eux. Ramener de la boue sur le pallier, repeindre en noir la clôture blanche. De toute évidence, c'était mal.
Plus besoin de se poser la question maintenant.

Nom de la Mère : Ayda, renommée Liséa par ses propres soins, en hommage à l'héroïne d'un livre d'une auteur d'héroïque-fantasy peu connue.
Description ( Physique etc. ) : Un petit air orientale, d'épais cheveux bruns aux cascades ruisselantes de lumière. Un éclat de rousseur, des yeux de terre retournée qu'on aurait fait briller, une teinte d'écorce de gland au chapeau effondré, émietté sur la pierre brune du bord de mer. Ses lèvres sont charnues, sensuelles, et son nez trop busqué lui dessine une visage de falaise. Demandez vous d'où viennent les trais forts de Bartel ; regardez le visage de sa mère, et comprenez.
C'est une femme autoritaire au caractère bien trempé- trop bien peur-être. Sa farouche volonté d'indépendance et son envie de toujours surpasser les hommes en ont fait une véritable bombe à la minuterie toujours entre zéro et un. Irascible et tout le temps rongée par le stress, Liséa n'est pas forcément une femme au fond mauvais ; mais son caractère explosif la fait craindre. Elle n'est pas patiente et sa fibre maternelle est entachée d'un certain égocentrisme. Liséa est active, passionnée ( et passionnante ), engagée politiquement et se garde du temps pour elle. Elle n'était pas forcément aussi présente que l'exigeait son rôle de mère, mais elle tentait de compenser par sa grande culture.
Relations du personnage avec elle : De même qu'avec son père, mais elle était moins conciliante encore. Liséa était plus cinglante, plus sévère, plus prompt à punir les écarts. Elle n'a cependant pas réussi à l'éloigner de Brocéliandre.....

Relations Familiale ( Par ordre de naissance. Description des personnages, relation avec le héros / héroïne ) : Sa sœur Orcynie, violoniste asperger. Il la protégeait et l'aimait autant que possible, mais l'a délaissé quand Brocéliandre s'est emparé de lui. Par la suite, elle l'a naturellement oublié lors de son premier voyage.

Background
Education : Élevé par deux parents immigrés. Pas de famille proche autre qu'eux même et sa sœur.
Diplômes : Brevet des collèges... Il n'a pas eu le temps de passer son BAC.
Etudes au Lycée : Courtes. Il était en section littéraire.
Aptitudes, talents : Doué de ses mains et dans les domaines artistiques, il a également de la verve et un esprit vif. Il sait parler et conter, mener une conversation lui est un jeu d'enfant. Il sait également comment survivre dans la nature.
Précédents emplois : Tout ce qu'on lui a proposé. Somme toute, des emplois sans qualifications.
Domaine de prédilection : Mettre les gens mal à l'aise. ( Puis dans son lit. )
Expérience militaire : Aucune.
C'est-il ( elle ) déjà fait arrête ? Pourquoi ? Jamais, il est trop prompt à disparaître pour cela.

Vie sociale
Employeur actuel : Aucun.
Profession : Aucune. Il ne travaille que quand l'envie lui prend, et pas forcément sur Terre ou à Hellishdale.
Revenu : Variables, selon ce dont il a besoin. Il fait du commerce inter-monde pour une misère ( se laissant entuber en toute conscience de cause ) ou exécute de petits boulots. Parfois.

Voisinage : Le plus souvent des arbres.
Adresse : Variable.
Description du foyer : Il n'en a plus.

Numéro de téléphone : Aucun.
Voiture : Aucune.
Couleur de la voiture : Inexistante.
Conduite lente ou rapide ? Respect du code de la route ? Question invalide. X

Statuts : Vit en marge totale de la société ; célibataire.
Nom de l'épouse : Il n'en a pas.
Surnom de l'épouse : Aucun.
Profession de l'épouse : Aucune.
Enfants ( avec leurs ages ) : Aucun... On suppose. Ou bien des bâtards qu'il ne connait pas.

Animaux familiers : Aucun.

Activités quotidiennes
Compagne/ Compagnon : Des amantes et amants qui changent au gré de ses voyages. Il va et vient en solitaire et n'a de compagnie qu'une fois posé quelque part.

Heure a laquelle le personnage se réveille ? Généralement tôt, mais tout dépend de ses activités nocturnes ; seul, il est matinal, mais si sa soirée n'a pas été solitaire, alors il se lèvera en conséquence de son heure de coucher ou de paire avec un éventuel compagnon. ( Il a tendance à se lever avec le soleil, mais se rendort si le besoin de rester éveillé ne se fait pas sentir. Il flâne, tel un bon Faune.)
Comment le personnage se réveille-t-il ? Frais, vif, reposé. De bonne humeur somme toute.

Dispositions matinales : Bonnes.
Que mange-t-il / elle au petit déjeuner ? Des fruits, des racines, des œufs, ce qu'il trouve dans la nature en réalité. Ou ce qui lui offre ses hôtes... Ou bien encore ce qu'il peut voler à un magasin, ou dans des maisons.
Que fait-il / elle pendant ce petit déjeuner ? Seul, il observe ce qui l'entoure, écoute le monde et laisse son esprit dériver. En compagnie de quelqu'un, il parle, avec des mots ou de simples gestes/expressions.
Les vêtements ont-ils une grande importance ? Pas vraiment, mais ils doivent être pratiques.
Apprécie-t-il / elle son travail ? Il n'en a pas ; c'est ce qu'il apprécie, justement.
Est-il / Elle Performant(e) Dans Son Travail ? Il fait un bon épicurien. Un bon chieur aussi.

Heures de travail : Aucunes.
Menu typique au déjeuner : Composé généralement de fruits et de choses séchées ou rapportées d'autres mondes. ( Du pain volé en boulangerie par exemple. )
Lieu du déjeuner : Variable.
Qui prépare le déjeuner ? Lui même, ses hôtes ou la nature. ( Ou d'infortunées victimes de ses rapts inter-monde. )
Compagnons de table : Variables ou inexistants. ( Coucou Silver. )
Qui fait la vaisselle ? Ses hôtes ou lui même, quand il y a de la vaisselle.
Activités typiques d'une soirée : Variables. Il erre dans la ville, séduit des inconnus, dort loin de la civilisation, ou passe la soirée à tourmenter de pauvres gens... Non, en réalité il n'a pas d'occupation type. Bartel aime marcher, rencontrer des gens, et adapte ses activités selon ses envies. Il pourra tout aussi bien s'isoler au milieu des bois que débarquer chez Randall pour se mêler aux fêtards ; chercher son plaisir face au lac repeint par la Lune que dans la ruelle sombre d'un Guide.
Heure ou il / elle se met au lit : Variable, selon ses envies.
Habitudes avant d'aller se coucher : Aucunes. Il lui arrive souvent de ressasser sa journée, mais ce n'est pas une pratique systématique. Parfois, il se laisse aussi simplement dériver au travers des sens d'autres êtres vivants, via son don.
Quel genre de dormeur est-il / elle ? ( rêveur, calme, agité ) Calme, mais son sommeil est léger et semé de rêves troubles.

Préférences
Boisson, nourriture préférée : Il aime le miel et les mûres. Depuis qu'il s'est habitué à chasser et cueillir, Bartel se rend également compte du fossé qui sépare les produits frais et naturels des autres. Autrement, il mange tout ce qui lui tombe sous la main et n'est pas difficile, bien qu'il sache apprécier la bonne nourriture.
Destination de voyage préférée : Inferna.
Boit-il / elle de l'alcool ? ( régulièrement ? ) Irrégulièrement, mais oui. Il boit de tout, mais non sans savourer les saveurs propres à chaque boisson ; s'il atteint l'ivresse, se sera en s'étant laissé guider par ce que lui dit son corps, par le plaisir des papilles..... Et non pas le besoin de se transformer en barrique.
Fume-t-il / elle ? ( régulièrement ? ) Hobbies / Passions : Il ne fume pas, à moins qu'on le lui propose. Cela lui est arrivé à l'occasion quand il était en couple avec Brocéliandre, mais rarement depuis. ( Il a fait l'expérience des drogues avec elle, mais il s'est pareillement défait de cette pratique qui n'était ni régulière ni particulièrement voulu de son seul fait. )

Films Préférés : L'Echelle de Jacob, Princesse Mononoké, Dark City, La cité des enfants perdus ( AOK ) et autres étrangetés notoires. Il aimait bien les courts métrages et les films maîtrisés au niveau de la mise en scène, du son, de l'image... Les films obscurs, bizarres, ou bien jubilatoires.
Livres Préférés : Frankestein, le dictionnaire ( oui ), Le Seigneur des Anneaux, l'Etranger et les livres de Camus en général, Hamlet, Antigone, Les Hauts de Hurlevent, Dunes... La SF et la fantasy en général, auquel il ajoute un intérêt modéré pour les classiques et la philosophie. Il aime beaucoup les poètes de la résistance, les poètes surréalistes et ceux du dix neuvième au vingtième en général.
Musique Préférée : Rock et Pop, Métal de toute sorte, voir des variétés. Classique, jazz, des musiques orientales ou dansantes... Ses goûts sont éclectiques.
Emissions T.V. Préférées : Documentaires en tout genre ; mais qui imaginerait, désormais, Bartel captivé par une télévision ?
Ce qui l'attire dans le sexe opposé ( ou le même ) : Tout. Chaque regard, chaque sourire, chaque cheveux... Il embrassera les paupières et caressera les hanches, dessinera vos vertèbres du bout brûlant de ses doigts, et sa langue dansera partout, prodiguant l'extase. Et peu importe le physique de son amant d'un soir ou de plusieurs. Bartel est captivé par le grain de peau de l'autre, par l'odeur qui l'habille, les mouvements qui le troublent. Il aime le voir frémir, vibrer, luire d'une sueur parfumée ; l'harmonie des courbes ou leurs brisures sauvages, le touché satiné ou la caresse rugueuse : Bartel saura l'apprécier. Il ne sait qu'aimer les corps, car chacun a ses charmes. A tous leurs beautés propres, qu'elles soient conventionnelles ou non.
Ajoutez à cela son don qui lui permet de savourer au sens propre les sentiments d'autrui, et la sensualité qui se dégage de lui, celle qu'il capte d'autrui, est dés lors décuplée.
Ce qui, chez le personnage, attire l'autre sexe : Plus qu'un physique pour le moins broussailleux, Bartel est une aura. Outre son corps sculpté et vibrant, il exhale un souffle tangible des plus enivrant. Derrière ses airs de vagabonds, l’Égaré dégage une sensualité magnétique, et ses mots comme son attitude la renforcent, gomment ce qu'on lui trouve de laid. En plus de quoi la Bête opère un charme en deux temps : si votre beauté se révèle sous ses yeux, la sienne propre jaillira de même. Et mieux que personne, Bartel sait jouer de celle-ci, car il n'est pas homme à s'empâter doucement. Son corps offrant est offert, ses odeurs vous parfument, vous entraînent ; il n'est pas si laid derrière cette barbe, pas si monstrueux. Et lors de jeux obscurs, elle pourrait bien devenir de quelque manière agréable...
Ce qui excite le personnage : Si la question porte sur ce qui éveille sa colère, alors ces choses sont variées. Tout d'abord, qu'on appuie avec trop d'insistance sur son passé, quand bien même il l'aurait mérité. ( CF Silver, parce-que oui, faire chier les gens c'est bien, MAIS APRÈS ON ASSUME ) Du reste, elles sont variées et tout dépend du jour, car Bartel n'est pas nécessairement d'humeur égale, loin de là. Il n'aime pas l'étroitesse d'esprit ni le mépris et déteste avoir à affaire à quelqu'un de rigide ou de strict. Pardessus tout, il déteste se sentir acculé, piégé, enchaîné ou contraint.
Ce qui rebute le personnage : Rien. Il va vers tous, c'est un incendie qui fait feux de tout bois ; quand bien même une personnalité lui déplairait, il ne se défilerait pas face à elle.
Style de vêtement / vêtement préféré : Aucun style particulier. Ce qui sied à son environnement.
Phrase / expression préférée : Aucunes.

Style de langage : Soutenu, alambiqué, mélodieux. Bartel ne parle pas, il chante, comme un oiseau moqueur et fascinant, une terrible bestiole pleine de plumes, insupportable à force de sifflements. Il enferme les gens dans son discours comme dans une forêt noire, et ceux-ci ne trouveront la lumière que s'il daigne leur tendre. Et parfois, il brise la mélodie d'un accord dissonant en se laissant aller à quelques grossièretés.
Parti politique : ANARCHIIIIS- Aucun en particulier.
Sujet politique / social de prédilection : Aucun. Il s'intéresse aux gens et pas forcément aux mécaniques de la société.
Opinions caractéristiques du personnage : Sa liberté prime avant tout à ses yeux, et il en abuse consciemment en indisposant la société et la plupart des gens. Il considère que peu de gens sont vraiment heureux de leur vie et se fait un plaisir de leur dire haut et fort ce qui ne va pas, ce qui les rend malheureux, ou de leur asséner au visage tous ce que les autres taisent. Il aime se voir comme un vent de liberté soufflant sur des existences d'inhibitions et de contraintes.
Il fait ce qui lui plaît, quand il lui plaît et grogne tout bas contre les Architectes. Néanmoins, il ne pense pas être un modèle ou quoi que ce soit de cet ordre : il considère simplement s'être libéré des pressions extérieures pour pouvoir agir à sa guise, sans avoir à se contraindre pour les regards d'autrui. Avoir fait les choix qui lui convenaient le mieux sans s'embrasser d'autres avis que le sien, somme toute. Et c'est seulement à cela qu'il encourage autrui.
Nombre et caractéristiques des amis proches : Peu des ses amis sont véritablement proches, et quand bien même, il est furtif, vagabond. Listons joyeusement ses connaissances.
Ombres :
Hellish,
Absinthe et Chartreuse,
Hans,

Les Architectes :
Silver,
Berith,
Wilhem,
Téthis,
Ephialtès,
Ambrozius,

Les Guides :
Constance,
Morgan,
Nessy,
October,
Harael,
Alma
Siegfred,
Claudia,
Jamawock,
Extasy,
Laury,
Alcide,
Euredice,
Ivadelle,
Gashen,

Les Égarés :
Misael,
Poussière,
Jemina,

Guides libres :
Randall,

Innocents :
Alice,
Eric,
Xander,
Susanah,

Prisonnier :
Libellule,


Meilleur ( e ) ami (e ): Aucun en particulier.
Autres amis : Cités plus haut.


Personnalité
Type de personnalité ( optimistique, pessimistique, extraverti, introveti, etc... ) :

Quelle première impression donne votre personnage ?

Comment est-il perçu par les autres ( y compris par les inconnus, les amis, la famille )?

Manies :
Excentricités :

Tempérament
Comportement face au conflit :
Comment traite-t-il / elle les autres :
Comportement face à la colère :
Qualités premières :

Défauts :
Mauvaises Habitudes / Vices :
Préjudice ( s ) :
Plus Grande Vulnérabilité :
Point Faible :
Bête Noire :

Type D' Humour :

Peur / Phobies :

Perception
Comment se voit votre personnage?
Quelle est, pour lui sa meilleure qualité?
Quelle est, pour lui son pire défaut?
Comment votre personnage se pense-t-il perçut par les autres?
Ce que votre personnage aimerait le plus changer chez lui :

Philosophie de la Vie :
Aspirations à court terme :
Aspirations à long terme :
Besoins immédiats :
Besoins futurs :

Quel est le rêve de sa vie :
Ce qu'il / elle aimerait le plus avoir :

Plus grand regret :
Autres regrets :

Secret le plus sombre : ( qui d'autres est au courant, et comment l'ont-ils su ? )
Plus grande peur : ( pas nécessairement liée au secret )
Tout au fond de lui / d'elle qui aime-t-il / elle le plus?
Pour quoi votre personnage donnerait-t-il volontiers sa vie?

Croyances Religieuses :
Ce qu'il pense de la vie :
Pensées sur l'au delà :

Tout premier souvenir :
Plus grande influence et Pourquoi :
Traumatismes / blessures psychologiques liées au passé :
Expérience la plus marquante :
Chose qu'il trouve gênante / embarrassante, et pourquoi :
Chose la plus douloureuse de sa vie :
Ce qui lui importe le plus :

Chose la plus importante a ses yeux ? ( pour laquelle il donnerait tout afin de la posséder ou de la garder ) : Sa liberté, et peut-être sa sœur, quoiqu'il songe parfois qu'elle n'est pas une raison suffisante pour vivre une vie morne.
En étant totalement honnête, comment votre personnage se décrirait-il ?
Comment les autres le décriraient-il? Liz > (En fait, c'est un Bisounours. Mais avec un gros appétit sexuel.)
Comment vous ( en tant qu'auteur ), le décririez-vous en une phrase, ou encore mieux, en un seul mot ? Pan.

D'après vous est-ce que votre personnage serait d'accord avec vous, et pourquoi ? Plus qu'en accord, même.
06-01-2014 à 13:37:08
Nom :
Prénom(s) :
Surnom :
Age :

Apparences Physiques

Taille :
Poids :
Yeux :
Cheveux :

Corpulence :
Condition Physique / Santé :
Traits Particuliers :
Imperfections Physiques :
Gestes Caractéristiques :

Famille
Religion : Pratique Religieuse :

Groupe Ethnique :
Date de naissance :
Lieu de naissance :

Nom du Père :
Description ( Physique Etc. ) :
Relations du personnage avec lui :

Nom de la Mère :
Description ( Physique etc. ) :
Relations du personnage avec elle :

Relations Familiale ( Par ordre de naissance. Description des personnages, relation avec le héros / héroïne ) :

Background
Education:
Diplômes :
Etudes au Lycée :
Aptitudes, talents :
Précédents emplois :
Domaine de prédilection :
Expérience militaire :
C'est-il ( elle ) déjà fait arrête ? Pourquoi ?

Vie sociale
Employeur actuel :
Profession :
Revenu :

Voisinage :
Adresse :
Description du foyer :

Numéro de téléphone :
Voiture :
Couleur de la voiture :
Conduite lente ou rapide? Respect du code de la route?

Status :
Nom de l'épouse :
Surnom de l'épouse :
Profession de l'épouse :
Enfants ( avec leurs ages ) :

Animaux familiers :

Activités quotidiennes
Compagne/ Compagnon :

Heure a laquelle le personnage se réveille ?
Comment le personnage se réveille-t-il ?

Dispositions matinales :
Que mange-t-il / elle au petit déjeuner ?
Que fait-il / elle pendant ce petit déjeuner ?
Les vêtements ont-ils une grande importance?
Apprécie-t-il / elle son travail ?
Est-il / Elle Performant(e) Dans Son Travail?

Heures de travail :
Menu typique au déjeuner :
Lieu du déjeuner :
Qui prépare le déjeuner?
Compagnons de table :
Qui fait la vaisselle?
Activités typiques d'une soirée :
Heure ou il / elle se met au lit :
Habitudes avant d'aller se coucher :
Quel genre de dormeur est-il / elle ? ( rêveur, calme, agité )

Préférences
Boisson, nourriture préférée :
Destination de voyage préférée :
Boit-il / elle de l'alcool ? ( régulièrement ? )
Fume-t-il / elle ? ( régulièrement ? ) Hobbies / Passions :
Films Préférés :
Livres Préférés :
Musique Préférée :
Emissions T.V. Préférées :
Ce qui l'attire dans le sexe opposé :
Ce qui, chez le personnage, attire l'autre sexe :
Ce qui excite le personnage :
Ce qui rebute le personnage :
Style de vêtement / vêtement préféré :
Phrase / expression préférée :

Style de langage :
Parti politique :
Sujet politique / social de prédilection :
Opinions caractéristiques du personnage :
Nombre et caractéristiques des amis proches :

Meilleur ( e ) ami (e ):
Autres amis :


Personnalité
Type de personnalité ( optimistique, pessimistique, extraverti, introveti, etc... ) :

Quelle première impression donne votre personnage?

Comment est-il perçu par les autres ( y compris par les inconnus, les amis, la famille )?

Manies :
Excentricités :

Tempérament
Comportement face au conflit :
Comment traite-t-il / elle les autres :
Comportement face à la colère :
Qualités premières :

Défauts :
Mauvaises Habitudes / Vices :
Préjudice ( s ) :
Plus Grande Vulnérabilité :
Point Faible :
Bête Noire :

Type D' Humour :

Peur / Phobies :

Perception
Comment se voit votre personnage?
Quelle est, pour lui sa meilleure qualité?
Quelle est, pour lui son pire défaut?
Comment votre personnage se pense-t-il perçut par les autres?
Ce que votre personnage aimerait le plus changer chez lui :

Philosophie de la Vie :
Aspirations à court terme :
Aspirations à long terme :
Besoins immédiats :
Besoins futurs :

Quel est le rêve de sa vie :
Ce qu'il / elle aimerait le plus avoir :

Plus grand regret :
Autres regrets :

Secret le plus sombre : ( qui d'autres est au courant, et comment l'ont-ils su ? )
Plus grande peur : ( pas nécessairement liée au secret )
Tout au fond de lui / d'elle qui aime-t-il / elle le plus?
Pour quoi votre personnage donnerait-t-il volontiers sa vie?

Croyances Religieuses :
Ce qu'il pense de la vie :
Pensées sur l'au delà :

Tout premier souvenir :
Plus grande influence et Pourquoi :
Traumatismes / blessures psychologiques liées au passé :
Expérience la plus marquante :
Chose qu'il trouve gênante / embarrassante, et pourquoi :
Chose la plus douloureuse de sa vie :
Ce qui lui importe le plus :

Chose la plus importante a ses yeux ? ( pour laquelle il donnerait tout afin de la posséder ou de la garder ).
En étant totalement honnête, comment votre personnage se décrirait-il ?
comment les autres le décriraient-il?
Comment vous ( en tant qu'auteur ), le décririez-vous en une phrase, ou encore mieux, en un seul mot?

D'après vous est-ce que votre personnage serait d'accord avec vous, et pourquoi?
26-02-2014 à 17:08:56
Nom, prénom, surnom : Siegfried Zéphirin.
Âge : Vingt sept ans.
Classe : Archer.
Physique : Grand, élancé, svelte et musclé. Épaules, bras, torse, jambes... Tout cela, finement dessiné. Beau ? Oui, car Siefgried s'entretient. Non pas pour plaire. Non par orgueil.
Siefgried est danseur. Il voltige sur la scène, meurt, vit, renaît, se laisse emporté par la fougueuse folie des gestes et de la musique. Il court et s'élance, porte, soutient, grimpe, se jette au sol... Il devient fou. De toute beauté dans sa démence, pâle et gracieusement puissant. Le voir, torse nu, dans la lumière, danser pour interpréter un démon, faire des entrechats de courtisant, si léger, puis lourd l'instant d'après, le voir tout entier tourné vers la danse, c'est alors contempler un homme magnifique, dans toute sa splendeur. Ça, c'est le Siefgried de la scène. Un véritable fantasme vivant, lascif, sensuelle ; frénétique, aérien. Souple et rapide, puis lent, brutale, sec. Chaque geste retenu, chaque geste transfiguré ; ce Siefgried là, vous aimeriez l'avoir dans votre lit.
Puis. Il y'a Siefgried en tant qu'homme dans la rue. Une autre histoire. Pensez-vous qu'il chercherait à se mettre en valeur ? Non. Ce serait mal le connaître. A vrai dire, il préfère se cacher.
Sous des tenues amples, des chemises à imprimées diverses, des jeans dépareillés, et grand dieu, le comble pour un danseur ; des chaussures allant de baskets aux bottes, et surtout... Des tongs. Siefgried est presque tout le temps chaussé de tongs. Il n'en a que deux paires, mais les utilise quasiment chaque jour de la semaine. Si ce ne sont des tongs, ce sera autre chose, surtout n'importe quoi à vrai dire. Allez lui parler de cette faute de goût qu'est d'associer jean et tong : vous n'en tirerez rien. Il est irrécupérable.
De visage, il est plutôt pas mal aussi. Pas grand chose à dire néanmoins. Nez plutôt busqué, lèvres pleines, yeux bleu grisaillés, traits banals ; il se laisse pousser la barbe entre deux représentations, ce qui l'amène à être souvent nanti d'une moustache fournie et de joues roidies de poil plus ou moins en ordre. De quoi se cacher un peu plus.
Côté cheveux, il n'a pas visité un coiffeur depuis bientôt deux ans. Ses boucles châtains lui dégringolent jusqu'aux épaules. Il n'a pas l'air décidé à aller couper tout ça ; advienne que pourra, et que pleurent les ciseaux sur son passage.
Si tous étaient comme lui, ils seraient destiné à rouiller dans le plus totale abandon...
Autre chose à dire ? Il a des dents. Normales. Des oreilles... Bien proportionnées ? Un joli cou ? Des poils partout ? Ah oui. Très poilu, le Siefgried. A en pleurer. Oh. Ne regardez pas ses jambes quand il n'est pas sur scène... Mauvaise idée.
Si vous avez peur des grizzlis, mauvaise idée.
Mental : Siegfried en bref, c'est avant tout une apparente lassitude. Peu loquace, il n'offre pas grand chose d'autre qu'une morne et triste placidité. Il semble incapable de placer plus de quelques mots à la suite, souvent d'une voix murmurante, évanescente, l'air de penser à autre chose. Oui : il ne paraît pas vous porter d'attention. Totalement déphasé, un air absent plaqué sur la figure, il fixe le monde sans le voir vraiment.
Il vous jette des regards vides, dignes du plus pâle et nauséabonde poisson mort asphyxié, jeté hors de la berge et abandonné en tant que misérable charogne. Ne parlons pas de ses moues maussades, de ses expressions lugubres, de son amour du funèbre ; non j'insiste, n'en parlons pas. Évoquer chacune de ses expressions moroses serait vous infliger d'interminables listes composées en majeure partit de synonymes déprimants.
Siefgried n'est pas un bon compagnon. En tant qu'artiste, c'est un génie. En tant qu'homme, un autiste. Il se déplace de son pas aérien sans porter d'attention à ce qui l'entoure, ou se fige quelque part et fixe, sans bouger, avec une troublante acuité à en faire frémir l'air lui même, ce qui a pu retenir son attention volage. Alors, pendant quelques minutes, une heure, plus, il reste en place, cessant toute action, semblant à peine respirer, pour se perdre tout entier dans la contemplation de ce qui sera sûrement son prochain sujet de dessin.
En dehors de cela, rien. A peine vous adresse t'il la parole, à peine vous voit-il. Aux colères, il jette un haussement d'épaule fataliste. Aux joies, un vague sourire contrit, comme si ses lèvres répugnaient à se contorsionner de telle manière. A tout, il réagit en silence, ne vacillant jamais, n'exprimant pas la moindre once de surprise, comme si tout allait de soit, que le monde pouvait fonctionner n'importe comment et lui envoyer n'importe quoi à la figure sans que cela ne le gêne. Mettez lui un alien devant le nez, que Siefgried lui serra la main, murmura une vague salutation, et continuera son chemin sans se retourner.
Non, n'espérez rien de Siefgried. Il est là, toujours secourable, cultivé, passionnant en tant qu'artiste, mais incapable d'entretenir une relation sociale normale. Il est là, à vous suivre sans parler, à danser presque, et quand vous tomberez, il vous tendra la main. Mais sans un mot. Sans vous voir.
Siefgried vit dans un autre monde, et vous n'en faîte pas partit. Voir son regard vitreux, c'est voir les yeux aveugles d'un cadavre. Lui parler, c'est s'adresser à un esprit lointain, qui ne perçoit que des échos et ne renvoie en retour qu'encore moins.
Taciturne, morbide, Siefgried guette le monde. Personne n'est à l'abris de son regard, et personne ne se sait observé. Peut être un jour, découvrirez vous votre silhouette sur un de ses tableaux ou au milieu des pages de ses innombrables calepins.
Alors, vous comprendrez que Siefgried voit tout, entend tout... Mais qu'il ne discute qu'avec ses crayons et ses pinceaux. Que vous, n'aurez jamais la chance de le comprendre vraiment. Ni de le connaître.
Que Siefgried, là, devant vous... Est hors d'atteinte.
Comme une brise.
Histoire : Soyons bref.
Enfance sans heurt dans une petite ville quelconque de France. ( Oui. On peut s'appeler Siefgried et vivre en France. Parfaitement. ) Mais enfance louche, quand même. Du genre solitaire et silencieuse. Une enfance d'autiste, disons le.
Pas brillant scolairement, pas franchement prisé par les filles ; ni par les garçons. Bref. Un petit peu paumé dans sa vie, au fait. Mais dés petit, un don pour le dessin, la peinture ; une envie de sculpter, de modeler ; de faire tout et n'importe quoi avec ses mains. ( Les pervers... Chut. ) Enfin, vous voyez le topo : le petit génie des arts, qui un crayon dans les mains, se mettait à vous habiter une feuille d'une merveille ombragée, proportionnée et... Mortellement classique. Il faudra attendre un peu pour que note jeune Siefgried trouve son univers propre, qui verse dans le glauque, le cadavérique, ce genre de choses sympas qu'affectionnent les nécrophiles, les cinglés et les gothiques.
Comprenez bien aussi, que Siefgried ne put se contenter de savoir tailler du bois ou tordre l'argile pour en faire des tas de trucs magnifiques ; non, non. Monsieur voulut apprendre à jouer du violon. Il y excella. Bien entendu. Foutu singe savant.
Le voici bien vite à aller faire ses premiers pas de danse. Et que de beauté ! Hop, c'est dans la poche. Il s'y lança corps et âme. Négligea pas mal le reste. Bon. Alla là où il faut pour trouver du boulot par la suite, intégra une troupe, quitta la France, voyagea un peu partout ; dansa, dansa, dansa, dansa. Appris le grecque.
Aucune utilité. Bienvenu dans la logique de Siefgried.
Écrivit des poèmes, dessina des choses ; déchira et poèmes, et dessins. Laissa derrière lui des peintures, des sculptures, des gravures, tout, tout, absolument tout. Très peu pour lui d'entasser ses oeuvres. Il ne transporte que son violon. Toujours. Faut pas déconner quand même.
Actuellement, Siefgried est de retour en France, le brave petit, et chez ses parents. Entre temps, il a apprit à jouer du piano... Oui. Vous pouvez aller vous pendre.
Il n'a toujours pas de petites copines, ni de projets autre que de continuer à faire la même chose que ces dernières années. Bon. Pas franchement joyeux tout ça. A t'il jamais connu une femme ? Sûrement. Mais une seule. Ou deux. Siefgried n'est pas du genre à coucher avec n'importe qui. D'aucun dirait qu'il est encore vierge.
D'aucun pourrait aller ses faire foutre.
Aller, c'est tout sur Siefgried. Maintenant, du vent.
01-03-2014 à 14:26:48
Nom : Drevan.
Prénom : Dimitri.
Age : Inconnu.
Race : Ange. ( Déchu.)

Description Physique : Complaît dans sa pâleur, l'androgyne aime à s'habiller d'un rien : pas question de vêture encombrante pour couvrir son pauvre corps glacé. Dimitri s'anime avec le vent qui fait danser ses mèches, océan de blondeur terne aux reflets parfois vivaces. Il s'éveille dans les bourrasques, spectre blafard aux yeux limpides. Osseux comme un cadavre, presque translucide nonobstant l'écarlate piquant et douloureux de ses lèvres. L'extrême blancheur d'un macchabée pour des moues d'hétaïres... Incompréhensible créature à la crinière délavée mais sauvage. Un lion crevé, une colombe fusillée, le rêve d'une beauté parfaite qu'on aurait poignardé, retourné, puis laissé en plan. Il lui manque quelque chose, une sorte d'éclat fugace et vivant. Derrière ses sourires, au delà du rideau flavescent de ses cils, une indicible lumière qui, on le sent, a imprégné sa peau un jour lointain d'avant sa Guilde.
Dimitri cache des ailes déchirés. Un réseau de chair, d'os et de plumes saccagés dont il ne reste rien qu'un carnage blafard aux teintes pourpres, azuréennes et verdâtres ; un tableau nauséeux dégoûtant, un bariolage à vomir. Ses ailes brisées ressemblent à un arc-en-ciel d'hématomes éternels Il les garde cachées.
On ne saurait dire face à son corps osseux et son visage aigu, trop fin, trop blanc, s'il est homme ou femme. Peut importe : il n'a de sexe que celui qu'on lui décerne d'un jugement arbitraire. En vérité, Dimitri n'a nulle identité sexuelle et il est désintéressé de la chose depuis plusieurs décennies. On pourrait bien s'amouracher de ses yeux perçants, de la finesse de ses traits et de la beauté violente qui hante ses cheveux blonds, mais il n'aurait rien à donner sinon ce corps ingrat, trop maigre, rongé, marqué d'une souillure qui l'a déchu à jamais- aucun sentiment pour conclure un marché sentimentale et couver un amour réciproque. Dimitri n'est qu'une poupée désarticulée aux grâces trompeuses.


Description morale : Violent, brutale et passionné. Derrière son air placide et son silence borné, Dimitri est un volcan toujours actif. Il ne connait plus la pondération, c'est une bête sauvage cachée derrière une apparente humanité ternie. Il agit comme lui dicte la corruption de son sang, et dans le seul but de contenter la main qui s'est tendu vers lui. ( A voir en rp, un autre membre de Selesnya. ) Il n'aime personne si ce n'est cette main, pas même son être décharné. Aucune conscience de lui, toujours proche de l'éruption. Seul, Dimitri est le silence incarné, immobile, impavide ; mais l'approcher, c'est se heurter à la violence d'une créature qui a connu le cosmos tout entier. Agressif, piquant, il use d'ironie, de cynisme, de sarcasme, se complaît dans la cruauté gratuite. Il n'apprécie et ne considère qu'une main, une seule main... N'espérez pas gagner son amitié. Tout au plus vous accordera t'il sa confiance, mais n'espérez pas plus. Dimitri est fourbe, trompeur, aiguisé, farouche et volontiers traître. Il sait user de son charme morbide et connait mieux que personne les secrets de la chair et de l'esprit. C'est un être séculaire et dangereux, la violence et la sauvagerie condensée en un seul corps immonde et splendide. Il n'est pas de ces créatures qu'on peut apprivoiser, un animal auquel on pourrait se fier. Dimitri est lascif quoique cadavérique, acharnée, vicieux, dénué de pitié et corrompu jusqu'à l'os. Il n'a pas de morale, mais il sait en user pour les causes qu'on lui a inculqué : il est le défenseur le plus acharné de la nature, et le plus terrible membre de Selesnya qu'on puisse imaginer. La guilde est son clan, sa tribu, sa confrérie. Même s'il n'a aucune attache émotionnelle réelle avec d'autre que la personne qui l'a trouvé gisant dans la poussière, Dimitri ne fera jamais rien qui puisse porter atteinte à sa guilde. Même s'il les autres membres ne lui sont rien, il leur viendra en aide.
Il est le gardien de Selesnya.


