Andore - Prologue

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18-09-2011 à 13:10:56
Moon s'éleva de l'épaule d'Arl.
Il était dans une forêt, une forêt comme il n'en existait presque plus depuis la Disparition.
La sensation des feuilles qui frottaient ses plumes, libérant ce petit bruissement qu'il aimait tant, le vent qui faisait danser les arbres et la délicieuse sensation de ne plus faire partie du monde, et le voir évoluer sans s'y mêler.
Oui, Moon aimait le monde. Il aimait le monde comme on aime un frère, et il s'en détachait en même temps, aimant à rêvasser sans but précis.
Et c'était un spectacle magnifique, que les plumes bleues du geais miroitant la lumière de la Lune. Il s'éleva encore un peu, surplombant les arbres.
Le sinistre théâtre de la Mort s'étandait sous ses ailes.
Le Vert devenu Rouge par la folie de l'Homme, qui se bat continuellement pour posséder le Sol en regardant le Ciel.
Ainsi étaient faits les humains, calmes et sereins dans le meurtre, détruisant vie et beauté au profit du chaos.
Ainis étaient faits les humains, êtres immortels et immuables, chacun persuadé d'agir pour le Bien alors qu'il anéantit ce qui mériterait de se sacrifier pour le sauver.
Froide lueur de mort et de destruction.
Derniers espoirs du possible, fin de l'Astre blanc.
Oui, la Lune pleure ce soir. Le sang a coulé quand les étoiles sont nées de derrière les nuages, alors que personne ne voyait le lancinant ballet de lumières, trop absorbés dans leurs ténèbres.
Et il reportent leurs ténèbres sur le Monde.
Froide lueur de mort et de destruction.
Derniers espoirs du possible, fin de l'Astre blanc.
La Lune meurt ce soir, pour se redresser de ses cendres fumantes et anéantir par le fer l'Impur. Aujourd'hui, quelques lueurs se lèvent des ténèbres de sang et de cendres.
Puissent-elles ne pas s'éteindre trop vite.
Puissent-elles rallumer le feu de la Liberté, que les Humains ont depuis si longtemps perdu de vue.

Arl regardait Moon flotter au milieu des étoiles.
C'était quelque chose de si beau, de si simple, quelque chose qui portait Arl dans les profondeurs de son enfance, lorsque Moon et lui jouaient dans le petit carré gris, qui lui paraissait si grand.
Le temps des rires était révolu, pensa-t-il, sans lacher des yeux son frère.
La Lune jouait sur le plumage bleu du geai, se frottait contre lui.
Arl aimait la Lune. Parce qu'elle ne se croyait pas au-dessus des autres alors qu'elle l'était. Et parce que c'était la seule chose qui restait à Arl de sa vie d'avant, quand il était un et qu'il savait être heureux.
Arl se propulsa en avant, attrapant la branche de l'arbre qui pendait devant lui, fantomatique. Il se hissa au sommet du hêtre d'une main et s'assit, les mains sur les genoux.
Moon volait tout près de lui, et la lumière reflétée sur ses plumes venait réchauffer le visage du jeune homme. Il souriait. Puis il leva la main, caressant la tête de l'oiseau pendant un court instant.
Il ferma les yeux, et le geai revont sur son épaule, laissant sa main parcourir doucement ses plumes.
Ils allaient tous y passer, comme Genghis, et comme Sémil peut-être.
Mais peu importait. Cet instant, au sommet lu hêtre, cet instant de vie et de bonheur valait bien la mort.
C'était un instant qui n'avait rien d'intéressant, de ceux dont on oublie l'existence dès que l'on doit s'en arracher, et qui vous reste jusqu'à la mort. De ceux que l'on ne raconte pas, car ils ennuient l'auditoir, qui préfère les combats, le sang et l'action.
Voilà. C'était cela, un homme. Une créature qui tue, qui regarde tuer, qui se fait tuer, qui aime raconter tuer et entendre raconter tuer.
Une créature qui aime la mort parce qu'elle leur permet de se croire au-dessus de ce qu'il sont.
Ils n'auraient pourtant qu'à s'envoler.

Froide lueur de mort et de destruction.
Derniers espoirs du possible, fin de l'Astre blanc.


18-09-2011 à 21:25:51
Le cri ne venait pas de très loin. Zejaléa n'eut qu'à franchir une butte pour se retrouver dans une cuvette où gisaient de nombreux cadavres d'impériaux, et au milieu d'eux se trouvait Eileen. La seule encore debout au cœur de cette hécatombe, érigée par miracle sur les ruines du champ de bataille, droite et silencieuse...Le souffle court, Zejaléa avança en quelques foulées vers l'apprentie habituellement joviale et alors qu'elle s'approchait de Eileen, son pressentiment se trouva subitement confirmé par Lifaen gisant au sol. Non ! Pourvu qu'il ne soit pas trop tard ! Lifaen était le blessé de trop, le sacrifié pour l'Ordre sans raison. Son corps ensanglanté, désarticulé, épousant la terre semblait si absurde...Il ne mourrait pas ! Quoi qu'il lui en coûte, Zejaléa ferait tout pour le sauver ! Il lui avait accordé sa confiance en lui avouant son secret en dépit de son aspect renfermé, et bien qu'il joue le rôle du solitaire, il était un des principaux piliers du groupe, au même titre que Sèmil ou que Eileen...D'ailleurs, elle était debout, mais peut-être pas pour longtemps ? Zejaléa s'extirpa de ses pensées et posa sa main sur le bras de la jeune fille, puis lui adressa la parole

"Eileen, est-ce que ça va ? Tu n'es pas blessée ? Que s'est-il passé ? Vous étiez ensemble ?"

Sa réponse fut aussi brève que possible tant la rouquine était paralysée par l'horreur et la stupeur.

"Je vais bien, mais Lifaen...Il m'a dit de prendre ses dagues...Je viens juste de le trouver...Zejaléa..."

Eileen ne finit pas se phrase. Elle la regardait avec un air désespéré, tenant les dagues qu'elle avait pris sur Lifaen dans ses mains fines, en s'efforçant de sourire malgré tout. Des larmes dans ses yeux menaçaient de couler d'un instant à l'autre sur ses joues et son regard était une supplication qui hurlait "Sauve-le !".

Zejaléa ne perdit pas plus de temps, Eileen était choquée et pâle, mais les quelques égratignures qu'elle avait reçue lors du combat étaient futiles. L'apprentie se mit à genoux aux côté de celui qui était parfois surnommé la Panthère, et tenta d'évaluer la gravité des blessures...Le constat fut effarant : si personne n'était venu, il serait mort dans le quart d'heure qui suivait...Il avait reçu tant de blessures ! Et dire qu'elle avait utilisé la plupart de ses ressources ! Il ne lui restait plus que le talent, quelques gouttes de vie, et la cautérisation par le Feu qu'elle n'avait mis au point que trop récemment...Zejaléa enleva sa cape et la lacéra pour en faire divers garrots ou bandages de toutes tailles qui lui seraient utiles. Lifaen était un Chevalier de l'Ordre, un frère, elle mourrait pour lui comme elle mourrait pour quiconque du groupe, alors une simple cape à capuche était un prix dérisoire si cela suffisait à l'aider...Aussitôt qu'elle eut posé divers garrots, elle chercha la priorité absolue, tâche malaisée étant donné le nombre de blessures mettant en suspens le pronostic vital. La pire blessure était certainement celle-là...Zejaléa sortit sa Pierre de Feu et s'apprêta à cautériser la plaie béante lorsqu'Eileen la retint.

"Non ! Pas le Feu...S'il te plaît..."

Elle ne comprit pas. Évidemment cela le ferait souffrir, mais sa vie n'était-elle pas la plus importante ? Pourtant Zejaléa respecta la prière d'Eileen, elle remit sa Pierre dans sa poche et fouilla celles de Lifaen pour y chercher du fil d'araignée qu'il avait peut-être encore sur lui...Bien heureusement elle trouva vite les filins luisants et collants qui pourraient certainement aider les diverses hémorragies à s'arrêter et les appliqua en même temps que de l'essence de plantain sur les chairs les plus violemment déchirées. A ce moment même, Eileen, tendue comme un arc derrière elle reprit la parole.

"Zejaléa, laisse-moi t'aider de n'importe quelle façon...Et dis-moi...Sèmil, je l'ai vu tomber, s'il te plaît, dis-moi qu'il n'est pas mort, réponds-moi..."

La guérisseuse n'avait jamais vu Eileen dans un tel état...Elle gardait un léger sourire comme un instinct de survie, mais elle était plus pâle que jamais et sa voix tremblait. Tout en continuant de s'affairer au mieux autour de Lifaen, Zejaléa lui répondit brièvement tout ce qu'elle pouvait lui dire en faisant attention à chacun de ses gestes...La survie de Lifaen dépendait en grande partie de la gestion qu'elle ferait de ses faibles ressources et des priorités qu'elle choisissait : Elle n'avait pas le droit à l'erreur.

"Sèmil est en sécurité dans la grotte, je l'ai soigné de mon mieux, mais il est très faible...S'il passe la nuit il est sauvé. S'il passe la nuit. Pour le moment, tu ne peux pas m'aider, mais promis, je te demanderais de l'aide dès que je le pourrais, je te le promets."

Elle avait pansé la plupart des blessures de Lifaen, mais son souffle demeurait désespérément faible...Il pouvait partir d'une seconde à l'autre. Mais comment lui insuffler la Vie avec tout le sang qu'il avait perdu ? Le Sang...Mais oui, c'était la solution ! Elle fouilla frénétiquement dans les poches de l'assassin, mais ne trouva que des fioles vides ou cassées. Laissant Eileen là, elle courut jusqu'au cadavre le plus proche. C'était parfait, il avait encore beaucoup de sang à donner, et si elle parvenait à le faire avaler à Lifaen, il serait certainement en bien meilleur état ! Mais alors qu'elle s'apprêtait à prélever du sang sur le mort, elle s'arrêta net et regarda Eileen, qui tenait encore les dagues de l'assassin. Lifaen avait utilisé ses dagues dont...Celles empoisonnées ? Ce serait trop bête de le tuer en voulant le sauver, alors comment faire ? Puis en un éclair, la lumière se fit et tout fut limpide. La jeune fille sortit sa lame de carbone de sa main gauche, revint vers Lifaen, et l'adossa à un cadavre avant de se pencher au-dessus de lui. Puis elle ouvrit la bouche de l'assassin et s'entailla profondément le bras droit. Elle retint un cri alors que son sang s'écoulait à flots hors de la plaie, elle n'y était pas allée de main morte...Elle rengaina son épée, posa sa blessure sur la bouche du jeune homme, et activa son réflexe de déglutition en manipulant sa pomme d'Adam. La douleur de son bras droit pulsait au rythme de son cœur, mais elle avait connu pire. Il ne s'était pas écoulé une minute qu'elle sentit alors les forces lui manquer...Évidemment. Elle avait tenu un rythme effréné toute la nuit, s'était battue, avait saigné et maintenant, voilà qu'elle offrait son sang. Le monde sembla tourner autour d'elle, puis Zejaléa vacilla et tomba à genoux le souffle court, des étoiles dansant devant ses yeux. A moitié aveugle, elle se noua d'instinct un garrot et regarda dans la direction dans laquelle était sensée se trouver Eileen. Zejaléa ne lui avait plus prêté attention lorsqu'elle avait compris qu'elle devait donner physiquement de sa personne, mais maintenant, elle était certainement la meilleure chance de survie de Lifaen...

"Eileen...Si tu veux m'aider, aider Lifaen, fais ce que j'ai fait...Donne-lui ton sang. Je ferais en sorte qu'il l'avale...Si tu veux...Le sauver..."

Zejaléa s'interrompit. Elle avait affreusement mal à la tête et sentait qu'elle manquait terriblement de force. Mais elle tiendrait ! Sans un mot, Eileen acquiesça et fit glisser sa propre lame sur son bras en grimaçant sous la morsure du carbone. Puis elle se mit dans la même position qu'avait adopté Zejaléa avant, tandis que la guérisseuse veillait à ce que le sang frais n'emplisse pas les poumons de la Panthère. Peu de temps après, le souffle du jeune homme avait repris un peu de vigueur. Il n'était pas encore sauvé, mais il pouvait survivre. Zejaléa remercia Eileen et lui fit le même garrot qu'à elle. Puis elle adressa quelques mots à la jeune femme dont la chevelure éclatante résumait ce que tous recherchaient : la Lumière.

"Je n'en peux plus Eileen, je vais veiller Lifaen, aurais-tu la force d'aller chercher les autres ? Si tu pars vers la grotte, tu les trouveras vite, demande de l'aide pour transporter Lifaen à ceux qui sont le mieux en point. Et merci...S'il doit la vie à quelqu'un, c'est certainement à toi. D'ailleurs...Évite de parler de la façon précise dont nous l'avons sauvé aux autres...C'était un secret, mais j'ai suffisamment confiance en toi. Merci pour ton aide si précieuse Eileen, et merci d'être ce que tu es..."

