Eh bien, je vais faire un petit mixe de certains de mes anciens posts. o/
La lune, majestueuse présence dans le ciel nocturne, brillait avec force alors que les apprentis de l’Ordre avançaient en fil indienne le long d’une proie rocheuse. Dans leurs dos, l’éclat irréel du château en flamme illuminait sinistrement l’obscurité. La citadelle était loin derrière eux et pourtant, même à cette distance, Lifaen eut un haut-le-corps en regardant les flammes s’élever paresseusement. Sa vieille peur du feu était toujours présente… Qu’elle ironie du sort, un chevalier du feu ayant peur des flammes ! C’était là un handicape bien gênant, mais Lifaen avait toujours fait avec. Pourtant, il ne connaissait même pas l’origine de cette phobie…
Une main rassurante se posa sur son épaule, une douce chaleur lui fut transmis… la sollicitude de ses pairs le gênait plus qu’autre chose, mais cette nuit là elle était bienvenue. L’apprenti ne se retourna pas pour voir de qui il s’agissait car cela n’avait pas d’importance. Il savait que n’importe quel membres de l’ordre pouvait se trouver à l’origine de ce soutient. Un courant… spécial passait entre les apprentis, même si certains ne s’aimaient pas vraiment, ils seraient toujours là pour soutenir l’un des leur. C’était là une certitude, chaque apprenti donnerait sa vie pour protéger un de ses compagnons.
Lifaen détourna les yeux du brasier et laissa la douce chaleur de ce soutient l’envahir. Les battements de son cœur ralentirent et retrouvèrent rapidement un rythme normal. Sa peur ne disparut pas, elle se contenta d’aller somnoler dans un coin de son âme, prête à surgir à la moindre faiblesse de l’ex assassin.
Très peu de gens connaissaient l’histoire de Lifaen, pour la plupart des membres de l’Ordre, il avait juste surgi d’un coup dans leurs vies et s’était trouvé une place d’apprentis parmi eux. Il s’imposa rapidement comme un combattant hors-pair, ne cédant du terrain qu’à Sèmil. Le jeune homme faisait parti des plus âgés des apprentis, même si entre eux l’âge corporel n’avait que peu d’importance car chaque apprenti était l’égal des autres. Ils étaient tous unis, ce qui, en cette période de troubles, était un avantage non négligeable.
Maintenant que la citadelle, leur foyer, était tombée, les apprentis de l’Ordre avaient deux objectifs : Capturer l’empereur et retrouver le soleil, rien que ça. Une véritable promenade de santé, bien évidemment. Avec un peu de chance, ils seraient tous rentrés pour le diner. Le jeune homme fit un sourire ironique, leur tâche se promettait d’être bien ardue. Pour sa part, liquider des gens il pouvait faire, mais retrouver un astre perdu ? Pourquoi pas aller au pays des petits lapins roses pendant qu’on y était ! Quoi que, se rendre au pays des lapins roses était bien plus facile que d’aller chercher le soleil. Et, d’abord, quand ils l’auraient retrouvé, comment arriveraient-ils à le remettre à sa place ? Aucun d’eux ne savait voler. Autant dire que c’était mission impossible.
Et Lifaen aimait ça.
Un peu de challenge ne lui ferait pas de mal, il s’ennuyait tant au quotidien ! Alors que tous les apprentis arboraient un air sombre, le jeune homme rayonnait. Il sentait poindre en lui une humeur taquine, une folle envie de manier les mots avec humour et dérision. Lifaen manier les mots aussi bien que ses dagues et était passé maître dans l’art de parler, ses mots touchants toujours but. Il maniait la dérision avec autant de maestria et adorait les joutes verbales, les pitreries. Il lui arrivait très souvent d’utiliser son incroyable agilité pour animer quelques peu leur groupe et il adorait se disputer joyeusement avec ses compagnons.
Néanmoins, cette bonne humeur et cet humour presque légendaire cachaient un travers bien sombre de lui-même.