Votre guilde et une petite histoire : Dimitri était, en un monde lointain, l'enfant d'un Dieu psychorigide. Une créature hallucinée et rigoureuse qui tenait en laisse ses plus belles réussites, concluant d'un rire sec une apathie éternelle qui, à ses yeux, devait confiner à la perfection. Un bonheur à vomir flottait sur l'univers de cet être horrifique aux bontés toxiques, et il fallut un miracle pour qu'un jour naisse de ses mains glacées une vie libérée de son joug. Il offrit, pour fournir à ses rejetons parfaits un spectacle risible, une humanité décadente et passionnée complaît dans tous ses vices. Présentant à leurs yeux polis par l'indifférence et la douceur, miroirs éteints dénués d'éclat, cette tragi-comédie ridicule d'une civilisation qui courrait vers sa perte, il conclut d'un coup la fin de son règne opaque. Car là où il voyait une pièce ridicule, la pire histoire jamais écrite, d'autres virent la beauté- un banquet de splendeurs entrechoquées.
Du fin fond des étoiles vinrent d'autres dieux, rugissants et animés de sentiments moins restreints ; plus funestes. Attirés par les effluves corrompues de l'humanité , si belle, si sale, ils destituèrent le père de Dimitri et prostituèrent ses anges. Ils envoyèrent ces enfants nés sans fougue parmi les guerres humaines, se querellant au dessus de la cage dorée d'un dieu plaintif confiné à une prison rectiligne et bornée... On ne le dit pas, mais il se fit à son état ; l'apprécia même, trouvant la paix entre les barreaux d'un monde tronqué qui convenait finalement à ses désirs chastes, ennuyeux, dénués de folie. Flottant à jamais au-dessus des effluves de sa Création bariolée, pourrissante, un sublime carnage abreuvé des discours chaotiques d'un panthéon sauvage. Ses enfants furent envoyés comme messagers du nouveau panthéon, apportant avec eux les doctrines contradictoires de cent dieux différents.
Dimitri, comme les autres, chuchota à l'oreille des prophètes, apparut lumineux dans les transes mystiques des esprits bohèmes. Il emporta les morts et chanta pour les messes ; il devint l'ange du peuple, bel espoir flavescent à la placidité immonde. Un de ces esprits purs parmi les autres, une perfection sans attrait véritable qui doucement s’érigeait dans un folklore chaotique. Rien de plus qu'un ange dans un cortège divin, impalpable forme d'une perfection rêvée.
Puis, vint ce jour où las de prostituer leurs anges, les dieux choisirent de les rappeler. L'humanité, abandonnée sans le savoir, continua de prier, de chanter, candide et horrifiante, et ses rondes nauséeuse firent rirent leurs idoles assoiffées de vices toujours plus grands. Tout étant fait, le monde doucement saccagé, les dieux voulurent pour eux seuls les grâces glaciales des enfants de leur prisonnier céleste. Dimitri rejoignit donc son vieux foyer, délaissé pour des siècles d'une démence mystique née à l'ombre de ses ailes dorées. Là, il salua son père, devenu catatonique, et prosterna son corps beau et sans charmes au pied d'une assemblée. Comme les autres enfants d'un ciel changé par coup d'état, il devint la poupée d'un dieu fou et brutale. Entre ses mains, il se brisa, sans douleur, sans sentiments, dévoué à servir un trône duquel il était né, un siège d'un bois étrange et chaud dont les mains de son Père l'avaient tiré, quelques éternités plus tôt. Le soir, il retournait se blottir contre cette chaise atone, murmurant à ce qui lui était une Mère absurde des louanges étoilées. Au matin, on le ramenait sur les genoux de son tourmenteur, on pansait ses plaies et ressoudait ses os ; de nouveau on le modelait dans un jeu terrible.
Mais même un ange peut se voir altéré. Alors que l'humanité pulsait sur ses dernières hécatombes, effrénée et mourante, un poison inextinguible avait gagné les enfants du trône. Après des années à voir leurs fluides mêlés à ceux de ce panthéon sauvage et affamé qui avait tué un monde, ils en vinrent à changer de nature. Doucement, ils muèrent, déformés, corrompus, et tandis que l'humanité s'écroulait sur les ruines de sa Terre dévastée, que les dieux sauvages quittaient le havre violé d'un confrère rendu débile, Dimitri connu les affres, convulsé dans la poussière de son foyer ancestral. Des spasmes saisirent son corps durant des siècles de silence, et alors que ses frères s'éteignaient les uns après les autres, couchés entre leurs ailes déplumées et flétries, lui connut la pire des punitions : il survécut. Son corps se creusa et tout en lui dessécha doucement, mais il resta en vie, souvenir en lambeaux d'un monde né sous l'auspice d'une la perfection atone. Quand il déplia ses ailes froissées, mettant en branle son corps arachnéen, la Terre n'était plus et jusqu'à son foyer, transformé en grand vide, au milieu des étoiles. Il alla voir la cage de son Père et l'y trouva gisant, sucé jusqu'à sa divine moelle par le froid du cosmos. Il alla voir ses frères et les trouva éteints, carcasses voluptueusement recouvertes de leur manteau blafard. Il alla voir le trône tant chéris, et il n'était plus là.
Alors il erra parmi les nuées cosmiques, comète solitaire inscrite dans les circonvolutions sauvages des galaxies. Parmi les astres, il devint l'un de ces cailloux errants, un bout de glace scintillant dérivant dans l'espace. Il ne retrouva pas les dieux fous, mais dans son sommeil cosmique, il apprit que sa survie n'était dû qu'à une terrible malchance : c'était entre les mains d'un dieu de Vie acharnée qu'il s'était prostitué. Il ne pourrait plus mourir, ou pas avant d'interminables millénaires, tant que son essence serait mêlée à celle de son tourmenteur.
Dimitri valsa entre les soleils de longs chapelets de siècles. Un jour cependant, il échoua quelque part, sur une Lune comme une autre. Mais là-bas, il rencontra d'autres dieux, perdus, égarés dans les vapeurs étranges qu'ils inhalaient depuis leur astre endormis. Altéré, doté de sentiments, l'ange souillé chercha à rejoindre leurs cohortes aveugles, mais il était vain de chercher à éveiller ce panthéon somnambule. Il piétina avec eux et se noya dans les souffres lunaires, roula son esprit dans la fange des chairs divines comateuses ; rien ne lui permit de se mêler à eux. De désespoir, il se précipita sur un soleil dont le feu l'avala.
Il ne se souvient que d'une chose : dans ce tumulte ardent, des mains familières se saisirent de ses ailes. Des mains brutales et magnétiques, qui l'avaient caressé et tordu des millénaires plus tôt. Dans le cœur d'un soleil anonyme, elles recommencèrent, poursuivirent et mirent un point finale à leur sombre office. Il hurla l'éternité durant.
Quand tout cessa enfin, ses ailes n'étaient plus que lambeaux et son corps écorché brillait comme un rubis. Dimitri tomba dans le cosmos infini, tomba si loin, si longtemps...
Il ne sait plus ce qu'il advint durant cette chute. Toujours est-il qu'il s'éveilla d'une transe glacée entre les branches d'un arbre, à Ravinca. Peut-être son existence entière n'avait-elle été qu'un rêve ; peut-être était-il né du vide, anomalie échouée entre des bras ligneux.
Il tomba à bas la terre, au pied du tronc, et se recroquevilla dans la poussière irritante à sa chair accoutumée au froid lisse de l'espace. Puis une main se posa sur son cou gelé ; deux mains le levèrent, des paroles se tendirent. Il s'y accrocha, éperdu.
Et rejoignit Selesnya.
07-03-2014 à 22:05:22
Nom du personnage : Guigne Babil.
Âge : Dix neuf ans.
Classe : Capteur d'Effluves. ( Belzébulbe. )

Informations ~
Les Capteurs d'Effluves sont des ces étrangetés qui parcourent un monde neuf. On serait bien en mal de définir leurs pouvoirs, et plus encore de leur donner une origine quelconque ; une chose seule est certaine : ils sont liés à la Terre comme à la danse des astres. Leur magie semble opérer d'une communication entre ce monde flottant et l'espace infini, puisant de l'échange muet entre le cosmos et la Terre une puissance secrète. Ainsi, il y a quelque chose d'instable et de tourmenté dans la magie des Effluves. L'odorat de ceux qui la pratiquent est toujours saturé par une odeur piquante à la pleine lune, et l'excentricité de leurs facultés en font des vrais ovnis ! Le pouvoir d'un Capteur dépendra du lieu où il se trouve, de l'heure de la journée et des forces cosmiques à l'oeuvre selon les époques. Ils sont les obligés du ciel, pourtant ancrés sur terre, et leur nez fantastique peut saisir n'importe quelle odeur : c'est ainsi qu'ils repèrent une source sûre de magie, bien que leurs facultés semblent nourries par des nuées ambiantes qu'ils sont les seuls à percevoir.
Un Capteur peut reconnaître plus ou moins l'effet de son pouvoir à l'odeur des Effluves qui l'entourent, ce qui fait souvent d'eux des êtres si attentifs au monde qu'ils en semblent au choix égarés en permanence ou d'une surprenante vivacité.
Les Capteurs sont volontiers synesthètes. Leur odorat est à la fois aiguisé et brouillé par des sensations singulières qu'ils seraient bien en peine d'expliquer. Ainsi, les Effluves possèdent des couleurs, des mélodies particulières, parfois une sorte de consistance fantomatique... Ne tentez pas de comprendre, un Capteur faisant tous les efforts du monde pour vous expliquer son ressentis aura quand même l'air halluciné en parlant de son pouvoir.
Ils sont encore majoritairement méconnus, mais on entend beaucoup parler d'eux dans le Nord. Ils auraient fait leur apparition il y a quelques centaines d'années, et leur nombre augmentent très progressivement. De ce qu'on en sait, ils sont actuellement moins de deux cent et possèdent une fertilité hasardeuse ; or, leurs dons sont justement héréditaires. On en sait relativement peu sur eux, mais ils semblent tous descendre d'un même ancêtre, et sont surtout localisés au nord. Ils possèdent une institution à Glassermia.
Les Capteurs apprécient les ciels clairs et résonnent au diapason des astres. Les étoiles sont très importantes pour eux, et on dit que chacun est lié à une constellation.
Tous les phénomènes célestes ont un impact sur leurs pouvoirs.
Leur liaison avec la Terre est cependant viscérale, et leur rapport au sol est très particulier. Les minerais les attire, et ils les utilisent en tant que talismans pour être en harmonie avec leurs deux sources de pouvoir ; s'ils ne tirent pas de magie particulière des métaux, les Capteurs semblent cependant apaisés par eux, et leur présence les aide à embraser plus facilement les Effluves.
Note : Pour utiliser les Effluves, il faut les embraser, ce dont les Capteurs sont capables d'une poussée mentale. Cela ne produit forcément de combustion, il s'agit simplement de les faire réagir, et les Capteurs parlent de << combustion des Effluves >>. Après un combustion d'Effluves, il y a toujours un reste, qui peut être très nocif s'il n'est pas évacué par le Capteur d'un autre poussée.
Note : Leur relation aux métaux est particulière. Ils n'amplifient par leurs pouvoirs mais les aide à capter plus simplement les Effluves, ce qui permet aux Capteurs de mieux cerner leur nature et donc les effets d'un embrasement. Ils les apaisent également, et leur permettent d'entrer en résonance avec les échanges qui se produisent entre la Terre et les astres ; échanges dont procèdent les Effluves.
Note : Tout corps céleste ( comètes, étoiles filantes, astéroïdes, ect ) a un effet direct sur les Effluves.



Description psychique : Guigne a ce petit sourire timide et ce regard doux qui vont trop bien aux spectres. Nonobstant sa rousseur, on le perdrait dans la foule. Et lui resterait là, au milieu du fleuve des badauds, hésitant et quiescent, à compter les odeurs et les couleurs des gens. Ce n'est pas q'il est stupide, mais son pouvoir l'égare : pour lui, point de déréliction. Il sera toujours avec les autres, une mimique esquissée sur sa face d'aquarelle. Le Capteur est trop sensible au monde qui l'entoure, et ses sens l'entraînent dans des valses sauvages où il s'en va charmer les loisirs de son pauvre odorat, exacerbé et vagabond au point d'en devenir un point pulsant de son être. Guigne est toujours concentré sur son nez, attentif à retenir la moindre des effluves qui viendra le chatouiller. Il se plaît à parler, seul ou pas, des parfums qui l’assaillent, et sa voix douce, un peu rauque, a quelque chose d'apaisant, de sylvestre. Si Guigne était une forêt, il serait plein de fougères et de mousses tendres. Si Guigne était un ruisseau, il louvoierait gentiment au creux d'une vallée verte. Il parle de la nature avec douce candeur, immergé dans un monde de lumière qui s'échelonne en beautés entretissées dans une toile brûlante.
Il est foncièrement bon et animé d'une certaine envie de plaire- non par envie de romance, mais car il recherche un peu l'approbation des autres. Sensible, attentif, presque aux aguets même, il est de ces gens sur lesquels on peut compter. Malgré sa discrétion, il rayonne doucement d'une bonté rare, et sa gentillesse fait de lui un compagnon agréable.
Mais Guigne est aussi naïf, maladroit et peu réactif. Presque indolent et un peu long à la détente parfois, il est tourné vers ses émotions comme ses sensations. Il dit souvent : "J'ai trop de corps", et on finit par comprendre le sens de cette phrase incongrue en le côtoyant un peu.
Somme toute, Guigne est une personnalité faible mais solide. Il n'est pas remarquable, mais sa douceur et sa bonté le font apprécier ; de plus, il ne cède pas ses opinions, bien qu'elles ne soient pas nombreuses, car il les considère réfléchies et justes. Souvent indécis et hésitant, il est cependant intraitable sur certains sujets.
Quand il est enjoué, Guigne ne déborde pas d'énergie, mais il est capable d'un humour hésitant tendue avec un petit sourire. Il est charmant, et exaspérant parfois. Souvent même. Mais tout le monde pardonne Guigne, car il fait preuve de bonne volonté.
En bref, Guigne fait partie d'une espèce rare : c'est un brave type.

Description physique : Guigne a cette candeur fichée au front. Quelque part entre le fossettes que déploient ses sourires fauves, il reste un brin d'innocence. Peut-être ici, sur ses lèvres pâles, où dans le bleu limpide de ses yeux grands ouverts face aux merveilles du monde. On pourrait chercher toute une journée la lumière sur son visage trop pâle, sans jamais réussir à la localiser. C'est une radiance perdue dans le roux décadent de ses cheveux ondulés, emmêlée dans ces cils flamboyants qui tombent sur un regard estivale. On a du mal à croire qu'il vienne bien d'Icertal, nonobstant sa peau qui défie même l’albâtre. Quelques tâches de rousseur ça et là, un petit air à croqué qui se dessine ici, sous son nez d'orfèvre à la courbe profonde. Un peu de rousseur instillée sur ses trais, incarnée en pelouse brûlée sur la plaine de ses joues, en roncier naissant dans la pointe de son menton. Une barbe hésitante aux tons roux et blonds, qui encadre modestement le bas de son visage et le pourtour de ses lèvres, à peine là, discrète. On pourrait l'oublier pour ne retenir que son air juvénile.
Il est petit, un mètre soixante peut-être, et aussi mince qu'une branche de saule. Pas au point de la maigreur, et plutôt bien fait si on y regarde de plus près, mais pas si marquant dans sa stature. Drôlement chevelé, voilà ce qu'on en retient.

Spécialités : Il pratique la Magie des Effluves. C'est un Capteur, et il est très doué dans ce domaine. Il tient des registres pour retenir plus facilement les odeurs, dans des petits calepins, mais sa mémoire olfactive est très bonne.
Il est observateur.
Guigne ne sait se servir d'aucune arme, mais il est souple, agile, et rapide. Il n'a pas de notion du combat au corps à corps, pour lui, il s'agit de mener une mêlée brouillon dont il sortira probablement perdant.
Il a quelques notions de guérisseur et sait reconnaître certaines plantes, sa connaissance de la nature est plutôt bonne et étoffée. Il est aussi informé sur de nombreuses magies.
Enfin, Guigne a quelque chose de particulier, dont il ne parle jamais.
Un démon.
21-03-2014 à 12:19:25
Nom : Lesko.
Prénom : Dalemil.
Âge : Vingt six ans.
Classe : Paladin.

Psychologie : On s'en doute, Dalemil n'est pas devenu paladin par foucade : il possède les qualités émotives, la prestance et les valeurs de l'ordre qu'il a choisis de représenter. C'est un homme de principe animé d'une franchise dénuée de provocation, qui noue facilement des liens avec les autres. Il est droit, juste, et croit profondément aux valeurs qui sont siennes ; en plus de quoi sa bonne humeur et sa tranquillité en font quelqu'un d'appréciable sur le plan de la camaraderie. Il peut parfois sembler un peu trop sérieux quand il s'agit de festoyer, fronçant les sourcils d'un air troublé comme s'il ne savait pas comment lâcher prise, mais il est pourtant capable de badiner comme tout à chacun, de sourire, et de tenir des propos qui ne soient pas toujours graves- teintés d'humour même. Cependant, on se laissera facilement aller à lui reprocher sa spiritualité importante, certes agréable quand il s'agit de débattre ou d'engager quelque discussion soutenue, mais parfois lassante du fait de la gravité dont elle l'emprunt trop souvent. Dalemil n'est pas crispé, mais peut-être un peu crispant, du fait de ce sérieux qu'il n'abandonne jamais. On en vient donc rapidement à comprendre qu'il n'est pas homme à se laisser tenter par les banquets, joutes et autres activités mondaines qui lui font prendre un air ennuyé, dubitatif, et le contrarient profondément du fait de la perte de temps qu'elles lui semblent incarnées.
Il semble plus heureux sur les routes que posé, et vibre alors presque d'une sérénité bienheureuse communicative. On se laisse facilement séduire par sa prévenance, sa bonté et l'extrême compassion qu'il manifeste à tous. Dalemil a le sourire facile, et des trais d'esprit jouent sur sa langue. A cela s'ajoute sa loyauté, son sens du devoir et son désintéressement -apparent- pour tout ce qui ne concerne pas l'éradication du mal. Vous l'aurez compris, on en brosse rapidement un portrait appréciable... Mais c'est alors oublier certains points de sa personnalité.
En bon paladin, Dalemil a une tolérance réduite à tout acte qu'il considère mauvais, et il le fait savoir. On se sent toujours juger en sa présence, comme s'il jaugeait son interlocuteur, et bien que sa gentillesse ainsi que sa courtoise amenuisent la gêne causée par ce comportement, il n'en reste pas moins parfois irritant. Trop critique donc, presque rigide même. Pourtant, il reste plus souple que la plupart de ses confrères, ayant pour le soutenir quelques préceptes utiles de philosophie qui nourrissent son esprit : de fait, ses valeurs comme son jugement de ce que est juste ou bon, reposent principalement sur la philosophie. Il est donc difficile de le faire changer d'avis, et il ne tolère que peu un écart à ce qu'il juge comme étant primordiale, car sa pensée a des rouages cachés qu'on serait bien avisé de ne pas mettre en branle... Pour toute critique de ses valeurs, il aura une réponse, fluide, préparée et implacable. Il en est agaçant, et peut parfois même paraître prétentieux. Sa courtoisie peut même en devenir froide, et son air pensif sembler hautain. Dalemil met de la bonne volonté à tenter de comprendre les jugements des autres, mais il ne réussit pas toujours, et son incapacité à envisager le monde sous le jour qui est familier à d'autres lui est une gageure ultime, qui déclenche sa frustration et l'agacement de ses compagnons. Parfois, il peut sembler un peu long à la détente, étant radicalement axé vers l'idée d'un bien nécessaire qu'il s'évertue à accomplir... On se moque volontiers de ce manque de vivacité occasionnel, d'autant plus que son visage expressif marque en ces moments là une véritable contrariété.
En plus de quoi, sa soif de justice et sa quête purifiante l'ont mené à abandonner toute autre forme de passion, ce qui ne manque pas de le gêner quand il se retrouve face à un artiste quelconque. Il se sent alors embarrassé de n'être qu'un paladin dénué de quelque autre activité que celle qui porte sa lame de batailles et batailles ; presque vide même, voir ignorant, et il prend alors un air abattu mais résigné. Dalemil sait que la vie qu'il mène ne lui permettra jamais de prendre femme et de fonder un foyer : c'est peine perdue pour lui que d'espérer un fin douillette et de perpétuer son nom. En tant que paladin, il se sait destiné à continuer le combat jusqu'à sa mort, et bien que cette pensée l’attriste, il n'est jamais véritablement tenté de se défaire de ses responsabilités, car il considère comme son devoir de vouer sa vie à l'éradication du mal. D'autres feront ce qu'il ne peut se permettre, et c'est en quelque sorte une consolation que de savoir que son sacrifice permet le bonheur du plus grand nombre. Dalemil se sait insignifiant à l'échelle de tout un peuple, et consent qu'aucun autre ne pourrait accomplir sa tâche, tandis que tout un chacun serait capable de fonder un famille. De ce fait, il accepte de bonne grâce quoiqu'avec une certaine peine d'avoir pour sa quête une entière exclusivité.
Il se jure souvent, sans trop y croire, d'un jour changer la donne en se vouant également à une autre activité, et il se hasarde ainsi vers de nouveaux centres d'intérêt selon ses désirs retenus. On le trouvera ainsi volontiers jouant maladroitement du violon, avec une application désolante et attendrissante, ou s'improvisant barde pour ses compagnons. Quoique sa voix soit agréable, il manque sérieusement de maîtrise, et seul son petit sourire teinté de dérision rend le résultat bancale de ses improvisations plus charmant que ridicule. En raison de sa compagnie agréable, on lui rend généralement la gentillesse dont il fait preuve en acceptant ses efforts gauches pour se montrer plus accommodant et sympathique. D'autant plus que nonobstant ses difficultés à pénétrer une ambiance festive, il reste chaleureux, ouvert, et de bonne compagnie.
Pour conclure, on peut dire de Dalemil qu'il est une personnalité complète dotée d'une grande empathie et d'une conviction véritable. On l'apprécie généralement, bien qu'il soit agaçant par certaines côtés, notamment son malaise social quand il s'agit de se laisser aller ou son incapacité à accepter le mal dans une moindre mesure. Il répugne à voir ses compagnons user d'un stratagème impliquant la manipulation d'autrui, sachant que sa présence aiguisera la confiance de l'homme utilisé : on a foi en la droiture des Paladins, et même en ne se laissant pas aller directement à ce genre tromperies, Dalemil y sera impliqué du fait de son rôle dans l'apaisement d'une cible. Pour le faire céder et accepter un moindre mal, si cher à bien des dirigeants, il faudra donc d'abord savoir le convaincre.
Dalemil fonctionne sur un mode de pensée absolument inaltérable : « Agis de façon telle que tu traites l'humanité, aussi bien dans ta personne que dans toute autre, toujours en même temps comme fin, et jamais simplement comme moyen. »
Tout est dit, l'impératif catégorique lui est une notion acquise, qu'il défend fermement et tente de faire comprendre à autrui. Ce n'est sûrement pas tout ce qu'il y a dire de lui, mais on a là un bon relief de sa personnalité ; s'il faut en savoir plus, ajoutons distraitement qu'il lui arrive de porter un regard nostalgique sur son passé heureux, de couver les plus faibles avec une diligence naturelle et de rire doucement de la symbolique de son nom.
« Aimé de loin »
C'est le cas de le dire...

Physique : Dalemil est de ces physiques marquants mais pas inoubliables. Il est grand, échelonnant ses chairs pâles jusqu'au mètre quatre vingt, large d'épaules et bien fait, mais nullement imposant. Respirant la sérénité, il fait facilement oublier la force qui sommeille dans sa lourde et puissante carcasse ; au prix de ses yeux limpides, d'un bleu intense, et des sourires francs accrochés à ses lèvres. Du reste, il est d'une blondeur fortement altérée dont l'éclat disparaît au profit d'un châtain clair commun. Ses cheveux sont courts et bouclés, à peine longs, mais assez pour affecter des tourbillons légers ; il laisse sur son visage la marque des années, côtoyant le rasoir au gré de ses envies. Avec ses compagnons, il ne prendra pas un soin réel de sa barbe plus ou moins épaisse, hallier brun et doré, mais quand il s'agira de pénétrer l'aristocratie, il saura tailler celle-ci. Pour faire bonne impression et faire montre de diplomatie, il la peigne, la lave, prend soin de paraître plus digne que dans son seul maintien. A ces occasions, il semble un peu plus digne, apte à trouver sa place dans une cour... Quand bien même rien ne serait moins vrai.
Sans être négligé, Dalemil ne prête pas une franche attention à son apparence, témoignant simplement un respect nécessaire aux codes vestimentaires des Paladins afin d'être reconnu. Il n'a pas beaucoup d'affaires à vrai dire, et porte sous son armure le strict nécessaire. Il ne retire son attirail de Paladin qu'à l'occasion des longues marches non placées sous le signe du danger, parfois pour dormir, et rarement en ville. Il semble alors un voyageur comme les autres, prestance en plus.
Somme toute, c'est un Paladin comme un autre, à l'apparence avenante sollicité par une personnalité agréable. On a vite fait de comprendre que Dalemil ne semble pas seulement bon : il l'est réellement. A tel point, qu'on en vient vite à omettre que ce physique guerrier lui sert bel et bien à manier hache, épée, masse, à supporter des armures lourdes et à subir de longues chevauchées.
Chose rare, à noter, il se lave régulièrement : venant du nord et étant Paladin, Dalemil est habitué à purifier son corps. Pour lui, il est donc tout naturel de prendre des bains réguliers, que ce soit avec ou sans savon. L'hygiène est à ses yeux un point indispensable pour mener une vie saine.

http://www.regles-donjons-dragons.com/Page83.html#Topic29
29-10-2014 à 01:17:45
Mûre Sylve-braises

Qui t'explose à la gueule comme une mauvaise étoile-

"J'emmène ton ton coeur en ballade ? Dans ma bouche, si tu veux..."



"Viens danser sur mes lèvres, mon chou"
Surnom : L’Épineux. Comme un problème, comme une pelote de nerfs, comme un... Buisson de mûres.
Groupe : Bestiole ailée ricanante et sauvage. A deux doigts d'être une fée ; mais bien plus proche du monstre.
Age : Deux longs étés... Il se considère comme étant vieux et sage.
Rôle : Fée des forêts, abreuvée aux racines des arbres alanguis depuis des millénaires et nourrie par la nature dont il prend soin comme d'une mère fatiguée, des roucoulements aux lèvres et minaudier dans le roulement des yeux... Mûre caresse la forêt avec une incestueuse douceur.


"Tu ferais du bon engrais. Ahah."
Mûre a ces sourires psychotiques qui vous emplissent les yeux, cet air de carnaval qui s'accroche à sa gueule. Les doigts des fées maniaques et les yeux embrasés, toujours en feu- toujours un soir de pleine lune dans la moelle de ses os. On le dirait prêt à balancer les bras, à délivrer des claques à la ronde dans un carrousel incendiaire et sauvage, sur la musique cadencée de son rire égrené à la manière d'une chaîne à vélo bousillée. On l'entend ricaner retranché dans ses mousses, à se rouler par terre en mâchant des fougères, à se frotter parfois sur des orties pour mieux danser avec une frénésie bestiale- Mûre n'est pas une gentille fée. Il ne vient pas poser sagement la rosée sur les feuilles, arranger les brindilles d'un nid d'oiseaux pépiant joyeusement ; Mûre danse autour des animaux en rut, chevauche les cerfs qui brament et s'entrechoquent en rythme, accroché à leur bois, riant de tout et dévolu aux basses besognes. Il prend soin des cadavres, les couvrant de belles feuilles, les arrosant de pluie, choyant tous ceux qui sont tombés au sol pour ne plus se relever. Mûre les aime. Il se veut maternel, tendre au-dessus des lits de fange où il garde ses bambins moribonds ; pour qu'ils pourrissent vite et donnent du bon engrais, une bonne terre où la forêt pourra dormir avec délectation. Il aime l'odeur forte des corps qui cèdent aux vers et à l'humidité. Ces grandes marres de chairs molles, putrescentes, ces flots de tissus qui grouillent et glissent dans un cocon tissé par ses mains vives, ses mains qui décharnent les os dont l'ivoire se creuse et disparaît sous le raclement d'un petit couteau froid... Mûre inquiète et fascine, méchant farfadet à l'odeur envoûtante. Il parfume l'air autour de lui, il pète et grogne, et pourtant il danse. Il vole comme une comète, fusille de ses yeux psychotiques à la manière d'une mitrailleuse vivante. Il décoche des sourires, touche tout ce qui ne le regarde pas. Se colle aux gens et les respire, souffle sur leurs yeux pour qu'ils ferment les paupières. Mûre est tactile. Il effleure ses interlocuteurs, rôde autour de ceux qui croisent son chemin chaotique, les frôle, pose ses mains sur leurs joues, leurs épaules, leurs lèvres. Mûre est intrusif, mais heureusement, c'est un grand vagabond. Il va et vient, comme la marée, mais n'a aucune horaire ni aucun lieu dévolu. On ne le trouvera jamais au même endroit ; à moins d'être malchanceux.
C'est un peu l'écho perdu dans la forêt, le gloussement inquiétant sous les branches, la brise chaude qui charrie la senteur de la mort. Mûre a les dents trop blanches et des doigts bien agiles. Sulfureux, maniaque jusqu'à plus soif de malaise sociale. Il ne sait pas se comporter bien, et pourtant, c'est un petit gars fascinant, sans contraintes, sans barrières aucune. Il ne s'interdit rien, s'autorise toutes les folies du monde. Débridé, sauvage, caquetant et malfaisant. Il s'amuse de tout, ne rit que du malheur des autres- jamais du sien. Rancunier, tenace, mauvais peut-être... Mûre est retors, déloyal et grinçant. Pourtant, on se prend vite à l'apprécier. Il parle avec trop de talent, la musique de sa voix fait peur, mais elle enchante. Une voix rauque et sensuelle pour un corps trop maigre, des gestes envoûtants qui ont vite fait de le conduire à votre peau offerte. Impossible bestiole à l'air gentiment dément, aux expressions changeantes. Un visage liquide pour des yeux d'acajous, des yeux chauds et brûlants, dans lesquels on peut presque voir des bûches craquer en gerbes d'étincelles. C'est une canaille, mais une canaille charmante. Un être fourbe et infidèle, mais assurément tentateur. Mûre est incompréhensible. Mûre est une horreur sans nom.
Mûre est une infinité de choses dans un corps minuscule, mais on les listera pas toutes. Un jour, peut-être, le rencontrerez vous... Que la providence vous en garde.


"J'aime quand tu me rends grand. Encore."

-Mûre a souvent un petit rire sans joie, automatique et effrayant, qu'il sort au détour d'une phrase quelconque. Un petit bruit saccadé qui donne la chair de poule.
"...et à ce moment là, j'ai compris que je devais goûter pour savoir quel goût avait sa chair froide, toute bleue, sa douce et tendre chair pleine de veines caoutchouteuses. J'ai planté mes dents dans son poignet muet. C'était bon. Ahah."

-Mûre connait le prince Ciel. Il s'introduit souvent dans sa chambre, la nuit, et ce dans l'optique d'en faire un sauvage éhonté, tout comme lui. Il considère comme son devoir -ou tout du moins, y prend un grand plaisir- d'éduquer Ciel au monde qu'il ne peut voir depuis son grand, son triste et terriblement propre palais. Tout est bon pour émerveiller et dégoûter le prince : revenir de la glaise plein les poches, lui mettre entre les mains des épées en bois ou bien de longues aiguilles -"Hey, hey, avoue que c'est plus amusant quand c'est dangereux !"-, lui promettre des virées scabreuses, lui parler de sa vie -en mentant quelque peu, bien sûr-, lui rapporter des "trésors" constitués d'un millier d'inutiles babioles, graines végétales, lambeaux de cuir, pierres, grains de sable, tissus déchirés, carapace d'insecte mort, morceau de terre, touffes de poils... Tout est bon à découvrir, n'est-ce pas ?
Toujours est-il que Mûre semble être l'ami secret du Prince ; quand bien même son amitié s'avère aussi salutaire que toxique, tout occupé qu'est l’Épineux à corrompre le jeune esprit de Ciel, à l'entraîner dans des sentiers obscurs où brillent de tentatrices lueurs... Comme un feu-follet menant les voyageurs dans la bourbe profonde, trompeuse et meurtrière.

-Mûre a taillé une flûte au Prince. Il lui apprend à en jouer.

-Mûre fait boire à Ciel de nombreuse décoctions plus ou moins louches, sans mauvaises pensées néanmoins : il tente de lui apprendre les différentes saveurs que peuvent permettre d'obtenir telle ou telle plante, lui collant des herbes, des feuilles, de la sève ou du miel juste sous le nez, avec un regard psychotique et un air orgueilleux.
"Alors ça mon bonhomme, c'est de la menthe, et ça ça, oh mais ça bon dieu de merde ! COLLE MOI CA SUR TA LANGUE GAMIN."
Il aime prendre des airs de chaman au rabais. Néanmoins, il a fait jurer à Ciel de ne pas parler de lui à ses serviteurs ou à la reine Mab : Mûre n'est pas assez fou pour risquer le courroux royal... Quand bien même il s'amuse aux dépends de la Reine et probablement de la santé du Prince.

-Mûre se dessine sur le corps avec du jus baie.

-Mûre est préposé à toutes les basses besognes, ce qui lui convient très bien. Il doit aider les corps à se décomposer pour nourrir la forêt, participer à la reproduction de la faune locale, et son quotidien se compose d'un panel d'activité obscures qu'il évoque avec de grands sourires tranchants... Il plante, sème, enveloppe des cadavres d'oiseaux dans la boue, les couvre de feuilles mortes, vient visiter leur tombe sauvage en y traînant des insectes qui rongent ses petits protégés avec une frénésie gloutonne ; lui les regarde faire avec tendresse, limant son petit couteau d'un air réjouis.

-Mûre remplit des bocaux de poudre d'os. Il l'utilise pour jouer des tours aux gens, pour se peindre les joues ou bien en agrémente ses plats... Selon lui, le goût en est amer ; ce qui convient très bien à son palais quelque peu particulier. Il la récolte avec un petit couteau méchamment pointu.
Parfois, ses mains en sont toutes blanches, et douces, comme celles d'un fantôme poudré pour un bal horrifique.

-Mûre sent mauvais, et pourtant, son odeur même est envoûtante. Il n'est pas propre, tout barbouillé de terre, de décomposition, de pollens et de boue... Des miettes de feuilles dans les cheveux, les ongles noirs, la peau un peu poisseuse. Ses paumes sont écorchées, ses mains et ses doigts semblent toujours enduis d'une substance collante : Mûre se gave de bais, fourrage du miel pour s'y baigner. Il aime se rouler dans la boue fraîche, se frotter aux écorces râpeuses ; mais nonobstant sa saleté, son haleine est fruitée, agréable. Il mâche des feuilles ou des pétales de fleurs toutes la journée, des pousses de fougères, des racines aussi, mange de tout et de rien. Petit sauvage, sale bête aux doigts agiles. Ses lèvres tentatrices ressemblent à des baies, son souffle embaume la forêt, les grands vergers, la mer parfois. Et son corps exhale l'intimité de la terre, des senteurs répugnantes et pourtant fascinantes qu'on aimerait renifler plus longtemps- et de plus près.

-Mûre a le regard changeant. Le jour, ses yeux sont d'un brun chaud et presque sulfureux, acajou flamboyant, couleur bouillonnante et fertile ; le soir, ils virent au blanc d'os, comme deux lunes jumelles irradiant de lumière.

-Les ailes Mûre sont tout ce qu'on trouve de propre sur lui.

-Mûre est une fée mâle ; il ne manque pas de le faire savoir, et il a appris aussi bien auprès des pirates que des animaux en rut ce que signifiait d'être sexuellement déterminé. C'est un petit satyre, oscillant entre friponnerie et perversion totale... Sa grande confiance en lui le rend attirant, magnétique même, mais il a quelque chose de macabre et de fébrile, d'un peu inquiétant au-delà de son charme sauvage.

-Mûre est un grand sage : il connait beaucoup de choses sur la nature et sur les animaux. Il s'en vante volontiers.
Mais c'est aussi un grand enfant, joueur et malicieux... Quand il n'est pas fourbe et diabolique, bien sûr, retors et fielleux jusqu'au vice comme on le connait en général.

-Il ne s'est jamais coupé les cheveux. Il ne les démêle qu'aléatoirement, mais quand cela arrive, Mûre s'en retrouve terriblement changé. La propreté lui octroie un air presque sage ; propre, il pourrait se faire passer pou une gentille petite fée, le visage malicieux et les boucles de jais soudain lustrées, souples, brillantes...
Cependant, il préfère arborer une tignasse rêches et emmêlée.

-Il lui arrive de s'enivrer en compagnie des pirates... Qu'ils le sachent ou non, d'ailleurs.

-Mûre dort n'importe où, et pas toujours la nuit. Il n'a aucune horaire précise, et il n'est pas rare de voir son visage décoré de cernes versicolores où toutes les couleurs ont leur place : bleu, vert, violet et jaune... Délicatesse rosée, fine broderie de peau plissée qui atteste de sa vie chaotique. Elles ressemblent aux choix à des ecchymoses ou à des œuvres d'art.
Lui estime simplement qu'elles sont une marque de profonde distinction : seuls les imbéciles ne veulent pas profiter des merveilles que réserve la nuit ! On trouve autant de choses à voir une fois le soleil couché que quand il est levé. Tseu.

-Suite à un étrange ( et stupide ) caprice, Mûre s'est choisi un nom de famille... Quand bien même il n'a aucune famille. Cette lubie lui est venue à force de côtoyer les pirates ; crevant de jalousie face à la grande fierté qu'ils affichaient à l'évocation du nom hérité de leur père, Mûre a un jour décidé de les imiter afin de pallier à ce manque, pensant ainsi régler une rivalité imaginaire. Et entre nous, rien n'est trop bon pour se distinguer : n'est-il pas incroyable, fantastique ? Une fée d'exception ? Une merveille entre les merveilles de cette île aux merveilles ? Merveilleuse créature. Allons, il méritait d'avoir un nom de famille.
Il a donc composé ce dernier à brûle-pourpoint, accolant visiblement des mots sans grand rapport entre eux. Mais nonobstant l'aspect capricieux de l'idée, le "nom de famille" de Mûre a bel et bien un sens, peut-être plus profond qu'on pourrait s'y attendre de l'énergumène : Sylve pour la forêt dont il prend soin, qu'il voit comme une mère et une grande, une fantastique amante. Braise car il emporte, dans sa mémoire, un souvenir fugace de sa naissance dans la bouche d'un enfant ; né d'un bohème en devenir, devant les cendres d'un feu de camp. Peut-être n'est-ce qu'un rêve, tenace et récurent, toujours est-il que Mûre a choisi de lui accorder assez de sens et de réalité pour introduire cette image des braises mourantes d'un feu en ce nom qu'il exhibe. Si on l'en croit, en s'envolant, le rire dont il est né aurait ravivé un instant l'éclat ternis des brandons assoupis ; emportant avec lui, jusqu'au pays imaginaire, quelques vives étincelles qui aujourd'hui encore brûlent en son cœur sauvage...

-Mûre voyage beaucoup dans la forêt, sur toute l'île à vrai dire. Il lui arrive de s'éloigner de la vallée des fées pendant plusieurs jours. Il cherche à résoudre les mystères de Neverland, et joue de méchants tours à tous les humains qu'il trouve perdus dans la jungle... A moins qu'il n'y rencontre un pirate ou un enfant rejeté par Peter, auquel cas il se montrera tout à fait disposé à apporter son aide ; Mûre aime les parias, les vagabonds, ceux que l'ont fuit et dont on crache le nom. Il se sent proche d'eux et a décidé que tous les solitaires, tous les bannis, tous les hommes détestés, seraient de sa famille- peu recommandable, on se l'accorde. Il ne manque donc pas d'afficher, dans son grand mépris pour les gens biens, une sympathie rédhibitoire à tous ceux qui dans l'île sont maudis ou rejetés. Ce n'est pas réellement de la pitié ou de la gentillesse dont fait preuve le sulfureux lutin : simplement la preuve de son inaltérable esprit de contradiction.

-Mûre a déjà goûté de tout. De tout, vraiment : même de la viande humaine...

-Il aime les odeurs fortes. A son nez, les relents d'un cadavre composent un doux parfum. Mettez lui des déjections sous le nez, il en sera réjouis : la puanteur dégagée sera pour lui le signe d'une riche source d'énergie qu'il se fera un véritable plaisir d'utiliser pour faire pousser quelque plante étrange, dans son macabre potager. De même, vous pourriez toujours lui coller une aisselle suante sur le nez ou vos pieds fripés sur le visage, l'odeur de la sueur est pour lui excitante.
Autant vous dire qu'aux sens détraqués de Mûre, toutes les saveurs, toutes le odeurs et toutes les sensations finissent par trouver grâce... A tel point qu'il est difficile parfois de savoir si l’Épineux est raffiné ou rustre, séduisant ou ignoble. Le mélange d'odeurs et de parfums qui lui colle à la peau est tel, que le ranger dans la catégorie des créatures simplement répugnantes s'avère finalement tout à fait impossible.
Il le sait très bien, et use de son charme étrange avec une insolente efficacité, caractérisé par un manque certain de pudeur et un goût marqué pour la provocation sensuelle.

-Mûre a beau posséder beaucoup de défauts, il est d'une véritable générosité : pour lui, il va de soi que tout peut être partagé. Néanmoins, si on peut ranger ce point de sa personnalité parmi ses qualités, il faut s'attendre à ce que cette forme de logique s'applique aussi, à ses yeux, à ce que les autres possèdent... Aussi est-il fortement conseillé de ne pas faire étalage de ses richesses devant Mûre. Non pas qu'il s'intéresse particulièrement à l'idée de richesse en elle même, mais il a le goût des textures et des apparences, jugeant la valeur d'une chose selon que ses sens l'agréent ou pas.
A titre d'exemple, Mûre adore emmitoufler son corps crasseux dans de beaux draps de soie, frotter des gants de velours contre ses joues terreuses, coller son torse maigre sur un sol de marbre immaculé, pour en goûter la fraîcheur et le contact lisse, jetant sa tignasse broussailleuse sur tous les meubles propres...


"Ouais enfin, tu vois, la forêt elle te parle... Mais le prince, c'est que toi, t'écoute ce qu'elle a à dire ; et tu fermes ta gueule."