Puis Zejaléa se retourna vers Lifaen et posa son menton sur ses genoux en l'observant, totalement vidée de toute énergie tandis qu'Eileen porteuse d'Espoir et incarnation même de son flambeau partait au milieu du charnier pour le meilleur, et seulement le meilleur...
18-09-2011 à 23:15:00
La douleur physique ne suffisait pas, il fallait y ajouter de la culpabilité... Ce beau visage angélique, massacré par une lame impure... Comme il s'en voulait de ne pas l'avoir mieux protégé... Son museau s'humidifiait au fil de la marche, et la longue plainte qu'il émettait rendait le tableau pitoyablement triste. La marche funèbre au milieu des cadavres était affligeante tant elle représentait la connerie humaine. Heureusement, Velk n'était pas comme ça. Velk n'était fou que par leur faute. Il était entraîné dans cette tornade sanglante que provoque l'humanité involontairement. Lui même se sentait incroyablement attiré par cette violence primaire quelques fois. Les humains sont contagieux, ses frères devenus fous furieux en étaient la preuve. Les hommes les ont rendus abrutis et obéissants, avides de sang et violents. Les hommes ont privés leurs animaux de leur intelligence et de leur libre arbitre. Kire s'était trouvé l'une des perles rares qui subsistent dans toute l'humanité.
Le fluide écarlate que perdait Velk inquiétait l'animal au plus haut point. S'il ne survivait pas, Kire deviendrait une ombre errante, une âme en peine, et un bourreau impulsif. Il ne voulait pas devenir un monstre craint du monde... Mais la blessure dorsale du forgeron était écoeurante tant elle était profondément ouverte. Et sa façon de boiter et se tenant le bras faisait pitié à voir. Ses forces d'habitude inépuisables l'abandonnèrent peu après la traversée de l'orée de la forêt. Kire était également ridiculement faible face à ses blessures, moins importantes que celles de son aîné. Une odeur très vaguement familière se présenta à une vingtaine de mètres de là. Kire repéra la frêle humaine aux yeux azurs qu'il avait agressé il y a de celà quelques dizaines de minutes. Elle était leur seul espoir de survie.
-Sauve-le ! cria l'animal en détresse.
Ses yeux devinrent sombres, sa vue se brouilla... Son flanc gauche heurta le sol sans qu'il ne s'en rende compte.
Elle devait sauver Velk... Car sans lui, il serait comme mort...

Un hurlement... Une odeur de chair brûlée... Ce déchirement sonore prit le canidé par les tripes tant il était perçant. Son frère souffrait atrocement. Quelqu'un l'attaquait, et lui ne pouvait sortir de sa torpeur. Quelle horreur que de se sentir si impuissant deux fois dans la même nuit... Un coup de poignard lui prit l'épaule droite, à moins que ce ne soit la flèche qui s'était enfoncée plus profondément encore. Un tissu portant l'odeur de son frère s'enroula autours de lui. Kire pleura de nouveau. Ses blessures furent étouffées. La douleur partit loin de son esprit... Il ouvrit les yeux.

La femelle était repartie. Un silence de mort régnait dans la forêt calcinée. Kire se leva en étouffant un juron provoqué par la douleur dans son épaule. D'horribles courbatures le forçaient à bouger comme un vieux cabot. Velk gisait inconscient à ses côtés, embaumé dans son vêtement déchiré. Kire lécha sa balafre en gémissant afin de le réveiller. Le jeune homme ouvrit lentement les yeux, poussant un long gémissement douloureux.
-Debout, couina le canidé.
L'aîné poussa un cri en déplaçant son bras gauche.
-Je... peux pas... Kire... murmura plaintivement le forgeron.
Le cadet observa les environs sous tous les angles. Il devait aller chercher quelqu'un pour l'aider... Mais personne ne semblait être présent à des centaines de mètres de là. La jeune humaine ne semblait pas vouloir les aider d'avantage, alors il ne restait qu'une personne dont il connaissait l'odeur : Arl.
Kire renifla une odeur très légère. Il mettrait sans doute un très long moment à trouver cet humain solitaire. Le canidé se mit en route, grimaçant à chaque pas qu'il faisait.


La chaleur était insoutenable et la douleur abominablement coriace. Le jeune homme était épuisé. Il avait grand besoin de se reposer. D'affectueux coups de langue le sortit de son sommeil. Ses yeux s'ouvrirent sur une vision attendrissante. Kire était en train de lécher sa blessure au visage en poussant de petits couinnements. Ce dernier le supplia de se lever. Velk s'en sentait malheureusement incapable. La vive douleur qui lui saisit le bras quand il s'y risqua le lui confirma. L'animal partit chercher de l'aide, comprenant que son frère était trop faible pour rejoindre le campement seul... Le silence après le fracas du fer était effrayant. Le jeune forgeron suait à grosses gouttes et mourrait de soif. Son sac de provisions était perdu au milieu des cadavres à présent.
Velk ne s'apperçut qu'au bout de longues minutes qu'une inscription était tracée dans la poussière. Le bougre ne connaissait que quelques notions de lecture.
-Quelle barbe... jura le jeune homme.
C'était une longue phrase comprenant des mots complexes. Velk sentait venir le mot de tête et maudit la personne qui avait écrit ce message. Comme si tout le monde savait déchiffrer "Merci de nous avoir aidé, j'ai fait de mon mieux pour vous soigner ton chien et toi, nous sommes encore à proximité. Z."... Il n'aurait pas pu l'écrire en mots simples ?...
-M... Mess... Messki... de... nau... avouss... aïdé... "Messki de nau avouss aïdé" ?! grogna le forgeron. Je comprend rien !!!
Ce charabiat était un casse tête incompréhensible pour Velk. Il mit une bonne vingtaine de minutes à déchiffrer le remerciement, puisant dans ses souvenirs lointains, à l'époque où il devait lire les commandes d'armes des clients.
Une heure passa. Une heure infiniement longue pour le jeune homme qui commençait à fatiguer. La rage de ne pas pouvoir décripter le dernier mot lui donnait un teint pourpre.
Velk finit par fermer les yeux, se jetant dans les bras de Morphée... Kire était trop long à revenir...

Lorsque je te serre la main, c'est une souffrance que j'appréhende. Tu ne sentiras pas le tonnerre de ma haine s'abattre sur ta nuque. Tu ne pourras que pleurer, et saigner. Saigner autant que mon dégoût le désire. Je me délecterai du spectacle macabre de tes chairs broyées sous mon poing vengeur. Personne n'est innocent.
18-09-2011 à 23:35:59
Les flammes s'élevaient toujours plus menaçantes, léchant le ciel morne d'Andore. Flinn avait l'esprit vide et les sens amplifiés. Il savait à peine ce qu'il faisait, il avait atteint ce stade. Ce niveau de concentration qui permettait de voir au ralenti les mouvements des adversaires, de sentir un souffle d'air qui avertissait d'une attaque par derrière, et de l'esquiver par pur instinct. Alors que la bataille était devenue une gigantesque tempête de feu, d'acier et de sang, pur vortex de brutalité, choc des convictions d'une poignée d'apprentis contre la puissance de l'Empire, Flinn frappait.
Combat.

Le vent siffla à ses oreilles. Aucune question ne se posa à lui. Son corps bougea, tout simplement. Et son esprit, en symbiose absolue avec son enveloppe charnelle, évacuait tout ce qu'il avait besoin d'évacuer. Tous ses tourments, toute sa haine, tout son désespoir étaient emportés comme des bois flottés dans la rivière de son combat. Et tout cela se jetait au même endroit : un océan de violence et de sang-froid, de découverte et d'expérience. Un océan au goût de sang et de larmes. Mais peu importait pourquoi il se battait, car le simple fait de se battre répondait à cette question. Il était Libre. Et ses ennemis tombaient les uns après les autres.

Vie sous la Lune, combat nocturne

Sur sa peau la caresse du Vent
Sèche ses larmes salées
Et transporte l'odeur du sang
Et le son de l'acier.

Vibrant au rythme du combat
Il frappe il tue il détruit
Impitoyable et froid
Jusqu'à la Mort, il Vit.

Combat nocturne, Vie sous la Lune.

Une lame ficha sa pointe dans sa cuisse. Cette fois, il avait reculé un tout petit peu trop tard. Mais cela ne faisait aucune différence. tant qu'aucun coup ne le tuerait, aucun coup ne l'empêcherait d'être Libre. De toutes ses forces il imprima une rotation à sa tonfa, la faisant tournoyer dans un geste amplifié par tout son bras, ses épaules, ses hanches, jusqu'au moindre de ses orteils. L'extrémité sombre de l'arme de bois frappa un ennemi sous la tempe, juste en-dessous du casque. Violence pure, appuyée d'une maîtrise technique exceptionnelle. Craquement sinistre. Gerbes de sang. Eclats écarlates sur l'acier, au milieu des reflets du clair de Lune. L'homme tomba, mort avant d'avoir touché le sol. Quand Flinn posa son regard tout autour de lui, il ne vit plus aucun ennemi debout. Sa concentration redevint normale, les battements de son cœur commençaient déjà à ralentir leur rythme. Ils avaient gagné le combat. Mais ce soir, ce n'était pas seulement une victoire sur la bataille. Flinn avait gagné son bien le plus précieux, la Liberté.
Victoire.

Après un long moment, durant lequel il était resté immobile, le jeune chasseur reprit conscience qu'il appartenait à un groupe. Cherchant ses compagnons du regard, il n'en trouva pas beaucoup... Les autres étaient-ils morts ? Il ne voyait ni Lifaen, ni Genghis, ni Sémil, ni Ezraël. Manquaient aussi Zejalèa et Eileen ! Il ressentit une lame de culpabilité s'enfoncer dans la glace de son cœur. Il ne se pardonnerait jamais son égoïsme dans la bataille si elles étaient mortes. Il ne pouvait pas les laisser mourir ! Si cela était arrivé, il n'était pas sûr de pouvoir s'en relever cette fois-ci. S'élançant à leur recherche, luttant contre la peur de découvrir leurs corps sans vie étendus sur le sol, il prit conscience aussi de toutes les blessures, heureusement superficielles, qu'il avait reçues. Mais cela n'était rien pour lui, ce n'était rien comparé à la douleur que la mort de l'une d'entre elles lui infligerait. Il devait les retrouver. Sans qu'il puisse expliquer pourquoi, sans même que l'envie de se poser cette simple question lui soit venue à l'esprit, un sentiment bestial monta en lui, sauvage. Il devint un instant un Loup.
Il adressa son désespoir à la Lune, hurlement.

HRP : Il ne devient pas vraiment un Loup, hein, c'est une image pour dire qu'il hurle comme un Loup ;)

"- Crois-tu en le Destin, Néo ?
- Non. Je ne supporte pas l'idée que quelqu'un dirige ma vie à ma place.
- Précisément. Et je suis fait... pour te comprendre.
" - Matrix.
19-09-2011 à 18:22:38
Le silence... Profond, sournois et bien présent... Le silence... L'après-bataille. Frimain sent une tristesse insondable se dégager de la Terre, cette Terre gorgée de sang, de larmes, et de tout ce que les hommes auraient pu imaginer de plus horrible. Il s'en imprègne, inspire profondément. De ses mains goutte un liquide poisseux. Son sang ? Ou celui d'un autre ? Qu'importe après tout, là n'est pas la question. Il soupire, puis continue sa marche à travers l'imposant charnier.
Autour de lui, rien, si ce n'est ces cadavres qui jalonnent la clairière ; combien sont-ils ? Le jeune homme hausse les épaules. Après tout... Des vies, des histoires, des familles ; un destin prometteur peut-être ? Tout cela broyés, laminés, étouffés. Frimain retint un grognement de douleur, portant la main à sa jambe. Puis rencontre avec un liquide ; il frissonne, bien malgré lui. Sa marche pourtant se poursuit, à travers la Mort et la solitude, à travers l'espoir d'un monde nouveau. Mais cela était-il bon pour cela ? Sombres pensées... Soleil, souffrance ? Nuit ? Leur combat était juste, mais à quel prix... Le prix du sang.

Un hurlement déchire la nuit, lui perçant durant un court moment ses tympans si fragiles ; Frimain s'élance. Eileen ! A coup sûr ! Eileen ! Il court, toujours plus vite, toujours plus fort.
Rencontre. Douleur. Chute.
Poils ?
Un grondement retentit au-dessus de lui.
Chien ?


- Ssshhhh... Tout doux... Paix...

Chien ? Puis dans sa cervelle, le lien se fait: l'homme ! Cela ne pouvait être que ça. Frimain se relève, doucement. Et cela, malgré les grondements de l'animal.


- Ttt... Ttt... T'es intelligent hein ? T'es un bon gros toutou bien poilu... hein ?

Un gros toutou, cela semblait bien en être le cas...

-Ton maître... Il est où ton maître ? Sil est blessé, je peux le soigner... Si ce n'est pas le cas, j'ai à lui parler... Bon gros chien ?

