"Nous n'avons pas peur que la nuit vienne..."
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[cite]Nul part ailleurs.
Nul part ailleurs que dans cette vieille auberge, aux murs de bois sombres, avec ses fenêtres de verres, rendues grises par la poussière. Nul part ailleurs que dans la salle peut fréquentée, désordonnée, près du feu ; près de cet homme habillé de noir, qui observe les flammes en caressant tendrement, ce chat au pelage argenté. Nul part ailleurs qu'assis sur le fauteuil couleur réglisse, rembourrée, dégageant l'odeur du vieux cuir..... Nul part ailleurs, pour entendre les sombres récits offerts à l'exclusivité, de cet être disant venir d'une histoire inachevée.....[/cite]
Emphase.
Vois tu la lune qui brille avec mélancolie dans le ciel d'encre ?
Vois tu les étoiles peinées qui sillonnent les cieux, comme cent larmes de lumière ?
Vois tu seulement le monde morne et gris qui t'entoure ?
Observe mieux, décèle la tristesse derrière le sourire faux, cherche la laideur dans la beauté d'une image, ne regarde pas l'orange, concentre toi sur les mornes couleurs qui parsèment le paysage embrumé.....
Quand le ciel alourdi et l'aquilon s'unissent pour laissés tombés la pluie froide d'une grise journée. Alors est venu le temps de la laissée filée.....
Allégories.
La vie est pareille à un bibelot.
Quelqu'un l'a brise, et nous, nous essayons de recoller les morceaux, avec un scotch de la marque "Bonheur." Un grand "B" est de rigueur. Quelques fois, l'on réussit à faire attention- le bibelot reste intacte.
Mais d'autres, ne prêtent pas attention à leurs gestes. Le bibelot tombe. Alors, l'on ne peux plus les recollés. Le temps est passé. L'on n'a plus de scotch. On ne retrouve pas la marque utilisée. Rupture de stock ?
Les bouts attendent donc dans un placard, prennent la poussière. On les oublies.
Puis l'on les retrouves.
Seulement, nos mains ont oubliées la forme du bibelot. Elles n'arrivent plus à assemblées les fragments. Alors, l'on les jettes à la poubelle, et ils finissent broyés.
La sombre conclusion de cette constatation, serait peut être celle ci :
Mieux vaux être fait de fer ou bois que de céramique. L'on peut être fort d'apparence, avoir l'air solide, mais seules les épreuves endurées, prouvent la résistance d'un bibelot.
Pourtant même ainsi, viendra le temps de l'oublie.
Soyez en fer : Ce sont la rouille et l'érosion qui vous corroderont. Elles ont plusieurs noms, les reconnaître n'est donc pas chose facile. Une seule chose à faire, pour réduire les dégâts de ces deux attaquantes : Trouver la chaleur. Fondre, et se laisser remodeler. Prenez seulement garde, à ce que le fer n'oublie pas sa forme première.....
Soyez en bois : Les termites vous rongeront lentement, jusqu'à ce que les champignons viennent jaunirent votre grain. Bien-sûr, un ébéniste à la main assuré saura tailler votre l'écorce avec vénusté.
Mais que ferez vous ensuite des copeaux restés au sol ?
Oui, alors peut être, me direz vous, qu'être fait des céramique est bien plus avantageant- bien moins douloureux.
On ne se brise qu'une fois, et les ravages du temps n'y sont pour rien.....
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Ses ailes battirent faiblement, mais la peur fut plus forte. Elle s'envola dans un bruit de froissement des fines membranes argentés qui surgissaient de son dos sombre. Ses courts bras tendus vers l'horizon, la sacrifiée s'éleva dans les airs, poursuivie par le martèlement des marteaux sur le fer, derrière son futur qu'elle avait précipitée en fuyant de l'enfer. Espoir enroula ses cheveux blancs autours d'un de ses poignets, poursuivit par la peur qu'on attrape sa chevelure pour la ramener vers les flammes dans lesquelles on brulerait son âme. C'est grâce à ça qu'elles duraient si longtemps. Quand le feu consumait un esprit, il prenait son temps de vie. Son temps de penser. Et l'on pouvait battre le fer plus longtemps. Alors on dépensait moins d'énergie. On allait plus vite.
Tout pour le profit. Tout.
Même la vie. Pas les leurs. La sienne. Celle de ses sœurs. Celles de ceux qui couraient dans les airs. Celles du peuple qui vivait dans les îles dérivants dans les nuages. Offertes en holocaustes.
Tout pour le profit. Tout.
Espoir savait maintenant. Mais pas les autres. Il fallait partir pour les prévenir. Pour qu'eux aussi ne finissent pas enfermer dans les flammes. Puis dans le fer enchanté. Tant d'âme brisées, fracturées et emprisonnées pour le profit.....Et la guerre. Pour leur guerre. Pas la sienne. Pas celle de ses sœurs. La leur. C'était à cause d'eux. Pour le métal doré qui dormait sous la terre. Ils l'arrachaient à leur mère la pierre, et le faisait fondre.
Pour le profit.
Et le profit déclenchait la guerre. Pour le métal. Le métal faisait le profit, puis le profit, la guerre. Pour la guerre, il fallait de armes, rapidement. Alors ils volaient l'âme de celles de son peuple. Puis, ils la jetait aux flammes. Les flammes la dévorait, et duraient plus longtemps. Donc moins d'énergie à créer. Des armes, plus vite. Et des lames enchantées. Les âmes dans le feu s'attachaient au fer et.....Elles entraient dedans. A cette pensée, des larmes de colère perlèrent de ses yeux. Elles roulèrent sur ses joues brunes, scintillèrent un instant, puis le vent les emportas. Derrière Espoir, l'alerte fut lancée. La fë battit frénétiquement des ailes, et se propulsa vers le ciel, les épaules tendus, les bras étalés le long du corps. Des aigles de fers furent lancer des forges, et la panique l'envahie. Elle descendit vers le sol, courant sur la pente de l'air en laissant un sillage d'argent crépitant derrière sa course effrénée, désespérée. La roche se rapprocha. Espoir cria, et ses cheveux blancs quittèrent son poignet. Un aigle lui lacéra le dos- elle dégringola. Une faille l'accueillit, et la fë se recroquevilla contre une paroi, le souffle court. Les rapaces de fers tournèrent au dessus du troue. Le temps qu'un humain arrivent, ce n'était qu'une question de temps.....Elle était en sursit. Elle le savait. La mort jouait. Bientôt, sa vie serait consumée. Pour le profit. Alors Espoir ferais ce qui devait être fait. Elle mourrait.
Mais pas dans les flammes, pas pour le profit.
Et pas pour rien. La fë demanda à la pierre de portée sa voix à ses sœurs. La roche lui chanta sa lamentation, et déplora, la perte de l'or qui avait dormit en son sein. Elle sanglota pour la douleur qu'on lui avait infligée. Puis sur la souffrance que les humains lui avait dispensée, pour leur vanité. Espoir écouta. Elle lui parla du feu. Alors la pierre accepta de l'aidée. Et, dans les cages du camps, les fës brisées l'entendirent : "Ne vous inquiétez plus. Ne vous croyez pas seul mes sœurs. Ne pensez pas que vous n'avez plus rien. Vous m'avez moi. Et je vais donnée le message aux autres. Vous m'avez moi."
Peut être que cela ne servirait à rien. Mais elle aurait essayer. Elle aurait essayer de leurs redonnées le courage de se rebellées. Puis, pour soustraire son âme aux flammes, la fë se colla à la roche, et lui demanda de bougé pour formée un pic. Et la pierre l'écouta.
Alors même qu'Espoir mourrait dans la faille, et que les humains partaient à sa recherche, dans la cage, les fës chantèrent.
"Nous avons Espoirs. Nous avons Espoirs."
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-Pourquoi ?!
