Futur de Kairec

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13-08-2012 à 19:30:26
Pandémon ne quittait plus Bergeau des yeux. Pupilles fines et noires étirées comme la tranche de la lame d'un couteau d’obsidienne, prunelles bleues fixes, museau gris, moustaches immobiles... Griffes d'argent dénudées, brillantes au bout de pattes de velours. Tout dans son attitude, soigneusement menaçant, glorieusement félin, envoyait clairement au dieu nouvellement éveillé un avertissement silencieux qu'on ne pouvait pas manquer de remarquer.
Car cet imbécile en avait trop dit.
Tristana avait-elle vraiment besoin de savoir qu'un de ses lointains ancêtres vivait encore ? Devait-elle réellement apprendre ce genre de chose ? Non. Et non. Car ces choses là la mettaient en danger.
Bergeau n'avait même pas réfléchis. En entendant Pandémon évoquer Dorian, il s'était sûrement dis que Tristana savait qui il était. Or, ce n'était pas le cas, et ça n'aurait jamais dû l'être. Le chat avait cru -dans sa grande bonté qui l'avait poussée à surestimer l'intelligence de ces pauvres créatures à deux pattes- qu'il serait assez futé pour comprendre que Dorian restait loin de sa famille depuis à peu près, disons le, soyons fous, à peu près quinze mille ans, pour ne pas lui attirer d'ennuis. ( Doux euphémisme, n'est-il pas ? ) Mais peut être ce long sommeil avait-il embrumé l'esprit du dieu ? Peut être était-ce un abrutit finis depuis qu'il s'était éveillé ? Ou alors il l'avait toujours été. C'était plus probable. Proche de la réalité générale en ce qui concernait ces singes orgueilleux qui se tenaient debout comme des chiens savants. Certes. Peut être moins exécrables que des chiens. Mais tout aussi stupide, sans aucun doute.
Sans esquisser un geste, Pandémon fixait donc Bergeau d'un regard qui lui promettaient un tas de problèmes prochainement. Pour faire bonne mesure, il se laissa même aller à lui transmettre un message plus direct encore. Il ne s'était pas servi de télépathie pour communiquer depuis longtemps, -ne l'utilisant que certaines fois pour se faire comprendre de Tristana, qui pensait sentir ses désirs alors qu'il lui susurrait en réalité ce qu'il voulait avec tant de délicatesse qu'elle ne s'en rendait pas compte- aussi eut-il un instant de doute ; mais même les souverains doutaient, n'est-ce pas ? Lui même, bien supérieur à eux, voyait parfois cet insidieux petit sentiment le tarauder. Rien de bien important, cela allait de soit, car il avait toujours la louable audace de combattre ce doute malsain, toujours vainqueur face à ce que la vie lui envoyait de moments de troubles.
C'était un chat. Pire. Un chat aussi intelligent qu'un être humain, voir plus que la plupart d'entre eux. Pandémon. Un véritable fléau, à l'image de son géniteur spirituel, concentrée de bonnes manières, de mépris, de sarcasme et de moquerie. Pandémon. Le pire cauchemar de ceux qui avaient la malheureuse témérité de défier sa volonté.
Et pour le moment, sa volonté était toute entière au service de la protection de Tristana. Qu'un dieu stupide qui ne savait pas tenir sa langue risque de l'entraîner sur de dangereux sentiers faisait partie des dangers desquels il devait la protéger. Bergeau risquait de l'amener tout droit avec lui dans une bataille pour restaurer la magie, ou de lui attirer de graves problèmes en la fréquentant de trop près.
C'était or de question.
Aussi, Pandémon lui envoya t'il un avertissement, l'observant avec une fixité féline.
"Laissez Tristana en dehors de vos histoires de reconquête, Bergeau. Elle ne doit pas vous accompagner. Où que ce soit. Elle ne doit pas se mettre en péril. J'y tiendrais, soyez en certain, et Dorian aussi si il le faut. Souvenez-vous en."
Et alors qu'Eileen entrait, il n'avait pas quitter Bergeau des yeux. Ces histoires d'amour ridicules ne le regardaient pas.
Il était bien au dessus de ça, lui, chat de son état, souverain du monde...
13-08-2012 à 21:16:41
"Laissez Tristana en dehors de vos histoires de reconquête, Bergeau. Elle ne doit pas vous accompagner. Où que ce soit. Elle ne doit pas se mettre en péril. J'y tiendrais, soyez en certain, et Dorian aussi si il le faut. Souvenez-vous en."