Lifaen portait une sorte de… masque. Il dissimulait son âme noire comme le charbon par un faciès joyeux et des pitreries incessante. Personne n’avait jamais vu qui il était vraiment. Personne n’avait jamais vu son âme profonde, ses pensées les plus secrètes. Et tant mieux pour eux.
Ils arrivèrent enfin à destination, une cache de l’Ordre. Sèmil les fit entrer un par un, Lifaen se mit en dernière position, juste derrière Eileen. Lorsqu’il vit le petit jeu de l’ainé, son cadeau pour la jeune femme, un grand sourire malicieux éclaira le visage du jeune homme. En entrant, il adressa un clin d’œil taquin au premier bretteur de l’Ordre. Une occasion de se moquer du grand Sèmil, le preux chevalier, il ne fallait surtout pas la rater.
Alors que l’ainé des apprentis prenait en charge la suite des opérations et donnait quelques ordre, se sortant durant quelques instants de son étrange apathie, Lifaen fit semblant de s’échauffer. Enfin, il prit une voix mélodramatique et s’exclama alors :
- Voyons, Sèmil, mon chéri, n’ai-je pas le droit moi aussi à une fleure ? Ce privilège est-il donc réservé aux gentes dames ? Ces mots doux que tu m’as susurré à l’oreille, tu les répètes ainsi à la première venue ? Je croyais que c’était sérieux entre nous. Suis-je ainsi bon à jeter pour que tu me remplace par la première rivale venue ?
Quelques rires fusèrent et l’ainé s’empourpra de subir ainsi le cynisme de son compagnon. Ce dernier fixa l’apprenti avec un grand sourire sur le visage, ses yeux riaient à sa place. Néanmoins, il remporta peu de succès, son humour et son autodérision ne remportant que peu de succès auprès ses camarades. Mais Lifaen s’en fichait, il s’amusait follement.
Pourtant, il se sentit fondre face au regard que lui adressa Eileen et il décida de renoncer à ses pitreries, du moins pour cette fois.
Le jeune homme se redressa et décocha un sourire taquin à la rouquine avant de s’éloigner comme si de rien n’était, laissant Sèmil nager en pleine confusion. Ce dernier se reprit rapidement et conseilla qu’ils allument un feu avant de retourner à l'étrange prostration dans laquelle il était tombé depuis la chute de la citadelle. Le cœur de Lifaen bondit dans sa poitrine et il adressa un regard implorant à certains de ses camarades qui ne firent qu’hausser les épaules. Lifaen devra donc se trouver un abri dehors pour pouvoir dormir cette nuit. Il se glissa à la suite de Flinn et sortit de la grotte.
Sans plus se préoccuper de son camarade, le jeune homme entreprit de repérer légèrement les lieux. Après une courte marche, Lifaen retourna devant l’entrée bouchée de la grotte. Il s’assit à quelques mètres de là, perdu dans ses pensées.
La contraction frappa sans prévenir.
Tout d’un coup, Lifaen fut pris de violents spasmes, un léger filet de sang gouttant au coin de sa bouche. Vite, il devait à tout prix se restaurer. Malgré les violentes contractions de sa poitrine et les spasmes de son corps, l’apprenti réussit à tirer de sa besace une fiole remplit d’un liquide rouge.
La lune éclaira mieux le contenu de cette fiole et on put identifier clairement de quoi il s’agissait.
Du sang humain.
Lifaen fit sauter le bouchon d’un coup de dent, puis vida d’un trait son contenu. Peu à peu, sa crise se calma, son organisme avait eu sa dose de sang et il était pour le moment stabilisé. Mais une nouvelle crise guettait Lifaen qui redoutait ces terribles contraction que le prenaient de plus en plus souvent et qui le forçait à ingérer du sang humain.
Foutue maladie.
Lorsque la crise, impressionnante par sa violence et sa rapidité, fut définitivement finie, l’apprenti laissa son esprit dériver doucement, son regard dans le vague. De sombres pensées l’assaillaient, son masque était tombé et ses traits d’ordinaire joyeux et moqueur avaient coulés pour lui laisser un faciès triste et souffrant.
Flash.
Souvenirs.
