~ le dragon & le soldat

25-08-2011 à 21:33:21
Scène VII. ▬ ДРАКОН, СОЛДАТ
Une des fonctions essentielles du conte est d'imposer une trêve au combat des hommes. ~ Danniel Pennac


Il balbutie quelque chose, il a peur. Je ne comprends pas, ne cherche pas à comprendre. J'ai faim. Derrière moi, un quartier de la ville, ravagé, à feu et à sang, plus âme qui y vive. Tous de lambeaux, j'en ai fait mon repas. Depuis mon réveil dans ce nid de nuit, rien ne peut calmer ces étincelles qui m'électrisent les veines. J'en suis réduit à ça. À être un dragon de conte de fée, monstrueux, carnassier. Une fichue bête. Et je tue. Et je dévore. Avec ou sans plaisir, avec ou sans faim, je ne sais plus. Et ça devient envie plutôt que survie. Ce besoin des os qui craquent sous mes dents, et du sang qui éclate dans la neige, la tache d'écarlate. Sale bête. Je le fixe, les narines fumantes. Encore faim, toujours faim. Et je ne réfléchis pas, et je fonce, crocs dehors et langue salamandre. Je veux que tout ça finisse, je n'en peux plus. Triste bête. Enflammé, désolé, je gronde en galopant. La faim, la mort, le besoin, sans fin. Les flammes qui rugissent et mes griffes qui crissent sur la pierre nue. La neige fond, l'homme prie, le Dragon a faim. Mais il est trop tard. Déjà, l'épine du bois dormant, le fuseau qui endort un siècle durant, celui qui perce le doigt, celui qui tue, me transperce l'échine. De ma peau d'écailles et de fourrure jusqu'à mon cœur. Le chien qui claque. Le revolver qui fume. L'homme stupéfié. Le Dragon fusillé. La bête qui pleure sa vie foutue en l'air et crache des effluves de folie qui implorent la mort. Et blam, et blam. Encore, encore. Il tire, il troue. Encore et encore...

Les déflagrations résonnent dans la ville et s'insinuent partout pour une funeste oraison, inondant les allées, envahissant les églises, infestant les cimetières. La bête gît-là, dans la rue, elle n'a eu que ce qu'elle méritait. Et elle attend, doucement, que les flocons sépulcraux la recouvrent de leur linceul de lumière, et c'est comme un cercueil de soie blanche quand ses yeux se ferment sous la douleur. C'est comme un masque givré que l'on déposerait dessus, un dernier adieu aux couleurs des nuages. Ébréchée, écorchée, la bête crève, couchée sur un flan, l'autre criblé de balles, ruisselant de sang. Gorgé de nuances et d'histoires, un sang merveilleux, aux reflets d'argent et de bleu ; un véritable sang d'encre...

« Ainsi vient la neige après le feu, et même les dragons ont une fin. »
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17-09-2011 à 18:41:01
Tes récits sont magnifiques, à la limite de la poésie.