Andore. [RP]

Un à un, à la suite de Forfallam, ils sortirent de la grotte. Eldän respira l'air frais de la nuit et contempla un instant les étoiles. Astres flamboyants et lumineux, c'était une des rares choses à Andore qu'il trouvait belle. Magique. De l'endroit surélevé où ils se tenaient, ils apercevaient la forêt devant eux recouvrant de ses arbres la lande sombre et décharnée, et, au loin, formant une étrange file de lumière tremblotante, on pouvait voir les soldats de l'Empereur avancer.
Eldän héla les autres apprentis:
- On se place où, alors ? Sachant qu'il faudra affronter nos adversaires en terrain dégagé, il vaut mieux une clairière spacieuse entouré de rochers en surplomb, de façon à que je puisse me positionner avec mon arc. Flinn et Forfallam seront à côté de moi. Je pense que le mieux à faire c'est que les autres apprentis se cachent dans les arbres et attendent. Ma flèche dans le cou d'un soldat sera le signal d'attaque. Certaine personne devraient attirer la troupe dans la clairière. Des personnes qui savent être discrets et assument le risque qu'ils prennent. Bien sur, ce n'est qu'une proposition. Je ne veux surtout pas m'imposer comme chef.

Tous acquiesquèrent. Bientôt, chacun se mit à chercher un endroit qui conviendrait. Flinn, grâce à sa vue perçante, dénicha à quelques kilomètres de là, une clairière qui faisait l'affaire.
En compagnie de Flinn et Forfallam, Eldän s'engouffrèrent dans la forêt. Il décéla avec respect que Flinn ne faisait aucun bruit, ne marchait sur aucune branche morte. Bien que lui et le gamin du feu était extrèmement silencieux, à côté de lui ils produisaient le vacarme d'un pachyderme. Ils esseya vainement et à plusieurs reprises d'entamer la conversation. Il n'eut pour seule réponse que quelques onomatopés et brefs mots. Il se tut.

Ils arrivèrent rapidement à destination. Il grimpa habilement sur un énorme rocher qui étendait son ombre sur la clairière et s'allongea sur la roche inconfortable. Il hocha la tête de satisfaction en voyant que d'ici, il voyait parfaitement l'étendue de la clairière.
Il remarqua qu'en bas, Flinn et Forfallam n'était pas monté. Il haussa les épaules. Si ils voulaient gravir le rocher, il le feront, ce n'était pas à lui de décider.
Eldän s'étira. Au vu de la distance qu'ont encore à parcourir les soldats de l'Empereur, une longue attente s'imposait.

Kaalan n'avait pas ouvert la bouche depuis qu'ils avaient dû fuir de leur propre maison. Etant d'une nature fragile, il était plus faible que les autres. Et personne ne le considérait comme un atou. Il en souffrait profondément, et luttait chaque jours pour vaincre la profonde peur que lui inspirait le monde dans lequel il vivait.
Il avait pris l'habitude de marcher aux côtés de Sèmil. Et ses frères d'arme, compréhensifs, lui cédaient toujours la place. Il avait lui même pris la décision de devenir un membre de l'Ordre. Car il ne pouvait plus supporter les coups que lui ingligeait son Père. C'était de là que venait sa nature craintive.
Mais ce soir, il allait devoir se battre, comme les autres, et cela l'appeurait au plus haut point. Mais il avait appris à se servir de la sensibilité de ses sens. Et il pouvait décrire à ses compagnons chaque mouvements de l'ennemi.
Tout le monde était soigneusement cammouflé, en attendant que l'ennemi passe à leur Niveau. Eldän avait formellement interdit d'attaquer avant que sa flèche ne pénètre la chair d'un des Soldats. Kaalan l'avait compris, et même s'il aurait voulu attaquer en premier pour montrer à ses amis ce qu'il valait, il obéirait.
Finalement, Kaalan discerna grâce à sa formidable ouïe qu'Eldän se mettait silencieusement en place. Le sifflement de la flèche se fit entendre, puis le cri etouffé qu'avait poussé le Soldat de l'Empire, juste avant de rendre l'âme. Les pas précipités des Soldats, en pleine confusion. Puis le cri de guerre qu'avait poussé tous les apprentis à l'unisson. Bientôt, les flèches fusèrent, les chairs se déchirèrent.
Et le sifflement des Couteaux de lancer de Kaalan se faisait entendre dans la nuit.

