Nul Part ailleurs.

28-06-2011 à 19:21:26
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[cite]Nul part ailleurs.
Nul part ailleurs que dans cette vieille auberge, aux murs de bois sombres, avec ses fenêtres de verres, rendues grises par la poussière. Nul part ailleurs que dans la salle peut fréquentée, désordonnée, près du feu ; près de cet homme habillé de noir, qui observe les flammes en caressant tendrement, ce chat au pelage argenté. Nul part ailleurs qu'assis sur le fauteuil couleur réglisse, rembourrée, dégageant l'odeur du vieux cuir..... Nul part ailleurs, pour entendre les sombres récits offerts à l'exclusivité, de cet être disant venir d'une histoire inachevée.....[/cite]

Emphase.
Vois tu la lune qui brille avec mélancolie dans le ciel d'encre ?
Vois tu les étoiles peinées qui sillonnent les cieux, comme cent larmes de lumière ?
Vois tu seulement le monde morne et gris qui t'entoure ?
Observe mieux, décèle la tristesse derrière le sourire faux, cherche la laideur dans la beauté d'une image, ne regarde pas l'orange, concentre toi sur les mornes couleurs qui parsèment le paysage embrumé.....
Quand le ciel alourdi et l'aquilon s'unissent pour laissés tombés la pluie froide d'une grise journée. Alors est venu le temps de la laissée filée.....




Allégories.

La vie est pareille à un bibelot.
Quelqu'un l'a brise, et nous, nous essayons de recoller les morceaux, avec un scotch de la marque "Bonheur." Un grand "B" est de rigueur. Quelques fois, l'on réussit à faire attention- le bibelot reste intacte.
Mais d'autres, ne prêtent pas attention à leurs gestes. Le bibelot tombe. Alors, l'on ne peux plus les recollés. Le temps est passé. L'on n'a plus de scotch. On ne retrouve pas la marque utilisée. Rupture de stock ?
Les bouts attendent donc dans un placard, prennent la poussière. On les oublies.
Puis l'on les retrouves.
Seulement, nos mains ont oubliées la forme du bibelot. Elles n'arrivent plus à assemblées les fragments. Alors, l'on les jettes à la poubelle, et ils finissent broyés.
La sombre conclusion de cette constatation, serait peut être celle ci :
Mieux vaux être fait de fer ou bois que de céramique. L'on peut être fort d'apparence, avoir l'air solide, mais seules les épreuves endurées, prouvent la résistance d'un bibelot.
Pourtant même ainsi, viendra le temps de l'oublie.
Soyez en fer : Ce sont la rouille et l'érosion qui vous corroderont. Elles ont plusieurs noms, les reconnaître n'est donc pas chose facile. Une seule chose à faire, pour réduire les dégâts de ces deux attaquantes : Trouver la chaleur. Fondre, et se laisser remodeler. Prenez seulement garde, à ce que le fer n'oublie pas sa forme première.....
Soyez en bois : Les termites vous rongeront lentement, jusqu'à ce que les champignons viennent jaunirent votre grain. Bien-sûr, un ébéniste à la main assuré saura tailler votre l'écorce avec vénusté.
Mais que ferez vous ensuite des copeaux restés au sol ?
Oui, alors peut être, me direz vous, qu'être fait des céramique est bien plus avantageant- bien moins douloureux.
On ne se brise qu'une fois, et les ravages du temps n'y sont pour rien.....


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Ses ailes battirent faiblement, mais la peur fut plus forte. Elle s'envola dans un bruit de froissement des fines membranes argentés qui surgissaient de son dos sombre. Ses courts bras tendus vers l'horizon, la sacrifiée s'éleva dans les airs, poursuivie par le martèlement des marteaux sur le fer, derrière son futur qu'elle avait précipitée en fuyant de l'enfer. Espoir enroula ses cheveux blancs autours d'un de ses poignets, poursuivit par la peur qu'on attrape sa chevelure pour la ramener vers les flammes dans lesquelles on brulerait son âme. C'est grâce à ça qu'elles duraient si longtemps. Quand le feu consumait un esprit, il prenait son temps de vie. Son temps de penser. Et l'on pouvait battre le fer plus longtemps. Alors on dépensait moins d'énergie. On allait plus vite.
Tout pour le profit. Tout.
Même la vie. Pas les leurs. La sienne. Celle de ses sœurs. Celles de ceux qui couraient dans les airs. Celles du peuple qui vivait dans les îles dérivants dans les nuages. Offertes en holocaustes.
Tout pour le profit. Tout.
Espoir savait maintenant. Mais pas les autres. Il fallait partir pour les prévenir. Pour qu'eux aussi ne finissent pas enfermer dans les flammes. Puis dans le fer enchanté. Tant d'âme brisées, fracturées et emprisonnées pour le profit.....Et la guerre. Pour leur guerre. Pas la sienne. Pas celle de ses sœurs. La leur. C'était à cause d'eux. Pour le métal doré qui dormait sous la terre. Ils l'arrachaient à leur mère la pierre, et le faisait fondre.
Pour le profit.
Et le profit déclenchait la guerre. Pour le métal. Le métal faisait le profit, puis le profit, la guerre. Pour la guerre, il fallait de armes, rapidement. Alors ils volaient l'âme de celles de son peuple. Puis, ils la jetait aux flammes. Les flammes la dévorait, et duraient plus longtemps. Donc moins d'énergie à créer. Des armes, plus vite. Et des lames enchantées. Les âmes dans le feu s'attachaient au fer et.....Elles entraient dedans. A cette pensée, des larmes de colère perlèrent de ses yeux. Elles roulèrent sur ses joues brunes, scintillèrent un instant, puis le vent les emportas. Derrière Espoir, l'alerte fut lancée. La fë battit frénétiquement des ailes, et se propulsa vers le ciel, les épaules tendus, les bras étalés le long du corps. Des aigles de fers furent lancer des forges, et la panique l'envahie. Elle descendit vers le sol, courant sur la pente de l'air en laissant un sillage d'argent crépitant derrière sa course effrénée, désespérée. La roche se rapprocha. Espoir cria, et ses cheveux blancs quittèrent son poignet. Un aigle lui lacéra le dos- elle dégringola. Une faille l'accueillit, et la fë se recroquevilla contre une paroi, le souffle court. Les rapaces de fers tournèrent au dessus du troue. Le temps qu'un humain arrivent, ce n'était qu'une question de temps.....Elle était en sursit. Elle le savait. La mort jouait. Bientôt, sa vie serait consumée. Pour le profit. Alors Espoir ferais ce qui devait être fait. Elle mourrait.
Mais pas dans les flammes, pas pour le profit.
Et pas pour rien. La fë demanda à la pierre de portée sa voix à ses sœurs. La roche lui chanta sa lamentation, et déplora, la perte de l'or qui avait dormit en son sein. Elle sanglota pour la douleur qu'on lui avait infligée. Puis sur la souffrance que les humains lui avait dispensée, pour leur vanité. Espoir écouta. Elle lui parla du feu. Alors la pierre accepta de l'aidée. Et, dans les cages du camps, les fës brisées l'entendirent : "Ne vous inquiétez plus. Ne vous croyez pas seul mes sœurs. Ne pensez pas que vous n'avez plus rien. Vous m'avez moi. Et je vais donnée le message aux autres. Vous m'avez moi."
Peut être que cela ne servirait à rien. Mais elle aurait essayer. Elle aurait essayer de leurs redonnées le courage de se rebellées. Puis, pour soustraire son âme aux flammes, la fë se colla à la roche, et lui demanda de bougé pour formée un pic. Et la pierre l'écouta.
Alors même qu'Espoir mourrait dans la faille, et que les humains partaient à sa recherche, dans la cage, les fës chantèrent.
"Nous avons Espoirs. Nous avons Espoirs."


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-Pourquoi ?!
La pluie battante glaçait sa peau, s'infiltrant sous les haillons qu'il portait. Mille épingles éphémères qui venaient mourirent sur lui, éclatant en une infinité de gouttes agonisantes, sous le supplice d'un contacte mortelle contre sa peau si blanche. D'autres se perdaient dans sa crinière de feu, perlant de ses mèches, jusqu'à l'extrémité fatale des cheveux ondulés, qui tombaient sur ses épaules agitées de faibles soubresauts. Celles ci connaissaient leurs fins sur les pavers fracturés d'un sol briser à l'image du ciel rompus, qui lâchait son eau comme une plaie béante se vidait de son sang. En plus des gouttes passagères du monde, qui coulaient des cent ventres déchirés de nuages gris défigurés, des larmes se faisaient leurs chemins vers la mort, dans les creux de son visage émacié.[/cite]
POURQUOI ?!

[cite]Elle le répéta, encore une fois. Plus fort. Avec plus de colère. La prochaine fois, se serait la haine qui habiterait sa question pourtant si simple. Mais, il ne voulait pas y répondre. Il n'avais pas envie. Il avait ses raisons pour l'avoir fait. Et elle, avait ses raisons de vouloir savoir. Ses raisons de le haïr. Il les avait tous tromper. Si il y'en avait eut un seul.....Mais ils étaient tous passer sous la roue. De l'autre côté. Sur la face qui s'appelait Mort. A cause de lui. Mais, il n'était pas sûr de le regretté. Il l'avait fallu. Pour lui.[/cite]
POURQUOI !
[cite]Ce n'était plus une question. Le fracas de la pluie se figea, et son monde s'écroula. Sa vue se fractura, dans un ultime hurlement déchirant, des milles gouttelettes qui criaient à l'unisson grâce au ciel, de vouloir arrêter son massacre. Mais le ciel tomba lui aussi. Les gouttes avaient leur revanche. Elle aussi. Le couteau quitta son ventre dans un raclement métallique. Ses circuits perdaient leur huiles. Les gouttes se déversèrent dans son estomac, en criant leurs suppliques avant de s'évaporées sur son circuit interne, en des nuages de vapeurs qui montaient à l'assaut du ciel dans des soupirs de délivrances. Si ses fonctions motrices ne l'avaient pas lâchées, il aurait sourit. L'huile se mélangea à l'eau, et des rivières hétérogènes s'écoulèrent sur les paver gisants qui soutenaient sa charpente métallique couverte de peau. Le gargouillis du liquide qui se frayait un chemin vers la terre qui dormait sous la pierre taillée, couvrit l'ultime crissement des roues qui tournaient dans la machine humaine.
Mais, ça, les nuages n'en avaient cures. Ils continuèrent à déverser leurs mer intérieur.




Laissés en cours.

Sa larme roule, reflète et brille. Elle laisse une partie d'elle même sur sa peau blafarde, sillage humide, luminescent, sous la lumière argenté de la Lune. Elle se suicide, chute et s'écrase sur les mailles carmines qui drapent ses épaules. Tâche foncée, éclatée sur le haut de laine rouge.
D'autres la suivent. C'est un génocide. La femme pleur, et tue ses larmes en les rejetant de ses prunelles. Elle les abandonnes à leur sort, dédaignant cette eau qui mouille d'habitude les orbes jumelles de son regard pétillant. Il miroite maintenant de larmes. Mais plus pour longtemps. Elle aura bientôt finit de les verser.
Et il faudra relever ses genoux de Cette tombe.


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Sous le ciel gris, dans une allée.
Une seule femme vêtue du noir, agenouillée devant la pierre tombale.
Elle pense à la mort injuste et lente, qui a fauchée son frère. Un cancer, maladie meurtrière, s'étant jetée, avide de tuer, sur l'être aimer.
La pluie martèle le sol, crépite sur le cimetière.....
A l'image de la femme, le ciel pleure, pour accompagner l'épreuve du deuil, de ses propres larmes célestes. Mais à quoi bon ? Les cieux pouvaient sangloter, mais seul la femme devrait endurée le vide opéré par la mort.
Le ciel n'était qu'une parodie de sa tristesse ; la vie une longue blague cruelle....


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La mort le cueillit en vol.
Le dernier vole de Jean, fut stoppé par cette accrochage.....
Il ne toucha jamais le sol.
Car alors, qu'il chutait, ses cheveux noirs fouettés par le vent, sa cravate bleu lui cinglant les joues, un autre corps le percuta.....C'était celui d'un homme svelte, en tenu de travaille. Uniforme bleu, chaussures sombres et laquées, des cheveux noirs brossés, raplatit avec soin, une raie bien nette sur le milieu.
Le genre de personne que Jean détestait.
Le genre de personne, qu'il était.....
Car, c'était son corps, qui venait de le heurter.
Jean traversa une vitre, et s'écrasa contre un bureau.
Les cris des employés ne furent rien, comparés aux cloches qui sonnaient avec frénésie, à ses seules oreilles.....


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Bruit discordant de mille carillons glaçants.
Le vacarme douloureux se répercutant dans ses os...... Sa chaire torturée frémissante, sous les draps blancs, pareilles à des serviettes froissées. Lent supplice de mort, douce chute vers cette apogée de souffrance ; il était entraîner vers sa fin, avec une tendresse passionnée......
La mort se plaisait à prendre sa vie.
Elle ne se modérait pas, embrasant chaque partie de son corps mutilé, le transportant ensuite dans la volupté de l'oublie, pour mieux le ramener à son tourment. C'était d'une cruauté exquise, si douce, si indolente, qu'elle en devenait nécessaire à la vie. Chaque fibre de son être réclamait cette douleur. Elles désiraient ardemment souffrirent, s'enflammées pour lui faire subir un supplice sans fin. Un supplice à le rendre fou.
Fou d'amour de cette douleur, fou d'envie qu'elle continue.
Encore, encore, toujours, plus forte, plus lente, jusqu'à l'extase, jusqu'à la mort.
Pendant un mois, son supplice le combla.
Puis ce fut la fin.


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Le jeune garçon observait l'écran.
Il ne savait pas ce qui le retenait devant la machine, il ne savait pas pourquoi ses yeux restaient fixer sur le rectangle lumineux. Son esprit avait il donc été happer par cet ordinateur ? N'était il plus que l'ombre de son ombre ? L'absence de substance à son niveau d'inexistence le plus bas ? Si bas que personne ne décelait le frémissement qui agitait la chose qu'il était devenu ? Les ténèbres de sa chambre en venaient à l'avaler, à se mêler à lui. L'obscurité avait happer sa raison. Pour cela, le jeune garçon restait fixer sur l'écran lumineux : Là résidait la seule lumière de son univers d'ombres.




Une pensée, une image.....

Elle dansait seule, les moignons de ses pieds virevoltant avec grâce au dessus de l'infinie damier. Un carrelage sans fin qui composait l'unique sol de ce monde. Tout était vide. Il n'y avait que l'horizon blanc, dont une lumière diffuse sourdait, floutant perceptiblement le lointain, et sa danse gracieuse, que le bruit des chaînes rythmait.
Depuis les deux extrémités arrondies qu'étaient l'apex de ses bras, une suite de maillons de fer formait un arc glacé. Il prenait naissance dans la chair même de la ballerine. Il reliait ce qui aurait dût être la naissance de ses poignets. Mais il n'y avait que de la chair pâle et lisse, se prolongeant en un semblant de membre, depuis la robe grise loqueteuse qui couvrait son corps maigre, tissu sombre décharné dont les bords déchiquetés pendaient de façon misérable. Puis la chaîne qui entravait à jamais ses mouvements, liant ses bras en une éternelle morsure. Le fer glaçait toujours son derme, ses os, crocs métalliques dont la froide présence s'étendait jusqu'à ses épaules étriquées. Pour se réchauffer, pour oublier la violente douleur, elle dansait.
C'était une femme sans nom, sans esprit. Elle n'était qu'une âme suppliciée, une ballerine du néant qui définissait le temps, de ses gracieux mouvements. La beauté de sa solitude n'avait pas d'égale. Il n'y avait rien pour s'y opposer. Tout était froid, tout était vide. L'univers entier semblait creux. Dénué de sens. Sa danse s'imposait, unique vérité en ce monde au delà de tout. Il fallait au moins une existence concrète, qui affirmerait celle de tout le reste. Une existence pour donner consistance au néant. Une femme torturée à jamais. Cela suffisait.
Une ballerine dont la danse ne s'achèverait plus. Le bruit des chaînes aussi. Les chaînes tyranniques qui faisaient se cabrer la liberté... Qui retenaient le paradis.
Une femme pour définir tout le reste. L'enfer, l'existence, l'inexistence et la félicitée. Tout au fond d'elle, un autre monde dormait. La terre promise. Son cœur creux accueillait mille esprits, pour l'emplir, la gonflée... Mais, en ce cas, un jour, ne serait-elle pas pleine ?
Tout n'était qu'une question de temps. Quand la mort l'aurait emplit de vie, les chaînes se briseraient. Le monde tomberait, et la réalité entière basculerait dans son corps.
Une unique existence, pour définir tout le reste. Les autres n'étaient qu'un combustible.


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La vitre est couverte d'une fine pellicule de glace qui distille la lumière des lampadaires, en de vagues lueurs jaunes, diffusées par cette eau gelée qui s'est cramponnée aux verres de la voiture. Je fixe pourtant le paysage qui défile derrière, silhouettes ombreuses et halos tamisés par le givre. Même si je ne la vois pas, je sais que la ville est couverte de neige. Décembre reste fidèle à son annuel miracle. Il me suffirait de tourner la tête vers le pare brise, balayé par deux essuie-glaces chuintants, pour avoir un aperçu du paysage immaculé. Mais je reste fixé sur la fenêtre occultée, absorbé par cet univers d'étranges lueurs et d'ombres qui se suivent. La radio babille gaiement, bien que personne ne l'écoute : Mon père conduit, perdu dans une rêverie semblable à la mienne, et moi j'observe la glace, muet. C'est ainsi que se déroule les matins de Décembre, sur le trajet du collège.
J'aime ce silence. Il me laisse le temps de méditer sur le monde, là dehors, qui dort sous sa couverture de givre. Aime t'il ce contact glacé ? Peut être l'hiver n'est-il qu'une période de repos pour la Terre fatiguée ? Elle se couvre de neige, pour échapper au soleil. Comme nous, avec nos paupières fermées. Nous cherchons tous les ténèbres pour nous endormir. C'est apaisant, le sommeil. Le monde est serein. Tout le monde rêve sous les flocons qui dansent. Le tourbillon poudreux n'en finit pas de déclamer la poésie de la saison froide dans nos cœurs.
Le mouvement berçant du véhicule se stoppe. Je cligne des yeux. Nous sommes arrivés. J'ai finis de penser pour ce matin. Je m'empare du carnet sale et déchiré qui repose sur mes genoux, ouvre la porte, puis sort, en laissant un au-revoir planer dans la voiture ronronnante. L'air froid mord ma peau qui en frémit doucement. Je mets mes jambes en marche, vers la grille ouverte du collège. La surveillante, emmitouflée dans son manteau noir, une écharpe bicolore masquant son visage rougit par le climat glaciale et sec, commence à refermer le portail vert. J'accélère le pas, clame un "bonjour" poli, puis m'engouffre dans la foule des élèves. Des flaques d'eaux pleines de débris givrés craquent sous les semelles de mes chaussures poussiéreuses.
Je me range avec les autres dans un rang bondé, en entamant une conversation distraite avec mon ami, qui tout sourire, enchaîne une suite de mots qui sifflent déjà dans mes oreilles. Je lui donne sur le bras un coup mollasson, sans entrain, après qu'il ait comme à son habitude, vilipender sur une fille seule, à l'écart de notre classe, que je m'efforce vainement de protéger contre les paroles cruelles de mon camarade. Rien à faire. J'en perd le gout, de cette bataille sans fin. De toute manière, mes pensées se tournent encore vers la glace couverte de givre.
Je voudrais bien dormir sous la neige, moi aussi. C'est fatiguant, une journée à rêvasser, assis sur une chaise, la tête gonflée à l'hélium, qui s'envole dans les nuages gris, là, au milieu du ciel d'hiver qui s'étend, métallique. Je soupire intérieurement, tout en échangeant quelques mots avec mon ami, remerciant tout de même le destin de cette compagnie de fortune, certes, à la langue fourchue, mais toute de même providentielle pour le solitaire lecteur que je suis. J'abandonne mes rêves, sourit, et entame une discussion oisive avec lui.
Bon. Après tout, c'est ça la vie. Enfin, la mienne en tout cas.
De toute façon, j'ai une heure d'Anglais pendant laquelle rêver silencieusement.