Comment vis-tu ton séjour à Never Never Land ? Que représente ce lieu pour toi ?
J'aime bien la forêt. La forêt sent bon. Elle est grande et pleine de champignons. On peut tuer des gens avec les bons champignons. Ahah. J'aime beaucoup la fraîcheur de Neverland. J'aime beaucoup l'odeur de la mer qui pénètre jusque sous les branches. J'aime beaucoup ma maison. Et j'aime beaucoup les pirates. J'aime comme ils puent. C'est une bonne puanteur qui me plaît.
Neverland est mon territoire, c'est parce-que la forêt est si grande. Hey, hey ! Je vous invite à la célébration de ma belle, belle forêt. On fait ça dans la nuit, avec du miel et des bais ; tout le monde est nu, et on se roule dans le cendre.



Regrettes-tu ta vie d'avant ? Voudrais-tu pouvoir retourner dans le monde ordinaire ? Si tu n'en as jamais connu d'autre, désirerais-tu une autre vie ? L'autre monde te fait-il envie ?
Dans l'autre monde, les animaux souffrent, les plantes souffrent, les nouvelles forêts sont rêches, elle puent -pas comme les pirates, c'est tout différent-, et il n'y a pas d'esprits. Ils ont tout renié, tout, et ils ont fait autre chose sur les cadavres des contes- quelque chose de laid. Ils ont construit leurs villes avec les os brisées de leurs légendes assassinées. Et ils s'étouffent dans la fumée, dans les flots de cadavres des animaux dont la sensibilité est niée jusqu'au trognon... Hein, c'est pas beau, hein. Moi je n'aime pas l'autre monde. Ils ont dis que le Grand Pan est mort putain. Ils vont pas biens ? Je leur chie dessus à ces vautours. Bande d'empaffés aux belles dents blanches, aux belles voitures, aux belles vies bien carrées. Neverland, c'est mieux. Si on va dans l'autre monde, il faut garder les mirettes braquées sur les forêts primaires, sinon ça vaut pas le coup. Tout le reste... Que du vent, que du triste, du rien et du toxique.
L'autre monde sent mauvais, comme un grand truc malade qui va bientôt crever. Pauvre bestiole à l'agonie.


Comment vois-tu Peter Pan ? Quels sont tes sentiments envers lui ?
Peter, hey, Peter... Il est gentil, hein ? Il est tout chaud, tout brillant, il fait de chants olala. Hein ? Moi je l'aime bien. De loin. Putain, je veux pas l'approcher. Il vibre trop. Il me fait concurrence le bougre, là, on dirait une comète pff... Et d'où c'est son île déjà ? D'où c'est un roi ou merde ou quoi hein hein hein ? L'autre là. MA forêt. Vire tes pattes de lutin. J'appartiens à personne, je suis pas sujet ou quoi. Compris ?
Et puis, si je voulais, je volerais plus haut que lui. V'là, c'est dit. Tss.


Bout d'aventure-
A s'agiter toujours dans une danse macabre. Il ne devrait pas rire, plutôt se taire sur un chant d'abandon. Faire silence pour les morts ; mais il s'esclaffe, hurle de rire au travers des bois noirs. Ses cheveux noirs s'agitent dans un vent de folie, ses yeux exsudent un monde horrible. Répugnante créature au parfum de tombeau. Il brûle plus fort que le soleil, tout au fond de son trou. Mûre habite au fin fond de l'abîme sylvestre. Peut-être que sa maison n'existe pas vraiment. Peut-être qu'il ne ment pas quand il dit habiter dans les ombres fraîches où macèrent les cadavres ; faisant son lit dans la chaleur grouillante d'un corps en décomposition. Mûre sait parler aux vers. Si vous le contrarier, il enverra des cohortes rampantes dissoudre votre chair pendant les nuits sans lune.
Mais pour le moment, Mûre est trop occupé à présenter au Prince sa nouvelle découverte : l'atroce enfer d'une pierre fauve, tiède et couleur de miel. Il fait rouler le trésor vers les pieds de Ciel. Son sourire ressemble à une coutellerie. Ses yeux sont d'un blanc d'os, esquilles lavées dans l'acide des nuits les plus obscures. Deux pleine lunes qui irradient dans son visage dont on ne saurait dire s'il est blême ou bien tanné, repoussant ou splendide. Il ricane comme l'enfer en personne, et pourtant, son corps exsude le parfum entêtant de la forêt nocturne, une odeur humide, puissante et fraîche. Un lambeau de brouillard s'accroche à sa sueur, tous ses sucs semblent s'exprimer en senteurs intimes remontées du fin fond de ses entrailles. Il semble toxique, suintant de pourriture. Un champignon, empoissonné et délicieux.
Quelques sautillements, et le voilà en face de Ciel. Il ouvre la bouche, penché au dessus de lui, et son haleine ressemble à un bouquet de fleurs sauvages. Il fleurit à ses lèvres comme une douce et terrible promesse.


-Hey gamin, regarde moi ça, je t'interdis de détourner tes petits yeux mon chou. Aller, baisse les encore une fois. Regarde mon cadeau. Regarde ! C'est si beau, non ? Je sais que tu aimeras ça après quelques secondes. Tu veux en voir plus. Tu le veux si fort. Mon gars, arrête de me fixer, et prends mon présent entre tes petites mains. Après tout, c'est pour toi que je l'ai apporté, bordel.
Et le Prince fait. Mûre jubile. Il se baisse, prend le fragment d'ambre, et le met entre les mains de Ciel. Il est tiède, comme une goutte frémissante de soleil qui perdrait lentement sa chaleur.
A l'intérieur, une prisonnière attend que la longue consommation du temps n'arrive enfin à son terme.
Mûre sourit à nouveau. Ses lèvres retroussées ont l'air de délimiter un piège infernal duquel personne ne pourrait s'échapper. Un piège de lames de rasoirs à l'éclat fantastiquement lunaire.

Alors, ça te fait quoi de la tenir, p'tit gars ?
Le Prince est blême. Mûre le couvre d'un regard affectueux. Il n'a pas encore saisit la beauté de ce nouveau trésor. Mais il saura lui apprendre et lui faire apprécier.
Dans cette perle d'ambre, fossilisée, une main coupée de fée étale mollement ses doigts en un flottement mortel qui ne cessera jamais.
07-09-2015 à 16:27:58
Belian

"J'aime bien voir les poissons remuer sur le sol..."
? Âge : 19 ans. ( Donc 20 en réalité. )
? Origine : Îles du clan Glacemort. ( Si Sigmund est d'accord ! )
? Classe sociale : Serviteur des Glacemorts. Il garde les chèvres, s'occupe des champs, aide à décharger les cargaisons, à saler le poisson, et s'occupe de nombreuses petites tâches quand on le lui demande... Personne ne veut de lui sur un bateau, mais il lui arrive de pêcher avec son frère, sur une barque, aux abords des îles, ou de partir chasser sur des terres alentours.
? Profession : Chevrier. Bouche-trou du clan du point de vu des tâches à accomplir.
? Actuellement : Les îles de son clan, qu'il n'a jamais quitté...

STATS
Distribuez 50 points de départ en suivant les instructions ici.
MAGIE : 0
? FORCE : 8
? PRÉCISION : 5 ( Ce n'est pas tant que Belian soit maladroit, mais il a une vue plutôt mauvaise, faute à son albinisme. )
? ENDURANCE : 8
? INTELLIGENCE : 10
? PERCEPTION : 9
? CHARISME : 10


L'Archipel et vous...
? Êtes-vous originaire des Runes de dieu ? Oui. Je suis né ici, et je ne quitterai probablement jamais de ma vie nos magnifiques et ô combien bénies terres ancestrales... Hourra. Quelle chance j'ai de pouvoir mener la vie d'une femme, sans les responsabilités qui vont avec, bien sûr. Voyez, je souris. Mais si, regardez bien : juste là, au coin des lèvres. C'est un sourire, je vous assure. De dépit.
? Ah ? D’où venez-vous exactement ? J'appartiens au clan Glacemort. C'est une coïncidence amusante que d'être né sur des îles jumelles qui évoquent des yeux, alors même que les miens sont si... Piètres ? Vains ? Joliment inutiles ? Peu importe. De toute manière, la plupart des gens ne comprennent rien à l'ironie, ici.
? Êtes vous sensible à la politique du Hetgurd ? Comment ?... Moi ? Oh ! Pardon, vous devez vous tromper de cible ; c'est mon frère le mâle de la maison. Moi, je garde les chèvres. Et les chèvres n'ont rien à faire du Hetgurd. N'est-ce pas ?
L'opinion de Bjarni me suffit au sujet du Hetgurd, c'est une affaire d'hommes tout ça, un titre auquel je peux à peine prétendre en tant qu'engeance maudite et chevrier du clan.
? Peut-être ne vous intéressez-vous pas à ces choses-là, mais quel Clan a votre préférence ? Le mien, évidemment. Mes paroles précédentes pourraient laisser à penser que je ne lui suis guère attaché, mais c'est faux : je suis très fier d'appartenir au clan Glacemort, et j'aime croire que je peux participer à sa gloire malgré mon handicap. On ne m'aurait peut-être pas laissé vivre autre part, on bien en tant que parias, sans cesse rejeté et à peine considéré, à cause de mon statut particulier. Or, je suis plutôt apprécié ici, et même les hommes n'ont pas de mépris pour moi... La plupart en tout cas. Je provoque un peu de gêne, mais pas d'hostilité en général.
De plus, j'appartiens à un clan moins sanglant que les autres. Nos qualités de réflexion et notre rapport à la guerre nous différencient des autres Outrîliens, et nous n'avons pas d'intérêt uniquement pour les exploits guerriers. Je pense que c'est important, et j'apprécie beaucoup d'être membre d'un clan moins brutal et plus réfléchis que les autres ; j'y trouve ainsi ma place, même si ma tête bien remplie agace parfois les gens.
Vous l'aurez compris, il ne faut pas se laisser piéger par le dédain sous-entendus par mes paroles : en réalité, je suis aussi orgueilleux que n'importe quel autre Outrîlien de mon propre clan, et je ne souhaite que de travailler à ses intérêts.
? Que pensez-vous des pays voisins ? Ça sonne joliment, "pays voisins". Moi, tout ce que j'ai vu du monde, ce sont Les Runes du Dieu, ou du moins ce que je peux en apercevoir depuis les îles du clan ; ainsi que quelques terres alentours où j'ai déjà chassé. Un pays voisin, c'est aussi lointain qu'un autre monde, et en plus ça fait mal au ventre rien que d'y penser ; mince, vous imaginez la quantité de vomi qu'on doit déverser dans les vagues pour arriver là-bas ? Pour les petites natures comme moi, j'entends. Mais pour les marins, on a toujours l'urine et les colis suspects, alors franchement, ça reste astronomique si on calcule la distance de cette manière, vous ne trouvez pas ? Mon frère Bjarni devrait pouvoir m'aider à établir tout ça...
Bon, j'arrête de vous tourmenter, je suis sérieux aussi. Parfois.
Moi ce que j'en pense, des pays voisins, c'est vraiment pas grand chose : j'aime bien avoir des connaissances sur les autres contrées dont on entend parler, mais ça s'arrête là. Je ne porte aucun jugement critique sur leurs coutumes, comme le font beaucoup de gens, j'ai un esprit d'analyste, et la seule chose qui m'importe, c'est d'en savoir tout ce que je peux depuis ma terre à moi, ce ridicule jeu de galets jumeaux perdu dans l'immensité du monde. Ils peuvent bien faire ce qu'ils veulent comme ils le veulent tant qu'ils nous laissent en paix. D'autant plus que je ne peux rien juger par moi même, aussi serait-il stupide de ma part de condamner ou d'approuver l'un ou l'autre. Je me contente d'écouter, puis de rêver.
J'aime bien fantasmer à leur sujet, moi, les observer dans l'horizon comme de lointains mirages, fascinants, impalpables. Je suis toujours le premier à me pendre aux lèvres des marins, quand ils ont quelque chose d'autre à raconter que leurs histoires grivoises- encore qu'elles m'intéressent aussi, ça fournit pitance à ma belle amertume. Ils voyagent eux, et ils rapportent plein de choses, des richesses comme des racontars ; je sais bien que certains sont faux et stupides, mais c'est quand même ce que j'ai de mieux pour en savoir un peu plus sur les autres pays, non ? En plus ils sentent bon. Ils sentent la mer, et des choses plus lointaines. Les salauds... J'aurais dû sentir pareil.
On est tout proches des Six-duchés, nous autres les Outrîliens, notre clan plus encore. Peut-être qu'un jour j'irai y faire un tour... Ouais. Et peut-être aussi que El va sortir de la mer pour me remettre un bateau magique qui se remplira à l'infini de richesses. Peut-être bien. On sait pas. C'est possible.
Du coup, "pays voisins", ça laisse une certaine amertume sur ma langue. J'aime pas trop en parler ; mais j'écoute quand même, c'est plus fort que moi. C'est comme... La rumeur de la mer qui vient depuis les vagues, comme le bruit d'un vent lointain qui s'échouerait sur mon visage. Ou l'écume qui crépite sur les plages de galets. Ça ne me concerne pas vraiment, mais qu'est-ce que c'est beau !
Et insaisissable.
? Vous considéreriez-vous comme un grand fan du conseil des Kaempras ? Pourquoi ? Oui. C'est la bonne réponse... ? "Oui"
? Votre avis vis-à-vis de la situation politique actuelle ? De l'inquiétude, quand je daigne y penser. La Femme Pâle qui rôde entre nos îles, qui ose se terrer dans les Runes du Dieu, souillant la glace de nos mers, croupissant comme une maladie dans les tréfonds d'une plaie, à Aslevaj, avec les hommes qu'elle nous a pris pour lui servir d'esclaves... La chienne ! Ou plutôt la louve. On ne peut rien lui faire, à cette horreur, elle nous soumet, impunément, aucun dieu ne précipite les flots sur elle. Voilà ce que j'en sais, de la politique actuelle ; mais je n'ai pas d'opinion sur la marche à suivre, je suis simplement inquiet. J'écoute et je comprends, comme d'habitude, sans émettre d'avis. On ne peut pas vraiment agir en étant chevrier, de toute façon.
Pour le reste du monde, peu m'importe, qu'ils fassent, qu'ils fassent ; qu'ils complotent, qu'ils persiflent, qu'ils s'envoient des armées. Chalcède, les Duchés, et tous les autres, avec leur nom compliqué, je m'en essuie les mains tant qu'ils ne viennent pas nous entraîner dans leurs intrigues. Du reste la politique des Îles est moins casse tête que la leur, mais c'est pas pour autant que nous sommes inefficaces ! Enfin, ce n'était pas le cas avant, en tout cas...
? Avez-vous entendu parler de la Femme Pâle ? Vous a-t-elle volé votre doudou ? Qui n'a pas entendu parler d'elle ? Elle nous prend nos guerriers. Ils peuvent bien trembler, les Duchés ; c'est nous qui sommes les premières victimes de cette abomination. Qu'El l'envoie par le fond, la maudite ! Elle a pris un de nos navires. C'est vrai que j'ai l'air distant comme ça... Mais j'aime mon clan, vous savez.
? Au fait, vous avez un titre ? Dompteur de Chèvres. A genoux guerriers, à genoux Narcheska ! Vous avez à faire au Grand Dresseur Caprin ! Je vous commanderai tous, par le pouvoir du poil mouillé, des cornes vengeresses et des puissants Bêlements. Tremblez mes bons, et je consentirai sûrement à vous laisser la vie.
... Non, vraiment, un titre, moi ?


Physique

? Yeux : D'un bleu qui frôle le blanc, gris clair autour de la pupille. Les femmes trouvent en général que j'ai de très beaux yeux. Ça me fait vraiment une belle jambe. C'est bien joli d'avoir des yeux qui font tourner les têtes, mais je n'aurai jamais d'enfants malgré cet atout là, et elles sont bien sensibles, les mirettes devant lesquelles on se pâme ! J'aurais préféré avoir une bonne vue, et le droit de quitter nos terres ancestrales pour voyager un peu, histoire de trouver moi aussi une belle jeune fille avec laquelle danser la branle du loup. Ils auraient tout aussi bien pu être en verre, mes yeux. Beaux et inutiles.
? Cheveux : Ils sont déjà blancs, comme ceux d'un vieillard, mais pourtant bien épais. Ils virent au blond sur quelques mèches, un blond pâle, dérisoire, et me retombent en mèches lisses autour des oreilles, sur les épaules, jusqu’aux omoplates. J'en ai fais diverses tresses, mais je ne le noue jamais en catogan : c'est une coupe de guerrier, ce que je ne suis pas, et ne serai jamais.
? Silhouette : Je suis plutôt grand pour un Outrîlien. Je mesure dans le mètre quatre vingt, un peu moins sûrement ; mais je n'ai pas l'étoffe d'un combattant, malgré cette taille intéressante. J'ai de bonnes épaules qui auraient pu être musclées, si je n'étais pas chevrier, de longues jambes, un corps mince et sec- bref, du potentiel qui est resté inexploité, ce qui fait de moi un homme des plus banals, à ce titre au moins. A mon âge, les Outrîliens sont déjà de rudes gaillards, puissants et combatifs, cependant, la grande ironie a voulu que j’écope d'une stature importante mais d'un corps moins étoffé que les autres garçons qui ont atteint mon âge. J'ai les os qu'il faut, pas la carrure qui va avec. Bien entendu, je suis plus fort qu'une femme et non dénué d'une certaine endurance acquise à force de travail, mais face à un autre Outrîlien, je ne donne pas vraiment le change.
? Habitudes vestimentaires : A la mode de chez nous, savez vous plantez des choux ~ Non, faîtes moi taire.
Je ne tape dans l'originalité : fourrure et cuir sont mes amis de longue date. Manteau fourré, cape fourrée à capuchon fourré, gants fourrés, bottes -non attendez, cherchez un peu. Vous ne trouvez pas ? Je vous le donne dans le mille : fourrées elles aussi...
? Autre ? Je suis pâle. Comme un glacier- mais les glaciers voyagent. Blafard, ridiculement larvaire. Un teint de porcelaine, des lèvres blanches, des yeux naturellement cernés. Quand bien même je ne serai pas fatigué, elles seraient encore là, brodées sur ma peau sèche et blanche.
J'ai de hautes pommettes livides, un front triste et pâle, de longues mains tièdes aux doigts coureurs, agiles et forts. Ma mère m'a répété toute mon enfance que j'avais des yeux tristes ; encore maintenant, elle me le reproche. Mes yeux l'agacent, et je la comprends bien.
Je porte une petite barbe tressée qui ne me pousse pas sur les joues. Elle n'a pas été capable d'atteindre mon visage aride, et s'échine à en habiller le tour, vaguement élancée à l'assaut de ma mâchoire ; mais elle croît bien sur mon menton, et j'ai une pâle moustache, tressée elle aussi.
Bien que je sois blême, le vent me rougit vite les joues- et les yeux, ces maudits yeux sensibles. J'ai le visage typique d'un Outrîlien et le teint d'un cadavre, alchimie étrange s'il en est, aussi mes traits n'ont-ils pas la finesse qu'on pourrait s'attendre à me prêter en dépit de ma pâleur. Mon profil est assez tranché, à ce qu'on dit. J'ai des sourcils plutôt touffus et joueurs, mobiles comme des renards des neiges.
Malgré tous mes espoirs, ma pilosité n'est pas très ambitieuse, aussi n'ais-je pas grand chose à exhiber torse nu q'une poitrine un peu duveteuse... Seul Bjarni sait comme j'en ai honte.

Caractère

« Mes amis disent que je suis… » Ils disent plein de choses. Que je suis agaçant, salement moqueur, serein et vif tout à la fois, que j'ai de l'humour et un bon sens pratique, ce qui n'a rien à faire ensemble, mais je vous raconte comme ça me vient. Ils trouvent que j'ai bon cœur, qu'on peut compter sur moi et que je suis compréhensif, chaleureux, mais implacable aussi. Il parait que je suis impartial, que j'ai un esprit clair, incisif, un air de canaille et une langue agile. On me considère comme un bigleux adroit, avec des mains qui savent travailler bois et danser comme il faut, malgré ma mauvaise vue. Je suis tactile, c'est sûrement pour ça.
Puis quoi d'autre ? Mouais. Je suis généreux, pas démonstratif, mais je partage tout ce que j'ai, même si ça ne représente pas forcément grand chose. Les gens de mon clan savent que je suis serviable malgré mon attitude railleuse et bien que je râle souvent, je me porte toujours volontaire pour aider au-delà de mon rôle de chevrier. Bref, pour eux, je suis une bonne personne. C'est juste qu'ils sont naïf, les pauvres.
« Mes ennemis me trouvent… » Déjà, ils me reprochent d'être tout blanc, blafard, dégueulasse à leurs yeux, sale dans ma pâleur morbide, singulier, angoissant. Parce-que c'est pas normal, et que ma mère a eu une grossesse difficile, qu'elle a perdu beaucoup de sang à l'accouchement, et qu'après que je sois passé par son ventre, elle n'a jamais plus porté d'enfants. J'ai mis la mort en elle, j'ai tout pris en naissant, et j'ai laissé un désastre s'épanouir au sein de mon absence... Je suis un enfant de sel, j'ai tué les champs féconds sans rien laisser derrière qu'une terre stérile, impropre à redonner la vie.
Ils pensent que je suis maudit. Peut-être qu'ils ont raison, mais ça ne m'empêchera pas de les brocarder encore. Et puis, hè, écoutez un peu : "il a le mauvais œil". Le mauvais œil ! La blague ! Les deux sont bien mauvais ! Hein ? Hein ? Mais si ! C'est hilarant ! Je vous assure ! Riez bon dieu.
Bref. Je reprends ma litanie.
Ils me méprisent, parce-que je reste avec les femmes, mais sans posséder leur pouvoir ni leur importance- inutile, encombrant, vain et répugnant. Ils pensent aussi que je suis lâche, faible, marqué d'un mauvais sort, que je vais attirer le malheur sur nous tous. Ils pensent d'autres trucs encore, ils pensent plein de choses vraiment, de leur petit cerveau stupide, dans leur petit crâne dégouttant. Que je suis impudent, insolent, méchant, louche, mesquin- mauvais comme la neige, blessant et fourbe. Certains ont essayer de faire croire que je copulais avec mes chèvres, par dépit de ne pas pouvoir toucher une femme, coincé que je suis sur nos terres ancestrales. Bien sûr, ils ne se sont cru qu'entre eux.
Ils disent que je suis faux. Que je suis un ambitieux qui veut se faire remarquer, mais que je n'ai pas d'intérêt ou d'amour réel pour notre clan. Ils ne comprennent rien au sarcasme, ils ne voient pas au-delà de mes moqueries.
Depuis que la Femme Pâle enlève des bateaux, ils me détestent encore plus, et pourtant ils sont craintifs ; ils pensent que je les jalouse, mais là-dessus, ils ont raison, les bougres d'imbéciles.
« La première impression qu’on a de moi, c’est… » "Quel beau jeune homme !" ... A votre avis, quelle première impression a t'on face à un albinos... ? Du reste, je sens le poil mouillé, la chèvre et d'autres odeurs plus douces qui me collent au corps comme un deuxième vêtement. Je ne sais pas pourquoi, ma peau et mes cheveux retiennent facilement les odeurs, et toutes les fumées qui passent me laissent emprunt parfums. Ce serait sûrement très intéressait si je ne dégageais pas un fumet si... Caprin. Miséricorde, ils doivent avoir raison finalement, je suis maudit.
« En société, je suis... » Tout dépend de ceux qui m'entourent et dont je partage la société, puis de mon humeur, bien sûr. Je peux être vif, bavard et moqueur, prompt à donner la réplique ; Eldrid dit que je suis pétillant. Mais je peux aussi paraître serein, attentif et observateur. Je m'adapte à l'agitation ambiante, j'essaie de relever les conversations et d'entretenir la bonne humeur, ou d'apporter ma contribution à un débat en étant à l'écoute, et en usant de mon esprit analytique. Je sais faire silence, et je sais aussi crier. Il faut comprendre de tout ça que je m'adapte à mes interlocuteurs, comme un renard changeant de fourrure au passage des saisons.
« En privé, je suis… » Je suis entier, mais plus en demies-teintes. En général, je parle moins fort, j'ai de moins larges gestes, et je fais preuve d'une certaine douceur qu'on ne me connait guère, au-dehors du cercle familial. J'ai du mal à me montrer tendre, disons que je suis assez bourru sous certains côtés, mais j'ai quand même plus de délicatesse envers mes interlocuteurs. Ce n'est pas grand chose, je me laisse juste aller, je relâche un peu la pression, je me calme en fait. Ma vie est fatigante, hein ? Mais je me plaindrais jamais. Jamais.
« Ma plus grande peur, c’est… » Perdre mes chèvres ! Quelle horreur ce serait ! Mes biquettes, par Eda... Mes douces biquettes... Non. Vous y avez cru ? Je n'ai peur de rien, voyons, je suis un fier Outrîlien ! Parbleu !
Mais bon, puisqu'il le faut, je dois bien avouer que j'ai -peut-être, je dis ça pour trouver quelque choses, croyez pas ! Je suis un brave voyons- la crainte perpétuelle d'être rejeté, de finir seul, reclus, opprimé par le vide et l'absence. C'est une peur assez tenue, flottante comme un effluve- elle ne me prend pas aux tripes, elle est latente, c'est tout.
Et au fond de moi, même si j'essaie de me faire croire que je suis résigné, j'ai peur qu'on ne change jamais d'avis à mon sujet, qu'on me laisse rester toute ma vie sur nos terres ancestrales ; ni vraiment homme, ni vraiment femme, tout juste moi, piètre comédie que je suis. Sans privilèges et sans honneur, tout juste bon à m'échiner dans un sens et un autre pour justifier mon existence gênante.
« Ce que je déteste… » Ma vie ? Mon corps ? Le flou de mon statut sociale, mon existence flottante ? Probablement. Mais aussi tous ceux qui me sont hostiles à cause mon teint pâle, de cette maladie qui me donne l'air d'un cadavre en mouvement.
Je déteste les matins qui me prennent au creux du lit, les mauvaises récoltes, les jours d'oublie dans le noir et le froid, les nouvelles désastreuses en provenance du monde. Je déteste être enchaîné à nos terres ancestrales, ces terres que j'aime et qui sont devenu ma belle et douce prison. Je déteste le mépris ou la gêne qui se dirigent parfois vers moi, l'odeur du sang, les cicatrices de Bjarni qui le font encore grimacer, qui semblent trop proches d'un point vitale. Je suis déchiré entre une virulente jalousie et une bonheur sincère à la vue des changements réels qui bouleversent la vie de ceux qui m'entourent, Eldril qui pense être enceinte de son premier enfant, mon frère dont la bravoure et les capacités guerrières, ajoutées à son naturel sociable ainsi qu'à sa capacité de s'attirer la sympathie d'autrui, font apprécier de son équipage et de son capitaine. Je suis sûr qu'il a déjà quelques beaux descendants dans d'autres clans, des enfants dont il ne connait pas encore le nom.
Je déteste ce désespoir qui vient parfois m'éteindre, le sentiment de ma stagnation et de ma solitude, cette impression d'être coupé du flux vivant du monde, d'avoir été jeté sur terre pour y vivre comme un soupir sur les lèvres d'Eda. Je me sens vain et fou, abattu et tenace, triste et réjouis à la fois. Je déteste ce marasme où s'embourbe mon cœur. Je déteste l'envie qui m'étreint à la vue d'une autre vie que la mienne- j'étouffe ma jalousie dans des services rendus, j'assomme mon malheur avec la compagnie des autres, et je joue des tours à ma douleur pour me faire croire que je suis heureux. Je suis très doué pour distraire ma souffrance.
Sinon, j'ai toujours eu horreur des œufs durs.
« Ce que j’aime… » Retrouver mon lit le soir, pétris d'une bonne fatigue, m'endormir vite et sans penser. Rêvasser en gardant mes chèvres, regarder l'océan- avoir les pieds mouillés, et puis l'odeur du sel, et les choses qui s'échouent parfois sur la plage, des os, des poissons morts ou des objets. J'aime bien être dans la forêt, pas vraiment pour la chasse, même si je dois ramener quelque chose, mais les arbres me plaisent. Le bruit du vent dans les feuilles. Le miel ; je suis très friand de miel, j'en cherche toujours pour que ma tante confectionne des pâtisseries avec... Après avoir enfourné une partie de ma récolte, bien sûr. J'en ramène aussi pour le clan, afin que nous puissions confectionner de l'hydromel. Bjarni dit qu'on a mal choisis mon nom : Belian, "blanc". Lui est "fort comme un ours", mais selon lui, je tiens aussi de la bête ! Il en a pris l'allure, et moi la gloutonnerie. Mais ne l'écoutez pas, mon frère n'est pas en reste, avec son goût pour la boisson.
J'aime aussi le contact, social et physique. Je suis quelqu'un de très tactile, pas tant avec les gens, plutôt avec la matière en général. J'aime caresser le bois, l'écorce et la pulpe tendre, fraîche, humide, gorgée, la texture grasse ou douce des feuilles. Je sais que les aiguilles de pin sont bénéfiques pour la peau, alors je me frotte avec des rameaux que j'emprunte aux arbres. Les pierres, la poussière semée de graviers, la terre sèche et dure, ou parfois très noire, moelleuse et parfumée... Il y a de nombreuses choses insignifiantes qui me donnent du plaisir. Les coquillages, les plantes, la fibre végétal, la voix et la présence de ma famille et de ceux qui me sont chers. Même le bêlement des chèvres, ces saletés cornues qui m'ont imprégné de leurs odeurs caprines... J'aime sentir la vie autour de moi, et j'aime me rendre utile auprès des gens de mon clan. J'aime nous voir prospérer et faire face à l'hiver, à l'océan, aux conflits. J'aime toutes les saisons, leur début et leur fin. J'aime le temps et le monde.
J'aime la soupe au poisson, les repas dégoulinants de graisse et les noix, les noix au miel. Ce sont des choses faciles à aimer.
« Si j'avais un rêve... ? » Je veux qu'on me reconnaisse définitivement comme un homme à part entière, un Outrîlien comme les autres. Je veux voyager, sentir le sel sous mes paupières, user mon corps et croiser le fer. Je veux boire et connaître des femmes. Je veux la gloire de mon clan- et ma gloire à moi, ma vie, une vraie vie. Je veux cesser d'être maintenu dans ce statut intermédiaire, ni à la place d'un homme, ni à la place d'une femme... Je veux exister, pour de vrai, exister dans la société comme n'importe qui d'autre. Je veux. Je veux. C'est facile de vouloir ; c'est moins simple d'avoir.
Quand je me serai résigné à ne rien avoir de tout ça, j'en mourrais, je sais que j'en mourrais pour de bon. Je fais semblant d'accepter ma vie, de subir avec un goût pour l'ironie et un humour caustique ma pauvre petite existence ridicule... Mais en réalité, j'y crois encore, et c'est ce qui me maintiens en vie. Personne ne le sait. Je crois. J'espère.


La magie et vous...

… ça fait deux ? Absolument.
? Connaissez-vous l’Art ou le Vif ? De nom, mais personne de ma connaissance ne possède aucun de ces dons. C'est bien dommage, c'est sûrement passionnant tout ça ; mais c'est pour les Duchés, ce genre de magie là.
? Pratiquez-vous une forme de magie ? Je vous l'ai dis, je sais faire danser les chèvres. Vous ne me croyez toujours pas ? Vous avez bien raison : en vérité, elles ne dansent pas, il leur pousse des ailes et elles se mettent à planer. Fshhh.
? Avez-vous une opinion sur l'Art ? C'est prétentieux, comme nom de magie. "L'Art" Mais encore ? C'est pas un art de garder un troupeau, peut-être ?
? Connaissez-vous les fidèles du prince Pie ? J'en ai entendu parler. D'après ce que j'ai compris, ce sont des mauvais Vifiers. Je n'en sais rien, et je crois bien que je m'en fous : je suis simplement heureux de connaître leur point de vu, c'est quelque chose de bon à savoir, comme tout le reste en ce bas monde. Peut-être que ça pourra me servir un jour, à moi ou aux Glacemort. Du reste, leurs revendications n'ont rien à voir avec les Runes du Dieu, alors je les trouve juste intéressantes, sans m'attarder à savoir si elles sont justes ou pas. Mais ce serait probablement amusant qu'elles soient vraiment prises en compte ; je veux dire, ça amènerait des nouvelles fraîches, et sûrement pas trop mauvaises pour une fois... Non ?
? Et les membres du Lignage ? De même. Leurs souffrances ne m'importent guère. Néanmoins, j'ai de la sympathie pour eux, et les Vifiers en général, une sorte de sympathie lointaine, une approbation muette et désintéressée. J'aimerai bien communier avec la nature, moi aussi... Mais loin des chèvres. Je les vois déjà toute la journée, celle-là, pas besoin de les comprendre pardessus le marché. Quelle horreur...
? Que pensez-vous des autres formes de magie ? Elles sont nombreuses. J'aimerai bien en savoir plus ; en attendant, ce sont juste des choses lointaines à appréhender. Alors moi, j'en pense ce qui se raconte, en général.
? Y'a-t-il des magiciens dans votre entourage ? Du tout. Même si je suspecte Bjarni d'avoir un estomac magique ; quand nous étions enfants, il pouvait manger n'importe quoi sans jamais avoir aucun maux de ventre... Et il n'a jamais eu le mal de mer, ni le vertige. Je pense que c'est sacrément plus utile que l'Art ou ces trucs là, un estomac comme celui de mon rude fraternel.


N'oublie jamais que tout s'oublie

Le sang et la fureur l’accueillirent en leurs bras, et il naquit ainsi, dans les cris, l’hémorragie et la promesse d'une mort prochaine. Déjà alors il était blanc, larve gesticulante aux prises avec un monde atroce. Dans les mains rouges de la sage-femme, souillé, tendre, blafard, il agita son corps, usa ses poumons sur un premier souffle hurlant, offrant sa faible mollesse brûlante à la lime acérée de l'air. La chambre était sombre, enfumée, chaude et puante. De l'autre côté de la porte, un enfant de cinq ans se tenait blême sur le sol, la tête contre le mur, les yeux écarquillés. Mais personne ne se souciait de lui, et sa mère gémissait dans ses draps collants, se déversant en écumes de sueur et de sang.
Sûrement y a t'il beaucoup à dire de cette naissance, mais il suffira de s'attarder quelques secondes encore, passant outre les regards révulsés, les halètements convulsifs et les pleurs éraillés qui jouèrent dans la chambre cette nuit là.
Il y avait la Mère, perdant ses forces dans le lit, se vidant comme une outre renversée, déchirée et pulsante- une plaie à vif éructant tant de fluides que de bruit. Ses yeux avaient vu l'enfant, mais ils ne voulaient pas comprendre. Entre deux gémissements, elle demandait pourquoi, pourquoi, pourquoi pourquoi pourquoi, je sais qu'il n'est pas mort pourquoi
Il y avait la sage femme, une vieille aux mains lourdes et épaisses, des mains de bois brûlé, de bois flottant rongé par le sel. C'est elle qui tenait l'enfant, c'est dans le creux de ses bras qu'il découvrait l'horreur du monde, la torture abrasive du souffle, le déchirement des couleurs ; les sensations traumatisantes qui couleraient toute une vie sur la geôle de son corps. Elle répondait à la Mère : ils naissent ainsi parfois. Mais elle savait qu'elle ne comprendrait pas, qu'elle ne pourrait pas saisir que ce frêle monticule de chair était bien vivant, que sa pâleur morbide recelait une chaleur brûlante- pas avant de tenir contre son sein cet enfant semblable à un cadavre, et pourtant animé au feu de cet ardent foyer qui les faisait tous vivre. Elle répéta, en donnant ses instructions aux femmes qui s'étaient jointes à elle, sœurs de la Mère : C'est ainsi. Ses mains lourdes et brunes parlaient aux autres qui devaient s'activer, blêmes, agitées, nerveuses. C'est ainsi.
Il y avait l'enfant reclus derrière la porte. Lui ne pouvait qu'entendre, et sentir, sentir l'odeur putride du sang, l'odeur riche et âcre de la fumée mêlée aux parfums de l'utérus béant, suintant, fécond et bafoué dans son acte par une mauvaise naissance ; fleur dépouillée vomissant son nectar. L'imagination fertile des enfants lui donnait des sanglots, compagne en ces heures sombres, fidèle à tenir son poste dans ce crâne trop léger qu'il fallait bien lester. Personne ne lui expliquerait avant quelques minutes encore, une dizaine de minutes durant lesquelles sa gamberge, pleine de tendresse et de dispositions à faire son oeuvre avec grand art, tournerait les images et les spéculations pour torturer l'esprit, le corps pressé contre un mur du marmot oublié. Emmenez moi dans la chambre disait son corps. Et personne ne le voyait parler, personne n'entendait sa peau qui se collait à la cloison, n'entendait ses yeux rouges quêtant du réconfort. Ni sa moue apeurée, ni ses nerfs tendus, trop serrés dans un corps de gamin. Dans l'heure prochaine, il verrait la cause de cette immense chaos, et dans cette même heure, il se mettrait à haïr ce front pâle, ces yeux blancs, ce visage stupide et luisant, comme une figure de neige en train de fondre. Puis, les jours qui suivraient, sans le comprendre, il deviendrait plus proche de ce frère qu'on lui avait donné dans la terreur et le vacarme, que ne le serait jamais leur mère dépouillée de sa fécondité.
Il y avait des regards, lancés au vide ou à l'enfant. Les paroles de la Mère, comme des oiseaux déments, les mains de la sage femme, sèches et puissantes. Les tremblements du Fils, seul, hors de la chambre.
La voix de la sage femme qui corna à nouveau.

Gardez le dans le noir durant les premiers mois, ses yeux sont fragiles. Les lumières vives pourraient le rendre aveugle.

Tout le monde pensa alors que l'enfant allait mourir. Ils en furent soulagés, à demi-mots dans le désordre de leur cœur. En silence, derrière leurs paupières agitées, avec douceur et raison : un enfant qui ne pouvait pas voir la lumière du soleil, les reflets pâles du ciel coulés sur la neige aveuglante, soutenir le regard fluctuant et fracassant de l'océan poignardé de lumières mouvantes, un enfant pareil, oui, il ne pourrait pas vivre au-delà de quelques mois, deux ans peut-être. Ils pensèrent, soulagés et coupables, raisonnable et honnêtes :

La situation a bien faillit devenir compliquée.