Le décor a changé, les protagonistes aussi. Désormais il n’y a plus que Lifaen, beaucoup plus jeune, et un homme habillé de noir. Au premier coup d’œil, on reconnait Ellun’drill, l’assassin légendaire. Les deux hommes se tiennent sur le toit d’une maison de deux étages, il fait nuit et la Lune, ronde et majestueuse, s’élève paresseusement au dessus d’eux. Pas un chat en bas, l’assassin et son apprenti sont seuls. D’un geste, Ellun’drill indique à son élève de se reculer d’à peu près cinq mètres du bord. Puis, sa voix s’élève, elle ressemble à une brise fraiche.
- Très bien mon petit, aujourd’hui je vais inaugurer un nouvel exercice. Un assassin se doit d’être rapide, insaisissable. Tes ennemis ne doivent pas avoir le temps de comprendre ce qui leur arrive. Alors, c’est tout simple, je vais lancer une pièce dans le vide. Tu dois la rattraper, si elle tombe, tu sautes avec elle. Compris ?
- Oui maître.
Sans un mot de plus, l’assassin légendaire lance une pièce d’or en l’air. Lifaen s’élance, il court à une vitesse hallucinante et pourtant il manque son objectif de loin. Il saute à la suite de la pièce sans aucune hésitation. Elle touche le sol avant lui qui a du mal à se rattraper, il chute lourdement sur les pavés. La hauteur cause une violente douleur mais rien de mortel. Sans un mot, l’apprenti remonte en haut du toit et tend la pièce à son maître.
- On recommence, dit ce dernier.
Lifaen acquiesce, il se met en position et tente de nouveau sa chance. Il échoue. Comme les trente fois suivantes. A chaque fois, le jeune garçon remonte au toit et se remet en position. Il est couvert de blessures et de bleus en tout genre, sa cheville le fait boiter légèrement mais il tient, il continue. Un autre essai, un autre échec. La cheville de Lifaen émet un craquement sinistre et se tord dans un ange étrange. L’élève se tient la cheville en gémissant, il souffre.
La voix d’Ellun’dril s’élève, froide et dure. Un mot. Un ordre sans appel.
- Recommence.
Changement de décor
Lifaen se tient au centre d’une clairière. Il est plus jeune, plus inexpérimenté. Cinquante mètres devant lui, il y a une cible. Enfin, cible est un bien grand mot, il s’agit d’une minuscule rondelle de bois de quelques centimètres de diamètre. Derrière lui, un homme, une ombre. Une certaine aura se dégage de lui, ça présence écrase tout mais pourtant il semble aussi volatile que l’air. Un mot pour le qualifier, libre. Un autre, ombre.
Ellun’dril, le légendaire assassin, s’exprime alors d’une voix claire, puissante, caressante.
- Bien. Mon cher Lifaen, voici l’exercice d’aujourd’hui. C’est simple, tu dois toucher la cible avec tes dagues.
- Et… si je la rate ? intervient l’élève.
- Tu recommences jusqu’à ce que tu réussisses.
La sentence tombe comme un couperet, froide, implacable. Le maître renchérit alors d’un ton sans appel.
- Tu ne mangeras pas, tu ne dormiras pas tant que tu n’auras pas touche cette cible. Je te donnerai le minimum en eau chaque jour.
- Chaque… Jour ? Répète Lifaen, pas sûr de vouloir comprendre.
- Oui. Même si cela doit durer jusqu’à ce que tu meures de faim, tu n’arrêteras pas sans avoir toucher la cible.
Avec de grands yeux, le jeune homme acquiesce. Il n’a pas le choix. Sans un mot de plus, il se positionne face à sa cible et lance la première dague.
Une semaine.