La pluie battante glaçait sa peau, s'infiltrant sous les haillons qu'il portait. Mille épingles éphémères qui venaient mourirent sur lui, éclatant en une infinité de gouttes agonisantes, sous le supplice d'un contacte mortelle contre sa peau si blanche. D'autres se perdaient dans sa crinière de feu, perlant de ses mèches, jusqu'à l'extrémité fatale des cheveux ondulés, qui tombaient sur ses épaules agitées de faibles soubresauts. Celles ci connaissaient leurs fins sur les pavers fracturés d'un sol briser à l'image du ciel rompus, qui lâchait son eau comme une plaie béante se vidait de son sang. En plus des gouttes passagères du monde, qui coulaient des cent ventres déchirés de nuages gris défigurés, des larmes se faisaient leurs chemins vers la mort, dans les creux de son visage émacié.[/cite]
POURQUOI ?!
[cite]Elle le répéta, encore une fois. Plus fort. Avec plus de colère. La prochaine fois, se serait la haine qui habiterait sa question pourtant si simple. Mais, il ne voulait pas y répondre. Il n'avais pas envie. Il avait ses raisons pour l'avoir fait. Et elle, avait ses raisons de vouloir savoir. Ses raisons de le haïr. Il les avait tous tromper. Si il y'en avait eut un seul.....Mais ils étaient tous passer sous la roue. De l'autre côté. Sur la face qui s'appelait Mort. A cause de lui. Mais, il n'était pas sûr de le regretté. Il l'avait fallu. Pour lui.[/cite]
POURQUOI !
[cite]Ce n'était plus une question. Le fracas de la pluie se figea, et son monde s'écroula. Sa vue se fractura, dans un ultime hurlement déchirant, des milles gouttelettes qui criaient à l'unisson grâce au ciel, de vouloir arrêter son massacre. Mais le ciel tomba lui aussi. Les gouttes avaient leur revanche. Elle aussi. Le couteau quitta son ventre dans un raclement métallique. Ses circuits perdaient leur huiles. Les gouttes se déversèrent dans son estomac, en criant leurs suppliques avant de s'évaporées sur son circuit interne, en des nuages de vapeurs qui montaient à l'assaut du ciel dans des soupirs de délivrances. Si ses fonctions motrices ne l'avaient pas lâchées, il aurait sourit. L'huile se mélangea à l'eau, et des rivières hétérogènes s'écoulèrent sur les paver gisants qui soutenaient sa charpente métallique couverte de peau. Le gargouillis du liquide qui se frayait un chemin vers la terre qui dormait sous la pierre taillée, couvrit l'ultime crissement des roues qui tournaient dans la machine humaine.
Mais, ça, les nuages n'en avaient cures. Ils continuèrent à déverser leurs mer intérieur.
Laissés en cours.
Sa larme roule, reflète et brille. Elle laisse une partie d'elle même sur sa peau blafarde, sillage humide, luminescent, sous la lumière argenté de la Lune. Elle se suicide, chute et s'écrase sur les mailles carmines qui drapent ses épaules. Tâche foncée, éclatée sur le haut de laine rouge.
D'autres la suivent. C'est un génocide. La femme pleur, et tue ses larmes en les rejetant de ses prunelles. Elle les abandonnes à leur sort, dédaignant cette eau qui mouille d'habitude les orbes jumelles de son regard pétillant. Il miroite maintenant de larmes. Mais plus pour longtemps. Elle aura bientôt finit de les verser.
Et il faudra relever ses genoux de Cette tombe.
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Sous le ciel gris, dans une allée.
Une seule femme vêtue du noir, agenouillée devant la pierre tombale.
Elle pense à la mort injuste et lente, qui a fauchée son frère. Un cancer, maladie meurtrière, s'étant jetée, avide de tuer, sur l'être aimer.
La pluie martèle le sol, crépite sur le cimetière.....
A l'image de la femme, le ciel pleure, pour accompagner l'épreuve du deuil, de ses propres larmes célestes. Mais à quoi bon ? Les cieux pouvaient sangloter, mais seul la femme devrait endurée le vide opéré par la mort.
Le ciel n'était qu'une parodie de sa tristesse ; la vie une longue blague cruelle....
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La mort le cueillit en vol.
Le dernier vole de Jean, fut stoppé par cette accrochage.....
Il ne toucha jamais le sol.
Car alors, qu'il chutait, ses cheveux noirs fouettés par le vent, sa cravate bleu lui cinglant les joues, un autre corps le percuta.....C'était celui d'un homme svelte, en tenu de travaille. Uniforme bleu, chaussures sombres et laquées, des cheveux noirs brossés, raplatit avec soin, une raie bien nette sur le milieu.
Le genre de personne que Jean détestait.
Le genre de personne, qu'il était.....
Car, c'était son corps, qui venait de le heurter.
Jean traversa une vitre, et s'écrasa contre un bureau.
Les cris des employés ne furent rien, comparés aux cloches qui sonnaient avec frénésie, à ses seules oreilles.....
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Bruit discordant de mille carillons glaçants.
Le vacarme douloureux se répercutant dans ses os...... Sa chaire torturée frémissante, sous les draps blancs, pareilles à des serviettes froissées. Lent supplice de mort, douce chute vers cette apogée de souffrance ; il était entraîner vers sa fin, avec une tendresse passionnée......
La mort se plaisait à prendre sa vie.
Elle ne se modérait pas, embrasant chaque partie de son corps mutilé, le transportant ensuite dans la volupté de l'oublie, pour mieux le ramener à son tourment. C'était d'une cruauté exquise, si douce, si indolente, qu'elle en devenait nécessaire à la vie. Chaque fibre de son être réclamait cette douleur. Elles désiraient ardemment souffrirent, s'enflammées pour lui faire subir un supplice sans fin. Un supplice à le rendre fou.
Fou d'amour de cette douleur, fou d'envie qu'elle continue.
Encore, encore, toujours, plus forte, plus lente, jusqu'à l'extase, jusqu'à la mort.
Pendant un mois, son supplice le combla.
Puis ce fut la fin.
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Le jeune garçon observait l'écran.
Il ne savait pas ce qui le retenait devant la machine, il ne savait pas pourquoi ses yeux restaient fixer sur le rectangle lumineux. Son esprit avait il donc été happer par cet ordinateur ? N'était il plus que l'ombre de son ombre ? L'absence de substance à son niveau d'inexistence le plus bas ? Si bas que personne ne décelait le frémissement qui agitait la chose qu'il était devenu ? Les ténèbres de sa chambre en venaient à l'avaler, à se mêler à lui. L'obscurité avait happer sa raison. Pour cela, le jeune garçon restait fixer sur l'écran lumineux : Là résidait la seule lumière de son univers d'ombres.
Une pensée, une image.....
Elle dansait seule, les moignons de ses pieds virevoltant avec grâce au dessus de l'infinie damier. Un carrelage sans fin qui composait l'unique sol de ce monde. Tout était vide. Il n'y avait que l'horizon blanc, dont une lumière diffuse sourdait, floutant perceptiblement le lointain, et sa danse gracieuse, que le bruit des chaînes rythmait.
Depuis les deux extrémités arrondies qu'étaient l'apex de ses bras, une suite de maillons de fer formait un arc glacé. Il prenait naissance dans la chair même de la ballerine. Il reliait ce qui aurait dût être la naissance de ses poignets. Mais il n'y avait que de la chair pâle et lisse, se prolongeant en un semblant de membre, depuis la robe grise loqueteuse qui couvrait son corps maigre, tissu sombre décharné dont les bords déchiquetés pendaient de façon misérable. Puis la chaîne qui entravait à jamais ses mouvements, liant ses bras en une éternelle morsure. Le fer glaçait toujours son derme, ses os, crocs métalliques dont la froide présence s'étendait jusqu'à ses épaules étriquées. Pour se réchauffer, pour oublier la violente douleur, elle dansait.
C'était une femme sans nom, sans esprit. Elle n'était qu'une âme suppliciée, une ballerine du néant qui définissait le temps, de ses gracieux mouvements. La beauté de sa solitude n'avait pas d'égale. Il n'y avait rien pour s'y opposer. Tout était froid, tout était vide. L'univers entier semblait creux. Dénué de sens. Sa danse s'imposait, unique vérité en ce monde au delà de tout. Il fallait au moins une existence concrète, qui affirmerait celle de tout le reste. Une existence pour donner consistance au néant. Une femme torturée à jamais. Cela suffisait.
Une ballerine dont la danse ne s'achèverait plus. Le bruit des chaînes aussi. Les chaînes tyranniques qui faisaient se cabrer la liberté... Qui retenaient le paradis.