Dans la bataille, et homme tenta de s'enfuir. Il avait réussi à échapper aux pièges qu'avaient posé certaines membres du Groupe. Refusant de laisser uns de ses ignobles individus s'enfuir, Kaalan abandonna sa position, et couru vers son ennemi. Etant de nature rapide, il rattrapa son ennemi sans peine. Ce dernier était entaillé à l'épaule gauche. C'était donc là que devait viser Kaalan. Avec une rapidité fulgurante il toucha sa cible avec facilité. Le sang gicla et un cri fusa.
Pendant que son ennemi se tenait péniblement l'épaule, Kaalan ramassa une Branche plutôt lourde, et lui fracassa la tête avec. Alors que le corps inerte de son adversaire s'écroulait, Kaalan ressentit une puissante douleur à la tête. Il regarda derrière lui, mais il n'y avait pas la moindre trace de vie. Il était dans des bois. Finalement, il comprit très vite qu'il avait trop abusé des ses sens aiguisés, et que son corps était épuisé.
Incapable de bouger avec le terrible mal de tête qui l'handicapait. Kaalan s'écroula quand ses jambes ne purent plus le supporter. Espérant qu'un de ses frères d'arme se rende compte de son absence, il s'évanouit ...

Lifaen resta silencieux jusqu’à ce qu’ils se mettent en position. Eldän prenait la direction des opérations et cela convenait très bien au jeune homme qui préférait rester dans l’ombre.
L’ex assassin frémissait d’impatience, l’adrénaline commençait à affluer en lui. Il semblait s’être mis en chasse, chacun de ses gestes était empreint d’une sauvagerie à peine contenue, il ressemblait plus que jamais à un prédateur. Il vérifia que son attirail était prêt d’un rapide coup d’œil avant de se mettre en route à la suite de Forfallam. Un sourire carnassier s’étala sur son visage d’ange lorsqu’il songea au poison dont il avait enduit ses armes. Avec ça, chaque blessure serait fatale.
Plus rien n’existait pour Lifaen, seul l’imminence de la bataille avait de l’importance. La tension était à son comble, chaque apprenti cherchait un point stratégique pour tendre l’embuscade et les soldats impériaux n’étaient plus qu’à quelques dizaines de mètres. L’apprenti avisa Fenant et Eileen non loin de lui, ils seraient d’une grande aide lors de la bataille à venir.
L’ex assassin ferma les yeux et fit appelle à sa formation de tueur. Les conseils de son premier maitre lui revinrent, chacun des enseignements du légendaire assassin remontèrent en lui. Lorsqu’il rouvrit les yeux, le jeune homme n’était plus le même. Son faciès s’était transformé en un véritable masque mortuaire, son attitude changea imperceptiblement, ses yeux brillèrent d’un nouvel éclat. A cet instant, il n’était plus un apprenti de l’Ordre mais bel et bien un assassin surentrainé. Un être voué à devenir le meilleur de son milieu.
Un tueur.