Et alors que croyait-il se matou arrogant ? C'était Tristana et personne d'autre qu'elle même qui avait lancé tout ceci, c'est guidé par ses instincts les plus primaires, par ses sens les plus profonds qu'elle l'avait suivit jusqu'au sommet de cette immeuble. Si à cet instant il se trouvait à l'intérieur de cette maison en compagnie de cette femme c'était seulement parce qu'elle l'avait suivi. Et que croyait-il réellement ? Que si il ne lui avait rien révélé elle n'aurait jamais rien su ? Était-il assez stupide pour croire ça ? A cet instant toute la ville devait être au courant de l'existence du jeune dieu, pensez-vous un gardien de Kairec ! On en avait plus entendu parler depuis quinze milles ans. Quelle aurait-été la réaction de la jeune femme dés qu'elle l'aurait appris ? Elle aurait couru pour le rencontrer, pourquoi ? Tout simplement parce qu'elle n'était pas faite pour ce monde de technologie mais plutôt pour un monde bien plus beau, bien plus magique. Quel âge avait-elle ? Peu importe elle était une femme ! Elle n'était plus une gamine qu'on devait couver et si elle voulait connaître la vérité alors elle en avait le droit. Malgré tout le dieu de lumière demeurait conscient d'une chose, ce n'était pas à lui de prendre la décision pour la mortelle et même si ce n'était pas à Pandémon ou Dorian non plus, eux étaient bien plus légitime. Le monde avait changé, ce n'était plus un monde où les gamins devaient combattre, ce n'était plus un monde où les combats étaient chose commune et pire ce n'était pas un monde où on ressortait vivant d'un champ de bataille. Ils voulaient la tenir à l'abris dans une prison dorée ? L'enfermer ? L’empêcher de déployer ses ailes ? Qu'à cela ne tienne, il s'inclinait mais il doutait que si on lui avait donné le choix Tristana aurait choisit cette option. Et puis avouons le s'opposer à Dorian une nouvelle fois ne l'enchantait guère, leurs conflits ayant toujours été mouvementés. Pire avoir ce chat a toujours lui faire des reproches n'était pas une perspective des plus attrayante, surtout vu le caractère qu'il avait, sérieusement un cochon aurait été plus approprié.

-Et bien je ne l’embrigaderai pas dans ma croisade puisque c'est ce que tu veux entendre. Cependant... En ne l'ayant côtoyé que quelques minutes je penses pouvoir m'avancer à te dire que même si les choses avaient été différentes aujourd'hui, dés qu'elle aurait vu que quelqu'un luttait pour faire revenir la magie elle se serait engagé à ses côtés. Tout comme Dorian c'est une tête brûlée et elle refusera de rester à ne rien faire quand elle entendra parler de moi dans les rues. Elle s'engagera dans la lutte, comme Dorian l'a sans doute déjà fait.

La magie déferla dans les doigts de Bergeau lorsqu'il entendit la porte s'ouvrir derrière lui et il se retourna brusquement prêt à foudroyer un quelconque visiteur malintentionné. Avait-il déjà été repéré ? Dans ce cas la vie de Tristana allait être chamboulée et cette fois il n'y était pour rien puisque c'est elle qui l'avait invité chez elle. Le petit dieu pesta, comment diable ses geôliers pourraient-ils l'avoir retrouver aussi rapidement ? Le technologie avait elle finalement égalé la magie ? Permettait-elle la d'atteindre la prouesse de retrouver quelqu'un en une pognée de seconde ? Peu importe ce qu'ils n'avaient pas prévu c'est que derrière cette porte un dieu les attendait prêt à carboniser quiconque tenterait de pénétrer dans cette pièce !

-« Bonjour. »

Bonjour ? Ce n'était guère la phrase qu'emploierai un soldat en défonçant la porte d'une maison d'ailleurs... La porte ne s'était pas ouverte brutalement. Bergeau attrapa instinctivement le coussin tendu par Tristana mais le laissa retomber en voyant que la femme qui avait pénétré dans la pièce n'était autre qu'un fantôme. Du moins pouvait-il la considérer ainsi après quinze millénaires. Le dieu de lumière allait se jeter en avant mais quelque chose le retint, pas d'effusion de joie ? Pas de soulagement à le voir ? Pourquoi donc l'être aimé ne réagissait-elle pas ? Balayant la femme de ses sens il s'assura qu'elle était bien celle qu'il pensait. Aucun doute la même magie, enfermée au plus profond de son être, affaiblie mais toujours présente. Le dieu millénaire observa ses mains, ses bras, ses jambes pour s'assurer qu'il n'était pas transparent, pour comprendre ce qu'il se passait totalement désemparé. La femme qui se tenait prêt de lui était son étoile, celle qui éclairait ses nuits, il n'y avait pas de doute à ce sujet ! Elle avait les même cheveux blonds comme le blé, le même regard où brûlait une étincelle d’espièglerie enfantine ! Elle avait grandit certes, beaucoup grandit mais c'était elle, il ne pouvait pas y avoir d'erreur, alors... Pourquoi cette indifférence ? Ne l'avait-elle donc pas reconnue ?

-Je suis une voisine. Vous avez fait beaucoup de bruit, alors je me demandais si vous aviez besoin d’aide. Peut-être ferai-je mieux de m’éclipser pour vous laisser vaquer à vos occupations ?