Une femme pour définir tout le reste. L'enfer, l'existence, l'inexistence et la félicitée. Tout au fond d'elle, un autre monde dormait. La terre promise. Son cœur creux accueillait mille esprits, pour l'emplir, la gonflée... Mais, en ce cas, un jour, ne serait-elle pas pleine ?
Tout n'était qu'une question de temps. Quand la mort l'aurait emplit de vie, les chaînes se briseraient. Le monde tomberait, et la réalité entière basculerait dans son corps.
Une unique existence, pour définir tout le reste. Les autres n'étaient qu'un combustible.
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La vitre est couverte d'une fine pellicule de glace qui distille la lumière des lampadaires, en de vagues lueurs jaunes, diffusées par cette eau gelée qui s'est cramponnée aux verres de la voiture. Je fixe pourtant le paysage qui défile derrière, silhouettes ombreuses et halos tamisés par le givre. Même si je ne la vois pas, je sais que la ville est couverte de neige. Décembre reste fidèle à son annuel miracle. Il me suffirait de tourner la tête vers le pare brise, balayé par deux essuie-glaces chuintants, pour avoir un aperçu du paysage immaculé. Mais je reste fixé sur la fenêtre occultée, absorbé par cet univers d'étranges lueurs et d'ombres qui se suivent. La radio babille gaiement, bien que personne ne l'écoute : Mon père conduit, perdu dans une rêverie semblable à la mienne, et moi j'observe la glace, muet. C'est ainsi que se déroule les matins de Décembre, sur le trajet du collège.
J'aime ce silence. Il me laisse le temps de méditer sur le monde, là dehors, qui dort sous sa couverture de givre. Aime t'il ce contact glacé ? Peut être l'hiver n'est-il qu'une période de repos pour la Terre fatiguée ? Elle se couvre de neige, pour échapper au soleil. Comme nous, avec nos paupières fermées. Nous cherchons tous les ténèbres pour nous endormir. C'est apaisant, le sommeil. Le monde est serein. Tout le monde rêve sous les flocons qui dansent. Le tourbillon poudreux n'en finit pas de déclamer la poésie de la saison froide dans nos cœurs.
Le mouvement berçant du véhicule se stoppe. Je cligne des yeux. Nous sommes arrivés. J'ai finis de penser pour ce matin. Je m'empare du carnet sale et déchiré qui repose sur mes genoux, ouvre la porte, puis sort, en laissant un au-revoir planer dans la voiture ronronnante. L'air froid mord ma peau qui en frémit doucement. Je mets mes jambes en marche, vers la grille ouverte du collège. La surveillante, emmitouflée dans son manteau noir, une écharpe bicolore masquant son visage rougit par le climat glaciale et sec, commence à refermer le portail vert. J'accélère le pas, clame un "bonjour" poli, puis m'engouffre dans la foule des élèves. Des flaques d'eaux pleines de débris givrés craquent sous les semelles de mes chaussures poussiéreuses.
Je me range avec les autres dans un rang bondé, en entamant une conversation distraite avec mon ami, qui tout sourire, enchaîne une suite de mots qui sifflent déjà dans mes oreilles. Je lui donne sur le bras un coup mollasson, sans entrain, après qu'il ait comme à son habitude, vilipender sur une fille seule, à l'écart de notre classe, que je m'efforce vainement de protéger contre les paroles cruelles de mon camarade. Rien à faire. J'en perd le gout, de cette bataille sans fin. De toute manière, mes pensées se tournent encore vers la glace couverte de givre.
Je voudrais bien dormir sous la neige, moi aussi. C'est fatiguant, une journée à rêvasser, assis sur une chaise, la tête gonflée à l'hélium, qui s'envole dans les nuages gris, là, au milieu du ciel d'hiver qui s'étend, métallique. Je soupire intérieurement, tout en échangeant quelques mots avec mon ami, remerciant tout de même le destin de cette compagnie de fortune, certes, à la langue fourchue, mais toute de même providentielle pour le solitaire lecteur que je suis. J'abandonne mes rêves, sourit, et entame une discussion oisive avec lui.
Bon. Après tout, c'est ça la vie. Enfin, la mienne en tout cas.
De toute façon, j'ai une heure d'Anglais pendant laquelle rêver silencieusement.
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Le dernier pétale se détache du pistil sec. Brun et racorni, vestige d'une vie aujourd'hui pervertit. Il chute doucement vers la terre infertile, entamant lui aussi le dernier voyage que ses sœurs ont entreprissent. C'est ainsi qu'on finit en tant que pétale. La vie est ingrate, alors on tombe sous l'injonction d'une brise, d'un soupir, et on finit couché sur le sol mortuaire, avec les autres, toutes celles qui ont déjà péri de la main du vent, ce cruel satyre qui s'en va de plantes en plantes en les faisant ses amantes. Un cavaleur dont les brises se baladent jusque dans les jupons des jeunes marguerites. Il glisse sous les corolles en les caressant, lubrique. Il les enjôle, les emmène danser dans les airs, tournoyer dans le monde. C'est l'extase d'un instant.
Mais juste instant. De toute manière, quelle importance ? Le pétale, le dernier à tomber, celui-ci, il n'avait pas suivit le vent dans sa folle griserie. C'était une jeune femme timide, pleine de sentiments qui s'éveillaient à peine. Elle était séduite, sans doute, mais n'était pas prête à se laisser emporter. La rougeur facile, le sourire timoré. C'était le plus rouge de tout les pétales de la rose. Même brunie par le passage du temps, tannée par les mois, même sec, elle restait plus écarlate que toutes les autres.
Le vent revint de son long voyage, après qu'elle soit tombée sur le sol friable. Il la vit, là, abandonnée au pied de la tige amaigrie. Elle était vieille, ridée. Lui n'avait rien perdue ni de sa salacité, ni de son énergie. Mais savez-vous ? Aux yeux du vent, toutes les femmes sont belles. Il l'emporta dans sa danse, pour rien qu'une fois, lui faire découvrir la griserie d'un vol qui ne se finit jamais... Me croirez-vous, si je vous dis que depuis, elle n'a pas quitté cette brise ?
Il y'a toujours un pétale, là, dans un souffle, qui danse jusqu'à la mort du temps.
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La bannière flavescente de sa chevelure ondulait sous les caresses du vent.
Elle habitait la noirceur de la nuit, étendard solaire que la maîtresse des ombres paraît de reflets argentés. La douce lumière de l'astre du soir glissait sur les mèches épaisses comme l'aurait fait la main d'une amante. Le vent y jouait doucement, éternel enfant qui courait le ciel et la terre en y laissant le doux soupir de son candide passage. La nuit était belle et chaude.
Le monde endormi pulsait au rythme d'un cœur qui rêvait. L'onirique imposait son empire de douceur aux enfants qui se couchaient dans leur lit. C'était une ville pleine de songes caressants. Les jeunes filles et garçons qui s'en allaient visiter les contrées de Morphée, partirent heureux vers leurs songes pastels, aquarelles et enrobés de soie.
Quelle paisible vision, n'est-ce pas ? Le monde était en paix, pour cette nuit au moins. Tout était beau, tout était agréable. L'air même semblait porteur d'une fragrance suave.
Mais qui parlait de la jeune fille, qui se souciait d'elle ? Elle aussi était belle. Un ange sous les étoiles. Son visage velouté, ses longs cheveux dorés... Mais elle n'avait pas d'ailes. C'est sur cela qu'elle comptait pour mourir.
Elle était assise sur le rebord granuleux du toit. Elle fixait le vide, en bas, la chaussée silencieuse qu'un lampadaire éclairait ; ce trottoir qui attendait son corps, l'invitant à se laisser porter vers l'avant. Il suffisait de se pencher. Et elle oublierait tout. La vie. La peine. Toute la peine. Toute les larmes versées. Ce soir était si beau ! Il était parfait pour mourir.
Les enfants dormaient comme il le fallait. Les couples regardaient un film drôle, comme il le fallait. Les familles étaient toutes comme il le fallait. Sauf la sienne.
Manon sentit une perle qui glissait sur sa joue. Un bille d'argent liquide que la Lune fit scintiller avec mélancolie. Encore une larme.