On put enfin dénombrer clairement lors opposants. Ils étaient une bonne cinquantaine, ce qui pourrait poser un léger problème en cas de manque de coordination parmi les membres de l’Ordre. Pourtant, Lifaen était confiant, chacun d’entre eux saurait défendre chèrement sa vie.
L’aura meurtrière qui se dégageait du jeune homme était impressionnante et les rares apprentis se tenants à ses côtés s’éloignèrent discrètement de lui. Ils comprenaient. La panthère se mettait en chasse. En se pourléchant les lèvres, l’ex assassin dégaina quatre couteaux de lancés auxquels on pouvait distinguer des fils d’Arachne.
Les impériaux entrèrent dans l’espace que les apprentis de l’Ordre avaient choisis pour mener leur attaque. Le signal d’Eldän n’allait plus tarder, l’embuscade était imminente.
La tension était à son comble, il s’agissait là des dernières secondes avant le début de la bataille. Un temps court mais précieux pour quiconque savait l’utiliser. Pour quiconque qui aurait eu sa formation.
C’était le temps de Lifaen.
Le jeune homme lança d’un geste impressionnant de fluidité et de précision ses quatre dagues de jets. Ces dernières se plantèrent sans problèmes dans leurs cibles, des arbres qui entouraient les impériaux. D’un léger geste des doigts, l’apprenti vérifia que les fils étaient correctement tendus. C’était le cas, son piège était posé.
Personne n’avait rien remarqué, les quelques secondes de flottement avant le début du combat avaient suffit à Lifaen. Il avait su utiliser le temps du tueur.
Eldän tira sa flèche qui se ficha dans la gorge d’un soldat. Là, dans les quelques secondes avant que les apprentis de l’Ordre ne réagissent, le piège du jeune homme allait être mis à profit. Affolé, les impériaux partirent dans tous les sens. « Parfait » songea Lifaen.
Après quelques pas, une trentaine d’entre eux s’écroulèrent bêtement et inexplicablement.
Ils s’étaient tout bonnement pris les pieds dans les fils tendus de l’ex assassin. Avec un sourire, ce dernier tira un grand coup avec ses mains, faisant voler ses dagues qui atterrirent docilement dans ses mains tout juste avant que le premier apprenti ne rentre au contact de leurs ennemis.
Lifaen ne bougea pas, la deuxième partie de son piège commençait.
A une vitesse inhumaine, il commença à lancer ses quatre dagues de jets et à les récupérer. Elles touchèrent principalement le centre des troupes impériales, entaillant légèrement la joue des soldats mais ne les tuant pas. L’ex assassin ‘‘marqua’’ ainsi une quinzaine de soldats, ses dagues fendants l’air pour revenir dans des courbes improbables vers leur propriétaire. Yoyos diaboliques.
Lorsqu’il s’estima satisfait de son marquage, Lifaen rengaina ses dagues de jets avant d’en sortir deux autres plus longues et visiblement plus dangereuses. Dans sa main gauche il plaça une dague à la lame légèrement recourbée et à double tranchant et dans sa droite une dague crantée plus massive et à un seul tranchant. Avec un rire joyeux légèrement teinté de folie, le jeune homme s’élança dans la mêlée.
Il était dans son élément.

Les effets de son ‘‘marquage’’ ne tarda pas à se faire sentir. Plusieurs soldats impériaux s’écroulèrent subitement, sans autre blessure qu’une marqua à la joue d’où suintait du sang verdâtre.
Du SANG verdâtre ?
Non, il s’agissait là du poison de Lifaen, redoutable allié dans cette bataille. Une quinzaine d’impériaux s’écroulèrent ainsi, l’écume aux lèvres et parcourus de violents spasmes.
Quant à l’ex assassin, il se mouvait avec un impressionnant calme dans cette furieuse mêlée. Il n’était plus qu’une chape de brume insidieuse et mortelle. On sentait là toute sa formation d’assassin, toute sa rage de tuer, son impitoyable éducation. La comparaison avec une panthère était inévitable, des mouvements souples et fluides au regard froid et déterminé. Il était là pour tuer, et il le faisait bien. Plus rien n’existait d’autre pour lui que la mort et ses dagues, partout où il passait ses dagues se fendaient dans une botte audacieuse et mortelle. Une grâce sauvage s’émanait de lui, une attirance animal et terriblement dangereuse.
Dans cette silhouette sombre porteuse de mort, on devinait quelqu’un d’autre. Rapidement, Lifaen fut confondu avec Ellun’dril, le légendaire tueur, l’assassin ultime. Le jeune homme était le digne hérité de cette légende mortelle, l’enseignement de son premier maître suintait par chaque pore de sa peau.
Lifaen n’était plus un simple donneur de mort.
Il ÉTAIT la mort.