La bête s'arrête de grogner. Silence. Puis fuse dans l'obscurité, non sans avoir poussé un bref aboiement. Le jeune adulte adulte sourit malgré lui, suivant le piste du chien ; il claudique légèrement, la douleur l'ayant rattrapé.

- Bon toutou...

Un massacre, un massacre incalculable. Voilà l'endroit qui a du voir subir le gros de la bataille. Un pas, un mort ; puis des flaques. Il n'a pas plu. Aucun souffle, aucune vie. Le vide. Le chien aboie, le rapprochant vers ce qui semble être sa destination. Un corps.
Qui respire. Tout n'est pas perdu...

Frimain se baisse vers l'homme qui semble le fixer, respirant avec difficulté. L'aveugle tâte son visage, tendrement, avec soin ; mais retenant tant bien que mal une grimace de répulsion.


- Tu peux bouger ?

For Vita, For the Freedom : http://www.youtube.com/v/dZLcBLmph3Q
20-09-2011 à 23:30:28
Ils avaient le même âge, mais sûrement pas de carrure semblable.
C'était un jeune garçon frêle, avec ce genre de visage qui n'avait de spécial que son incroyable normalité. Un visage de fantôme, de spectre qui se fondait dans la masse comme une ombre dans le sous-bois. Il avait de longs cheveux noirs, huileux, pareils à une cascade d'encre qui encadrait sa face pâle. Il aurait pu aisément s'y tromper ; voir n'importe qui en ce jeune garçon discret, dont chaque mouvement était emprunt de cette étrange simplicité ; jusqu'à l'illusion de sa figure anodine, devant laquelle retombaient des mèches éparses. Une calligraphie sauvage avait laissée des marques sur son visage ; ou du moins ce fut ce qu'il lui vient à l'esprit, en voyant les mèches charbonneuses qui semblaient des lignes tracées à escient. Sa première impression fut trompeuse ; il ne vu en le nouvel arrivant qu'une personne ordinaire, des plus banales. Quelqu'un dont la présence devait être aussi tenue qu'une voile de gaze tendu face au vent. Quelqu'un d'invisible...
Et alors, Sèmil avait croisé son regard.
Deux prunelles saisissantes. Étourdissantes. Hétérogènes, d'arabesques et de courbes foliaires ; des iris d'onde et de feuillage, d'été et d'automne. Saisons et paysages qui se mêlaient, se chevauchaient, se mouchetaient l'une et l'autre dans une audacieuse aquarelle. Piquetée d'éclaboussures tours à tours vertes et bleus, feuilles de menthe et pluie pervenche. Peut être aussi, subtil, ce gris pinchard qui conférait à ses yeux toute la sagesse du monde. Telle fut sa deuxième impression. Celle qu'il retiendrait à jamais. L'image resta gravée dans sa mémoire, survivant aux années avec cette ardeur que seuls possédaient encore les volcans. Jamais floue, jamais embrouillée ; seulement présente, intemporelle. Éternelle.
Cette image qu'il conservait depuis maintenant quatorze ans dans un coin de son esprit, nette, patiente, prenait aujourd'hui tout son sens. Une autre dimension la révélait, sublimant l'instant, transcendant les secondes précieusement recueillies. De cette nuit, elle ne lui évoquerait plus jamais la même chose. Elle ne réveillerait pas en lui de vieux sentiments. Pas de reliques chéries dont la vénusté n'avait jamais quitté les fibres de son corps, faisant courir l'écho d'un frisson sur sa peau. Désormais, cette réminiscence incrustée dans sa chair, ce sentiment physique qui l'avait traversé... N'était plus. Le souvenir n'avait pas disparut. Il ne disparaitrait jamais, non ; c'était autre chose. De plus fort qu'une image choyée, d'une image passée qui n'avait plus lieu d'être, et qui pourtant continuait de vivre au fond de lui. C'était les sentiments qu'elle provoquait en lui.
Fascination, joie crédule, surprise, émerveillement, curiosité... Reléguées aux faubourgs du temps écoulé. Maintenant, il n'y aurait plus que la grande maîtresse de sa vie, cette femme séculaire aux mains enduites de poison, qui caressait son âme en l’éraflant de ses ongles. Chaque jour, un peu plus de venin qui allait se répandre dans son être tourmenté. Et celle qui l'instillait en lui depuis tant d'année, avec cette patiente résolue qui glaçait plus d'un homme, portait bien des noms. Un seul convenait à Sèmil : Désespoir. La lente agonie de l'espérance, empoisonnée par sa sœur rivale, cette félonne aux caresses venimeuses qui sévissait dans son âme. Quelques fois, elle portait un nom plus familier, moins rebutant ; elle se nommait Tristesse pour quelques heures, quelques jours, renaissait sous ce nouveau patronyme dont la sonorité reptilienne lui seyait tant. C'était une souffrance plus perverse, pourtant, plus insidieuse, mais il la préférait à la déferlante brutale désespoir. Cette vague qui l'avait noyé si longtemps auparavant, l'enfonçant vers des abysses ténébreuses sans espoir de retour ; jamais plus il ne pourrait rejoindre la surface. Juste profiter de son sursit, de l'air qu'il avait emmagasiner avant de couler. Mais un jour, l'océan et ses lois implacables finiraient par le rattraper : il n'était qu'un faible mammifère, après tout. Un humain qui respirait à l'air libre et mourrait de la moindre blessure... Un être faible, dont l'élévation jusqu'au statue de maillon premier de la chaîne alimentaire demeurait un mystère. Ou un simple chance. La Terre les avait choisie pour régner en maître à la surface de son corps. Elle leur faisait confiance. Peut être sottement ? Ou alors, avait-elle raison de placer en eux un espoir qui semblait une err... Mais cela avait-il tant d'importance ? Que de questions parasites, de pensées bourdonnantes qui engendraient mille autres réflexions insensées... Au rythme d'un tambour ardent dont les brulantes pulsations secouaient son esprit torturé par la fièvre, il divaguait, inconscient, passant d'un songe à l'autre, de souvenirs à souvenirs, délaissant la seule chose importante, la seule chose à laquelle il aurait dût porter d'intérêt...
Sa mémoire cabrait, se révoltait contre la fièvre. Il devait se rappeler. Se fixer sur lui. S'ancrer à leur première rencontre, au premier regard immortel qu'ils avaient échangés, ce souvenir si crucial... Il ne fallait pas l'oublier. S'imposer son retour. C'était l'unique chose qui comptait. L'image dont l'évocation réveillait la femme aux mains venimeuses. Au risque de s'empoisonner, il devait vivre l'arrivée du jeune garçon, une dernière fois. En cette nuit, en cet instant, il n'y avait rien de plus important, rien de plus capital de lui parler au travers du temps, pour cet ultime tête-à-tête... Le premier d'entre tous, qui serait finalement le dernier. Celui par lequel tout avait commencé, et tout se terminait.
Des prunelles pers qui plongeaient dans les siennes. Pluie estivale et bruissement des feuilles...
Les yeux de Genghis traversaient le temps, jusque dans sa fièvre. De nouveau, ils se rencontraient pour la première fois.
Quatorze ans plus tard.

Le jardin était froid et sec. La courte pelouse se couvrait de feuilles grises, au cuivre blafard et aux carmins terne. Le faible rougeoiement de l'automne jetait ses fades couleurs sur la parure des arbres. Comme ne pouvant supporter le choc dérisoire de la saison glauque, celle-ci tombait doucement, avec cette lenteur horrifique qui évoquait l'agonie. A l'image de leur vie, leur dépouillement était d'une imperceptible indolence. Sèmil attendait, assis sur le bord d'une fontaine asséchée.
Il observait la chute tourbillonnante des feuilles, à la fois fasciné et horrifié. La beauté de cet ultime ballet le captivait, tout en l'emplissant d'une profonde tristesse. Bientôt, dans quelques jours, l'arbre serait nu face au vent. Drapé de sa seule écorce pour protéger sa pulpe vieillissante, dans laquelle une sève pauvre s'écoulait avec parcimonie. Elle irriguait laborieusement les branches maigres, tentant de s'épandre entre les fibres ligneuses, d'emplir tout le tronc ; elle peinait à jouer son rôle de sang. Le vieux chêne se mourrait depuis plus de cinq millénaires, faiblissant chaque siècle un peu plus, symbole décadent de la Vie qui témoignait de la perdition d'Andore... Personne n'expliquait son origine. Personne ne pouvait dire qui l'avait planté. Il était simplement présent, depuis toujours, enfermé dans cette pièce à ciel ouvert de la citadelle. Peut être se languissait-il de sa forêt natale ? Celle-ci devait avoir disparue depuis bien des années... Les sylves qui peuplaient encore le centre d'Andore étaient d'érables et de pins pour la plupart. Au loin, sur les cimes minérales et enneigés où ne vivait personne, résidaient encore quelques bosquets de sapins ; mais c'était tout. Le chêne était le seul de son espèce à avoir planté ses racines dans cette partie du continent. Ce qui en faisait une relique des temps anciens, un témoignage fascinant de la diversité de la vie qui avait autrefois emplit le monde. Sèmil y était sensible. Il sentait jusque dans les tréfonds de son corps, au plus profond de son être, cette vibration primaire qui se dégageait du tronc. Elle remaniait son cœur, saisissait l'organe palpitant et le soumettait à son rythme serein. Les battements en prenaient une ampleur majestueuse. Le chêne se liait à lui, partageait sa quiétude séculaire. Calme agonie, sans éclat, sans révolte. Il ne cherchait pas à vivre ; l'arbre continuait seulement d'exister, jusqu'à la fin, jusqu'à ce que son bois sont définitivement sec. Il suivait le cours des choses. Ce n'était pas une bataille. Juste une promenade, qui finirait par se terminer. Sèmil savait tout cela. La pulpe tendre lui chuchotait à travers l'écorce. Les murmures montaient depuis la terre, tissant une douce chanson emprunte de paix à ses oreilles. Le charme du jardin se révélait à lui, tout de verdure et de mélodie... Même si ce ne serait jamais plus comme pendant son enfance. L'endroit n'était plus sublime à ses yeux. Simplement... Magique. Envoutant. Une ataraxie paisible l'enveloppait, enrobant corps et âme de sa douceur onirique, irréelle. Dans cet état de transe, il avait soudain perçut une présence. Une présence inconnue.
Avant même de l’apercevoir, Sèmil savait que le nouvel apprentis venait d'entrer dans le jardin. Il ne l'avait pas rencontré, bien que celui-ci soit arrivé trois jours auparavant. Les maîtres l'avaient envoyé aux alentours de la citadelle pendant une semaine, afin qu'il explore la forêt et développe ses connaissances de la flore sauvage. Sept jours de solitude qui l'avaient plongés dans un état second. Il était ressortit de la sylve, serein, apaisé. Ce séjour ne lui avait pas appris grand chose ; il s'était contenté de survivre en utilisant quelques rudiments issus de la lecture. Des racines, et un gibier avaient constitués ses repas. Le reste du temps, le jeune garçon s'était laissé aller à une rêverie solitaire. Pendant cette semaine de liberté, immergé au plus profond de la forêt, les ombres pour seule compagnie, Sèmil avait appris beaucoup sur lui. Il avait mesuré sa colère et sa peine. L'infini tristesse qui le rongeait, et surtout, découvert le nom du poison qui coulait dans son sang... Virulent, ravageur, le Remord rongeait chaque instant de sa vie. Il avait honte d'être né. Honte d'avoir mené sa mère à la mort par sa simple existence. C'était une trahison involontaire ; un meurtre commis à l'instant même de sa création. Il était l'assassin de l'amour. Celui qui avait détruit la vie de ses parents par sa venue au monde. Et son père, jamais, n'avait dit quelque chose pour le détromper... Non. Au contraire. l'accusation silencieuse de son regard avait détruit son enfance. Sèmil n'avait jamais été heureux. Il était seul. Incroyablement seul. Ils étaient peu d'enfants dans l'ordre ; à treize ans, il ne connaissait que quelques serviteurs, ainsi Qu'Eileen et Ezraël. Mais âgé de quatre et trois ans, ceux-ci n'étaient pas la compagnie dont il se languissait... Il se contentait de jouer avec eux, quelques fois, ou de les surveiller, mais c'était tout. Leur maître les prenaient en charge le reste du temps. En rentrant de cette semaine d'isolement, il n'avait trouvé que le regard impassible de son père, et son habituelle distance. Rien de plus. Simplement le bonjour de serviteurs attentionnés et de certains maîtres. Le reste n'avait été que silence. Plus encore que d'habitude, cela lui avait fait mal. Il se connaissait mieux qu'avant, mais cette acuité nouvelle ne lui apportait nul avantage. Plutôt que de brider son chagrin, elle le décuplait. Il n'arrivait pas à se pardonner son existence. Toute sa vie, on l'avait inconsciemment disposé à se haïr. Si Sèmil n'en était pas encore là, ce n'était que grâce au but qu'il s’était fixé : libéré Andore. Si il le pouvait, alors la mort de sa mère pour lui donner la vie n'avait pas été vaine. Elle aurait accouché d'une étincelle, d'un être dont l'unique raison de vivre était de restitué sa beauté et sa douceur au monde... Il ne pouvait pas échouer, alors. Même si le silence et la solitude le rongeaient. Même si la Terre était grise et morne. Dans chaque instant de désespoir de sa vie, il devait se rappeler le sacrifice de sa mère, morte pour l'amour qu'elle avait vouée à un homme épris de liberté. De ses parents, il voulait garder cette image : deux amants qui défiaient le Tyran de leur passion indomptable. C'est ainsi qu'il essayait de voir son père, comme un amant éploré, et non comme cet homme qui le rejetait d'un simple regard. De son simple silence.
Si il était allé méditer dans la jardin, s'était pour faire le point. Observer le ballet des feuilles l’apaisait. Les saisons continuaient de défiler, même après la disparition du soleil. Même sous le règne de l'Empereur. La nature souffrait, mais n'abandonnait pas. C'était l'exemple à suivre. Celui qu'il s'efforçait d'adopter. Vivre et souffrir, mais continuer de marcher. De se battre. Ce toute manière, avait-on le choix quand on était le fils d'une chevalier ? Quand son père avait voué sa vie à œuvrer pour la chute de l'Empereur ? Pouvait-il faire comme tant d'autres, et se dissoudre dans l'ombre, couard, tenant frileusement à sa vie, s'habituant peu à peu au monde qui agonisait sous leurs pieds, ainsi, tremblant, grognant, mais jamais prêt à agir véritablement ? Pouvait-on avoir le nom de Calum si l'on se terrait comme un lapin ?
Non. Sèmil n'avait jamais eu le choix. Et c'était parfait ainsi. Il voulait se battre. Comme ses ancêtres avant lui, comme son père... Cet amant éploré dont tout l'amour était mort avec sa dulcinée, son amante passionnée, la femme qui faisait battre son cœur ; l'organe palpitant qui avait finit par se figer dans sa poitrine, la laissant froide comme une caverne de glace. Ce père qui n'avait pas daigné lui donner l'illusion d'une famille. Au final, ils étaient deux à être esseulé... Deux par la faute d'un. Et quant à savoir qui était ce un, Sèmi hésitait toujours : incomber cette faute à son père, ou à l'Empereur ? Il finissait toujours par se retrancher sur le deuxième choix, afin de ne pas se laisser tenter par une haine trop persuasive.
Il pensait à cette solitude qui avait menée sa vie, quand Genghis fit résonner ses pas sur le sentier dallé. Il troublait le silence, troublait ses pensées, troublait le calme du jardin... Le bruit de sa marche troublait Sèmil jusqu'au fond de son âme. Il ne connaissait pas ce pas régulier, ce pas puissant qui faisait chanter la pierre à chaque claquement de botte contre le sol. Lui qui avait pris soin d'apprendre chaque voix, chaque intonation, chaque murmure, chaque écho courant dans les couloirs, chaque craquement de bûches, chaque frottement de tissus ; le moindre chuchotement qui s’insinuait dans son monde de silence. Il connaissait tout de la citadelle.
Tout, sauf ce pas étranger.
Sèmil se leva, un bourdonnement d’excitation se propageant dans son corps. Il connaissait le bruit du renouveau. De la renaissance. Ce nouvel apprentis qui avait rejoins l'Ordre, ce nouvel orphelin dont la vie l'avait menée jusqu'à leurs portes... Il était là. Il n'était pas plus jeune. Il était le saveur ; celui qui briserait la solitude de son existence. Qu'il le veuille ou non, avant même de le savoir, c'était un ami.
Sèmil s'avança sur le sentier dallé, et il apparut, dans sa traîtresse banalité. Frêle, fantomatique, avec cet air égaré de celui qui découvrait un nouveau monde. Il était plus petit, plus maigre, plus fragile... Et puis, il y'eu le reste. Ses jambes larges et musculeuses, sa chevelure huileuse qui glissait sur le côté de ses joues, dévoilant ses yeux en un levée de rideau dramatique. La beauté hétérogène de ses prunelles. Ces encres mêlées, dont la splendeur figea ses lèvres qui articulaient une salutation. Genghis. Le frêle coureur au regard captivant. Genghis qui lui parlait. Parlait... Parlait ?