Des coups de poignards, chaque mots, chaque intonation était pareil à des coups de poignard. Lui avait-on fait un lavage de cerveau ? Avait-elle été capturée ? Était-ce les scientifiques eux même qui avait enfermé sa magie ? Peut être avait-elle simplement décidé de tirer un trait sur son ancienne vie, d'oublier ses anciens amis, d'oublier son soleil, d'oublier toutes les promesses qu'ils s'étaient faites ? D'ailleurs que valaient-elles ces promesse désormais ? L’emmener voyager ? Faire le tour du monde ? Un tour de parc aurait suffit à résumer un tour de monde car l'extérieur de méritait même pas d'être vu. Quinze millénaires... Bergeau se laissa tomber dans le canapé près de lui encaissant une nouvelle fois le poids des années.

-Vous vous connaissez ? Euh je n'ai rien dit... Vous désirez autre chose ?

Les mots de Tristana était si lointain tandis que le dieu se prenait la tête entre les mains. Quinze millénaire ! Il pouvait se passer des milliers de choses dans en tant de temps. Son étoile avait-elle finit par trouver un autre soleil ? Un soleil plus chaud, un soleil qui lui n'avait pas finit de rayonner. Peut être même avait-elle finit par fonder une famille ! Les pensées du dieu ne furent stoppées que par le bruit lointain de sirène. Cette fois c'était sûr et certains, ils avaient été retrouvés... Les yeux du divin se fermèrent tandis qu'il laissait ses sens magiques s'éloigner de lui pour évaluer le danger. Les forces armées arrivaient, elles étaient à deux kilomètres tout au plus et il semblait bien décidés à leur mettre le grappin dessus. Le coeur de Bergeau cria à l’injustice, à peine l'avait-il retrouver qu'il devait la quitter ! Quelques pas hésitant, presque titubant dans sa direction, sentir son odeur, sa peau contre la sienne, voir son sourire... Pour cela il n'avait qu'à l'attraper, se téléporter loin d'ici et les laisser tous dans leur merde ! Dans leur monde de merde qu'ils avaient pourris eux même ! Si ils n'avaient pas voulu se débarrasser des dieux ! C'est eux et eux seul qui s'était mis dans cette merde ! Le dieu de lumière posa sa main sur la veste bizarre de son étoile avant de se retourner pour intercepter le regard insistant de Pandémon. Il n'avait pas le droit de partir et il était là pour le lui rappeler, il était là pour lui rappeler que c'était lui qui avait créé cette merde et qu'en conséquence il avait pour devoir de sauver Tristana. C'est avec un regard rempli de défit que le guerrier serra celle qu'il aimait plus que tout au monde contre lui, plongeant sa tête dans son coup pour pouvoir sentir son parfum, pour pouvoir fuir la réalité, pour pouvoir se protéger. Maintenant qu'il l'avait retrouvé il n'avait plus envie de se battre, il voulait passer du temps avec elle. Pour la deuxième fois en quinze mille ans des larme coulèrent de ses yeux ruisselant sur son visage puis dans le coup de son étoile. Des mots chuchotés au creux d'une oreille, des mots simples universels mais des mots tellement importants pour le dieu.

-Je t'aime...

Il n'irait pas plus loin, elle ne voulait pas lui ? Elle avait une autre vie ? Qu'à cela ne tienne, lui devait déjà réparer ses bêtises. Toujours le visage ruisselant de larme Bergeau repoussa Eileen faisant apparaître son épée pulsante de lumière sous les yeux surpris de Tristana et disparaissant une fraction de secondes plus tard pour réapparaître sur le trajet de l'armada.



13-08-2012 à 22:42:08
Chaque mot vrillait doucement à ses tympans, réveillant toute une tornade de souvenirs. Chaque mot s’enfonçait dans des abysses où elle avait, depuis longtemps, jeté ses rêves pour les regarder tomber à l’infini, dans la pénombre. Parfois, dans ses nuits peuplées de cauchemars, elle se voyait tomber à leur suite, dans le gouffre béant laissé par les rêves de démesure des humains, affamé de sa culpabilité, réclamant une vengeance, comme une morale douce, qu’elle avait accepté. Elle n’était plus rien d’autre qu’échos de son passé, revenus la hanter. Mais n’était-elle pas elle aussi un de ses fantômes qu’elle avait quittés en pleurs ? Elle ne sentait plus rien, comme si elle glissait dans ce monde, intemporelle, presque spectrale. Mais il y avait toujours eu sur sa peau des caresses tendres, glissant le long de ses joues, accompagnées dans leur valse par quelques baisers aux accents légers ; et le murmure à ses oreilles de promesses effacées, qui ne valaient plus rien. Elle aurait voulu pouvoir partir sans lui, découvrir le monde, avant qu’il ne devienne gris, à perte de vue. Elle n’avait pas pu. Elle ne vivait plus que par ses rêves, auxquels elle s’accrochait désespérément. Parfois, elle les retrouvait dans des mots mal articulés, portant souffrance comme une habitude ; parfois, elle les retrouvait dans les corps brûlés, éventrés, agités de soubresauts, à ce moment où tous étaient égaux : aux portes de la mort. Elle caressait de près toutes ces agonies, pour y retrouver la sienne, habitant son cœur en permanence. Elle aurait voulu recommencer. Elle s’était perdue, déboussolée dans des océans de désirs et de songes. Aspirer à rejoindre les étoiles aurait presque été un rêve plus raisonnable, face aux siens. Et elle n’avait qu’un seul mot en tête : l’amour. Il faisait voler dans son cœur un vent d’espoir.