Eldän retint son souffle quand les soldats arrivèrent dans la clairière. Il prit doucement une flèche de son carquois et banda son arc tout en se mettant en appuis sur un genou. Du coin de l'oeil il aperçut Lifaen lancer souplement des dagues dans des troncs d'arbres. Sans plus se poser de question Eldän se concentra. Visa un soldat en plein milieu de la troupe. Il leva le bras et ouvrit la main. Le vent soufflait doucement à 40 degrés Ouest. Parfait. Sa respiration s'apaisa, ralentit.
Il lacha la corde de l'arc.
Léger sifflement.
Bruit sourd.
Gargouillis de souffrance.
Le soldat s'effondra au sol, une flèche profondément fiché dans sa gorge.
Dans la débandade qui s'en suivit, plusieurs hommes tombèrent inexpliquablement au sol. Eldän sourit. Les célebres fils d'arachne de Lifaen avaient agis.
Les apprentis se jetèrent sur les soldats de l'Empereur. Durant le laps de temps très court avant le choc entre ses alliés et ses adversaires, il décocha trois flèches. Front, poitrine, oeil.
Le combat commença. Le chaos indescriptible que formait la bataille ne génait pas Eldän. Il savait parfaitement que les archers ne pouvaient tirés dans une mélée, au risque de toucher l'un des leurs.
Pas lui.
Ses flèches atteignirent toute leurs cibles. Peu à peu, les soldats se firent moins nombreux. Pourtant, chaque soldat qui tombait était immédiatement remplacé. Eldän grimaça. Sa réserve de flèche s'amenuisait. Il entama son deuxième carquois. Il vit un apprenti trébucher au sol sous les coup d'un soldat qui leva le bras pour achever son oeuvre. Eldän banda rapidement son arc, geste élégant qu'il avait si souvent effectué. La flèche fila. L'homme et l'apprenti était bien à cent mètres. Il ne distinguait pas leur visage.
Le soldat tomba. Et ne se releva pas.
Satisfait Eldän allait encocher une flèche quand il entendit le discret bruit d'une lame qu'on tirait de son fourreau. Il se retourna prestement. Son arc bloqua juste à temps le coup que lui avait porté un soldat. Celui-ci ne lui laissa pas le temps de se remprendre et réattaqua. Eldän évita habilement le coup, en profita pour ranger son arc et prendre le long couteau, ou la petite épée, cela dépendait du point de vue, qui pendait à son flanc. Sa lame décala d'un centimètre celle de son adversaire qui percuta la roche. Il parvint à blesser le soldat à la main ce qui le fit lacher son arme. D'un coup de pied, Eldän repoussa son adversaire puis reprit son souffle. Malgré le fait que il soit était désarmé et blessé, le soldat ricana.
-Hmm... je peux savoir ce qui te fait rire ? La folie ? La peur ?
-Non non rien de tout ça... c'est que il y a des renforts derrière moi!
Cinq soldat émergèrent de l'ombre, une arme à la main. Eldän jura. Même s'il était très loin d'être le meilleur épéiste de l'Ordre, il pouvait se débarasser de cinq homme. Mais pas dos au vide. Les sbires de l'Empereur s'approchèrent, un rictus belliqueux déformant leur visage. Il recula. Son talon frola le vide. Il eut un sourire. Tant qu'a tombé dans le vide, il préfèrait que ce soit de gré et vivant que de force et mort! Et puis huit mètres, c'était pas temps que ça...
Il réavança vers ses adversaires. Se retourna, prit son élan.
Sauta.

La bataille venait de commencer. En quelques minutes, les flèches de ses compagnons avaient abattu bon nombre de soldats. Malheureusement, ils étaient bien plus nombreux que Flinn ne l'avait prévu, et même le tourbillon de mort qui fauchait tout être vivant à sa portée avant de disparaître vers une autre cible, "la Panthère" comme il aimait le surnommer, ne pourrait pas suffisamment réduire ce nombre pour que la victoire soit facile. Sèmil avait l'air de faire confiance aux autres apprentis, et avait tiré l'épée. Il semblait invincible, même à quatre contre un, sa défense ne présentait tout simplement aucune faille. Il était temps pour Flinn d'en faire autant.