Elle se laissa basculer en avant, ange du soir dont les ailes s'étaient enfuies.
Ange qui voulait regagner le paradis en cette douce nuit.
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La plaine d'herbe rase s'étendait jusqu'à l'horizon- et bien plus loin encore.
Le soleil embrasait ses contours, faisait du lointain, une suite de lignes incandescentes, qui se mouvaient lentement sous la caresse du vent, souffle serein survolant le défilé des brins alignés. La nuit, indolente, commençait sa descente sur le monde. Elle serait bientôt là, couvrant le ciel de sa longue parure de velours noir, à laquelle s'accrochaient mille larmes que la Lune avait versée depuis déjà bien des éons. Le maître des cieux laissait la place à sa fille, princesse des ombres et grande guide des étoiles, baroudeuse nocturne qui s'en allait du palais des Astres Rois, pour courir la nuit durant dans les cieux infinis.
Mais pour le moment, c'était encore au crépuscule d'occuper le ciel. Il rougeoyait doucement, étreignant une dernière fois le cœur des créatures terrestres, qui l'observaient depuis leurs masures en paille sèche. Des enfants collés aux vitres d'un carrosse, un fermier assit sur une souche, qui profitait de son repos, gourde en main, son fils appuyé sur une pèle, à ses côtés, compagnie silencieuse mais chaleureuse. Et cette femme qui donnait la vie, là, quelque part dans un village qui attendait lui aussi la nuit. On souhaitait de beaux rêves au Veilleur des Récoltes, qui dispensait gracieusement ses rayons au monde d'en bas, cette terre perdue dans le vide, où pulsait l'existence, les sentiments, et milles âmes battant à l'unisson, toutes par l'intermédiaire brulant d'un cœur qui chantait la jouissance de la vie.
Partout sauf sur la plaine d'herbe rase, où le dernier soldat agonise en paix. Le silence est tombé après le concert des lames. Les cris se sont tus, et les chevaux gisent sur leur cavalier.
La nuit tombe, et la Lune qui court pleure une fois de plus sur le sort des hommes.
Une étoile nait au dessus du champs de bataille, lueur tremblotante qui chantera pour les morts. Le charnier aspire sa voix. Il n'y a que du silence, là où la mort s'installe.
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Il faut se relever mon ange.
Repousse les ombres qui veulent te voler la vue, épouste la poussière de ton haut, lisse en les plis, ravale tes larmes et pousse sur te petits bras, pour échapper au sol granuleux qui te mort la peau de ses cruels reliefs. Allez, échappe toi avec plus de prestance. Ne trébuche plus, ne laisse plus tes orteils engourdis te conduire vers le goudron noirâtre, fait s'échapper la maladresse de tes pas, et cours, cours de tout ton soul, de toute ta force, avec les plus grandes foulées de ta vie, cours vers la lumière et envole toi. Laisse les ténèbres derrière toi, mon ange ; ils ne sont pas là pour les petits garçons. Tu ne devrait pas avoir si froid, pas ici, pas en ces lieux insalubres à l'âme innocente d'un enfant. Ils vont te gangréner mon ange. Ils vont dévorer ton esprit, aspirer la chair de ton corps, sucer tout ton sang, puis ils te laisseront là, comme un os duquel ont aurait extrait toute moelle. Tu seras vide, tellement vide que le vide lui même aura peur de toi, et tellement triste, tellement plein de larmes que tu n'as pas put faire couler et que tu ne peux plus laisser cascader de tes joues, parce-que tu n'en a plus, ni de joues, ni de pupilles, et plus de langue pour les gouter et savoir si elles sont sucrées, tu auras tellement peu, que toute ces larmes vont remplacer ton âme, et que tu vas déborder. Il y'en aura par ton nez, comme du sang. Il y'en aura par tes oreilles, comme du sang. Il y'en aura par ta bouche, comme du sang. Mais tu n'auras plus de sang. Alors tu pleureras par les mains, pour montrer que ça n'en est pas. Et tout ton corps suintera de larmes. Elles s'échapperont de partout, de toute ta peau.
Et, tu-sais mon ange ? Tu vas fondre. Tu seras comme un bloc de glace chauffé de l'intérieur. Et toute l'eau qui va t'emplir, elle va te liquéfier, te mêler au reste de toi qui coule le long de toi. Toi et tes larmes, vous serez confondus plus parfaitement que jamais. Toi partout. Toi qui s'épand sur le sol. Toi qui coule. Toi fondu qui ne peut plus s'échapper.
Non, non, il ne faut pas. Cours mon ange, cours.
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Elle s'envole vers nulle part, là où le monde est plus beau. Elle cherche un rêve. Elle le poursuit dans le ciel gris, pour ne pas le laisser s'échapper. Elle a peur que les nuages ne l'avalent. Ce serait trop bête. Un grand gâchis. Un peu d'une âme, de perdue. Là, dévoré par l'orage. Même si de toute façon, il finira par se délier. Oui, c'est evanescent un rêve. Mais peut être qu'en ayant un grand bocal, on peut l'emprisonner ? Est-ce que c'est beau un rêve qui tourne ? Est-ce que ça a des nageoires ? Il lui faudra peut être de l'eau. Alors, elle va d'abord s'envoler vers la mer. De toute façon, il ne peut pas lui échapper, ce rêve.
Après tout, c'est le sien. Rien qu'à elle. Personne ne lui prendra. Pas même l'orage.
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Je souris au vent, quelques fois. Il me répond d'une caresse. Et nous valsons ensemble. Les feuilles dansent d'un même mouvement. Tourbillon d'air et d'ocre, sous le ciel gris d'automne. Mais il tombe déjà. Le souffle qui l'anime l'a abandonnée. Oui, déjà. C'est tout ce qu'il avait à dire, parce-que ça n'a pas été plus qu'un souffle. J'ai valsé dans le vide pendant cinq secondes. C'était agréable, même si ce n'était pas vrai.
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C'en était trop que de ce silence. Il déchargea son cœur en un hurlement de souffrance. Il agonit le vide d'injures, l'emplit de son cri de haine, de désespoir et d'impuissance. Le vent emporta sa douleur, brise soupirante courant la terre et les cieux, depuis les éons que brulaient le soleil. Elle fit se perdre ses paroles dans le monde si vaste, trop grand pour deux yeux, deux jambes et une seule personne. Une seule personne, perdue dans son propre espace, n'osant sortir du cercle de pierres grises qu'elle a elle même disposée soigneusement, pour s'enfermer et ne pas avoir à poser ses minuscules prunelles sur l'univers trop vide et trop large. LA personne qui se trouve être UN homme. Enfin, pas vraimment, pas encore. Seulement une sorte de prélude aux épaules étriqués, aux cheveux touffus et aux lèvres sèches comme du papier calque, de la même couleur, avec la même opacité, mais plus épaisse, qui laissait filtrer moins du carmin des deux collines pulpeuses, collées l'une à l'autre, scellant ses paroles, son âme ; sa vie sonore.
Un adolescent. Cet étrange animal, d'habitude bruyant, légèrement difforme, encore à demi tendre, pas tout à fait adulte, mais plus vraimment enfant. Un bête sauvage, imprévisible.
Mais pas celle ci. Pas lui. Il c'est assit, et ne bouge plus. Il a croisé ses longues jambes, courbé son dos blafard, et caché son visage entre ses bras fluets. Ses doigts sont allongés, maigres, et ses ongles jouent aux pelures de pomme de terre. Lui, il joue au cadavre. Peut être un peu au squelette déguisé en humain, avec de la peau, des cheveux, mais plus d'âme ni de vie.
Ou un ersatz livide, exsangue. Comme lui, qui a trop crié et trop attendu, avalé trop de silence, et c'est noyé au milieu de nulle part, au milieu de la solitude et de l'horizon réduit qu'il s'est posé, comme pour se suicider. Au milieu de lui même.
Il ne se relèvera plus, maintenant. Il a donner son dernier souffle au vent. Et il le lui a volé. Le hurlement a tout emporté. Son cœur était trop plein de ces choses que l'on veut voir disparaitre, d'un geste ou d'un cri dérisoire. Avec, tout le reste est partit. C'était bien peu, et trop léger pour résister à l'attraction des autres sentiments. De toute manière, même si tout n'était pas lié, ils étaient foliaires. Une brise aurait suffit pour les soulever de son cœur.