*****


Bien sûr, elle le devint. L'enfant ne mourut pas, et ses yeux blancs devinrent lentement d'un bleu très clair, s'offrant même le luxe d'une grisaille légère qui conféra à son regard une tristesse sans nom. Mais il fut de ces marmots silencieux qui crient peu, mangent beaucoup et semblent patienter, observant le monde sans trop participer à la fureur qui l'anime. Ceux qui attendent leur heure, conscient de devoir faire leurs preuves. Ceux qui regardent avec de trop grands yeux, font trop de silence, couchés entre les bras d'une femme au regard inquisiteur. Un regard qui disait : me feras-tu de faux espoirs, vas-tu mourir après m'avoir tant fais saigner ?
Il n'en fut rien. L'enfant atteignit sa première année sans heurts, après plus de six mois à vivre dans l'obscurité, sous le regard intrigué et curieux de son frère. On le nomma Belian, "Blanc", pour l'évidente raison que sa pigmentation laissait à désirer. Et si certains virent en lui une engeance maudite, d'autres choisirent de reprendre les mots de la sage-femme : c'est ainsi.
Néanmoins, un mystère entoura vite cet enfant du silence et de l'ombre, que personne n'avait vu ou bien même entendu ; gardé au chaud, dans les ténèbres, loin de la lumière solaire, comme quelque animal sylvestre ne sortant que le nuit. Son frère lui même ne sut pas bien comment regarder cette créature étrange, miséreux petit être livide et pourtant aussi chaud que n'importe quel humain, cet enfant à la face de cadavre, dont il attendait avec impatience qu'il révèle les secrets que semblaient guetter ses grands yeux pâles.
Personne n'eut rien à dire au sujet de sa survie. On hocha doucement la tête, félicitant avec sobriété la Mère : ton enfant vit, il a acquis un nom. Et on attendit de voir s'il irait maintenant au-delà de ses cinq ans, suivant les traces de son gaillard de frère.
A la surprise générale, Belian ne fut pas un enfant cacochyme. On l'attendait fragile, on le trouva normal : il grandit comme tout autre, pris en taille, en poids, et se montra moins silencieux une fois tiré des langes. Un enfant vif et volontaire, dont on fut tout aussi étonné qu'il trisse avec son frère un lien particulier. Ces deux là n'eurent contre toute attente pas de disputes intempestives ni de rivalités : chacun connaissait sa place. Au cadet d'admirer son aîné tapageur, fort bruyant et fort grand, et à l'aîné en question d'apprendre et de fanfaronner, portant une ombre protectrice sur ce frère auquel on jetait parfois encore des regards trop intenses. Une ombre qui gêna aussi Belian, trop conscient d'être à part, mais jamais totalement certain qu'il n'aurait pas la vie d'un homme. Il lui fallut pour cela atteindre un âge plus avancé, âge auquel il apprit à souffrir en silence.
Les deux frères n'eurent pas la joie de voir leur fratrie s'agrandir. Si la Mère accueillit d'autres hommes dans ses draps, des mâles bien vigoureux qui suèrent puis partirent, en bons Outrîliens, jamais plus elle ne porta d'enfants. Belian semblait avoir puisé trop de choses en elle ; il comprit à sept ans qu'il avait marqué la fin de quelque chose, et cette condamnation silencieuse lui pesa sur le cœur. Dans le regard des autres, dans les sourires de Mère, il vit cette ombre qui dardait, douloureuse et tenace. Les mots, toujours, qui résumaient sa vie : c'est ainsi.

Mère fut douce et ferme, tranchante et juste. Elle éleva Belian sans jamais l'encombrer du fardeau trompeur de l'espoir, et donna à Bjarni les armes qu'il fallait à un futur guerrier. C'était une femme silencieuse mais tactile au langage corporel affirmé, dont le regard suffisait à tout dire, quand ses lèvres gardaient un doux sourire flottant- dont les mains ordonnaient, caressaient et frappaient. Une femme comme tant d'autres, qui subit en silence les messes-basses occasionnées par son fils albinos, puis la honte engendrée par sa stérilité précoce.
Si jeune, si jeune... Elle aurait pu être la mère d'une belle marmaille, sans ce...
Mère eut toujours un regard terrifiant pour ceux qui ne savaient pas se taire, contrairement à elle même. C'était une femme taillée dans le roc, gardienne immuable d'une harmonie froide et rythmée ; chaleureuse pourtant, avec ses deux enfants, pudique mais attentionnée. Bjarni seul semblait dans la maison apporter le bruit et la fureur du monde, tonnant comme la foudre entre leurs faibles murs, grandissant toujours plus et laissant présager une vie tonitruante. Quand bien même il n'en eut jamais conscience, on le protégea autant que lui même sembla prendre le rôle de gardien de la famille- son frère cadet veillant sur lui, contre toute attente. Il eut tout le loisir de prendre son essor, embarquant à douze ans sur l'un des navires du clan, laissant la maison au silence musicale que sa mère et son frère faisaient régner avec maîtrise. Belian le regarda partir avec autant d'envie et de fierté que de tristesse, du haut de ses sept années. Il n'avait encore qu'une conscience vague de l'existence à laquelle on le condamnait déjà.
Une petite tête brune ajourna ses désillusions, participant à lui impulser la joie de vivre et la vivacité qui lui venaient de son frère ; cette noiraude salvatrice avait pour nom Eldrid, et elle sauva en quelque sorte le reste de son enfance. Ils rêvèrent ensemble, partagèrent probablement, comme on se tend à tour de rôle le parfum d'une fleur, un effluve de romance innocente, et firent bien quelques mauvais coups qui avaient toujours plus de conséquences sur Belian que sur son intrépide compagne- qui, bien entendu, n'avait, elle, aucun besoin d'excuser sa naissance par un comportement irréprochable. Les années passèrent, le temps s'écoula parfois fort lentement, d'autres fois sans qu'on le voit filer. L'existence dans les Runes du Dieu ne laisse que peu de part à l'ennui, aussi Belian fit-il vite l'expérience du travail, décliné sous bien des façons- d'autant plus que sa mère devint faible, toujours proche de la maladie, à défaut du bonheur.
A dix ans, on passe des journées entières à flâner ou bien à rêvasser- en bon jeune Outrîlien, lui fit sa part aux champs, aida dans le foyer et remplit de menues tâches partout. Jamais il ne s'autorisa à se demander franchement, pour quelle raison on ne commençait pas déjà à lui apprendre quelques usages guerriers. Quand la question lui vint aux lèvres au retour de son frère, il ne la posa pas. Quelque chose le retint, une sorte de pudeur. Il écouta Bjarni, ravis et tapageur, souriant de cette joie irradiée par l'aîné en nourrissant ses doutes, dans le secret, l'amertume et le mutisme. L'idée qu'on ne le laisserait pas partir commença à s'insinuer à lui, mais avec l'étrange aveuglement coutumier à la peur, l'enfant refusa de l'entretenir, et la laissa pourrir au fond de son âme, empoisonnant ses nuits, ses moments de solitude- refusant de la regarder en face. Une question en suspens, une crainte qui étirait ses vrilles épineuses dans les ténèbres du silence. Elle s'épaissit, nourrie d'amertume, de mensonges, d'anxiété ; se développa jusqu'à l'en étouffer.
A douze ans, il délivra les mots qui croupissaient en lui, soudain las de cette décomposition empoisonnée qui s'épanouissait en lui. On lui répondit naturellement qu'il ne voyagerait pas : sa vue était mauvaise, son corps trop faible, sur le pont d'un navire il serait encombrant. Le non-dit de l'histoire finit par se hurler, face à l'insistance borné d'un gamin trahis dans ses espoirs muets.
Il était Goule, Vampire, engeance cadavérique à la naissance maudite, qui avait mis la mort dans le ventre de sa mère, le silence au foyer, avait privé le clan d'autres guerriers et d'autres femmes, s'interposant dans la réalité comme une mauvaise blague. Misérable cancrelat, tout juste bon à expier son existence morbide. Il n'avait qu'à se taire et courir, loin du rivage qui ne voulait pas de lui, qui le rejetait à chaque marée sur les plages de galets. On ne l'emmènerait pas sur les flots roulants, on ne prendrait pas le risque d'entretenir sa malédiction sur le pont d'un navire. Trop de misère entourait sa vie.
Belian oscilla ce jour là, puis tomba ceux d'après. Il se mit à ramper au fond de lui même, brisé, envisageant sa vie, sa longue vie qu'on lui avait donné pour rien. Il n'en laissa rien paraître, et sa prétendue faiblesse ne montra jamais le bout de son nez- il en fit autant, si ce n'est plus que les autres, et chercha à assoupir sa rage dans le mouvement et les paroles, comme on berce un enfant qui ne cesse de pleurer. Il aiguisa sa langue, et découvrit que son esprit était plus affûté, plus incisif, que celui de bien d'autres ; alors il prit l'ironie pour vêtement, et fit du sarcasme son cheval de bataille. Il étouffa sa frustration le soir, en sanglots et en cris muets, frappa quelques chèvres innocentes pour se défaire de sa colère- et puis un jour, il se sentit serein, et sa vie commença à devenir plus douce, plus morne, plus supportable. Il accepta sa condition- pour un temps, refusant de la croire inaltérable, montrant les dents à son destin, sans grogner toutefois, patient, oui, d'une patience insolente qui ne rongeait plus son cœur. Depuis lors, rien n'a changé. Toujours bridé, toujours muet, Belian attend son heure.
Bjarni nourrit ses rêves de voyage et de camaraderie, Eldrid persiste à venir le trouver, discutant avec lui tandis qu'il veille sur le troupeau ou s'esbigne vers un nouveau travail... Les navires viennent et partent, la vie se poursuit, laborieuse, acharnée.
Et Belian attend qu'on le prenne au tournant, qu'on le jette à l'océan. Dans le bêlement des chèvres, il imagine une ode ; à l'aventure, à la témérité. Il essaie d'oublier qu'elles ne disent rien du tout, en leur parlant, lui aussi, comme un bel imbécile.
Aller dans la forêt, chercher du miel ou du gibier, c'est un peu son moment de liberté, son précieux brin de vadrouille entre deux semaines de garde, mille tâches à accomplir et des sommeils de plomb.
Vous verrez bien demain, vous verrez bien. Son heure approche... N'est-ce pas... ?
Il faut qu'il en soit ainsi.
07-09-2015 à 16:54:16
Everybody, everybody, everybody cries


Surnom : La Duchesse. Pour son visage poudré, ses longs cheveux calamistrés, les rubans qui fleurissent entre ses boucles brunes. Les colifichets offerts par Sugar, confectionnés avec amour, les ersatz de de dentelles, les jupons cousus maladroitement, dont les épingles perdus lui piquent parfois la chair. Poupée de sang, poupée de chair, poupée vaudou trop agitée.
La Duchesse, pour la robe presque propre, les souliers vernis, les ongles peints tant bien que mal, les lèvres maquillées et les longs cils de biche : La Duchesse, une dame du monde, vous voyez ? Avec de longues mains blanches et des airs farouches, une démarche gracieuse. Pataude sous les tissus, transpirant d'angoisse. Une proie élégamment emballée. Princesse Dolly aux yeux craintifs.
Les enfants ricanent. Auparavant, on l'appelait le Muet. Désormais, on l'interpelle souvent avec un familier "DD" digne d'un pilier de comptoir.
Groupe : Garçon perdu. Et pour de bon semblerait-il...
Age : Quinze ans.
Rôle : Poupée de sa chère Mère. Tête à coiffée grandeur nature, un pantin aux yeux tristes offerts aux fantaisies d'une joyeuse petite fille. Du genre qui se laisse faire, désespéré, docile.
Mais mine de rien, on chôme, même habillé comme une princesse. Dolly est un récolteur. Il erre dans l'ombre de Sugar et traîne son âme en peine aux abord du campement. Jamais trop loin, la Duchesse n'est pas un enfant audacieux... Mais tout du moins fait-il tant bien que mal sa part de travail.


In my head it's like hell


Dolly est là, Dolly regarde. Ses yeux tristes suivent les vas-et-viens des autres enfants, le tourbillon de la routine où sont broyés les corps, ou les esprits s'égarent. La Duchesse prend part au bal, engoncée dans sa vêture qui la fait ressembler à une fleur de charogne plus qu'à une noble dame. Elle s'écarquille en peaufinant ses poses tragiques, frisonne en marge du chaos. Virevolte dans la danse, à son rythme languide. Et parfois, son regard opaque s'allume d'une flamme pétroleuse, sa mâchoire gracieuse se contracte sous la peau satiné de son doux visage d'ange. Dolly se mord la langue, les joues, les lèvres. Mâche et déchire et lacère, se travaillant la chair. Jusqu'à s'en faire saigner, agité de tics, tremblant des mains, ayant du mal à maîtriser sa respiration. Elle se met à siffler, ses dents peuvent en grincer.
Quelques fois, c'est l'excitation qui lui procure de si violents frissons. Alors il arrive que Dolly se mette à suer abondamment, dégageant une odeur épicée, des effluves de moiteur sexuelle qui vous prennent à la gorge, subtiles, mais dérangeantes. D'autres fois, c'est la peur, quand des garçons perdus le poussent dans des buissons, lui donnent du bâton, déchirent sa robe en ricanant, lui jettent des choses et l’acculent contre le mur d'épines de leurs railleries candides. Dans ces moments, la Duchesse peut même s'uriner dessus, trempant ses jupes de pisse tiède, inondant ses joues de larmes à demi feintes. Un masque de soumission, sanglots de crocodile, tandis que ses grimaces chargées de haine se muent en moues tremblantes aux frontières de la peau. Les ombres glissent sous son visage, des nœuds d'obscurité se forment dans son crâne.
Dolly a peur. Dolly est en colère. Et surtout, Dolly a envie.
Envie d'une autre peau que la sienne.

Dolly déteste le monde avec intensité. Bien entendu, il n'y a qu'une seule raison à cela : la haine quintuplée qu'il se voue à lui même. On existe très peu par soi même, et beaucoup par le regard des autres. Est-il utile de préciser que le regard qu'on porte sur Dolly n'a en général rien de flatteur ni de bienveillant ? Non seulement parce-qu'il est pitoyable, mais aussi parce-qu'on sent parfois comme un malaise en lui, quelque chose de visqueux et d'avide. Ce n'est pas de sa faute, croyez le bien, Dolly aurait voulu être un petit garçon comme les autres, être adorable ou ne serait-ce que normal. Que ce soit ici, ou dans l'Autre Monde...
Mais on existe malheureusement à travers le regard des autres. Le regard qui blesse, qui vous pénètre aussi sûrement qu'une main trillant des abats mûrs à même un ventre ouvert. Ce qui tend à confiner Dolly dans son envie de crever et d'arracher les yeux du monde entier, de les gober en les faisant éclater sous ses dents opalines comme des litchis tiédasses.
Ne me regardez pas. Je suis fort, plus fort que vous. Ne me regardez pas...
Mais ils regardent. Ils n'ont pas peur de regarder, contrairement à lui, dont les yeux sont craintifs. Lui qui ne voit que du coin de l’œil, qui observe en lisière des foules. Qui les envie tous, convoitant la confiance qu'ils possèdent en eux même, leurs qualités intrinsèques d'humains qui ont trouvé leur place. Il trépigne d'angoisse, jalousant leur vigueur, leurs talents. Il les regarde pour apprendre. Pour les aspirer comme des fumées, les spectres d'un autre univers qu'il n'arrive pas à toucher, les mettre à l'intérieur de lui, se gorger d'eux jusqu'à s'épanouir... En quoi donc ? Il ne sait pas encore. Mais un jour, il fera plus qu'envier. Il possédera, à son tour. Tout autant que n'importe qui, il aura le bonheur, les aptitudes et le respect.
Oui, un jour. Un jour auquel il ne croit pas. Un jour qu'il ne peut entrevoir.
Il y a trop de brouillard en Dolly. Un brouillard qui multiplie ses doutes, sa peur et sa colère, qui l'éloigne des autres, tandis qu'il cherche à les toucher, à rejoindre leur monde. Brouillard où peut croître à loisir son envie.
L'envie qui nourrit sa frustration, car ces deux sentiments vont de paires, comme des frères siamois. D'ailleurs, c'est ainsi que Dolly les désigne. "Les siamois".
Les siamois me dévorent les entrailles et cognent dans ma tête. Les siamois tapotent sur mes vertèbres quand je regarde Peter. Leurs doigts descendent dans ma culotte.
Ils me remplissent, et je suis vide. Car ils prennent tout à l'intérieur, ils me mangent en entier. Et je sens que les siamois incendient mon regard à l'huile d'olive et l'allumette. Tout doucement, avec application.

Oui, tout doucement Dolly.

Tout doucement ta frustration grandit, comme une tumeur cancéreuse. Ton corps pourrit de l'intérieur, tu te consumes de jalousie, avec la sensation d'être moins qu'un insecte. Un énorme complexe d’infériorité à vrai dire, une complète castration psychologique qui te donne le sentiment trouble de ne pas être un garçon. Et pourtant, malgré les robes, tu n'es pas non plus une petite fille. Alors quoi... ? Ni l'un, ni l'autre... ? Ni une fille dans un corps de garçon, ni un garçon dans un corps de garçon. Tu ne comprends pas. Qu'est-ce qui te différencie des autres enfants perdus, ces gosses aux lèvres rieuses ? Pourquoi ne peux-tu pas courir comme eux, chahuter, vivre en faisant du bruit ? Pourquoi ce sentiment de ridicule continuel, cette peur d'exister ? Cette angoisse de ne pas agir bien, cette écrasante sensation de ne jamais faire les choses comme il faut, de ne pas avoir la légitimité de prétendre être un petit garçon. Ni celle d'être heureux. Comme si tu n'en avais pas le droit. Comme si tu étais horrible au point que le bonheur t'ait été interdit.
Et c'est peut-être de plus en plus vrai, au fond. Car tandis que ta frustration grandit, tandis que tes yeux s'emplissent de plus en plus de larmes, à t'en irriter la cornée jusqu'à la faire saigner, ton âme se tord et semble prendre la forme d'un arme. Tes pensées dérivent, accostent à des rivages étranges, exotiques et séduisants. Des rivages de chair déchirée, d'os brisés, d'organes éparpillés, de turgescences découpées en rondelles. Tes rêves changent, deviennent de plus en plus nébuleux, de plus en plus sanglants. Tes actes perdent en maladresse, gagnent en cruauté. Et ton regard craintif, de plus en plus envieux. Et tes mains qui se crispent sous les manches en dentelle.
Tu voudrais foutre le feu au camp, Dolly, les regarder brûler et pisser dans leurs yeux en ébullition. Ça ne se voit pas encore, mais le temps passe, et quelque chose émerge en secret sous les soieries et le velours. Quelque chose qui prend de l'ampleur, qui va écarteler les derniers vestiges de l'enfant qui t'habite, et se dresser sur les os éparpillés de ton innocence assassinée.
Une seule chose ralentit la progression du Monstre : l'amour d'une Mère, l'influence de Sugar. Car Dolly a désespérément besoin qu'on le guide, qu'on l'entoure d'affection, qu'on le considère au moins un peu. Sugar ne le méprise pas, ne le craint pas non plus. Elle l'a tout entier dans le creux de sa main. Dolly l'aime avec l'aveuglement d'un chien. Mais en vérité, il s'agit surtout de dépendance. D'un besoin si terrible qu'il est semblable à celui qu'éprouve un camé pour la dose d'oublie en sachet que réclame son cerveau décomposé.

Si Dolly aime Sugar avec pareil excès, c'est qu'il ne sait pas comment sont censées se comporter les mères. Il ne sait pas à quoi ressemblent les mamans attentives, il ne sait pas que les enfants peuvent pleurer en dehors des placards ou de leurs draps souillés d'urine, que leur sanglots peuvent être audibles sans risque de punition. Il ne sait pas que l'odeur des mères peut être rassurante, que les femmes bercent leur poupon avec tendresse, les protègent et les aiment, que leur ombre n'est pas celle qu'on craint d’apercevoir dans sa chambre le soir.
J'ai peur des monstres qui vivent dans l'ombre de Maman...
Il ne sait pas que les mains d'une mère caressent plus souvent qu'elles ne frappent, que les étreintes ne sont pas étouffantes, qu'elles ne doivent pas vous couper le souffle et vous laisser des bleus. Il ne le savait pas dans l'autre monde, il n'en sait pas plus aujourd'hui. Dolly est totalement déboussolé. Il n'a jamais su qui était la plus vraie, de sa maman ou de celle d'un autre enfant, plus heureux que lui, moins amoché, moins tordu. Un de ceux qui riait, qui courrait, qui tapait dans la cour. Les merveilleux salauds qui dominaient le monde. Font-ils semblant ? Et s'ils sont heureux, est-ce pour autant que leur mère agit bien ? Le bonheur est oisif. Le bonheur est stupide. Le bonheur, ça vous ramollit l'esprit et la chair. Les gens durs, les gens qui survivent, ils vont mal, ils souffrent, ils chialent. Et ils se battent pour continuer de saigner, parce-qu'ils savent qu'un jour ils auront leur revanche. Ils auront leur revanche. Le monde paiera, paiera, paiera.
N'est-ce pas ? C'est ce que Maman lui aurait dit. Une Mère sait ce qui est bon pour son enfant... Sans aucun doute. Non, non. Aucun.
Dolly ne sait pas qui a raison. Dolly ne sait pas à quoi devrait ressembler une figure maternelle. Alors il ne peut pas comprendre que Sugar joue à la maman, que tout ça est factice : à ses yeux, c'est on ne peut plus réel. C'est aussi vrai que le flou monumental dans lequel il a évolué toute sa vie, sans savoir comment les choses devaient être faîtes, ce qu'on attendait de lui. Et au fond peu importe, puisque la présence de Sugar le soulage. Dolly a trop souffert pour se soucier de la vérité ; une chose qui lui fait du bien est plus digne d'attention qu'une chose vraie à ses yeux.
Quand bien même sa relation avec Sugar ne lui est pas non plus totalement bénéfique. Car tout autant que la Praline brime l'épanouissement du Monstre, elle l'engraisse largement.
En l'habillant comme une princesse, Sugar contribue à accentuer son sentiment d'infériorité, nourrit sa frustration constante. D'autant plus que la Mère est certaine de savoir ce qui est bon pour sa Poupée, quand bien même il faudrait la faire taire sans sommation pour lui imposer ses choix éclairés, quand de trop rares protestations s'élèvent... La discussion est inenvisageable, proscrite. Le rapport de domination instauré entre Dolly et sa Mère est donc participatif de son mal-être, quand bien même l'enfant s'accroche à ce lien d'affection sans penser un instant à le briser. L'amour et la dévotion qu'il porte à Sugar semblent donc inextinguibles à première vu... Néanmoins, si Dolly n'est ni gaie, ni innocent, il peut se révéler sans cœur. Aussi ingrat que n'importe quel enfant, reprenant son affection aussi vite qu'il l'a donné : il suffirait que quelqu'un d'autre cherche à le prendre sous son aile pour qu'il se laisse manipuler avec aveuglement, glissant d'une ombre influente à une autre. Dolly est en constante recherche d'une figure de pouvoir de laquelle se rapprocher, guidé par un fébrile sentiment d'excitation, d'envie et de colère. Notamment d'une figure masculine, et ce pour plus d'une raison... Ainsi l'influence que Sugar possède sur sa poupée menace t'elle constamment de s'effilocher, de disparaître d'un coup de vent.
Il suffirait qu'un seul des garçons que la Duchesse admire vienne lui tendre une main, ne serait-ce que les bouts des doigts, pour qu'elle s'empresse de quitter le giron de la Praline. Car au fond, il déteste Sugar de nourrir son mal-être, de l'écraser du poids de son autorité. La Mère s'est emparée de lui comme d'un jouet depuis son arrivée. Elle le manipule comme une tête à coiffer, lui refuse toute indépendance.
Et si Dolly a oublié son passé, ce dernier semble encore assez vif dans les tréfonds de son être pour le doter d'un paradoxal sentiment de haine et de dépendance vis-à-vis de la figure maternelle. Sugar incarne cette figure, et pas pour le meilleur. Car si Dolly se soumet à son autorité, l'influence que la Mère a sur lui est plus destructrice qu'autre chose... Et il en a conscience, au fond. Mais il ne peut la fuir, pas sans d'autres bras dans lesquels se jeter.
Un jour, Dolly sera libre. Alors, il serait de bon ton d'apprendre à craindre la Duchesse ; ce que cachent ses grands yeux noirs n'est rien de moins qu'ignoble.
Je vous dévorerai tous. Je vous montrerai qui dirige tout, je vous montrerai qui a le pouvoir... Je mangerai tous les chefs, j'utiliserai leur peau pour me faire un costume. Et je deviendrai comme eux, comme eux. J'aurais de l'influence, j'aurais de la puissance.
Vous allez voir. Vous aurez peur aussi.
Vous aurez peur de moi.




I want you stuffed into my mouth...


~ Dolly torture des animaux, mange des insectes, et tente d'amadouer les fées pour les emprisonner. Un petit être humain, miniature... Il voudrait jouer avec ces créatures fabuleuses, mettre à l'épreuve leur souplesse et leur compacité. Leurs petits membres doivent être faciles à briser, avec une pierre, un doigt sur la poitrine palpitante pour les garder couchés- puis casser la mécanique interne, avec des coups méthodiques. Point par point. A quoi ressemble la souffrance d'une fée ?
Leur corps minuscule est-til chaud ? Dolly aimerait savoir. Peut-être les fées sont elles froides, ou juste fraîches, comme les pieds des petites filles. Même une fois ouvertes en deux ? Éclatées comme des baies entre ses lèvres, giclant sur la langue en fluides glucosées et ferreux ? Et que trouve t'on dans la poitrine des fées ? Peut-on fait des bijoux de leurs os lilliputiens ? Impossible à savoir, sans avoir essayer.
Il pourrait les torturer d'un seul ongle. Cette pensée le fascine.
En fait, Dolly se dit qu'on ne peut se confier qu'à deux catégories de personnes : les morts, et ceux que l'on contrôle. Des êtres qu'on a en son pouvoir absolu, corps et âme. Alors, une fée confidente, ce serait super chouette... Pour peu qu'elle ne puisse pas voleter à droite à gauche, risquant ainsi d’ébruiter ses secrets.
Je pourrais peut-être me contenter de lui arracher les ailes, et puis en rester là... Après avoir essayer au moins un peu des petites choses avec une première fée, oui... Oui, oh !, je ne vais quand même pas faire trop mal à ma Fée confidente, n'est-ce pas ?
Juste assez pour qu'elle ait peur de moi.


~Vous l'avez compris, Dolly a un certain intérêt pour la torture des créatures plus faibles que lui. Des petits animaux qu'il appâte, parfois blessés, parfois curieux, et dont il s'occupe un temps avec tendresse. Il apprend à les apprivoiser, les habitue à sa présence, puis les trahit avec fébrilité. Il ne les maintient jamais en vie plus de quelques heures. Une fois les supplices prodigués et le sujet moribond, Dolly offre un baisé à la dépouille avant de s'en débarrasser quelque part dans la jungle, ou les mets parfois en terre, quand il ne craint pas d'être pris sur le fait et qu'il a particulièrement aimé l'animal décédé.
Il est plutôt fier de ses progrès continuels en matière de torture.

~Dolly parle seul, la nuit, dans des endroits du camp. Parfois en lisière de la jungle. Là où il enterre les animaux qu'il tue.
Il leur donne des noms et s'adresse mentalement à eux, pendant la journée.

~Dolly vouvoie ses interlocuteurs. Sugar l'a éduqué comme une Dame du monde ; et les Grandes Dames ne parlent qu'à la deuxième personne du pluriel, tout le monde sait ça, si possible en employant quelques mots de Français.

~La Duchesse a une véritable garde-robe, un service à thé, et tout ce que Sugar a jugé bon de lui offrir, pour aller au bout de cette illusion ridicule, trop convaincante pourtant, qui a valut son prénom à Dolly. La pantonyme se poursuit donc, toujours plus excessive.
En sus, il n'est pas rare que la Praline s'essaie à quelques fantaisies sur lui, le maquillant à outrance, dénichant tant bien que mal, avec une imagination débordante et bien mal employée, de quoi peinturlurer son visage avec application. En bonne tête à coiffer, Dolly se laisse manœuvrer sans mot dire, que ce soit de l'éducation que Sugar lui inculque, ou de son apparence qui évolue au gré des envies de la Mère attentive. Rouge-à-lèvres de baies un jour, paupières fardées un autre, oreilles percées de bijoux artisanaux, créations vestimentaires lugubres, mal cousues avec toute la bonne volonté du monde. Ainsi n'est-il pas rare que, malgré son surnom de Duchesse, Dolly soit habillé de manière plutôt douteuse, voir totalement en décalage avec le titre moqueur qu'on lui a décerné. Et tout cela ne fait bien sûr qu'accentuer son ridicule. Princesse Dolly mal fagoté a vite fait de ressembler à une Dame déchue de ses grâces. La Duchesse prend alors des airs de ribaude ou de souillon déguisée.
Bien heureusement -ou pas... ?-, Dolly possède également de véritables jolies robes... Quelques-une tout de moins, quand il n'a pas pris la fantaisie à Sugar d'y ajouter sa touche personnelle.
Sa préférée est écarlate. Bien entendu.

~Vous serez sans aucun doute surpris d'apprendre que Dolly a quelques talents cachés. Il sait plus ou moins s'occuper des plaies, bleus et cicatrices. Il a même appris à recoudre une blessure. Des aptitudes qu'il doit à son ancienne vie, cela va de soit...
Du reste, il reprise à merveille. Dolly sait coudre et tricoter, ce qui fait de lui un raccommodeur dans l'âme... Mais il appartient cependant à Sugar, et ne la quitterait pour rien au monde.
Enfin... Presque rien, peut-être.

~Dolly n'en a pas l'air, mais il est dur au mal. Derrière son apparente faiblesse, il cache non seulement une grande résistance à la douleur, qui était le pain quotidien de sa vie dans l'autre monde, mais également une forme d’évanescence morbide qui lui permet d'échapper à son corps. Il est capable d'encaisser des coups violents sans s'évanouir et de faire abstraction de ses blessures tant que cela s'avère nécessaire.
Mais il se met à trembler dés qu'on approche de lui avec des intentions malveillantes et pleure exagérément au moindre contact blessant. Simple tactique : avoir l'air pitoyable, donner satisfaction à l'agresseur, paraître faible. Et faire du bruit pour attirer l'attention d'un éventuel allié, quand bien même il ne croit plus en l'aide d'autrui depuis longtemps déjà.
Le problème majeure de cette manière de procéder étant qu'elle ne le protège ni des mots, ni de son propre esprit. Car tandis qu'il offre le spectacle misérable de sa vulnérabilité, Dolly crève en lui même de se sentir si écoeurant de faiblesse.

~Doly possède un nom gravé à même la chair de son ventre, au-dessus du nombril. Un nom qui ne s'efface pas, ne s'effacera jamais : Lola. Malgré tout, la Duchesse a oublié qui désigne ce nom... Sans doute car il n'avait aucune envie de s'en souvenir.

~Dolly a une voix douce et distinguée. Il parle bas, murmure d'un ton brisé. Parfois, sa voix de velours prend des intonations rauques.

~Il semble un peu petit pour son âge, avoisinant le mètre soixante pour cinquante kilos tout mouillé, difficilement maintenus.
-Dolly a une apparence androgyne, même sans forcer le trait avec du maquillage. Néanmoins, il n'est pas aussi mou qu'il en a l'air, et derrière ses robes se cache un corps sec, un corps d'adolescent qui commence à changer. En fait, quelques poils ont même fait leur apparition sur sa poitrine, notamment autour de ses tétons... Dolly fait du mieux qu'il peut pour les cacher, afin que Sugar ne soit pas tenter de l'épiler- ce qu'elle s'est déjà mis en devoir de faire avec le reste de son corps.
-Teint olivâtre.
-Yeux bleus presque noirs. Grain de beauté sous l’œil droit, des cils épais. Enclin aux cernes, origines méditerranéennes obligent...
-Ses cheveux bruns ne sont pas naturellement bouclés. En réalité, ils n'affectent que de légères ondulations, certaines mèches étant même parfaitement lisses : c'est Sugar qui calamistre soigneusement ses cheveux. Ils lui descendent jusqu'entre les omoplates quand ils ne foisonnent pas d'anglaises tourbillonnantes.
-Mains fines, poignets veineux.
-Pieds longs et fins, aux tendons très marqués. Il a tendance à partir vers la gauche quand il marche.
-Côtes apparentes, nombril parfaitement rond et profond. Tétons larges.
-Petites oreilles, très ciselées.
-Silhouette androgyne, fine, étroite.

~Dolly tremble beaucoup et semble constamment inquiet. Mais si vous scruter suffisamment ses yeux, vous y lirez une envie dévorante.
+ Hoquette beaucoup.

~Dolly est très observateur. Il emmagasine beaucoup de connaissances, qui, sans nul doute, lui serviront un jour ou l'autre. Probablement pour le pire.

~Dolly sait confectionner des poupées en chiffons, en tissus, avec des morceaux de bois parfois. Auparavant, elles lui suffisaient à décharger sa frustration... Avant qu'il ne découvre que torturer des animaux était bien plus intense, libérateur... Et gratifiant.

~Dolly est sexué. Beaucoup trop pour son propre bien ; et celui des autres enfants. Il n'a pas d'orientation définie, étant "attiré" ( pour ne pas dire obsédé, psychologiquement parlant ) et trivialement excité par les figures d'autorité, les gens possédant du pouvoir et de l'influence. Mâle ou femelle, peu lui importe : c'est le pouvoir qui crée de l'envie en lui.
Quand bien même cette envie bestiale se teinte d'un désir malsain de vampiriser l'objet de l'attraction, de le dévorer, de remplacer sa substance par la sienne.
Note : Dolly a néanmoins quelques problèmes avec la gent féminine. Elle l'intimide à tel point qu'il serait probablement incapable d'agir sexuellement autrement que par le voyeurisme ou par le viol.
Les hommes le dégouttent autant qu'ils l'attirent ( plus par effet de transposition : il aimerait posséder leur corps, être dans leur peau ), mais il serait probablement incapable de se mettre dans une position autre que celle de la soumission, à moins d'avoir le sentiment qu'il peut les dominer physiquement.


~La Duchesse est encline à des pulsions morbides.

~Dolly adore les bannissements. S'il ne portait pas de robe à ces occasions ( comme à toutes autres ), tout le monde pourrait voir à quel point il savoure en effet le spectacle.
Bien heureusement, dans ses habits, toute manifestation évidente d'excitation de ce type passe inaperçue.

~Soyez certain que Dolly se réjouit toujours du malheur des autres. Il se sent moins seul ainsi. Moins misérable aussi.

~Dolly est en réalité monstrueusement influençable. C'est ce trait de caractère qui déterminera le chemin qu'il va suivre : celui d'un avenir où l'espoir tremblote avec un doux sourire, ou une route sanglante sur laquelle s'épanouira le monstre à l'intérieur de lui.



I can't escape this hell...

Comment vis-tu ton séjour à Never Never Land ? Que représente ce lieu pour toi ?
Neverland était une autre chance ! Enfin, probablement. Dolly ne s'en souvient pas.
A son arrivée ici, l'enfant ne parlait pas. En fait, il a sombré dans le mutisme assez longtemps pour qu'on lui accorde les surnoms de "Muet" et "Bouche-cousue", avant que ne lui échoie le "DD" actuel, un peu moqueur peut-être, mais moins anonyme. Cependant, très vite, Sugar l'a pris en charge pour en faire sa poupée, trouvant ce qu'il cherchait dans ses grands yeux vides, appréciant sa jolie tenue de petite fille, cachant des attributs masculins qu'on ne découvrirait que plus tard, dans un mouvement de surprise général ; vite suivis d'un moment de gêne, puis de raillerie. Quant à son intégration au sein des récolteurs, elle se fit toute naturellement, puisque Dolly semblait incapable de faire quoique ce soit d'autre que d'avoir l'air perdu ; on se dit qu'il pourrait au moins servir de porteur, au sein de ce groupe de bras cassés. Exécutant le relais entre le camp et les enfants occupés à farfouiller dans le sous-bois. Très lentement au départ.
Quoiqu'il en soit, cela se révéla un choix fort judicieux, puisqu'il apparu bientôt que Dolly partageait plus d'un point commun avec Sugar, des singularités qui ne manqueraient pas de les rapprocher... Bien qu'au départ, il n'ait pas fais montre de plus de réactivité qu'un pantin bourré de coton, se contentant de rester hébété aux côtés de sa Mère, répondant à sa douceur par une docilité bovine, apaisé par cet étau de tendresse tyrannique.
Mais les choses étant ce qu'elles sont ici, Dolly a dû bouger pour vivre, d'abord mécaniquement, exécutant sa part de tâches quotidiennes sans y prêter d'attention, communiquant tant bien que mal, surtout avec les yeux. S'extrayant peu à peu de son cocon de cendres pour découvrir un monde nouveau, tandis que les souvenirs de l'ancien s'arrachaient à sa chair en y laissant des traces, de nouvelles cicatrices suintantes et bouillonnantes à l'intérieur de son crâne. Des zones marécageuses au sein de son esprit, où sa conscience risquait à tout moment de s'embourber, victime des feux-follets : réminiscences fugaces éclatant comme des pétards sous ses paupières nerveuses. Impossibles à saisir, mais suffisamment intenses pour le laisser pantelant.
Puis, le temps passant, Dolly a retrouvé l'intégrité de sa conscience et de son caractère, dans un petit silence interloqué, une doux sentiment de choc. Comme une grosse cuillère de sirop pour la toux enfournée dans la bouche lors d'une remontée de bile. Cela lui est passé.
Il a compris ce qu'était Neverland, quoique n'ayant aucune idée de ce qu'il faisait là ; acceptant qu'après tout, cela n'avait pas d'importance. L'Île est belle, après tout... Qu'en dire d'autre... ? Elle est fort peuplée. Foisonnante de vie même. Des milliers de petites vies vulnérables qui chancelaient tout autour de lui.
Merveilleux.
Il a dû réapprendre les noms des gens qui l'entouraient, retenir leurs fonctions. Très vite, Dolly s'est mis à craindre tout le monde, en comprenant qu'il était tout au bas de l'échelle. A craindre, et à envier... Étrangement, ces sentiments lui semblaient familiers. Il n'a eut aucun mal à renouer avec la peur, la haine, la jalousie. Alors, sous ses airs de princesse, Dolly a continué la transformation qui s'opérait en lui déjà dans l'autre monde. Il est devenu de plus en plus tordu, de plus en plus trouillard, urinant dans ses jupons sous le regard des autres, se révélant d'une cruauté méthodique une fois débarrassé de la présence d'autrui. Et bien qu'ici, il agisse à sa guise, le temps passe, passe, passe.
Dolly change, inéluctablement.
Comment Dolly vit son séjour à Neverland ? Mal. Terriblement mal. Mais bientôt, peut-être, la roue tournera t'elle...
Que représente cette île pour lui ? Une prison, un paradis. Il n'a pas fait son choix, n'y pense guère à vrai dire : c'est sa demeure, son enfer quotidien, l'endroit où il s'accorde quelques plaisirs coupables. Son monde, son univers, avec ses joies, ses peines. Surtout ses peines.
Nonobstant quoi, tout reste à faire. Après tout, Dolly n'a pas encore quitté les jupons de sa Mère... Mais sûrement devriez vous priez pour que ce jour ne vienne jamais, ou le plus tard possible. Dans l'ombre de Sugar, Dolly n'est pas dangereux, mais qui sait quel genre de Monstre se développera en boursouflures sanglantes, une fois abolie cette emprise maternelle ?