Le chasseur n'eût pas le temps de chercher une proie. Eileen était attaquée par plusieurs soldats, et allait bientôt être en mauvaise posture. Il décocha une flèche dans sa course, et arriva rapidement devant elle, tendant son bras droit de manière à lui demander de reculer. Il ne laisserait pas une fille se faire blesser au combat. Cependant, les assaillants ne semblaient pas très inquiétés. Ils le fixaient en ricanant bêtement, lançant des remarques telles que "Hé, le prince charmant, je suppose que tu vas nous occire ?" auxquelles arrivaient des réponses du genre "Non, c'est un héros de tragédie au grand coeur, il va sûrement sacrifier sa vie pour qu'elle ait le temps de s'enfuir" sur un ton sceptique. Quels rires affreux. Ils seront plus silencieux une fois morts. Le regard de Flinn devint celui du combat. Froid. Impitoyable. Le regard du Loup. Alors qu'il n'avait pas encore tiré son arme, ses ennemis, au nombre de cinq, commencèrent à l'encercler. Parfait. Ils feraient moins attention à leur propre garde, fragile pour certains, inexistante pour d'autres. Mais où l'empereur recrutait-il ses troupes ?? Flinn ferma les yeux et laissa glisser le fourreau de son épée au tranchant unique de son dos jusqu'à sa ceinture, de façon à pouvoir saisir la garde dans la main droite, et l'étui dans la main gauche. Sa concentration était déjà à son paroxysme, et ses sens lui indiquaient clairement la position de chacun de ses ennemis. Bruit de pas dans les feuilles mortes. Branches qui craquent. Cliquetis d'armure. L'apprenti positionna lentement ses appuis, et ouvrit les yeux. D'un mouvement circulaire ample et rapide, il dégaina son arme. Iaï Lunaire. Iaï tranchant. Le métal pénétra dans la chair du premier au niveau de la hanche, et termina sa course après avoir sectionné la jugulaire du dernier adversaire. Il leva son arme selon son style de combat bien à lui, et se lança dans la bataille. Juste avant de se retourner vers le coeur des combats, il vit une masse tomber du haut du rocher qui servait de poste de tir à Eldän. D'ailleurs, la masse ne semblait pas être un soldat. Eldän ??

Nombreux, ils l'étaient. Peut-être plus nombreux que ce à quoi il s'était attendu. Pourtant, la bataille était belle. Oui, belle. Il voltigeait, il tournoyait, il tranchait. Des membres, des muscles, des os. Bien sûr, il préférait une mort plus propre. mais ces hommes ne lui laissaient pas le choix. Si l'on pouvait qualifier cela d'homme. Ou de combattant.
Car, chez eux, chaque mot était accompagné de paroles. Et quelles paroles !

Oui, vraiment, cette nuit, il éprouvait un certain... plaisir ? A tuer. Tout en se battant dans une loyauté des plus totale. Bien entendu. Mais tout de même... Ces ennemis ne méritaient rien d'autre.
Et de toute façon, ils n'auraient rien d'autre. Car désormais, Forfallam ne vivait plus, ne respirait plus. Il combattait.
Combien en avait-il tué déjà ? Il ne le savait pas. Et il s'en fichait. Car le but était qu'il n'en reste aucun.

A ses côtés, les mêmes regards. Regards de chasseur... Regard de tueur pour certain. Sa vie ne serait-elle désormais que cela ? Que combats et batailles ? Que massacres perpétuels ? Oui... De toute façon, il ne savait rien faire d'autre.
Un jeune homme l'attaqua par derrière. Mèches noirs, regards apeurés... Lui il y a de cela quelques années.
Forfallam esquiva, jeta un dernier regard à ce visage angélique, à ce visage qui lui seul pouvait représenter les anges. Un dernier regard, ce dernier regard à son enfance qu'il avait perdu.
Il lui enfonça son épée dans le coeur, sans plus de cérémonie. Bataille...
La vague semblait s'être réduite. C'est donc à cette occasion qu'il leva brièvement les yeux vers le ciel. Vers les étoiles.
Et qu'il vit la forme sauter du rocher. Eldän ?