C'était un combat vain, sa vie à lui.
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L'ombrelle tournait sous le ciel d'orage, coupant le flot d'eau froide que versait les nuages sur la ville. Fleur de toile mauve déployée par une charpente de métal famélique, elle dansait doucement au rythme de la rotation des poignets de sa porteuse. La nuit rôdait autour de la femme fragile, glissant en ombres voraces le long des murs et de la chaussée. Elle, préservée de la noirceur rampante, tournait dans la flaque de lumière qu'un lampadaire répandait sur le sol, à ses pieds et sur son ombrelle, en des sillons jaunâtres qui se faisaient des nervures sur la toile et entre les milles graviers qui composaient le bitume.
La nuit pouvait rugir et galopée, envoyée des bêtes de métal crissant à moteur pour lui enlever de sa candeur, mais elle continuerait de danser. Seulement dans la lumière. Seulement sur cette scène qu'un lampadaire étendait autour d'elle, intangible mais présente à ses yeux. C'était important pour elle. Il lui fallait cette lumière.
Qu'importe les regards des ombres grises qui passaient autour d'elle ? Que le monde la juge. Cette danse n'appartenait qu'à elle après tout.
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Il y'avait une lumière dans la nuit. Et une femme qui dansait. Il s'approchait d'elle. Il allait passer près de cette ange qui bravait la pluie froide, fendant la salve du ciel de son ombrelle mauve. Il allait lui parler, lui sourire, ou se joindre à elle. Peut être même l'embrasser. Il allait prendre le temps de la comprendre et de l'apprécier. Il lui suffirait d'un pas dévié de sa trajectoire, pour rejoindre la lumière. Un pas qui pourrait changer cette nuit de solitude.
Un pas qu'il ne fit jamais. Il lui jeta un regard qu'elle ne croisa pas, puis continua son chemin d'ombres et d'eau froide. Ce serait une autre nuit qu'il rejoindrait la danse. Ou il passerait à côté en s'imaginant le faire.
Cela prendrait moins de temps.
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Elle ne savait pas encore que les ombres voulaient la noyée.
Elle avait trois ans, peu être et demie, mais pas plus. Des cheveux bruns, deux prunelles vertes, couvertes par des paupières aussi beiges que le reste de son visage reposé. Deux mains encore engourdies par son jeune âge, posées sur son petit torse. Un pyjama rose. Une pose de morte, de Belle Au Bois Dormant. Une chambre douillette, tapissée de moquette bleu, et des murs à rayures pourpre. Un petit bocal sur lequel tombe des rayons de lune. De la poussière qui danse au dessus de l'eau et un poisson rouge qui tourne. Et des ombres.
Beaucoup d'ombres, qui se terrent dans des angles, sous les chaises entourant une table en plastique ; tapies là où personne n'allait jamais les déranger. Le vent qui souffle sur des tubes de fer, qui tintent et chantent depuis le plafond. La fenêtre ouverte, par laquelle se répand le flot de la lumière nocturne, la luminescence blafarde de la pupille lunaire, l'orbe maîtresse des cieux, celle qui n'a cure du cortège d'étoiles qui paradent autour d'elle.
Et l'ombre qui se découpe sur le sol. L'ombre du chat au pelage sombre et aux yeux de feu, qui pose son regard d'enfer sur la fillette qui dort. Lucifer veille pendant son sommeille. Il écoute le chuchotement des ombres. Il attend qu'elles ne lui disent de bondir dans le lit entouré de barreaux de bois laqués.
Une injonction des ténèbres, et il sauterait sur le corps tendre et pâle. Un seul mot murmuré..... Et il déchirerait cette chaire d'enfant, pour en extraire l'organe palpitant, qu'il offrirait aux ombres de la débauche et de la mort.
Ses griffes luisaient sous la caresse de la lune, déjà prêtent à s'enfoncer, à saccager et à tuer. Il n'attendait plus que de pouvoir se baigner dans le flot carmin qui noierait les draps.
Mais pour le moment, la jeune fille dormait, et les ombres murmuraient encore.
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Elle n'était pas humaine, et je ne l'en aimais que plus.
C'était une femme de pierre, parée d'un voile de mousse qui couvrait son corps de statue grise. Je ne voyais pas les véroles sombres qui la marquait, et changeait la mousse épaisse, en une de ces robes que portent les grandes femmes qui défilent sous des flots de lumières dorés. Elle ne me parlait pas, et restait de marbre sous mes caresses. Mais je continuais de tourner autour d'elle, de faire la cour à cette mante frigide. Et toujours, je l'aimais. Je la noyais sous des baisers, et dansais autour d'elle. Je riais, seul dans le jardin à l'herbe foisonnante. Seul parmi les fleurs sauvages et la ronde des fontaines asséchées. Seul sous les ombres mêlées des grands chênes.
Et je tournais, toujours, autour de la statue parée de mousse. C'était mon bonheur, ma solitude heureuse. C'était ma danse en duo, que j'exécutais seul. Je donnais de la vie à la pierre inanimée, taillée puis abandonnée. Mon esprit allait habitait les trais gris de la statue. Je vivait pour deux. Et je tournais.
Toujours.
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La douceur d'antan n'est qu'une illusion, dont il faut se détacher au plus vite pour ne pas souffrir de la réalité, cruelle et vorace de souffrances. Certains ne veulent cependant pas les accepter. On les nommes "immatures" et on en les blâmes. Ceux qui affrontent le monde, eux, ne sont que les envieux de ces êtres qui ont gardé l'espérance d'un monde sans haine ni douleurs. C'est de la bêtise. Mais c'est si beau, parfois, un mensonge. Ça nous élèves par dessus les autres. On croit que le monde et sa laideur, sont à porter de nos mains avides. On ne pense pas que l'on puisse être stupide. C'est là, le statut privilégié "d'imbécile heureux". J'aimerais tant en être.....
Mais je ne vis pas dans le mensonge. Ou alors, peut être que si. Peut être ais-je tord. Sur tout. Et dans ce cas là, je ne fais partit que des imbéciles tout court.
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Pourquoi rouge ?C'était un mystère qui restait complet pour le docteur Mauc.
Il avait été voir bien des patients de Progogravie, mais aucun n'avait été aussi troublant, que Simon Martin. La plupart étaient atteints mentalement, mais jamais un interné ne s'était montré plus persévérant dans sa folie, que le jeune garçon. A sept ans, son obsession pour le rouge était d'une exceptionnelle ténacité. Il avait commencer par peindre son environnement ; d'abord avec innocence : De petites feuilles de papier, des bouts de bois, des coloriages..... Puis ses vêtements, les murs, le plancher, les vitres- sa peau.
Pendant la nuit, il se levait, lâchait des litres de peintures sur ses draps, sortait dans le jardin, puis versait du colorants artificielle dans la petite fontaine, repeignait les pétales des fleurs sous la lueur de la Lune..... Ses parents en eurent peur. Ils le laissèrent, seul, reclus dans sa chambre. Des jours pouvaient passés, sans qu'il n'en sorte. Mais le jeune garçon finissait par céder au besoin de se nourrir, et s'aventurait dans la cuisine. Il laissait des traces sanguines derrière lui, semblables à des pas sanglants. Où trouvait il autant de peinture ?
Personne n'avait résolu le mystère.
Simon Martin lui même semblait ne pas avoir de réponse à la question. L'extracteur spirituelle n'avait donner aucune réponse. Il en avait été de même pour le mobilisateur de pensées. Rien n'avait réussit à éclaircir la question. C'était visiblement des ténèbres impénétrables qui couvaient la réponse à l'interrogation..... Bien que cela ne soit pas gênant en soit, le docteur Mauc tenait à faire la lumière sur cette affaire. Progogravie était le plus grand institut de Bandornie, et son plus gros client. C'était ici qu'était logée la crasse qui rampait sur les trottoirs- tout les boulets qui s'attachaient à la société. Plutôt que d'entraver l'évolution de Bandornie, l'état avait décider d'interner les citoyens anormaux dans établissements spécialisés. Ne pouvant hélas tuer directement ces poids vivants, sans commettre un crime qui lui aurait valut l'exclusion de l'Union des peuples, le gouvernement les avais enfermer dans des instituions aptes à les maîtriser. Parmi elles, se trouvaient Progogravie, directement financée par l'état. Aussi, si jamais il s'ébruitait qu'un si grand établissement, n'arrivait pas à expliquer une chose en apparence si futile que l'approvisionnement en peinture, d'un gamin de sept ans..... Les journalistes se repaitraient de cette information comme des vautours ! C'en serait tôt fait de couvrir Bandornie de ridicule, qui fermerait alors Progogravie..... Et donc, le gagne pain du docteur Mauc. Il se jura de tuer le gosse, plutôt que de le laisser le mener à sa perte. Mieux valait ne pas résoudre le mystère, que de laisser s'ébruiter une rumeur qui serait fatale à sa carrière.