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Le dernier pétale se détache du pistil sec. Brun et racorni, vestige d'une vie aujourd'hui pervertit. Il chute doucement vers la terre infertile, entamant lui aussi le dernier voyage que ses sœurs ont entreprissent. C'est ainsi qu'on finit en tant que pétale. La vie est ingrate, alors on tombe sous l'injonction d'une brise, d'un soupir, et on finit couché sur le sol mortuaire, avec les autres, toutes celles qui ont déjà péri de la main du vent, ce cruel satyre qui s'en va de plantes en plantes en les faisant ses amantes. Un cavaleur dont les brises se baladent jusque dans les jupons des jeunes marguerites. Il glisse sous les corolles en les caressant, lubrique. Il les enjôle, les emmène danser dans les airs, tournoyer dans le monde. C'est l'extase d'un instant.
Mais juste instant. De toute manière, quelle importance ? Le pétale, le dernier à tomber, celui-ci, il n'avait pas suivit le vent dans sa folle griserie. C'était une jeune femme timide, pleine de sentiments qui s'éveillaient à peine. Elle était séduite, sans doute, mais n'était pas prête à se laisser emporter. La rougeur facile, le sourire timoré. C'était le plus rouge de tout les pétales de la rose. Même brunie par le passage du temps, tannée par les mois, même sec, elle restait plus écarlate que toutes les autres.
Le vent revint de son long voyage, après qu'elle soit tombée sur le sol friable. Il la vit, là, abandonnée au pied de la tige amaigrie. Elle était vieille, ridée. Lui n'avait rien perdue ni de sa salacité, ni de son énergie. Mais savez-vous ? Aux yeux du vent, toutes les femmes sont belles. Il l'emporta dans sa danse, pour rien qu'une fois, lui faire découvrir la griserie d'un vol qui ne se finit jamais... Me croirez-vous, si je vous dis que depuis, elle n'a pas quitté cette brise ?
Il y'a toujours un pétale, là, dans un souffle, qui danse jusqu'à la mort du temps.


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La bannière flavescente de sa chevelure ondulait sous les caresses du vent.
Elle habitait la noirceur de la nuit, étendard solaire que la maîtresse des ombres paraît de reflets argentés. La douce lumière de l'astre du soir glissait sur les mèches épaisses comme l'aurait fait la main d'une amante. Le vent y jouait doucement, éternel enfant qui courait le ciel et la terre en y laissant le doux soupir de son candide passage. La nuit était belle et chaude.
Le monde endormi pulsait au rythme d'un cœur qui rêvait. L'onirique imposait son empire de douceur aux enfants qui se couchaient dans leur lit. C'était une ville pleine de songes caressants. Les jeunes filles et garçons qui s'en allaient visiter les contrées de Morphée, partirent heureux vers leurs songes pastels, aquarelles et enrobés de soie.
Quelle paisible vision, n'est-ce pas ? Le monde était en paix, pour cette nuit au moins. Tout était beau, tout était agréable. L'air même semblait porteur d'une fragrance suave.
Mais qui parlait de la jeune fille, qui se souciait d'elle ? Elle aussi était belle. Un ange sous les étoiles. Son visage velouté, ses longs cheveux dorés... Mais elle n'avait pas d'ailes. C'est sur cela qu'elle comptait pour mourir.
Elle était assise sur le rebord granuleux du toit. Elle fixait le vide, en bas, la chaussée silencieuse qu'un lampadaire éclairait ; ce trottoir qui attendait son corps, l'invitant à se laisser porter vers l'avant. Il suffisait de se pencher. Et elle oublierait tout. La vie. La peine. Toute la peine. Toute les larmes versées. Ce soir était si beau ! Il était parfait pour mourir.
Les enfants dormaient comme il le fallait. Les couples regardaient un film drôle, comme il le fallait. Les familles étaient toutes comme il le fallait. Sauf la sienne.
Manon sentit une perle qui glissait sur sa joue. Un bille d'argent liquide que la Lune fit scintiller avec mélancolie. Encore une larme.
Elle se laissa basculer en avant, ange du soir dont les ailes s'étaient enfuies.
Ange qui voulait regagner le paradis en cette douce nuit.


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La plaine d'herbe rase s'étendait jusqu'à l'horizon- et bien plus loin encore.
Le soleil embrasait ses contours, faisait du lointain, une suite de lignes incandescentes, qui se mouvaient lentement sous la caresse du vent, souffle serein survolant le défilé des brins alignés. La nuit, indolente, commençait sa descente sur le monde. Elle serait bientôt là, couvrant le ciel de sa longue parure de velours noir, à laquelle s'accrochaient mille larmes que la Lune avait versée depuis déjà bien des éons. Le maître des cieux laissait la place à sa fille, princesse des ombres et grande guide des étoiles, baroudeuse nocturne qui s'en allait du palais des Astres Rois, pour courir la nuit durant dans les cieux infinis.
Mais pour le moment, c'était encore au crépuscule d'occuper le ciel. Il rougeoyait doucement, étreignant une dernière fois le cœur des créatures terrestres, qui l'observaient depuis leurs masures en paille sèche. Des enfants collés aux vitres d'un carrosse, un fermier assit sur une souche, qui profitait de son repos, gourde en main, son fils appuyé sur une pèle, à ses côtés, compagnie silencieuse mais chaleureuse. Et cette femme qui donnait la vie, là, quelque part dans un village qui attendait lui aussi la nuit. On souhaitait de beaux rêves au Veilleur des Récoltes, qui dispensait gracieusement ses rayons au monde d'en bas, cette terre perdue dans le vide, où pulsait l'existence, les sentiments, et milles âmes battant à l'unisson, toutes par l'intermédiaire brulant d'un cœur qui chantait la jouissance de la vie.
Partout sauf sur la plaine d'herbe rase, où le dernier soldat agonise en paix. Le silence est tombé après le concert des lames. Les cris se sont tus, et les chevaux gisent sur leur cavalier.
La nuit tombe, et la Lune qui court pleure une fois de plus sur le sort des hommes.
Une étoile nait au dessus du champs de bataille, lueur tremblotante qui chantera pour les morts. Le charnier aspire sa voix. Il n'y a que du silence, là où la mort s'installe.


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Il faut se relever mon ange.
Repousse les ombres qui veulent te voler la vue, épouste la poussière de ton haut, lisse en les plis, ravale tes larmes et pousse sur te petits bras, pour échapper au sol granuleux qui te mort la peau de ses cruels reliefs. Allez, échappe toi avec plus de prestance. Ne trébuche plus, ne laisse plus tes orteils engourdis te conduire vers le goudron noirâtre, fait s'échapper la maladresse de tes pas, et cours, cours de tout ton soul, de toute ta force, avec les plus grandes foulées de ta vie, cours vers la lumière et envole toi. Laisse les ténèbres derrière toi, mon ange ; ils ne sont pas là pour les petits garçons. Tu ne devrait pas avoir si froid, pas ici, pas en ces lieux insalubres à l'âme innocente d'un enfant. Ils vont te gangréner mon ange. Ils vont dévorer ton esprit, aspirer la chair de ton corps, sucer tout ton sang, puis ils te laisseront là, comme un os duquel ont aurait extrait toute moelle. Tu seras vide, tellement vide que le vide lui même aura peur de toi, et tellement triste, tellement plein de larmes que tu n'as pas put faire couler et que tu ne peux plus laisser cascader de tes joues, parce-que tu n'en a plus, ni de joues, ni de pupilles, et plus de langue pour les gouter et savoir si elles sont sucrées, tu auras tellement peu, que toute ces larmes vont remplacer ton âme, et que tu vas déborder. Il y'en aura par ton nez, comme du sang. Il y'en aura par tes oreilles, comme du sang. Il y'en aura par ta bouche, comme du sang. Mais tu n'auras plus de sang. Alors tu pleureras par les mains, pour montrer que ça n'en est pas. Et tout ton corps suintera de larmes. Elles s'échapperont de partout, de toute ta peau.
Et, tu-sais mon ange ? Tu vas fondre. Tu seras comme un bloc de glace chauffé de l'intérieur. Et toute l'eau qui va t'emplir, elle va te liquéfier, te mêler au reste de toi qui coule le long de toi. Toi et tes larmes, vous serez confondus plus parfaitement que jamais. Toi partout. Toi qui s'épand sur le sol. Toi qui coule. Toi fondu qui ne peut plus s'échapper.
Non, non, il ne faut pas. Cours mon ange, cours.


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Elle s'envole vers nulle part, là où le monde est plus beau. Elle cherche un rêve. Elle le poursuit dans le ciel gris, pour ne pas le laisser s'échapper. Elle a peur que les nuages ne l'avalent. Ce serait trop bête. Un grand gâchis. Un peu d'une âme, de perdue. Là, dévoré par l'orage. Même si de toute façon, il finira par se délier. Oui, c'est evanescent un rêve. Mais peut être qu'en ayant un grand bocal, on peut l'emprisonner ? Est-ce que c'est beau un rêve qui tourne ? Est-ce que ça a des nageoires ? Il lui faudra peut être de l'eau. Alors, elle va d'abord s'envoler vers la mer. De toute façon, il ne peut pas lui échapper, ce rêve.
Après tout, c'est le sien. Rien qu'à elle. Personne ne lui prendra. Pas même l'orage.


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Je souris au vent, quelques fois. Il me répond d'une caresse. Et nous valsons ensemble. Les feuilles dansent d'un même mouvement. Tourbillon d'air et d'ocre, sous le ciel gris d'automne. Mais il tombe déjà. Le souffle qui l'anime l'a abandonnée. Oui, déjà. C'est tout ce qu'il avait à dire, parce-que ça n'a pas été plus qu'un souffle. J'ai valsé dans le vide pendant cinq secondes. C'était agréable, même si ce n'était pas vrai.

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C'en était trop que de ce silence. Il déchargea son cœur en un hurlement de souffrance. Il agonit le vide d'injures, l'emplit de son cri de haine, de désespoir et d'impuissance. Le vent emporta sa douleur, brise soupirante courant la terre et les cieux, depuis les éons que brulaient le soleil. Elle fit se perdre ses paroles dans le monde si vaste, trop grand pour deux yeux, deux jambes et une seule personne. Une seule personne, perdue dans son propre espace, n'osant sortir du cercle de pierres grises qu'elle a elle même disposée soigneusement, pour s'enfermer et ne pas avoir à poser ses minuscules prunelles sur l'univers trop vide et trop large. LA personne qui se trouve être UN homme. Enfin, pas vraimment, pas encore. Seulement une sorte de prélude aux épaules étriqués, aux cheveux touffus et aux lèvres sèches comme du papier calque, de la même couleur, avec la même opacité, mais plus épaisse, qui laissait filtrer moins du carmin des deux collines pulpeuses, collées l'une à l'autre, scellant ses paroles, son âme ; sa vie sonore.
Un adolescent. Cet étrange animal, d'habitude bruyant, légèrement difforme, encore à demi tendre, pas tout à fait adulte, mais plus vraimment enfant. Un bête sauvage, imprévisible.
Mais pas celle ci. Pas lui. Il c'est assit, et ne bouge plus. Il a croisé ses longues jambes, courbé son dos blafard, et caché son visage entre ses bras fluets. Ses doigts sont allongés, maigres, et ses ongles jouent aux pelures de pomme de terre. Lui, il joue au cadavre. Peut être un peu au squelette déguisé en humain, avec de la peau, des cheveux, mais plus d'âme ni de vie.
Ou un ersatz livide, exsangue. Comme lui, qui a trop crié et trop attendu, avalé trop de silence, et c'est noyé au milieu de nulle part, au milieu de la solitude et de l'horizon réduit qu'il s'est posé, comme pour se suicider. Au milieu de lui même.
Il ne se relèvera plus, maintenant. Il a donner son dernier souffle au vent. Et il le lui a volé. Le hurlement a tout emporté. Son cœur était trop plein de ces choses que l'on veut voir disparaitre, d'un geste ou d'un cri dérisoire. Avec, tout le reste est partit. C'était bien peu, et trop léger pour résister à l'attraction des autres sentiments. De toute manière, même si tout n'était pas lié, ils étaient foliaires. Une brise aurait suffit pour les soulever de son cœur.
C'était un combat vain, sa vie à lui.


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L'ombrelle tournait sous le ciel d'orage, coupant le flot d'eau froide que versait les nuages sur la ville. Fleur de toile mauve déployée par une charpente de métal famélique, elle dansait doucement au rythme de la rotation des poignets de sa porteuse. La nuit rôdait autour de la femme fragile, glissant en ombres voraces le long des murs et de la chaussée. Elle, préservée de la noirceur rampante, tournait dans la flaque de lumière qu'un lampadaire répandait sur le sol, à ses pieds et sur son ombrelle, en des sillons jaunâtres qui se faisaient des nervures sur la toile et entre les milles graviers qui composaient le bitume.
La nuit pouvait rugir et galopée, envoyée des bêtes de métal crissant à moteur pour lui enlever de sa candeur, mais elle continuerait de danser. Seulement dans la lumière. Seulement sur cette scène qu'un lampadaire étendait autour d'elle, intangible mais présente à ses yeux. C'était important pour elle. Il lui fallait cette lumière.
Qu'importe les regards des ombres grises qui passaient autour d'elle ? Que le monde la juge. Cette danse n'appartenait qu'à elle après tout.
-
Il y'avait une lumière dans la nuit. Et une femme qui dansait. Il s'approchait d'elle. Il allait passer près de cette ange qui bravait la pluie froide, fendant la salve du ciel de son ombrelle mauve. Il allait lui parler, lui sourire, ou se joindre à elle. Peut être même l'embrasser. Il allait prendre le temps de la comprendre et de l'apprécier. Il lui suffirait d'un pas dévié de sa trajectoire, pour rejoindre la lumière. Un pas qui pourrait changer cette nuit de solitude.
Un pas qu'il ne fit jamais. Il lui jeta un regard qu'elle ne croisa pas, puis continua son chemin d'ombres et d'eau froide. Ce serait une autre nuit qu'il rejoindrait la danse. Ou il passerait à côté en s'imaginant le faire.
Cela prendrait moins de temps.


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Elle ne savait pas encore que les ombres voulaient la noyée.
Elle avait trois ans, peu être et demie, mais pas plus. Des cheveux bruns, deux prunelles vertes, couvertes par des paupières aussi beiges que le reste de son visage reposé. Deux mains encore engourdies par son jeune âge, posées sur son petit torse. Un pyjama rose. Une pose de morte, de Belle Au Bois Dormant. Une chambre douillette, tapissée de moquette bleu, et des murs à rayures pourpre. Un petit bocal sur lequel tombe des rayons de lune. De la poussière qui danse au dessus de l'eau et un poisson rouge qui tourne. Et des ombres.
Beaucoup d'ombres, qui se terrent dans des angles, sous les chaises entourant une table en plastique ; tapies là où personne n'allait jamais les déranger. Le vent qui souffle sur des tubes de fer, qui tintent et chantent depuis le plafond. La fenêtre ouverte, par laquelle se répand le flot de la lumière nocturne, la luminescence blafarde de la pupille lunaire, l'orbe maîtresse des cieux, celle qui n'a cure du cortège d'étoiles qui paradent autour d'elle.
Et l'ombre qui se découpe sur le sol. L'ombre du chat au pelage sombre et aux yeux de feu, qui pose son regard d'enfer sur la fillette qui dort. Lucifer veille pendant son sommeille. Il écoute le chuchotement des ombres. Il attend qu'elles ne lui disent de bondir dans le lit entouré de barreaux de bois laqués.
Une injonction des ténèbres, et il sauterait sur le corps tendre et pâle. Un seul mot murmuré..... Et il déchirerait cette chaire d'enfant, pour en extraire l'organe palpitant, qu'il offrirait aux ombres de la débauche et de la mort.
Ses griffes luisaient sous la caresse de la lune, déjà prêtent à s'enfoncer, à saccager et à tuer. Il n'attendait plus que de pouvoir se baigner dans le flot carmin qui noierait les draps.
Mais pour le moment, la jeune fille dormait, et les ombres murmuraient encore.


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Elle n'était pas humaine, et je ne l'en aimais que plus.
C'était une femme de pierre, parée d'un voile de mousse qui couvrait son corps de statue grise. Je ne voyais pas les véroles sombres qui la marquait, et changeait la mousse épaisse, en une de ces robes que portent les grandes femmes qui défilent sous des flots de lumières dorés. Elle ne me parlait pas, et restait de marbre sous mes caresses. Mais je continuais de tourner autour d'elle, de faire la cour à cette mante frigide. Et toujours, je l'aimais. Je la noyais sous des baisers, et dansais autour d'elle. Je riais, seul dans le jardin à l'herbe foisonnante. Seul parmi les fleurs sauvages et la ronde des fontaines asséchées. Seul sous les ombres mêlées des grands chênes.
Et je tournais, toujours, autour de la statue parée de mousse. C'était mon bonheur, ma solitude heureuse. C'était ma danse en duo, que j'exécutais seul. Je donnais de la vie à la pierre inanimée, taillée puis abandonnée. Mon esprit allait habitait les trais gris de la statue. Je vivait pour deux. Et je tournais.
Toujours.


