Andore - Chapitre 1 : Premier pas vers la lumière.

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15-07-2013 à 12:48:34
(Ça fait un moment que je n'ai pas écrit aussi sérieusement, je me doute que mon style a changé. J'espère que je suis pas trop rouillé ^^')

Ils montaient vers la Lune, l'astre céleste qui éclairait toutes leurs nuits, malgré la disparition de son amant. Au fur et à mesure de leur ascension, il put remarquer qu'elle était bien plus belle et impressionnante que ce qu'il avait pu imaginer. Lumineuse, imposante, et couverte de cratères comme autant de cicatrices dignes d'une survivante, face à tous ces assauts. Seulement, elle n'égalait pas la splendeur des étoiles, qui, malgré leur petite taille, l'aidaient du mieux qu'elles pouvaient à ne pas les laisser dans l'obscurité. C'était elles qu'il vénérait, et non la Lune, malgré sa beauté étourdissante.

Puis ce fut l'obscurité. Velk se sentit soudainement très détendu, son anxiété due à la montée vers la déesse envolée. Il ne flottait plus. Il était comme dans une chambre noire, dénuée de toute source de lumière... sauf une. Une lumière noire, qui émanait d'un centre lointain, au bout du couloir qu'il se représentait dans le noir. C'était... c'était...
C'était une étoile.
Une étoile, si proche, mais à la fois si loin, qui brillait si intensément qu'il ne pouvait en détacher le regard, sans pour autant l'aveugler. Elle était magnifique. Plus belle encore que tout ce qu'il avait pu s'imaginer. Elle était purement parfaite.
Il sentit son cœur battre plus vite, son esprit beaucoup plus clair face à cette magnificence céleste. Il ne s'était jamais trompé. Les étoiles... non... son étoile était la plus belle lumière du monde. Elle était l'Etoile qui l'écoutait sans cesse, toutes les nuits. Sa plus fidèle confidente. Sa seule véritable amie. Sa maîtresse. Sa déesse.
Orchydea
L'Etoile la plus brillante du ciel nocturne. Elle désirait quelque chose. Elle attendait quelque chose de lui, Velk... et Kire. Tous deux furent choisis pour accomplir Sa volonté. Des frères indissociables, sans qui l'autre n'était rien. Tous les deux.
Ils seraient les soldats d'Orchydea. Ne pas prononcer Son nom. Jamais. Juste prier, et exécuter. Le temps était venu pour eux de voir leur souhait exaucé, en échange de leur vie, leur volonté, leur corps.
« J'accepte »
La lumière l'enveloppa, comme une douce couverture de velours, lui conférant une force prodigieuse. Une force qu'il n'avait jamais soupçonné auparavant. Une puissance qui semblait dormir au plus profond de ses tripes, sortant de sa torpeur pour s'insinuer dans chaque muscle, chaque veine, chaque souffle de Velk. Il se sentit transporté par cette vague de pouvoir conféré par cette lumière noire.
Il jouissait à présent du pouvoir d'Orchydea, Sa déesse. Plus que jamais, il se sentait vivant.
Puis La lumière prit de la distance, le laissant peu à peu seul dans le noir, en pleine délectation de cette force nouvelle. Puis la lumière revint, brutale et aveuglante, au dessus de sa tête. Ce n'était plus Orchydea, c'était la Lune, qui était encore plus imposante, alors qu'ils s'apprêtaient à entrer en contact avec elle.
Il regrettait déjà la lumière apaisante de Sa déesse. L'idée d'entrer en contact avec la Lune à présent lui faisait l'effet d'une éclaboussure juste après un long plongeon dans une mer de satisfaction. Quoi qu'elle fasse, elle n'égalerait jamais Orchydea.
Jamais.

Une salle. Immense. Trop d'odeurs. Trop de sons. Trop d'images. Trop de souvenirs... trop... trop...
Pourquoi ?
Il la sentait. Grande, puissante, écrasante, étouffante, tout contre lui, prête à le tuer sous son poids qu'il se sentait incapable de porter. La Lune ne lui souhaitait pas la bienvenue. Il le sentait. Elle le haïssait, lui, un Chevalier de Feu. Ses yeux restèrent rivés sur le sol, tandis qu'il se mettait en retrait du groupe. Il tentait de maîtriser sa respiration, mais ses battements de cœur, eux, étaient incontrôlables. Il suffoquait. Il la sentait, imposante, collée à lui comme une gigantesque sangsue. Il se sentait claustrophobe. Il... il voulait...
Partir.