Henri Mauc entra donc dans la chambre numéro 333, et posa son regard sur son seul occupant. L'enfant barbouillait le sol de peinture, transformant la matière blanche moelleuse du sol, en potasse carmin. Il grimaça, et avança vers Simon Martin, en le fixant d'un air dégouter.
Les cheveux roux emmêlés du jeune garçon, masquaient son visage ; mais le docteur Mauc savait qu'un rictus repoussant devait tordre les trais de l'enfant. D'ici, il voyait sa main écarlate, qui tenait le pinceau, et une partie de son cou où luisait de la peinture visqueuse. Des crayons de couleur s'entassaient près de lui, et l'ourlet de la robe qui le couvrait, était coincer sous une montagne de pots remplis d'huiles rougeâtres. De l'encre garance et cinabre, se mêlaient aux flaques ponceaux qui parsemaient le sol. Ses pieds, comme poudrés d'alizarine, dépassaient du tissus souiller de balafres vermeilles.
L'enfant ressemblait à un diablotin habillé de loques d'un rouge cardinale. C'en était blasphématoire. Et également écœurant.
Le docteur s'agenouilla près du gamin.
- Alors Simon, comment vas tu ?
- Je colorie. Gémit l'enfant.
- Oui, en effet. Et pourquoi coloris-tu ? Susurra le docteur
- Je ne sais pas.
- Réfléchi un peu.
- Mais je ne peux pas. J'ai oublier.
- Oublier quoi ?
- Je ne sais pas. Parce-que j'ai oublier.
- Essai de te souvenir.
- Je ne peux pas.
- Si, tu peux ! Grinça Henri Mauc. Où trouves-tu cette peinture ?
- C'est dans vos têtes.
- Que veux tu dires ?
- Que c'est dans vos têtes. Vous avez oublier.
- Et bien, j'aimerais bien pouvoir t'oublier moi, sale gosse ! Ragea le docteur.
- D'accord. Répondit gaiement l'enfant.
Il releva la tête, et sans que le docteur puisse réagir, lui barbouilla le front de peinture. Henri se sentit nauséeux.
Il tomba en avant.
Alors, il oublia ce qu'il faisait ici. Son nom lui échappa, ses souvenirs prirent tous une teinte uniforme..... Il ne resta qu'une seule chose en lui, une seule couleur qui c'était imprimée sous ses paupières : Du rouge. Il se souvint de la première fois qu'il avait vu du sang. Lui vint à l'esprit, la première égratignure, les coupures qui l'avaient suivie, ainsi que les genoux écorchés, les dents arrachées, les filmes d'horreurs..... Tout le rouge de sa vie lui revint en mémoire. Celui des posters, celui de vieux tapis, celui d'une mauvaise note, celui d'un petit poisson, celui d'une flamme..... L'autre encore, qui s'invitait sur des joues, puis les enflures, la peau irritée, les gencives blessées.
Un flot écarlate s'écoula de ses oreilles, et éclaboussa le sol. L'enfant souleva la tête du docteur, et attrapa ses seaux.
Il les remplis du fluide qui s'écoulait des orifices d'Henri. Il commença à chantonner, en attrapant ses crayons. Il plongea les mines dans la fontaine carmine, en pensant à tout ceux qui oublierait le docteur. Simon gloussa à cette pensée, alors que sa victime se liquéfiait en une flaque rougeâtre. Des bulles éclatèrent à sa surface fumante, comme entrée en fusion.
Après tout, l'oublie ne faisait pas de mal.
Rouge pour la douleur des souvenirs.Il ne faudrait jamais oublier toutes ces fois où.....
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"Libre et indomptable." Pensa t'il. "Je le serais encore."
L'homme tourna le dos au carnage, que ses mains avaient conduites en maîtresses de la mort. Il les observa s'éteindre, comme les braises mourantes d'un feu. A mesure que la radiance pourpre se transformait en lueur fantomatique, le sang apparut, au fond de ses paumes. Jusqu'à là occulté par le flamboiement inique, il était maintenant présent dans toute sa splendeur : Carmin et brun, brillant ou friable. Il reposait entre les nervures de sa peau, magnifique, splendide. La gourmandise s'invitant en chatouillant ses palais. Il ne résista pas. L'homme porta ses mains à sa bouche. Sa langue glissa d'entre ses lèvres, goutant au nectar de vie. Lentement, il laissa l'appendice parcourir ses paumes, se délectant du fluide encore chaud. Ses yeux parcourus d'arabesques violines se fermèrent à demis. Il se laissa transporter dans le monde des sensation, savourant le sang qui coulait sur sa langue, se déclarant en chauds sillons qui cascadaient au fond de sa gorge. Même les couches sèches le ravirent. Il les souleva de quelques habiles tours de langue, et les brisas entre ses dents blanches. L'homme sentit les fragments se perdent dans sa bouche, fondre dans sa salive. Autre part, plus bas, son membre durcit. Le goût du sang l'excitait. Il rouvrit les yeux, et rappela sa langue à sa place. L'homme baissa sa main, et se retourna de nouveau. Il pouvait bien s'attarder un peu après tout..... Il avança vers les corps sanguinolent, et se baissa près de celui du femme. Elle tenait encore la main de son fils. Cela ne gêna pas l'homme ; il souleva la robe roussie de la mère, et baissa sa culotte en dentelles. Il fit tomber son pantalon, passa sa langue sur ses lèvres, et se glissa dans l'intimité de sa victime anonyme.
Elles étaient toujours plus agréables à saillir, une fois silencieuses.
L'homme prit son plaisir au milieu de son carnage. Le ciel le maudit en envoyant sa salve glacée de part des nuages gris.
Il se contenta de grogner plus fort.
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Il ne savait pas depuis combien temps il était emprisonné en ces lieux sinistres.
Il lui paraissait que jamais il n'avait connu d'autres horizons. Sa vie c'était elle déroulée entre ces oppressantes parois ? Avait-il toujours été attaché ? La corde l'emprisonnait aussi sûrement que la caverne. La caverne..... Étriquée, humide. Glissante, minuscule- inquiétante.
Quelques fois, lui parvenaient des grondements bestiaux. Cela, quand il frappait trop fort les écœurantes parois. Ces geôliers ne communiquaient qu'ainsi : En poussant des plaintes graves et sans fonds. Il y'avait aussi d'angoissantes musiques, des échos caverneux..... Et des tremblements, qui agitaient sa prison spongieuse.
En réalité, il ne savait pas comment il pouvait encore garder un esprit saint en ces conditions. Les ombres d'encres lui faisaient peur, la chaleur moite l'insupportait, et surtout, l'étouffante menace qui l'enveloppait le terrifiait. Pas un moment ne passait sans qu'elle soit présente..... Partout autour de lui. Rôdant, tâtant, grognant. Elle ne lui laissait pas une seconde de solitude. Il arrivait qu'elle s'assoupisse, mais en de rares occasions. Le plus souvent, la présence menaçante était éveillée. Toujours à l'affut d'un de ses coups.
Lui, n'abandonnait pas : Il frappait, encore et encore. Rien n'y faisait. La caverne le retenait prisonnier. Il pouvait à peine bouger, à peine vivre. Il avait beau tout faire pour s'échapper de l'antre moite, sa captivité paraissait éternelle.
..... Et pourtant, le jour de la liberté s'annonça.