-Qui es-tu ?

-Sèmil. Un nom lâché comme une brise par le ciel : dans une empressement virevoltant. Il eut un irrépressible sourire. Une joie sauvage faisait bondir son cœur ; il n'était plus seul, il y'avait devant lui un jeune garçon, un jeune garçon de son âge qui ne connaissait personne, un orphelin venu du vaste monde, un orphelin qui était maintenant ici pour, comme lui, devenir un chevalier, délivrer Andore, se battre pour la Terre et... Et il pensait tant qu'il en oubliait de parler. Sa vie était tant rythmée du silence qu'il exultait mentalement. Seulement mentalement.
Mais c'était terminé. Il allait changer. Tout allait changer. Le silence mourrait sous la salve nouvelle des mots. Leur langue seraient des armes. Ils allaient repousser le silence, l'acculer, le dominer. Dialogues salvateurs, plaisanteries héroïques, bavardages d'infanteries, débats de cavalerie ; le silence allait subir une charge dont il ne se remettrait jamais.

Tu viens d'arriver, c'est ça ? Il y'a trois jours, d'après ce que j'ai compris ? Je n'étais pas là. Mais on peut toujours rattraper le temps perdu ! Je peux te faire visiter la citadelle, si tu veux. Et, d'ailleurs, comment tu...

-Genghis. Le coupa l'autre. Phillipides Genghis. Je tiens ces noms de... Deux grands hommes.

-Ça me dit quelque chose, en effet. Et dis moi, Genghis, tu cours autant que ton homonyme ?

Le jeune garçon eut un sourire en coin.

-Non. Plus encore. Bon, tu me fais visiter la citadelle, alors ? Sinon, j'y vais seul. En courant.

-Je ne voudrais pas avoir à te rattraper. Mes jambes ne s'en remettraient pas. Rétorqua Sèmil en lançant un coup d’œil goguenard au jeune garçon. Allons-y.

Sans aucun doute, si il n'avait pas mené la visite, le nouvel apprentis l'aurait-il devancé... Pour faire trois fois le tour de la citadelle.

Le temps passait. Les feuilles tombaient. Il n'était plus seul, et le jardin partageait ses merveilles avec un autre désormais. Les années coulaient comme de l'eau sur la peau, et c'était une larme sucrée qui glissait sur la joue de Sèmil. Jamais la vie n'avait été plus douce. D'autres apprentis arrivèrent, Eilleen et Ezraël grandirent... Il vit l'Ordre gonfler, sentit les rires gondoler sa poitrine, partagea la joie simple de l'amitié... Une communauté naissante se formait. Ils étaient liés. Ils étaient frères et sœurs. L'Ordre entier était leur famille. ils n'y avait plus d'orphelin entre les murs de la citadelle.
Le temps passait. Les feuilles tombaient. Il grandissait, et le jardin fanait. Les années étaient une crue qui semblaient ne jamais devoir s'arrêter. Il aimait en secret, caressait avec fièvre ; Madeleine souriait, et autour de lui, les apprentis grandissaient. Tous poussaient, poussaient, poussaient... Tous devenaient adultes. Sèmil ne pleurait plus, pas même de joie. Il souriait simplement, pour la beauté de la vie, la beauté du monde. Le soleil demeurait encore un mythe. Mais il n'avait besoin de nulle autre chaleur que celle des apprentis. Il les aimait tous. Leur vouait une éternelle reconnaissance pour le simple fait d'exister : ils l'avaient sauver de la perdition.

L’engrenage coince. Une pièce déraille. Un boulon mal fixé ? La machine crisse, hurle. Pièce contre pièce, souvenirs qui s'emboitent et tournent, se délaissent puis attrapent un nouvel engrenage. C'est un chant d'agonie, la mort même qui s’époumone dans son âme. Son écho la déchire. Il sait quelle pièce coince.
La machine ne peut pas continuer sa marche. Quelque chose bloque. L'ultime souvenir. Celui que même l'incendie de ses poumons ne peut bruler. Dont même le sang ne peut le purger. Pas une deuxième fois, en tout cas.
Trois ombres qui valsent devant un brasier. Danse macabre, grâce funèbre des leurs gestes. Elles ont cette céleste beauté des ténèbres nocturnes. Des ténèbres pantomimes qui mimeraient un combat... Tant que ce ne sont que des silhouettes, tout n'est qu'un rêve. Tout est possible. Il n'y a pas de mort. Pas de sang. Juste des ombres qui jouent à se faire guerrières. Leur épées de bois traversent et tuent théâtralement, lui se rapproche de la scène, le cœur battant, soufflé par le talent des acteurs, fasciné par la beauté de cette mort illusoire...
Et l'incendie qui faisait d'hommes des ombres, dévoile le corps couché. Baigne d'une lueur sanglante ce visage connu. Aimé. Des flammes reptiliennes ondoient dans ses prunelles... Elles ondulent à la surface de l'eau de ses yeux, lèchent la verdure qui s'y mêle... Un incendie ne peut se refléter pareillement que dans des yeux morts. Les yeux de Genghis étaient de ceux-là.
Sèmil ne pouvait pas refuser la vérité. Le prisme de sa mémoire renvoyait l'image horrifique dans tout les coins de son passé. Chaque souvenir dédié à Genghis le ramenait à cette dernière vision d'un corps mort.
Genghis, son premier ami, Genghis avec qui il formait ce tandem éternel, Genghis en compagnie de qui il combattait la solitude, Genghis à la langue conteuse, Genghis aux jambes de fer, Genghis aux yeux d'onde limpide... Genghis dont il ne pourrait jamais se passer. Genghis. Comment allait-il vivre sans lui ? Comment vire sans son frère d'âme ? Genghis était plus qu'un ami. C'était la moitié indissociable qui l'avait accompagnée pendant quatorze années de sa vie, avait repoussé le silence et la froideur de sa présence fraternelle... Genghis.
Sèmil ouvrit les yeux. Des flammes, toujours. La douleur, toujours. Mais ce besoin. Besoin de vivre pour l’honorer. Lui dont le simple nom le faisait désormais souffrir. Oui... Ce souvenir par obligation. Mais ce n'était pas que ça ; c'était aussi une nécessité. Genghis méritait qu'il endure la souffrance de vivre. Les braises dansantes de ses poumons ? Vulgaires étincelles.
Genghis avait éclairé sa vie. Gengjhis était l’incendie là où la douleur n'était que flammèches.


-Genghis. Sa voix était elle si rauque ? Genghis. Nous devons le retrouver. Il ne faut pas le laisser... GENGHIS !
Ses poumons se déchiraient. Il haletait. Près de lui, il y'avait une présence. Une flamme. Mais laquelle ?
Qui ? Qui... ? Il faut aller le chercher. Je peux me lever. Je dois le porter.
Son corps le brulait. Il contracta ses muscles. Comment se mettait-on debout, déjà ?
Aide moi. Je dois me lever. Il ne peux pas rester là-bas, au milieu de ces corps...
21-09-2011 à 14:35:13
D'un coup d'oeil autour de lui, Eldän vit que le combat était terminé. Il laissa échapper une exlamation horrifié.
Ezraël passa devant lui, le corps sans vie de Genghis dans les bras. Les bras mous du stratège se balançaient au rythme des pas du fougueux apprenti aux cheveux rous.
Complètement plongé dans ces tirs à l'arc et à ses cibles, il avait négligé les apprentis et, si il avait compris l'organisation globale de la bataille, il ne s'était pas attardé sur les personnes qui combattaient.
Il avait fait une grosse erreur. Et quelle erreur! Si il n'avait pas pensé qu'à lui et à ses flèches, si il n'avait pas été égoiste, peut-être que Genghis serait encore avec eux, en ce moment même.
Les apprentis avaient gagnés la bataille mais avaient perdu bien plus. Un compagnon, un camarade... un ami.
Eldän se retint de laisser les larmes de couler sur ses joues. La tristesse pouvait, non, devait attendre. Attendre qu'eux, apprentis tous autant qu'ils étaient, se recueille devant son cadavre.
Il chercha du regard les apprentis et vit arriver Eileen, seule, un bandage sur le bras gauche. Elle était couverte de sang. Il se précipita vers elle.
Avant même qu'il puisse ouvrir la bouche elle dit d'un ton ferme:
-J'ai besoin d'aide pour transporter Lifaen. Tu es en bon état, tu peux m'aider. Avant que tu poses la question, non, il n'est pas mort mais gravement blessé et Zéjaléa la soigner et veille sur lui, il n'est pas encore sauvé. Il faut le ramener à la grotte et vite!
Eldän ne perdit pas un instant et suivit Eileen sur un court chemin sinueux à la pente raide. Bientôt, des énormes rochers leur barrèrent la route.
A la question muette d'Eldän, Eileen répondit:
-C'est Lifaen qui a déclenché cet éboulement. Pour nous aider.
Laborieusement, ils le gravirent et marchèrent encore quelques mètres.
Eldän s'arrêta brusquement. Une vingtaine de cadavres au moins étaient étendus au sol et, au centre, rouge de sang, Lifaen, allongé près de Zéjaléa qui semblait éreinté.
-C'est extraordinaire! Comment a-t-il pu éliminé tant de Soldats, seul ? s'étonna-t-il.
-Il l'a fait, en tout cas, et la seule chose qu'on peut faire pour l'instant pour le remercier, c'est de le sauver. fit Eileen, derrière lui.
Il s'approcha de l'ex-assasins et jeta un regard à Eileen et Zéjaléa. Celles-ci comprirent et l'aidèrent avec peine à soulever Lifaen.
Lentement, pas à pas ils revinrent sur leur pas.
Quand ils refirent face à l'éboulement, ils n'eurent comme choix que de le grimper précautionnement. Au bout de longues minutes, ils parvinrent enfin à franchir cette obstacle.
Eldän remarqua que Zéjaléa était vraiment épuisé et lui proposa de lacher Lifaen car lui et Eileen pourraient très bien l'amener à la grotte sans elle.
La guérisseuse refusa d'un hochement de tête négatif.
Il ne put s'empécher de la comprendre et de l'admirer. Zéjaléa, d'habitude si timide semblait s'être affirmer durant cette bataille et, en témoignait les larmes qui séchaient sur ses joues, semblait prendre pour elle la mort de Genghis.
Ils continuèrent péniblement leur chemin.