Regrettes-tu ta vie d'avant ? Voudrais-tu pouvoir retourner dans le monde ordinaire ? Si tu n'en as jamais connu d'autre, désirerais-tu une autre vie ? L'autre monde te fait-il envie ?
Dolly a oublié, comme tout le monde. Tant mieux d'ailleurs, pour lui et pour les autres.
Il ne se souvient pas pourquoi en arrivant à Neverland, serrant mollement la main de Peter, il était déjà habillé en petite fille. Il ne sait pas pourquoi son torse portait une blessure toute fraîche, encore humide, qui adhérait à ses vêtements comme une deuxième bouche à la succion paresseuse. Bien plus qu'un coup de couteau, un message qu'on avait écrit sur son ventre duveteux. Le nom d'une inconnue gravé à même sa chair, suintant au-dessus de son nombril des humeurs transparentes. Des cicatrices baveuses aux formes trop complexes.
Il ne sait pas non plus pourquoi les images qui lui sautent aux paupières certaines nuit ressemblent à des souvenirs plutôt qu'à de simples assemblages chaotiques de son cerveau malade. Comment se peut-il qu'il fasse la différence ? Et pourtant, il la fait. En sanglotant, doucement, dans la nuit paisible.
Il ne sait pas pourquoi la peur le poursuit quoiqu'il fasse. Ni pourquoi il se sent toujours mal, pourquoi l'envie lui lacère les entrailles comme une bouche à l'intérieur du ventre, l'empêchant de seulement apprécier quelqu'un d'autre sans vouloir lui arracher son bonheur, s'emparer de ses talents. Jamais d'admiration sans désir de piller, de détruire, de dévorer les vertus de l'autre. Dolly veut vous crever, soyez en sûr. Plus il vous admire, plus il souhaite votre mort.
Il n'a aucune idée des raisons qui le poussent à se laisser faire quand des garçons le poussent, ni de celles qui lui donnent de si violentes envies de s'en prendre aux plus faibles ensuite, comme une revanche peut-être, mais trop grande pour s'expliquer seulement par les sévices de quelques gosses moqueurs. Une chose, une seule, est certaine à ses yeux : l'autre monde est responsable de tous ses maux. Dolly aurait pu être heureux ici... Si même l'oublie n'avait pas suffit à le guérir. Mais il y a des choses que Peter n'a pas pu lui enlever. Des choses qui vivent encore en lui, dans l'ombre, et qui remontent parfois dans l'abîme du sommeil, gravissant les parois de son crâne à la manière des araignées, et vomissant des images syncopées à sa gueule endormie, des morceaux d'un puzzle plein de cris et de larmes. Comme les éclats d'un miroir entaillant les veinules de ses paupières, provoquant dans la nuit des hémorragies qui lui laissent au matin les yeux humides et tout collés. Les cils entremêlés, perlant de rosée.
Dolly a les paupières salées. Ses cernes délicates ressemblent à des tranchées où s'éparpillent ses larmes, où viennent mourir ses songes chaotiques. Des tranchées creusées sous ses yeux, sous les miroirs déformants de son âme pétroleuse.
Dolly déteste l'autre monde. L'autre monde l'a fracassé, l'autre monde a fait de lui une poupée, bien avant que Sugar ne fasse virevolter ses mains autour de son visage pour le poudrer, le coiffer, lui percer les oreilles, ripolinant son androgynie méditerranéenne avec une joie candide. Et tout du moins, Sugar l'aime t'il... Oui, Sugar, est tendre, si gentil avec lui... Dolly n'est pas heureux, mais l'île vaut la peine qu'il s'y attarde, car ici, quelqu'un l'aime. C'est déjà tellement plus que ce qu'il avait auparavant. Il en est certain. Obscurément certain.
Mais s'il pouvait avoir une autre vie, il aimerait celle de Peter. Il voudrait être Peter et diriger les autres enfants, les faire danser, et les punir. A sa guise, à sa convenance, d'un seul geste emprunt d'intensité.
Oui, il voudrait, pour une fois, ne plus être une poupée, et que les autres s’inclinent à son passage, qu'ils lui témoignent du respect. Pouvoir châtier les méchants garçons. Tous les enfants moqueurs et cruels. Les fouetter avec des ronces, leur écrabouiller le visage, leur découper les doigts, le bout du nez, tirer sur leurs parties intimes et le leur flageller ; pourquoi se croient-ils être meilleurs que lui, hein ?! Si dominants !, si mâles ! Dans ses spasmes morbides, il rêve de les envoyer plus bas que terre, de les castrer lui même avec des instruments tranchants, parfois, quand la rage est trop forte, avec ses propres dents.
Regardez, vous aussi vous êtes des filles. Vous êtes tous des filles, je suis plus garçon que vous. Et leur montrer. Leur faire sentir.
Oui, dans une autre vie, Dolly aimerait avoir le pouvoir de punir. Il hoquette en y pensant, tremble d'anticipation, de plaisir. Il se sent tout bizarre, tout humide, tout craquant. Tout gorgé, au bord de l'explosion. Tout chaud et palpitant. C'est un rêve tout simple qui lui fait du bien, qui lui colore les lèvres d'un sourire timide.
Autrement, il ne retournerait pour rien au monde de là où Peter l'a tiré.
Le monde où il a tué Lola.

Comment vois-tu Peter Pan ? Quels sont tes sentiments envers lui ? A l'inverse, que ressens-tu pour le capitaine Hook ?
Ô Peter... Dolly envie Peter. Dolly envie tout le monde, mais celui-là, cet enfant roi, il le jalouse plus que tout autre. Il rit tellement. Il vole si haut. Et il est beau, si beau... Il cabriole, charmant, il étincelle, brillant, brûlant, poudroyant dans les airs comme une étoile de sucre glace. C'est une comète. Un astre guide. Peter a du charisme.
Peter est le chef. Dolly aimerait être le chef, lui aussi. Il aimerait porter la peau et les habits de Peter, pouvoir prendre sa place comme si de rien n'était, devenir Peter en se glissant dans son corps, peut-être, oui, comme dans un costume un peu collant.... Il voudrait que Peter adhère à sa chair, lui serve de vêtement. Parfois, il voudrait au moins être à côté de lui, tout à côté. Vraiment tout proche. Pouvoir rayonner dans la gloire de Peter, rien qu'un peu. Savoir ce que ça fait, d'être un enfant roi, au moins par procuration. L'apprendre en l'écoutant respirer, en étudiant ses expressions au millimètre prêt.
Sentir le corps vibrant de Peter contre lui, le corps saint et rayonnant de Peter. Dolly voudrait. Dolly rougit quand il y pense, balbutie face au Chef. Il est jaloux, il voudrait mettre Peter à terre et le rouer de coups, lui défoncer les côtes à coups de bâtons et lui cracher dans les yeux. Et en même temps, il voudrait que Peter l'accepte à ses côtés, sois gentil avec lui, le remarque et lui fasse des sourires. Mais il n'est pas assez important pour ça.
Il déteste Peter, il le hait, d'une rage semblable à l'éclosion incandescente d'une graine d'obus aux pétales de shrapnels. Il l’idolâtre pourtant, tremble en face de lui, fébrile, pisseux, servile. Il chouine presque, gémit de peur et d'excitation. Pitoyable et obscène, crevant d'angoisse et de jalousie. Un jour... Un jour il aura ce qu'a Peter, ou il aura Peter lui même.
C'est ce que veut Dolly quand il pense à son Chef. Désespérément.

Hook, c'est autre chose. Hook est adulte, Hook est sale. Les hommes, les hommes avec des poils, de la barbe, les hommes qui sont formés, si grands, si forts. Leurs larges mains, leurs tendons puissants, leurs doigts épais qui tambourinent. Sur son dos, sur sa joue. Leur haleine dans son cou, leur odeur musquée se mêlant à la sienne. Leur tisonnier brûlant au fond de ses entrailles, leurs suintements amères sur sa langue. Ils ont des corps intimidants, des corps qui blessent. Comme les pirates.
Dolly les craint, les vénère, les abhorre. Ils ont tout, ils dominent, ils possèdent par la force. Les hommes le terrifient.
Entre leurs bras, il est de cire, de marbre, de porcelaine et de velours. Il fond, dégouline, abdique dans un bruit morveux, dans un relâchement humide, un abandon pétrifié. Son cœur crisse, sa chair craque, se déchire comme du parchemin, son corps saigne, immobile. Et ses mains d'enfant font des danses obscènes, des gestes d'hétaïre. Les charmes androgynes de l'enfance vendus aux plus offrants ; Dolly a oublié. Mais pas son corps, pas sa chair. Son corps se soumet encore, par automatisme, mouvement d'abdication incontrôlable, un geste de survie.
Faîtes que ça passe vite. S'il te plaît maman, dis lui d'aller plus vite. S'il te plaît, s'il te plaît, s'il te plaît.
Hook est un monstre, comme tous les hommes. Tout son équipage terrifie Dolly. Une peur blanche qui le tétanise, le pétrifie sur place.




Don't mess with me
I'll shoot you down



<< Moi aussi un jour je serais capable de voler. Je pourrais faire comme Peter, non je serai Peter. Je vais extirper de ses entrailles la mécanique fabuleuse qui lui permet de voler, je vais la lui prendre et la mettre à l'intérieur de moi en le laissant s'écraser par terre. Alors moi aussi je pourrai rire en survolant son corps brisé. Je lui jetterai des fruits pourris.
Ou bien j'irai au-dedans de Peter, je me cacherai dans son ventre et je commencerai à le dévorer lentement de l'intérieur pour avoir le temps de l'étudier, de comprendre la manière qu'il a d'être LE Chef. Et j'apprendrai si bien que je pourrais faire bonne impression, je pourrais faire illusion. Ils y croiront...
Mais peut-être que c'est trop ambitieux. Peut-être que je ne pourrais pas, peut-être... choisir quelqu'un d'autre... mais qui, hein, qui vaille la peine ? n'importe qui, pas moi... comme quoi... je pourrai....
Le chambellan par exemple. Ce serait plus facile peut-être d'apprendre à être lui ? Je pourrais faire illusion un temps, il a de longs cheveux, je pourrais faire comme si j'étais lui avec ses cheveux, je pourrais m'envelopper à l'intérieur et prendre son odeur, et son sourire, et sa courbure de dos... et je marcherai... comme ça... en clopinant.
.....
....
....
Je le fais plutôt bien hein ? Mais tu ne peux pas vraiment t'en rendre compte. C'est parce-que je porte déjà mon propre costume, il réduit la qualité de mon imitation. Et il adhère ma chair, il se fond à ma peau, il fait partie de mon corps comme une membrane bizarre. C'est mon costume... qui se nourrit de moi... qui m'absorbe... puis il finira par me digérer... et je serais Dolly pour toujours, je ne pourrai pas changer de nom, je n'existerai plus, dissous, étouffé, je ne sais même pas comment ça se passera. Mais je serais encore la poupée de Maman.
Je sais qu'Elle m'aime. Moi aussi je l'aime. Je crois que je pourrais faire des choses vraiment incroyables pour Elle, si Elle me demandait... je pourrai vraiment, pour de vrai, je n'aurai pas peur... mais elle ne m'apprend pas à être un vrai garçon, Elle m'apprend à devenir chaque jour, un peu plus à chaque heure, Dolly, Dolly, Dolly... je ne veux pas... je ne veux pas être Dolly... je veux être Peter, je veux être Fang, ou Scar... ou Bow... je veux diriger moi aussi. Et je veux être un garçon, je sais que j'en étais un avant. Je peux redevenir un garçon, pas vrai ? Il suffit de vouloir... je dois continuer, et prendre ma revanche... et je redeviendrai un garçon... je ne suis pas une fille, je ne me sens pas comme ça. Mais peut-être que je ne sais tout simplement pas que je me sens comme ça, alors qu'en fait, si. Et alors ils ont raison quand ils se moquent, quand ils me frappent, quand ils me poussent. Ils ont raison de me cracher dessus et de me jeter des objets, des fruits, des pierres.De me jeter leurs yeux, leurs mots, leurs mains.
Parce-que je suis tout en bas de l'échelle, parce-que je ne suis pas digne d'être aimé... et je dois leur prouver... mais je ne peux pas tant que je suis moi, je ne peux pas faire ça en étant moi même... c'est pour ça que je dois... Peter, Peter...
C'EST POUR CA QUE JE DOIS TENIR ASSEZ LONGTEMPS POUR QU'ILS ME VOIENT. C'EST POUR CA QUE JE DOIS CONTINUER. PARCE-QUE J'AI UNE PORTE DE SORTIE. J'AI UNE PORTE DE SORTIE DE MA VIE ET CE N'EST PAS LA MORT. NON NON NON
La mort, c'est pour les autres. C'est ce qui les attendra quand je n'aurai plus le costume de Maman, quand j'aurai le pouvoir... quand je pourrai leur montrer que je suis un garçon, que moi aussi je suis fort... et je leur montrerai, je leur mettrai mes couilles poilues sur le visage et je les ferai glisser de leur front à leur bouche, et je leur pisserai dessus et je leur ferai manger leurs déjections et je les forcerai à vomir pour qu'ils se les repassent tous de bouche en bouche... et ce sera moi le Chef, ce sera moi le plus beau, le plus fort, le plus craint...
Et j'enfilerai leur peau à tous. Je me sentirais enfin bien. J'aurais découvert ce qu'il y a sous mon costume, sous Dolly. Ce ne sera pas un enfant faible qui fuit les yeux des autres... ce sera Peter, Fang, Bow. Ce sera le plus fort et le plus respecté de tous les petits garçons, un mélange de tous les garçons qui commandent, la quintessence, le pied...
Il ne faudra pas qu'ils puissent faire mieux. Je devrai tous les tuer. Tous les petits garçons porteront des robes, toutes les petites filles seront gentilles avec moi... j'aurais toutes les Mamans pour moi, et elles m'aimeront comme elles aiment Peter, même si parfois il est méchant avec elles... c'est lui qui commande, il a le droit d'être méchant et aimé en même temps... moi non, mais ça viendra...
Et ça aura été un peu grâce à toi. Parce-que ça me fait du bien de pouvoir te parler. Tu m'aides à aller mieux... sans toi je serai tellement seul, tellement seul... Maman n'écoute pas vraiment, Maman ne veut pas savoir, je dois rester sa poupée... mais toi ça t'es égale, hein ? Tu n'as rien d'autre à faire que de m'écouter... je pourrai t'aimer si tu n'étais pas aussi pathétique, mais tu ne vaux rien, je m'en fous que tu sois gentil avec moi, ta gentillesse elle n'a aucune valeur. Tu es en-dessous de moi, en dessous-de moi. Tu ne peux même pas me haïr. C'est que tu es pire qu'un cafard écrasé ! Tu te rends compte ? Je suis mieux. Je suis mieux, et tu es forcé de m'écouter alors que je ne t'aime même pas...
Je reviendrai demain soir et tu m'écouteras encore et je ne te dirai même pas merci. Et tu sais quoi ? Et ben j'espère que ça te fait mal, que au-delà de tout, ça peut encore te faire du mal. Parce-que moi j'ai tout le temps mal. J'en ai marre de ne pas lire la douleur dans les yeux des autres. J'en ai marre de les voir heureux. Il n'y a que pendant les bannissements que je me sens comme les autres... on devient tous aussi bêtes et bruyants, ça fait du bien, du bien... si je pouvais le bannir moi même oooh, comme ce serait cool si je pouvais... les renvoyer avec mes propres mots... Bow doit tellement aimer, moi j'aimerai beaucoup, plus, plus...
Peut-être que la prochaine fois que je viendrai il y aura du progrès. Peut-être que ça ira mieux. A bientôt, Misael.
Et surtout ne bouge pas...



Et l'enfant se détache de la lisière des bois, frémissant dans un gloussement haché. Son ombre mafflue sur le théâtre immobile et grinçant de la jungle. Il fait quelques pas, froufrous dans la broussaille, puis se retourne. Ses doigts graciles soulèvent les jupes, une main se glisse dessous les robes.
La culotte de petite fille glisse le long de ses jambes épilées. Quelqu'un l'a ramené de la plage, elle vient de l'autre monde. Sugar a insisté pour le lui enfiler. Il l'a fait.
Elle repose autour de ses pieds comme une mue ridicule dont la chute a révélé son véritable sexe. Le sexe que Dolly tient dans sa main, en face du sous-bois ténébreux.
Un jet d'urine fend l'air nocturne. S'écrase.
Sur la dépouille froissée de l'animal. Perle dans son pelage encroûté. L'urine éclabousse ses petits yeux noirs et vides, humidifie sa bouche ouverte dans laquelle s'activent déjà des insectes. Sa langue semble à nouveau vivante ; mais il fait nuit, Dolly ne peut pas la voir. Il aurait sûrement apprécier le spectacle.
Amusant, aurait-il pensé en reniflant du nez.
Une fois le flot taris, la Duchesse remonte la culotte le long de ses jambes, laisse retomber les robes. Elle ressemble à nouveau à une jolie petite fille. Une petite fille espiègle au sourire éclatant, aux yeux brillants de vie.
Dolly s'éloigne dans la nuit. Plus la distance entre lui et le corps se creuse, plus ses lèvres retombent.
Quand enfin il se couche à nouveau parmi les autres enfants, ses grands yeux noirs sont aussi vides que le fond d'un puits à sec.
01-02-2017 à 21:35:07
Pavel Daliboric
Bad time breaking up my lifeline...


° Nom, surnom : Pavel Dražo Fedor Daliboric. On l'appelle Pavel, ou on ne l'appelle pas ; ni surnoms affectueux, ni boutades amicales pour désigner le gamin. Seulement la certitude qu'il répondra toujours, de sa voix douce et grave, comme s'il était constamment là, quelque part, à attendre en silence qu'on daigne l'interpeller. Existence en sursis en bordure du regard, à la lisière du monde. C'est dans le domaine du coin de l’œil que Pavel persiste à exister, perpétuant les gesticulations ineptes de sa danse mécanique qui semble s'enrayer pour devenir chaque jour un peu plus laborieuse...( Phonétiquement : Pavel Drajo Fédor Daliborits )
° Âge : 19 cycles ; deux de trop au compteur, de l'avis du principal concerné. Si ce n'est toute une vie en surplus pour ses épaules tombantes.
° Milieu d'origine : Pavel est né dans un petit village au milieu des broussailles, une de ces tumeurs à la sanie humaine qui boursouflent la campagne Niwole d'un enchevêtrement de poutres pourrissantes et de clôtures branlantes. Une de ces minuscules communautés d'humains paranoïaques cernées par le brouillard, qui finissent bien souvent par s'éteindre dans l'indifférence la plus totale, sans qu'on sache bien comment, quand on ne préfère pas le taire...
Néanmoins, il a passé la majorité de sa vie entre Eastead et Ceaster, alternant les séjours au pensionnat et au sein de sa famille. Il vit désormais dans le tumulte crasseux du Bidonville, quoiqu'allant parfois retrouver ses proches à Easted à intervalles plus ou moins réguliers.
° Métier/Caste : Officiellement ferrailleur à temps plein, occasionnellement artisan éclectique, et officieusement dealer de drogues diverses ou de médicaments ; ce qui revient au même. Pour joindre les deux bouts, Pavel ne peut pas se contenter d'une seule corde à son arc, et tous les moyens sont bon pour mettre un peu de beurre dans sa manne... Même les plus frauduleux.
° Groupe : Survivaliste proche du milieu Anarchiste, bien qu'en retrait de ce dernier ( et de la vie ) depuis la disparition de Deryn.


Caractéristiques

° Influence : 1
? Description de l'influence :
Pavel ? Bien peu de gens seraient en mesure de vous le pointer du doigt. Même ses voisins le connaissent à peine. Il y a chez lui trop peu d'éclat pour qu'on le remarque, pour que les yeux s'arrêtent sur son visage blafard ; entortillé dans une once de silence dont il s'est fait une cape, le maigriot ballant est l'exemple parfait d'une personne oubliable, d'une présence oscillante fortement dispensable. Seul un cercle très fermé de gens, qu'il a connu pour la plupart avant ses dix sept ans, prennent en compte son existence précaire. Quant à ceux qui arrivent à gratter jusque sous l’expression impavide de son masque de plâtre, au risque de s'y briser les ongles en échardes sanglantes, ils se comptent sur les doigts d'une seule main. Et mutilée la main. Tronquée, noueuse, et un peu morte.

Pavel n'est pas de ceux qui brillent en société ; qui brillent tout court à vrai dire. Il scintille vaguement, en marge, dans une phosphorescence spectrale, lugubre sémillance semblable à une tâche d'éblouissement persistant sur la cornée. Il paraît mettre un point d'honneur à devenir invisible.

Mais il se prend parfois à envier les lumières des autres, à vouloir les éteindre ou les conduire sur lui. Car ces lumières, si lointaines et si vives, le plongent dans l'ombre, l'ombre croupie où il végète ; par son propre effort, certes, mais il est plus suave d'incriminer autrui. Et si une part de lui exulte de crever à petits feux, se félicite des souffrances qui les rongent, une autre enrage honteusement de se vouloir vivante... Vivante à nouveau, malgré le Manque. L'Absence. Ce trou béant que Pavel s'interdit de combler, cette plaie au cœur qu'il refuse d'oublier. Qu'il garde fraîche et douloureuse, par fidélité autant que par culpabilité.

Il n'en a pas la mise, mais Pavel est une veuve. Une veuve à laquelle on a interdit le deuil.

° Richesse : 1
° Description de la richesse :
Pavel est pauvre. Sa situation est au mieux précaire et au pire désolante. Il peine à se défaire d'un bourbier financier qui semble sans cesse prendre un peu plus d'ampleur, et n'arrive à survivre qu'en raison de ses sources de revenus illégales, ainsi qu'au soutient occasionnel de sa famille, bien qu'il évite au possible de réclamer son aide. Il n'a aucun intérêt pour le prestige sociale, ne réclamant rien de plus que de mener une vaine et morne petite vie modeste. A vrai dire, il en demande même moins : Pavel se contente du minimum pour survivre, et il n'est de toute manière pas en état de désirer plus que cela. L'avancée de son anomalie le pousse à prendre de plus en plus de distance avec le monde matériel, parfois de façon scabreuse. Pavel trouve une complaisance atroce à la médiocrité dans laquelle il a confiné sa minable existence.

° Gruge : 2
° Description de la gruge :
Pavel est un piètre criminel. Une petite frappe, rien de plus. Il revend quelques objets volés, deale des médicaments, des drogues et des informations... Ses oreilles traînent, ses mains frôlent et saisissent ; c'est une des petites souris industrieuses qui apportent leur contribution à la pègre Niwole, grain par grain. Il n'est pas reconnu dans le milieu, ni en dehors d'ailleurs, et ne doit son intégration marginale qu'à Deryn, dont il a récupéré certains contacts. Ses convictions ayant déteintes sur Pavel, ce dernier est plutôt favorable à tout ce qui peut déstabiliser le pouvoir en place, et il voit d'un œil neutre, voir bienveillant, la plupart des criminels mineurs. Il rêve en secret d'une révolution qui permettrait un remaniement complet de la société, et probablement n'hésiterait-il pas une seconde à s'engager dans un mouvement anarchiste... S'il n'était pas si foutrement apathique depuis la disparition de Deryn.

Dans l'état actuel des choses, Pavel n'est qu'un observateur plus ou moins passif. Un observateur dangereusement favorable à des idées obscures, et on ne peut plus familier des méandres sulfureux du quartier rouge... Mais culpabilisant néanmoins de contrebander des médicaments, en raison de son passif familiale, un de ses jeunes frères étant décédé lors la pénurie du cycle 64. Une tragédie qui a sonné le glas de sa famille, dont l'inexorable délitement a commencé en ce jour funeste de deuil. Un sentiment de honte le pourchasse à l'idée qu'il a pris la place des meurtriers indirects d'un de ses frères. Mais face aux cris du ventre et aux besoins primaires, les scrupules ont vite tendance à se faire plus discrets.

Parfois, quand il se sent trop seul et qu'une rentrée d'argent commence à se faire pressante, Pavel tapine un peu, sort des vieux bas résilles, un masque de Deryn pour se donner de la force, enfile quelques vêtements savamment déchirés, ripolinant ses yeux et accentuant ses courbes- ce qu'il en reste du moins, rien que des vrilles osseuses. Il va étaler les grâces sans joie de son corps méandreux dans les lieux de débauche, sans pour autant toujours attirer des clients. Catin lugubre et solitaire figée dans un coin sombre, prisonnière d'un érotisme passé, soufflé, dont ne persistent que des braises mourantes donnant à son profil un air désespéré. Qui voudrait embrasser une bouche remplis de bile ?

Ces soirs où même le désir bestiale et immédiat des hommes lui est refusé, Pavel se sent plus abandonné et plus con que jamais. Lors de ces soirées là, le garçon de calcaire s'en va quêter un peu de réconfort au milieu de la houle des concerts clandestins, titubant dans la foule et se laissant porté par ses trémulations. Quand il va au plus mal, la musique a le don de le plonger en transe, de relaxer ses nerfs sans cesse effilochés... Et si la musique ne vient pas calmer les remous de sa conscience, un peu de Pav' s'en chargera sans doute.

( Et puis parfois, Pavel bouffe de la viande de chat. Achetée sur le marché noir. Merciiiiii Fâââââne. )
( Il vend illégalement quelques ouvrages artisanaux qu'il réalise lui même aux gens du Bidonville : bibelots, jouets, ustensiles... Certains de bonne facture, d'autres assez médiocres. )

° Don : 1
? Description du don : Medium -

A chercher Deryn envers les interdits, à traquer vainement ses traces évanescentes, les reliquats désagrégés de sa présence, Pavel a finis par se perdre également. Mais la Brume l'a marqué puis rendu à ses proches, en lui abandonnant un présent ironique. Un don altruiste qui semble confiner à la mauvaise blague.

Pavel possède la faculté de retrouver les choses perdues. Non seulement des objets égarés ou des gens disparus, mais aussi des souvenirs, des états d'âme, jusqu'à des sensations. Son Don lui permet d'évoluer dans un monde de fantômes, de côtoyer au plus près le passé, et d'en rapporter des spectres percutants. Retrouver les circonvolutions extatiques d'un trip sans consommer aucune drogue ? Possible. Avoir un sentiment de satiété sans avoir à se nourrir ? Dangereux. Mais possible également, comme beaucoup d'autres choses. Les caresses d'un amant, l'odeur évanouie d'une mère, un bonheur simple de l'enfance... Pavel est en mesure de ressusciter tous ces moments perdus. Mais toute chose a un prix, et à vouloir vivre au milieu des fantômes, à invoquer des spectres, on en vient facilement à glisser dans leur monde. Pavel s'éparpille dans le passé des autres, et le sien en profite pour gagner du terrain. Alors doucement, sous son masque de plâtre, Pavel se racornit, se dessèche lascivement comme une momie juvénile. Sa peau se fait plus fine, s’effeuille imperceptiblement, sa pilosité tend à devenir plus claire, toutes ses couleurs se diluent dans une inondation de pâleur morbide. Les rongeurs qui dérivent sur sa peau n'en sont que plus violentes, mais même elles s'atténuent, s’essoufflent tout doucement. La peau tendre du dessous de ses ongles devient blanche et quelque uns de ces cils ont viré au blond pâle. Jusqu'aux marbrures de sa langue qui sont déjà moins vives.

Si Pavel s'offre trop à son Don de Medium, il finira par devenir d'une blancheur d'albâtre... Ou peut-être même ira t'il jusqu'à la transparence. Sa chair est en sursis. La désagrégation des couleurs et des formes en guette déjà les frugales délices.


Pour le moment, il n'a que l'intuition du Don. Mais il n'a pas osé, au cours de ces deux ans, réellement user de ce nouveau pouvoir. C'est pourtant là, lové dans ses entrailles, léchant son ossature, évoluant dans ses tripes et grimpant dans sa nuque, chuchotant dans son crâne d'interminables chants... Une brume intérieure qui pétrie ses organes, masse consciencieusement l'intérieur délicat de son ventre creusé. Quelque chose qui vit dans sa moelle, attendant un appel. Quel genre de Don est-ce là ? Pavel n'en a pas la moindre idée. Il n'a jamais été au bout de ses rituels entamés sous des pulsions subites. Ses mains ont toujours finis par se figer avant, les préparatifs empressés n'ont jamais été menés à terme, cessés brutalement dans un sursaut de conscience. Une réticence étrange qu'il ne s'explique pas, peut-être le reliquat de son instinct de survie ou de la répugnance commune aux non-dotés. Alors, le Don n'est qu'un fantôme de plus, un fantôme inconnu qui le hante et le trouble... Mais Pavel sait qu'un jour il osera s'aventurer sur ce terrain nouveau, à la découverte du Don.

Après tout, qu'il le veuille ou non, il est déjà marqué, déjà altéré par le cadeau de la Brume.

° Anomalie : 2
° Description de l'anomalie : Passéiste -

Et tout doucement, Pavel s'efface, comme un dessin sur le sable. Balayée, sa morne gueule taiseuse.
C'est d'abord son odeur qui s'est vu altérée, prenant les teintes langoureuses de la poussière et de la pourriture, en des tons très légers, mais néanmoins perceptibles. Un bouquet mortifère rappelant le tombeau, surpassant légèrement les fragrances de sa peau... Un changement très subtile, presque indiscernable.

Puis les couleurs se sont mise à ternir. Les siennes, chevillées à son corps, dans une lente débâcle de pâleur qui se poursuit encore, mais aussi celles du monde. Elles sont devenues moins vives à son œil éteint, ont perdu de leur éclat... Tandis que son corps continuait de maigrir, que ses os s'affinaient, devenaient de plus en plus courbes, comme une forme de glaise sous les mains d'un potier.

L'Anomalie abolit ses reliefs, anéantit ses angles. Déjà ses saillances semblent plus douces à voir, légèrement galvaudées en leur rugosité, déjà un léger flou s'installe autour de lui, escamotant son corps dans un mouvement infime. On a plus de mal qu'auparavant à repérer Pavel, et on oublie facilement sa présence. Sa silhouette, à la périphérie du regard, se défile plus volontiers dans les extrémités, aspirée par les perspectives fuyantes, ne devenant rapidement plus qu'une tâche d'aquarelle informe. Le maintenir dans son champ de vision demande un peu plus d'effort et de concentration. Et alors même que Pavel est de plus en plus délié, ses membres deviennent lourds, comme si des fils de plomb s'entortillaient subrepticement à l'arborescence délicate de ses nerfs. De plâtre et de fenton, il devient moins mobile. Pantin désynchrone à l'arrêt dans sa danse, peinant à faire bouger le tombeau de son corps. Cercueil de feutrine et de membranes mouillés disloqué par le Manque.
L'Anomalie le délite entre les bras du monde. A long terme, elle le rendra totalement flou, fera de son odeur complètement celle d'un mort. Ses yeux ne verront plus que du noir et du blanc. Et jusqu'à ses gestes qui deviendront plus lents, jusqu'à sa voix qui ne pourra plus se faire entendre que par des chuchotements. Communiquer deviendra une gageure.
Voir Pavel sous le masque mortuaire sera dés lors impossible, car à croupetons, il semblera prendre les gestes de personnes disparues. Puis leur visage. Et pour finir, leur voix.

Alors Pavel ne sera plus que l'incarnation oscillante de tous ces malheureux emportés par la brume. Un spectre polymorphe, le fantôme de chacun- le visage même du Manque.

Puis quand l'Anomalie aura terminé de creuser dans sa chair, de lui sucer la moelle et de gommer ses trais, les miroirs eux même se ligueront contre lui et renverront à ses iris blafardes le reflet de Deryn.

( Concrètement : > dégage une odeur de poussière ou de légère putrescence. Altération déjà présente, mais encore assez faiblement prononcée.
> perd la vision des couleurs. Un monde ternis qui deviendra à long terme noir et blanc. Altération déjà présente mais peu prononcée.
> Maigrit, perd en substance. Altération l'affectant déjà, moyennement avancée.
> Impression de lourdeur de plus en plus présente, ses gestes deviennent plus lents, lui demandent plus d'effort. Perd du souffle. Altération déjà présente qui commence tout juste à gagner du terrain.
> Voix moins puissante. Altération non présente pour le moment.
> Commence à perdre ses signes distinctifs. Altération déjà présente : moins d'expressivité, ses grains de beauté, tâches de rousseur, légères cicatrices et ses empreintes digitales commencent à s'effacer. Tout doucement.
> Perd du relief. Altération légèrement avancée.
> Devient flou. Altération légèrement avancée.
> Il ravive les souvenirs de personnes disparues, semble prendre leurs gestes, puis leur visage, et puis leur voix. Altération non présente pour le moment.
> Pavel voit Deryn dans les miroirs au lieu de son reflet. Altération inactive. )


Description


° Physique :

Une grâce étiolée confinant au morbide, une ossature branlante titubant dans le corps, dans le confort archaïque d'un écrin organique. S'échouant lugubrement aux frontières de la chair, imprimant ses reliefs en angles trop saillants ; la délicatesse inouïe d'un squelette jouant aux ombres chinoises derrière des voiles de chair. Linéaments nacrés sous la carne trop chiche, dévoyant le regard par leurs jeux affolants. Pétrie par les vents, rongée par les pluies, l'anatomie galvaudée des amants du passé...

Pavel n'est qu'une silhouette aux lignes fugitives, un gamin tout d'écume et de fils barbelés. Ses courbes sont féroces ; il se laisse dépérir depuis deux ans déjà. Le manque de Deryn se lit partout sur lui, dans les courbes sulfureuses d'une ossature qui flirte avec sa peau, dans les ravins satinés de ses joues, la profondeur lugubre de ses orbites caves, la grâce arrogante des clavicules déliées, tendues comme les barreaux d'une cage. On peut lire en braille l'absence de son amour, dans les nœuds de son corps, dans ses poignets veineux, dans les creux feutrés de son anatomie... Jusque sur les longueurs atones de son visage blafard. Un visage impassible fait de deux dimensions, aussi plat qu'une feuille de papier quasiment virginale, à peine mouchetée des giclures involontaires d'une plume tordue. Un visage où l'on n'a rien écris que des nuits d'insomnie, dans une calligraphie incohérente et vive ; dégoulinures encrières de cernes bleuitées, creusant de leurs doigts d'ombres à même ses pommettes blêmes, raclant sa chair cireuse jusqu'à l'ivoire de l'os.

Non, c'est un fait avéré, Pavel n'est pas très engageant. Pas très visible non plus.

Une taille modeste, des vêtements simples. Cheveux châtains mis-longs qui lui balaient le front, encadrent sans recherche la maigreur livide de ses trais impassibles. Serpentant sur sa nuque, gouapant à ses épaules. Rien que des couleurs ternes balancées sur sa gueule, gribouillés à la hâte sans soucis du détail. Une pâleur généralisée qui s'étend sur son corps comme un rideau de tulle, amoindrissant chaque amorce d'expression, prestement ravalée dans les tréfonds de la chair. Cachant les signes falots d'une personnalité.

Et pourtant, derrière le masque anonyme d'un garçon comme cent autres, des petites choses qui frappent.
D'abord l’immatériel, percutant, insidieux. La voix enroulée dans le tunnel cramoisi de sa gorge, plus grave qu'on ne s'y attendrait venant d'un môme chétif, un peu rauque et vrillante, le genre de voix qui crisse quand elle veut s'élancer pour tenir une syllabe, qui se brise en inflexions plaintives. Douce et dentelée à la fois, dotée d'un éraillement viscérale- et s'échouant en murmures aux frontières de sa bouche. Des lèvres de corail et deux dents du bonheur, des champs d'éphélides bourgeonnant sur son nez, grimpant sur les hauteurs de ses larges pommettes. Le tracé aérien d'une mâchoire androgyne, la blondeur subtile du pourtour de ses lèvres, épingles d'or semées dans le châtain d'une barbe qui s'esbigne parfois à grimper sur ses joues- avant qu'un rasoir n'abolisse à nouveau ce hérissement malvenu. Il en reste toujours un reliquat alentour des oreilles, survivances oubliées qui s'étoffent en halliers.

La finesse de sa peau aux méandres veineux, la longueur de son cou, l'étroitesse de sa taille... C'est un garçon de porcelaine facile à tuméfier. Si des doigts vagabonds s'aventuraient sur lui, ils pourraient jouer de la harpe tout à travers ses côtes, s'emparer sans plus de peine des saillances de ses hanches, compter les vertèbres enfouis jusqu'à l'échine et caresser sans résistance ses omoplates dansantes, des omoplates aiguës qui déchiquettent son dos, lui donnent des airs d'oiseau ; ils pourraient ces doigts là, défroisser les ombres qui s’accumulent dans ses profondes orbites, combler les tranchées de ses cernes tombantes, défaire les nœuds d'acier de ses muscles nerveux, déchirer son ventre doux et ferme, pénétrer la mécanique poussive de ses entrailles crissant au ralentis. Des mains baladeuses, conquérantes ou brutales, n'auraient aucun mal à posséder Pavel. Elles pourraient lui prodiguer, sans qu'il cherche à s'enfuir, autant de plaisirs coupables que de douleurs expiatrices. Et il resterait là, aussi facile à briser qu'une faïence, sanglotant dans un cas comme dans l'autre, dégueulant l'ectoplasme de son Manque affamé à travers les craquelures de son masque de plâtre. Ses yeux bleus flamboieraient sous la patine des larmes, érubescence étiolée aquarellant ses joues ; l'empourprement vient facilement au môme, sur le bout de son nez, à la pointe de ses coudes ou s'étalant comme du vin à travers sa poitrine. La moindre caresse fait se gorger de sang les fibres de son être anémié et errant.

Pavel n'est que poussières aux vents. Une nébuleuse de souffre et d'os réduits en cendres aux attraits mélancoliques, aux charmes taris. C'est un garçon calcaire d'une finesse accentuée par le manque, presque androgyne dans sa délicatesse. Ses jambes sont longues et minces, son corps est pâle et ferme ; il peut sembler imberbe au premier regard, mais tout n'est chez lui que blondeur subtile et duvet frémissant. Quand Pavel se glisse nu dans ses draps, seule la noirceur de son pubis contraste avec sa peau. Il faudrait s'approcher de sa pâleur phosphorescente pour déceler les poils fins qui grimpent le long de son ventre jusque sur sa poitrine, s'enroulent délicatement autour des bourgeons de ses tétons rosées, pour percevoir les nuances fauves et dorées de sa pilosité. Pubescence aguicheuse de ce corps écharpé.