Vite. Partir. Loin. Là où il serait en paix. Là où il pourrait penser. Là où il pourrait exister sans se sentir persécuté par la présence insupportable de la déesse. Toutes ces couleurs. Tous ces sons. Toutes ces odeurs.
Stop.
Stop.
Stop.
Arrêtez.
Il tente de contenir ses tremblements. Il a peur. Une perle de sueur glaciale coule le long de son dos. Kire semble tout aussi affecté que lui, contenant de longs gémissements.
Encore un peu Kire, encore un peu...
Il ne devait pas attirer l'attention sur son état. Il le savait, il le sentait. Comme si leur vie en dépendait. La libération était toute proche.
Encore un peu...
Des gens parlaient, criaient, pleuraient. Rien à foutre. Partir. Vite. Loin. En sécurité. Il se sentait attaqué, et il ne pouvait qu'encaisser sans broncher. Un danger.
Encore ?!
D'immenses squelettes aux longs cheveux venaient à leur rencontre. Les éviter. A tout prix. Se soustraire aux regards. Fuir. Vite.

Tels des ombres, deux frères se fondirent dans le décor. Seuls leurs yeux, jaunes, brillants dans le noir, les trahissaient à travers les bulles contenant les souvenirs. Ils se glissèrent dans un couloir auxiliaire sans demander leur reste.

Courir. Courir. Courir. Encore, encore, et encore. Courir. Il connaissait le chemin. On le lui indiquait. Il ne contenait plus ses tremblements. Il haletait. Ses yeux dégageaient une folie d'épouvante.
Il la sentait. Elle le cherchait.
Il était traqué.

Courir. Courir, avant qu'elle ne le trouve. Trouver la cachette. Il savait qu'il y en avait une.
Il descendit des escaliers, en grimpa d'autres à quatre pattes. La terreur le faisait voler. Vite.
Plus vite.
Plus vite.
La porte... La porte !!
Il ne tente pas de l'ouvrir. Il sait qu'elle le fera pour lui.
Il passe au travers.

Une pièce noire. Silencieuse. Une aura douce flotte dans l'air. Il tombe à genoux. Pleure de soulagement.
Enfin en sécurité...