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La douceur d'antan n'est qu'une illusion, dont il faut se détacher au plus vite pour ne pas souffrir de la réalité, cruelle et vorace de souffrances. Certains ne veulent cependant pas les accepter. On les nommes "immatures" et on en les blâmes. Ceux qui affrontent le monde, eux, ne sont que les envieux de ces êtres qui ont gardé l'espérance d'un monde sans haine ni douleurs. C'est de la bêtise. Mais c'est si beau, parfois, un mensonge. Ça nous élèves par dessus les autres. On croit que le monde et sa laideur, sont à porter de nos mains avides. On ne pense pas que l'on puisse être stupide. C'est là, le statut privilégié "d'imbécile heureux". J'aimerais tant en être.....
Mais je ne vis pas dans le mensonge. Ou alors, peut être que si. Peut être ais-je tord. Sur tout. Et dans ce cas là, je ne fais partit que des imbéciles tout court.


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Pourquoi rouge ?C'était un mystère qui restait complet pour le docteur Mauc.
Il avait été voir bien des patients de Progogravie, mais aucun n'avait été aussi troublant, que Simon Martin. La plupart étaient atteints mentalement, mais jamais un interné ne s'était montré plus persévérant dans sa folie, que le jeune garçon. A sept ans, son obsession pour le rouge était d'une exceptionnelle ténacité. Il avait commencer par peindre son environnement ; d'abord avec innocence : De petites feuilles de papier, des bouts de bois, des coloriages..... Puis ses vêtements, les murs, le plancher, les vitres- sa peau.
Pendant la nuit, il se levait, lâchait des litres de peintures sur ses draps, sortait dans le jardin, puis versait du colorants artificielle dans la petite fontaine, repeignait les pétales des fleurs sous la lueur de la Lune..... Ses parents en eurent peur. Ils le laissèrent, seul, reclus dans sa chambre. Des jours pouvaient passés, sans qu'il n'en sorte. Mais le jeune garçon finissait par céder au besoin de se nourrir, et s'aventurait dans la cuisine. Il laissait des traces sanguines derrière lui, semblables à des pas sanglants. Où trouvait il autant de peinture ?
Personne n'avait résolu le mystère.
Simon Martin lui même semblait ne pas avoir de réponse à la question. L'extracteur spirituelle n'avait donner aucune réponse. Il en avait été de même pour le mobilisateur de pensées. Rien n'avait réussit à éclaircir la question. C'était visiblement des ténèbres impénétrables qui couvaient la réponse à l'interrogation..... Bien que cela ne soit pas gênant en soit, le docteur Mauc tenait à faire la lumière sur cette affaire. Progogravie était le plus grand institut de Bandornie, et son plus gros client. C'était ici qu'était logée la crasse qui rampait sur les trottoirs- tout les boulets qui s'attachaient à la société. Plutôt que d'entraver l'évolution de Bandornie, l'état avait décider d'interner les citoyens anormaux dans établissements spécialisés. Ne pouvant hélas tuer directement ces poids vivants, sans commettre un crime qui lui aurait valut l'exclusion de l'Union des peuples, le gouvernement les avais enfermer dans des instituions aptes à les maîtriser. Parmi elles, se trouvaient Progogravie, directement financée par l'état. Aussi, si jamais il s'ébruitait qu'un si grand établissement, n'arrivait pas à expliquer une chose en apparence si futile que l'approvisionnement en peinture, d'un gamin de sept ans..... Les journalistes se repaitraient de cette information comme des vautours ! C'en serait tôt fait de couvrir Bandornie de ridicule, qui fermerait alors Progogravie..... Et donc, le gagne pain du docteur Mauc. Il se jura de tuer le gosse, plutôt que de le laisser le mener à sa perte. Mieux valait ne pas résoudre le mystère, que de laisser s'ébruiter une rumeur qui serait fatale à sa carrière.
Henri Mauc entra donc dans la chambre numéro 333, et posa son regard sur son seul occupant. L'enfant barbouillait le sol de peinture, transformant la matière blanche moelleuse du sol, en potasse carmin. Il grimaça, et avança vers Simon Martin, en le fixant d'un air dégouter.
Les cheveux roux emmêlés du jeune garçon, masquaient son visage ; mais le docteur Mauc savait qu'un rictus repoussant devait tordre les trais de l'enfant. D'ici, il voyait sa main écarlate, qui tenait le pinceau, et une partie de son cou où luisait de la peinture visqueuse. Des crayons de couleur s'entassaient près de lui, et l'ourlet de la robe qui le couvrait, était coincer sous une montagne de pots remplis d'huiles rougeâtres. De l'encre garance et cinabre, se mêlaient aux flaques ponceaux qui parsemaient le sol. Ses pieds, comme poudrés d'alizarine, dépassaient du tissus souiller de balafres vermeilles.
L'enfant ressemblait à un diablotin habillé de loques d'un rouge cardinale. C'en était blasphématoire. Et également écœurant.
Le docteur s'agenouilla près du gamin.

- Alors Simon, comment vas tu ?

- Je colorie. Gémit l'enfant.

- Oui, en effet. Et pourquoi coloris-tu ? Susurra le docteur

- Je ne sais pas.

- Réfléchi un peu.

- Mais je ne peux pas. J'ai oublier.

- Oublier quoi ?

- Je ne sais pas. Parce-que j'ai oublier.

- Essai de te souvenir.

- Je ne peux pas.

- Si, tu peux ! Grinça Henri Mauc. Où trouves-tu cette peinture ?

- C'est dans vos têtes.

- Que veux tu dires ?

- Que c'est dans vos têtes. Vous avez oublier.

- Et bien, j'aimerais bien pouvoir t'oublier moi, sale gosse ! Ragea le docteur.

- D'accord. Répondit gaiement l'enfant.
Il releva la tête, et sans que le docteur puisse réagir, lui barbouilla le front de peinture. Henri se sentit nauséeux.
Il tomba en avant.
Alors, il oublia ce qu'il faisait ici. Son nom lui échappa, ses souvenirs prirent tous une teinte uniforme..... Il ne resta qu'une seule chose en lui, une seule couleur qui c'était imprimée sous ses paupières : Du rouge. Il se souvint de la première fois qu'il avait vu du sang. Lui vint à l'esprit, la première égratignure, les coupures qui l'avaient suivie, ainsi que les genoux écorchés, les dents arrachées, les filmes d'horreurs..... Tout le rouge de sa vie lui revint en mémoire. Celui des posters, celui de vieux tapis, celui d'une mauvaise note, celui d'un petit poisson, celui d'une flamme..... L'autre encore, qui s'invitait sur des joues, puis les enflures, la peau irritée, les gencives blessées.
Un flot écarlate s'écoula de ses oreilles, et éclaboussa le sol. L'enfant souleva la tête du docteur, et attrapa ses seaux.
Il les remplis du fluide qui s'écoulait des orifices d'Henri. Il commença à chantonner, en attrapant ses crayons. Il plongea les mines dans la fontaine carmine, en pensant à tout ceux qui oublierait le docteur. Simon gloussa à cette pensée, alors que sa victime se liquéfiait en une flaque rougeâtre. Des bulles éclatèrent à sa surface fumante, comme entrée en fusion.
Après tout, l'oublie ne faisait pas de mal.
Rouge pour la douleur des souvenirs.Il ne faudrait jamais oublier toutes ces fois où.....


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"Libre et indomptable." Pensa t'il. "Je le serais encore."
L'homme tourna le dos au carnage, que ses mains avaient conduites en maîtresses de la mort. Il les observa s'éteindre, comme les braises mourantes d'un feu. A mesure que la radiance pourpre se transformait en lueur fantomatique, le sang apparut, au fond de ses paumes. Jusqu'à là occulté par le flamboiement inique, il était maintenant présent dans toute sa splendeur : Carmin et brun, brillant ou friable. Il reposait entre les nervures de sa peau, magnifique, splendide. La gourmandise s'invitant en chatouillant ses palais. Il ne résista pas. L'homme porta ses mains à sa bouche. Sa langue glissa d'entre ses lèvres, goutant au nectar de vie. Lentement, il laissa l'appendice parcourir ses paumes, se délectant du fluide encore chaud. Ses yeux parcourus d'arabesques violines se fermèrent à demis. Il se laissa transporter dans le monde des sensation, savourant le sang qui coulait sur sa langue, se déclarant en chauds sillons qui cascadaient au fond de sa gorge. Même les couches sèches le ravirent. Il les souleva de quelques habiles tours de langue, et les brisas entre ses dents blanches. L'homme sentit les fragments se perdent dans sa bouche, fondre dans sa salive. Autre part, plus bas, son membre durcit. Le goût du sang l'excitait. Il rouvrit les yeux, et rappela sa langue à sa place. L'homme baissa sa main, et se retourna de nouveau. Il pouvait bien s'attarder un peu après tout..... Il avança vers les corps sanguinolent, et se baissa près de celui du femme. Elle tenait encore la main de son fils. Cela ne gêna pas l'homme ; il souleva la robe roussie de la mère, et baissa sa culotte en dentelles. Il fit tomber son pantalon, passa sa langue sur ses lèvres, et se glissa dans l'intimité de sa victime anonyme.
Elles étaient toujours plus agréables à saillir, une fois silencieuses.
L'homme prit son plaisir au milieu de son carnage. Le ciel le maudit en envoyant sa salve glacée de part des nuages gris.
Il se contenta de grogner plus fort.


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Il ne savait pas depuis combien temps il était emprisonné en ces lieux sinistres.
Il lui paraissait que jamais il n'avait connu d'autres horizons. Sa vie c'était elle déroulée entre ces oppressantes parois ? Avait-il toujours été attaché ? La corde l'emprisonnait aussi sûrement que la caverne. La caverne..... Étriquée, humide. Glissante, minuscule- inquiétante.
Quelques fois, lui parvenaient des grondements bestiaux. Cela, quand il frappait trop fort les écœurantes parois. Ces geôliers ne communiquaient qu'ainsi : En poussant des plaintes graves et sans fonds. Il y'avait aussi d'angoissantes musiques, des échos caverneux..... Et des tremblements, qui agitaient sa prison spongieuse.
En réalité, il ne savait pas comment il pouvait encore garder un esprit saint en ces conditions. Les ombres d'encres lui faisaient peur, la chaleur moite l'insupportait, et surtout, l'étouffante menace qui l'enveloppait le terrifiait. Pas un moment ne passait sans qu'elle soit présente..... Partout autour de lui. Rôdant, tâtant, grognant. Elle ne lui laissait pas une seconde de solitude. Il arrivait qu'elle s'assoupisse, mais en de rares occasions. Le plus souvent, la présence menaçante était éveillée. Toujours à l'affut d'un de ses coups.
Lui, n'abandonnait pas : Il frappait, encore et encore. Rien n'y faisait. La caverne le retenait prisonnier. Il pouvait à peine bouger, à peine vivre. Il avait beau tout faire pour s'échapper de l'antre moite, sa captivité paraissait éternelle.
..... Et pourtant, le jour de la liberté s'annonça.
Il frappait encore. Les grondements emplirent ses oreilles, comme à chacune de ses ruades. Mais cette fois ci, ils furent durables, plus proches. La joie l'envahit : Son tortionnaire cédait enfin. Le sol s'ouvrit lentement sous ses pieds. Un tunnel accueillit sa descente. Elle fut longue et il se sentit aspiré par une force incommensurable. Mais le voyage finit par prendre fin : L'univers le happa, et la vie chanta autour de lui. La lumière emplit sa vue, et un hurlement de bonheur s'échappa de ses lèvres. Enfin.....
Libre.

"Ce n'est pas grave docteur ?" Demanda t'elle en le serrant contre elle.
"Non, ne vous inquiétez pas. Il y'a beaucoup de naissance précoces."
"Alors..... Tout va bien ?"
"Bien sûr. Visiblement ce petit boutchou était pressé de sortir !" Sourit le docteur.

Il n'avait pas idée.


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Il y'a de ces soupirs, qui paraissent lestés de plomb.
L'air attiré entre des lèvres entrouvertes, cinglant la chair rose, spongieuse. Il s'engouffre dans la grotte ciselé d'une bouche hérissée de dents monstrueuses, caresse les gencives suintantes, frôle le tapis pâteux d'une langue assoupie, couchée au fond de la caverne détrempée, pareille à une créature affalée sur un sol moite, répugnant, plus humide et trompeur que n'importe quel marécage. Il chute ensuite au fond d'un gouffre immonde, aux parois couvertes d'un même liquide épais. Sa torture continue dans l'alcôve atroce d'une masse creuse. Il fait le tour d'un mastodonte de chair gorgée de sang, reste un instant prisonnier de la condition humaine, réduit à un souffle torturé, pousse une plainte déchirante, hurle d'être ainsi gardé sous la cage d'os harassés de maintenir une peau écrasante, oppressante, puis d'une seule inspiration, remonte en une unique pointe de vitesse, refait le même chemin, subit de nouveau un glaire sauvage, une bave dense, s'écorche sur les massif de pointes blanches, puis jaillit d'entre les lèvres ramenées en siphon. De cette épopée sinistre, un soupire pesant est née.
Il écrase son irritation cinglante au visage d'un autre, qui à son tour, s'empare du souffle rendu esclave de l'homme, pour hurler une réplique, bientôt supplice pour une brise fraiche. Nouveau cauchemar pour une innocente toile de vent, malheureuse d'être passée près d'une dispute.


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Il y'a la douce grisaille de mes pensées, qui s'étire et prend forme, s'épand et se transforme.
Elle crée, brouille, déforme, les vagabondes ébauches de mon esprit noyé. C'est de la pâte à modeler, spirituelle, irréelle, prenant l'apparence d'une chose, d'une créature, d'un paysage de poussière, d'une serre de verre..... J'entends le tintement de la trouvaille, quand tous s'emboite et forme un récit. Sinistre, gaie ? Détourné, retourné ? Tiré de tous les côtés, gardé sous cloche, pour fermenté ? Devenir une histoire plausible, c'est passé de lait à fromage.
Ainsi, la douce grisaille devient une idée, bien portante, en bonne santé. C'est mon enfant, que je nourris, que j'engrossis. Quand deviendrais-je l'ogre qui dévore ces pauvres petits, perdus ? Ou est-ce lui, qui absorbera mon âme ? Le danger est là, mais je continu. Je crée, j'invente. En bien et en mal.
C'est l'histoire d'un homme triste, puis d'un ange qui chute. Il y'a une femme perdue, et une fillette manipulée. Ce n'est pas la même histoire, mais c'est de moi. C'est mon être. Ma substance. J'ai le droit de transformer l'homme en loup, et de faire de l'ange une colombe. Ou je peux ne pas avancer. Tout reste pareille. Tranquillité. Mais pas toujours, pour ne pas d'ennui. Il faut aussi du danger. Des hurlements, peut être un peu de sang. Je deviens le bourreau de mes pensées.
C'est mal d'écrire le mal, ou c'est bien ? Je dois me poser la question ? Peut être que l'imbécile est plus heureux que celui réfléchis. Lui, il ne cille pas. Moi, je déborde de doute. Je suis un vase trop plein, et j'exprime par l'écris. Ou par la mine d'un crayon, sur une feuille encore vierge. Tous prend forme, il n'y a plus de vide. Il y'a mes doutes sur papier, mes joies, mes peines, mon humour, mon humeur. Beaucoup de trucs, mine de rien.
En ce moment, c'est l'ombre qui m'inspire. Elle rampe, elle s'enroule, elle se fait une boule. Voilà. Elle est devenue un être, qui marche, qui pense. Elle entoure du plastique, enrobe un masque. C'est un nouveau projet. Le mener à bien ?
C'est ça le plus dur, maintenant.


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La terreur n'était rien comparé à l'atroce douleur qui tordait son ventre. Il hurlait de toutes les forces de son corps torturé, agité de spasmes contre le mur de pierres froides. Ses yeux c'étaient révulsés, se tournant vers l'intérieur de son crâne, pour ne plus voir l'immonde besogne que son tortionnaire effectuait. Ses lèvres étaient si tendues par sa plainte sans fin, qu'elles c'étaient mises à saigner. Son esprit, lui, était encore plus déchiqueté que son corps scarifié : Il n'en restait qu'un lambeau en pleine combustion. Bientôt, il serait même inexistant. Il finirait consumé par la souffrance.
L'homme n'arrivait plus à supporter sa torture. Déjà, quand la lame d'un couteau avait tracé des signes sur sa peau, il sentait qu'il ne pourrait pas résister à ce qu'on lui ferait subir. Mais, comment aurait-il put deviné, qu'on lui ouvrirait le ventre, pour lui arracher les tripes à main nu ? Comment aurait il put deviné, que son tortionnaire les enroulerait autour d'une masse de fils barbelés ? Ses entrailles n'étaient plus qu'un incendie de douleur brulant. Et chaque fois qu'il se braquait sous le tiraillement lancinent qu'exerçaient les mains du monstre qui le séquestrait, les cloues qu'on avait plantés dans sa colonne vertébrale, faisaient remontés des lances de feu le long de son dos. Toute cette douleur le traversait violemment, l'agitant de spasmes incontrôlables, avant de finir par éclater dans son crâne, en détruisant chaque fois un peu plus son esprit. Déjà, l'homme n'était plus qu'une bête.
Et le monstre sifflotait doucement, en continuait de nouer les entrailles de sa victime, autour du fil hérissé. Une flamme de plaisir faisait luire ses prunelles noires. Il s'imaginait déjà, en train de plonger cette masse de métal et d'organes emmêlés dans l'eau. Comme cela serait drôle de faire passer du courant dans ce corps torturé ! Il fit coulisser son regard, au fond de la pièce sombre et sinistre, souriant en y voyant un carton éventré. Oui, ce serait vraimment très amusant.
Et puis, cela faisait longtemps qu'il n'avait pas utiliser ses guirlandes de Noël.....


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Les pétales incarnats s'ouvrirent lentement, sous la douce caresse du soleil. Ils dévoilèrent le cœur tendre de la jeune fleur, l'offrant à l'immensité azuré du ciel. Elle s'épanouit doucement, déployant sa corole de velours timidement, encore hésitante à se montrer. La rosée d'un matin de printemps, reposait sur son corps offert, parure de joyaux liquides étincelants, qui se mirent à couler sereinement le long de sa tige indolente. Ils se posaient là, comme des diamants tombés des cieux, puis se faufilaient vers la terre encore fraiche. La jeune fleur se pencha d'un air timoré, observant le sol moelleux où s'étendaient ses racines. La vie coulait lentement en elle, extraite de cette même terre gorgée d'une existence vivace. Elle caressait, aussi, en ce moment de paix, ses doux pétales roses, en une brise de vent qui lui communiquait son souffle salvateur. En cet instant, la lumière elle même participait à sa vie si douce ; pareille au feu d'un âtre chaleureux. Elle l'emplissait, et rongeait le vide, comme si il était son bois : La plante grandissait au rythme de la Terre, de l'air et du soleil. Sa vie s'épandait et croissait dans le néant, exhalant son parfum d'éternité.
Cette jeune fleur était le phénix des pelouse, renaissant chaque année, quand le printemps semait ses grains sur les plaines et montagnes. Là, depuis cinq ans, elle se relevait après chacune de ses chutes, comme l'élève docile qui tombe de son premier vélo. Elle n'apprenait, elle, que la vie. C'était sa seule qualification, que d'Être et de rester. Son seul but.
Sa paix, et son infinie générosité, de ne pas devenir plus qu'une simple fleur, plus qu'une plante sans soucie. C'était du plus grand altruisme, que de ne pas vouloir être autre chose, que ce que la nature avait voulue que l'on soit, à l'aube des temps. Pas plus qu'une petite plante aux pétales incarnats. Y'avait il vie plus belle que la sienne ?
La jeune fleur pensa que oui, quand une main la saisit et l'arracha à sa sérénité. Ses racines claquèrent dans l'air, comme voulant hurler. Elle rejoint toutes ses sœurs, filles et tantes, qui reposaient dans une paume moite. Toutes celles que le vent avait porté à travers la prairie. Toutes celles que l'homme porterait vers une prison de verre ou de céramique, noyée d'eau glacée. Le chant des oiseaux deviendrait celui d'une machine, et la plénitude des cieux bleus, la monotonie morose du plâtre. Douce vie..... Rude mort. Cruelle destiné, que celle de l'Autre.