Il frappait encore. Les grondements emplirent ses oreilles, comme à chacune de ses ruades. Mais cette fois ci, ils furent durables, plus proches. La joie l'envahit : Son tortionnaire cédait enfin. Le sol s'ouvrit lentement sous ses pieds. Un tunnel accueillit sa descente. Elle fut longue et il se sentit aspiré par une force incommensurable. Mais le voyage finit par prendre fin : L'univers le happa, et la vie chanta autour de lui. La lumière emplit sa vue, et un hurlement de bonheur s'échappa de ses lèvres. Enfin.....
Libre.
"Ce n'est pas grave docteur ?" Demanda t'elle en le serrant contre elle.
"Non, ne vous inquiétez pas. Il y'a beaucoup de naissance précoces."
"Alors..... Tout va bien ?"
"Bien sûr. Visiblement ce petit boutchou était pressé de sortir !" Sourit le docteur.
Il n'avait pas idée.
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Il y'a de ces soupirs, qui paraissent lestés de plomb.
L'air attiré entre des lèvres entrouvertes, cinglant la chair rose, spongieuse. Il s'engouffre dans la grotte ciselé d'une bouche hérissée de dents monstrueuses, caresse les gencives suintantes, frôle le tapis pâteux d'une langue assoupie, couchée au fond de la caverne détrempée, pareille à une créature affalée sur un sol moite, répugnant, plus humide et trompeur que n'importe quel marécage. Il chute ensuite au fond d'un gouffre immonde, aux parois couvertes d'un même liquide épais. Sa torture continue dans l'alcôve atroce d'une masse creuse. Il fait le tour d'un mastodonte de chair gorgée de sang, reste un instant prisonnier de la condition humaine, réduit à un souffle torturé, pousse une plainte déchirante, hurle d'être ainsi gardé sous la cage d'os harassés de maintenir une peau écrasante, oppressante, puis d'une seule inspiration, remonte en une unique pointe de vitesse, refait le même chemin, subit de nouveau un glaire sauvage, une bave dense, s'écorche sur les massif de pointes blanches, puis jaillit d'entre les lèvres ramenées en siphon. De cette épopée sinistre, un soupire pesant est née.
Il écrase son irritation cinglante au visage d'un autre, qui à son tour, s'empare du souffle rendu esclave de l'homme, pour hurler une réplique, bientôt supplice pour une brise fraiche. Nouveau cauchemar pour une innocente toile de vent, malheureuse d'être passée près d'une dispute.
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Il y'a la douce grisaille de mes pensées, qui s'étire et prend forme, s'épand et se transforme.
Elle crée, brouille, déforme, les vagabondes ébauches de mon esprit noyé. C'est de la pâte à modeler, spirituelle, irréelle, prenant l'apparence d'une chose, d'une créature, d'un paysage de poussière, d'une serre de verre..... J'entends le tintement de la trouvaille, quand tous s'emboite et forme un récit. Sinistre, gaie ? Détourné, retourné ? Tiré de tous les côtés, gardé sous cloche, pour fermenté ? Devenir une histoire plausible, c'est passé de lait à fromage.
Ainsi, la douce grisaille devient une idée, bien portante, en bonne santé. C'est mon enfant, que je nourris, que j'engrossis. Quand deviendrais-je l'ogre qui dévore ces pauvres petits, perdus ? Ou est-ce lui, qui absorbera mon âme ? Le danger est là, mais je continu. Je crée, j'invente. En bien et en mal.
C'est l'histoire d'un homme triste, puis d'un ange qui chute. Il y'a une femme perdue, et une fillette manipulée. Ce n'est pas la même histoire, mais c'est de moi. C'est mon être. Ma substance. J'ai le droit de transformer l'homme en loup, et de faire de l'ange une colombe. Ou je peux ne pas avancer. Tout reste pareille. Tranquillité. Mais pas toujours, pour ne pas d'ennui. Il faut aussi du danger. Des hurlements, peut être un peu de sang. Je deviens le bourreau de mes pensées.
C'est mal d'écrire le mal, ou c'est bien ? Je dois me poser la question ? Peut être que l'imbécile est plus heureux que celui réfléchis. Lui, il ne cille pas. Moi, je déborde de doute. Je suis un vase trop plein, et j'exprime par l'écris. Ou par la mine d'un crayon, sur une feuille encore vierge. Tous prend forme, il n'y a plus de vide. Il y'a mes doutes sur papier, mes joies, mes peines, mon humour, mon humeur. Beaucoup de trucs, mine de rien.
En ce moment, c'est l'ombre qui m'inspire. Elle rampe, elle s'enroule, elle se fait une boule. Voilà. Elle est devenue un être, qui marche, qui pense. Elle entoure du plastique, enrobe un masque. C'est un nouveau projet. Le mener à bien ?
C'est ça le plus dur, maintenant.
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La terreur n'était rien comparé à l'atroce douleur qui tordait son ventre. Il hurlait de toutes les forces de son corps torturé, agité de spasmes contre le mur de pierres froides. Ses yeux c'étaient révulsés, se tournant vers l'intérieur de son crâne, pour ne plus voir l'immonde besogne que son tortionnaire effectuait. Ses lèvres étaient si tendues par sa plainte sans fin, qu'elles c'étaient mises à saigner. Son esprit, lui, était encore plus déchiqueté que son corps scarifié : Il n'en restait qu'un lambeau en pleine combustion. Bientôt, il serait même inexistant. Il finirait consumé par la souffrance.
L'homme n'arrivait plus à supporter sa torture. Déjà, quand la lame d'un couteau avait tracé des signes sur sa peau, il sentait qu'il ne pourrait pas résister à ce qu'on lui ferait subir. Mais, comment aurait-il put deviné, qu'on lui ouvrirait le ventre, pour lui arracher les tripes à main nu ? Comment aurait il put deviné, que son tortionnaire les enroulerait autour d'une masse de fils barbelés ? Ses entrailles n'étaient plus qu'un incendie de douleur brulant. Et chaque fois qu'il se braquait sous le tiraillement lancinent qu'exerçaient les mains du monstre qui le séquestrait, les cloues qu'on avait plantés dans sa colonne vertébrale, faisaient remontés des lances de feu le long de son dos. Toute cette douleur le traversait violemment, l'agitant de spasmes incontrôlables, avant de finir par éclater dans son crâne, en détruisant chaque fois un peu plus son esprit. Déjà, l'homme n'était plus qu'une bête.
Et le monstre sifflotait doucement, en continuait de nouer les entrailles de sa victime, autour du fil hérissé. Une flamme de plaisir faisait luire ses prunelles noires. Il s'imaginait déjà, en train de plonger cette masse de métal et d'organes emmêlés dans l'eau. Comme cela serait drôle de faire passer du courant dans ce corps torturé ! Il fit coulisser son regard, au fond de la pièce sombre et sinistre, souriant en y voyant un carton éventré. Oui, ce serait vraimment très amusant.
Et puis, cela faisait longtemps qu'il n'avait pas utiliser ses guirlandes de Noël.....
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Les pétales incarnats s'ouvrirent lentement, sous la douce caresse du soleil. Ils dévoilèrent le cœur tendre de la jeune fleur, l'offrant à l'immensité azuré du ciel. Elle s'épanouit doucement, déployant sa corole de velours timidement, encore hésitante à se montrer. La rosée d'un matin de printemps, reposait sur son corps offert, parure de joyaux liquides étincelants, qui se mirent à couler sereinement le long de sa tige indolente. Ils se posaient là, comme des diamants tombés des cieux, puis se faufilaient vers la terre encore fraiche. La jeune fleur se pencha d'un air timoré, observant le sol moelleux où s'étendaient ses racines. La vie coulait lentement en elle, extraite de cette même terre gorgée d'une existence vivace. Elle caressait, aussi, en ce moment de paix, ses doux pétales roses, en une brise de vent qui lui communiquait son souffle salvateur. En cet instant, la lumière elle même participait à sa vie si douce ; pareille au feu d'un âtre chaleureux. Elle l'emplissait, et rongeait le vide, comme si il était son bois : La plante grandissait au rythme de la Terre, de l'air et du soleil. Sa vie s'épandait et croissait dans le néant, exhalant son parfum d'éternité.