Lorsque je te serre la main, c'est une souffrance que j'appréhende. Tu ne sentiras pas le tonnerre de ma haine s'abattre sur ta nuque. Tu ne pourras que pleurer, et saigner. Saigner autant que mon dégoût le désire. Je me délecterai du spectacle macabre de tes chairs broyées sous mon poing vengeur. Personne n'est innocent.
23-09-2013 à 18:53:34
Uzziel ne connaissait de l'humanité que ce qu'en contenait la mémoire Lunaire. A ses yeux, fascinante et fluide, elle n'était faîte que de beautés étranges qui coulaient en foules chamarrées sur les pentes du monde. Ses représentants tout habillés de chair façonnaient des routes carnées sur les silences paisibles que peuplaient alors seulement des créatures impalpables et légères. Ils étaient d'or et d'argent, de bronze et de jayet. Leurs cheveux luisaient comme d'harmonieux torrents, s'élevaient en volutes emmêlées, formaient d'incroyables broussailles. Elles n'étaient que l'écrin de perles dessinées en paupières, en nez, en lèvres ; visages uniques, qui partageant des éléments semblables, se déclinaient en courbes étrangères les unes aux autres- différentes pour mieux s'épouser en baisés et caresses. Ils n'étaient fait que pour s'unir et vivre en farandoles croisées, déversés au travers des étendues vibrantes d'un vide tout relatif. Animés d'un feu doux, ils brûlaient, flamboyances scintillantes de sang et de peau tiède, chauffés de souffles et de cœur battant.
Passionnante diversité que celle de ces peuples rêvés par la Grande Mère, l'esprit en sommeil de la sublime Déesse... Ils étaient nés du songe sans fin de la Terre, surgis du limon, des racines, des entrailles humides enroulées sous les monts. Ils dansaient et chantaient les uns pour les autres, séparées par les mers, et révéraient le corps vibrant qui leur avait donné le jour. En un âge prospère, ils parsemaient le monde, mêlés de loin par leurs prières suaves. Ils écoutaient la terre et le vent, tendaient l'oreille pour capter le murmure des forêts ou des vagues qui ourlaient leurs horizons.
D'abord, ils avaient formés des mignonnes braises de chair, réunis en foyers palpitants dans leurs âtres éloignés. Ils s'envoyaient des étincelles par des rituels communs, jetant aux tréfonds maternelles leurs mots scandés, attachés comme des guirlandes aux mélodies familières, égrenés comme des pommes en poèmes, matérialisés sur leurs gestes envoûtants. Après de longues années d'un statisme douillet, l'ère des grands voyages s'était amorcée, douce, excitante. Les marcheurs s'en étaient allés, les peuples nomades étaient sortit de terre. Sous les sables s'étaient formés d'étranges voyageurs, des vallées avaient surgis de nouvelles humanités, brillantes et fraîches, plus jeunes encore que toutes ces autres qui jubilaient à peine de leur naissance tardive.
Uzziel avait vu ces histoires croisées de peuples embrassés, qui se trouvaient, s'oubliaient, se mêlant, explosant en nouvelles beautés. Il avait suivit les rites magnifiques en l'honneur de la Terre, ces grandes assemblées qui dansaient et chantaient sur les places dégagées des villages, les édifices altiers ou collés au sol, qui formaient de grandes tanières baignées de soleil. A travers les forêts, à la pointe des falaises, ils levaient les bras, valsaient ensemble, tournaient en frappant le sol de bâtons tout festonnés de plumes. On jetait des cailloux, on riait dans les fleuves ; les enfants creusaient la terre pour y planter des graines, les amants s'arrosaient de miel entre de grandes racines. On honorait la Terre par gestes, voix, par unions comme par séparations. On se quittait, ne se retrouvait plus ; les processions descendaient dans les vagues et chantaient au milieu de l'écume, sur les bateaux ont agitait des clochettes pour attirer les créatures des profondeurs. Alors on embaumait leur peau depuis le pont des navires, on caressait l'échine de bêtes sous-marines... Les soirs de fêtes, les rues des cités Andoriennes s'illuminaient de lampions. Sur le vieux continent, on allait se perdre dans les bois pour y danser la nuit durant.
A l'aube, l'humanité entière se mettait à chanter. La musique se lisait sur les lèvres et les peaux. La lumière éblouissait ce beau monde souriant, flamboyant de vie. Comme autant de perles d'un long collier, les humains scintillaient de mille feux, si éphémères, si brûlants, si matériels... Ils étaient beaux, ces derniers-nés, ils étaient beaux ces enfants choyés. Les gamins chéris de la Terre qui rendaient à leur mère des risettes par millier, vivant dans l'absolue connaissance de la Déesse qui leur servait de monde.
Uzziel avait assisté à tout cela. Les rites du passé, les chants, les fêtes, les guerres même. Naissances et morts, tragédies et romances. Il pensait tout savoir savoir des humains.
Il s'était trompé.
Celui qui lui faisait face ne ressemblait en rien à un humain. Pas de ceux qu'il avait connu au travers des souvenirs tout du moins. Il était aussi pâle qu'une larve, mais brun comme la boue ; ses yeux étaient d'un vert sale et terne, qu'aucune feuille de l'ancien monde ne lui aurait envier. Il n'était pas difforme, amaigris et ravagé comme Uzziel lui même, et pourtant... Une ombre s'accrochait à ses épaules. Quelque chose de mauvais entachait son teint morbide. Autour de lui, un malaise.
Il était laid. D'une laideur qui faisait monter la nausée dans sa gorge.
Mais l'oiseau, sur son épaule, brillait d'un éclat dur. L'oiseau, la braise palpitante de vie, ce morceau de ciel, cette étoffe sidérale. Cette merveille, ce miracle. L'oiseau était posé contre la peau de l'ombre humaine- ses yeux noir le fixant, comme deux braises au fond d'une cheminé. Ce fut ce qui l'incita à ne pas s'enfuir entre les arches. Qui le fit bouger son corps non pas pour s'éloigner, mais guider sa main nue vers le vide qui le séparait de l'étrange ersatz humain.
Il regardait l'oiseau plutôt que le visage du jeune homme. Ses yeux ne coulissèrent que quand son bras s'immobilisa dans la lumière blafarde. La clarté bleu en dessinait chaque os, chaque tendon. Il en était presque beau.