L’amour, mais pas à ses côtés, pas avec ceux qu’elle aurait aimé retrouver. C’était un espoir qu’elle avait perdu lorsqu’elle s’était rendue compte que, même s’ils se jetaient dans ses bras, elle devrait ignorer qu’elle les connaissait. C’était la règle d’or : pour protéger les gens aimés, il ne fallait pas. Il ne fallait pas, il ne fallait pas ; c’était une litanie minable, qui prenait toute la place dans ses pensées. Elle aurait voulu l’oublier. Elle aurait voulu le leur cracher à la figure, leur vomir tout ces crimes restés impunis. Parce qu’il était là. Il était là, devant elle, et elle n’aurait pas eu plus mal s’il avait serré son cœur entre ses mains d’une amère étreinte. Il ne fallait pas. Alors, quand son regard se fit chancelant, plein de cette tristesse en clair-obscur qu’il lui semblait connaître, elle fit disparaître son sourire, pour la première fois depuis longtemps. Et dans ses yeux ambre ne se coulait qu’un regard dur, âpre de sérieux. Et le soleil de toute une vie chancela, éclipsant soudain les maux de son cœur. Concentrée sur les battements de son cœur, qui criait douloureusement son envie de s’affoler, plein d’une douce folie, la jeune femme resta outrageusement immobile. Et pourtant, il était là, l’air vieilli tout soudain, avec sa main posée sur son épaule. Ses yeux se posèrent encore une fois sur l’angle d’un mur. Elle s’agita un peu lorsqu’il la pressa contre lui, d’une force brute où rayonnait une tendresse ensoleillée. Et pourtant, il était là, portant sur lui l’effluve de l’amour, fleurant comme les bois de la sylve qu’elle avait tant aimé. C’était comme une odeur d’infini. Elle trouva dans les interdits qu’elle s’était posés la force de se débattre dans son étreinte, alors que quelques larmes coulaient dans son cou.

Et son cœur se brisa. Elle faillit défaillir, sentant ce qu’elle avait mis quinze mille ans à recoller péniblement s’envoler. C’était la plus douce des explosions, effrayante dans toute l’étendue de la souffrance qu’elle procurait. Quelques mots qui faillirent faire voler en éclats tout ces scrupules qu’elle s’était imposés. Il ne fallait pas, il ne fallait pas. Mais le jeune homme la repoussa, et elle regarda disparaître son soleil. Elle se força à réagir, contrant son envie de rester plantée là, hébétée par les évènements. Son regard s’était fait vague un instant, mais c’est durci par un sérieux militaire qu’elle le posa sur le visage de la jeune femme, restée silencieuse, qui devait probablement se demander ce qui venait de se passer dans sa maison, juste sous ses yeux. Elle fit renaître de ses cendres son sourire tendre, qui appelait aux confidences d’inconnus, sans se départir d’un ostensible sérieux.


« Non, je n’avais jamais vu cet homme auparavant. Permettez-moi de vous donner mon avis : il n’est pas bon pour d’honnêtes jeunes femmes telles que vous de côtoyer ce genre d’hommes. Vous devriez vous tenir à l’écart. »

Elle planta son regard dans les yeux de la jeune femme. Bien que ses cheveux en bataille lui rappellent quelqu’un, elle ne la connaissait pas ; protéger était cependant sa priorité. Elle ne voulait plus voir d’innocents mourir. Toute douce, la flamme du pacifisme ondoyait en elle, plus vivace que les autres, s’associant à ses espoirs, en hommage à tous ces mondes perdus. Et elle ne souhaitait pas à la jeune femme de connaître la désillusion des promesses effacées. L’enfant, en elle, aurait voulu, au rythme de la magie, dévaler les rues pour rejoindre son aimé. Pourtant, elle restait là, à brandir son sourire absurde, arme d’absolu parmi tous les mots qui se fichaient dans son cœur. Sa voix s’éleva une nouvelle fois, posée, chaleureuse.

« C’est bien que vous n’ayez rien. »

Elle haussa les épaules, presque négligemment. Chaque mot lui vrillait le cœur. Elle aurait voulu se dresser contre la magie qui coulait des flots paisibles en elle. Il aurait fallu oublier, se laisser exploser, revenir au départ. Se lancer dans ses bras, l’embrasser, ne plus jamais le lâcher, lui dire qu’il lui avait manqué. Elle laissa là l’amour, enfoncé en elle, tout minable qu’il était. Elle aurait toute une éternité pour se détester d’avoir fait ce qu’il fallait. Protéger était le mot d’ordre, marmonnait une voix qu’elle n’aurait plus voulu entendre, perdue dans ses entrailles. Même si protéger voulait dire oublier. Peut-être tout aurait-il été plus simple si elle ne s'était pas contentée d'offrir minablement son corps à certains de ces passants inconnus, si elle s’était, en plus, damnée d'amour pour un autre, si elle avait fondé une famille avec cet autre. Peut-être que c’était ce qu’elle allait faire, songea-t-elle, en se mettant au garde-à-vous, comme le voulait l’usage.