Il n'était qu'à deux mètres de l'impact. Il courut. Puis réceptionna. Brutalement. dans ses bras, le corps d'Eldän. Oui, c'était bien lui. Il plongea son regard, un court instant, dans les iris blanchâtres du jeune homme.
Puis le posa au sol, comme à contre-coeur, son poignet droit pendant dans un angle des plus étrange.
Il jeta un dernier coup d'oeil à l'homme, puis retourna à la bataille, son épée à la main gauche.

Shay se réveilla en sursaut. Le bruit typique d'un combat proche avait brisé le silence de la nuit. Le jeune homme frappa sa cuisse de toute ses forces ! Comment avait-il pu s'endormir ? Dire qu'il avait dit qu'il ferait le guet... Shay courut à toute jambes en direction de l'endroit d'ou provenait le bruit. Tout en mouvement il détacha la longue lame qui pendait dans son dos, et dégaina l'autre plus courte, qui se trouvait au niveau de sa hanche. Shay sentait les battements de son coeur s'accélérer jusqu'à atteindre un rythme effréné, le sang coulait en torrent de lave brulant dans ses laves, Shay brulait d'envie de se battre. L'adrénaline jouant son rôle parfaitement Shay courut telle une tempête soulevant feuilles et branches sur son passages et taillant parfois son passage dans l'épaisse végétation. Lorsqu'il arriva sur le lieu du combat, ses compagnons étaient en plein milieu d'une lutte acharnée le fer de leurs épées s'abattaient durement sur l'armure des soldats impériaux. Shay observa quelques secondes le champ de bataille afin de voir si aucun de ses frères n'avait besoin d'assistance. Et c'est au fond qu'il aperçut un Eldan gisant sans défense à l'arrière, tandis que certains soldats commençaient à fondre sur lui comme une meute de loup. Shay se mit à courir à toutes jambes vers son compagnon sans défense. Il avalait les mètres à une vitesse affolante pourtant les soldats impériaux était quasiment sur Eldan. En désespoir de cause Shay fit tournoyer ses deux épées et les lança telles des couteaux sur les soldats. La première empala un soldat au torse tandis que l'autre manqua sa cible et s'enfonça dans le bois. Cependant malgré ce raté l'attaque avait eu l'effet désiré. Les soldats s'étaient arrêté. Sans perdre une seconde Shay bondit sur le soldat dont le thorax était fiché de son épée et l'en dégagea dans un bruit de succion horrible. Se mettant bien en face de Eldan, Shay se dressa fièrement en rempart devant les 3 soldats impériaux qui ne perdirent pas de temps et se ruèrent sur l'apprenti. Shay bloqua aisément le premier coup, avant de faire un bond en arrière pour éviter les deux autres. À peine sa réception terminée qu'une lame fondait en direction de son visage, tant bien que mal Shay para juste à temps le coup et distribua un généreux coup de botte dans le ventre de l'auteur du coup. Shay se rua ensuite sur lui et d'un coup de taille sectionna le torse du soldat qui s'écroula mort. Ses deux compagnons firent voleter leurs armes vers Shay qui ne put esquiver qu'un seul coup. L'autre entailla profondément son bras droit. Vociférant de douleur Shay recula et fit changer son épée de main avant de se lancer dans un combat acharné contre les deux soldats ou tel un virtuose il évita chacun de leurs coups qui ne firent que frôler sa lame et son corps, avant d'achever l'un d'un coup d'estoc, et l'autre d'un coup de taille qui le décapita. Ceci fait il se dirigea vers Eldan en souriant malgré la douleur qui se faisait sentir dans son bras droit entier.

-Hé ça va pas trop de mal ??