Il est doux à toucher, comme enrobé de feutrine. D'une tendresse presque juvénile à certains endroits, et d'une fermeté virile à d'autres. Sa beauté est un travail d'orfèvre, toute en imperceptibles contrastes charnels, en dessins d'os et d'ombres et en deltas sanguins. La hauteur provocante et fragile de son gosier de velours, la longueur blondoyante de ses cils, la coloration délicate de ses paupières et de l'intérieur velouté de ses bras : tout en lui s'est échafaudé sur une même douceur brouillonne, un flou de couleurs pastel délayées par le manque... Par son anomalie. Pavel est dissolu, perméable et changeant, il n'est qu'une aquarelle dégoulinant dans l'étreinte liquéfiante de la brume, un drap mortuaire ondulant entre les doigts maniaques d'une brise. Son corps abdique au fil des mois face aux contumélies d'une vie effervescente. Alors sa peau blafarde n'a de cesse de perdre en épaisseur, ses cheveux d'un châtain dépolis, autrefois riche et sombre, s'éclaircissent un peu plus à chaque saison qui passe. Toute sa pilosité vire insidieusement au blond ; et le blond au blanc, insensiblement. Au diapason de quoi la clarté lagunaire de ses yeux devient toujours plus tristement limpide. Et les tâches de rousseur s'effacent, balayées, les grains de beauté se diluent dans sa lividité. Il devient aussi pure que la neige, aussi impersonnel. Probablement finira t'il par disparaître à sa manière, dissout dans la danse lascive d'une aurore titubante... Fugitive lactescence dégoulinant sur les caresses obliques du soleil matinale.
Et c'en sera finis de sa maigreur d'oiseau, de sa souplesse de saule... Finis de la pantonyme humaine qu'affecte le garçon. Le tombeau de sa chair sera ouvert aux vents.

Maigriot abandonnique tout de nœuds et de creux. Pavel n'est qu'un gamin aux yeux anéantis.


° Psyché :

Derrière ces tempes fines aux arabesques glauques, il y a bien plus de mouvement qu'on ne le croirait d'abord. Dans les méandres aériens de sa physionomie d'oiseau abattu en plein vol, Pavel a étouffé un tumulte sauvage, a plongé dans l'abîme un océan de fiel ; déversant toute sa colère, toutes ses récriminations hargneuses, ses plaintes lugubres et ses sanglots d'enfant au plus profond de lui même. Si loin dans les ténèbres engluées sous sa peau, que jusqu'à l'écume empoisonnée de cet océan secret ne saurait remonter des profondeurs cachées derrière la gangue de marbre qu'est devenu le garçon. Un grotesque sarcophage humain dont le masque mortuaire reste figé sur une hésitation, entre surprise, tristesse et indifférence.

Voilà pourquoi aucun mot plus haut que le précédent n'ira brûler ses lèvres d'escarbilles syntaxiques, interdisant le goût satisfaisant d'une ironie suspecte ou d'un sarcasme éclairé à ses papilles arides. Voilà pourquoi son visage reste aussi peu mouvant, ses yeux toujours très doux et sa voix bien posée. La constance apparente de son caractère s'explique très simplement : toute la rage de Pavel repose contrainte dans les tréfonds de son être, bien au-delà de la parole, interdite d'expression, et le consumant un peu plus à chaque cris de souffrance ravalé dans la chair, à chaque accusation véhémente assassinée par le tranchant indolent d'un sourire. Tous ces sourires d’apparat qu'il distribue au monde sont des couteaux dont il use pour intimider la parole, pour menacer sa langue. Il saigne à blanc ses colères sans la moindre pitié envers son propre cœur. Ravalant constamment le venin de son ire, à s'en liquéfier les entrailles.

Plus le temps passe, plus Pavel semble incapable d’extérioriser sa rage, de métamorphoser ses sentiments en mots ou ne serait-ce qu'en un son de pure détresse animal. Sa capacité à communiquer disparaît peu à peu, le langage se délite dans ce silence forcé, oppressant, qui esquiche à mort chaque audace verbale dans le creux de son gosier devenu un cimetière. Alors sa bouche est un jardin stérile où ne germent que des banalités, des silences langoureusement amorphes dont il use comme d'une échappatoire. Pavel est passé maître en l'art de se faufiler dans les vides fugaces d'une conversation, il sait mieux que quiconque accentuer un flottement, édifier des barrières avec la moindre ébauche de seconde gaspillée, perdue au bout des lèvres. Il use de la gêne et du malaise créer par les forces conjointes de sa passivité et de sa gueule taiseuse avec une époustouflante méthodicité, matant sans plaisir ni remords les discussions naissantes. Il paraît impossible à atteindre, engoncé qu'il est dans le flou d'un univers pastel où aucune teinte criarde n'a l'air d'avoir sa place, où le silence est maître. Sa douceur est acharnée, presque virulente, la rondeur apparente de son âme a quelque chose d'ignoble. Pavel ne semble connaître ni le soucis ni la colère aux yeux qui le contemplent, prisonnier qu'il est d'une complaisance bovine. Il ne réagit à la violence et aux reproches qu'avec une pondération insupportable, un humble mutisme, flottant dans un brouillard totale depuis lequel il ne perçoit que des échos du monde alentour. C'est un garçon d'une politesse mortifiante. Son implacable sérénité le rend insupportable.

Il est au-delà de tout. Du moins, en apparence.

Car tout ce que Pavel laisse à voir tient de la pantonyme. Une mascarade atroce dont il n'arrive pas à se défaire, au sein de laquelle il a finis par se sentir à l'aise : celle de sa tranquillité d'esprit, de son morne bonheur. Il a pris goût à ce mensonge qu'on lui a imposé, à tel point qu'en sortir lui paraît impossible. Vivre à nouveau ? Mais comment, sans Deryn ? Terrifiante entreprise. Et de quel droit, après tout ce temps empêtré dans ses voiles ? Après la trahison impardonnable à laquelle a consentit Pavel, celle de trop à son cœur en morceaux...

Il s'est tut, simplement. Après la disparition de Deryn dans le brouillard, il s'est tut. Insidieux et mortifère silence rampant à travers le chaos des entrailles, dépliant ses anneaux dans la gorge serrée, s'insinuant dans la bouche pour enlacer la langue, l’étouffer dans une étreinte lascive. Un doux sourire plaqué aux lèvres. Indifférence factice. Cédant à la pression de ses frères, à leur peur de voir l’opprobre jetée sur la famille, il n'a jamais explicité la relation trouble qui le liait à Deryn. Il a gardé le secret de son deuil à l'abris de son masque, interdit d'expression, de tristesse. Quel mal cela pouvait-il lui faire, après tout ? Leur amour était déjà proscris, déjà voilé d'excuses, de stratagèmes. Une cachotterie de plus, qu'était-ce au fond ? Sauver les apparences comptait plus que tout le reste. Il avait vécu cette passion adolescente à l'abris des regards. Leur simple amitié était compromettante, elle même était déjà perpétuée loin des yeux de la foule. Alors ce nouveau silence n'était rien d'important...
Ou peut-être bien que si. Peut-être était-ce là le dénie de trop. Peut-être qu'à force de faire semblant face aux autres, Pavel est devenu incapable de pleurer jusque dans l’intimité, de laisser tomber le masque même face à sa famille- si cruellement attentionnée, si égoïstement raisonnable. Peut-être bien qu'une fois en tête à tête avec son propre silence buté, il ne trouve rien à dire. Qu'il se retrouve bizarrement engoué, figé dans son rôle obtus, digéré par son costume. Des nœuds au ventre et les bras lourds. Les yeux secs, la langue plombée, ébahis par la rage qui bouillonne à fleur de sa peau sans jamais la crever, qui s'accroche à ses nerfs élastiques sans pour autant les faire claquer. Toujours convaincu que la souffrance finira par le faire exploser, mais délaissé en fin de compte dans un malaise bourdonnant, vrillé par un sentiment cuisant d'impuissance, immobile et crispé. Et pourtant sombrement réjouis, d'une joie froide et sadique.

Pitoyablement satisfait de sa souffrance, exultant de la torture endurée, pour expier... Le silence. L'abandon. Pour expier les bourgeonnements timorés d'envie qui lui sont revenus, vrilles assassines d'espoir et de renouveau qui ont poussé sur le terreau puant de son malheur ; qu'il a froissé du bout des pieds, écœuré par la promptitude qu'a son cœur à vouloir battre encore. Il n'en a aucun droit. Pas alors qu'il a dénié à Deryn le droit aux larmes, aux cris et aux lamentations. Pas alors qu'il feint de continuer à vivre comme si de rien n'était. Sourire avec franchise, aimer, jouir... Ce serait impardonnable. Pavel a plongé dans les vapeurs délétères du mensonge, et il est bien décidé à y étouffer pour se punir de son ignominie.

En dépit de quoi, des soubresauts l'agitent. Sporadiquement, il est pris d'une pulsion effrénée de vie, d'un besoin impérieux d'exister à nouveau en dehors de la coquille exiguë où il s'est enfermé, recroquevillé comme un mollusque aux muqueuses desséchées. Alors Pavel s'agite, s'ébroue dans le matin, fredonne tout bas quand il est seul, brise le silence en parlant à ses murs. Raconte ses tourments, ses minuscules bonheurs journaliers, raconte la vie d'autres personnes, et puis la sienne qui se déroule lentement sur des trilles timorées, rouleau de papier musique déchiré mais lisible ; le sourire enjôleur d'un garçon, l'attirance honteuse et répudiée qu'il a eu pour un autre, car sa chair a faim, car son cœur taclé a besoin d'une béquille humaine. Il s'autorise à parler tout bas des élans de son corps avant de s'en punir. Il hante le quartier rouge dans ses bas de résille, s'échoue sur les rivages carnifiés et mouvants d'autres paumés comme lui qui connaissent l'existence des concerts clandestins, glisse au sein des foules qui piétinent le pavé, se pose dans un coin pour écouter des conversations qui ne le concernent pas, retourne à sa famille et goûte à la présence chaleureuse de ses proches, salvatrice et honnie à la fois. Parfois, son ancienne tendresse imbécile remonte à la surface dans un geyser sirupeux de nostalgie heureuse, noyant la bile à l'orée de ses lèvres pour quelques jours d'un flottement fabuleux. Parfois, il s'autorise à sourire en retournant dans des lieux qui étaient importants, autrefois, quand Deryn comblait encore le vide morose de son existence. Un ruelle où leurs langues se sont mêlées épicées par la peur, un clairière rabougrie dominée par des toilettes festonnées de lierre, des coins de nature dangereusement emperlés par un brouillard léger, l'angle caché d'une rue... Des replis dans la chair du monde, de minuscules ridules où ils se sont aimés. Quand un sursaut prend Pavel et le secoue de l'échine aux neurones, il se permet de savourer sans consciencieux saccage quelques bonheurs tout simples. Il les sait en sursis, cernés par la culpabilité qui reviendra s'abattre sur eux en trombes visqueuses, mais qu'importe : le monde est trop charmeur. On l'a appris à Pavel. Il ne peut pas résister aux avances libidineuses du monde, à ses délicats stratagèmes, ses taquineries enjôleuses... Il se laisse courtiser, drapé d'une indifférence feinte, mais finit toujours redevenir volage. Le temps d'avaler une nouvelle goulée d'air, pour mieux replonger ensuite dans les abîmes oppressants où sa se tapit sa peine.
Oui, il arrive que Pavel soit heureux. Mais il ne se le permet que fugacement et se le reproche ensuite, horrifié d'avoir céder aux agaceries de ce monde qu'on lui a trop bien appris à aimer malgré tout. Il est viscéralement incapable d'y renoncer, à cet amour stupide, un peu ébahis... Tout du moins, pas encore. Mais il travaille dessus. Avec la patience acharnée et scrupuleuse d'une mouche. Et il finira par dissoudre les liens qui l'y rattachent encore, à force d'efforts obstinés. Car il y tient, Pavel, à détruire toutes ses chances.

Il a déjà tenté de supprimer sa vie, mais la brume n'a pu voulu l'escamper dans sa longue étreinte blanche. Elle l'a rendu au matin sans égard pour sa crise morale, et quelque chose avait changé en lui, quelque chose qui ne suffisait pas à panser ses blessures, à le guérir du Manque, mais qui était bien là, quelque part. Pourtant, Pavel ne s'est pas enfoncé dans la Brume par mégarde. Il espérait un châtiment pour avoir enfreint un des ultimes tabou, ou une étreinte compatissante au sein de laquelle se défaire en volutes rances... Mais comme tous les autres, il ne se souvient pas de sa nuit Embrumée. Comme tous les autres, il ne sait pas pourquoi on l'a remis au jour, dans les bras poisseux d'une aurore écorchée. Pavel ne comprend pas pourquoi il est revenu, mais il n'ose pas remettre en cause la décision de la Brume. Alors plutôt que de quêter à nouveau son soutient, il se laisse dépérir en poussant laborieusement les rouages d'une mécanique grippée. Pas tout à fait mort, mais pas vraiment vivant, comme une braise moelleuse giclant d'étincelles à travers les fissures de sa gangue charbonneuse.

Pavel n'a pas vraiment envie de mourir, il n'a tout simplement plus le courage de vivre. L'idéal consisterait à disparaître du jour au lendemain, dissous au détour d'une rue, vaporisé sans préambule.

Son avenir lui semble vide, chaque jour est un calvaire, chaque réveil une insipide victoire sur son mal de vivre. Il est désemparé par sa propre existence dénuée de sens et se noie dans son marasme intérieur sans réussir à trouver la force de se débattre. Et pour ne rien arranger, chaque instant de relâchement est synonyme de culpabilité. Il ne se permet pas le bonheur, mais de toute manière, l'attraper lui demanderait trop d'efforts ; il faudrait le poursuivre et puis s'y accrocher. C'est un combat au-delà de sa compréhension. Survivre lui demande déjà beaucoup trop d'énergie, et quand bien même il ne peut pas se le permettre, Pavel s'astreint à une auto-flagellation constante depuis deux longues années. Il pourrait essayer d'être heureux s'il y tenait vraiment, mais sa douleur lui est devenue si familière, elle lui semble si légitime, si sécurisante, qu'il n'ose pas en sortir. Cette douleur, c'est tout ce qu'il lui reste de Deryn. Son deuil silencieux, cet affront à leur amour, est devenu synonyme de résistance à ses yeux, une preuve irréfutable et discrète des sentiments qui les ont emporté dans leur polka sauvage, un moyen de se racheter certes, mais également, au final, une affirmation de leur passion secrète. L'acte de trahison s'est mué en acte d'amour, sous le joug d'une logique tordue. Une logique dont Pavel est maintenant prisonnier, et dont tout le paradoxe n'est qu'une torture de plus. Faut-il être fier de porter cette croix là en silence, est-ce un défis lancé au monde ... ? Ou bien la raison de ses gifles constantes qu'il prodigue à son c?ur, est-ce au contraire la juste punition méritée pour ce mutisme infâme ? Il navigue entre ces deux idées, de Nuit en Brume, sans choisir, habillant sa souffrance de telle ou telle parure, lui trouvant comme une séduction funeste. Sans se poser des questions importantes, sans agir pour quitter le cloaque hideux de son crâne. Retranché là dans sa crasse, évitant le contact. Car vivre est une chose immense et que Pavel a peur. Peur de se lancer à nouveau dans l'océan du monde, frêle esquif aux mains tourmenteuses du vent, abandonnée aux souffles des orages. Amarré à sa douleur, dernier point de repère crevant dans la tempête, il résiste aux courants, tangue au milieu des vagues. Pavel est un voilier, et il sait que les mers ne seront pas sereines, qu'elles rêvent de le fracasser à nouveau sur des récifs lointains- tout juste assez pour le rendre fou de douleur, pas pour le tuer.

Il a le besoin lamentable qu'on le conduise. Vivre pour lui même, c'est bien trop lui demander, il n'en est pas capable. Il lui faut quelqu'un pour lequel exister, à Pavel. Quelqu'un qui se soucie de le savoir vivant et qui l'accepte dans sa complète vulnérabilité, dans son étrange résilience, cette sorte de force passive, d'intensité dormante. Car au fond, il n'est pas si stupide ce garçon. Il a de la repartis, il est observateur ; autrefois, il était vif et drôle. Et sa compassion était presque infinie.
C'est peut-être tout ce qui perce encore à travers son masque de morne exultation ouvrière teinté d'indifférence bovine : l'empathie qui le saisit face aux souffrances d'autrui. C'est un des rares moments où Pavel traverse les voiles du mensonge qui s'affaissent autour de lui dans un enchevêtrement nébuleux de membranes, un doux cocon collant. C'est la caresse qui réveille son cœur anesthésié, le tire de la forteresse embourbée de son crâne. C'est dans ces instants là que l'on voit vraiment Pavel.
Il ignore beaucoup de choses, ce garçon à la finesse calcaire. Mais s'il est connaisseur en une chose, une seule en ce bas monde qui cherche à l'emporter entre ses bras gluants, c'est bien celle ayant trait à la douleur. Et c'est tel l'apôtre d'une évangile consacrée au tourment qu'il offre à ceux qui souffrent une épaule où pleurer, une oreille où vomir, des yeux où exister sans craindre le jugement. On sent instinctivement la fiabilité de Pavel en la matière. C'est comme un don chez lui, une capacité innée qui transcende son propre désespoir, son apparence ou son silence. S'il a la pâleur d'une feuille virginale, c'est peut-être pour inviter ses interlocuteurs à l'épanchement, pour absorber dans la lividité de son crâne leurs maux et leurs malheurs. Éponger leur langue cernée d'encre sur son visage compatissant, l'enfouir dans le cimetière aérien de sa chair, une architecture organique si vide en apparence, mais en réalité peuplée d'un chaos intrinsèque zébré d'angoisses et de lamentations. Avec son cœur acrobate qui remonte à la gorge ou s'étale dans le roncier des tripes.

Malgré la fragilité de son anatomie, cet aspect évidée qu'a son ossature fine, comme une flûte en roseaux animée par le vent, Pavel a une forme intangible de force. Vautré dans son malheur et consommant voluptueusement sa culpabilité, vertèbres élastiques échelonnant son dos à la courbe alanguis lovées dans une mollesse pétrissant son maintient, il est pourtant doté d'une certaine dureté. Son air distant est certes un trompe l’œil pour cacher sa souffrance, mais il y a bien de la froideur en Pavel. Un sens critique aiguisé qu'il a gardé au plus loin de sa bouche après que Deryn ait filé dans les vents, un esprit costumiers des remarques acerbes et de l'impertinence, dont toutes les tournures audacieuses de propos ont été étouffées au niveau de sa gorge. Obstruction invisible qui finira par le noyer de l'intérieur dans un déluge acide.

Pavel est somme toute un sacré bon menteur. Peu de gens voient à travers son apparence banale, convaincus d'avoir à faire à un garçon d'une frivolité morose, d'une légère simplicité d'esprit responsable de son penchant taciturne. Ils ne voient en lui qu'un jeune homme un peu benêt à l'âme tranquille et au cerveau borné. Ceux qui l'ont connu du temps où il pétillait encore d'une malice mesurée pensent tout simplement avoir rêvé son humour discret, son effervescence sous-jacente ; ou bien ils estiment simplement que Pavel a grandis et perdu cette impertinence délicate qui perçait autrefois dans son discours, au profit d'un comportement raisonnable, d'une pondération proverbialement barbante. Les garçons mûrissent du jour au lendemain après-tout, n'est-ce pas ?

La vérité, c'est que Pavel se ment aussi à lui même. S'il fait grand cas de sa culpabilité, il refuse par contre obstinément d'accepter sa colère ; et la première est pourtant nourris largement par la seconde. Car Pavel est plein d'une rage latente. Envers lui même, certes, mais aussi envers sa famille qui n'a jamais vu la relation qui le liait à Deryn d'un bon œil, et ce avant même qu'elle ne s'approfondisse. Sa famille qui a tenu à tout prix à cacher sa déviance, quitte à le blesser ou à lui imposer des choix par chantage affectif, sa famille qui plutôt que de le soutenir quand il sentait l'univers s'effondrer sur sa gueule, a profité de sa vulnérabilité pour lui imposer le silence et le pousser un peu plus loin dans l'ombre, là où il ne serait pas suffisamment visible pour leur causer du tord. Par paranoïa, par mesure de sécurité. Comme elle l'a toujours fait dés la minute où Pavel a montré des signes de rébellion ou d'anormalité. Convaincue d'agir ainsi pour le mieux et de n'avoir à faire qu'à des phases compliquées mais furtives, des crises quelconques et fugitives. Croit-elle en l'amour que Pavel a nourris pour Deryn, cette famille assassine ? Pas un seul instant. Ses frères sont certains que ce n'était qu'une manière de se chercher, une passade ; ou tout du moins, cela les arrange de le croire. Ils n'ont jamais voulu voir cet amour comme quelque chose de sérieux ou de réel. Ils n'ont jamais montré de respect ou d'empathie pour lui, ne l'ont pas pris en compte en le blessant de la sorte. Et c'est pour cette raison qu'il leur a été si facile d'interdire le deuil cathartique à Pavel. Aveuglés par des œillères qu'ils se sont enfoncé jusqu'au fond des orbites, ils ont pu facilement lui refuser le droit à cette reconnaissance de son amour tragique. Et cette négation absolue par ses frères des sentiments qu'il ressentait à l'égard de Deryn, Pavel ne l'a jamais pardonné. Pas plus qu'il ne s'est pardonné de leur donner raison en acceptant de sauver les apparences, soumis comme toujours à leur autorité, le vilain petit canard ployant son échine indocile sous la pression si violente et subtile qui a cours dans le sein tumultueux des fratries.

Et enfin, il n'a pas non plus pardonné à Deryn de l'avoir abandonné en fuyant dans la Brume ; car peu importe à quel point il maudit son absence, c'est bien de ça qu'il s'agit : un abandon pur et simple, un dernier pied de nez aux interdits, un ultime acte de rébellion. Deryn a embrassé ses idéaux au détriment de leur relation. Il n'a pas disparu fortuitement... Il a rompu, tout simplement, leur lien envahissant. Il dénié leurs caresses, promesses, baisers, histoire- le bout de chemin tortueux tracé par la trajectoire dentelée de leur silhouettes unies. Avec une insoutenable froideur, un silence assassin. Sans le lui dire clairement, sans signifier de terme ; peut-être même sans se l'avouer à lui même, au moment de choisir l'aventure à l'amour. Simplement en le laissant, lui, étreint de solitude au sein d'un grand silence, ballotté de questions et de pleurs dans le chaos du monde.

En vérité, il y a plus de colère que de tristesse en Pavel. Et c'est bien de là qu'est issue en grande part sa douleur : elle le ronge. Il ne l'a presque jamais exprimé. Le garçon de calcaire a grandis dans la crainte de perdre ses repères, sans pouvoir faire confiance aux adultes qui l'entouraient de leurs soins volatiles. Ses frères lui ont appris à rester dans les rangs pour préserver à tout prix une situation stable, traumatisés par les pertes successives d'un frère cadet, de leur mère puis de leur père. Ils ont échappé de peu à la vie de misère que mènent les orphelins, et n'ont un temps été élevés que par un seul parent... Irresponsable, brisé par la douleur. Et drogué. Puis Touché. Et pour finir, chassé.

Ils ont appris à avoir honte de la faiblesse et de la différence, à reprouver les larmes et les lamentations. Les trois frères ont pu observer de près les changements induits par une Anomalie, contempler la dégradation de l'esprit et des chairs. Le cadet et l'aîné de Pavel en ont gardé ce besoin effréné de stabilité, cette irrépressible envie de soumettre leur vie à un parfait contrôle. Quitte à écraser le plus fragile d'entre eux, comme on menacerait dans le creux de sa main la carcasse immensément délicate d'un oiseau, sciant ignominieusement ses ailes par la menace... Pour qu'il n'aille pas chier sur la gueule des voisins.
Des ailes de papier trempées par les sanglots, déchirées par les larmes, pour un petit bonhomme de calcaire et de cendres. Et pourtant aussi dur que la pierre, d'une fragilité comparable à celle des falaises qui s'érodent d'être lapées par les vents et les vagues ; résilientes, mais s’effondrant par blocs entiers.

Voilà ce qu'est Pavel. Un garçon dont la force planquée est inerte, amorphe, et d'une ténacité sans borne. Un garçon scindé de contradictions virulentes qui oublie le langage et se fige en son rôle, n'exprimant plus du bout des lèvres que de complaisants mensonges. Un navire en perdition refusant tous les ports qui se présentent à lui.

Rien qu'un môme en sursit trimbalant tant bien que mal son chaos brimbalant. Implosant tout doucement à force de silence, s'effaçant un peu plus à chaque journée qui passe. Si bien qu'un jour viendra où derrière ses tempes fines aux arabesques glauques, il y aura aussi peu de mouvement qu'il n'y paraît d'abord. Une agitation morne encore plus impalpable.

Plus rien qu'un vide immense zébré d'un hurlement.


° Possessions :

Il a son terrier de tôle et de poussière caché dans les ruelles, Pavel, son mouroir ébranlé aux frontières poreuses. Un abris rubigineux de poutres un peu pourries, de céramique brisée et de plâtre humide colmaté d'un peu de glaise, un bric-à-brac de planches et de murs indécis. Arrosé de mousses grises aux coloris glaireux. Son chez-lui un brin croulant, un rien intime.

A la périphérie du Bidonville et de son manteau de crasse, sa maison côtoie presque les bons quartiers de la ville, traînant dans son ourlet scintillant de lumière. Elle n'est pas si branlante à vrai dire, cette baraque ratatinée, mais le manque d'entretien se fait cruellement sentir dans ses recoins brisées, dans son aspect vétuste. Elle est recroquevillée comme une vieille mendiante dans ses jupons boueux, tout au fond d'une impasse, exhibant impudiquement ses fenêtres chassieuses, sa porte éraflée, ses gouttières piquetées de rouille et ses fissures intimes. Son charme décatis. Et il y a cette odeur de tombeau ou de tourbière qui s'en dégage vaguement, comme si Pavel vivait dans un sous-bois exhalant sa putrescence végétale d'un souffle languissant, ou au bord d'un ruisseau bercé par des bras de fange. C'est une petite demeure en voie de délabrement dans les entrailles de laquelle il semble possible d'effacer l'extérieur, malgré le chaos ambiant d'où jaillit tant bien que mal sa géométrie hasardeuse. Aménagée d'un de ces ersatz de cave débordant de ténèbres, une poche gluante d'obscurité bourdonnant sous ses pieds, et dans laquelle Pavel ne descend qu'à de rares occasions, bougies en berne, généralement dans un élan morbide ou désir pressant d'être en dehors du monde. Un trou creusé dans le sol, minuscule, dénué de meubles, propice à la vermine. Une invitation à tout ce qui rampe et creuse dans la terre meuble, une porte ouverte sur le royaume de l'informe. Débouchant juste à côté de son lit, fermé d'une trappe cachée sous un tapis à la trame éculée. Que fait-elle là, cette ébauche misérable de cave ? Creusée par l'ancien propriétaire, ou présente bien avant ? Et pour quelle raison, ce puits d'obscurité... ?

Parfois, il lui semble qu'on y chuchote des choses. Peut-être même que des grattements s'en élèvent à certaines occasions... Mais ce n'est probablement qu'un jeu de son esprit. Probablement oui.

Pavel a le nécessaire chez lui pour mener sans heurts sa petite vie modeste. Rien de coquet, seulement de l’utilitaire, dispersé à travers un étage découpé en deux pièces. Les seules choses ayant de l'importance à ses yeux sont cachées sous son lit, dans une malle : des affaires ayant appartenu à Deryn. Le masque dont il ceignait son visage pour pouvoir parcourir le quartier rouge en paix, une paire de bas-résille, des sous-vêtements, quelques cahiers, un peigne, un flacon de parfum vide aux trois quarts, deux de ses robes, des pendeloques... Des reliquats de sa présence portant encore sa trace, écrite ou olfactive. De quoi se plonger dans une transe nostalgique quand la nuit est trop longue.

Comme tout bon Niwole, Pavel a aussi un bon stock de bougies et de quoi les allumer. Mais il lui vient parfois l'envie de les souffler, pour voir... Si Deryn a disparu dans la Nuit, peut-être attend t'il aux frontières oscillantes de la clarté liquide dans laquelle se noie son amant esseulé. Peut-être suffirait-il d'éteindre la lumière pour qu'il s'extirpe des ténèbres roulantes... Prenne sa main et l'embarque avec lui dans la vaste noirceur. Au-delà de la Muraille, loin des rivages dentelés, tous deux dissous ensemble, éparpillés à travers un millier de kilomètres, dans ce monde inconnu qu'ils anticipaient avec une candeur épicée de révolte.

Ou peut-être est-ce un fantasme sot. A n'en pas douter, oui... Mais séduisant aussi. Si stupidement romantique qu'il ressemble à une bonne raison de mourir.

La demeure de Pavel est somme toute à son image : impersonnelle et froide. Chiche d’ameublement et vaguement délabrée en apparence, mais dotée d'une certaine richesse cachée. Cette cave mystérieuse et cette malle aux entrailles précieuses tout d'abord, mais aussi quelques cahiers de dessin, ou, traînant sur la table où il prend ses repas, l'ébauche d'un quelconque ouvrage artisanal prenant forme sous des mains plus habiles qu'on ne le croirait d'abord- de passage néanmoins dans cette maison vide, recroquevillée tout au fond d'une impasse, puisque Pavel ne se donne la peine de créer ces bibelots ou ustensiles que pour les vendre ensuite.
Laissant sa demeure comme son visage dépouillés d'émotion, aussi lisses que possible, afin que le cœur d'autrui n'y décèle aucune prise.
01-02-2017 à 21:37:25
° Histoire -

C'est d'abord la manière dont il bougeait ses mains. Pas ses yeux, pas sa bouche ou le duvet de sa nuque. Pas ses sourires et ses éclats, pas ses cils flavescents. Ni sa hauteur de bouleau ou son odeur sylvestre. Ce n'était pas sa beauté esquissée trop vivement, inachevée, un peu pâle, griffonnée sauvagement ; ce n'était pas la longueur impudique de son cou ou de ses jambes fuselées, la fermeté de son ventre soyeux, le sillon de son dos délicatement sculpté. Pas encore sa rousseur ou le dessin de ses veines, les fascinants deltas sanguins qui sinuaient sur son corps.
Non. C'était les mouvements incessants de ses mains volubiles, le jeu constant de ses doigts agiles, les frottements nerveux de ses paumes jointes. C'était la manière qu'il avait de se pincer quelque part, de tapoter ses genoux, de parcourir son corps, dans une effervescence épuisante et splendide, un constant déchaînement d'énergie jaillissant du dessous de ses ongles, de ses phalanges dressées, du méandre élastique de ses nerfs survoltés. C'était ce besoin vrillant de bouger, de se tordre les mains, de caresser le monde, d'expliciter les mots en les sculptant dans l'air, en propulsant les sons de larges mouvements de bras, d'infimes chorégraphies ; cette intensité bizarrement subtile, ce bouillonnement sous-jacent à côté duquel on aurait pu passer sans le voir, tant il était maîtrisé, éparpillé par un millier de stratagèmes discrets. Sa gestuelle n'était que frôlements délicats et claques secrètes, gesticulations infimes ou mouvements emphatiques. Le plus petit de ses geste était pétris de beauté, propulsé par une force nerveuse admirable, et chaque effleurement de ses doigts semblait habité par une ampleur cachée. Des ressorts jouaient dans ses poignets, encerclaient ses tendons, quintuplant l'intensité de chacun de ses mouvements ; et les lignes entrecroisées de ses paumes les projetaient plus violemment encore, fusant dans tous les sens en traversant les perchoirs nomades de ses longs doigts fuselés. Ces mains déambuleuses aux percutions sauvages n'étaient que striures paniquées s'embrouillant dans une orgie de gestes, un chaos sous contrôle qui explosait sans cesse, sur un genou ou sur un mur, sur une joue ou un crâne. Toujours des caresses à pourvoir, des brindilles à manier, des articulations à faire craquer, une arrête à frotter, des paupières à masser et des contours à suivre... Toujours des lignes fuyantes à faire siennes, des courbes à créer, des creux à ausculter ou des angles à tâter. Partout l'espace était à conquérir, toujours son propre corps il redéfinissait, s'appropriant la moindre parcelle de sa peau laiteuse par de timides caresses.
Perpétuelles voltiges d'oiseau de ces mains impudentes qui ne savaient pas mourir. Qui trouvaient toujours où et comment danser, cabriolant sans trêve pour habiter le vide et connaître la chair. De curieuses palpations, des effleurements coquets, tout un panel de frôlements délicats, de pressions langoureuses et de détours lascifs : c'était un art fascinant que la manière dont les mains de Deryn maniaient le monde offert.
Pavel a de suite été captivé par leurs chorégraphies. Il a contemplé les mains de Deryn qui se multipliaient, et quelque chose en lui s'est tendu vers ces mains. Il a rêvé des caresses qu'elles pourraient prodiguer, des contours qu'elles donneraient à sa chair. Il avait la sensation que Deryn pourrait le remodeler.
Et il n'avait pas tord.

.....

Après ses mains, se fut sa voix. Rauque et brisée, voix d'escarbilles roulant dans la gorge crissante d'un gamin aux yeux de fauve. Une voix trop vieille pour sa tendre gorge de velours et d'amande, presque antique. Il aurait pu être doyen du monde s'il l'avait voulu- ou le prétendre en tout cas, avant de laisser poindre à ses lèvres sensuelles un sourire embrasé de malice. C'était la un tour de plus que le monde avait joué à ce môme à la crinière de feu. Il n'était rien que paradoxes entrés en collisions au sein d'un corps gracile- nerveux néanmoins en ses courbes volantes, car il n'était que de nerfs et de muscles agrippés à son ossature fine. De la rencontre des contradictions qui forgeaient sa personnalité naissait un incendie. Un feu de joie à ses lèvres crissantes, qui projetait des ombres tourmentées au fond de ses orbites, absurde et délicate alchimie d'angoisse et d'inconscience. Car il était d'une complète insouciance ce garçon. Sa rébellion était vive, colorée, d'une joyeuse impudence- il transpirait d'une candeur pleine d'intensité, il était consumé de passion, baignant dans les cendres d'un millier d'introspections violentes, naviguant sur les flots de ses rêveries proscrites.
Deryn était un torrent opaque dégorgeant ses eaux fangeuses et parfumées. Mais pas sur la gueule du premier venu.
Son tumulte discret et lointain cachait des peurs plus secrètes encore que la férocité subtile qui le définissait aux yeux d'autrui. Il s'exprimait en demi-teintes bizarrement violentes, jamais tout à fait brutale, mais déjà incisif et secouant de quelques mots et d'une intonation. Il avait l'art de formuler les choses, l'art de se composer des sourires d'une douceur vrillante, épicée d'ironie. Il n'était qu'Art, Deryn, en sa manière de vivre, en son oscillation désordonnée.
Il n'avait que dix ans quand Pavel l'a connu. Et au départ, ce n'était qu'un camarade de classe. Un garçon à l’écart, bruissant dans des voiles de rumeurs, qu'on disait bien sauvage et déjà investis dans la vie secrète de Ceaster- celle qui faisait pulser les réseaux clandestins, de ces veines putrides alimentées en liqueur par des milliers de petites mains sales.
Les siennes étaient toujours très propres. A vrai dire, malgré la réputation sulfureuse qu'on allouait à Deryn, il n'était rien d'autre qu'un gamin parmi d'autre aux yeux distraits des adultes. Il avait ces éclats fauves et ces membres duveteux d'un enfant sur le tard, tout de membres déliés aux calligraphies aériennes et aux bonds effarouchées de biche. Un enfant des fourrées ou des bords de trottoir, ameutant les chansons sifflées amoureusement à ses lèvres effrontées. Avec une sorte de tendresse au fond des yeux, malgré la malice qui creusait dans ses joues des courbes ascendantes... Comme l'amour délicat mais griffu d'un chaton.
Un amour enroulé voluptueusement dans le creux de son gosier blessé, germe crémeux d'une voix submergeante. Sa voix crevée dérapant sur la langue. Déjà engouée, déjà basse, alors que son visage n'était qu'effleuré par les altérations bourgeonnantes de la puberté. Car il y avait des mécaniques enrouées en Deryn, des rouages crissant dans des nuages de rouille ; oxydation remontée aux racines de sa caboche colonisée de boucles fiévreusement rousses. Un flot toujours endigué de cheveux magmatiques, ruban de lin lové au sein de sa crinière. Pour garder un semblant de respectabilité nonobstant les élans incendiaires de la toison giclée du cuir délicat de son crâne ; une illusion de pondération. Alors qu'au-delà de l’effervescence rampant sous ses chairs éclose en fourmillements, des courbes franchement croquées d'un sourire enjôleur, il y avait ce flux syncopé de violence, cet amour abrupt et tumultueux qui l'animait déjà : celui de la vérité. Des questionnements tortueux, des rebellions imbéciles et sauvages, dans le méandre foisonnant du crâne.
Avant d'être l'amant de Pavel, Deryn a été l'amant de la Question. Celle qui pousse à fourrer un museau tacheté de sons au milieu des ordures, à renifler dans la suie et la limaille de fer, les narines frémissant aux aguets d'une odeur aguicheuse, dans les volutes âpres d'un brouillard mystique.
Qui au sommet ? Quoi dans la Brume ? Où ça les Bêtes ? Quand le changement ? Pourquoi Grwydd ? Et au-delà... ? Et dans la Nuit ? D'autres îles que Niwl, quelque part ? Grand à quel point ce monde ? Qu'en reste t'il ailleurs ? Des cités de Dotés, des pays d'Anormaux, peut-être ? Un millier d'humanités informes claudiquant sous des bannières écorchées ? Des villes en poussière, jonchées de carcasses immuables ? Un monde éparpillé par le souffle d'une apocalypse lente à faire sa digestion infâme ?
Et la Lumière ? Ne serait-elle pas... aussi aveuglante que la Brume... ? Une idée entêtante. Scabreuse. Germée insidieusement dans le crâne d'un enfant, enracinée avant qu'il n'ait pu lui intimer de flétrir.
Deryn avait dix ans quand Pavel l'a connu. Mais il était déjà perdu, pour lui et pour le monde.

.....