Décision.

- Que soit sceller leur sort ! Rugit il.
Les trois sphères tournèrent.
Elles s'entrainèrent mutuellement dans une danse aérienne, se poursuivant en lançant des reflets dorés sur les murs. Pareilles à des rectangles de lumière solaires, elles éclairèrent le plâtre avec un éclat, d'une pureté blessante pour le regard. Et pourtant, le jaune chatoyant ne fit pas tourner les têtes des membres du conseil. Aucun ne se déroba à la lumière inquisitrice, laissant la radiance des sphères éclairée leurs faces hideuses.
Une main griffus s'abattit sur la table de bois.
Des ongles jaunis cliquetèrent nerveusement, en réponse au geste du directeur. Quelques gargouillements outrés fusèrent, un des membres du conseil hurla, en arrachant le dossier de sa chaise. La pièce de bois, alla s'écraser à l'autre bout de la table, sur la tête d'une de ses consœurs. Elle rugit, et envoya sa langue à travers la salle, la lançant d'un geste rageur. Celle ci s'étala sur le nez du fauteur de trouble, qui couina. Ses voisins de tablée ricanèrent, et le poussèrent par terre. La langue pâteuse s'insinua entre ses lèvres, et se coinça dans sa gorge en remuant avec indolence. Il se tordit par terre, sous les rires de ses collègues.

SILENCE ! Tonna le géant. Il est temps, de voter l'exécution !
Il attrapa son conseiller, et le propulsa à travers la pièce oppressante.
Le robot explosa sur la femme sans langue, répandant métal et sang à travers la salle de réunion. Les sphères dorés enflèrent, éclairant gaiement les murs tachés d'écarlate. Les rires redoublèrent, et se firent hystériques, des mains se levèrent, agitées de spasmes.
Celles qui n'étaient pas décharnées, couvertes d'écailles, dénudées de chairs ou sanguinolentes, se mordaient les paumes de leurs dents, se fermant et s'ouvrant, pour se dévorées seules, bouches infâmes qu'elles étaient.
Dans la lumière solaire qui éclairait les murs de plâtre, les ombres explosèrent, laissant giclée du pus sur la moquette bleu du sol.....


Tuons les, tuons les tués tous ! Croassa l'assemblée.
Des ricanement infernaux répondirent à leur demande ; le fauteur de trouble se releva en recrachant la langue qu'il avait avaler. Il l'a jeta à terre, et l'écrabouilla en hurlant des phrases sans suites.
Au bout de la table, le directeur eut un sourire.


- Bien. Exterminons donc les Minériens.
Les rires se muèrent en un vacarme chaotique. La main boursouflée du directeur étrangla distraitement une petite femme verte, qui couraient nue devant lui, sur la table de bois, en hurlant de terreur.
Néantisons leur monde.



Un peu de lumière ?

La pluie cinglante, la pluie froide et pugnace, la pluie s'abattant sur sa chair en de fugitives morsures. Sa peau pâle qui devient glace, ruisselante d'eau céleste. Le monde qui disparait dans cet orage grisâtre, ce rideau liquide qui occulte le sentier.
La pièce qui se joue est des plus sinistre : Un homme seul qui brave la salve des cieux, ses bottes plongeant dans la boue, sa cape humide contre son dos osseux ; tout ses vêtements qui adhèrent à sa peau blafarde. Même sous la large capuche qui couvre sa tête, ses cheveux d'un gris de pinchard sont plaqués contre son crâne. Il semble lui même à un vieux cheval que les âges ont usés. Faible et morne, avançant avec une lenteur que seule confère le poids du temps. De haute taille, encore imposant malgré ses membres maigres. Mais ces yeux sont soulignés par des cernes pendantes, ses prunelles noires reflètent la pluie grise comme un miroir éraflé, et une barbe irrégulière dévore son visage creusé par la fatigue. Des ombres ont commencées la construction d'un carrière minière le long de ses pommettes et de son nez, et son front est comme une tissus froissé, dont on rassemble les bouts avec les doigts : Ridé de manière sinueuse. Plissé. C'est un homme harassé. Il patauge dans la boue épaisse. Il tremble et claque des dents, sous les assauts du vent et de la pluie.
Les arbres décharnés qui encadrent le sentier sont à son image. Eux aussi penchent. Certains ont simplement poussés ainsi. D'autres ont ployés sous le mistral acharné. Et il y'a ceux qui sont tombés, sombres carcasses dont l'écorce est rongée par la gangrène poreuse des lichens. C'est une douce désolation, pleine de mélancolie. Pas un désespoir brutal qui saisit les tripes et tire dessus pour faire couler des larmes. Celui-ci est plus malsain : Fantomatique, sinistre, d'une poigne muette qui se resserre lentement. On finit par s'habituer à ses intestins noués, et on oubli ce qu'était la joie. Le bonheur parait la plus lointaine des lumières, réminiscence éthérée d'un sentiment perdu, qui n'a pas trouvé la porte de sortie du passé. Il ère sans fin dans un sombre dédale... Le plus ténébreux de tous ; celui des souvenirs qui s'embrument, se font opaques, lourds, puis coulent au fond du marécage fétide de la mémoire. Dans une étreinte mortelle, ils retiennent ce bonheur pour le traîner avec eux dans l'oubli. Le passé n'est plus qu'ombres désormais. Le monde s'obscurcit un peu plus chaque jour.
Le vieil homme se stoppe devant une porte de bois humide. Il pousse. La lueur rouge d'un feu baigne son visage de sa chaude lumière. La chaumière est relativement sèche, et des flammes paisibles s'agitent doucement au milieu de l'unique pièce. Trois enfants sales, barbouillés, somnolent autour d'une femme aux cheveux bruns rêches. Elle sourit à son père qui revient, mais reste assise près du feu, ses bambins dormant, têtes posées sur ses genoux, corps étendus, allongés, et yeux fermés. De l'autre côté de l'âtre brulant, sa mère chauffe du potage dans une marmite rouillée, une grande cuillère de bois à la main, tournant lentement grâce au mouvement de ses habiles poignées. Le secret de ses plats se trouve dans cette rotation, cette manière de mélanger les ingrédients, légumes, providentiels bouts de viandes et herbes aromatiques cueillies dans la forêt. C'est une vieille femme aux cheveux gris ramenés en un chignon stricte ; mais au visage si doux que les anges soupireraient d'extase devant lui. Elle aussi, sourit à son mari qui rentre. Un autre homme le reprend, lui debout, sa hache encore posée sur l'épaule. C'est une pièce pleine de sourires. Pleine de bonheur. Le présent n'est pas qu'ombres en ce lieux. Le sombre sentier mène à cette éclatante lumière.
La chaumière égale le soleil de par sa joie rutilante.
Finalement, l'homme harassé sourit aussi. Sa fatigue se fait plus douce. Il marche vers le feu, vers le bonheur. Retrouver la joie de vivre, ce n'était qu'une question de temps...
Après tout, il suffisait de marcher.


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28-06-2011 à 19:21:31
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Il y'a, perdue dans l'océan d'un univers lointain, une île qui n'est connue que des nuages dérivants dans les cieux. Ses contours, sont de sable chaud et fin, de celui dont les vacanciers s'enduisent le corps avec délice, conduisant jusqu'au sous bois d'une sylve luxuriante, où les arbres murmurent au rythme de la terre. Là, vivent des êtres qui n'ont ni nom, ni existence véritable : De petits hommes à la peau verte, qui vont nus entrent les racines, et dansent autour des pierres. Ils sont enfants de la terre, nés des canaux magnétiques qui la parcoure. Leur corps, leur esprit, n'est qu'énergie bondissante, qui n'a de consistance que celle d'un flux d'air chaud. Ils gambadent et folâtrent aux pieds des troncs, volètent au dessus de l'eau courante, sautillent au gré des brises, vivent en tant que simples formes éthérées, insensibles mais exubérantes en toute temps. Sur cette île, chantent des bêtes à plumes, qui ont pour apparence celles des félins minuscules, et paissent des vaches à coquilles d'escargots. De branches en branches, se balancent des singes qui ont pour fourrure d'abondantes fontaines de boucles rousses, se nourrissant de fruits bipèdes capables de chanter toutes les chansons qui furent un jour composées. Les feuilles des arbres observent le monde chaque matin, en ouvrant grand leurs yeux, qui sont entretenus par des papillons aux ailes de velours incarnats. Ils se baignent dans une source où nagent des poissons argentés, qui se nourrissent d'algues absorbant les rayons de la Lune. Eux même revêtent leurs écailles d'un éclat sans pareille, qui leur permet d'attirer de minuscules grenouilles dorées, qui elles, se parent des rayons solaires. Elles mélangent leur lumière à celle des poissons lunaires, pour donner naissance à des lueurs mauves qui s'élèvent de la source, puis s'en vont pénétrer la sève des arbres. Ils offrent une conscience au bois, à la pulpe et l'écorce, pour qu'ils se détachent de leurs arbres natales. Alors, ils forment tous de petits pantins ligneux, qui se revêtent d'herbe et s'en vont habiter la plage, où ils construisent des huttes de coquillages. Ils se sculptent d'eux même, simplement sous l'injonction des lueurs faites des énergies conjuguées de la lune et du soleil. Et dans ces habitations pittoresques, ils vivent sept jours d'eau fraiche et de danses, avant de se figer, de tomber sur le sable, et de devenir poussière. Les lueurs sortent des tas, s'en vont dans les cieux azurés, retournant à leur astre respectif. Des crabes arboricoles abandonnent alors le refuge des branches souples, pour s'emparer des coquillages formant les demeures abandonnées. Ils les serrent entre leurs pinces, puis les jettent aux vagues, comme de fragiles offrandes à la mer. Elle les avale avidement, puis se retire d'un centimètre. Un seul centimètre, chaque fois que les crabes répètent ce rituel singulier. Une nouvelle plante naît alors. Si c'est une fleur, quand son bourgeon s'ouvrira, des êtres de chair et d'os se lèveront depuis son cœur. Si c'est un arbuste, ce seront de simples créatures d'énergie, immatérielles, évanescentes. Elles vivront dans le sol et les pierres. L'eau et le vent. Ils danseront, s'étioleront, puis renaîtront à l'aube.
C'est le cycle de l'île. Il n'y vit que des rêves.


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Il y'a cet arbre qui se penche. Son tronc se voute avec le temps, déploie ses branches pour embrasser le sol, couvrir l'herbe tendre de ses feuilles. Il veut toucher la terre où ses racines sont nées. Et, aussi laisser grimper cette femme, qui passe devant lui chaque matin. Cette petite humaine brune, qui court avec son chien. Il aimerait sentir sa peau, qu'elle frôle ou même, mieux, prenne appuie sur son écorce. Que son corps soit proche de lui. Il veut l'enserrer, la toucher, la manier, voir ce qu'est cette étrange bête beige, qui court et sue, se fait maître du bois et du métal. Il aimerait bien vieillir plus vite, pour se pencher encore. La dernière fois que la femme est passé, ses cheveux étaient de neige. Chaque jours, elle semble perdre un peu plus de couleur. Il semble à l'arbre que son temps n'est pas répartit pareillement. Comme si les années de l'humaine passait plus rapidement ; étaient plus vives que les siennes. Cela l'emplit d'une peine impuissante. Il fait tout ce qu'il peut pour se courber plus vite. Il s'empare du vent et aspire plus nutriments qu'il ne lui en faudrait, simplement pour s'alourdir, croître, allonger ses feuilles et enfin réussir à La toucher. Mais c'est peine perdue : Le temps est trop épais, trop sirupeux pour réussir à couler avec fluidité. Il s'étire avec lenteur, s'accroche aux irrégularités de son écorce, pour étendre encore sa longueur démesuré, pour ne plus trouver sa fin et traîner paresseusement. Aucune pitié.
Comme le prouva un jour plus sombre qu'un autre.
Le temps claqua comme un fouet, s'élança violemment, s'envola à travers l'air, puis percuta un autre arbre, qu'il englua de sa masse gluante. L'arbre eut l'impréssion qu'il s'était paré d'un voile noir et loqueteux. Qu'il s'était déguisé en la mort.
L'arbre se fendit en deux, abandonnant ses racines dans un fracas chaotique. Il s'écrasa brutalement sur le sol, masse ligneuse qu'une pluie d'échardes arrosa avant de ricocher abruptement vers le sentier. La sève s'écoula lentement, avec une douloureuse indolence, qui parcourue sa pulpe tendre dans un élancement d'ondes successivement brulantes et glacées. Une souffrance paradoxale. Il commença d'agoniser sur le chemin.
Après s'être si violemment arqué, le temps se fit de nouveau traînant. Il parut à l'arbre mourant, plus nonchalant que jamais. Cruel, même.
Et pourtant, il décida de se montrer miséricordieux. Dans un geste altruiste qui ne lui était pas habituel, il offrit à ce bout de tronc couvert par sa propre écorce morcelée, l'aboutissement de son rêve le plus cher : La femme passa sur le chemin. Elle n'avait plus de chien, et s'appuyait sur une cane de fer blanc. Ses cheveux paraissaient être de vapeur, comme un assemblage de gazes intangibles, lumineux. Son visage n'était plus le même, mais l'arbre le vit plus beau encore : Les sillons qui le marquait, étaient pareils aux lignes du vieux bois. Sages, profondes, pleines de la grâce malgré le sentiment d'éternité qu'elles semblaient incarnées. C'était une belle vieillesse.
Le femme avança. Elle contempla le tronc épais qui lui barrait la route. De la tristesse voila ses prunelles vertes, derrière les verres qui les couvraient déjà. Deux brumes superposées en un rideau ternissant ces orbes jumelles. Et une main qui se tendait. Des doigts qui saisissaient une branche malingre. Elle céda d'une simple et douce pression.
L'arbre soupira. Il comprenait ce geste. Il s'éteignit en le louant.
La femme eut un pâle sourire. Sa main se posa sur l'écorce de cet arbre, devant lequel elle était si souvent passer. Cet arbre qui avait accompagné sa vie. Elle voulait qu'il en soit ainsi jusqu'à ce qu'elle même finisse comme lui. Couchée quelque part. Sous une stèle, peut être. Et, en mourant, elle savait déjà où se poseraient ses yeux pour la dernière fois. Sur le tronc de cet arbre. Oui. CET ARBRE. Elle voulait se le répéter jusqu'à ce que son esprit en soit gaver. Que ce soit LUI. Que ce ne soit pas autre que Celui-Ci.
De cette branche, elle le ferait renaître. Par bouture. Lentement, mais sûrement. Comme le temps qui s'étend. Cette fois ci, il tirerait l'arbre de terre, plutôt que de l'y ramener.
C'est beau la vie, parfois.
La vieille femme, branche en main, cane contre son autre paume, laissa le tronc derrière elle, et dévia du chemin de sa vie.


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Ses lèvres aux courbes douces, esquissaient deux collines incarnats montants à l'assaut du plateau de ses joues. Son visage illuminé de joie était traversé du massif harmonieux de son nez ; voluptueuse montagnes aux flancs arrondis, sûres. Ce n'était pas un visage dangereux que le sien : Il était tout en lignes dépliées, enroulées, en arabesques de gaités et en perspectives profondes. Même les sillons érodés qui marquaient son front, n'étaient que des pentes sans dangers. Rien n'était à craindre, pas même son regard miroitant. Personne n'aurait pus se noyer, dans une onde si pure et claire ; si candide en son fond, que seule y défilait des ombres aux contours incandescents : Ombres de joie.
L'eau de ses prunelles ondoyait, captant les reflets des sourires qu'elle distribuait à son entourage. Là où la pierre et les terrains féconds ne se partageaient pas sa peau tannée par les âges, l'écume de ses cheveux retombait en cascade, coulant de parts ses droites épaules. L'océan et la Terre se lisait sur ses traits liés d'harmonie.
Son sourire allumait les chandelles tendues de ses pairs, faisant bruler la flamme qui allumait le fils de la vie. Telle une unique Parques, elle enflammait ses pelotes immaculées, offrant un passage sur son visage, à tout ceux qui le voulaient.
Cela aurait pus durer.

Mais ce ne fut pas le cas..... La Terre fut souillée.