Pendant ce temps là, Kaalan était toujours allongé par terre, inerte, tel un cadavre.
Il eut un moment de lucidité et se traîna sur une courte distance. Ses tempes battait tels des tambours. Et un effroyable bourdonement résonait dans toute l'étendue de son corps. Il tenta de se relever, en vain. Il tenta d'appeler, mais sa gorge ne voulait produire aucun son. Au loin, il pouvait entendre le choc des épées. Il tenta de se traîner dans cette direction, il finit pas dépasser le corps du Soldat qu'il avait abattu. Il se traînait toujours dans la même direction. Ses jambes ne pouvaient plus le porter, et bientôt, ce serait ses bras qui n'aurait plus la force de le traîner.
Il s'arrêta soudainement, comprenant qu'il ne faisait que pousser son corps à l'épuisement total, et que pour sa survie, il valait mieux attendre les secours. Mais rien ne lui garantissait que les secours arriveraient ... Peut-être que ses amis étaient en train de se faire massacrer à l'heure actuelle ? D'après les sons qu'il avait entendu juste avant la bataille, il avait clairement discerné une bonne cinquantaine de Soldats. C'était un nombre bien supérieur aux dernier repésentants des Chevaliers de Feu.
Soudain, il entendit un craquement. Quelqu'un approchait, il venait de marcher sur un brindille qui avait produit un craquement sec ...

La chute sembla une éternité. Le vent entrainé par la vitesse fit pleurer ses yeux. Une pensée fila dans son cerveau:
"C'est plus haut que je le croyais. Le choc va être rude! Peut-être mortel..."
Au dernier moment il vit un apprenti se jeter sous lui afin de le rattraper.
La chute arriva à son terme. Eldän entendit deux craquement: son épaule et le poignet de l'apprenti qui l'avait sans doute sauver. A son grand étonnement il croisa le regard... de Forfallam! Incroyable! Le virtuose du feu,lui qui était toujours murés dans ses pensées, qui ne laissait rien transparaitre, l'avait sauvé!
Fidel à sa réputation, Forfallam n'émetta pas un son et le déposa au sol. Resté seul, Eldän tenta de se relever. Sans succès. Il avait bien fait un faux mouvement en s'élançant du rocher. Ajouté à la douleur de son épaule, cela l'empèchait de ne serais que ce relever! Soudain, il pensa à son arc. Etait-il intact ? Il fallait qu'il le soit! C'était son seul lien, son seul passé! A son grand soulagement, le bois de l'arme de jet n'était ni brisé, ni même fissuré. Il rit un instant de soulagement. Et cessa imédiatement quand il vit plusieurs soldats impériaux avancer vers lui avec un rictus joyeux.
A leur grand déplaisir, leur troupe se fesait annihiler par des gamins et voilà que surgissant de nul part, un apprenti tombait au sol et se blessait! Un cadeau tombé du ciel...
Eldän n'était pas connu pour être positif. Joyeux, oui, souvent. Positif ? Non. Jamais. Espoir ? Il ne connaissait pas. Son maitre jurait même qu'i n'avait jamais croiser quelqu'un d'aussi négatif et pessimiste. Alors quand plusieurs soldats se jetèrent sur lui, la seule réaction qu'il eut ,étant donné que son épaule était brisé et qu'il ne pouvait donc pas prendre son arc, fut de s'exlamer:
-Je suis foutu.
Il tenta tout de même de prendre son long couteau et le brandit devant lui avec l'énergie du désespoir. Ses chances étaient inexistantes...

Shay jaillit. En un instant, les gardes se firent transpercer, non sans mal et pas avant d'avoir touché Shay au bras.
-Hé ça va ? Pas trop de mal ?
-Non non ça va, j'ai juste l'épaule déboité et la cheville à l'envers! Et puis ça fait deux fois qu'on me sauve la vie en quelque minutes... j'aime pas trop ça.
-Ah. Bah désolé de t'avoir sauvé la vie alors. fit Shay en souriant.
-Y a pas de mal, je m'en remettrais. Euh... et aussi euh... merci. Merci de m'avoir sauvé. J'étais pas dans la m...ouise sans toi. Merci.
-De rien.
Eldän s'adossa au rocher.
-Tu pourrais aller chercher Zéjaléa ? C'est la seule capable de me soigner.
-Mais tu peux pas te défendre! C'est dangereux de te laisser...
Il prit lentement et précautioneusement son arc et le banda de la main droite.
-T'inquiète. J'ai deux épaules qui peuvent me servir, même si je suis plus habile de la gauche.
Shay partit.

A plusieurs reprises, des soldats tentèrent de s'approcher d'Eldän. Des flèches les accueillirent. Rapidement, ils s'éloignèrent, trop occupé par les apprentis qui maintenait la pression et qui les exterminait un à un.