Charmé alors. Par ses mains frénétiques, par sa troublante androgynie détrompée d'une voix d'homme, une voix qui semblait avoir vécu bien avant celui dont elle roulait amoureusement les mots. Charmé par ses faux airs de biche esquintée dans sa gloire, par son ironie délicate, ses sarcasmes délicieusement nébuleux, son esprit affûté, vif et souple. Par l'ampleur déraisonnable de sa liberté de pensée, grimée en candeur un peu sotte- par sa gouaille immodérément savoureuse. Charmé par l'aspect confidentiel des sourires qu'il lui adressait, par ses manières innombrables et ses colères glacées, ses joies tempétueuses, ses regards langoureusement rêveurs ; charmé par l’entièreté de son caractère, par le contrôle un brin étiolé qu'il avait sur ses pulsions sauvages. Charmé par ce garçon à l'existence précaire, mais sublime, dont les crépitements incendiaires s'élevaient au-dessus d'une marée de crasse où on l'avait plongé dés sa plus tendre enfance.
Ils sont devenus amis. Ça n'a pas été bien difficile, tant Pavel a observé Deryn : des jours entiers à le voir du coin de l’œil, des heures innombrables de regards perdus en contemplations béates et fragmentées. Il connaissait Deryn avant même de l'approcher vraiment, et une seule chose a pu le surprendre au final, une chose impensable et bizarre qu'il a finit par comprendre également, avant tout le monde, l'anticipant dans un éclat de lucidité presque surnaturel. Comme une évidence tout compte fait. Une blague au goût douteux qu'il a pris de bonne grâce, car de jour en jour, sa fascination s'est muée en tendresse, comme il était écris que cela devait se faire. Et Pavel étant de ces âmes dociles qui courbent joyeusement l'échine face aux exigences parfois douloureuses de l'amour, il n'a fait que s'offrir. Prêt à tout accepter pourvu que l'être aimé maintienne son existence en contact nourricier avec la sienne- des violences jusqu'aux trahisons, conscientes ou non.
Alors qu'ils étaient déjà familiers des caresses et baisers, que leurs corps s'étaient imbriqués une multitude de fois, et qu'ils se connaissaient à quinze ans dans leurs moindre recoins et leurs saveurs intimes, Deryn a un jour déclaré à Pavel :

- Je suis une fille Pavel. Une fille dans un corps de garçon.
Mais il l'avait déjà compris, et ses yeux étaient plein d'une douceur bornée. Il l'avait entraperçu, l'avait sentit dans ses tripes, cette révélation qui aurait pu sembler n'être qu'une mauvaise blague. Elle l'avait troublé au départ, cette intuition étrange, mais il l'avait accepté sans poser plus de questions, sans chercher à remuer Deryn ; le laissant s'accoutumer lui même à la vérité qui transparaissait pourtant de manière si évidente aux yeux de son amant.
Pavel a sourit d'un air presque tragique.

- Je sais. Et moi je suis un garçon dans un corps de garçon. Qui aime les autres mecs, aux esprits de garçons dans leur écrin viril. C'est vraiment ballot... Et pourtant, je t'aime toi... Ma belle.

Deryn lui a pleuré dans le cou. Il a écrit à force de caresses des milliers de remerciements fugaces. Et entre deux sanglots, il a parlé encore, car elle était pleine de mots, cette fille emprisonnée.

- C'est parce-que tu es d'une bêtise si charmante que je t'ai choisis...

- C'est moi qui t'ais choisis, ordure.

- C'est ce que pensent tous les garçons au sujet des filles qui leur font les yeux doux.

- Tes yeux ne sont pas doux, ils me brûlent. Mais tes lèvres par contre...
Un baiser.
... et ton cou...
Une caresse.
... les creux, juste là, sous tes côtes...
Une chatouille..
... ton ventre...
Une morsure.
... ton, hmmm....
Un soupir.
Des jeux interdits. De ceux qu'on paie un jour.

.....


On a acheté la première robe ensemble. Sous prétexte de l'offrir à quelqu'un, mais le vendeur a sûrement compris, en voyant les yeux brillants de Deryn. Il n'a pas dis un mot, je le regardais fort : c'est ce qu'il aurait dit s'il avait fait attention à mon regard. "Pavel, tu le regardes fort, tu appuis dessus avec tes yeux, tu cherches à lui enfoncer les globes oculaires dans l'orbite ou quoi ? A lui laisser des marques, à lui défoncer le front ? Calme un peu ton regard, il y a du poids dedans. Tes yeux sont dévorants, arrête ça Pavel, tu es trop doux pour faire ce genre de tête. Dis moi plutôt si la rouge m'irait bien..."
Deryn l'a porté le soir même, une robe toute simple en lin blanc, avec de bretelles pleines de broderies et des tissus volants. Je l'ai regardé tourner sur la pointe des pieds en face du miroir, ses cheveux roux lâchés, et ça m'a fait très mal. Il était beau... Non. Elle était belle. Et ça semblait aller de soi sur son corps, ce long vêtement de fille. C'était d'une évidence frappante, d'un naturel poignant. Car je l'aimais moi, je l'aimais cette fille là, et je la voyais sous le visage androgyne de Deryn, je la voyais malgré son début de barbe, sa poitrine plate. Je ne voyais plus qu'elle quand on se mettait au lit, je la sentais dans son souffle, à travers l'odeur étourdissante de sa peau, je l'entendais dans sa voix rauque. Et je ne pouvais pas lui en vouloir d'être là sous le costume, je ne pouvais pas pleurer. Je trouvais ça trop beau, trop cruel, cette nature embrassée qui gagnait en vigueur. Je n'ai pas pu la mater, je l'ai laissé grandir- le ventre noué.
Je n'ai jamais cherché à la détromper, car je savais bien qu'elle existait, cette fille emprisonnée sous la peau de Deryn. Je ne pouvais pas la nier, elle était trop brillante. Il a bien fallut que je m'y fasse au final : c'était bien elle que j'aimais malgré tout. Pas ce corps de garçon, même s'il était beau. Même si moi j'étais d'une anormalité encore différente à la sienne, secoué de désir envers les hommes, les hommes et leurs charmes bestiaux.
C'était son âme qui m'avait emporté dans un long vol plané, l'esprit si vaste et si agile replié dans son crâne, qui s'exhalait à chaque pore de sa peau comme un parfum rampant. Cette âme... Elle était étrangère des murs, des carcans moraux et intellectuels qui nous cerclaient de leur étreinte massive. Je n'explique pas pourquoi, c'était ainsi c'est tout. Elle ne connaissait aucune limite de ce genre, et sa grandeur m'époustouflait chaque jour un peu plus. M'épouvantait aussi, car je la savais prête à disloquer ce qu'il nous restait d’apparences trompeuses dans un éclat de voix démesurée, un hurlement bravache lancé face à l'autorité, l'obscurantisme et l'oppression.
Mais j'avais tord. Quand Deryn a démantelé nos vies pour ses espoirs magnifiquement imbéciles, ce fut dans le plus complet silence. J'aurais dû le voir venir... Elle m'en avait un peu prévenu, avec ses incitations à foutre le camp, à saccager ma vie pour la suivre à travers ses périples fantasmés ; jamais sans en faire plus dans la plupart des cas qu'avec des "ce serait bien si on partait", "je voudrais quitter cette île", "A la prochaine Dormance on chevauchera les Cerfs". Pourquoi j'ai pas compris ? J'ai pas voulu... ? Par peur... ? Par lâcheté ? Par obligation pour ma famille. Peut-être.
Pour ne pas leur imposer une disparation de plus, pas après le 'tit frère, et la mère, puis le père. Mais j'aurais dû la suivre, hein ? Ce qu'il leur reste de moi n'vaut pas mieux au final. Ils se seraient plus vite remis de me voir emporté que d'avoir à supporter un cercueil en forme de garçon ; c'est encombrant et ça met mal à l'aise. J'aurais dû savoir qu'il fallait saisir ma chance et partir avec elle. Elle m'y avait enjoint trop de fois. Je ne pensais pas qu'elle s'en irait sans moi. Mais j'avais tord.
Je regrette de n'avoir pas compris quand Deryn a enfilé une robe pour la première fois, ce soir là. A le voir si radieux, j'aurais dû saisir que son éclat devenait réellement incendiaire. Le soir où il a commencé à changer pour de bon, où tout s'est soudain mis en branle à vitesse accélérée, dans un grand chaos, trop déstabilisant, qui m'a foutu à terre. Alors que moi je continuais de marcher, sans me douter que je ne pourrais pas la rattraper dans sa course fatale...

.....

La vérité s'est mise à remuer, à faire des cabrioles d'une côte à l'autre, à se complaire en frôlements aliénants, éparpillant son toucher printanier à qui mieux mieux sur la carcasse offerte ; à se mouvoir en rasoir aux frontières de la peau. Les répercutions de ces mouvances viscérales, de ces ébullitions internes, n'ont pas tardé à devenir visibles. Stigmates de l'inévitable changement, bourgeonnements de chair, rétractions insensibles. La vérité s'est extraite des entrailles de Deryn en écartelant les apparences avec exultation, en déchirant les calques superposés de son androgynie. Peu à peu, la Fille Cachée s'est mise à apparaître hissée des profondeurs, ployant les courbes de ce corps où elle avait été coulée de force, comme un bagnard fantasmerait le gondolage des barreaux de sa cage.
D'abord, ce fut sa barbe. Ces épingles d'or et de feu qui commençaient à jaillir le long de sa mâchoire, au pourtour de ses lèvres charnues, à la cime de son menton pointu, dans le creux de ses pommettes ; pilosité d'adolescent, hérissant délicatement ses traits. Alors qu'elles se multipliaient dans le duvet de ses joues, crevant sa chair ferme de jeune homme si richement parcourue d'un flot brûlant d'hormones, au fil que les semaines passèrent, elles cessèrent de pousser. Pavel nota ce changement d'un œil aux aguets, avec une inquiétude furtive. Il en fut ébranlé : il avait aimé ces épingles dorées.
Il n'en dit pas un mot. Pas plus qu'il ne commenta autrement que d'un sourire évasif ou d'un tendre laconisme l'élargissement de ses hanches, le lent bourgeonnement de ses seins et le ratatinement de son pénis et de ses testicules. Il ne cessa pas de caresser Deryn, continua de faire l'amour à ce corps étranger, dont même l'odeur se mit à changer imperceptiblement, dont jusqu'aux saveurs se virent tout doucement altérées, désarmant ses papilles par leurs variations subites. Il essaya malgré tout de trouver des repères, se refusa au sentiment d'être désorienté par cette anatomie changeante, ces courbes aux variations infimes. Il ne voulut pas se laisser suffoquer de panique. Ni de dégoût, ou de rancœur.
Alors un lent fatalisme s'empara de Pavel, qui dégoulina sur son âme et la figea dans un onctueux sirop d'amour résigné. Un amour aussi fidèle que la marée, aussi buté que celui d'un chien. Terriblement empreint de dépendance.
Un amour qui pardonnait tout.
Tout, sauf l'abandon.

.....

Ils avaient la clairière. Un espace hors du temps aux frontières élastiques, entre ombres humides et lumière crue, trouée sylvestre rongée de verdure et d'arcs ligneux rampants aux vrilles fongiques. Cerclée de colonnes vivantes perclus de sève. Un repère dans les bois, assez proche de la civilisation pour ne pas être excessivement dangereux malgré le risque constant d'être happé par la Brume, mais assez éloigné pour changer imperceptiblement leur comportement, les rendre plus sauvages. Allumer dans leurs yeux un éclat presque phosphorescent, faire crépiter leurs veines d'étincelles chamarrées qui remontaient à leurs joues en colorations fauves. Car si ces lieux n'avaient rien de secrets, ils n'étaient néanmoins fréquentés par personne. Personne d'autre qu'eux deux et leurs jeux.
Alors sous les frondaisons murmurantes ils grognaient de concert, se parlaient en sifflant, se roulaient dans l'humus. Souvent très peu couverts. Ils se poursuivaient à quatre pattes, détalant dans des giclées gluantes de délicat pourrissement végétal, leur dos nu et blême zébrant cet univers bouillonnant de verdure. Ils s'arrosaient de feuilles mortes, se tressaient les cheveux de brindilles, s'embrassaient fougueusement en mêlant leurs haleines fraîches parfumées de menthe mâchée ou acidulée de petites baies aux saveurs un peu âpres. Ils se laissaient aller à des jeux plein de bousculades, à des caresses boueuses, et se prélassaient à demi-nu dans l'herbe mêlée de mousse. Ils se parlaient des heures entières, se léchaient distraitement dans le cou, roulaient leurs côtes les une contre les autres en se soufflant des chuchotements rauques au visage ; ils ne faisaient jamais l'amour dans la clairière. Leurs jeux y étaient tendancieux mais empreint de candeur, leur tendresse y avait quelque chose d’insouciant et de gratuit qui n'engageait à rien. Ils redevenaient un peu gamins dans la clairière, y exprimaient tout ce qu'ils avaient retenu au cours de leur enfance internée à Ceaster. Et ils y redécouvraient sans cesse la texture de leur peau, de leurs lèvres sèches ou sanglantes d'avoir été mordues, les intonations les plus secrètes de leur voix ou leur audace mutuelle, prudemment atténuée en société. Ils s'y racontaient des histoires particulières, commérages ou légendes urbaines, récits honteux, contes inventés sur le tas, et fantasmaient leur vie, leur vie si pleine de promesses...
Avant de quitter la clairière, ils faisaient toujours un vœux chacun, à tour de rôle. Ils n'avaient pas de puits où jeter des piécettes, mais un trône antique perdu dans la végétation- le reliquat d'une époque exotique. Des toilettes au milieu des lianes entremêlées, fleur de céramique oubliée déversant ses effluves délétères, parfum de la civilisation digérée par les sylves rampantes. Nectar de mousse et de calcaire, suintement d'onde croupie pulvérulente de cadavres d'insectes, de larves de moustiques ou de particules de terre. Une bouche assoupie et baveuse à laquelle ils jetaient un cent lesté d'espoirs graciles.
Souvent, ils souhaitent des choses absurdes. D'autres fois, ils espéraient sincèrement qu'ils seraient exaucés.
Ils quittaient presque toujours la clairière en chahutant gaiement, roués de fatigue et purgés de tout si ce n'était d'amour.
Presque toujours.

.....

- La brume est aussi dans nos crânes Pavel. On ne sait même pas qui nous dirige, et on serait incapables de dire qui a raison ou tord, peu importe le sujet abordé : il n'y aucune certitude sur rien, c'est un monde qui vacille, un monde éteint qui crachote ses entrailles liquéfiées à nos visages craintifs. Mets toi ça dans le crâne, la lumière ne vaut pas mieux que le brouillard... Elle nous aveugle et nous brûle la rétine, nous nous carbonisons à son contact délétère en chantant des cantiques. La lumière nous fait baisser les yeux, réduit notre champs de vision à une tête d'épingle, au même titre que la brume. Peu importe où tu regarderas Pavel, tu seras toujours désorienté, incapable de voir plus loin que le bout de ton nez... C'est ça Niwl. Ose me dire que t'en veux. Moi j'en veux pas de ce Niwl. J'en veux pas.
Les yeux de Deryn lui harponnaient la gueule. Ce n'était pas la première fois qu'ils avaient ce genre de discussion sauvage, aux éclats de voix démantelés au sein des fourmillements de leurs baisers volés, dans l'intimité suintante de la clairière. Ce n'était pas non plus la première fois qu'une sorte d'insistance perçait à travers la voix de Deryn, et que Pavel se sentait mal à l'aise, aiguillonné par la sensation qu'on attendait quelque chose de lui. Mais quoi donc foutre Nuit ? Il n'avait pas plus à offrir qu'une approbation ou qu'un sourire complice. Ils le savaient tous les deux, alors pourquoi continuer d'insister ?
Pavel détestait ces moments où les fantasmes de Deryn se transformaient dans sa bouche en opinions vrillantes. Pas tant car il était en désaccord avec ces convictions, qu'il partageait toujours, mais car y verser plus que des mots ou des pensées impliquait de mettre en danger sa voluptueuse idylle. Et il s'y refusait, n'aspirant qu'à mener une vie tranquille en bonne compagnie. Que d'autres nourrissent d'actions leurs songes enfiévrées de soulèvement populaire et de coups d'état brutaux... Il n'était pas prêt à risquer son bonheur précaire pour des idées, fussent-elles séduisantes. Et il n'avait aucune envie de mettre Niwl à feu et à sang, d'embraser Ceaster et de mettre en péril des milliers de vies qui comptaient tout autant que la sienne, de bouleverser l'existence de gens qui comme lui, ne désiraient rien d'autre que faire leur bout de chemin dans la tranquillité. Lui voulait d'une vie pareille au cheminement d'une barque, qui croiserait celle des autres sans jamais les troubler ; pas de collisions sauvages, de naufrages mémorables.
Il soutint le regard de Deryn, qui lui avait soif de grandioses catastrophes.

- Je sais bien tout ça. Je l'sais bien qu'on nous mène en bateau d'un bout à l'autre de notre vie, et qu'on nous apprend rien à l'internat, et qu'il y a des tas de choses intéressantes qui grouillent sous la surface de la moralité, des musiques de contrebande, des livres, des gens comme toi et moi... Tu m'as montrée tout ça. Je l'sais bien que tu veux r'faire le monde, à coups de marteaux et d'sourires. J'aime t'écouter parler, et c'est bien quand on rêve de traverser la Brume, qu'on se parle de ce qui existe au-delà de la Barrière. Mais ça ne te suffit pas que je sois là pour toi ?

- Ah... Bien sûr que si. Ça me suffit Pavel de t'avoir à l'abris des regards. Ça me suffit de devoir comprimer ma poitrine et d'avoir peur que ma voix se mette aussi à changer, D'imaginer ce qui arriverait si les gens comprenaient que je "deviens" une fille. Ça me fait foutrement plaisir qu'on soit forcés de se cacher. Je suis putain de comblée de savoir qu'aucune question ni aucune plainte ne me sont permises, je JOUIS du bordel de silence qui nous scie les tympans, J'ADORE devoir mentir à tout le monde, pourquoi je devrais DÉSIRER PLUS QUE CA HEIN ?

- Et alors ? Nous on sait à quoi s'en tenir, on a pas besoin de leur approbation, on a pas besoin qu'ils sachent, on s'en fout qu-ils

- On s'en fout pas Pavel, non. Foutrebrume, on s'en fout pas du tout. On vit ici, on est parqués sur cette foutue île, tu comprends ? Ça nous concerne. Si un jour on voulait s'enfuir, on ferait comment hein ? C'est comme, c'est comme vouloir se réfugier dans le coin d'une petite pièce plongée dans un peu d'ombre ; ils finiraient par nous trouver à tâtons, en nous collant leurs doigts froids sur les paupières, en nous étouffant sous leur masse compacte. On ne pourrait pas se cacher si... si bordel, j'en sais rien, si on me donnait la chasse parce-que je suis trop déviant, hein ? T'as bien conscience que ça finira par arriver, pas vrai, que je vais pas juste m'arrêter là et redevenir un homme ? Et puis quoi ? Est-ce que c'est si tragique que ça d'être anormal ? Est-ce que ce n'est pas juste l'expression de ce qu'on est véritablement au fond, puisque tout le monde finit par être concerné ? Je devrais avoir honte de cette aubaine qui m'est donnée de troquer ma prison de chair contre le corps que j'aurais dû avoir ? Parce-que je n'ai pas envie d'avoir honte. Pas plus que je ne veux me taire Pavel, pas plus que je ne veux avaler leurs saloperies de sermons ou leurs leçons de morale ou leurs enseignements débilitants, pas plus que j'ai envie de continuer à leur présenter gentiment ma nuque pour qu'on me fourre bien profond une cuillère de manne dans le gosier, histoire de me faire taire, histoire qu'il n'y ait plus que mon ventre qui parle : parce-que les tripes nouées d'angoisse, parce-que la peur et la faim, ça parle plus fort que le cerveau et d'une voix qui ne pose jamais de questions. Je NE VEUX PAS fermer ma gueule, tu comprends ça ? Je veux SAVOIR, je veux être en droit de QUESTIONNER, de DOUTER, de dire NON. Je passe ma vie à faire semblant. Et toi aussi. Tu te vois continuer comme ça toute ta vie ?

- Avec toi, oui.
Et il y avait tant de dureté dans cette affirmation que Deryn se raidit. Aucune larme. Rien que de l'acier. Quelque chose d’inébranlable, de glaciale et de presque oppressant- une déclaration d'amour aussi froide qu'agressive.
Ce quelque chose, l'expression impavide de Pavel le soutenait plus encore, quand bien même il savait que derrière cette gueule austère se cachait un grand trouble. Mais il n'en montrait pas plus que d'habitude, ravalant toute sa colère et ses sanglots en lui, les gardant pour plus tard, quand la crise serait passée, quand ils fondraient dans les bras l'un de l'autre et qu'il se sentirait enfin en droit de pleurer. Néanmoins, il ne se repentirait pas plus que les autres fois d'opposer une résistance bornée, d'être aussi butté quant à ses attentes ; il ne s'excuserait pas d'être en désaccord, malgré la part qu'il avait pris à ses fantasmes de rébellion et de voyage aux confins de la Brume. A ceci-prêt qu'ils n'avaient jamais été aussi loin dans l'affrontement viscéral qui s'affirmait entre eux.
Le visage de Deryn se décomposa lentement, dégoulinant pour laisser place à un masque blafard. Pour la première fois, il se sentit sincèrement blessé par ce refus d'obtempérer à ses opinions qu'avait sans cesse Pavel, par cette retenue granitique contre laquelle sa voix allait se briser comme un murmure fracassé sur un mur, lui donnant l'impression désagréable d'être un gamin capricieux piquant sa crise dans l'ombre imposante d'un adulte. Face Pavel et son insoutenable désir borné de ne pas s'inquiéter, de mener une vie simple... Industrieuse. Et morne.
Si morne. Si taiseuse. Une vie lâche et coulante, qui n'aboutirait à rien d'autre qu'à une mort paisible. Car malgré sa force de caractère, malgré ses coups d'éclats occasionnels, malgré sa gouaille charmante, Pavel serait toujours avant tout un amant délicat de la Conformité, incapable de faire face à la gueule hideuse de la société, de lui opposer une résistance farouche. Deryn avait toujours cru pouvoir y changer quelque chose. Mais aujourd'hui, il avait la certitude de s'être trompé.
Il s'assit en tailleur sur le sol, fixant un arbre tordu drapé de lierres. Un arbre qui lui ressemblait.

-... alors c'est tout ? "Oui". Tout ce que je dis, tu t'en fous, tu ne te poses pas de questions, toi, t'es au-dessus de ça...
Il semblait hébété.
Tu t'en tamponnes.
Il fit un geste ample, les larmes aux yeux.
"Oui"
Et il éclata en sanglots convulsifs, avec le sentiment d'avoir été abandonné.
Pavel s'agenouilla, l'entoura de ses bras et caressa son dos en étouffant ses pleurs sur sa poitrine osseuse. Il les sentit résonner dans l’amphithéâtre carné de son ventre, sentit leurs échos s'empêtrer dans ses côtes, s'enfouir dans ses poumons, remonter dans sa gorge et s'échouer dans son crâne comme de grands oiseaux agonisants dans la poussière des dunes. Les pleurs de Deryn le pénétrèrent et le remplirent, crépitèrent furieusement sous son front, arrachèrent l'intérieur de son corps en tourbillons acérés.
Mais il se contenta de fermer les yeux, de serrer les paupières et de garder le silence.
Demain tout irait mieux.
Comme toujours.
Sans doute.

.....

C'était avant que Deryn se mette à changer réellement, avant que son esprit prenne une réelle distance.
La journée était chaude et claire. Aussi claire que pouvait l'être une journée sur Niwl, et aussi chaude que pouvaient l'être des heures consommées dans l'éternelle fraîcheur des sous-bois.
Ils se tournaient autour en traçant des cercles dans l'humus, traînant derrière eux de longs bâtons pelés. La forêt les caressait de ses odeurs putrides, collant son haleine fourmillante à leurs peaux nues comme une délicate pellicule de sueur froide.
Pavel avait la tête rejetée en arrière et il marchait à l'aveuglette, déformant la courbe de sa ronde brisée. Il était à demi immergé dans son trouble.

- Tu sais, l’Anormal dont je rêve depuis qu'je suis enfant ?

- Le Faune.
Réponse distraite, affirmative, d'un Deryn occupé à danser autour de son bâton. Sur la pointe des pieds, avec des balancements.

- Ouais... Il est revenu en fin de la semaine dernière. Et ça a recommencé, encore... Et je ne sais toujours pas... Enfin tu sais. C'est étrange.

- Étrange ? Tu as des rêves érotiques récurrents, c'est tout. C'est étrange que ça persiste à ton âge, alors que MOI je suis là, mais bon, je conçois, je conçois, il n'y a aucun problème... J'aimerai bien qu'un grand faune me visite à moi auss- hey !

- Arrête ton char deux minutes où j'en t'en donne une autre. Ça me travaille...

- Le faune aussi te travaill-heyyy !

- Chut. C'est troublant j'te dis. Je n'sais jamais si c'est réel ou pas... C'est comme si j'étais réveillé, mais juste. Comateux, ou détaché d'moi même. Et tout me parvient, mais brouillé, emmêlé, dans une bouillie informe. Les sensations, les mots- il parle beaucoup quand il ne grogne pas. Et quand je me réveille le matin, il y a peut-être des traces... Ou peut-être pas... J'sais pas.

- Hmmm.

-.... T'en penses quoi ?

- Et bien. Écoute. Je pense que... Ouais. Qu'il devrait te rendre visite quand je suis là, pour qu'on en profite tous les deux.

- Oh et puis merde, va te faire foutre.

- Par toi ou par ton Faune ?

- Par tous les membres du clergé mon amour.

- Ça fait vraiment beaucoup de monde.

- J'ai une totale confiance.

- Ça me touche beaucoup.

- Je n'en doute pas.

- C'est très gentil de ta part.

- Mais oui.
Silence. Ils se jaugèrent sans ciller, un sourire féroce au coin des lèvres. Une tension se noua, vive.
Puis Deryn se détoura lentement, lâcha son bâton et s'étira de toute sa maigreur moelleuse, faisant danser ses omoplates d'oiseau.
Pavel se remit à tourner en sifflotant l'air d'une chanson sur laquelle ils avaient dansé ensemble, dans l’effervescence péristaltique d'un concert clandestin. Le raclement de sa branche écailleuse sur le sol humide dérangea des insectes affairés dans les couches successives d'humus. Ils se mirent à grouiller en désordre sur son passage, nuées oranges, brunes et noires aux mouvements de panique hypnotique. Aucun des deux n'y porta d'attention.

- Moi aussi j'ai une histoire d'Anormal, Pavel.

- Tu m'en vois ra-vis.

- Tu as déjà entendu parlé du Mangeur de Visage ? Du Voleur de gueules, de la Doublure Sanglante...

-.... waw, comme c'est grandiloquent...

-... de l'Homme Costumé de Chair. Celle des gens dont il s'approprie peu à peu l'existence jusqu'à la digérer.

- Je me compisse d'angoisse.

- Je te laverai à coups de langue plus tard, ne t'en fais pas.

-... distingué et charmant, comme à ton habitude.

- Toujours.
Deryn se dirigea jusqu'au trône de céramique crasseuse avec de bonds de biche. Il s'y assit doucement et pointa un doigt vers Pavel en haussait les sourcils d'une manière hautaine.
Mais écoute moi un peu. C'est très intéressant. Car ce fameux Anormal, vois-tu, on raconte qu'il est insaisissable... Qu'il a toujours échappé aux Milices et au Bagne, et qu'il ne craint pas même la Brume, car il est aussi informe qu'elle, tout aussi vaporeux et changeant.
<< Cela fait bien longtemps qu'il erre d'une vie à l'autre. C'était l'un des tous premiers Anormaux, un de ceux qui a connu la Guerre et le Continent, qui est venu s'échouer dans la lumière de Niwl avec les nuées de réfugiés- nos ancêtres Pavel. Et il était déjà tordu en son âme et son corps à cette époque, déjà dangereux, déjà furtif. Mais ensuite, la Brume l'a caressé, et elle a exacerbé les suintements empoissonnés de sa rage et de se frustration, lui conférant le pouvoir de singer les sujets de son admiration ; car c'était une personne de ce genre là, qui passait son temps à crever de jalousie. Le genre à suivre quelqu'un dans la rue, à noter ses habitudes sur des petits carnets, à copier ses gestes, et ses intonations, à s'habiller au diapason de son modèle. Le genre qui devient peu à peu comme une sorte de frère inconnu qui te poursuit dans l'ombre, te traquant à l'odeur, s'imposant peu à peu sans jamais se faire voir. Une présence poisseuse qui colle à ta vie, et qui vient s'écrouler comme un golem de boue sur ta gueule ébahie... Dégouline sur ton corps figé, t'étouffe, et se nourrit de ta déréliction, s'imprègne de ta substance même.
<< Avec la Brume, avec l'Anomalie, il est devenu capable de tout connaître à leur sujet car il était Doté, et de prendre l'apparence des gens dont il voulait se faire voir ; qu'il voulait esquicher, dévorer, digérer. Car il les aimait à sa manière, mais d'un amour cannibale, qui lui faisait l'impression d'un bourdonnement sous pression picotant sous sa chair collante ; d'un amour qui avait plus à voir avec une sorte de transposition morbide, tu vois ? Il détestait son corps, et sa vie. Il n'avait jamais appris à s'aimer, car le regard des autres le rendait dégoûtant. Alors il a cessé de chercher l'approbation pour se mettre à envier des gens qui possédaient ce que lui n'avait pas. Il désirait se glisser dans leur peau, métaphoriquement, et... Littéralement. Il s'est mis à se saisir délicatement de leur identité, du bout des doigts, et des lèvres, et des dents. Ses petits jeux d'imitation sordide ont pris en ampleur et en subtilité. Et son corps a suivis ses délires syncopés, ses envies bizarres. Il est devenu malléable, d'une tendresse ignoble, à se tordre des jours entiers pour ressembler à celui de son modèle.
Jusqu'à devenir exactement pareil, Pavel. Jusqu'à prendre son anatomie, puis ses gestes, et sa voix. A l'intonation prêt. Une parfaite imitation qui le comblait un temps, car il supprimait le modèle à terme, l'absorbait en lui, et se glissait dans sa vie, au sein de sa famille, reprenait son travail, sans soucis, sans accrocs. Savourant son ignoble imposture, s'affaissant voluptueusement dans la routine d'un autre... Jusqu'au jour où un nouveau modèle finissait par se présenter à ses yeux télescopiques. Quelqu'un de plus beau, ou de plus riche, quelqu'un qui semblait heureux au détours d'une rue, et dont la joie le piquait à vif, devenait gênante, comme une démangeaison. Jusqu'à se transformer en obsession. Et qu'avait donc ce quelqu'un de spécial ? Mais rien du tout à dire vrai. Ce pouvait être n'importe qui, pour n'importe quelle raison.
<< Alors il se débarrassait de sa vie volée. Il s'en débarrassait Pavel, en rejetant toute la faute de sa frustration constante sur son entourage accaparé d'illusions ; en les tuant un à un, un beau soir comme un autre, avant de disparaître pour préparer sa prochaine incarnation. Parfois au bout de quelques années, d'autres au bout de quelques jours. Jamais rassasié, jamais satisfait.
Allant sans cesse d'un corps à l'autre, Pavel. Encore aujourd'hui, comme il y a soixante ans. Gorgés par tant de vies volées qu'il pourrait vivre encore cent ans, mille ans, en se glissant comme un cutter sous la peau d'autres gens, en la découpant pour s'en faire un costume... La tienne, ou la mienne par exemple. Tu imagines un peu ça ? La tienne ou la mienne.
A nouveau le silence. Lourd, sirupeux. Cristallisant l'instant, dans la clarté blême de la clairière, défigurant ses otages immobiles- gueules livides ciselées d'os, orbites caves en communication. Un étrange flottement d'une langueur toxique, comme s'ils étaient tout deux devenus des nénuphars tournoyant lentement sur l'onde noire d'un étang bourbeux. Une valse suffocante. Qui s'étire...
Et claque. Dans un sourire lascif, frémissant sur les lèvres, presque écœuré. Mais tendre. D'une tendresse nauséeuse.

- Oh, Deryn... Tu as toujours trop bien parlé pour ton propre bien. Ça finira par t'attirer des ennuis.

- La preuve, ça t'a attiré toi.

- Enflure. Lève toi des chiottes. Il se fait tard.

Deryn lui envoya un sourire victorieux. Il se laissa couler au bas du reliquat d'architecture sanitaire avec un mouvement de danseur, ondulant comme un drap, dans une abdication sensuelle face à la gravité. Son corps se lova dans un cocon de fange, d'humus et de feuilles pourries aussi frais qu'un baume, où il prit l'apparence d'un germe tomenteux. Prêt à jaillir en pâle et bouillonnante arborescence de peau. Il attendit que Pavel vienne l'en tirer d'un bras ferme, pour étendre l'envergure nerveuse de son androgynie fleurissante. Deryn se déploya comme un origami de cygne.
Ils se sourirent et ne s'embrassèrent pas, s'enchaînant brièvement dans une étreinte crasseuse, le visage de chacun reposant sur l'épaule de l'autre. Emmêlés par leur élan de tendresse, ils s'emboîtaient parfaitement, comme un puzzle de garçons, tout d'os, de cheveux et de boue. Leurs doigts se cherchèrent pour s'agripper ensemble.
Ils s'éloignèrent sans rompre le contact, et firent face à leur Puits de fortune. Pavel jeta un coup d’œil à Deryn. Il lui pressa la main, désignant les toilettes d'un mouvement du menton.
De longues secondes passèrent avant qu'il se décide à formuler un souhait. D'une voix détachée, presque glaçante.

- Pavel, je fais le vœux que la Lumière s'éteigne.
Flottement. Car il était sérieux. Mortellement, terriblement sérieux.

- T'es cinglé Deryn... chuchota le garçon.

- J'suis un cinglé cinglant alors.

- Un barjot baroudeur ?

- Un fieffé foutriquet.

- Un garçon trop bavard.

- Et c'est pour ça que tu-

- Tais toi, c'est à mon tour de faire un vœux.

Mais il proféra son souhait dans un parfait silence, avec un sourire empreint d'une tremblante douceur.

.....

La Nuit était là. La Brume collait ses doigts blancs aux carreaux de la chambre, tournoyant lascivement en volutes insistantes, tentant de passer outre les vitres pour ramper dans la pièce. Ils étaient cerclés de Ténèbres, comme tous les Niwoles en ce soir comme en d'autres.
Mais dans la chambre de Deryn, le reste de l'île n'avait plus la moindre emprise sur eux, pas plus que les dangers qui rôdaient à leur porte. Dans les draps de Deryn, d'autres géographies que celle de l'Ombre et de la Lumière prenaient de l'importance- la cartographie caressante de leur corps exigeait de leur part une attention totale.
Ils se sont appliqués, comme à chaque fois. Puis jusque tard dans la nuit, ils se sont murmuré des choses, refusant de gaspiller une seule seconde d’intimité collante.
Des choses futiles qui n'ont de l'importance que pour ceux qui les disent et ceux qui les écoute, car elles sont articulées pour eux.

- Qu'as-tu souhaité Pavel, face à nos chiottes magiques ?

Il lui a fait des yeux humides comme ceux des animaux.

- J'ai fais l'voeux de t'avoir pour toujours.

C'était futile et beau. Deryn lui a sourit. Avec toujours cette même tendresse émue qu'il avait malgré sa perpétuelle frénésie sous-jacente.

- Ah oui ? Alors, on dirait bien que c'est à moi qu'incombe la responsabilité et le choix de t'exaucer.

- J'ai une totale confiance.
Ils se sont longuement embrassés, puis se sont endormis enchevêtrés à l'autre. Ils croyaient fermement, ce soir là, que leur vie serait simple et que rien sinon la mort ne pourrait les séparer.
Mais dans une certaine mesure, ils n'avaient pas totalement tord.



? Premiers pas : MEMBRE ou STAFF ( si qui que ce soit trouve le courage de lire cette fiche bon dieu )

? Pseudo : Pantouffe. U_U Vous pouvez m'appelez Pan. Ou Touffe. OU NE PAS M'APPELER DU TOUT.
? Origine et crédit de l'avatar : Sur ce tumblr fascinant, là.
? Comment avez-vous découvert Niwl ? : Par l'entremise d'un panda voodoo qui a été fourbement tenté par un admin du fow. Ne suivez jamais les grosses mites rouges. Jamais.
? Des suggestions ? : DES GROS BOUCS. DES GROS BOUCS PARTOUT.






Introduction rp -

Il a le pas lourd et silencieux des heures gluantes. De celles s'écoulent en fond de nuit, quand elle est la plus profonde, la plus informe. Celles qu'on déteste ne pas dormir quand on sent les cauchemars rôder plus près de la conscience qu'ils ne devraient. Celles qui donnent une odeur, puisqu'ils ne peuvent pas avoir de nom, aux fantasmes moites et puants comme les tripes où ils naissent et meurent. Il a la sensualité de la putréfaction, le sourire d'une plaie. Rouges, ses lèvres. Rouges, ses dents. Une haleine de fer et toujours des dents pour saigner. Se mordre, peut-être. En mordre un autre ?

Ses ongles courts, ronds, blancs, domptés, crissent sur les bas résille de Pavel. Ce soir il a sorti sa carcasse. Il faisait faim, et il n'y avait rien d'autre à troquer que ce cul qui se fait marquer de doigts en serre. Froids et piquants. Un corps grand et étiré se penche, se love contre le dos du garçon transparent et grimé. Autour d'eux, dans le bouge sale où les pires des putains traînent leur misère, on ne les regarde pas. On boit son alcool plus mauvais qu'une rasade d'essence, on baise dans les chiottes, on s'abrutit aux émissions officielles projetant leurs couleurs sur un mur sale. Il s'est voûté. Sa barbe pointue – de bouc – vient lui chatouiller l'oreille. « Bonsoir Claudie. Tu viens, ma chérie ? » Les mains le pétrissent. Maltraitent sa maigreur. Son odeur, par delà son haleine, sent un rien le sous-bois. L'humus frais et le vieux champignon. « Viens... Claudie. J'ai besoin de toi. »

Claudie, ça fait un bon cycle qu'elle est morte. On l'a retrouvée sans sa peau, au bord d'une usine. C'était une fille de rien, qui voulait être chanteuse, qui donnait de la voix partout où on la laissait faire. Elle qui voulait passer dans les journaux, elle a été exaucée, quelque part. Claudie, on n'en parle plus, depuis ces saisons. Mais lui, quand il vient, il la réclame toujours. Incessamment. Il la veut, sa Claudie. Chante, chante Claudie, qu'il gémit quand il jouit, quelque soit le corps qu'il tienne à ce moment là. Ça n'est pas la première fois qu'il vient le voir, lui. Ça devient même un peu fréquent. Un peu violent. Et il est impatient, à cette heure-là. La Nuit est profonde. Personne n'est gentil dans ces eaux-là.