Ses lèvres étaient sèches, scellées. Les plateaux c'étaient affaissés, retombants vers le sol, qui se faisait toujours plus proche : Ses épaules ployait sous le poids de la souffrance, et l'écume n'était plus là pour l'emmener à sa suite. Aucune rivière de cheveux ne cascadait plus, pour emmener la vie en promenade, et balayer la peine. Seule restait de l'eau, ses yeux assombris par des ombres voraces. Les fonds c'étaient emplit de pétrole. L'onde ne serait plus jamais claire. Plus jamais pure.
Les montagnes étaient déchiquetées, les ravins étaient devenus des canyons aux pentes abruptes. Ne restait qu'un souvenir, en les collines infertiles de ses lèvres : Un sourire bienveillant qui continuait à embraser les pelotes. La Terre faiblissait par la faute de ses enfants ; mais elle continuait de distribuer ce qu'elle pouvait encore donner.
Mais aucun sourire n'est éternelle. Pas même celui de la Terre. Bientôt ne resteront que des files blanc d'os. Des fils qui resteront éteints.
30-06-2011 à 16:32:47
La voluptueuse rêverie de l'inexistence cessa.
Depuis les cendres dispersées sur le sol de pierre, le battement d'un cœur retentit. Une note de vie pour remplir le vide de l'air. Le néant s'égaya, fuyant la haute montagne que l'aube caressait doucement. Le soleil doré tremblotait au loin, tâche d'aquarelle frémissante dont la radiance s'étendait jusque dans les cieux alentours. La nuit se retira, gaze d'ombres que le vent tiède d'une journée naissante emporta. En même temps qu'un petit tas de poussière.
Une nuée d'argent s'éleva depuis le grand pic, nuage scintillant qu'un souffle entraîna dans sa ronde. Il dénuda le corps nu d'une jeune femme. Bronze sur la pierre grise, sa peau chaude s'élevait encore doucement, suivant l'orchestre onirique du sommeil. La mélodie des battements de son cœur endormi, rependait en son corps le feu nouveau de la vie.
Elle était née, une fois de plus. Cycle éternel, dont le pic témoignait depuis tant de siècles. Depuis le premier soupir de la vie sur Terre. Cela ferait bientôt mille ans. Mille ans que le monde bruissait timidement. L'aube de cette journée, n'était qu'un matin dans l'aube infiniment plus grande de la vie. Les premières plantes se réveillaient à peine. Les premiers animaux n'étaient que des petits points, perdus sur une immense surface. Le monde s'éveillait seulement. La Terre ne devenait féconde que maintenant. Tant de millénaire après sa création. Sa croute se fendait, se couvrait de pousses verte qui jaillissaient du limon fertile ; la vie s'exaltait, s'exhalait, s'entendait... Ses senteurs montaient dans l'air, l'emplissaient, légères et suaves... Les premiers cœurs commençaient à chanter.
Sur la montagne, la jeune femme entendit cette mélodie d'amour et d'existence. La pierre murmura à ses oreilles, et elle ouvrit deux yeux luisants de braises. Une grimace de douleur tordit son visage. Son crâne s'enflamma, et une cascade de feu en coula sauvagement. Elle tomba sur ses épaules, et dessina le profil de deux ailes incendiaires dans son dos. La jeune femme se courba en hurlant. Elle se leva, et sauta du grand pic. Le soleil conjugua sa lumière à la sienne. Elle battit de ses ailes de flammes. L'air même brula. Il resta sec sur son passage.
Le Phénix plongea vers le sol. La Terre l'avait enfanté, une fois de plus. Une fois de plus pour tous les tuer. Pour éradiquer la vie naissante. Elle avalerait des cœurs et boirait le sang qui y coulait. Elle écraserait les organes palpitants entre ses doigts, puis lécherait ses mains écarlates. La journée serait rouge de sang. Son corps aussi.
Car ainsi en avait décider la Grande Maîtresse. Contre sa volonté, la vie germait et chantait... Mais la Terre n'en voulait pas. Elle ne demandait qu'à dormir. Pas à devoir prendre la vie en charge. Alors elle envoyait son émissaire pour les bruler, tous. Et cette fois-ci, elle ferait en sorte que ce soit la dernière purge... Elle allait détruire l'eau elle même. En faire fumé, afin que tout cela cesse.
Elle redeviendrait Mars, et son Phénix ferait cendres de cette vie naissante.
17-09-2011 à 14:03:57
Ils ne voulaient pas me mentir, mais je sais que toutes leurs paroles sont fausses. Chaque vérité établit en ce monde... N'est que fadaises. Je l'ai appris, et j'en souffre. Mais il fallait une oreille attentive, n'est-ce pas ? Une personne pour comprendre ? Je suis cette personne.
Il n'y a pas de raison à cela, je crois. Le destin. C'est tout. Il s'est penché sur mon berceau, et a soudain décidé que ce serait moi. Que je serait l'élu. Depuis ce jour, ma vie est un perpétuel enfer. Personne ne sait. Et quand je veux leur exposer la vérité, celle qui balaie leurs mensonges, ils ont peur. ils me rejettent. Ils m'enferment. Je n'ai jamais eu le droit d'avoir raison. Je suis le paria de cette société qui préfère s'enfermer dans une sphère opaque. Ils sont comme les hamsters qu'ils caressent ; des petits animaux qui roulent, roulent... Vers le précipice. Lemmings stupides. Petits rongeurs aveugles et sourds. L'imbécilité humaine est une pathologie qui découle de l'éducation. On ne peut rien y faire. Juste constater. Et déplorer. Mais je suis le seul à le faire ; le seul à le pouvoir. Les autres n'ont pas été choisis... Même ceux qui m'entourent, dans cette geôle, eux aussi ne savent rien de la vérité. Ce n'est pas grave. L'univers offre le sons de sa voix à si peu de monde... De toute manière, c'est mieux ainsi. J'aime bien être le seul détendeur de la vérité. Ils ne le savent pas, mais je les domine tous. Je ne suis pas parfait, mais tellement plus proche de ce stade fatidique qu'eux tous. C'est plutôt drôle, sous un certain angle, d'être rejeté pour avoir eu le malheur de savoir...
Quelques fois, je suis cynique. Ma vie m'y encourage. La vérité aussi. Il est difficile de ne pas l'être, dans cette situation... Surtout maintenant que je suis ici. Qu'on m'a donné ce nom. Ce qualificatif.
Dans un monde où chacun a peur, on ne peut que sourire d'être pareillement considéré : comme une personne incapable de vivre normalement. Vivre normalement... Qu'en savent-ils ? Je ne veux pas vivre comme eux, simplement. Cela ne fait pas de moi ce dont ils me traitent. Ils ont juste peur. Ils sont terrifiés. Et il y'a leur orgueil, leur mépris... Ils ne veulent pas y croire, ils se considèrent bien trop pour l'admettre ! L'humanité est narcissique.
Si ils m'ont enfermé, ce n'est que pour me faire taire. Car ils savent que j'ai raison, au fond. Cela s'agite dans les abysses de leur conscience, germe et répand un parfum de terreur dans leur petit esprit étriqué. Je sais qu'ils ne peuvent s'empêcher d'y songer... Une fois que j'ai parlé, ils doutent, l'interrogent. Mais tournent autour de la vérité, la tâtent... Et enfin, la rejettent, comme moi. Comme tout ce qui est différent, tout ce qui leur fait peur.
Puis ils donnent le nom de mensonges à mes paroles...
Et à moi, celui de fou.


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En silence.
Tout en silence, dans la chaleur moite de la salle de bain. Tout en silence dans l'humidité de l'air, sans une parole, sans un geste esquissé. Impavide. Comme ces masques de plâtre qui parodiaient les sentiments. En silence, fixant son reflet qui disparait sous la buée. L'eau se condense sur sa peau, recouvre son cou d'un collier de perles, dessine les contours harmonieux de son visage. L'enferme au milieu des vapeurs exhalées par l'eau qui coule. Derrière, dans la baignoire, c'est une débauche liquide. La cuve beige se remplit de flots fougueux, effervescents, le robinet vomit une rivière verticale qui se mêle en bouillonnant à l'eau déjà contenue. Bulles éphémères qui s'élèvent et éclatent, rejoignent l'air libre- puis s’alourdissent de l'humidité ambiante, s'imprègnent de buée invisible, se font des voiles qui tourbillonnent paresseusement jusqu'au large miroir. Proprement alignés devant lui, les flacons de parfum s'emperlent, le maquillage dont les boîtes sont ouvertes poissent. Les brosses à cheveux accrochent un peu du brouillard qui a prit possession de la salle de bain. Tout en silence, elle se laisse draper par les voiles d'humidités. Son reflet est occulté. Son reflet se terre derrière la couverture blafarde dont la glace est couverte. Reflet frileux, peut être ? Les vapeurs brulantes arrangent tout. Elles se posent et réchauffent. Moiteur veloutée, moelleuse. Agréable touffeur.
Elle reste immobile, tout en silence. Si blanche, si droite... Sculptée. Étrange beauté que celle de sa personne. Beauté froide figée dans le brouillard tropicale. Son corps glabre qui se dresse en une captivante nudité ; ses courbes voluptueuses dont chaque arabesque épouse une nouvelle spirale, dont chaque creux dessine de nouvelles ombres. Plies et courbures qui fusionnent, se mêlent dans l'ensemble harmonieux de son être magnifique. Sa vénusté charmante, splendide... Tout en silence.
L'eau déborde, s'écoule sur le carrelage blanc, poisse le tapis à motifs. Elle glisse sur le sol, se heurte à ses pieds fermement ancrés. Elle aurait put se répandre jusque dans le couloir, par le dessous de la porte... Mais il n'y en a pas. Pas de porte. Seulement des murs carrelés qui l'enferment. Seulement l'humidité croissante, le revêtement vaporeux qui recouvre chaque objet, se dépose en fine pellicule sur les shampoings, la boite ouverte du rasoir, contre la peinture du plafond... Celle-ci caille, se courbe. Racornit. Des languettes roses s'enroulent sur elles même, serpents incarnats aux corps bicolores. Le plafond pèle.
Mais, tout en silence, elle attend. Quoi ? Peut être la disparition du temps. La mort de l'univers. La dissolution des galaxies. L'explosion des soleils. Un nouveau cycle protoplanétaire. Vestige de la femme, silencieuse.
Ce n'est qu'une antiquité. Une emmurée.
Une statue de marbre qu'on a posée en ce lieu. Et depuis, tout n'est que silence.
28-12-2011 à 14:35:14
La procession flamboyante ne cessait son avancée.
Les épées rutilantes battaient leur flanc, chantant contre le bronze de leur armure, réveillant les notes endormies du métal flamboyant. Le rougeoiement s'échappant de leur casque éclairait le désert qui s'étendait devant eux. Les dunes sinusoïdales déployaient leurs courbes infinies dans la noirceur de la nuit, invitant l'armée à marcher toujours plus, à marteler son sable doré qui prenait la teinte de la cendre et du plomb chaque soir. Les vagues pulvérulentes s'affinaient parfois, défaites par un souffle audacieux qui dispersait des corpuscules grisâtres dans l'air glacé. Le sable s'infiltrait dans les fentes de leur casque, allaient se coincer au niveau de aisselles, du coude, faisant grincer le métal en une mélodie funèbre... Il s'en allait griffer les visages sous le bronze protecteur, se perdait dans les cheveux pourtant ramenés en arrière. Puis, les grains se jetaient dans la fournaise de leurs yeux. Alors des plaques entières fondaient. Elles glissaient sur leurs joues, toute de verre, de nature changée, transcendée. Venait le temps des souffrances. Le verre se brisait au niveau de leur cou, sur leurs épaules aussi, et il s'enfouissait dans leur chair, dégringolait à l'intérieur des armures jusqu'aux plantes de leurs pieds. Ils se mettaient à marcher sur des échardes transparentes, vicieusement posées au fond même de leurs solerets. La peau arrachée, martyrisée, déchirée, tombait en lambeaux sanglant qui finissaient par séchés. Ils continuaient d'avancer, piétinant leur propre chair dont le labourage dévoilait leurs os. Mais jamais ils ne s'arrêtaient. Les flammes de leurs yeux brulaient encore, aucune larme, aucun gémissement, ne venait briser la mélopée harmonieuse des épées qui battaient le bronze encrassé par le sable. Pas une once d'humidité pour nettoyer cette couche de sable qui souillaient les armures de la procession. Les soldats ne s'en plaignaient pas... Ils ne se plaignaient jamais. Seule comptait le rythme soutenu qu'ils devaient maintenir. Le reste n'avait pas d'importance ; rien n'avait d'importance, pas même leur vie. Ils devaient simplement continuer de marcher, et cela jusqu'à la ville qui les attendait. La ville de Cendres. Celle dans laquelle, en des temps anciens, toute une population avait brulé sans espoir de salut. Surgit de l'enfer, les flammes avaient réduit chaque centimètre de peau, chaque organes, à l'état de cendres immuables. Et depuis ces temps anciens, elles n'avaient jamais quittée la voute aveugle de la cité ; prisonnières du dôme qui enfermait la capitale séculaire. Toute de pierre grise et lisse, sans accrocs, sans véroles... Mais couverte d'un voile mortuaire. Les cendres de ses anciens habitants, qui continuaient de hanter leur cité dans la mort. Jamais un seul Cendreux ne l'avait quitté... Et la sombre ironie du destin avait donné tout son sens au nom de la grande ville. Cendres. Perdue au milieu du désert, emplit de sa population réduite à des amas poudreux... Cendres. Cité de la poussière et des ombres. Cendres. Leur foyer ancestral.
Ils marchaient pour retrouver le vaste dôme de Cendres. Eux dont les yeux étaient maudits ; dont les regards s'ouvraient sur les tréfonds de l'enfer... Sur les flammes affamées de la damnation éternelle. Pas de démons ni de seigneur maléfique, pas de hurlements aux échos terrifiant, pas de tourments qui plongeaient les victimes de chimères infernales dans une folie sans égale. Simplement un brasier. Un incendie né du chaos originel. Et les âme lestées d'une quelconque manière... Y tombaient. Dégringolaient. Puis disparaissaient à jamais. Leur identité, le souffle primaire qui les définissaient ; le feu avalait tout, et ne laissait rien. Personne ne pouvait y échapper. Personne n'avait jamais réussi à s'élever au dessus du brasier. L'humanité était destinée à disparaitre, détruite par l'enfer même. Les stocks d'âmes humaines que les Anciens avaient conservé s'épuisaient. Bientôt, que ce soit dans cent ans, mille ans -tout dépendait du nombre de morts- il ne resterait rien de plus que de la poussière sur le monde. Depuis longtemps déjà, les autres espèces de la planète avaient subie le même sort... Personne n'était pur selon l'univers. La vie était une erreur issue d'une explosion mère de toute chose. Un rejeton indésiré, indiscipliné. Si la matière s'était assemblée pour former des "Êtres", ce n'était qu'un malheureux hasard. Et bien heureusement, l'enfer y remédiait. Il avalait toute les âmes de chaque monde, avalait tout les Êtres de chaque planètes. Ce n'était qu'une question de temps, avant que l'univers ne soit de nouveau silencieux et serein. Vide. Parfait dans sa froide noirceur.
Mais en attendant la fin, l'armée marchait. S'en retournait à la cité ancestrale, au foyer glacé de Cendres... En ce lieu seulement, les hommes pourraient mourir. Là, ils rejoindraient l'enfer où la vie se dissolvait.
Quand les flammes sortiraient de leurs yeux pour les engloutir. Regards maudits.
28-12-2011 à 15:00:56
Seule dans la brume, grise, cendreuse. Pauvre âme livré à la solitude, au milieu des volutes opaques, qui l’encerclaient comme des bras fantomatiques. Des prédateurs sans griffes ni crocs, qui l'enfermaient dans un espace exiguë de volutes mouvantes. Oppressée, terrifiée... Et par dessus tout, le pire dans tout cela, le coup de poignard fatal que le destin lui portait en plein cœur... Seule. Irrémédiablement seule sur la lande. Seule au milieu de la brume ; mais seule aussi parmi les arbres, les taillis, et le paysages vallonnés. Seule sous un grand pin. Si seule... Personne n'aurait jamais dût subir pareil traitement. Surtout pas après tout ce qu'elle avait endurée. Tant de malheurs ! Pour en arriver là. N'y avait-il pas du justice ? Elle réclamait au moins le droit à une vue dégagée ! A de la compagnie. Elle en avait assez du silence, de l'opacité blanchâtre... Elle voulait un grand ciel, mer d'azur dans laquelle dérivaient de paisibles nuages, et un si soleil éclatant, qu'il en allait jusqu'à flouter ses propres contours. Un journée sans cette brume qui l'étouffait. Une journée ouverte sur le monde entier autour d'elle, sur les espaces infinis des landes... Ce ne valait pas une présence, mais au moins aurait-elle eut l'illusion de la liberté. Douce liberté. Quel mot suave. Elle le gouta. Liberté. Chaque syllabe, chaque lettre, pour extraire jusqu'à son essence des sonorités. En vain. Elle s'échappa, se perdant dans la brume, évanescent et éphémère espoir. Elle l'aurait poursuivie, si cela avait été possible... Mais non. Elle était implacablement enchaînée. Pas de mouvement. Pas de foulées larges sur l'herbe mouillée par la rosée. Pas de course éperdue entre les arbres. Juste une attente. L'attente de l'éternité. Si au moins une présence l'avait soutenue... Mais elle était seule. Toujours seule au milieu de la brume. Sans la liberté de bouger, de voir, ou même de sentir. Sans rien que son esprit pour penser, et pour se lamenter. Tout ce chemin, toute une vie pour terminer ainsi, seule, noyée dans la brume. Toujours cette brume. Chaque fois qu'elle pensait à quelque chose, la brume jouait un rôle dans son calvaire. Le plus mauvais. Celui de sa cage, de sa prison. Il aurait pourtant suffit d'un peu de vent... Un souffle salvateur, -du nord, du sud, qu'importe- qu'il soit porteur d'orage ou pas... Juste un souffle, pour disperser les volutes opaques qui masquaient le monde. Elle ne demandait rien d'autre ! Si, peut être une présence... Mais pas forcément. Au moins la vue. Ce serait un premier pas. Un minimum. Elle n'avait pas vécut si longtemps, pour rester finalement seule au milieu des landes ! C'était un châtiment injuste, dénué de tout fondement. De toute logique. Elle réclamait des explications. Ce n'était que son dut, après tout, la vue. On ne pouvait pas lui arracher sans le justifier ! Pour lui imposer un pareil traitement, le destin devait avoir une raison. Qu'elle soit bonne ou mauvaise, cela, ils en auraient discuter pour trouver un terrain d'entente, mais la laisser seule sans même l'informer du pourquoi de cette cruauté, c'en était tout simplement aberrant. Odieux.
Elle savait pourtant qu'il n'y aurait pas d'entretien, et que sa lamentation pouvait bien durer une éternité de plus. Il n'y avait pas de justice pour les gens comme elle... Tout le monde passait devant eux sans ce soucier de les connaître. On évitait même de les regarder. Elle ne faisait pas exception. De toute manière, personne ne venait jamais aussi profondément dans les landes... En tout les cas, sa solitude paraissait inéluctable. Intolérable, oui, mais c'était une fatalité contre laquelle elle ne pouvait pas se battre. Dans son état, cela lui aurait été impossible. Tout était comme organisé contre elle. La brume, le silence... Pas même un animal pour venir briser cet implacable mutisme du monde alentour. Rien ne changeait plus. Une stabilité cruelle, qui n'avait pas daignée sortir de l'ombre, quand elle avait besoin... Ce n'était que maintenant, quand elle demandait du changement dans ce paysage si morne, qu'elle s'imposait, implacable tyran qui l'écrasait de sa monotone dictature.
Que cela était dure, d'être morte au milieu de nul part, aux confins des landes...