MUSIQUE DE COMBAT: http://www.youtube.com/watch?v=BHRyMcH6WMM
22-09-2011 à 08:32:14
Leahna haussa soudainement des sourcils. Gengis.. mort.. Elle mit une seconde à bien assimiler la phrase.
Choquée, elle ne savait que dire. Elle se contentait de rester droite, les yeux grands ouverts et de regarder Zéjaléa avec effroi. Comme dans un cauchemar elle aurait souhaité que ce tableau se brise. Se fissure en morceaux. Que l'empereur ne fut qu'une sinistre blague.. Mais ce n'était pas un cauchemar.. C'était la vraie vie..Mais c'était trop.. absurde. La bouche ouverte qu'elle affichait, se transforma en une grimace d'horreur. Elle aurait voulu hurler mais elle était trop fatiguée. Elle aurait voulu se jeter dans les bras de Zéjaléa mais la nouvelle était trop bouleversante. De longues secondes s'écoulèrent sans que Leahna n'esquisse le moindre mouvement. Puis la jeune fille eut la furtive impression que Zéjaléa prononçait quelques mots, avant de la sentir passer tout près. Et sans qu'elle ne le souhait, ses bras s'emparèrent eux même de la bride du cheval. En ce moment seul la mort de Gengis accaparait tout son esprit et elle était bien incapable de ne serait-ce que bouger ses jambes.
« La mort. La mort. » Voila ce qui résonnait désormais. Gengis était mort. Plus jamais elle ne le verrait dans la gloire d'une course ni dans le calme d'une douce histoire. Il était parti loin de ses frères et soeurs, dans un lieu inaccessible aux vivants. Des morts, il n'y avait eu que ça cette nuit. Des morts rapides, lentes, atroces, aucune n'avait été paisible, aucune n'était venu d'elles mêmes. Toutes avaient étés provoqué par la folie atroce qu'était la guerre. La jeune fille laissa échapper une larme qui coula le long de sa joue, puis elle alla s'écraser sur le sol carbonisé dans un bruit inaudible. Sa propriétaire avait perdu toute notion, noyée dans la sombre rumination des souvenirs et pensées. Secondes, minutes, heures, s'écoulèrent indifférente à la douleur qui la submergeait maintenant.

Soudain, sans qu'elle ne sache pourquoi le cheval qui jusque la avait été si calme se mit à renâcler soudainement e àt pousser des hennissements en tentant de se défaire de la poigne de la jeune fille. En maugréant elle raffermit sa prise et adressa un regard noir à la bête, qui n'avait en ce moment aucune notion de la tragédie qui venait d'occurrer. Le cheval continua de se débattre à son grand damn et elle s'engagea dans une lutte inappropriée en ce moment pour le retenir. Mais tout simplement parce qu'il était trop fort et que Leahna était trop fatigué et épuisé pour le retenir plus longtemps il put se mettre à galoper librement. Enfin.. Leahna dans un mélange ridicule de course et de sauts, le suivait en pensant à des millions d'insultes à la seconde. En effet elle avait réussi à garder une main à la bride. Et se retrouvait maintenant malmenée par la bête. Elle pensa à abandonner l'effort que constituait la lourde tache de suivre un cheval. Bien qu'elle se faisait plus traîner qu'autre chose, mais ses pieds touchaient fréquemment le sol avant de s'élever pendants de longues secondes dans les airs, puis encore de retomber. D'ailleurs la présence de nombreux cadavres faillirent la faire chuter, mais grâce à la chance sûrement elle parvint à ne pas s'écraser sur le sol, puis soudainement le cheval accéléra la forcant à lâcher prise. Tout s'arrêta brusquement, privée de la vitesse du cheval, elle vacilla de longues secondes. Ses jambes tanguaient dangereusement et à de nombreuses reprises, elle buta légèrement contre les morts. Devant la bête avait prit bien de l'avance, elle l'aurait volontiers laissé tout seul, mais puisqu'il n'était pas à elle, Leahna devait rattraper le cheval.
La jeune fille leva les yeux au ciel avant de se mettre sur ses traces, en courant aussi vite qu'elle pouvait, oubliant la fatigue et tout ses tracas. Le cheval semblait décidé à ne pas s'arrêter et il parcourut le champ de bataille dans toute sa longueur. Le bruit régulier de ses sabots heurtant le sol se faisait entendre sans peine, et bien que se situant des mètres derrière lui, Leahna parvenait à le suivre dans la douleur. Elle sentait ses muscles hurler dans l'énième effort qu'elle leur demandait mais elle tint bon. Puis finalement au moment ou elle crut qu'ils allaient céder le cheval s'arrêta finalement.
Avec un soulagement non feint, elle stoppa également sa course pour se diriger vers l'animal. En s'approchant elle se rendit compte qu'il se trouvait auprès d'une personne.. Elle comprit immédiatement, que par un quelconque moyen cette personne qui d'ailleurs portait l'uniforme des chevaliers et donc en était un, avait du le rappeler.
Souriante de voir un autre de ses compagnons qu'elle identifia d'ailleurs comme étant Syrian, elle continua à s'approcher en soufflant avec peine. Elle se sentait encore plus vidée qu'auparavant et se sentait a chacun de ses pas certaine de tomber. Ses jambes d'ailleurs elle ne les sentait même plus.. Une bataille + suivre un cheval au galop, était une chose à ne plus jamais refaire.
24-09-2011 à 18:14:21
Syrian progressait tant bien que mal sur le champ de bataille à la recherche de ses compagnons d'armes. Il était évident que les chevaliers avaient trouvé un camp afin de passer la nuit, de soigner les blessés et pleurer les morts, mais pour le nomade il était tout simplement impossible de le trouver dans son état actuel. D'ailleurs, l'aurait il trouvé si il avait été en pleine possession de ses moyens ? Rien de moins sûr, Sémil n'était pas assez bête pour dresser un campement à la vue de tous. Il l'avait sûrement dressé dans un endroit discret et protégé. Le jeune chevalier s’arrêta et observa les alentours. Partout autour de lui étaient étalés des monticules de corps. Certains étaient brûlés, d’autres avaient perdu des membres et gémissaient en attendant la mort, enfin il y avait ceux pour qui on ne pouvait déjà plus rien faire, ceux qui avaient déjà quitté le monde des vivants tout comme Genghis. Contrairement à ce que l’on aurait pu croire, il n’y avait pas que des humains d’étalés au sol mais aussi des chevaux et des chiens, victimes de l’ambition d’un homme... Tout ces gens étaient morts à cause de la même personne, l’empereur qui évidemment lui n’avait pas pris part à la bataille. Il était inconcevable pour une personne de son rang de se battre, il valait mieux envoyer des larbins de faire massacrer. Un frisson se répandit dans le corps de Syrian. Peut être était-ce un frisson de peur à l’idée de la tâche qui incombait à lui et ses compagnons, peut être était-ce un frisson d’excitation à l’idée de cette grande quête qu’ils allaient mener côte à côte une dernière fois ou bien alors peut être était-ce un frisson de colère. Cela pouvait bien être un mélange des trois, mais toujours est il que le jeune chevalier fut ébranlé par ce frisson et les sentiments qui en découlèrent. Le nomade reprit sa douloureuse avancée à travers le champ de bataille... Il marchait vers le Nord, à l’opposé de la forteresse, car en toute logique c’était la direction qu’avaient suivi les apprentis avant d’être attaqué. En théorie, le campement devrait donc se trouver par là et bien que ce fut un maigre espoir, Syrian préférait s’y accrocher. Chaque mètre parcouru provoquait une douleur inimaginable dans la cuisse du jeune adulte qui manquait à chaque fois de tourner de l’œil. Le sang ruisselait littéralement sur la jambe abreuvant la terre et créant une sinistre trace ensanglantée dans son sillage. Le chevalier nomade s’arrêta. Il ne pouvait pas continuer à marcher ainsi en direction de nulle part, il lui était devenu impossible de continuer sa lente marche... Trop de sang coulait et s'il continuait à ainsi trop demander d’efforts à son corps, alors il finirait par sombrer dans l’inconscience. Calmement, le garçon s’assit sur une pile de cadavre. Il devait agir et vite, il devait réfléchir… C’était un jeu d’enfant pour lui de survivre dans la nature et normalement cette blessure ne l’aurait pas dérangé, mais la rare végétation du champ de bataille avait été engloutie et anéantie par les flammes magiques. Il allait devoir improviser. Syrian tira un poignard de sa poche, puis coupa précautionneusement la ceinture d’un soldat impérial, ainsi qu’un large morceau de tissus de l’uniforme de celui-ci. Il dépouilla ensuite le garde de sa gourde d’eau qui semblait pleine, puis s’éloigna un peu du tas de cadavre pour aller d’adosser à un rocher. Il fallait survivre pour la mission, pour protéger ses frères et sœurs… Sans hésitation et avec des gestes que seule l’habitude peut procurer, le jeune enserra le haut de sa cuisse à l’aide de la ceinture qu’il noua le plus serré possible afin de stopper l’hémorragie. Une fois cela fait, le chevalier pris soin de nettoyer sa plaie avec la moitié de la gourde dont il avait dépouillé le cadavre. Lorsque la blessure fut propre, il enroula le morceau de l’uniforme du garde autour de sa blessure. Pour la première fois depuis le début de la journée, Syrian sourit. Il avait parfaitement limité les dégâts. Certes il ne pourrait pas marcher pour rejoindre le camp, mais au moins il serait lucide en attendant les secours. Malgré tout, le garçon restait sceptique et avait du mal à déterminer s'il allait tomber inanimé. Ses poumons avaient encore du mal à fonctionner et il avait perdu beaucoup de sang…

Les minutes étaient longues pour le nomade, car la douleur était vive. Pourtant, il refusait de sombrer dans l’inconscience. Il lutait pour rester lucide, car il savait que chaque instant passé le rapprochait de l’arrivée des secours. Oui ils arriveraient. Zejaléa allait les prévenir de sa présence… Ou plutôt de son absence. Il avait déjà vécu des situations pires. Il avait déjà été aux bords de la mort avant même de devenir apprenti, et puis la mort, il n’avait cessé de la côtoyer durant son apprentissage car son maître mettait un point d’honneur à les fourrer dans des situations inextricables. Maintenant que tout les maîtres étaient morts, étaient-ils encore des apprentis ? Non. Leur formation c’était finie au moment de leur fuite… Ils étaient devenus des chevaliers au moment où ils avaient obéit au dernier ordre de leurs maîtres. Ils étaient devenus la nouvelle génération de chevaliers. Désormais, c’était à eux la nouvelle génération de chevaliers de faire revenir la lumière sur Andore… Peu à peu, au fil de ses pensées, il se sentait doucement emporté par des bras invisibles. C’était comme si une entité invisible était venue le chercher pour l’emmener… L’emmener loin de ce champ de bataille. Loin de ses cadavres. Loin de cette pourriture. Loin de ce continent ravagé. Loin de ces frères et sœurs… La douce torpeur s’était emparée de lui… Il devait s’en débarrasser… Il devait revenir… La douleur s’abattit sur le corps du nomade, le ramenant totalement à la réalité et le faisant hurler. Il venait de s’enfoncer le poignard dans la main pour ne pas perdre pied. C’était risqué car le coup aurait pu avoir l’effet inverse, mais il savait avoir une bonne résistance à la douleur et il était peu probable que celle-ci le fasse basculer dans la torpeur. De nouvelles minutes passèrent, interminables… Et enfin, enfin il entendit des bruits de sabots. Au début, il crut à une illusion de son esprit, mais non. Le cheval de son maître arrivait au galop apparemment suivit de quelqu’un ! Syrian se força dans un ultime effort à reprendre complètement conscience et réajusta son turban tout autour de son visage. Le tissus qui cachait la figure du nomade était poisseux de sang et couvert de terre, mais peu importait : Il devait le garder.


