Arc-en-ciel dans la poussière, il déverse sa couleur et sa puissance en absolvant les âmes qu'il croise sur son chemin. Au loin rugissent des crapauds de fer aux gueules rondes et aux ventres pleins. Pleins des étoiles en fusion qui ronronnent et ne demandent qu'à se sauver et éclater en des milliers de lucioles carnivores, flammèches rongeant la chair pour rendre les hommes à la terre. Et c'est sur un fond musical d'orage que cette maussade tragédie s'engage. Loin au-dessus, la nuée des oiseaux du lac Stymphale strient les nuages d'éclairs et pondent d'affreux oeufs chargés de poudre qui éclatent en fracas sur les gravats et tonne avec la rage de cymbales. Dans une ruelle, quelques entrechats au rythme des bombes qui pleuvent du ciel et, au détour d'un boulevard, des abeilles de plomb lui sifflent aux oreilles. Il ne bronche pas, vise entre deux pas. Deux étincelles foudroient la rue et la peau, éclaboussent les murs de silhouettes tordues puis l'ombre reprend sa route dans les décombres. Mais comme pour accompagner les torpilles et la pluie, la nuit tombe elle aussi. Et il n'y a plus que la tempête des coups de feu et quelques météores pour guider la lancinante horreur qui l'attrape par chaque cheville et le traîne, le tire, le happe dans l'obscurité.
Des cris fendent le silence et les ténèbres et réveillent l'aurore. Des chants, des odes et des rires qu'on dédie aux nouvelles couleurs de l'étendard qui surmonte le clocher de l'église et répand sur la ville tel un phare ses bienveillantes lumières. Mais il a disparu, englouti par les reflets de la lune, le bel arc-en-ciel.