-Uzziel.
19-11-2013 à 23:33:27
Une étreinte éternelle et des centaines de souffles. Pas d'ombres, seules les lumières des Cœurs rayonnants battant à l'unisson, et le vent qui dansait sur leur peau. D'où venait cette bourrasque dans cette pièce close ? Un mystère de plus qui ne sera jamais résolu, peut-être provenait-il de la Dame Sélène qui l'embrassait, ou des souvenirs brumeux flottant dans les méandres confus des temps passés lointains qui se reformaient en volutes hasardeuses pour renaître et se laisser contempler une dernière fois avant de retourner dans le marasme infini de l'oubli. Son corps chaud contre celui tiède et pourtant d'un immense réconfort de sa mère. L'enfant de la Lune sentait les plumes qui lui poussaient au bout des doigts, l'incitant à voler enfin pour retrouver la place dont elle avait été déchue alors. Marchant sur elle-même, errant dans le labyrinthe des existences et ignorant sa précieuse progéniture dont la perversion s'accentuait au fil de ses viols. Les bras de la Terre, petite et fragile, farouchement accrochés au cou de sa divine mère, qui l'étreignait par la taille. Elle n'était plus qu'une enfant perdue et effrayée par l'immensité de la tâche qui lui était incombée, mais le choix était un luxe dont la déesse ne disposait guère. Et en souvenir de son père, en mémoire de ceux qui s'étaient battus pour elle, en hommage à leurs mentors, à Genghis et à Sèmil, elle continuerait jusqu'à ce qu'elle sombre ou qu'enfin son père resplendisse à nouveau dans les cieux, dusse-t-elle supporter tous les fardeaux, surmonter toutes les épreuves et souffrir de chaque perte qui lui serait infligée par le Destin jusqu'alors. La nuit serait longue, bien longue, mais l'ombre est toujours la plus noire avant l'aurore, et quand les lumières du Soleil viendraient enfin colorer ce monde désolé, le sang vermeil à même le sol découvrira enfin la raison qui l'a fait fuir des veines qu'il a déserté. Et la Vie, forte et indomptable reviendra, avec son lot de prédation, mais enfin baignée de chaleur flavescente. C'était leur ultime objectif, ce qu'ils devaient faire. Et elle se sentait à la hauteur, elle qui devait reprendre possession de son trône dérobé. Mais pas cette nuit, où elle avait juste besoin de bras réconfortants et de se laisser bercer dans l'amour qu'on daignait lui offrir. De s'abandonner à cette étreinte.

"Je suis là."

Et les larmes qui perlaient à ses yeux, les sanglots incontrôlables qui la faisaient hoqueter, elle se perdait dans le souffle de la Lunaire qui émanait du fond de la poitrine de son avatar frais, sa voix continuerait à la faire avancer dans les nuits sombres, et demain elle serait plus forte, car rien n'importe moins que le lendemain, et c'était au nom de cet insaisissable futur qu'ils se battaient tous. Car loin de l'aube, la Vie se mourrait sans lumière vers laquelle se tourner. Le Soleil devait revenir, apportant avec lui parhélies et autres chimériques nitescences prêtant leurs moires au jeu de ses rayons. Et la douce tiédeur qu'ils espéraient tous sentir sur leurs visages blêmes. Ses souvenirs étaient retournés à la poussière, flous car ils appartenaient déjà à une autre, à la Déesse en elle. Ce soir, elle n'était qu'une enfant perdue. Ce soir, elle était juste Zejaléa, embrassée par sa mère au seuil de la réalité abstraite de leurs retrouvailles incertaines. Leurs esprits se touchaient par une coalescence naturelle qui ne les avaient jamais quittées. Juste une mère aimante et sa fille au regard océanique. Sa génitrice parlait, lui murmurant des mots de douceur, ceux qu'elle avait tant attendu au travers des hivers, au fil des lames, au gré du vent. La Lune froide semblait être habitée par un feu de joie en cet instant, ce présent qui serait bientôt révolu, oublié et dont l'importance bafouée se conjuguerait au passé. Et l'astre froid se découvrait une âme humaine dans cet échange, quelques secondes à peine, le temps d'un instant.

"J'ai pleuré, tellement pleuré. J'ai cru que je ne pourrais pas vivre sans sa lumière. Mais j'ai vécu pour toi. Et j'ai haï si profondément le responsable de ma double perte, de toute mon âme solitaire. Seule dans l'Univers, car tu avais perdu l'aura Divine qui t'étais échue. Je l'ai tant méprisé. Il faut que tu saches. Même les Dieux manquent de pureté dans leur Cœur..."