Adressant un dernier sourire à la jeune femme et à son gros chat enroulé sur le canapé, elle sortit de la maison en silence, arborant toujours cet air d’infatigable optimisme qui s’accrochait à son visage comme pour tendre une bouée souveraine à des gens encore plus perdus qu’elle ne l’était. Le bitume tanguait sous ses pieds, tout doucement, étranglant une nausée dans sa gorge. Elle passa les portes d’un bar, et s’assit au comptoir. Le gérant eut un léger sourire dans sa direction ; elle ne commandait rien, mais il la considérait comme une habituée de la maison. La jeune femme savait qu’il la couvait souvent du regard, quand elle s’adossait en tailleur à un mur, et qu’elle écoutait les confessions et les apostrophes de tous ces hommes intoxiqués par leur vie morne, bousculée, au rythme de la foule. Elle lui serra la main, hochant négativement la tête lorsque, comme à son habitude, il demanda si elle désirait quelque chose. Elle se souvint d’une voix douce qui lui confiait d’expérience que boire pour oublier était une idiotie. Elle laissa glisser son regard vers le téléviseur, où la voix détestable du présentateur marmottait cette fois-ci quelques mots à propos du retour de l’ombre poseuse de bombes. Cette journée avait des teintes douces-amères.


14-08-2012 à 11:30:42
Tristana regarda Bergeau s'avancer vers Eileen, titubant. Il posa une main sur la jeune femme et se tourna vers le chat noir, couché sur le canapé en velours. Tristana arqua un sourcil. Pourquoi avait-il fait ça? On aurait dit qu'il le déifiat. Qu'avait donc pu faire cette boule de poil dans son dos?! Le cœur de la jeune fille ralentit lorsque le jeune dieu serra contre lui celle qu'il aimait. Elel en eut presque les larmes aux yeux d'émotion. Elle se frotta rapidement les yeux et reporta son attention vers ce couple déchu que formaient Eileen et Bergeau. Il plongea sa tête dans le cou de son aimée et quelques larmes ruisselèrent.

Je t'aime...

Elle l'avait clairement entendu, même si le jeune dieu avait chuchoté. Sa magie décuplait ses sens, elle n'en doutait pas. Il la repoussa, le regard humide de pleurs mais disparut une fraction de seconde plus tard. Stupéfaite, Tristana entrouvrit à peine les lèvres. Eileen sembla se ressaisir, car un sourire étira de nouveau ses traits sérieux.

Non, je n’avais jamais vu cet homme auparavant. Permettez-moi de vous donner mon avis : il n’est pas bon pour d’honnêtes jeunes femmes telles que vous de côtoyer ce genre d’hommes. Vous devriez vous tenir à l’écart.

Elle plongea son regard ambré dans les prunelles bleues de Tristana. Elle avait des yeux si beaux... pensa la jeune femme rousse.

C’est bien que vous n’ayez rien.

Pourquoi aurait-elle quelque chose? Finalement, elle réalisa qu'elle venait d'héberger un court instant un parfait inconnu chez elle. Et surtout qu'elle avait failli risquer la vie de sa tante et de son amour par ce simple geste. Son interlocutrice haussa les épaules. Un dernier sourire étira ses lèvres et elle quitta l'appartement. Tristana se tourna vers Pandémon.

Je vais la suivre.

Elle fronça les sourcils avant que le chat ne dise quoique ce soit.


Écoute, elle m'a l'air moins dangereuse que l'autre dieu. Et elle n'a vraiment pas l'air bien... Je ne vais pas la laisser broyer du noir, même si elle m'a effrontément menti!

Ignorant les possibles protestations du chat noir, elle sortit de son appartement également et le ferma à clé. Fort heureusement, Eileen n'avait pas beaucoup avancé et elle était encore en vue. La jeune femme rousse s'engagea à sa poursuite, comme elle l'avait fait précédemment avec Bergeau. Elle la vit entrer dans un bar et en resta étonnée. Noyait-elle sa tristesse dans l'alcool? Elle passa également les portes de l'établissement et ne vit aucune consommation alcoolisée face à la jeune femme. Il semblerait donc que non. Par chance, un siège était libre à ses côtés. Tristana le prit et se tourna vers le barman.

Une grenadine, siouplé m'sieur! demanda t-elle, enjouée.

~Beware~

Côté sucré et kawaii de Tristana : http://www.youtube.com/v/6md5RSnVUuo
Magie de Tristana : http://www.youtube.com/v/UQkxNbgohPg

Léo, tout simplement : http://www.youtube.com/v/tQyEUhedqDY (Juste parce que cette musique est trop démente)