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Il fallait être un peu stupide, aussi. On ne pouvait pas lui répéter de se taire comme ça, là, au beau milieu de tout ce monde qui attendait le coup de grâce. C'était ridicule, cette supplication misérable qui devait donner l'illusion d'une révolte. Il s'attendait à quoi ? Des applaudissements pour son courage aussi éphémère que risible ? Franchement, un peu de bon sens : il était pitoyable. C'était un être faible et malingre, minuscule, pâle, avec trop de cheveux, des lunettes trop grandes et trop bleues, des lèvres trop sèches ; c'était ces petits trop qui lui attiraient des ennuies. Parce-que tout ceux là ne lui suffisait pas : il était niais en plus. Certains auraient dit "innocent". Mon cul. Il était juste stupide, c'est tout. Il était choqué par la violence, il ne prenait jamais un pain en plus à la cantine, il ne volait pas de cornichons dans les barquettes, il attendait la récréation pour aller aux toilettes, il ne parlait pas, ne se moquait pas. Il restait sagement assis sur sa chaise, et il écoutait, avec ce voile étrange devant ses yeux bleus. Voyait-il le professeur, ou alors un autre monde, trop lointain pour ses prunelles trop grandes ? Il semblait dans le vague. Carrément paumé. Looser jusque dans son petit sourire timide.
On était en sixième. Lui, il n'avait pas quitté la primaire. C'était encore un enfant, là où nous étions des adolescents.
Il aimait lire et dessiner, et il souriait toujours quand il parlait avec son seul ami, dans la cour. Mais le midi, il était seul. Tout petit, son sac noir sur le dos, fixant un point au delà du réfectoire. Il faisait la queue sans pousser. Autour de lui, la foule tumultueuse criait, crachait, frappait, bousculait. Mais lui, il restait calme et silencieux, ratatiné sous le poids de son cartable, comme un ange terne qui aurait perdu tout éclat, tout grâce, mais qui aurait continué d'attendre que Dieu lui dise de réagir. Ses cheveux bruns étaient aussi sec que de la paille, ses épaules étriqués ployaient vers le sol. Il aurait pu disparaitre, si il n'y avait pas eu nos regards à nous tous. On voulait des insultes, de la violence. Ce midi, il n'allait pas s'assoir dans un coin de table, la tête baisée sur son assiette, seul, mâchant la viande sans gout de la cantine en ruminant quelques pensées obscures. Il allait cotiser pour son existence ; il allait payer pour vivre.
C'était tentant. Il était démunie, frêle, blafard. Un sacrifice qui nous était offert, et qui ne chercherait sûrement pas à combattre le destin. Un agneau devant une meute de loups. Un petit garçon gentil, calme. Une victime à déchirer de nos crocs. Oh, oui : il allait souffrir. Et pas seulement aujourd'hui ! Tout le reste de sa vie. Ce midi allait changer tout le reste de son existence misérable, la marquer, la balafrer ; il allait défigurer son adolescence. Après ce jour, ce serait l'enfer pour lui. Il en ferait des cauchemars de cet après-midi. Nous allions le détruire. C'en était fini de sa niaiserie. De son "innocence".
Alors on l'a poussé. Alors il nous observé, et cette fois-ci, ses yeux nous voyaient bien, ils nous transperçaient. Ils étaient trop bleu. Alors on l'a frappé. Alors il glapit, et c'est étalé par terre, sur le dos. Son cartable a amortis la chute. Alors les autres ont reculés. Alors on a ris. Il a levé son visage trop blanc vers nous. Il y'avait de l'horreur dans son expression, de l'horreur et de l'incrédulité. Alors, je me suis chargé moi même de l'effacer d'un coup de pied. Alors il a évité, et c'est son épaule qui a encaissée. Il avait des larmes dans les yeux. A travers ses lunettes, ils brillaient trop. Alors j'ai attrapé une branche de ses binocles azurés. Alors il a abandonné son sac, et s'est relevé. Il ne pleurait pas. Son regard étaient dur, comme si les verres avaient caché ses véritables prunelles pendant tout ce temps. Alors j'ai pas eu le cran de les casser moi même. Alors j'ai passé les lunettes à un copain, en me forçant à sourire.
Et alors, et alors... Alors il a serré ses petits poings. Mon pote a écrasé les lunettes sous son pied. Et l'autre, trop petit, trop stupide, c'est jeté sur lui. C'était presque drôle. Même sa rage était faible.
Il l'a pas secoué, mon pote. Il l'a même as fait reculer. On était plus grand que lui. Tout le monde était plus grand que ce gamin. Tout le monde était plus fort. On s'en moquait qu'il soit en colère ; il était trop chétif pour que cette colère nous fasse quoi que ce soit. Et son courage, sa témérité... On s'en moquait aussi. On l'a hué. Et tout les autres reprenait. C'était un combat sauvage, plus, beaucoup plus qu'il n'y paraissait. Trop fragile le môme. Retour au sol. Mon poste raillait. Putain. Il raillait si bien, avec tant de mépris, tant d'orgueil ! Personne pouvait combattre ça. Alors il lui a dit d'arrêter. Il l'a répéter. Comme une litanie. Il parlait d'une voix vibrante, dressé devant lui, bégayant presque.
<< Arrête. Tais toi. Tais toi. Tais toi. Tais toi. Tais toi. >>
Mais non. Il ne se taisait pas. Tout y passait : sa mère était un pute, sa grand mère était une pute, sa sœur était une pute, son père un fils de pute ; sa famille était une vaste lignée de putes. Et pute, il en serait une aussi. Il allait sucer des bites, il allait en avaler tout les jours. C'était son avenir, parce-qu'il était trop faible.
Sa voix devenait plus forte. Elle voulait s'élever au dessus des insultes.
<< Tais toi, tais toi, tais toi, tais, tais toi, la ferme... La ferme. La ferme. LA FERME ! TA GUEULE ! FERME TA GUEULE ! FERME TA PUTAIN DE GUEULE ! TA GUEULE ! >>
Il hurlait. Il se jetait sur lui, mordait, donnait des coups partout. Mais ses dents se plantaient dans le manteau, ses pieds passaient à côté, ses poings brassaient le vide. Il n'avait aucune chance. Mon pote l'a mit par terre une dernière fois, et lui, il n'a pas raté : son pied frappait toujours au bon endroit.
Il était vraiment trop faible. On l'a laissé sur le sol. Il saignait du nez, il pleurait, reniflait. Il ne pouvait pas faire autrement que d'être pitoyable... C'était désolant. Je me suis faufilé dans la file, et je l'ai laissé par terre. C'était plus mon affaire. J'avais regardé, j'avais participé. Voilà. C'était le cota de la journée. Et demain, ça recommencerait ; avec lui ou un autre, peut importe. Mais ça allait recommencer.
Une surveillante est venue. Mon pote s'est fait embarqué. Je sais plus, après. Il est plus revenu je crois. Il a dût être viré. Et le môme a finit par disparaître aussi, comme il aurai pu le faire depuis longtemps. Le reste de la bande a continué quand même. Et ça ne s'arrêtera pas. Ça continuera toujours. Mais je m'en bat les couilles. C'est finit pour moi.
Maintenant, je suis au lycée. Et dans ma classe, j'ai retrouvé une vieille ombre...
Il est toujours trop blême. Trop petit.
Mais maintenant, ses yeux sont dur et gris.
J'crois qu'on lui a rendu service en le tabassant.

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-Libère toi Burdy ! Il serait de temps de laisser ce maillon là derrière toi. Il ne te mérite pas, et ça, tu le sais.
Ariel détourne les yeux de son reflet. Ses propres prunelles l'accusent. Au fond d'elle, cela s’anime et brille dans son regard. Une lumière noire, sombre éclat niché dans ses iris comme un soleil d'ombre dont les rayons sont autant de paroles cinglantes. Elle sait : sa propre conscience se révolte... Lui dicte la fuite.
Elle se détourne du miroir, n'osant affronter le reflet empoisonné de ses yeux bleus.
Elle se brosse les cheveux face au mur, muette, ses lèvres roses immobiles et scellées. La soie rousse glisse sous les dents du peigne, lisse et brillante, si douce qu'elle semble irréelle, prête à s'évaporer comme un mirage incertain. Ariel ne décèle qu'un faible rougeoiement sur les carreaux du mur ; un visage fantôme que la lumière décalque sur ses traits, transposant sa chevelure incendiaire en une pâle copie, un reflet spectral qui parait lointain, fait de braises mourantes. C'est à peine perceptible, et pourtant... Elle entend quand même, un faible murmure, un chuchotement étouffé.
Burdy, brise la châine, casse moi cette entrave de chair qui te retient depuis trop longtemps. Tu ne peux pas rester attachée pour toujours, il faut te reprendre Burdy, larguer le boulet et t'échapper sans te retourner. Affronte le, affronte un peu tout ça, plutôt que de te laisser aller. Il faut que tu te bou...
Elle ferme les yeux, tremblante. Un frisson court sur sa peau de nacre. Elle pose la brosse sur le rebord beige de la baignoire, sans la remettre à sa place dans le petit bac en céramique décoré de fleurs pastels qui se trouve près du lavabo. Une larme scintille sur sa joue, roule vivement sur la pente douce son visage ; et tombe.
Dans la lumière pâle et grise, filtrée par la fenêtre au verre grêlé, la salle de bain a une teinte terne, une teinte de cendre qui dépose une poussière lumineuse sur le sol, les murs, la porte, le plafond, les bacs, les brosses, les robinets, à l'intérieur du lavabo, à l'intérieur du miroir, à l'intérieur de la baignoire, à l'intérieur de liquide bleu synthétique qui stagne dans le verre en plastique sagement posé près d'une boîte à bijoux, dont tout les résidents inanimés de toc et de pattes de verre ont perdus leur éclat. Elle seule n'est pas affectée par le jour gris.
Sa peau est blanche, chenue, nacrée, veloutée, argenté, nuageuse, lunaire... Sa peau est cette chose douce, soyeuse, qui recouvre l’œuvre immaculée et fragile de son ossature fine. Sa peau suit la courbe lascive de ses épaules, enveloppe ses seins fermes, descend le long de ses hanches, jusqu'à ses pieds chaussés de petites pantoufles violettes sur lesquels sont brodées deux sorcières souriantes. Sa peau monte, aussi. Le long de son cou lisse et nu, offert, qui soutient avec toute la grâce du monde, son visage de marbre chaud, de statue en fusion, de flamme blanches et de neige ardente ; son visage déjà plein de deux lèvres pleines et roses, d'un nez gracile surmonté par deux yeux limpides, azurés, comme ouverts sur un ciel d'été ou un lac trop vaste pour se contenir dans deux prunelles pourtant si immenses. Mais cette peau s'encadre, se réchauffe par la cascade filiforme de sa chevelure rousse. Elle s'écoule dans son dos, se scinde en deux rivières de feu sur ses épaules, et tombe encore jusqu'à ses hanches, stoppe sa descente ici seulement, à peine perceptible alors, se dissolvant presque dans l'air... Elle rutile dans la lumière grise. Tout son être irradie d'un autre éclat, si fragile, si timide, soumis par le reste du monde, osant à peine s'élever de sa peau parfumé comme celle d'un fruit. Mais il est là quand même, halo étrange et imperceptible, aura qui germe depuis la terre fertile de son corps, faisant fi des ombres, s'élevant tout doucement sans oser prendre trop d'ampleur, mais juste assez hardis pour être aperçus du coin de l’œil. Le coin de l’œil... C'est son domaine, son royaume. C'est là qu'il existe, là seulement, à la limite de la vision, aux frontières du visible, tout au bord des yeux, près du précipice qui borde chaque prunelle, ce vide terrifiant où commence le reste du monde, qu'on ne pourra voir qu'en se retournant. Il réside là depuis toujours, et a fait coulisser bien des têtes ; mais ils ne comprennent pas. On ne peut pas le regarder en face. Seulement du coin de l’œil...
Ariel tâtonna jusqu'à la porte. Elle en toucha la poignée froide, l'abaissa, fit un petit mouvement, et se glissa hors de la salle de bain. Sans ouvrir les yeux tout de suite, elle mit l'épaisseur de la porte entre elle et cette pièce pleine de trop de reflets. Ils hantaient tout les miroirs, tout le carrelage. Ils étaient dans l'eau, dans la vitre, sur le sol, sur les murs, rôdant en l'attente d'un regard, patients et venimeux, frôlant sa conscience sans jamais s'approcher vraiment, ne pouvant percer l'ombre de ses paupières.
Mais pendant combien de temps encore ?
Ariel sentit l'irrépressible tremblement de ses lèvres. Elle serra les dents pour le faire cesser. Elle ne pouvait pas se montrer faible... Ne pouvait pas céder. Un larme versée dans la salle maudite, cela avait déjà était de trop.
La jeune femme ouvrit les yeux, pleine d'angoisse, d’appréhension. Cette fois-ci, comment se présenterait t'il ? Lentement, brouillant sa vue d'un voile humide pour retarder l’inévitable, elle releva ses paupières. Cligna des yeux pour rendre sa netteté au monde. Son cœur affolé dansait sur un rythme impossible, incréé, qu'elle inventait maintenant dans sa pleine terreur. Elle bloqua son souffle au cours de sa remontée. S'accorda un dernier sursit.
Et fit face au couloir.
Il était plein de miroirs.
LIBÈRE TOI BURDY !