Cette jeune fleur était le phénix des pelouse, renaissant chaque année, quand le printemps semait ses grains sur les plaines et montagnes. Là, depuis cinq ans, elle se relevait après chacune de ses chutes, comme l'élève docile qui tombe de son premier vélo. Elle n'apprenait, elle, que la vie. C'était sa seule qualification, que d'Être et de rester. Son seul but.
Sa paix, et son infinie générosité, de ne pas devenir plus qu'une simple fleur, plus qu'une plante sans soucie. C'était du plus grand altruisme, que de ne pas vouloir être autre chose, que ce que la nature avait voulue que l'on soit, à l'aube des temps. Pas plus qu'une petite plante aux pétales incarnats. Y'avait il vie plus belle que la sienne ?
La jeune fleur pensa que oui, quand une main la saisit et l'arracha à sa sérénité. Ses racines claquèrent dans l'air, comme voulant hurler. Elle rejoint toutes ses sœurs, filles et tantes, qui reposaient dans une paume moite. Toutes celles que le vent avait porté à travers la prairie. Toutes celles que l'homme porterait vers une prison de verre ou de céramique, noyée d'eau glacée. Le chant des oiseaux deviendrait celui d'une machine, et la plénitude des cieux bleus, la monotonie morose du plâtre. Douce vie..... Rude mort. Cruelle destiné, que celle de l'Autre.
Décision.
- Que soit sceller leur sort ! Rugit il.
Les trois sphères tournèrent.
Elles s'entrainèrent mutuellement dans une danse aérienne, se poursuivant en lançant des reflets dorés sur les murs. Pareilles à des rectangles de lumière solaires, elles éclairèrent le plâtre avec un éclat, d'une pureté blessante pour le regard. Et pourtant, le jaune chatoyant ne fit pas tourner les têtes des membres du conseil. Aucun ne se déroba à la lumière inquisitrice, laissant la radiance des sphères éclairée leurs faces hideuses.
Une main griffus s'abattit sur la table de bois.
Des ongles jaunis cliquetèrent nerveusement, en réponse au geste du directeur. Quelques gargouillements outrés fusèrent, un des membres du conseil hurla, en arrachant le dossier de sa chaise. La pièce de bois, alla s'écraser à l'autre bout de la table, sur la tête d'une de ses consœurs. Elle rugit, et envoya sa langue à travers la salle, la lançant d'un geste rageur. Celle ci s'étala sur le nez du fauteur de trouble, qui couina. Ses voisins de tablée ricanèrent, et le poussèrent par terre. La langue pâteuse s'insinua entre ses lèvres, et se coinça dans sa gorge en remuant avec indolence. Il se tordit par terre, sous les rires de ses collègues.
SILENCE ! Tonna le géant. Il est temps, de voter l'exécution !
Il attrapa son conseiller, et le propulsa à travers la pièce oppressante.
Le robot explosa sur la femme sans langue, répandant métal et sang à travers la salle de réunion. Les sphères dorés enflèrent, éclairant gaiement les murs tachés d'écarlate. Les rires redoublèrent, et se firent hystériques, des mains se levèrent, agitées de spasmes.
Celles qui n'étaient pas décharnées, couvertes d'écailles, dénudées de chairs ou sanguinolentes, se mordaient les paumes de leurs dents, se fermant et s'ouvrant, pour se dévorées seules, bouches infâmes qu'elles étaient.
Dans la lumière solaire qui éclairait les murs de plâtre, les ombres explosèrent, laissant giclée du pus sur la moquette bleu du sol.....
Tuons les, tuons les tués tous ! Croassa l'assemblée.
Des ricanement infernaux répondirent à leur demande ; le fauteur de trouble se releva en recrachant la langue qu'il avait avaler. Il l'a jeta à terre, et l'écrabouilla en hurlant des phrases sans suites.
Au bout de la table, le directeur eut un sourire.
- Bien. Exterminons donc les Minériens.
Les rires se muèrent en un vacarme chaotique. La main boursouflée du directeur étrangla distraitement une petite femme verte, qui couraient nue devant lui, sur la table de bois, en hurlant de terreur.
Néantisons leur monde.
Un peu de lumière ?
La pluie cinglante, la pluie froide et pugnace, la pluie s'abattant sur sa chair en de fugitives morsures. Sa peau pâle qui devient glace, ruisselante d'eau céleste. Le monde qui disparait dans cet orage grisâtre, ce rideau liquide qui occulte le sentier.
La pièce qui se joue est des plus sinistre : Un homme seul qui brave la salve des cieux, ses bottes plongeant dans la boue, sa cape humide contre son dos osseux ; tout ses vêtements qui adhèrent à sa peau blafarde. Même sous la large capuche qui couvre sa tête, ses cheveux d'un gris de pinchard sont plaqués contre son crâne. Il semble lui même à un vieux cheval que les âges ont usés. Faible et morne, avançant avec une lenteur que seule confère le poids du temps. De haute taille, encore imposant malgré ses membres maigres. Mais ces yeux sont soulignés par des cernes pendantes, ses prunelles noires reflètent la pluie grise comme un miroir éraflé, et une barbe irrégulière dévore son visage creusé par la fatigue. Des ombres ont commencées la construction d'un carrière minière le long de ses pommettes et de son nez, et son front est comme une tissus froissé, dont on rassemble les bouts avec les doigts : Ridé de manière sinueuse. Plissé. C'est un homme harassé. Il patauge dans la boue épaisse. Il tremble et claque des dents, sous les assauts du vent et de la pluie.
Les arbres décharnés qui encadrent le sentier sont à son image. Eux aussi penchent. Certains ont simplement poussés ainsi. D'autres ont ployés sous le mistral acharné. Et il y'a ceux qui sont tombés, sombres carcasses dont l'écorce est rongée par la gangrène poreuse des lichens. C'est une douce désolation, pleine de mélancolie. Pas un désespoir brutal qui saisit les tripes et tire dessus pour faire couler des larmes. Celui-ci est plus malsain : Fantomatique, sinistre, d'une poigne muette qui se resserre lentement. On finit par s'habituer à ses intestins noués, et on oubli ce qu'était la joie. Le bonheur parait la plus lointaine des lumières, réminiscence éthérée d'un sentiment perdu, qui n'a pas trouvé la porte de sortie du passé. Il ère sans fin dans un sombre dédale... Le plus ténébreux de tous ; celui des souvenirs qui s'embrument, se font opaques, lourds, puis coulent au fond du marécage fétide de la mémoire. Dans une étreinte mortelle, ils retiennent ce bonheur pour le traîner avec eux dans l'oubli. Le passé n'est plus qu'ombres désormais. Le monde s'obscurcit un peu plus chaque jour.
Le vieil homme se stoppe devant une porte de bois humide. Il pousse. La lueur rouge d'un feu baigne son visage de sa chaude lumière. La chaumière est relativement sèche, et des flammes paisibles s'agitent doucement au milieu de l'unique pièce. Trois enfants sales, barbouillés, somnolent autour d'une femme aux cheveux bruns rêches. Elle sourit à son père qui revient, mais reste assise près du feu, ses bambins dormant, têtes posées sur ses genoux, corps étendus, allongés, et yeux fermés. De l'autre côté de l'âtre brulant, sa mère chauffe du potage dans une marmite rouillée, une grande cuillère de bois à la main, tournant lentement grâce au mouvement de ses habiles poignées. Le secret de ses plats se trouve dans cette rotation, cette manière de mélanger les ingrédients, légumes, providentiels bouts de viandes et herbes aromatiques cueillies dans la forêt. C'est une vieille femme aux cheveux gris ramenés en un chignon stricte ; mais au visage si doux que les anges soupireraient d'extase devant lui. Elle aussi, sourit à son mari qui rentre. Un autre homme le reprend, lui debout, sa hache encore posée sur l'épaule. C'est une pièce pleine de sourires. Pleine de bonheur. Le présent n'est pas qu'ombres en ce lieux. Le sombre sentier mène à cette éclatante lumière.
La chaumière égale le soleil de par sa joie rutilante.
Finalement, l'homme harassé sourit aussi. Sa fatigue se fait plus douce. Il marche vers le feu, vers le bonheur. Retrouver la joie de vivre, ce n'était qu'une question de temps...
Après tout, il suffisait de marcher.