_____

C'est son corps qui se tord dans un mouvement révulsé des entrailles jusqu'aux cils, un sursaut viscéral plein d'une détresse de biche. Ses doigts de pied qui se tendent en appel quand les doigts crochus lui rentrent dans les côtes ou tombent sur ses vertèbres avec trop d'insistance, comme dans l'espoir de les rentrer dans l'écrin filandreux de sa chair, d'en tirer une musique- sa colonne vertébrale n'est rien qu'un saxophone pour cet homme là. Des pistons cliquetants qui roulent et jouent en bosses duveteuses de la nuque à l'échine, semblant faire des petits bonds convulsifs de chiot fou. Caracolant le long de son dos, au bon vouloir de ces assauts goulus qui le submergent en vagues mordantes. Il est palpé en publique sur la chaise échardée, convulsant pudiquement, l'air de rien, sous son masque. Avec à ses lèvres aux paroles effeuillées des grimaces de plaisir et de douleur mêlée.

Caracolent aussi les mains sèches aux lignes acérées, les paumes coupantes sur sa peau frémissante. Doigts chalumeaux, paumes rasoirs, il en dégouline atrocement. Il n'est plus de calcaire mais de cire amollie par les ardeurs ignobles. Sa peau s'enroule sous la caresse comme une pelure de pomme, avec une tendresse acharnée et collante, dans une abdication résolue secouée de spasmes moites. Comme animée d'une volonté fiévreuse d'être pétrie, elle se tend glaiseuse, s'ouvre au travail de cet amant maniaque. Ils ouvrent de concert, le bourreau et sa victime rejetée en arrière contre son corps noueux. Ses entrailles se dénouent puis s'étalent de concert dans tout l'intérieur velouté de son ventre, ses viscères se tendent en réponse aux attentions charnelles, se meuvent comme de la crème fouettée. Il se fait de liqueur et de boue, odieux gamin perdu aux yeux humides. Des yeux de velours, d'eau croupie, de pêcheur. Et sa résille crépite, envoie des étincelles, son corps déglutit des sensations hasardeuses et terribles qui ondoient sur ses membres tordus par la mécanique abrasive du désir, des messages sensoriels contradictoires qui frétillent sur ses nerfs en trombes visqueuses- qui se heurtent à son âme engourdie de contradictions internes. Carambolage. Immobilité conspiratrice du môme. Il se révèle dans cet instant de soumission infâme, avec une volonté insensée d'onduler en volutes crémeuses sous les doigts acrobates qui lui modèlent la chair.

Qu'on y écrivent des nuits entières passer à s'esquinter contre une autre carcasse.

C'est bien son corps qui se gondole, papier léché de flammes, carbonisé d'angoisse. Pavel n'est pas certain de pouvoir l'assumer. Car sous les mains qui le malaxent à l'en couvrir d'ecchymoses bourbeuses, il n'est manipulé que de ce qu'il veut donner- et c'est bien tout qu'il cède, plongeant dans la disgrâce avec des manières d'ancre. Quant le long corps vrillé d'os et de nerfs tendus se colle contre son dos, que les mains fiévreuses s'enchaînent à son cul bordé de dentelle blanche, il s'échoue aux récifs de la carcasse affamée de sa chair, sans préambules, sans résistance aucune. L'anatomie bancroche le happe en ses détours, affreux cloître de chair empuantis de remugles hérissants. Il abjure sa douleur et le Manque en se donnant l'excuse de ne pouvoir que fléchir à l'aune de ces étreintes- ce sont des embrassades un peu trop impérieuses, un peu trop bonnes. Que faire ? Se calter en panique ? Refuser la palpation sauvage ? Imposer des limites à l'intrusion de cet homme, ou des autres clients qui reniflent ses charmes ?
Il ne peut pas se le permettre, avec ces dettes qui se profilent toujours à quelques pas de sa vie... Et tout ça n'a rien à voir avec la trique juteuse qui palpite à sa cuisse. Rien du tout.
Il n'y prend du plaisir qu'en désespoir de cause. Pour ne pas trop souffrir de se confier à la faim du premier loup venu. Innocent comme l’agneau, mais malin comme la pie... Oui, tout ça n'est rien qu'un stratagème. Il n'y a en lui aucun plaisir qui ne soit pas factice.

Son corps ment quand il ondule ainsi, dans cette danse vulgaire et infime qu'il opère contre la carcasse immodérément laide, penchée sur sa maigreur de moineau décharné. Ce n'est pas appréciable, cette longue anatomie écharpée et nerveuse, ce souffle délicatement putride, délicieusement sylvestre... Ses lèvres mentent en proférant un soupir alanguis, les palpitations effrénées de son cœur ne sont qu'une mascarade. Pantonyme organique, rien de plus. Mensonge que la délicate coloration de ses joues. Mensonge au creux réchauffé de ses tripes.
Mensonge que son sourire et l'éclat reconnaissant de ses yeux, que sa main qui se tend pour traîner sur la joue, que ses doigts qui se perdent à l'entrelacs de la barbe. Aussi faux que le murmure rauque d'approbation glissée dans le creux d'une oreille sale.

<< Je serais toujours là pour toi. >>

Un mensonge de putain relayé sur cent lèvres fardées, rien de plus. Et pourtant... Il est attaché à cet homme qui ne le voit pas vraiment, qui s’accroche visqueusement à ses charmes de plâtre.
Cet homme qui revient, depuis peu.
C'est suffisant pour lui accrocher le cœur, pour le sertir d'une tendresse imbécile- quand bien même ce n'est pas lui que cette bouche affamée vient consommer ce soir, pas lui que ces mains vives percutent en crescendo. C'est Claudie, qui que ce fut, Claudie l’oubliée, l'anonyme, l'inconnue. Mais il est prêt à endosser ce rôle dont il ne connaît rien, à se complaire dans ce mensonge étrange pour le garder à ses côtés- fut-ce pour une nuit de morsures. C'est naïf de sa part. Il le sait.

Cependant il ne peut pas s'empêcher de palpiter plus fort quand il voit ou entend apparaître cet homme- palpiter au dedans, et au dehors aussi... Car il sait également que les heures seront longues en sa compagnie frustre. Et denses.

Il sait qu'on viendra lui dévorer le cou contre un mur en lambeau en pétrissant les nœuds de son anatomie, qu'on lui laissera le corps zébré de blessures moites, et les entrailles en feu, le ventre repeuplé de plaisir et de mal. Il sait comme ces mains sont brutales et lubriques, il sait qu'elles déraperont sur ses hanches saillantes en les marquant de griffures, qu'elles vont se poser en étau sur sa gorge et faire ployer sa nuque. La manière dont cet homme percutera son échine, il la connaît déjà. Il sait que ces doigts lubrifiés de salive vont pénétrer des orifices alloués à des plaisirs coupables, et que cette langue vicieuse au goût âpre aura le dernier mot. Car cet homme à la gueule insensée et à l'aura de faune sait corroyer les corps.

Pavel en a fait l'humiliante expérience. Dans des orgasmes brutaux et sauvages sans cesse empreint de douleur- de ceux qui vous laissent disloqué sur le sol. Il s'est résolu à vénérer ces mains faîte pour saisir ou déchirer autrui, à les craindre autant qu'à appeler leurs caresses... ou leurs coups. Il s'est mis à chercher de lui même cette bouche éclose en fleur de charogne sur la sienne, cette langue immense et amère prisonnière d'une gueule charnue à la faim cannibale. A la divine pestilence organique.
Il y a là un art infâme qui façonne l'extase dans la chair en dérive. Un art dangereux qui pourrait bien finir par l'éparpiller.

Mais qu'importe. L’ivresse et la fatigue sont toujours au rendez-vous après ces instants frénétiques, tout juste comme les attend Pavel : impérieuses, brutales, annihilant les pensées. Ce Faune là existe bel et bien, au contraire, sans doute, de celui de son enfance... Et cette nuit, une fois de plus, il chantera pour lui de sa voix brisée, comme on le lui mande. Des cris et des supplications, des chansons éraillées ; dans ces ébats voraces, ils seront de rigueur. Il lui fera Claudie tout en étant Pavel malgré les apparences, le Pavel recroquevillé sous le masque de plâtre, un gamin écorché collant de fait à la première existence entrée en collision charnelle avec son corps délabré par le Manque. Prêt à s'offrir aveuglement dans un moment de faiblesse.

Mais toujours sans se l'avouer.

Il se lève, giclant de dentelles salies, gainé de résille trouée, et donne sa main gracile à l'amant frénétique. Mais l'homme lui prend le bras, le tire à lui, le plaque à sa carcasse découpée au cutter, et passe une langue sale dans son cou de cigogne. Dans une longue, une gigantesque caresse buccale qui fait s'échouer Pavel sur son anatomie explosée et fétide. C'est délicieux et coupable à la fois.
Pendant un instant, dans ce cocon de chaleur pestilentielle, il voudrait décéder pour de bon, conscient de se complaire dans une misère sordide.
Mais cet homme le pousse en avant vers la Nuit, le jette aux vents dans l'océan du soir. Océan démonté clignotant de néons, remué des éclats des prédateurs nocturnes. Et il se laisse conduire par cette poussée, vers une délicate agonie de plus.

Pavel est si simple à posséder pour peu qu'on ait su le toucher, en lui parlant de douleur ou de plaisir.


Cet homme fait les deux à la fois. Et il y a comme une promesse de mort dans sa brutalité. Une promesse terriblement lascive.

Ce soir, peut-être brisera t'il pour de bon cette échine entre deux grands coups de reins. Ce soir, peut-être ses dents perceront-elles ce cou qu'elles couvrent de morsures. Ce soir... est un soir plein de possibilités qui filent se crasher vers une impasse humide.
Mais il se dirigera une fois de plus jusqu'à ce mur entrevu dans la crainte, se blottira à son pied immuable, et attendra dans un morne écœurement qu'une prochaine secousse le renvoie à la vie. Car c'est ainsi qu'il a appris à faire.

Il aguiche le bourreau de ses sens d'un sourire livide et d'un baiser poisseux. Puis bascule dans la Nuit, entre ses bras qui serrent jusqu'à le suffoquer...
20-12-2017 à 17:30:09
Nom : Kanerva.
Prénom : Azaria.
Surnom/pseudonyme : (le) Rossignol. (chante et danse dans la rue ainsi que certains bars)
Âge : Vingt cinq ans.

Description physique : C'est un homme-oiseau aux grâces presque faunesques, aux longs membres duveteux, mordoré de l'iris aux orteils, au ventre plat et tiède. Vacillant toujours sur la pointe de ses pieds, allongeant la finesse aérienne de son cou, offrant à la contemplation l'architecture dépouillée de son enveloppe moirée, croquante et onduleuse. La plante sèche de ses pieds de danseur se pose pourtant fermement sur le sol, adhérant à la terre. Dans le mouvement sauvage de ses danses urbaines, il unit l'abdication sensuelle et la supplique fébrile, semblant goûter avec satisfaction au contact infaillible du sol qui l'accroche ; puis testant avec lascivité les liens flexueux de la gravité, aspirant à s'élever, dans un élan désespéré relevant autant du spasme angélique que de l’exhibition. Il tourbillonne, torsade humaine, vrille charnelle hypnotique- mais il chante avant tout.
Il a les membres longs et gracieux d'un danseur, le cou délicat et satiné d'un cygne... Corps ondulant, semblable à un filet de miel brun, maigreur moelleuse et tendresse de chaton ; tout de duvet et de courbes soyeuses, Azaria est l'incarnation même de la langueur éthérée habitant les icônes des religions anciennes. Il rayonne d'un étrange mysticisme, enveloppé d'une aura tamisée, oubliable et pourtant infrangible. C'est doux sur son visage, quand passe une expression. Mouvance liquide ondoyant jusqu'aux yeux. Androgynie rayonnante et délicate des traits ciselés semble t'il par pur amour de l'art, depuis le dessin parfait des lèvres safranées jusqu'à la pesanteur mélancolique des paupières effrangées. Il y a là, dans son éternelle suspension face à la pesanteur, comme une curieuse détresse de biche, une vulnérabilité animale et vibrante- dans l’œil humide et profond, où se mêlent à la grisaille cendreuse un doux vert d’aquarelle, et dans la finesse des membres élancées au galbe féminin. Gambettes gracieuses entrecroisées pour ses danses de rue.
Oui, il est beau dans sa fragilité, le Rossignol. Presque sublime à vrai dire, à s'en crever les yeux. Trop proche du magnifique pour ne pas appeler à la souillure quand il dévoile la courbe de sa nuque, quand ses mains légères se profilent dans la lumière, semblables à des colombes suspendues en plein vol. Il crée la tentation d'un abus, tant sa délicatesse exhale la vulnérabilité, tant la finesse de son corps confine à celle du verre. On ne peut s'empêcher d'y voir un appel à la brusquerie, une demande implicite à le briser en mille et un morceaux de faïence orientale... Il n'est plus alors qu'un symbole dénué d'humanité, incarnation frissonnante de l'animal sacrificiel, une offrande à la violence du monde, étendue sur l'autel avec un abandon frisant l'extase mystique. Car le moindre vent contraire pourrait l'emporter, établir une emprise despotique sur son corps frémissant. C'est qu'il a l'anatomie d'un voilier arrosé de soleil. Clavicules déliés et omoplates mobiles lui déchiquetant le dos, encadrant une colonne vertébrale ondulante, sinueuse et aussi souple qu'une corde, mettent en exergue une ossature d'oiseau. Et qu'elle est belle cette ossature ! Gracile et bien trop longue, presque remplie d'espaces. Mais quelle harmonie dans le dessin superposé des muscles et de os. Qu'il est frêle et agile le Rossignol, perméable aux caresses comme aux coups qu'on lui porte... Martyr éhonté débordant de langueur, s'abandonnant aux pierres de la lapidation. Il a la beauté des éphémères, des créatures furtives. Sa chair onctueuse semble pouvoir être modelée par le souffle et la contemplation ; un regard trop appuyé le ferait basculer. Il a le cou très long et les épaules comme la cambrure d'un arc. Sa chevelure n'est que moire ondulée, presque liquide en son flux de mèches brunes. Elle folâtre en arabeques furtives à son cou, foisonnement de reflets au velours de sa gorge, boucles ébauchées mais laissées vacantes, et se pare d'un ondoiement auburn évoquant l'ocre sombre. Crinière fluide ajoutant à son androgynie, cette chevelure souple, abondante, est comme un écrin où repose son visage de sainte vierge. Juvénile et d'une beauté subtile, de textures comme de colorations... Même sous la crasse, tout son duvet frisonne, malgré les ecchymoses qui se rouent à sa peau, il s'en revient toujours à ce hâle orientale, à ce délicat brunissement d'Arménie, à peine perceptible, comme une dorure subtile. Et ses yeux de madone pourraient presque vous tuer, vous condamner à l'immobilité expiatrice des pécheurs. Vous asphyxier de douceur à force d'émotion, vous entraîner au sein des profondeurs humides et sensibles qui palpitent en ses orbites soyeuses.
Rossignol tout de feutre et de pétales de roses. Azaria semble résulter d'une alchimie étrange, comme si on l'avait conçu non pas par des offices charnelles, barbaque convulsionnée arrosée de sueur, mais en suivant scrupuleusement une recette occulte. Il est de miel et de fleurs fanées, d'herbes aromatiques macérées dans une eau de montagne, tout de sirop et de crème et de parfums liquides. Comme accouché du ventre d'un chaudron en cuivre, puis nuancé avec amour d'un arc-en-ciel d'épices.
Ainsi est Azaria, dans sa douceur presque létale, son émouvant angélisme orientale- captivant, magnifique, d'une sensualité pourtant évanescente.
Oppressant de langueur et de tendresse bornée.

Description mentale: Crashé sur le monde comme un mannequin désarticulé, colombe en ruine aux os en mikado. Pour l'indécence de l'image, on l'a recouvert d'or, saupoudré d'astres morts. Il y a derrière la douceur d'Azaria des blessures encore béantes, des traumatismes jamais vaincus qui pervertissent toute la mécanique pourtant fluide de sa pensée. Et la conviction irrationnelle que seule une vie de service peut l'aider à vaincre sa culpabilité.
Culpabilité d'être en vie, d'avoir survécu à l'attentat suicide. Quand il n'était encore qu'un gosse aux lèvres sautillantes et aux yeux plein d'espoirs, ramassé au caniveau de la misère humaine. Oiseau chanteur embrigadé pour porter les messages sanglants du terrorisme à la société- les rossignols ne devraient pas devenir des pigeons voyageurs ou des largeurs de bombe. Mais il l'a fait. Il a été l'émissaire de la mort, printemps d'entrailles éclos sur des parterres de sang. Il a fait son baptême dans les viscères fumantes, costumé de poussière et de fluides collants, la gueule convulsée sous le masque mortuaire composé par la cendre. Il a connu le cosmos de shrapnels et d'esquilles qui fleurit dans les ruines des immeubles abattus. Il vu d'autres oiseaux tout aussi mômes que lui se gondoler jusqu'à la boursouflure pyrotechnique finale, disparus dans les flammes furieuses comme autant de poèmes livrés à un autodafé. Il a entendu les chants martiaux qui leur pendaient des lèvres. Il a capté dans sa rétine l'instant où les chants se sont tus pour laisser place au rugissement du feu.
Et il a survécu. Désarticulé entre ses membres gourds, il a vécu la fumée et l'horreur, oublié sur le bas côté parmi le charbon des cadavres. Les attrapeurs d'oiseau ont été embarqués. Le réseau démantelé. Et il n'en est resté qu'Azaria, rongé par ses toux chroniques, rampant hors des décombres. Il n'en est resté que ce gamin de douze ans aux yeux anéantis qui fixait la caméra, les lèvres closes sur le micro, et que personne ne réclamait, qui n'appartenait à aucun nid, qui était de la cohorte des abandonnés. On l'a balayé vers un recoin discret. Il y eut quelques articles et puis on l'oublia.
Il y eut ensuite l'orphelinat et Reijo au regard désynchrone, aux lèvres murmurantes. Leurs promesses chuintées renvoyés aux annexes du temps. Le sérail dissonant des enfants trop farouches. Puis l'adoption. L'exploitation éhontée dans le nouveau foyer, jusqu'à ses dix neuf ans, jusqu'à l'effondrement... Les rossignols étouffent dans la fumée des villes. Et Azaria crevait de ne pas savoir vivre, d'avoir été taillé dans une étoffe trop fine, le corps emplis de suie, la maladie au ventre. Fragile. Renvoyé à Mère la Rue et ses vents intrusifs qui lui foutaient la maladie au corps, bercé de glaires et de toux abrasives.
Jusqu'à la renaissance dans le berceau d'ordures. Jusqu'à la main de Dov. Flamboyante colombe à la gueule mitraillée de rousseur. Et la reconstruction qui s’amorce sous l'égide du minutieux rouquin. Échalas aimant et psychotique aux mains fébriles, aux déliés pâles et nerveux- une falaise où résonne le chant de la mer, Dov. Tout de calcaire et d'aurore coulante, chevelure d'enflammé. Dov l'écorché et Azaria le tranquille. Frénésie et langueur s'épaulant dans la tempête du monde... C'est tout ce qu'il possède de confiance qu'il doit à la Colombe. Elle a remis sa vie taclée sur pieds en lui donnant un but, elle a fournis à son échine brisée un carcan pour guérir. Et si cela n'a pas suffit à en faire un guerrier, tout du moins Azaria a t'il retrouvé une humanité dont il ne persistait qu'une sensibilité à vif, palpitant dans des débris de cauchemar.
Il a désormais son sourire-barrière, le mur infranchissable de ses lèvres, l'antichambre feutrée et cloisonnée de sa bouche.
Il est paisible l'oiseau, et un peu trop serviable. Voletant entre les mains d'autrui, ses ailes claquant leurs doigts. Il se donne tout entier, se laisse utiliser, s'offre au premier venu pour absoudre sa faute (être vivant). Il essaie comme il peu de justifier sa présence en ce monde qui ne voulait pas de lui, s'excusant d'exister avec un doux sourire. Il ne sait que servir. Il ne sait que chanceler au bord du précipice qui s'ouvre sous ses pas. Jamais tout à fait présent et pourtant attentif, auréolé d'une mélancolie sépia qui l'entoure comme un nuage toxique. On étouffe sous sa douceur implacable, sa patience maternelle, on se trouve immanquablement fasciné par sa beauté et son rayonnement de sainte vierge. Et il n'en joue même pas. Il s'efface pour rejoindre les coulisses du monde, vaquer à faire la pièce plus belle et réussite sans pour autant y prendre part. Dans le théâtre de l'univers, il est à la régie. Petit indispensable qu'on foule du pied et dont les mains accouchent la lumière de la scène.
Azaria est un songe d'aquarelle dilué par les orages. Le reflet d'une journée d'été enfuie depuis longtemps. Et qui glisse encore sous les paupières, image rémanente d'une époque éclatante, pyrogravure palpitante d'un aube défaite.
Azaria est résigné. Les yeux mis-clos, balloté par le courant, il s'échoue dans la vie d'autrui sans aucune volonté. Il aide. Il donne. Il s'épuise pour les causes plus minables, rayonnant d'empathie, de tendresse et de compréhension. Infiniment compatissant. Infiniment vulnérable.
Il s'écorche à tous les virages de son existence, trébuche à chaque pallier. La roselière de ses blessures s'étend et se renferme, visible puis spectrale, ravalée par la chair. C'est un garçon-cimetière au corps emplis de cris. Quand sa douceur flanche, c'est le vide qui prend possession de ses yeux. Alors il se tait et agonise en silence, replié sur lui même.
Azaria ne songe qu'à la douleur. La sienne et celle des autres. Azaria la recueille et la berce au creux de son giron, l’enfouit dans sa poitrine de moineau anémique. Il ne connaît que la caresse. Ne concède qu'au pardon. Ce n'est pas tant de la gentillesse qu'un besoin compulsif de prouver son utilité, de justifier son existence en la dédiant aux autres. Alors il accepte. Il excuse. Et dans un abandon nauséeux, il mise tout sur une bonté christique qui ne doit qu'à l'expérience traumatique de sa candeur bafouée.
On écoute Azaria, car on aime à l'entendre, à l'observer, à tendre l'oreille pour comprendre ses mots. On se laisse amadouer par sa tendresse de caneton, par ses manières délicates et sa langueur délétère. On glisse dans son monde feutré, bourdonnant d'asphyxie, on se prend à être captivé par son évanescence. Azaria est une caresse portée sur la conscience. Il apaise et enchante, fascine quand il se hisse au-delà du silence. C'est un don étrange qu'il possède, s'imposant par la douceur et les murmures, audible quand il le souhaite, mais effacé le reste du temps. Un absurde charisme a échu au garçon, lui conférant un pouvoir lénitif, une force de persuasion tout à fait sidérante. Il a ses heures de gloire quand ce pouvoir agit.
Il irradie alors comme une sainte icône, avec sa gueule de madone, avec sa voix onctueuse.
Et puis il balle, et chuchote en se laissant drainer. Il se flétrit dans les anneaux de la maladie qui ne le quitte jamais, complice depuis l'enfance, sœur vicieuse attentive lui distribuant des claques. Il étouffe et se blesse. Fragilité osseuse, perméabilité à tous les mauvais germes, émissaire comateux de toutes les épidémies... C'est à cœur joie que s'en donnent les virus dans le terreau de ses entrailles crémeuses. Ça s'ébat dans son corps, d'une crève et d'une allergie à l'autre. Il tousse, crache, frôle la mort- et revient. Se relève et poursuit sa pantonyme atone, esclave de sa douleur, de son absurde culpabilité. Enchaîné à son corps de damné, d'ange déchu, sans rien pouvoir y faire que d'épuiser ses forces.
Sur sa peau, la couleur nécrose en bourbiers d'ecchymoses. Hémophile. Semblant mettre un point d'honneur à collectionner les tares et les bleus comme autant de médailles épinglés à sa chair. Il a l'automne le plus suintant de pourriture noué à la carcasse.
Et puis il y a la voix. Le chant, la danse. Et l'on comprend pourquoi ce garçon frémissant d'un silence à un autre, ascète de la parole, est pourtant connu en tant que Rossignol.
Son gosier de velours vibre alors d'un chant clair, et soudain, il se fait l'impression d'être un jardin humide qui s'ouvre sous la lune. Ses lèvres fleurissent, couronnées par la voix qui s'élève, qui s'étend, qui bariole et saisit. Il chante, propulsé à des hauteurs ardentes. C'est un garçon qui chancelle au bord de ses chansons, des chants immenses aux frontières élastiques. C'est un éclopé dont les pleurs et les cris se muent en mélodies, un titubant dont l'âme malade fleurit au bord des lèvres en bouquets bilieux, dont les mots s'élancent en vrilles mélancoliques. Sa gorge est engouée, il est figé d'extase, tendu tout entier dans l'effort de cette expiration, cette floraison printanière du son. Son visage crispé se meut dans le flux ondoyant des harmoniques brisées qui naissent dans l’amphithéâtre carné de sa poitrine, qui résonnent dans le jardin cramoisi de sa bouche. C'est un filet argentée qui danse à ses paupières.
Elle est rauque. Fêlée comme des éclats de charbon, craquante, cassée. Elle a de l'ardeur, une raucité sauvage. Il fait vibrer les cordes qui se tendent dans sa gorge, joue de l'archet avec sa voix. Les vagues se succèdent, soufflées d'entre ses joues. Alors, il devient si vieux tout à coup, tellement moins chétif : sa voix est douce, profonde, bordée de satin, frémissante de velours. On y trouve des abîmes. Sa voix est maternelle, léonine, dangereuse et subversive. Une onde crépusculaire dans lequel se baignent en naïades toutes les nuits indignes, un alcool étourdissant qui fait tourner la tête. Quand Azaria laisse planer ses chansons, c'est le monde qui s'envole aux arpèges de sa voix. Car il n'est plus que pure musique quand ses lèvres se descellent sur un chant languissant. On nage avec lui dans des mers abandonnées au soir, éclaboussées d'étoiles, poignardées par l'immobilité qui précède la tempête. On le suit sans canot sur les vagues de son spleen, on se prend à couler dans les abîmes qui jalonnent ses chansons, dans les silences qui bordent leurs paroles. Tout ce qu'il n'a pas fait dans le chaos d'un champ de bataille, Azaria le rend quand se déchire sa bouche. Il fait saigner sa gorge, éructe, sa voix se fendille comme un charbon ardent. Il vomit des escarbilles en accouchant des mots vifs et roulés tendrement au velours des papilles, incendie sa langue et la jette dans la nuit, en use mieux que d'un arme pour féconder l'oreille. Il s'envole, il balafre la Lune, frénétique en ses danses, sanguinaire sur un dernier claquement, jouant des tonalités, brisant chaque mot, composant des fresques brûlées où se dessinent ses peurs. Il peint avec des cendres, disperse les étoiles et recompose la nuit.
Et parfois elle est claire. Presque tintante, comme un grelot timoré perçant le silence des heures sombres, caracolant dans les plaines dévastées du soir criblé d'angoisse. Le garçon berce alors une douceur lagunaire piégée dans sa gorge, l'étend comme un draps de satin pour y border autrui. Dans ses chants il gueule autant qu'il soupire. Lui qui ne sait se plaindre, qui vit à la limite de l'audible et de la perception, qui fuit farouchement la violence et se complaît à n'être qu'un objet duquel on use sans s'en apercevoir. Ses hurlements sont musicaux, harmonieux, un délice à l'oreille. On les écoute, sans forcément comprendre.
Azaria ne sanglote que de la manière la plus jolie, agréable à entendre. Travestissant la peur et la souffrance par ses cabrioles et la philharmonie de ses entrailles crissantes. Il ne s'exprime qu'à travers une succession de masques.
Et le reste du temps, il sourit, il acquiesce et il sert en silence.

Histoire: C'est à l'urbaine qu'il a fait ses premiers pas, ouvrant les yeux sur un monde en camaïeux de gris. Goudron, verre, fibres plastiques, entrelacés pour former la trame crasseuse de la ville.
Mais le nid était chaud et remplis de couleurs. Mobiles tournants et mosaïques en tessons de bouteille qui bariolaient l'appartement où s’amassaient des coussins et des feuilles, en piles disparates et en bourbiers moelleux. Il se souvient de la musique et des reflets coulants sur le sol. Les instruments sur lesquels courraient les doigts de sa mère et la bouche de son père. Des sourires lui reviennent, des caresses, et parfois des odeurs. Mais les sons prédominent.
Il se souvient surtout de ceux de l'incendie, plus encore que des cris. La mélodie crépitante des flammes s'acharnant sur les corps et les meubles. La fin de la musique, des caresses, des sourires. Le départ de l'urbaine, l'abolition du nids.
La campagne bruissante succéda à la ville. De la verdure et d'autres enfants aux noms aussi exotiques que le sien. Bambins aux grimaces dentelées, aux doigts armés. Brimades, pincements, des jambes entre ses pattes pour le faire trébucher. Il se souvient de l'urine gouttant de ses cheveux, de ses genoux éraflés incrustés de poussière. Des membres vigoureux soumettant sa carcasse et des grincements de voix. Gorges rouées, notes aigües de désapprobation enfantine. Cousin répétaient ils, cousin, cousin. Et ils frappaient, taclaient, crachaient, lui arrachant la nourriture au bec. Quand il était convalescent -dés lors qu'un rhume passait sur la région- ils venaient le pincer dans son lit, lui chuchoter à l'oreille qu'il mourrait dans la nuit. Il fixait le plafond, expectorant ses glaires.
Les adultes observaient ce harcèlement minable, granitiques, comme incapables d'agir sur la marmaille hurlante. Jamais cruels. Jamais bons. N'intervenant guère plus dans sa vie que par leur simple présence indifférente, piliers fondateurs soutenant la routine, gages d'un toit sous lequel se flétrir bien à l’abri des vents. Mais ça n'a pas duré, car rien n'est immuable. Une vérité acquise au prix de sacrifices.
Ils sont venu, les attrapeurs d'oiseaux. Et s'il avait fallu l'amadouer, si on lui avait demandé son avis, Azaria les aurait quand même suivis sans une hésitation. Peu importait alors qu'on l'ait vendu comme on le fait des bêtes. Car il y avait sur leur visage, dans leurs manières, des échos de l'existence au nid, quand les instruments s'animaient entre des mains aimantes, avant que l'incendie ne vienne fondre les cuivres, consumer le piano, remplacer les berceuses par la musique des flammes... Ils avaient de l'intérêt pour lui, ces attrapeurs d'oiseaux. Ils l'écoutaient, lui parlaient, le voyaient. L'oncle et la tante n'avaient jamais rien fait de toutes ces choses étranges.
Il se souvient d'être partis une main dans la sienne, sous les yeux plissés des cousins.
Chez les attrapeurs d'oiseaux, on racontait des histoires. On visionnait des documentaires, des films militants. On ressentait de nobles émotions. On leur donnait un but, on évoquait le monde- personne n'avait jamais évoqué le monde de cette manière au garçon, en l'expliquant ainsi, en exprimant des convictions, des avis éclairés. Martelés. Digérés. Le Rossignol s'entendit conter des vérités qu'il n'aurait jamais soupçonné sans cette intervention. On avait de grands mots pour décrire les choses, des principes et valeurs... Azaraia n'avait jamais rien possédé de valeur. On lui apprit que le connaissance était de ces choses là. Il mit dés lors un point d'honneur à apprendre des autres.
Sans soupçonner un seul instant qu'il n'apprenait en vérité que ce qu'on voulait bien lui concéder de savoirs.
S'il y avait d'autres enfants, ceux là ne frappaient pas, ou très peu. Toutes gueules et origines confondues, remplis du même babil. Ils chantaient en cœur les hymnes militantes, ils portaient des uniformes aux écussons vert tendre. Ils étaient frères et sœurs, dormant, mangeant, rêvant ensemble. On leur fit peindre une fresque murale ensoleillée débordante de sourires et de plantes chamarrées sur les murs du dortoir. Ils étaient tous emplis de lumière, en pleine élévation spirituelle et physique. L'adolescence entreprenait à peine ses effleurements internes quand ont les envoya pour porter leur message.
Azaria échoua à transmettre le sien.
Une vérité oubliée le frappa de nouveau tandis qu'on le sortait de son cocon de cendres. La nature éphémère de toute chose. De tout sentiment, de tout lien et de toute connaissance. Il arriva à l'orphelinat avec un doux sourire, un sourire de madone d'une mortelle douceur. Son âme était sous morphine et le fatalisme émoussait son visage, troublait ses yeux grisâtres. Il était de passage, n'aspirant qu'à voleter parmi les papillons. Qu'à se brûler à la première ampoule.
Mais deux années passèrent. Les plaies se refermèrent, les maladies qui le cueillirent au ventre, à la gorge, aux oreilles, qui le firent gonfler des orteils aux paupières, qui lui rougirent les yeux, le nez, qui transformèrent son front en une zone tropicale et le rendirent collant de jus divers et de mucus suintés ne suffirent pas à le tuer. Il y eut encore d'autres enfants, passagers ou tenaces à hanter les couloirs. Poppy l'écarlate, digne môme des forêts à la gloire silencieuse, au charisme muet, Luccio aux yeux opaques et au canif agile, Misael aux tendres étreintes et à l'odeur sucrée, et Reijo... Gueule pâle, yeux pers, la bouche emplie de silence. Reijo l'anémié qui refusait la viande, Reijo et ses névroses, ses dissonances, ses rituels fébriles. Sa beauté saccagée, noyée sous le flot de sa chevelure blonde. Et surtout sa douleur voilée au prix d'une permutation : muer le l en c pour paraître flotter sur les débris du monde. Si familière souffrance dans les yeux de Reijo.
Reijo l'endeuillé, premier amour bien trop vite envolé. Émois adolescents, trémulations fébriles. Quelques caresses à sa joue, pas un baiser, ni de mots explicites, car ni l'un ni les autres ne peuplaient leur bouche. Des poésies, des regards doux, des tâtonnements lexicales pour exprimer un trouble... Une tendresse inarticulée qui n'avait pas su trouver le chemin de leurs doigts. Des regards qui en exprimaient plus que n'en étaient capables leur bouche à l'époque. Seule gage d'amour, la promesse. Une promesse, unique.
Puis le changement à nouveau. Poppy l'égaré, dans les bois matriciels. Lucio, Misael et Reijo le regardant partir.
Le Rossignol s'en revint donc aux confins de l'urbaine. Il y eut une autre famille. Sans cousins. Mais non moins dénuée de violences, non moins indifférente. Et là encore, d'autres enfants. Gamins déformés en leur chair comme en leur âme par les meurtrissures de la puberté. Animaux enragés prisonniers de leurs corps, gueulant dans la cage de leurs os, plein de morsures pour leurs prochains. Était-ce seulement une famille ? Ils n'étaient que collègues, réunis sous ce toit par l'appât du gain plutôt que par amour. Sacrifiés sur l'autel de la productivité.
Comme à chaque fois, la maladie gagna ses chairs. Mais il s'y ajouta des fractures, des tensions persistantes, des douleurs acharnées à hanter ses poumons. Nul autre répit que celui de convalescences incomplètes, toujours trop courtes, cédées non sans menaces. La douceur de sa voix se nuança d'une raucité permanente qui ne devait rien au travail des hormones. On toléra ses incessants trébuchements aux portes de la mort jusqu'à l'âge où enfin, il fut légalement permis de se débarrasser du mauvais investissement qu'il représentait.
Alors Azaria appris enfin à connaître la rue. Ce qui n'avait été qu'un royaume transitoire se mua tout à coup en accueillant tombeau. Dans le velours perlée des aurores il se mit à tousser. Dans les nuits de satin cousus de ferrailles, ses glaires prirent une teinte écarlate, rubis giclées entre ses mains. Et les danses de rue n'y suffirent pas, la faim vint lui ronger les côtes au diapason de la maladie, nichant dans son ventre et s'exprimant dans les reliefs dentelés qui lui perçaient la chair.
Il fut presque heureux de pouvoir s'abandonner à la mort une fois de plus, sans enfants ni adultes pour bousculer sa trajectoire tombante. Pas la moindre perspective heureuse cette fois-ci, aucun contrepoids à la catastrophe. Il se laissa paisiblement sombrer dans un désespoir muet, qui mit à nouveau la lassitude en exergue à sa gueule. Sans sollicitations, il était tellement simple de glisser au tombeau.
Il fallut la collision d'une colombe à sa vie pour contrarier le sort. Il fallut l'essor de son vol pour l'arracher à la crasse rampante des rues. Il fallut son chant doux pour ameuter à nouveau des sourires à ses lèvres.
Dov était pourtant d'une espèce d'oiseaux moins familière des trilles. Colombe à en croire la signification de son nom, mais pie voleuse en son comportement, piochant les secrets aux nids d'autrui pour les redistribuer à qui payait assez. Il furetait à la première existence qu'on lui indiquait pour y déceler des informations convoitées à revendre. Mais ce n'était là que le moindre de ses talents, parmi des capacités par ailleurs innombrables. Dov savait guérir conjointement les âmes et les corps. Dov était un conteur, bien plus allégorique que ne l'avaient été les attrapeurs d'oiseaux. Et à sa manière étrange, diablement efficace... Il transmettait le savoir, l'émotion, le souvenir. Il avait l'intime connaissance de gestes immémoriaux.
Dov était un chaman égaré en ère industrielle. En l'apprenant, Azaria compris mieux qu'il se soit donné la peine de le tirer du brouillard : communiquer avec les morts faisait partie de ses attributions.
Dov lui communiqua ses connaissances médicinales, d'abord afin qu'il puisse en user pour lui même. Il lui appris à soulager ses maux en usant des bonnes plantes. Il lui donna la science des pressions adéquates, du balisage d'aiguilles. Et puisqu'il lui avait acquis une forme par ces chorégraphies, Dov entreprit d'y ajouter un fond.
Avec la Pie-Colombe et son mysticisme relevée de pragmatisme vint finalement un sens. Un but.
Usant de ses airs de madone, d'une vie passée à observer les autres, Azaria rejoignit les rangs grouillants des extorqueurs de secrets- plus portés aux intrigues sentimentales et aux filages qu'à l'espionnage industriel. S'en retournant toujours à la tanière de Dov, où il vit désormais. Persistant à chanter dans la rue et dans le fond des bars. Acquérant peu à peu une nouvelle routine. Mais pour la première fois épris de cette vie non subie.
N'oubliant pas pourtant qu'elle n'est rien qu'éphémère.

Type d'augmentation: Médecine traditionnelle.
Augmentation: à discuter avec le MJ.
Réseau d'influence: Volatile des villes, Rossignol des rues. Urbain.

Inventaire personnel: Jamais de quoi se battre et chargé de très peu. Il y a dans ses poches de quoi communiquer et de quoi dessiner. Quelques crayons et un portable. Dans une sacoche, du nécessaire médicale. Des jumelles électroniques, un inhalateur, des huiles essentielles... Des crèmes, des feuilles, une flûte traversière. Des mouchards et micros qu'il répugne à utiliser, mais que Dov l'oblige à garder avec lui.
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