29-01-2012 à 16:10:36
Puis les étoiles se dispersèrent dans ses yeux comme une nuée d'hirondelles, illuminant les profondeurs limpides de ses claires prunelles. Ondulèrent doucement leurs flots improbables, telle l'onde agitée par des nageoires troublées, répandant en son regard le reflet ses rêves, sillage de tant de nuits refoulées en le domaine obscure de l'inconscient. Lune sur la noirceur d'une pupille, scintillement d'un soleil qui se perd dans le miel d'un iris, et sur ses lèvres, l'éclosion délicate d'une plante trop rare, d'un sourire qui fleurit comme un printemps nouveau.
12-06-2012 à 11:13:12
Contre la Lune, une ombre.
Le vent jouait avec ses contours, brouillant sa silhouette noire. Des arabesques se déployaient en une fugitive kyrielle. Autant de courbes éphémères pareilles aux coulures ondulantes d'une encre maudite. Face à la lune, elle n'était que lambeaux agités par le souffle glacial de la nuit. Elle se coula sur une pente de la colline, fondant dans sa masse ténébreuse, se dissolvant à l'intérieur des ombres qui naissaient dés les balbutiements du soir. Une multitude ondoyante que la Lune faisait serpenté sur le sol, projetant les âmes dormantes de la nature hors de leur enveloppes fragile. Une foule chétive se tortillait doucement par terre, dans une vaine terreur.
Elle lévita au-dessus de ces proies fluettes, déployant la gracieuse chevelure de ses tentacules. Il suffisait des les effleurer. Les ombres mourraient sous ses caresses, renvoyées à leur morne rigidité. Chaque nuit, la même chasse à travers le monde... Elle était l'unique prédatrice de ces créatures qui se cachaient dans les êtres, au plus profond des choses. Chaque arbre, chaque animal, possédait cette âme perverse et sauvage qui habitait les abysses de son esprit, éveillée par la lueur de l'astre sélénite, libérée de l'inertie quand le ciel enténébré s'emplissait d'argent. Elles n'envoyaient que de frêles ersatz à la lueur du jour, des ombres. Ombres de ténèbres. Spectres de fantômes.
Elle les empêchait de se répandre, immondes sang spectrale des choses se déversant sur le monde pour l'empoisonner et ronger son essence. Chaque nuit, renvoyant à leur origine matérielle les ombres mortes, froides, qui ne s'éveillaient qu'une fois la Lune haute dans le ciel. Et chaque nuit, un peu plus, elles lui échappaient.
Trop nombreuses, trop vives. Des lambeaux se perdaient dans les ruelles, se terrant dans les déchets... Et lentement, ainsi, la folie amassait des corps chauds. Des corps vivants à manipuler odieusement pour conduire le monde à sa fin. La démesure leur offrait sa masse démente pour protection ; l'humanité s'ouvrait le ventre pour laisser les infections s'y précipiter. Les ombres ne se faisaient pas prier.
Mais elle continuait son travail, sans répit, sans remords, sans sentiments. Peu importait la finalité. Il y'avait un présent, une charge qui lui avait échue ; le reste n'avait d'importance que ce que les vivants lui accordaient. Ce n'était pas là le problème d'une faucheuse. Son existence se bornait à la traque nocturne couplée à la satiété une fois le jour venu. Savoir que tout cela se terminerait dans le sang et la défaite de la vie était une inquiétude d'animaux brailleurs.
La chose tendait donc sans crainte du futur les haillons de son être, immobilisant les affreux vers gesticulants d'une caresse. Leur ôtant le mouvement, à ces choses démentes qui prenaient racine dans la société humaine. Pervertissant les cœurs si faibles de ces créatures misérables, vautrés dans un âge d'abondance et de pénurie dans lequel elles s'étaient seules engagées, sans même l'aide d'une folie venue des choses inanimée, si orgueilleuses du chef d’œuvre cyclopéen qui les précipitait toujours plus vite vers la déchéance. Un puits de souffrances et de plaisirs égoïstes et coupables dont elles se contentaient, nourrissant les parasites fantômes qui profitaient de cette vertigineuse chute à travers l'excès dénué de conscience.
La terre continuait de tourner pourtant. Inébranlable. Ce n'était que de la roche et du sable infestée de vermines après tout. Avait-elle jamais demandée à subir le poids bruyant de la vie ? Malheureux hasard que la germination écœurante de ce fléau bouillonnant à sa surface. Explosion de chair et de chaleur pulsante qui s'était mise à hurler sans autorisation, comme une armée gesticulante et débraillées de squatteurs avides d'un espace à saccager. Ce n'était pas un mère nourricière, seulement la victime du destin, exploitée par des créatures folles qui fouillaient ses entrailles et s'ébattaient en une affreuse orgie sur son corps supplicié auquel s'accrochaient toutes les pitoyables formes qu'avait prise la vie dans sa démente expansion. Autant de choses informes pour faire de chaque seconde un supplice... Alors elle avait réagit.
Et donnée naissance aux ombres des ombres. Un marché susurré à la Lune, un accord entre ces deux corps célestes si proches qui dansaient ensemble en suspension dans le vide glacé de l'univers. La dame sélénite éveillait donc les chers enfants de sa cavalière en les baignant de sa lumière argentée, pour qu'enfin, après tout ce temps, elle soit à jamais libérée de la vie qui l'infestait.
Comme rien n'était jamais aussi simple, la vie avait dressée aux ombres une rempart en la personne de la faucheuse. Mais depuis trop longtemps désormais, elle errait, sans passion... Perdant goût à sa tâche. N'effectuant plus qu'une action mécanique dénuée de sens dans son esprit vide. Un esprit sans pensées. Un esprit sans sentiments, dernière rempart à se dresser contre les ombres.
Frêle rempart, loqueteuse rempart de chair mêlée d'écorce et de lin. Un drap tentaculaire au cœur gorgé de ténèbres, dont les veines de tissues ne charriaient que des courantes d'air.
Qui le jour venu, se cachait du soleil. Laissant les Hommes à leur folie, conduisant magistralement la vie à son terme, net, finale... Inévitable.
Bientôt, la Terre dansera dans toute sa grâce, plus légère que jamais auparavant, froide et libre, glacée dans son écrin de glace, suspendue aux fils glacés de la gravité, s'enveloppant d'ombres glaciales à la glaciale lumière des étoiles lointaines, qui dans leur vide glaciale valsent avec froideur...
16-09-2012 à 18:12:27
Emportée par ta fouge, tu tournoies dans la nuit au bord de cette falaise, au mépris du danger, dédaignant le monde cruel qui parsème ta vie de choses "à ne pas faire". Toi, tu ne portes pas d'attention à ce genre de restrictions. Tu fais la toupie juste à côté du vide, avec tes pieds maladroits et tes cheveux inconscients qui te cachent les yeux. T'es folle, tu sais ? Ta robe trop longue, tu vas t’emmêler à l'intérieur. Et ce tissu à imprimé ringard, des fleurs vertes sur du blanc, va devenir ton linceul. Pourtant tu ris, même si tu connais la fin de ta courte histoire. Tu t'en fout de la mort. Elle peut bien venir te chercher pendant que tu floutes le monde autour de toi à grands tournoiements exaltants, franchement, tu lui tendras les bras comme aux clochards dans la rue auxquels tu offres une embrassade, quelques pas de danse sur la chaussée, un éclat de rire et des billets qui s’égaillent au rythme de tes pas. Tu te jettes même contre elle pour la serrer contre toi et lui claquer deux bises sur les joues. Tu la prends par les mains et lui apprends l'amour, tu caresses ses hanches avec tes mains et ses lèvres avec les tiennes. Puis tu la renvoies d'où elle vient et tu recommences à rire. Tu danse sur ton bout de falaise. Tu attends de tomber.
Et ça ne vient pas. Donc tu continues. Jusqu'au repos du soleil, jusqu'à ce que s'ensanglante le ciel et se montre la lune. Et puis quoi ? Les étoiles te tendent leur lumière pour que t'enveloppe avec, histoire qu toi aussi tu puisses prétendre aller valser sur l'écrin de feutre de la Lune ; mais tu refuses, tu dédaignes cette offrande comme on refuse par pur orgueil une main tendue après une chute humiliante. Pourtant, tu n'es toujours pas tombé, tu continues de tourner sur ton prémonitoire, face à la mer encrée qui va éroder le monde, les bras levés, poignets nus, sans toc, or, argent, sans rien du tout que ta peau pâle pour habiller le fil de fer de tes os. Tout en plâtre et en fenton, tu insultes les bijoux du monde entier, la coquetterie, et tout ça, tout le reste, tout ce qui brille pour habiller les chairs pudique. La tienne l'est pas. Tu t'es déjà frottée aux murs pour voir comment réagissaient les gens, tu leur as jeté ton soutient gorge sur les yeux dans un éclat de rire, tu t'es roulée nue sur la chaussée en t'enveloppant dans tes cheveux roux, et puis, une fois, tu as écris sur ton corps des poèmes aux syllabes pleines de chant, t'as laissé tombé tes vêtements au milieu de la salle de classe, et tu les a mis au défis d'étudier les textes en lisant ta peau plutôt que des feuilles photocopiées. Ils ont ris, ce sont écartés, ont pris de photos... Aucun n'est venu regarde plus près. Les gens sont lâches, et toi t'adore les voir hésiter.
Atermoyer, c'est leur dada. "Je vais la toucher, où j'y vais pas ? C'est pas convenable. Mais ce serait marrant. Souvenir drôle. Battements de coeur. Est-ce que ça vaut le coup d'aller lire ces vers entre ses cuisses ? C'est pas bien. On ne voudrait pas que je le fasse. C'est qui On d'ailleurs ? Pourquoi ne veut-il pas ? Je vais le défier. Je vais lui jeter dessus les rimes inscrites sur la peau de cette fille. Il va me punir. On est pas conciliant. On est pas tolérant. C'est mal. Je le fais pas. Mais... N'empêche."
N'empêche qu'ils ne faisaient rien de concret. Alors t'es sortit dans les couloirs pour te mettre à courir dans ce labyrinthe gris et transparent qu'on appelait un lycée. Oh, et tu t'es enfuie aussi, dans la rue. Habillée de mots tracés au marqueur noir qui te faisaient une tenue de vers entrecroisés ; personne n'a compris combien c'était beau. Ils t'ont jugés, enfermés... Mais même avec de barreaux pour tâcher ton bel horizon, tu continuais à trouver des choses "à ne pas faire" auxquelles donner de ton temps. Et puis ? Ça marchait du tonnerre. Un coup de foudre entre toi et une barquette de fromage blanc, la compote de tout les dangers que tu barbouillas sur les murs en souriant de toute tes dents, la cuiller de la destiné dont la surface convexe rencontra un crâne chauve contre lequel se heurter... Ce genre de choses que tu commences à faire, sans te demander si le front du crâne concerné ne va pas rencontrer le tient dans un magistral coup de boule. Bien entendu, ça faisait mal. Mais t'as fais de beaux rêves cette nuit là, alors franchement... Tu lui as dis merci le lendemain, avec un sourire qui faisait glisser tes tâches de rousseurs droit vers le puits de tes prunelles. De tes joues jusqu'en haut, là où les disques brillantes qu'on te fait appeler "des yeux" se complaisent dans le flou artistique appliqué sur l'image du monde par des tournoiements qui te portent jusqu'au bout de tes sensations, quand tes nerfs se mettent à faire grève et que ton corps engourdis demande une pause.
Une pause, une pause... Une pause pour vivre ? Et puis quoi encore !
Tu comprends qu'il va te lâcher, ce corps. Tu danses sur une falaise, eh oh, youhou, tu sais que le vent te fait tanguer au bord de la roche tarabiscotée de reliefs et de lichens par le vent, l'embrun, les mouettes qui viennent chier à côté du vide ? Tu sais que là, ce sont tes derniers tes pas ? Tu pourras bien aller enlacer la mort, tient ! C'est pas ça qui te fera revenir. Mais bon, aller, vas-y, t'es irrécupérable.
Maintenant, t'es hors d'atteinte. Tu as dansée trop loin, et les mots qui te parsèment ont appelés le vent qui te pousse pour s'envoler avec lui ; t'aurais dû te frotter le corps avant de venir mépriser la lumière des étoiles juste ici. Regarde les, ces poèmes, qui vont se perdrent dans les bourrasques par grosses grappes de rimes éprises de liberté... Il y'a de l'encre dans l'air, qui jaillit en spirale de ta peau engourdie. Il va s'étaler en bandes noires sur le reste du monde, comme un code barre géant que tu apposerais sur la terre entière ; c'est la tienne. T'es une reine, tout les yeux sont rivés sur toi. Tout les yeux, oui, même les oiseaux qui volent dans le ciel bien au dessus de ta tignasse enflammée, ils baissent leurs petits globes noires luisants pour te voir...
Ils te regardent chuter en tournoyant, ta robe désuette offerte aux gros souffles froids du vent. L'iode vient te piquer les yeux et les narines, puis se met à danser sur ta langue comme un furieux piment alors que tu ries du vide qui te laisse filer en lui. Ce goujat ne te rattrape même pas, non, il t'avale, et tu descends sa gorge pleine d'un souffle salé ; tes jambes couvertes de mots, des nouveaux poèmes que tu as écris sur ta peau juste après être sortit de prison, battent dans l'air pour accompagner tes bras. Tu regardes bien en face la mer noire dans laquelle la mort va venir te chercher.
Qu'elle vienne donc cette vieille frigide nullipare ! Toi, t'es bonne nageuse, elle a aucune chance. Et puis, si elle te rattrape, tu lui prendra les lèvres d'un baisé volcanique, histoire de lui apprendre ce que c'est la fougue, histoire qu'elle connaisse la sensation exquise que provoque la caresse de mains chaudes sur une peau. T'es prête ? Tu vas déniaiser la mort, tu peux le faire. Vas-y.
L'eau est glacée. Tu coule ; tu te disloque, tu saigne. Ton sourire se brise en éclats blancs, puis se déforme comme si tu n'étais qu'une aquarelle aux tons chauds qu'un excès d'eau diluait. Les poèmes de tes jambes se mettent à teindre l'eau, l'encre t'abandonne, le sang aussi, et tes cheveux deviennent des algues.
Tes bras désarticulés sont largement ouverts. C'est bon, tu l'as entre tes bras ; tu la sens ? Elle est froide et infinie.
Mais bon dieu, tu la serres, tu la serres la mort, elle est à toi...
Elle adore ton sourire.
Embrasse là.
18-11-2012 à 14:42:32
La nuit est noire.
Noire comme tes yeux, dont le regard étrécis d'un plissement courre sur le paysage enténébré, sans y voir plus que des ombres et la fugace kyrielle de l'eau qui tombe à terre, tombe sur ta peau, tombe sur quelque invisible monde disparu sous l'averse... La nuit est noire comme un tombeau de pierre, vide, empoussiéré par l'abandon et l'érosion fastidieuse des murs gris, inertes, secs comme des langues de chat arrachées à leur demeure de crocs et de salive. Noire comme l'opposé obscur du cristal lumineux, morceau d'obsidienne fiché dans le ciel qui renvoie sur le monde une ombre vaste, froide. Noire, la nuit, comme une charogne pourrissante dont la mort a corrompue les chairs.
Noire, mais pas silencieuse. Plutôt qu'une tombe, la nuit est un vaste cimetière habité de murmures endeuillés et de tristes sanglots. Audibles à tes oreilles, les pleurs du ciel, larmes gelées qui transissent, pénètrent ta peau, givrent tes os, givrent ton sang. Froid dans tes artères. Il rampe, serpent d'hiver dont la langue bifide est un fouet à l'intérieur de tes veines, claquant à tes poignets, le long de tes bras, gelant de son contact le sang chaud et fluide. Tu deviens l'averse, toi aussi, grand morceau de pluie et de glace en mouvement. Ton coeur qui bat répand des vagues glaciales au travers ton corps. Dehors, dedans, tu es le même : la pluie t'as remodelée, enfermée dans son moule à vivants. Sous ses inexorables morsures innombrables, tous sont pareils. Des choses froides et mouillées, cherchant, quelque part, un abris, pour se soustraire à ses attaques. La chair palpitante ne se plaît pas endurer les piques impalpables de la pluie. Quand, pénétrante, elle noie la détermination de ses assauts impitoyables, elle ne fait que sa besogne, tombant quand se déchirent le ventre des nuages, au même titre que le marteau du forgeron s'abat inéluctablement sur l'acier pour le forger... La pluie, fuit de ceux qui errent sur la terre qu'elle abreuve, des choses vivantes qui bougent et pulsent au rythme d'un coeur capricieux. Ne devrait-elle pas être louangée ? Au lieu de quoi, les Hommes cherchent à échapper à son étreinte liquide...
La nuit est noire. Noire de suie, de charbon, noire d'os calciné, noire de boue des marais, noire de tes cheveux. La nuit est fuligineuse et vorace. Elle te dévore, te prend dans ses bras d'ogre, et te démembres, impitoyable. La nuit est un monstre anthropophage, qui tord les colonnes vertébrales pour s'en faire des bagues, fait des colliers de perles avec les têtes sanguinolentes, déguste les coeurs morts du bout d'un ongle crasseux. N'est-ce pas pour cela qu'elle est tant crainte, dés les fastes temps de l'enfance candide ? Exempte de prudence, l'enfance, mais toujours hantée de terreurs nocturnes... Car la nuit avale tout, sans distinction. La nuit avale le monde.
Avalée aussi, la maison dressé sous la pluie. Triste bicoque, abandonnée, écroulée sur ses murs de terre cuite, de bouses sèches et d'argile craquelé. Tu éprouves tout de suite pour elle une tendresse absurde. Tu y cours, sans égard pour la boue qui gicle sous tes pas. Ce sera ton abris, à toi, chair palpitante et chaude que la pluie a fait glace ; tu vas échapper au moule de l'orage, et redevenir toi même... Qu'importe le toit de chaume humide, éparpillé par le vent à grandes brassées dorées. Tu aurais aimé voir cela, par une journée d'automne, les brins emportés par une bourrasques plus violente que les autres, plus vindicative, vengeresse, volant à grandes poignées le toit pour en faire danser la paille avec fureur. Sur la toile de l'horizon, ciel bleu et riant empourpré par les avances de la Lune sensuelle, tout en rondeurs, qui se déhanche déjà pour prendre la place du soleil sulfureux.
Au lieu de quoi... Nuit noire autour de toi. Noire comme tes yeux. Toujours. Prunelles d'ébène sur ton visage livide et exsangue ; visage frangé d'ébène de mèches, rongé d'ébène de cheveux, tâché d'ébène de crasse ; ébène des miséreux, sur ta peau, sous tes ongles... Un éclair te bleuit en claquant dans le ciel. Fouet de foudre au milieu de cents fouet de l'eau, qui font fouetter tes veines par la froideur serpentine. Tu échappes à la pluie en te terrant dans les ruines de la chaumière abandonnée.
Sans rien penser, tu te laisses tombé sur le sol. De la paille défraîchie, quelques insectes. Toujours le froid, à l'intérieur de ces murs... Pas même une porte pour en faire un abris hermétique. Mais tu ne te plains pas, tes prunelles d'ébène ne se voilent d'aucune larme. Tu as choisis tout cela.
Autour de toi, la nuit était noire, et tout aussi noires sont les ombres désormais. Mais c'est la noirceur secrète de ceux qui marchent tout le jour durant...
La misère des voyageurs. Celle qu'on savoure malgré tout, que ce soit un ventre vide ou un corps crasseux. La misère de la liberté.
Tu fermes les yeux, et sans regret, laisse une lumière s'épanouir sur tes lèvres...
Au milieu de la nuit noire, là, sous la chaume, sous la terre, sous la pluie. Ton sourire.
Une nouvelle étoile. Qui brille, brille... Mais pour personne. C'est un étoile timorée. Une étoile d'un instant.
Qui déjà s'éteint, à la faveur du sommeil... Demain, le jour sera gris, quand tu te réveillera, et tu auras cessé d'illuminer la noirceur du monde. Demain, nouvelle marche. Nouveau monde, humide, fringant. Libre à toi d'en fouler la rosée froide.
Libre à toi, miséreux à l'ébène de crasse, l'ébène embroussaillé, l'ébène long de tes cils, libre à toi d'aller là où te portent tes rêves. Quelque part. Loin.
Toujours plus loin d'ici. L'ici qui bouge sous tes pas.
Quelque part au bout du monde. Là où même le jour est noir.
Nuit noire, jour noir, noir de la mort, noir de membres gelés, noir de prunelles aveugles, noir de dents pourries... Tu as encore le temps avant d'en arriver là. Pour le moment, marche.
Marche jusqu'à ton terme.
18-11-2012 à 14:42:50
Il fait hiver dans mon coeur. Je le sens qui bat, mais il ne brasse que de la neige. C'est la poudreuse dans mes veines, qui tourbillonne partout. Mes artères ont goûtées au givre, je crois qu'elles ont pris goût à la fraîcheur du désespoir. C'est pour ça, dis ?, c'est pour ça que je m'y vautre ? Je m'y roule comme un porc dans la fange, je m'en couvre comme d'une cape pour me cacher ; les yeux du monde entier, si nombreux, me font mal comme des piques partout sur ma peau... Je ne supporte plus tout ces regards qui me poignardent de toute part, sans arrêt, nuit et jour, où que je sois. Ils ne sont qu'impudeur, se gorgeant sombrement de ma peine pour faire battre leur coeur qui vagabonde encore aux lisières d'un été qu'ils ne savent pas éphémère. Ils ont encore chauds quand moi, je ne suis plus rien que glace qui ne veut pas fondre. J'attend. Rien ne vient. Je ne bouge pas... Le monde non plus. Ils patientent tous devant ma porte, pour me lapider avec leurs beaux yeux compatissants et curieux, tout auréolés de lumières quand moi je traîne une ombre poussiéreuse et glauque. Mon manteau de moire a perdu tout éclat, c'est une sombre loque qui ne se strie plus de rien. Le soleil n'en veut pas. Je suis le rejeton des ténèbres... Je fuis ma mère. Elle n'a que douceur pour moi, mais ses caresses sont froides, et elle seule peut me protéger de ces regards qui attendent partout, dans la vaste lumière du monde. Que dois-je faire dés lors ? Me traîner ? Encore, et encore, à jamais peut être, ramper en m'écorchant la peau, et m'écorchant l'âme, et en m'écorchant le coeur ; ramper par terre à leurs pieds sans mendier aucune aide, et sentir sur moi les milles poignards de leurs yeux qui me rentrent dans le dos, fouillant ma pauvre chair, cherchant quelque part ce qu'ils ne peuvent toucher, là, cette misérable chose qui me sert d'esprit... L'ombre ne suffit pas à me préserver d'eux, même la mère aimante que me sont les ténèbres échoue à m'arracher à tout ces regards fixes. Elle tente, tant bien que mal, de me tenir auprès d'elle, mais dans ses paumes glacées, je me sens cadavre et non plus souffle et sang ; je la quitte chaque fois, pour mieux me laisser rejeter entre ses pauvres bras. Je ne ressens que douleur à retourner m'y blottir, et pourtant, j'y cherche la tendresse que ne veut pas me donner la lumière impitoyable. Elle me berce dans la nuit, et alors personne ne me voit recroquevillé contre son torse glacé, je souffle de la neige pour faire partir l'hiver. Il reste. Je le crache d'ente mes lèvres, depuis le fond misérable de mes poumons fatigués, le souffle par le nez en tempêtes mortifères, mais rien n'y fait, rien ne peut le déloger de mon coeur et de mes veines déjà faîtes glace par son insidieux rampement. Mes yeux, bientôt, se couvrent de givre et voient sans jamais se fermer. Je ne sens plus rien de cette chair frémissante qui gardait encore dans sa douceur rosée un soupçon de chaleur évanescent. Maintenant, plus que glace où que cela soit. A chaque pas crissent mes tripes gelées dans mon torse de glace. Les flocons de mon sang s'exhalent en gerbes froides à tout les visages du monde... Depuis ce jour de désespoir, quand j'ai ouvert la porte à la tristesse pour la serrer dans mes bras, je n'ai fais que refroidir, lentement, jusqu'à devenir cette chose incapable de pulser, ne soufflant plus rien que glace pilée, poudreuses tourbillonnantes et brumes opaques, mêlées ensemble en la cacophonie des bourrasques qui font grincer les choses et secouent les arbres à les en arracher de la terre, racines terreuses encore environnées de caillots d'humus humides qui formeront bientôt des grêlons marrons accrochés au vieux bois mort. Je n'apporte rien d'autre que la désolation et la démence venteuse des tempêtes... Que suis-je devenu sinon un émissaire indésirable de la mort violente et implacable qui marche dans la nature ? J'erre, et dans mon sillage, ne reste qu'une terre asséchée, crevassée, couverte de givre et de débris de forêts, éclatées furieusement puis laissées à l'abandon en un tapis d'échardes blafardes... C'est tout ce qui me reste. La désolation, la folie. Je n'aurais jamais dû souhaiter la bienvenue à la tristesse, puis sauter dans ses bras pour lécher sa peau empoisonnée. Qu'ai-je cru trouver auprès d'elle ? Elle n'a rien apporté sinon le froid, la solitude, et cette sensation que chaque regard ouvre une nouvelle plaie, que chaque coup d'oeil est un coup de poignard qui me blesse. Je me suis seul offert à cette destinée de solitude et de mort, seul dirigé vers les ténèbres qui m'ont prises sous leurs ailes d'ombres et de glace. Elles m'ont accueillies avec tant de grâce et de douceur... Je suis devenu leur enfant chéri, le fils prodigue.
Je crois que j'ai compris maintenant. Tandis que la terre explose sous mes pas et que sa poussière gèle dans l'air, que le goudron des villes se couvre de givre et se lézarde de toute part en faisant s'écrouler les tours dans des gouffres glacées, exhalant des brouillards livides qui se transforment en grêle lorsque je m'en couvre, en plus des ombres, pour échapper à la lumière du soleil et aux regards du monde... Tandis que tout se défait violemment autour de moi, je comprend. L'hiver était vieux et fatigué. Il cherchait un successeur. Depuis longtemps déjà, le souvenir des heures de gloire d'une ère glaciaire ancestrale faisaient vibrer son vieux coeur glacé d'un désir douloureux. Mais il n'en était plus capable... Il m'a alors cherché, trouvé. Choisis. Je suis le nouvel Hiver.
C'est moi qui doit apporter la glace, la tempête, la nuit et le froid. C'est moi qui apporte la mort. Je suis le fils des ténèbres, la saison crainte et ancienne qui ne peut gouverner qu'un royaume désert où la vie na pas sa place.
Aujourd'hui, je pars à la reconquête du monde.
Et je viens vers toi.
J'arrive.
17-07-2013 à 14:17:07
Tes joues empourprées sont douceur à mes yeux.
Gonflées d'allégresse, parfumées de candeur, elles séquestrent en leurs creux un sourire vermeil. Tout de lumière charnelle et de lèvres étirées, il s'élance à l'assaut de ta peau qu'un soleil taquin a tâché de son ambré ; sa conquête est rapide, élégante. Il se taille un royaume en courbe dans l'étoffe délicate de tes traits. Dans le pincement tendre de mes doigts, il goutterait de miel et d'eau de rose, étincelant de ce feu palpable qui lui a donné naissance ; c'est en ce bel enfer, et de pulpe rouge et d'ombres subtiles, qu'en des flammes délicieuses ton sourire vit le jour... Beauté généreuse, qu'une caresse légère, souffle carnée sur le bout de tes lèvres, pourrait venir étreindre en l'union d'un instant. Mes doigts, doucement, contre cette étrange grandeur qui anime ton visage. Ô, qu'il serait doux à mon âme de tracer sur ta peau des lignes enflammées par l'ardeur partagée... Enivrés, nos deux feux, chercheraient au travers de nos veines à s'écouler hors de nous. Ils gémissent à l'idée de s'unir, de ne plus, en un seul instant -seconde délicieuse, seconde merveilleuse, la volupté arrachée à l'étreinte du temps- se faire unique feu, seul brasier dévorant la distance des cœurs et la maladresse des mains.
Mes paumes ne savent plus où glisser sur ta peau. Elles ont oublié le trajet secret qu'a tracé notre amour sur ton corps satiné ; il ne fallait pas s'abandonner à y créer des sentiers dans l'obscurité. Les ténèbres n'ont pas la faveur de ces choses étoilées. Erreur, je le consens, d'avoir voulu t'aimer dans les ombres voyeuses. Ô, silence en leur sein, pas un bruit qui ne trouble la mélodie de nos respirations... Mais il fallait songer, ne fût-ce qu'un instant, à ce qu'il adviendrait de ces chemins, une fois la lumière retombée sur nos peaux. Brûlés, enfouis sous la blancheur sucrée qui habille tes os fins, les voilà désormais dérobés à nos jeux, lointains à nos pas, perdus, en nos propres seins chauds... Il nous faudra en faire de nouveaux. Je m'y emploierais, palpant monts et vallées qui se fondent en un corps, tâchant de trouver d'autres sentiers desquels t'embraser. Tous les chemins mèneront au jardin occulte et sibyllin en la verdure de laquelle je m'abîme pour t'enivrer. Nous roulerons nos peaux l'une contre l'autre, en un contact savant et brûlant ; il est des ardeurs douloureuses, celle-ci sera notre délice.
Pour l'heure, je me perds dans l'infinité qui s’épanouit entres tes joues si douces. J'errerais des années dans leurs creux, habitant ton sourire, si quelque sortilège ne m'avait pas fait un autre être, si quelque malédiction n'avait donné à celui que je suis une envergure que ne peut souffrir ton visage. En désespoir de cause, je me tends vers tes lèvres, et je plaque mon sourire sur le tient, je me fonds dans les sillons de ton visage pour y trouver un lit. J'aimerai dormir lové contre ta peau, tout au fond de ta chair, et ne plus la quitter, et ne plus m'éveiller ; y mourir pour jamais, sans crainte du lendemain.
J'aimerais être toi, pour t'aimer de plus près. Je ne le puis.
Donne-moi donc ton corps, et laisse-moi croire que je peux m'y glisser sans jamais en sortir. Mes rêves te convoquent, mon désir te révère ; ma peau demande la tienne, et déjà, voluptueuse, sans dame sélène pour argenté tes courbes, tu t'abîmes dans mes bras. Le soleil te moire, mes caresses t'embrasent. Il est des lumières qui se touchent, d'autres qui se sentent. Frôlements, pénétration d'amour éthéré. Nous ne sommes que lumières. Parfums et sensations. Évanouissons nous, soleils de tendresse, dans la gerbe créatrice qui nous porte ensemble.
Un faisceau de feu souffle ses mains sur nous.
Aujourd'hui, nous ne sommes qu'un.
21-07-2013 à 23:27:54
L'inspiration crevée me bouffe le cœur comme cancer dégoulinée de l'âme. Foutu zombi. Elle croque à belles dents -qu'elle a pourries- dans ce morceau de viande qui n'en finit plus de s'abattre au fond de mon ventre gelée. Je dois être une caverne sans peintures, un vide glacial qui ne se comble qu'au passage d'une tempête ; tellement brève que c'en est ridicule. Je suis tant de néant que je vomis la vacuité à grands flots trop souvent, je suis comme une mer acide et goudronneuse à la fois qui s'écraserait sur le monde alentour pour polluer les existences épanouies. Je suis un marais qui aspire le vide. Une putain de tourbière verdâtre et dégueulasse pleine de rien. Je suis à gerber.
23-09-2013 à 12:26:17
Dans les affres mon cœur,
qui flamboie comme une braise,
sur la face grise et terne,
du jour morne étendu d'une longueur scélérate,
sur les plaines stériles de ma vie sans saveur.