Za, simply Za : http://www.youtube.com/v/24Lm4ue3Fbc
15-08-2012 à 16:09:09
Elle resta un instant silencieuse, et Dorian se félicita intérieurement d'avoir réussit à lui clouer le bec.
Au final, ils se surprenaient l'un et l'autre. Ce qui, bien entendu, n'avait rien d’étonnant étant donné qu'ils se connaissaient depuis... Moins d'une heure. Autant dire que leur relation ne s'était pas encore stabilisée -pour autant qu'elle le soit un jour ; ne devait-il pas la tuer pour préserver son anonymat ? Oui. Si. Sûrement. Peut être. On verrait bien. Pour le moment, il ne sentait pas vraiment l'âme d'un meurtrier. Il la tuerait peut être de sang froid plus tard, quand il en aurait l'envie et la motivation. Quoi qu'il en soit, ce n'était pas pour tout de suite.
Et puis, il l'appréciait plus ou moins malgré le rapport tendu qui s'était établit entre eux. Ce n'était pas parce-qu'il l'avait surpris en faisant preuve d'une audace suicidaire -qui lui était toute propre, d'ailleurs-, qu'elle avait elle aussi oubliée l'idée de lui faire sauter la cervelle. C'était le problème quand on rencontrait quelqu'un qui vous sautait dessus pour vous poignarder : on était jamais tout à fait certain qu'il ne caressait pas la pensée de recommencer en secret, dans quelque obscure recoin d'un esprit tordu... Et de mieux viser cette fois-ci, histoire de vous tracer un beau sourire écarlate en travers de la gorge pour éviter de se faire menacer par une personne qui pouvait vous brûler le visage et ce qui ce cachait derrière, simplement en décidant d'emplir ses paumes d'un joyeux feu magique prêt à ronger votre peau.
En fait, la situation était compliquée. Peut être un peu trop pour Dorian, qui avait prévu de passer une soirée en solitaire, à rêvasser sur son lit en attendant de s'endormir. Il n'avait pas vraiment la tête à réfléchir. Il était légèrement fatigué. Voir épuisé. Non en fait, ce n'était pas que léger ; il n'attendait que de pouvoir s'effondrer quelque part pour sombrer dans le sommeil.
Il avait fait appel à la magie trop souvent cette nuit. Mauvaise idée : ce n'était pas vraiment le moment de se laisser tenter par une étreinte chaleureuse de Morphée. En effet, il avait eu la charmante impulsion d'offrir à une jeune psychopathe aux allures de maîtresse dominatrice attitrée des masochistes de son quartier, la possibilité de l'interroger sur à peu près n'importe quel sujet qui lui passait par la tête.
Idée stupide, si il en est. Maudite soit sa proverbiale impulsivité bravache. Elle lui avait coûtée déjà beaucoup par le passé. Entre autre, de se faire tuer par un gamin aux pouvoirs démoniaques dopés à l'aide d’artéfacts magiques, qui avait par ailleurs rasée la moitié de Kairec grâce à une armée de démons. Quand le Dieu des dieux n'était autre que le reflet sombre d'un être divin et qu'il se mettait en tête de détruire quelque chose, ça ne rigolait vraiment pas. Night avait sûrement eut le droit à une bonne place de méchant charismatique dans les légendes de Kairec ; il devait maintenant servir de croque-mitaine pour faire peur aux enfants... Quel amusant usage d'un nom qui avait fait trembler le monde entier. Le temps effaçait même les horreurs les plus grandes.
Exception faîte des horreurs qui avaient encore une âme à tourmentées. Dorian était de ces âmes là.
Cette soirée ferait sûrement partit de son lot de mauvais souvenirs à ressasser quand il fixerait le plafond de sa caverne, couché dans un lit âgé de cent ans, dans la solitude et le silence. Que de bonheur et de joie à avoir survécut quinze mille années de plus que tout ceux qu'il aimait ; quelle existence de merde.
Avant même que son vis à vis se mette à parler, Dorian était déjà d'humeur maussade. Il était dans sa nature d'envisager toujours le pire et de s'empêtrer dans d'improbables situations. Certains auraient parlé de malédiction. Lui, avait simplement conscience d'être un abrutit finis.