Le cheval arriva en premier à sa hauteur, et le jeune chevalier fit preuve d’efforts surhumains pour se lever et tituber jusqu’à la bête avant de s’accrocher à son encolure, et de se glisser jusqu’aux sacoches accrochés aux flancs de l’animal. Syrian fouilla avec difficulté ses affaires et finit par y trouver ce qu’il cherchait : Des pétales d’une fleur bleue bien connue pour ses vertus. Elle était très prisée dans les villes pauvres du continent, car elle avait la faculté de relaxer le corps, de faire disparaître la douleur. Dés qu’il l’eût trouvé, le nomade l’ingurgita et la laissa faire effet. Leahna. C’était Leahna qui s’était portée à son secours. La belle douce et gentille Leahna avait donc elle aussi participé au combat... Tout le monde y avait participé tant la menace avait été grande. Personne n’aurait pu décrire le sentiment de Syrian lorsqu’il avait reconnu sa sauveuse. La joie avait envahie son cœur ainsi que la reconnaissance, pourtant il n’était pas en état de parler. Ses mains tremblaient. Ses yeux s’étaient injectés de rouges, et son esprit commençait déjà à s’embrumer : La drogue faisait son effet, et bientôt il perdrait pied avec la réalité... Dix minutes, une demi heure maximum, c’était le temps en plus de lucidité que la drogue lui procurait .

-Merci Leahna… Retournons au campement…

Sa voix était rauque, encore un effet de la drogue… Syrian grimpa sur le cheval de son maître avec agilité. Au moins la drogue avait le mérite de lui redonner des forces. Le jeune homme se fit un devoir d’aider sa sœur d’arme à monter, même si elle savait fort bien le faire seule. Sans attendre d’instruction, le nomade talonna la bête. Car plus vite ils arriveraient au camp, plus vite il pourrait soigner ses blessures lui-même. Il refusait que ce soit Zejeléa qui le soigne, car il avait toujours une crainte irrépressible qu’on enlève son turban. Il avait déjà dit à ses compagnons de ne jamais le faire, et même s'il leur faisait confiance, la peur subsistait. Le chevalier nomade soupira pendant que Leahna lui donnait les instructions. Il leur fallut deux bonnes dizaines de minutes pour arriver au campement, et c’était trop… La drogue avait fait son effet et Syrian se sentit perdre pied avec la réalité. Cette fois il ne put rien faire et tomba du cheval à l’entrée même de la grotte...

26-09-2011 à 18:44:58
Regan écarta encore une branche, puis s'arrêta, figée. Elle n'y croyait pas. Depuis des jours, elle marchait, marchait et marchait encore. Elle s'était endormie chaque soir, tremblante, paralysée par ce qui n'était même plus du froid...la nuit, les feuilles se brisaient sous ses pas, glacées par le givre. Ses chevilles, griffées par les ronces, il y avaient un bout de temps qu'elle ne les sentaient plus. Ses doigts connaissaient le même sort.
Plusieurs fois, la jeune fille était tombée, se heurtant à la caillasse du chemin. Ses bras la brûlaient, bien qu'ils ne soient recouvert que d'ecchymoses superficielles et de légères égratignures. La robustesse n'était pas tout et Regan avait épuisé toutes ses forces depuis bien longtemps. Ne restait que la force mentale, celle de vouloir à tout prix. Elle avait assisté a une bataille. Enfin, elle avait entendu les cris d'agonie et de rage mêlés. C'était terrifiant, et illustrait si bien la bêtise humaine. Cette race qui se mourrait depuis des années.. L'Empereur. Cette sale ordure! Il n'avait rien arrangé. Pire!il avait lancé la machine que rien ne pourrait arrêter. Il ne restait au humains que l'Ordre..qui avait peut-être déjà péri sous les coups de ses soldats de l'Empire, après ce cri long et déchirant qui s'apparentait si bien à celui du loup.
Non! Ne pas y penser, pas ça! Ce n'était pas pour ça que Regan avait affronté les éléments jusqu'ici!Puis elle était arrivée dans la clairière. Ou elle s'était statufiée. Une grotte. Là, devant elle. Un pas après l'autre, elle s'approcha encore un peu. A l'entrée, elle s'arrêta. C'était peut-être un piège, tendu par les même soldats que ceux qui s'étaient battus un peu plus loin. La jeune fille avait vite appris à se méfier de tout.
Elle et son frère n'avaient jamais eu de parents. Ils avaient été élevés par le Maître de son frère Méron, qu'elle aimait comme s'il était son grand-père. Elle savait que son grand-papy bienveillant destinait son frère à faire partie de l'Ordre et elle en était fière. Regan venait souvent s'entraîner avec eux. Tout cela prit fin quand il mourut. Alors commença une longue descente en enfer. Mais le grand-frère prit la petite sœur par la main et ils s'en allèrent à deux, Méron certifiant que l'Ordre accepterait qu'elle reste avec lui.
Ils passèrent de village en village jusqu'au matin ou Regan fut réveillée par des bruits de lames s'entrechoquant. Des hurlements. Elle avait descendu les escaliers de l'auberge et arrivait vers l'entrée. C'était là que gisait Méron et la famille de l'aubergiste, éventrés. Mais c'était dehors que ce trouvaient les responsables. Les soldats de l'Empereur. Elle ne réfléchis pas, quand bien même elle l'aurait voulu qu'elle n'en aurait pas eu le loisir. Il fallait faire vite.
La jeune fille prit la pierre volcanique des poches de son frère et s'enfuit par une fenêtre donnant sur la sortie du village. Elle avait fui. Continué son voyage seule. Et ne comptait plus les jours ou elle n'avait plus rien mangé. La résistance d'une fille de quinze ans avait depuis longtemps été outrepassée. Et maintenant? Ce n'était pas elle qui devait faire partie de l'ordre, mais son frère. Et il était mort. Ce qui ne faisait pas d'elle malgré tout un chevalier de l'Ordre.
La fatigue dépassa la méfiance et elle entra dans la grotte. Elle aperçut le feu et fut attirée par sa chaleur. Regan entendit un grognement et sauta en l'air. Elle tourna lentement la tête et vit l'adolescent. Il devait avoir environ dix-huit ans. Il était pâle, échevelé et sale, et dormait d'un sommeil agité.
Soulagée, elle déposa délicatement sa sacoche à terre et se laissa glisser le long de la paroi, aux côté de l'adolescent. Elle pensa à la possibilité qu'il soit un chevalier de l'Ordre. Et à son contraire. Renonçant à cogiter pour le moment, elle chassa d'un geste la mèche de cheveux blancs venue pendouiller devant son visage et se roula en boule. Puis, elle s'endormit.
29-09-2011 à 07:40:49
Clop... Clop... Clop...
Des pas laissent de puissantes traces sur un sol trempé.
Clop... Clop... Clop...
Une ombre massive apparaît dans le brouillard, d'une marche assurée.
Clop... Clop... Clop...
De longs cheveux en charbon, recouvrant un rapace au regard meurtrier.
Clop... Clop... Clop...
Ses bottes s'enfoncent dans les flaques de sang, sans pour autant s'en soucier.
Clop... Clop... Clop...
Cette montagne humaine aux yeux assassins, qui se déplace vers un ado allongé.
Clop... Clop... Clop...
Ses cheveux daignent enfin révéler son visage horriblement balafré.
Clop... Clop... Clop...
L'âme torturée voit maintenant son père, revenu d'outre monde pour le tuer.


-Papa !...
Ce réveil en sursaut l'avait fait bouger, le forçant maintenant à gémir péniblement. Pourquoi s'était-il réveillé ainsi ?... Sûrement un mauvais rêve.
Son regard se promena de droite à gauche afin de savoir précisément où il était. Le monde était trop calme à son goût... Et où était passé Kire ? Cherchant de plus belle, il aperçut un macchabée de chien au loin. Son cœur s'arrêta net. Et si c'était Kire ?... Il lui semblait que son petit frère était bien plus massif que cela. Velk fut rassuré. Mais que s'était-il passé ? Pourquoi était-il couvert de blessures ? Le jeune forgeron chercha dans ses souvenirs, et les évènements lui revinrent lentement en mémoire... Une violente bataille, de l'aide... Oui voilà. Kire était parti chercher de l'aide. C'était plutôt rassurant comme idée.
Un aboiement retentit au loin. Un appel que Velk reconnaîtrait parmi des centaines d'autres. La silhouette du chien se dessina assez rapidement, accompagnée d'une ombre humaine et masculine. Ce moment lui sembla une éternité. Son petit frère l'atteignit enfin, lui léchant affectueusement le visage.
-Kire, espèce d'idiot j'ai flippé comme un bout de ferraille à la forge !
-Tu peux marcher ? demanda le jeune homme qui se présentait à lui.
Velk releva la tête difficilement, pour voir son « sauveur »... A condition qu'il puisse le porter pendant tout le trajet.
-Beeeeeeen si m'entendre brailler te gêne pas on va dire que je peux y aller tout doucement, répondit le forgeron à moitié embrumé.
-Où as-tu mal ?
-Hé tu sais quoi ? J'adore tes yeux ! Ils sont super bleus, c'est vraiment trop beau ! Tu dois plaire aux femmes toi ! Et puis t'es plutôt baraqué pour un môme ! délira le jeune forgeron. Et tu es un personnage d'un conte des Chevaliers de Feu ? Parce que tu sais, j'adore vos aventures. Ma maman me les racontais tout le temps quand j'avais ton âge ! D'ailleurs je l'ai abandonné pour aller les rejoindre et maintenant elle est... toute seule...
Une larme perla sur sa joue. Le délirium qu'il vivait augmentait la peine incurable qu'il éprouvait face à l'abandon de sa mère. Ses joues furent rapidement trempées de larmes. Il murmurait des excuses à l'attention de sa mère qu'il aimait plus que tout. Kire vint lui lécher les joues en couinant, ne supportant pas de voir son grand frère aussi malheureux.
-Arrête de raconter n'importe quoi. Tu es gravement blessé ?
-Ouais je crois que mon bras gauche pisse le sang là, dit-il sur un ton enjoué ; preuve indéniable qu'il vivait mal son manque de sang.
C'était à force de trop bouger qu'il avait ouvert le bandage de son bras. Sûrement pendant son cauchemars. Les quelques minutes où l'inconnu examina son bras en le palpant passèrent en une seconde pour Velk. Il était parti dans un monde où toutes les émotions se mélangeaient, où tout paraissait plus beau et plus triste à la fois.
-Quel est ton nom ? lui demanda l'étranger perplexe.
-Je vais te le faire deviner, petit ! Alors mon prénom commence par un... Ah merde j'ai encore oublié mon alphabet ! pesta le jeune homme avec le regard dans le vide. Bon t'arrive pas à deviner hein ? T'y arrive pas hein ? Haha je le savais, je m'appelle Velk Krostom ! Et toi c'est quoi ton p'tit nom ?
L'étranger resta perplexe un petit moment, n'osant pas prononcer un mot de plus.
-Frimain, finit-il par dire.
La marche s'annonçait une fois de plus horriblement longue... surtout pour le pauvre Frimain qui devrait le supporter...