Je suis ce qu'il reste d'un moi d'autrefois,
le fantôme d'une flamme qui s'éteint,
quand sur l'espace endoloris de bleu,
s'allume gesticulant un jour nouveau-né.

Il braille la lumière et le sang au travers de mes champs d'asphodèles
mais je n'entend que le vent et le sanglot des sylves,
qui sur leurs feuilles maladives, ternies, rongées de pâles fumées,
portaient mes rêves et mes espoirs- aujourd'hui décédés.

Je fleuris leur tombe d'un souffle calciné,
tentant de retrouver dans leur poussière gelée,
la chaleur d'autrefois aujourd'hui délitée. Je ne comprend plus ce que je fais là, assis au milieu du cimetière de mes songes, à border un bonheur mort-vivant qui dans ses langes souillées de sang, ne vagit plus que de douleur. J'aimerai trouver un sens au carnaval morne dans lequel erre mon corps, cet animal inculte des beautés matérielles. Je cherche en vain la sortie du chapiteau des pluies, je vis dans les nuées peuplées d'orages que déversent sur moi les ailleurs corrosifs. Ils sont tout proches à tâtonner au bord de mon visage, ils palpent mes joies souffreteuses en cherchant leur gorge blanche ; leurs doigts dansent sur mon cœur pour en boucher les nécessaires artères. Je me flétris sans rêves, abandonné à la face des illusions brûlées. Devant moi, je vois le monde. Mes rêves en ruines gémissent, décombres auscultées par le vent qui porte leurs mots d'agonie. La pierre des édifices construit à l'ombre des paupières est noircie aujourd'hui ; je suis une citadelle écroulée, mes fondations avalées par les ténèbres roulantes. Elles déglutissent parfois à mon visage d'Errant du vent qui meurt, l'os dépouillé d'un songe mis à nu.
Il ne faut pas confier ses rêves. On lapide ces beautés fragiles ici-bas, dans le monde des lumières. Ils viennent avec leur bouche toute chaude, toute prête, avec leur raison bien affûtée, ils viennent convaincus de leur bon droit et de la véracité de leur réalité. Ils viennent et griffent le dos offert de mes pauvres enfants, ils viennent étouffer ces petits que l'esprit seul met au monde. Ils viennent le jour, quand il fait grand soleil, ils viennent à table quand je me crois serein. Ils viennent et lapident avec leurs pierres embaumées, décorées, pour dire à mon âme de cesser ses danses fluides.

Ouvre les yeux. Ouvre la bouche, ouvre les mains ! Tends les bras et attrape les fruits empoisonnés du verger qu'on te montre, va sur le sentier qu'indique le doigt tangible. Marche sur les pas décomposés qui nous ont portés jusqu'en ce jour qui te voit tout de chair, plongé dans l'abîme des sens et des réalités. Rampe avec nous sous le joug de l'argent, berce tes rêves à son ombre, prends femme et enfants, prends racines, prends le monde sous ton bras, dans les yeux, dans le cœur- comme une arme. Vois, il est temps. Vois l'univers qui n'a que faire de tes songes, que faire des espérances. Vois et souffre. On ne décide pas de sa vie : on la mène par défaut. On suit la corde terrible passée à notre cou, jusqu'à la branche à laquelle s'enroule ce chanvre froid et dure. Pour vivre, il faut ceci, et cela, il faut tel objet, tel but, tel aboutissement. On rit de l'idéal que tu poursuis dans la nuit de tes rêves. On rit des espérances que tu nous tends au jour de la réalité.

Le soleil brûle mes paupières, déverse ses feux agressifs sur ma rétine. Il plonge jusqu'aux tréfonds, laboure mon essence. Je ne me sens pas capable de changer, ni aujourd'hui, ni demain, ni jamais. Je ne me sens pas capable de régresser de nouveau à chenille, d'abandonner les ailes que je me suis tissé pour de nouvelles, qui ne soient plus si belles. Ce serait injuste, j'ai gagné ces ailes là, je les ais faîte à l'ombre d'un monde qui voulait m'assassiner, à l'écart des danses désordonnées de mes semblables. Je les ais faîte malgré les nuées de leurs yeux moqueurs ou hautains, malgré les gifles de le l'adolescence.
Je regrette d'avoir parlé, je regrette de ne pas m'être perdu entre les forêts de songes. Oh je regrette la folie, je regrette la mort, l'oublie, la profondeur de ma solitude. J'ai oublié les steppes et les vallées où paissaient les troupeaux embaumés de mes rêves. Pan, où es-tu ? Je cherche tes cornes sur mes aubes. Entraîne moi dans ta danse, mène moi au fond des bois où dansent sèves et flots, fais moi un lit d'herbe, de feuilles, de racines et de boue, enterre moi dans la berge d'un fleuve et laisse donc la corruption s'y emparer de mes chairs, pour renaître en joncs et en graines sur le côté d'une eau courante encore pure.
Je me languis d'un monde qui n'existe pas. Un monde assemblé par mes soins, un monde sur mesure qui s'étendait du midi au minuit de ma vie. J'enrage qu'on cherche ma raison pour la tirer hors du trou ; qu'elle continue de gîter à bas, tout au fond de sa fosse ! Que n'ais-je de pelles pour l'y rejeter, que n'ai-je d'outils pour combattre leurs mots ! Ils sont si forts, si nombreux. Si raisonnables et réalistes.
Et moi qui ne suis qu'un sot, moi qui ne sais que leur dire non. On peut me chercher dans la forêt, on ne m'y trouvera pas ; dans la ville non plus.
Parfois j'ai l'impression que je n'existe pas. Que je ne suis pour nul part et que personne n'en voit rien, que personne n'entend ce que je dis vraiment. Qu'autour de moi, tout n'est que persuasion, qu'on cherche à guider ma croissance démente, en élaguant les branches qui font trop d'ombres à leur sol goudronneux, en taillant dans la pulpe pour en tirer les sèves trop abondantes, aux yeux de ceux qui ne boivent qu'à la coupe froide de la réalité. Savent-ils seulement que je ne suis pas vraiment là ? Que face-à eux, le suprême mirage se tord et rue pour trouver une demeure dans le creux de ses propres illusions ?
Misérable. Vas t'en dans le néant reconnu, vas te multiplier en floraisons intenses. C'est ce que donnera de meilleur ton corps pitoyable, l'aboutissement le plus louable que puisse espérer l'animal disgracieux.
Quant à l'esprit, il ne sera bon qu'à se diluer à l'infini sur l'ombre- meurs.
Meurs.
23-01-2014 à 21:18:34
Ils étaient deux, ils sentaient le vin chaud. Leur peau épicée se goûtait comme d'étranges viandes dorées.
Leurs lèvres étaient salées, leurs yeux brillaient comme du cuivre. Longs cils de biche couvant ces regards lunaires, ces yeux d'aube enfiévrée, de flamboyance sélène- des yeux pour les nuits froides qui annoncent un hiver... Plus froid encore, neige battante, neige mordante, des vents aux ongles déchirés de givre cristallin, jouant une sonate sordide entre des branches gelées. Ils étaient deux, leur sueur sentait la mer, leurs pommettes hautes luisaient comme de la cire. Parfumés, ils brûlaient, bougies humaines à l'agonie languide. Beaux, terribles, riches et d'une saveur croquante, sucrée, une saveur de beignet fris, une saveur de diamant passé à la poêle. Deux, mais une multitude de parfums, de gestes, deux offrandes à la Terre aux paupières flavescentes et aux pupilles voilées. Leurs mains pailletées, sacrifiées à des danses érotiques, étaient plus douces qu'un satin neuf et frais, ils versaient les plaisirs à valses endiablées ; leurs doigts d'hétaïres brillaient dans le noir, le grain de leur peau torréfié au feu blanc des étoiles.
Il fallait les goûter du bout d'une langue aventureuse, laisser fondre leurs cheveux fluides et amères, sur des papilles excitées des saveurs d'un pan de peau secret.
Ils étaient deux, ils ne seraient jamais nôtres. Ils étaient loin, ils étaient beaux, ils sentaient l'océan- ils étaient deux, plus loin que l'horizon, bercés par le couchant, enveloppés de nuit pourprée, et le soleil mourant leur faisait des chants d'or...
01-02-2014 à 20:46:43
Pauvre imbécile vêtu de noir, blessé de khôl, tâché de chevelure coulante. Inondé d'une obscure pourriture capillaire, flot corrompu de mèches brunes, tu a couché ton corps, tes os décalqués sur une peau diaphane, enluminée des veines versicolores brodées sur ta carne chiche, irriguant de couleurs la pâleur de ton être. Tes paupières battent, fines, comme du papier à cigarette, et tes yeux cernés d'une noirceur miséreuse clignotent au rythme des néons fracassés. C'est un geste de ton bras, vaporeux et rongé, qui a tué la lumière. Elle agonise en soubresauts tuberculeux, maladive dans son crépitement blême.Tu n'aurais pas dû, et tu le sais ; c'était une erreur. Tu la payes. Aussi chère que se peut.
Absous dans la danse du rasoir, lavé par l'épaisse et fluide liqueur de ton sang, tu papillonne couché sur le parquet. Tes chairs léthargiques se vident et refroidissent, mais tu es chaud encore, vivant- souffrant. Ce n'est qu'un synonyme. Cependant, tu es déjà gisant, pantonyme du cadavre que tu aspires à devenir.
Il fut si simple de trancher la peau fine d'un poignet, de tracer ce sentier rouge de ton coude jusqu'à ta main, sur la peau de satin. Tout doux, moelleux et pâle comme de la pâte à biscuit, tu souris, grimace barbouillée d'une noirceur dégoûtante sur ton teint sépulcrale. Dans tes frusques déchirées et cliquetantes, tu ouvres un regard fasciné sur le monde qui s'endort, éclaboussé d'ombres empoussiérées, et tes cils lourds de mascara ont l'air de se tendre vers cette perdition- de vouloir en attraper quelques fragments tremblants, oscillant tristement face à ta gueule mourante, pommettes d'un blanc trop pure, sale et larvaire, un cou marmoréen dont les veines s'éteignent les unes après les autres, comme les fresques oubliées d'une colonnade antique. Sur tes bras, les enluminures délicates et bouillantes ont laissé place à un gâchis brouillé, qui vomit doucement sur le parquet ciré des filets de sang poisseux.
Tu meurs, gamin. C'est finit pour toi, et personne n'en sait rien ; pas encore. On trouvera ta carcasse, couchée là, immonde et rigide, d'un pâleur létale sur tes frusques gothiques. On jettera un regard troublé sur tes lèvres saccagées de maquillage, sur tes paupières plus fines qu'un papier calque vierge. Et là, l'épidémie répugnante de tes cheveux noirs défaits, flottant dans ton sang immobile, si rouge, si amer.
Ton corps finira dans une boîte. Et des clous, et des ombres. Ténèbres solitaires au sein d'un grand silence, à peine altéré par le bruit des insectes.
La lumière des néons grésille une dernière fois, un doute passe comme une balafre au cutter sur ton visage serein, puis les ombres tombent sur ton corps suicidé. Dans une dernière certitude flageolante, tu souris, perclus de peur, d'excitation et de regret : ce monde avilis ne t'aura pas souillé. Oh, peut-être l'aurais-tu voulu, au fond, être salis par les doigts gras du monde, tâché, mis à bas le sol poussiéreux, par la moiteur de ses trivialités sensuelles... Le monde et ses mille mains, ses lèvres mafflues, les caresses libidineuses du monde, les souffles tranquilles de l'été, l'éjaculation florale du printemps, l'opulence indécente du monde, le monde dont tu te prives... Qu'importe, il est trop tard maintenant.
Tu meurs, ange de pureté, et devant toi, il n'y a plus que le vide, si réconfortant au regard du futur... Ton existence manquée sanglote une dernière fois, ton cœur s’essouffle, suffoque, puis tombe, froissé, comme un dessin d'enfant foulé d'un pied d'adulte. Ta vie trébuche et disparaît. Le rideau est déjà tombé, tu t'étouffes à l'intérieur de ses replis ouatés.
Tu es partis sans dire un mot. A peine un doux soupir.Tu avais sûrement tort. Mais désormais, ça n'a plus d'importance : tu cherchais le soulagement d'une trêve ou d'une résolution, tu as trouvé l'oublie du néant. Là-bas, tu ne ressens plus rien, tu n'existes même plus.
Ton nom apparaîtra en petites lettres noires dans la rubrique nécrologique, guirlandes imprimée de syllabes anonymes. Bravo mon grand : voilà la dernière ligne du petit drame poussif de ta vie misérable.
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