-Mais… La magie, tout ça… C’est dans les vieilles légendes uniquement !
Il se retint de rouler des yeux d'un air excédé. Tout le monde aurait sûrement réagit de la même façon, à cette époque. La majorité de la population ne connaissait même pas l'existence des CEM, ne les considérant que comme une intéressante légende urbaine qu'on faisait circuler sur "Internet". Quant à ce qui était des descendants des Kaireciens ou autres créatures magiques... Ils étaient tout juste bon à servir de figures héroïque dans des livres et films tous plus ridicules les uns que les autres. Dorian était même quasiment certain que certaines légendes avaient eu le droit à leur équivalent cinématographique lors de ces dernières années.
Quel gardien de Kairec ces affreuses pièces de théâtre diffusées partout dans tout le monde avaient parodiés ? Le simple fait d'imaginer un de ses anciens compagnons dénaturé par un acteur qui ne lui ressemblait pas réveillait en lui une colère presque équivalente à son désir de vengeance.
Ils n'avaient pas le droit de souiller leurs histoires. De souiller leurs combats, leurs liens... Cette âge du fer et de l’électricité avait fait perdre toute décence aux humains. Ils se permettaient même de singer stupidement et sans talent ce qu'ils considéraient comme de vieilles figures de contes légèrement désuètes. Ils n'avaient plus aucune conscience de rien et avaient oubliés d'où ils venaient. Pour eux, le monde n'avait plus de limites : ils pouvaient même quitter leur terre natale pour aller s'installer sur de lointaines étoiles. En ce cas, quel importance avait un passé un peu flou ? Aucun. On nommait "moyen âge" ce qui avait été pour Dorian le présent de toute les joies.
Personne ne cherchait à dépoussiérer la vérité. On se contentait de ce que l'on savait, sans égard pour de vieilles histoires qui n'intéressaient plus personne si on ne les adaptaient pas au cinéma en les bourrant d'effets spéciaux.
Il avait tout de même la chance de ne pas avoir ce genre de boulet face à lui. Malgré son évident manque de tact et son sang trop chaud, la jeune femme qui lui faisait face n'était pas une idiote peinturlurée de maquillage. Elle avait soif d'apprendre, cela se sentait. C'était une véritable fouineuse née, et Dorian le savait, il l'intriguait. Si ça n'avait pas été le cas, sûrement lui aurait-elle déjà mis du plomb dans le crâne... Au sens propre du terme, bien entendu.
Mais elle ne l'avait pas fait. Il lui devait peut être un peu de gentillesse pour ça. Dorian fit alors quelque chose d'incroyable, de surréaliste : il repoussa la maussaderie qui l'avait envahie. Il tenta d'être... De bonne humeur.
Si ceux qui l'avaient connus étaient encore vivants et qu'ils l'avaient vu tenté d'être cordial, ils auraient scrutés le ciel à la recherche d’astéroïdes ou autres signes avants-coureurs de la fin du monde.


-J’ai l’air d’une légende ?
Certes, son ton était moqueur. Mais il ne fallait pas s'attendre non plus à ce qu'il devienne soudainement quelqu'un de sympathique ; qu'il donne l'impression de s'amuser à ses dépends de son peu de connaissances au sujet de la magie, valait mieux que de lui opposer un mutisme hostile ou un pessimisme teinté d'amertume et de fatalisme.

-Bah je sais pas, tu veux que je te colle une balle dans le crâne histoire qu’on vérifie, Papi ?
Bon. Ce n'était que son avis bien sûr. Visiblement, son "invitée" avait une toute autre vision de choses. Probablement l'écart des générations... Large fossé qu'ils pourraient difficilement franchir. Dorian pouvait se permettre d'aller se moquer des séquoias géants ; face à lui, ils n'étaient que des jeunes pousses.
Il se contenta pour toute réponse à la jeune femme d'arquer les sourcils, un air blasé plaqué sur le visage. Il n'avait plus vraiment envie de faire d'efforts maintenant. Il décida de ne plus parler ou peu, comme un enfant boudeur punissant la sévérité de ses parents d'un mutisme effronté.
Et on est où ?


-Dans une grotte sous-marine.
Réponse laconique. Il n'y avait pas besoin d'en dire plus de toute manière. Il aurait sûrement été superflu de lui préciser que cette même grotte s'étendait en réseaux de galeries, et qu'il ne l'avait pas trouvé totalement par hasard... Ou alors peut être que si. Mais elle n'avait pas besoin de le savoir pour l'instant et sûrement jamais. Ce qui se cachait ici ne regardait personne, lui compris d'ailleurs.
Il nota cependant que cette petite information suffisait à la troubler. Sa première pensée le mena stupidement à se demander si elle savait nager ; il mit au moins une seconde à se rendre compte de l'absurdité de l'idée. Ce n'était pas en nageant qu'elle pourrait regagner l'air libre, elle l'avait compris. Il en déduisit donc, avec un léger retard qu'il préféra attribuer à sa fatigue, que c'était le fait de se trouver à plusieurs kilomètres en dessous du niveau de la mer qui avait allumée une étincelle de peur dans son regard. Le même genre de frayeur instinctive, primaire, qu'il avait ressentit plus tôt en réalisant qu'il risquait de mourir en laissant le monde tel qu'il était. A moins que ce fut quelque chose de plus personnel ? Une peur de celles qui étaient propres à chaque être, une phobie née d'un traumatisme durant son enfance ? Dorian se rendit subitement compte qu'il se serait, étrangement, penché avec passion sur la vie de cette rouquine surprenante, si il en avait eu l'occasion.
A croire qu'il était devenu définitivement gâteux. Il avait l'impression d'être un vieux voyeur à la recherche de commérages, comme un de ces débris avide d'en savoir le plus possible sur les autres, qu'on rencontrait autrefois dans les petits villages. De vraies plaies ambulantes. Il se fit horreur et étouffa se désir avec dégoût en ce concentrant avec plus d’acuité sur la jeune femme.
Elle se reprit rapidement, sans presque rien laisser paraître de sa fugitive frayeur. Dorian dût s'avouer qu'il était impressionné.


-Donc t’es un mage et t’as quinze mille ans, c’est bien ça ?
Question rhétorique. Elle connaissait déjà la réponse, mais une partie d'elle tenait à ce qu'il le répète encore une fois ; pour le faire chier, parce-qu'elle était légèrement sourde, ou alors elle avait du mal à avaler la pilule et lui demandait un petit coup de main. Quel que fut son but, Dorian sentit une joie mauvaise lui étirer les lèvres. C'était l'occasion de lui balancer une petite pique en vengeance à sa menace de tout à l'heure... Et puis, elle l'avait appelé Papi. Elle devrait répondre de cet affront.

