La vacuité des jours défunts qui sont partis, qui ne sont plus là, même ma mémoire a du mal a tourner sa face tuméfiée et trouée vers ce temps là, quand tout était beau, tout si bien. Je ne sais plus quand exactement, l'année dernière- ça semble si loin quand on le dit comme ça, ça semble hors de portée alors que si je tendais le doigt je pourrais encore caresser tout ce que ces jours m'ont laissés dans le coeur ; pourtant je vie pourtant je meurs chaque jour une agonie et plus de lumière qui sourie seulement les ténèbres et le silence, je n'ai jamais écouté ce genre de chansons dans le bus, quand je vois le monde gris il ne me fait plus sourire, avant j'aimais cet hiver morne et froid qui m'enserrait tout entier et maintenant j'ai tout le temps froid, je ne m'appartient plus et mes doigts tremblent, je cherche mon reflet dans la glace et ce n'est pas moi, c'est différent, ça n'a pas vraiment mon visage,je ne lis pas ce que je suis sur toute cette chair dégoûtante, qu'est-ce que je fais encore là avec ce corps, il est si encombrant, je voudrais m'en débarrasser et devenir une bourrasque, même pour un instant même si mon existence consisterait en une fraction de minute à souffler sur le bitume drapé de feuilles. Je ne sais plus ce que je dis. Une vague souffrance m'agite les tripes, j'ai la nausée parfois en ce moment, j'imagine les cicatrices sur mes bras, je cherche la manière dont je pourrais cacher l'odeur du vomis. Dans la foule les gens sont trop nombreux et je ne veux plus manger mais je m'y force chaque jour, parce-que demain, demain- demain quoi ? Demain. C'est tout. Je sais que demain sera meilleur. C'est un demain lointain, il n'est pas si visible, un peu flou, ce demain flotte loin de moi, mais c'est tout mon espoir. Demain je ne serai plus seul, demain je serai beau, demain j'aurai des ailes et elles ne brûleront plus, demain demain demain ton refrain obsédant de demain et aujourd'hui un calvaire, chaque jour une nouvelle torture je ne dors presque plus, c'est comme si mon âme se flétrissait lentement et si je devenais incapable d'écrire ou de dessiner ou de rêver, même de lire, qu'est-ce que je deviendrai déserté de ces grâces, que serais-je sans elles si fraîches si belles si grandes, je n'arrive pas à pleurer même dans le noir et pourtant je suis tout le temps au bord des larmes, mes gestes sont suspendus au dessus d'un gouffre d'agonies multiples et de souffrances languissantes, je veux faire du mal à ma chair, à mes tripes, à mon teint, je veux me griffer d'acier et frapper contre les murs, je veux vider mon estomac dans les toilettes et aller à la gare, regarder les gens dans mon manteau noir, serrer mes bras contre moi et poser ma pochette puis attendre le train et sauter. J'essaie d'imaginer comment mes membres vont se disperser et sauter sur les rails, je me demande si je resterai entier, à quel point serais-je écrasé, ou bien si le choc me disloquera ou me tuera sur le coup, est-ce que je survivrai à une chute de tel endroit, quelle coupure pourrait me tuer ? Je suis lâche dans chacun de ces songes noirs il y a une main qui se tend, quelqu'un pour me sauver, je n'arrive jamais à aller jusqu'au bout, même en pensée je cesse, je me retiens- quelqu'un me retient mais peu importe, c'est un symbole. Peut-être que je ne veux pas vraiment mourir Si c'était le cas je serai déjà enterré non ? Peut-être que c'est juste une manière d'interpeller le monde, peut-être que je ne suis pas assez doué pour vivre mais pas apte à mourir non plus, peut-être que je suis malade d'existence, peut-être que je ne peux pas réellement aller jusqu'au bout de ma route tortueuse parce-que j'ai peur de ses méandres, et s'ils me conduisaient dans des endroits dangereux, des lieux scabreux car ennuyeux, je veux dire ces mots riment, ils ont forcément à voir l'un avec l'autre et rien n e'est pire que l'ennuie, il tue l'âme, je ne veux pas perdre mon esprit, il est censé prendre son essor pas vrai ? et pas se flétrir et mourir, il ne doit pas crever, c'est mon seul trésor, ma richesse je ne peux compter sur rien d'autre et si je devenais fou si j'étais déjà fou est-ce que le monde est fou, est-ce que je suis assez vaniteux pour douter de la santé mentale et du bon sens de tout le reste du monde est-ce que je suis assez bête pour croire que j'ai raison et que tous les autres on tord, est-ce que je suis convaincu de détenir le secret du bonheur, de mon bonheur, personne n'est censé savoir mieux que moi et pourtant tout le monde a l'air fixé sur un but commun, avec une réalisation aux antipodes de ce que je trouve naturel, je ne supporte plus ce lycée, j'ai l'impression de retenir mon souffle là-bas et pourtant je parle, il y a des bonnes personnes, je les aime bien, mais ça ne me fait rien, ça ne change rien, c'est toujours aussi dur, c'est toujours si oppressant et barbant et dénaturalisant sans que je ne puisse rien y faire puisque nous sommes piégés, nous devons tous suivre un même chemin, il y a une vie à mener, une seule, elle n'est pas pour moi et pourtant c'est celle là ou rien du tout, j'aimerai être un clochard c'est mon rêve en réalité, je veux vivre hors du monde, loin des gens, mais je ne peux pas, il y a ma famille, mes amis et comment pourrais-je écrire comment lire comment dessiner hein ? Errer, errer, voir, sentir, mais mon corps est inapte, il est faible, mon nez ne connait pas les odeurs, mes yeux sont si médiocres. Je peux tout juste marcher, marcher encore, avancer sans connaître les plaisirs du corps, âme emprisonnée, esprit stupide, traînant, et j'erre, je veux chanter mais je n'ose pas, si quelqu'un m'entendait et se rendait compte que ma voix est si laide, je n'oserai plus après, alors je me tais.
Puisque la vie est dur je veux fuir son étau. Je suis un couard, et mon courage moribond ballote accroché à un cœur éclaté. Demain, toujours demain. Je veux dormir cette nuit et rêver de Demain, je veux vivre ce Demain et connaître intimement le bonheur. Demain. Encore Demain toujours Demain puisque Demain, c'est mon espoir, c'est ces gens là, c'est cette fille là, ces imbéciles qui me tendent la main dans mes cauchemars éveillés, ces fous qui bercent mes rêves malades. Ils sont Demain, je suis Demain, je dois tenir pour Demain.