Lorsque je te serre la main, c'est une souffrance que j'appréhende. Tu ne sentiras pas le tonnerre de ma haine s'abattre sur ta nuque. Tu ne pourras que pleurer, et saigner. Saigner autant que mon dégoût le désire. Je me délecterai du spectacle macabre de tes chairs broyées sous mon poing vengeur. Personne n'est innocent.
29-09-2011 à 12:24:21
Les yeux clos, l'esprit léger comme rarement, Ezraël flottait à moitié dans les limbes de son esprit embrumé. Aussi fatigué que son corps était, il ne ressentait pourtant aucune douleur musculaire. Juste une fine impression doucereuse qui était presque agréable. Passer une éternité dans cet état de presque béatitude ne l'aurait pas gêné du tout. Il ne pensait à absolument rien. Comme si tout ses soucis s'étaient envolés, comme si la mort était parti loin de lui, comme si.. Il n'y avait plus rien excepté une petite sensation joyeuse qu'il sentait au creux son estomac.
Pendant de très longues minutes, Ezraël resta allongé sans faire le moindre mouvement dans un état proche de la léthargie. Le visage étrangement détendu, presque paisible pourtant sa respiration était haletante et sa poitrine se soulevait à un rythme effréné. Prix d'un combat, au combien éprouvant qu'il devait payer. Si il aurait voulu bouger, il n'aurait certainement pas put. Mais le truc c'est qu'en ce moment il ne désirait absolument rien. Il avait presque atteint son nirvana ! La fatigue avait gaie comme une sorte de drogue et elle lui prodiguait le profond sentiment indéfinissable d'insouciance. Il ne sentait plus du tout les membres de son corps. Il ne sentait ni ses bras, ni ses jambes, alors que la sensation froide de la pierre elle était bien présente. Mais elle était lointaine.. Si lointaine ! En fait.. Ezraël planait littéralement. Son esprit volait allègrement au dessus de tout ses ennuis, de toutes les choses matérielles et futiles. Seul subsistait le profond contentement, dont l'origine était totalement inconnu.
Sans qu'il ne sente rien, un large sourire vient progressivement s'étirer sur ses lèvres, pour lui donner l'air d'un imbécile heureux. Puis vint se dessiner dans son subconscient un paysage d'un blanc immaculé. Aucune chose matérielle ne venait encombrer le tableau. Il y avait juste du blanc a perte de vu. À présent Ezraël marchait dans ce lieu inconnu, foulant le sol de marbre blanc d'un pas enjoué. Tout était si beau.. Il faisait bon, aucun bruit.. Rien ne venait troubler le silence paisible qui régnait. Cet endroit semblait infini, on ne percevait aucune fin, aucun début. Pendant longtemps Ezraël arpenta ce lieu en proie à une profonde sérénité. Mais, parce qu'il y a toujours un « mais », quelque chose vint entacher ce tableau idyllique. Loin devant lui, une forme noirâtre se détacha, jurant avec le fond immaculé. Curieux Ezraël avança vers elle. Au fur et à mesure qu'il approchait, les contours flou de la chose commencèrent à se dessiner avec précision. D'abord une main, un bras, un torse, puis des jambes, et enfin c'est un humain en entier qu'on put clairement distinguer. Il était allongé sur le sol dans une position étrange, presque dissymétrique. Ezraël eut tout à coup l'impression familière, d'avoir déjà vu cette personne. Mais.. qui était-ce ? Avec un air songeur, le jeune homme se mit à examiner le corps. Aucune respiration ne semblait l'animer, la peau était d'une pâleur peu commune et les yeux étaient vide.. D'un vide étrange comme si ils ne voyaient plus . La peur soudaine vint saisir le coeur d'Ezraël qui recula avec hésitation. Puis avec horreur, il reconnut la personne étalée sur le sol.. C'était Gengis. Au moment même où il l'identifia de sanglantes entailles apparurent venue de nulle part, sur le cadavre qui fut bien vite recouvert de sang. Effrayé le jeune homme cette fois, se retourna prestement et voulu se mettre a courir loin du corps mais il chuta lourdement sur le sol avec un bruit mât. Une paire de jambe, qui n'était pas à Gengis venait de le faire trébucher. Un cri d'horreur sembla vouloir s'échapper de sa gorge mais la vision de centaines d'autres cadavres qui gisaient maintenant autour de lui le rendirent muet. Partout où il regardait, il n'y avait plus que ça. Des corps horriblement mutilés. Puis soudain surgissant de nulle part, un malstrom de flamme vint envahir l'endroit calcinant les cadavres dans un bruit de fournaise. Et le fond blanc, prit une teinte noire d'encre. Terrorisé par cette vision d'horreur, Ezraël voulut s'enfuir mais lorsqu'il se leva, une main froide comme la glace vint le saisir à la cheville et il chuta lourdement pour la deuxième fois. Avant qu'il ne puisse faire autre chose, tout les cadavres des alentours se mirent lentement debout. Avec des mouvements saccadés en poussant des grognements, ils s'approchèrent lentement du jeune homme. Ezraël se mit à paniquer et sa respiration s'accéléra brusquement. Avec des gestes maladroits il tenta de se défaire de la prise du cadavre en tirant de toutes ses forces. Le zombie resserra sa prise d'avantage et Ezraël hurla en sentant ses os aux bords de la rupture. Par les flammes de l'enfer, il était fort ! Ses efforts semblaient tellement futiles.. Et les cadavres.. Il étaient proches.. Très proche.. Trop proche. Ezraël hurla de nouveau pendant qu'une foule de bras s'abattait sur lui, avant de recouvrir son corps.


Les yeux d'Ezraël se rouvrirent subitement. Le visage maintenant agité, couvert de sueur, il mit quelques secondes avant de totalement reprendre contact avec la réalité. Ce cauchemar.. Avait été.. Horrible. Ezraël n'avait pas du tout l'habitude de voir son esprit divaguer à ce point.. Et cette expérience avait été troublante. Toujours allongé sur le sol, il se redressa en position assise ignorant ses muscles qui criaient de douleur. Le jeune homme massa longuement ses tempes, tandis qu'il hoquetait à intervalle régulier. La douleur d'avoir perdu un camarade était revenu et a chacune de ses respirations elle transperçait douloureusement sa poitrine. Il aurait voulu qu'elle cesse de suite. Mais en même temps les larmes étaient la triste preuve que malgré les horreurs qu'il venait de commettre il était tout de même humain. Les sentiments qu'il ressentait à chaque seconde était la preuve même de son humanité. En reniflant péniblement, Ezraël lança un regard éteint au corps de Gengis qui gisait non loin. Il ressentait le profond sentiment de culpabilité de ne pas avoir pu le sauver. Mais au dessus de tout ça, il y avait l'envie désespérée, futile de le voir se relever. Mais ça n'était pas possible. Il était parti et les chevaliers devaient avancer sans lui. Il fallait qu'ils restent forts et unis. Avec un profond soupir Ezraël se remit debout en vacillant et en luttant contre son propre corps.
Retrouver ses compagnons était sa priorité. Peu importe ce qu'il lui arrivait. C'était pour ses compagnons qu'il se battait, alors il avait le besoin irrépressible de les revoir en bonne santé. Puis soudain il y eut la voix aimé qui retentit dans la caverne.



Celle de Sémil.. Il était debout ! Il n'allait pas mourir ! Enfin un sentiment positif ! Ezraël se précipita vers son chef, il trébucha légèrement avant de l'atteindre. Un large sourire s'étala sur le visage du jeune homme, avant que la culpabilité ne revienne à la charge. La voix tremblante, il éprouvait le soudain besoin de s'excuser de n'avoir rien pu faire.

« Sémil… Gen.. Gengis je l'ai rammené.. Mais je n'ai pas.. Pardon.. J'ai été trop… J'ai.. »


Le jeune homme du s'interrompre tant les hoquets interrompaient ses mots. Honteux d'être dans cet était, il détourna le regard tandis qu'il attrapait le bras de Sémil et le releva de toutes ses forces. L'effort déployé failli lui faire hurler de douleur mais il s'en retint.


30-09-2011 à 22:09:06
Sa vue était trouble. Il sentait les larmes brulantes, presque bouillies par la fièvre, qui stagnaient aux coins de ses yeux. L'eau était en pleine ébullition ; à l'image du reste de son corps. Son sang brulait à l'intérieur de ses veines, ses muscles le cuisaient comme si ils étaient toujours en pleine effort, et son front bouillant semblait en proie à de déchirantes pulsations. Son cerveau même était lacéré par des flammes bestiales, dont l'incendie s'étendait sur toute la largeur de son crâne. Jamais il n'avait ressentit autant de feu en lui... Ce n'était pas une chaleur apaisante, mais la douleur sauvage et violente d'une brûlure, à laquelle se mêlait celle agressive et féroce de coups de griffes.
Et malgré tout, ce n'était pas le pire. Si derrière son front se déchaînait une meute ardente, cette débauche sauvage n'était en rien comparable à la valse incendiaire de ses poumons.
Celle-ci était bien pire. Chaque respiration s'apparentait à une goulée de vapeur brûlante, qui se faisait lave dans ses bronches. Il manquait de défaillir à chaque instant. Les paillettes de flammes s'écrasaient dans les cavernes invaginées qui lui étaient vitales, comme désirant les carboniser de l'intérieur. Sèmil s'attendait chaque fois à sentir ses poumons se dessécher, réduit en cendres, puis à s'écouler dans son ventre en le laissant sans air, agonisant. Respirer constituait un tel calvaire que chaque seconde, la pensée l’effleurait qu'il devrait demander à ce qu'on l'achève. Seul le souvenir de Genghis l'empêchait de sombrer dans l'inconscience, ou de s'abandonner à une supplication hystérique. Sans lui, il se serait mit à hurler, décuplant la douleur mais prêt à tout pour qu'elle cesse, sommant qu'on ne le tue sur le champs. Cela aurait été si simple... Un déchirement bref de ses poumons, pour la libération offerte d'une lame salvatrice. La mort lui paraissait si douce qu'il se prenait à l'appeler de toute son âme. Et pourtant, toujours ce dilemme, ce besoin de se souvenir de Genghis, et de vivre pour lui... Tour à tour prêt à se laisser mourir et à combattre jusqu'à son dernier souffle ; voilà où en était Sèmil quand Ezraël le releva.
Le jeune homme balbutiait frénétiquement, le souffle court. Ses paroles s'entrecoupaient d'une houle de hoquets, pareils à des vagues qui surgissaient d'au fond de lui même, secouant sa poitrine, brouillant ses paroles... Il s'excusait dans un chaos incompréhensible, en larme, supplicié par une culpabilité violente et dominatrice. Elle avait prit le contrôle de son torse, de ses épaules, de sa langue. Elle faisait tressauter ses muscles dans une souffrance aussi physique que psychique ; le frappait sporadiquement avec une brutalité intrinsèque. Issue de ses entrailles, de son cœur, la douleur remontait en lui pour l'ébranler plus encore qu'il ne l'était déjà... Sèmil sentit un bourdonnement diffus emplit son corps. Voir Ezraël dans cet état l’anesthésia brutalement. En quelque secondes, il ne ressentit plus rien. Plus aucune douleur ; plus aucune sensation. Seul un grouillement cotonneux qui glissait dans ses muscles. Il plongea ses yeux fiévreux dans ceux du chevalier bouillonnant. Ses prunelles semblaient deux disques de fer étincelant. Elles dégageaient une attraction étrange, inquiétante. Sa pupille, tâche d'encre noire, ondulait presque sur l'argent de ses iris ; elle paraissait se diluer lentement, comme une éclaboussure d'aquarelle barbouillée par des doigts humides. Onde métallique trouée par un cercle obscure.
Il fixa Ezraël pendant plusieurs éternités- une dizaine de secondes interminables. Le jeune homme resta silencieux, des sillons humides traversant ses joues, sentiers lumineux qui ne daignaient pas sécher. Sèmil se redressa, et s'écarta d'Ezraël. Il n'avait plus mal. Plus quand il voyait la douleur d'un autre... Si forte. Tant de détresse.


-Ezraël, tu n'es pas coupable. Aucun de vous ne l'est. N'essaye pas de porter un poids trop lourd pour tes épaules... Je ne te demande aucune excuse. Je ne te demande pas de pleurer. Reste toi même. Illumine nous ; car les autres vont en avoir besoin, tu sais ? Nous allons tous avoir besoin de ton feu. Genghis... N'aurait pas souhaité que l'on cesse de vivre. Il aimait la vie, l'énergie. C'était pour cela qu'il contait tant d'histoire : pour nous faire vivre dans une autre dimension, dont il nous ouvrait la porte. Sa simple voix était une clé vers la vie.
<< Si des soldats ont réussit à mener leur œuvre de mort... Ce n'est pas ta faute.
Il se tut. Il ne pouvait pas parler plus longtemps ; sa voix menaçait de s'éteindre à chaque instant, telle une flamme vacillante, ballotée par le vent. Prête à se délier dans l'air, dispersée d'une seule brise. Sèmil croyait en ses paroles, et pourtant, ce n'était pour lui qu'une vérité à sens unique. Il ne s'affranchissait pas. Si un soldat avait tué Genghis, il n'en restait pas moins un deuxième coupable. Lui. Lui qui avait la charge du groupe, lui, l'ainé qui aurait dût le protéger, lui, Sèmil, qui leur devait tout. Et voilà que le premier d'entre tous, celui qui avait été là avant tout les autres... Était mort. Alors qu'il devait tout faire pour leur éviter même la moindre blessure. Genghis était mort, tué par la lame d'un soldat, et son incompétence à gérer ce groupe dont il avait la charge. Tout n'avait pas reposé sur quelques secondes ? Si il avait été plus rapide... Si il avait remarqué les flammes à temps... Genghis ne serait-il pas à leurs côtés ? Sa vie n'avait tenue qu'à quelques mètres de plus. Quelques mètres à parcourir pour dévier un coup fatal. Et Sèmil n'avait pas sut les parcourir à temps.
Il se tourna vers le corps de Genghis. Ses yeux ouverts fixaient la voûte rocheuse, vides, éteints. Son visage livide était blanc comme le marbre. Et son corps... Sanglant, déchiré, balafré. Un cadavre. Un mort. S'était donc cela qu'il était désormais ? Un souvenir douloureux ? Un amas de chair et d'os vidé de son sang, recouvert d'une tunique poisseuse qui s’accrochait à sa peau ? La lueur rouge des flammes dansaient sur son visage flasque. Elle le souillait, ondulant sur ce masque immobile. Rappelait que plus jamais des ombres ne joueraient sur sa peau, que plus jamais un sourire n'étirerait ses lèvres en réveillant des courbes subtiles. Ce soir, cela faisait deux fois que le feu l'avait nargué.
Sèmil s'arracha à la contemplation de Genghis. Après le douleur, le bourdonnement. Après le bourdonnement, le vide. Avant, Genghis ouvrait de sa voix la porte du rêve. Désormais, son silence ouvrait celle du néant. Sèmil s'en emplit soudainement, comme si tout son corps n'avait été qu'une enveloppe creuse, un sarcophage que même la poussière avait désertée. Un sarcophage de vide absolu.
Il croisa de nouveau le regard d'Ezraël, et cette fois-ci, ses yeux étaient plein de brume. Silhouette indistincte d'un disque perdu dans le brouillard. Rondelle métallique plongée dans une eau trouble.
Sèmil parla, et les mots s'échappèrent de ses lèvres gourdes comme des pierres. Ils tombèrent droit à ses pieds, comme autant de stèles encore vierges de toute gravure. Et il saurait bientôt si elles le resteraient...