La fin de l'étreinte, elle le sentait. Elle savait que c'était le moment de se séparer, en dépit de toute la force qu'elles avaient lorsqu'elles se trouvaient enlacées, faisant fi du réconfort et de la douceur infinie. Pour qu'elle se retrouve, il lui fallait faire ce sacrifice douloureux, et pourtant si facilement oublié. Si elle avait pu, elle ne l'aurait jamais lâchée. Le cœur de la jeune fille tambourinait sans vergogne aucune contre sa poitrine, également désireux de trouver son chemin vers la paix d'un corps de glace qui lui avait tendu les bras. Et puis ce fut la fin de l'union, humidifiant le regard clair de Zejaléa alors qu'elles se séparèrent. Face à face à nouveau, se regardant l'une l'autre. Ou plus exactement, l'une dans l'autre, contemplant l'âme millénaire qui s'était offerte en l'espace d'un instant, amarre à laquelle elles s'ancreraient au travers les tempêtes de peines. La jeune apprentie tremblait un peu, et de ses yeux, l'eau gouttait avec un calme inexorable, descendant sans faillir à l'instar des sources serpentant jusqu'à la mer et soulignant au passage les milles courbes paysagères qu'elles pouvaient croiser. Tout n'était qu'un chemin de virages et de méandres, qui commençait par une rencontre.

"Mais toi, tu es si pure. Va ma fille."

De quel liquide sont faits les pleurs d'une déesse ? Une larme, unique, solitaire, s'écoulait lentement du regard lunaire chagrin. Un dernier sourire. Elle devait partir. C'était fini. Les yeux mi-clos, l'immortelle fragile fit volte-face pour ne pas ressentir le besoin mordant de retourner dans cette protection utopique et sortit, refermant doucement la porte derrière elle. Le couloir n'avait pas changé, il était resté le même, l'enveloppant dans une pâle radiance bleutée. Mais elle avait froid, si froid loin de ces bras pourtant glaciaux qui l'avaient tenue seulement quelques moments. Frissonnant, elle s'arracha à ses pensées en atteignant l’extrémité du corridor et ouvrit la porte pour se retrouver à nouveau dans la grande salle. La voie vers sa mère disparut presque instantanément dans son dos, sans un bruit, comme un signe de l'inexorabilité de sa situation. Des heures semblaient s'être égrenées depuis que l'Elfe sans nom lui avait ouvert la voie jusqu'à la créature lactescente de la nuit, mais pourtant, cet immense hall restait figé, froid et mort comme une plume recouverte de givre au petit matin. Au vu de l'heure, la guérisseuse s'attendait au silence complet, mais une perturbation imprévue attira son ouïe. Tournant la tête, Zejaléa eut la surprise d'apercevoir le frêle habitant lunaire en face d'une silhouette familière. Arl, et Moon au-dessus de lui comme toujours. Pourquoi étaient-ils là ? Peut-être avait-elle mésestimé le temps passé en compagnie de la Déesse glaciale, pourtant cela n'expliquait en rien la présence de l'apprenti à cet endroit. Réfléchissant, elle n'avait émis aucun son et était restée par instinct hors de vue, tel un faon glissé dans les feuillages automnaux, proie si facile dont seule la discrétion pourrait lui accorder le répit, faute de salut. Lorsqu'elle prit conscience de son attitude, la jeune fille en sourit et sortit de son pan d'obscurité en émettant délibérément quelques bruits de pas pour annoncer sa présence. Bien assez vite, ils la remarqueraient, se tourneraient vers elle et tous trois parleraient probablement.

Mais quelques secondes s'étaient amarrées à sa mémoire, le contact de la Lune demeurant gravé sur sa peau, marqué aux endroits où son corps s'était appuyé à celui de la Dame Sélène, qui lui avait révélé en cet atypique instant la beauté profonde qui l'habitait. Elle était géode, simple au premier regard mais sertie de joyaux en son cœur, fragments précieux dont les noms sonnaient encore jusque dans les légendes perdues. On les avait appelés forêts, rivières, montagnes et océans, ou même par caprice soudain, nuages. Fichés en elle à l'instar des étoiles dans leur drap céleste. La Lune lui avait rendu ses sensations, pulsant au rythme des aléas, envoûtante et protectrice. Elle lui avait rendu ce que l'humaine avait délaissé par manque d'immensité. Sa vibration. Elle la sentait à nouveau. Elle était la Terre, et elle vibrait vigoureusement, en accord avec l'infini.
Au diapason avec le chant des Nébuleuses.
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