Cela fait une semaine que Lifaen lance sans relâche ses dagues de jets. Une semaine de torture intense, son organisme réclamant du sommeil, de la nourriture, une pause. Lorsqu’il a le malheur de ralentir le rythme ou de s’endormir les dagues de sont maître creusent un sillon sanglant dans son dos. Il est faible, sur le point de s’écrouler. A ce rythme, il mourra dans l’instant. Une brise serait capable de le renverser, sa vie ne tient plus qu’à un file. Et pourtant, il continue. Il lance ses dagues sans relâche, endurant la douleur sans un bruit, sans une plainte. Il est impressionnant de détermination. Son esprit n’est plus qu’une flèche de volonté pure, se détachant des besoins matériels. Il est plus mort que vivant, son corps est à l’agonie, réclame de l’attention, des soins.
La dame Sélène est à son zénith, sa douce lueur envahit la clairière. Lifaen lance.
Bruit sourd.
Dague qui s’enfonce.
Il a réussit. Le jeune homme contemple avec étonnement le manche de son arme qui dépasse de la rondelle de bois. Pendant un moment, il est là invincible, sa joie éclatant silencieusement.
Puis, il redevient humain.
Il s’évanouit.
Ellun’dril lui accorde quelques jours pour se reposer. C’est tout. C’est dur mais c’est ainsi.
Puis, revoilà l’élève et le maître dans la clairière. Une nouvelle rondelle de bois est au centre. Sans un mot, Lifaen se poste au même endroit, dans la même position. La voix de son maître, la légende vivante Ellun’dril, s’élève.
- On recommence, mais cette fois avec les yeux bandés.
Flash
Présent.
L'ex assassin secoua la tête et reprend le masque de son sourire, s'extirpant de ses sombres souvenirs. Il fixa le paysage légèrement boisé qui s'étendait autour de lui, formant un rideau sombre et mystérieux. C'était un miracle que des arbres aient réussi à survivre malgré l'absence du soleil.
C'était un miracle que le monde ait survécu, même.
Enfin, le jeune homme ne se faisait pas d'illusion. Andore se mourrait. Le temps leur était compté.
Pourtant, Lifaen en était curieusement détaché, leur quête ne l'intéressait guère. Il ne se voilait pas la face, il était plus un assassin qu'un apprenti de l'Ordre...
L'ex assassin secoua la tête, interrompant le fil de ses pensées et se refusant à s'étendre plus sur le sujet. Cherchant un distraction, il fixa de nouveau la forêt.
Et étouffa un juron.
Il aurait tout donné pour se trouver un ville, se mouvoir à nouveau parmi les ruelles sombres des bas quartiers et les toits pentus des habitations. En ville, il était sur son terrain, dans son domaine, il était le maître du jeu.
Mais pour l'instant, il allait continuer de suivre les apprentis de l'Ordre et il était peu probable que ces derniers décident de s'approcher d'une cité avant des lustres!
Avec un soupire, le jeune homme détourna son regard du petit bois, ses pensées tourbillonnantes semblant se matérialiser dans la buée que la fraîcheur de la nuit lui faisait exhaler.
Il était seul, une fois de plus.
Il se produisit alors une chose extraordinaire.
Une forme massive sortit des fourrés. Il s’agissait d’un Loup majestueux à la fourrure gris claire et aux grands yeux jaunes. Il s’approcha doucement de l’ex assassin, faisant jouer sa musculature de prédateur. Une fois arrivé à un mètre de Lifaen, ils se fixèrent dans les yeux.
Le jeune homme avait pris son regard de prédateur, son regard de panthère, ses yeux émeraude étincelaient.
Le fils de la Lune le fixait avec un mélange de curiosité et d’amusement, ses grands yeux jaunes clamaient sa ressemblance avec Lifaen.
Ils étaient deux prédateurs se jaugeant.
Alors, aussi extraordinaire que cela puisse paraitre, le Loup inclina légèrement la tête. L’ex assassin lui rendit son salut. Une lueur nouvelle brillait dans les yeux du Loup.
Le respect d’un prédateur à un autre.
Avec un sourire, Lifaen lui désigna instinctivement la place à côté de lui et le loup se mit nonchalamment en mouvement. Le canidé s’allongea à côté de Lifaen, son corps chauds plaqué contre celui du jeune homme. Il veillait avec lui.
Lifaen n’était plus seul.
Heu. Voila, si c'est vraiment trop mauvais, je supprimerai. o/