-Ezraël, pardonne moi. Je suis désolé. Mais je dois te demander. Est-ce qu'il y'en a d'autres ?
Il n'arrivait pas à prononcer ce mot. Pourtant, il le fallait, n'est-ce pas ? Briser le tabou nouvellement installé. Ils ne pouvaient pas s'interdire de le dire. Alors même que ce n'était qu'une pure vérité. Une cruelle vérité.
Y'a t'il d'autres morts ?

Ses lèvres étaient froides et lourdes. Il les scella, et ce fut comme le cadenas d'un tombeau qui cliquetait. Il restait beaucoup à dire ; mais ce n'était pas le moment. Ces paroles devraient attendre d'autres oreilles. Celle de tout les autres. Il y'avait tant à dire, mais si peu de d'oreilles pour écouter à l'instant... Il espérait, plus que tout autre chose, qu'elles finiraient par se présenter.
Bientôt.
Il attendait la réponse d'Ezraël, ses yeux fiévreux luisant de larmes brulantes qu'il n'arrivait pas à verser.
Et alors, à cet instant, la jeune femme s'écroula. Sèmil n'eut pas le temps d'être surpris : elle était déjà couchée sur le sol, à l'entrée de la grotte, silhouette brune à la chevelure chenue. Roulée en boule, éreintée à telle point qu'elle s'endormit sur le champs.
Venue de la nuit, la jeune femme reposait sur le sol, pareille à un petit animal fragile qui se serait échoué pour mourir...
01-10-2011 à 21:35:06
Zejaléa resta longtemps au milieu du charnier avec pour seule compagnie un Lifaen moribond et une vingtaine de cadavres. Elle avait du mal à garder les yeux ouverts dans le silence oppressant tombé sur le champ de bataille et son bras droit lui faisait encore mal. L’apprentie ne pouvait qu’attendre le retour d’Eileen, et de dépit lié à la douleur, elle se laissa glisser dans une douce méditation pour enfin permettre à son esprit, resté aux abois toute la nuit, de se reposer à son tour...
Ses pensées revinrent aussitôt au lieu qu’elle avait quitté si peu de temps avant, même si cela lui semblait déjà être une éternité. Combien de temps avait tenu la Citadelle ? Et celle qui l’avait recueillie, cette douce femme et brave combattante, si rare parmi ces rangs majoritairement masculins, était-elle tombée dans les premières lignes pour ménager les êtres qui lui étaient chers ou fut-elle l’une des dernières debout à se battre ? Peut-être n’avait-elle été qu’une vie volatile à se disperser dans les cris et le sang comme tant d’autres au cœur de la tourmente ? La jeune fille ne le saurait certainement jamais...Elle lui avait tant appris au-delà de son simple entraînement d'apprentie. Elle connaissait si bien les plantes, et semblait avoir lu tous les livres à sa disposition. Zejaléa avait vite été rattrapée par les passions de son mentor, en y ajoutant ses touches personnes, bien entendu.
Un besoin puissant de retourner à ses racines, d'aller plus loin en elle lui parvint. Elle plongea...


Son enfance...Il lui semblait qu'elle s'en souvienne parfaitement, non pas par flashs, mais d'une façon plus globale et exhaustive, fait étrange et assez dérangeant. Elle avait toujours été une enfant frêle, sage et réservée et il lui semblait que son enfance s'était déroulée en un si court laps de temps que parfois elle se demandait si elle n'avait pas oublié de respirer pour vivre...Seule sa naissance et les tous premiers mois de sa vie demeuraient un mystère, tout comme sa date d'anniversaire. Elle était probablement née en hiver étant donné qu'elle fut trouvée au printemps et à un âge estimé à trois mois. Souvent sa maîtresse, qui était aussi celle qui l'avait recueillie lui racontait par quelles circonstances elle l'avait trouvée...

La femme, Chevalier depuis peu, marchait à la recherche de cressons précoces pour ses décoctions en ce début de printemps, encore froid et timide. Arrivée à la rivière, elle chercha longuement sur les berges, mais en vain. Alors qu'elle s'apprêtait à faire demi-tour, avisant que l'après-midi était passé bien vite et que la fraicheur nocturne ne tarderait plus, elle aperçut un oiseau planant dans le ciel, si noble, si rare par ces temps obscurs qui sévissaient sur Andore qu'elle s'arrêta net. C'était...Un aigle. Elle en était sûre, elle avait vu beaucoup de croquis de ces rapaces et quelques uns venaient parfois planer aux alentours de la Citadelle...Mais c'était la première fois que le Chevalier en voyait un d'aussi près. L'oiseau dériva lentement porté par les courants du vent, et la femme se hâta de le suivre, fascinée par l'animal altier qui était presque à sa portée...L'aigle suivait les méandres du fleuve, comme porté par les remous, allant parfois jusqu'à descendre jusqu'à frôler l'eau pour se désaltérer. Tout son planer était si léger qu'il semblait n'être qu'un mirage.
Soudainement, l'oiseau accéléra et monta en chandelle dans le ciel sombre en lançant son cri. Puis il s'éloigna tout aussi subitement et disparut...L'émerveillent d'avoir eu cet instant privilégié, lié à la déception du départ de l'animal envahirent le Chevalier. Puis, elle baissa les yeux sur le fleuve où des pierres émergeaient et aperçut sur l'un des rochers une enfant, de quelques mois à peine, totalement nue et étrangement calme. Prise de pitié pour ce petit être fragile, la femme se hâta de la récupérer...Sa peau douce de nourrisson ne frissonnait pas, comme si la fraicheur du fleuve n'affectait pas le bébé et dans ses yeux se retrouvaient les reflets de la rivière qui l'avait accueillie.
Le Chevalier enveloppa l'enfant dans sa cape, et alors qu'elle faisait volte-face, elle s'arrêta une seconde fois pour observer le fleuve, interloquée...Au bord de la pierre plate qui avait servi de berceau au nourrisson se trouvaient de grands et belles pousses de cresson...


Zejaléa revint subitement dans le présent lorsqu'elle entendit des bruits de pas qui venaient dans sa direction ; c'était certainement Eileen qui avait trouvé du renfort ! Elle regarda la belle rousse arriver en compagnie d'Eldän, les suivant des yeux d'un regard morne alors qu'ils s'approchaient d'elle et de Lifaen. Eldän n'était même pas blessé et semblait encore frais. Tant mieux !
Ils se mirent alors en route à travers le sang et les pierres, transportant péniblement la panthère inconsciente au travers du charnier et des montagnes...Eldän semblait inquiet pour les deux apprenties, et en particulier pour elle ; il lui demanda même si elle souhaitait se reposer et cesser de les aider à porter Lifaen. Zejaléa refusa, elle l'aurait porté seule jusqu'au bout du monde par loyauté. Alors qu'elle hochait négativement de la tête, elle vit briller dans les yeux d'Eldän une lueur...D'admiration ? Cela déstabilisa au plus haut point la jeune femme. Pourquoi donc cette reconnaissance ? Elle n'avait fait que son possible, et ce n'avait pas été pas encore assez...La chute de Genghis à même le sol lui revint violemment en mémoire comme pour confirmer son incapacité à être à la hauteur de la situation.
Le voyage fut long et ardu, et la grotte semblait être si lointaine à Zejaléa par rapport au moment où elle avait ramené Sèmil en quelques minutes à peine grâce à la monture laissée par Syrian ! Toute sa musculature fourbue hurlait, lui arrachant des halètements douloureux par intermittence. Enfin, la grotte fut en vue...Enfin...
02-10-2011 à 17:48:59
Un regard... Il aurait aimé un regard...
-Beeeeeeen si m'entendre brailler te gêne pas on va dire que je peux y aller tout doucement.
Frimain fronça les sourcils, inconsciemment. Car la situation ne convenait peut-être pas à cette... réplique ? Du moins, l'homme semblait être capable de le suivre pour un moment ; et il pouvait parler, rien n'était plus sûre que cette affirmation. N'empêche...
-Où as-tu mal ?
Le jeune adulte ne s'attendait vraiment pas à ce qui allait suivre.
-Hé tu sais quoi ? J'adore tes yeux ! Ils sont super bleus, c'est vraiment trop beau ! Tu dois plaire aux femmes toi ! Et puis t'es plutôt baraqué pour un môme ! Et tu es un personnage d'un conte des Chevaliers de Feu ? Parce que tu sais, j'adore vos aventures. Ma maman me les racontait tout le temps quand j'avais ton âge ! D'ailleurs je l'ai abandonné pour aller les rejoindre et maintenant elle est... toute seule...
Niarf... tenter de sombrer dans le délire pour oublier tout ce qui venait de se passer... Typique... Ainsi, cette aide opportune venait de quitter sa mère ? Et semblait mal le vivre. Un reniflement vint bientôt percer le silence nocturne : l'inconnu pleurait. Le jeune adulte n'aimait pas ça.
-Arrête de raconter n'importe quoi. Tu es gravement blessé ?
-Ouais je crois que mon bras gauche pisse le sang là, répondit-il, sur un ton plus que joyeux.
Cela semblait se passer très mal pour lui psychologiquement. Mais qu'importe. Frimain s'empara doucement de son bras, grimaçant intérieurement. Il palpa, tendrement, comme une mère l'aurait fait avec son fils. La blessure venait de se révéler sévère. Mais encore négociable. Ce sera à Zéjaléa d'en décider, s'ils décidaient de la garder.
-Quel est ton nom ?
-Je vais te le faire deviner, petit ! Alors mon prénom commence par un... Ah merde j'ai encore oublié mon alphabet ! pesta le jeune homme . Bon t'arrive pas à deviner hein ? T'y arrive pas hein ? Haha je le savais, je m'appelle Velk Krostom ! Et toi c'est quoi ton p'tit nom ?
Le jeune homme cligna des yeux.
-Frimain, finit-il par annoncer d'un ton laconique.
Bon, il n'y avait rien à dire de ce point de vue-là, le môme pétait la forme. Du moins en apparence... Car Frimain était sûr que cela n'était qu'une façade, ou encore une puissante détresse morale.
-Bon.
S'attendant à l'avance de la douleur qui allait le saisir, il se releva, agrippant au passage l'inconnu par les épaules. Il retint un bref grognement, sans doute partagé par ce qui allait être pour un moment son camarade d'infortune. Le chien jappa autour d'eux, sans doute heureux de voir son maître ainsi. Maître qui ne resta pas plus longtemps silencieux.
-Moi, tu sais, j'ai un truc à te dire ; alors tu vois, le machin, là-bas ? Et beenh...
Frimain se concentra un court moment, tentant de faire abstraction aux commentaires de l'homme. Autour de lui, il en était sûr, personne, strictement personne. Aucun des apprentis ne pourrait lui venir en aide. Il était seul.
-Et puis alors, y'a des petits trucs qui sont apparus, des petits trucs marrants quoi, et puis...
Bon. Peut-être pas si seul que cela. Le jeune homme huma l'air un instant, puis retint un mince sourire : plein sud. Il avança un pas, le premier d'une longue série, tirant à ses côtés une loque humaine.
Douleur. Il n'y avait plus que douleur.
Il ne savait plus où il se trouvait, mais il espérait avancer dans la bonne direction. Tout son esprit n'était que maëlstrom de pensées, de renégations, et d'autres choses mêlées. Il connaissait cette sensation... Et il l'appréhendait. Mais il fallait avancer.
-P'tain ! Elle est mal tenue cette forêt... Il y a des arbres partout... *
Son compagnon commençait légèrement à déteindre sur lui.
Une douleur intense le saisit alors à la cheville, bien plus forte que toutes celles qui l'avaient pris par le passé. Il s'effondra sur le sol, haletant.


For Vita, For the Freedom : http://www.youtube.com/v/dZLcBLmph3Q
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