Cris.
Douleur.
Sang.
Lifaen évoluait parfaitement dans la bataille, il était en harmonie avec le chaos ambiant. Il n’avait plus conscience de rien sinon de la mort, oppressante, tentante. Son univers intérieur était vide, lui-même n’était plus qu’une ombre parmi les ombres. Le jeune homme surgissait des ténèbres environnantes, tel une brise, apportant la mort pour quiconque avait le malheur de se trouver à portée. Il paraissait évident que les impériaux étaient dans une très mauvaise passe, les membres de l’Ordre se battaient avec la rage du désespoir. L’ex assassin semblait intouchable, aucune plaie ne s’était posée sur son corps, ses dagues étaient trempées du sang de ses ennemis. Tous les autres apprentis ne pouvaient pas en dire autant, certains étaient visiblement à bout de force. Il arrive plusieurs fois au jeune homme de sauver un de ses camarades des griffes de la mort, surgissant tel une ombre salvatrice pour les membres de l’Ordre et mortelle pour leurs ennemis. Quelques évènements étaient cependant à déplorer chez les chevaliers du Feu, Sèmil récolta une vilaine blessure à la cuisse, Eldän venait de se prendre pour un oiseau et ne devait la vie sauve qu’à l’intervention de l’ardent Forfallam, Eileen était encerclée, le cœur de Lifaen rata un battement à sa vision, mais Flinn vint lui prêter main forte un instant avant que l’ex assassin ne se décide à y aller.
Flinn ressemblait à un véritable loup, il combattait avec férocité et les impériaux autour d’Eileen furent très rapidement éliminés. L’apprenti ne quitta cependant pas la belle jeune femme, s’assurant que la même situation ne se reproduise pas.
Les yeux de Lifaen étincelèrent d’une ardeur renouvelée, la victoire était à portée de main, il accéléra son rythme. La ressemblance avec Ellun’dril était frappante, la comparaison avec une panthère inévitable. L’ex assassin maniait ses dagues avec maestria, faisant honneur à son premier entrainement. Depuis le début de la bataille, il avait laissé de côté l’apprenti de l’Ordre pour entrer en symbiose parfaite avec son bord d’assassin sans scrupule. A cet instant, Lifaen n’appartenait plus à l’Ordre, il était un prédateur sans scrupules.
A plusieurs reprises, sa main effectua un geste étrange, une fiole étincelait à la lumière lunaire avant de disparaitre remplie d’un liquide sombre. Le jeune homme refaisait sa réserve de sang humain. Prit d’un début de crise, il dut plusieurs fois lécher le sang sur ses dagues, espérant ne pas se faire remarquer. Il crut cependant voir le regard de la douce Eileen se tourner dans sa direction lors de l’un de ces moments, l’ex assassin fuit son regard de peur d’y lire du dégout.
Elle ne pouvait pas comprendre.
La panthère chassait, impitoyable, sauvage, sanglante. La silhouette de Lifaen se glissait avec souplesse parmi les combattants, sombre présage mortel.
Soudain, son œil aiguisé repéra un de ses camarades en danger. Il s’agissait de Flinn, un soldat impérial s’était glissé derrière lui et Eilenn et s’apprêtait à lui donner un coup mortel. D’un geste expert, Lifaen lança une de ses dagues qui, après une courbe improbable, s’enroula autour du bras armé du soldat. Le jeune homme tira violemment sur le fil d’Arachne et l’impérial rata son coup de deux mètres. L’ex assassin s’avança à une vitesse irréelle de son ennemi et d’un geste sec lui trancha la gorge. Le temps qu’il reprenne la dague lancée en main, il lança d’une voix amusée à Flinn en lui montrant le cadavre.
- Surveille tes arrières, Fils de la Lune !
Il s’inclina légèrement en direction d’Eileen, comme pour lui rendre hommage.
- Demoiselle, je prends congé.
Sa voix avait un léger accent ironique, le jeune homme adressa un bref signe de tête à Flinn avant de s’enfoncer de nouveau dans le tumulte de la bataille.
Il devait continuer d’accomplir son œuvre de mort.