-Ouais. T’es lente à la compréhension toi.
D'accord. C'était un pique médiocre. Mais il était tout de même exténué ! Et son ton devait le rendre un peu plus acide qu'il ne l'était en réalité. Du moins, le mage l’espéra ; en un temps, il avait été très bon à ce petit jeu là. Avec les années, faute d'avoir à faire appelle à son don inné de froisser les gens, il s'était rouillé.
Peut être que la jeune femme lui donnerait l'occasion d'aiguiser un peu ses griffes émoussées. Si il ne la tuait pas. Bien sûr. Même si l'idée commençait à le répugner, pour une raison étrange.


-Ce qui veut dire que toutes les légendes que j’ai lues sont. Vraies ?
Dorian était déçu. Elle n'avait même réagit. Il avait vraiment dû perdre de son mordant en fin de compte. Triste prise de conscience... Il eut l'impression soudaine d'avoir perdu un membre. Et complètement à la ramasse, il ne s'en rendait compte qu'une fois que celui-ci aurait pu lui servir. Foutue solitude.

-Bah je sais pas, j’imagine qu’elles sont plus ou moins proches de la vérité. Lâcha t'il d'un ton maussade, l'air de s'ennuyer ferme.
Surtout dégoûté de se sentir si vieux et diminué, en fait.


-Dans certains vieux livres il est raconté que tous les habitants du Kairec de cette époque fuyaient un grand fléau…
Dorian se retint de bailler. Il allait sûrement avoir le droit à une vieille histoire à laquelle il avait prit part, malmené par les milliers de bouches qui l'avaient mâchonnées comme un chewing-gum qu'on se passait de génération en génération, jusqu'à la rendre totalement méconnaissable, informe, vaseuse et indigeste.
Il se pencha un peu plus vers la table, comme pour mimer de s'assoupir déjà.

Il s’agissait d’un mage. Il terrifiait toute la région à cause de son immense pouvoir.
Ils avaient touchés le fond. Elle allait lui conter ce vieux combat contre Night, durant lequel les Kaireciens s'étaient d'abord égaillés en tout sens avant de s'organiser pour combatte les armées démoniaques du reflet sombre de Bergeau. Night était dieu et pas un mage, mais il s'était attendu à ce que la vérité ait été déformée ; quant à ce qui était de la "région", on avait réduit le champ de dévastation de Night : c'était le monde entier qui avait pâtit de cette guerre.
Pour faire bonne mesure, Dorian lâcha quelques bribes de grommellements agacé. Elle continua.

Il arrivait à casser les pieds de n’importe qui à qui il parlait. Ses talents de chieurs étaient sans commune mesure. Il s’appelait… Daurie. Non. Doron ? Ah je sais ! Dorian, voilà !
Il releva la tête et la fixa stupidement. Ce n'était pas de Night qu'elle parlait. En fait, ce n'était même pas d'une véritable histoire. Elle était simplement entrain de se foutre de sa gueule. Avec un grand sourire.
Il aurait peut être dû être en colère, mais une partie de lui trouvait ça drôle. Ce n'était pas comme si il s'était lui même pris un jour au sérieux. Il avait toujours eu l'impression d'être un abrutit impulsif, tout comme Bergeau quand il était jeune. Ils avaient même eu une discussion là dessus. Durant laquelle ils avaient constatés tout les deux combien ils étaient incroyablement stupides. Entre autre choses.
Il se souvint de ce moment qui avait précédé l'apprentissage de Bergeau et ne put s'empêcher de rire, tout en tentant de fusiller sa prisonnière - A la base, c'était ce qu'elle était ! Même si les rôles avaient tendance à s'inverser depuis tout à l'heure, donnant l'ascendance à l'un et à l'autre à tour de rôle- du regard. Mais une lueur de plaisir brillaient dans ses yeux, et ils étaient plus bleus que gris en cet instant.
Fière d'elle, sûrement, elle alla chercher une malle sur laquelle s’asseoir. Il y'avait d'autres chaises, mais Dorian ne lui en fit pas la remarque. C'était sûrement un un vieux coffre vide, et la rouquine devait lever les yeux pour le regarder en face, assis là-dessus. C'était plutôt appréciable.
Ses rangers posées sur la table le furent moins. Dorian loucha dessus. Elles étaient plutôt propres, singulièrement.

Je ne sais pas ce que tu faisais avec cette bombe, mais ça ne pouvait être que dans mes intérêts. On ne fait pas sauter un immeuble si on ne veut pas renverser le gouvernement.
Une fois de plus, nouveau virage. Il leva les yeux de ses bottes pour la fixer intensément. Elle lui renvoya un regard semblable, et il se sentit à la fois soulagé et mal à l'aise. Si ils oeuvraient tout le deux pour renverser l'état, devrait-il la supporter encore longtemps ? Il n'avait côtoyé personne de près ou de loin depuis un peu plus de cent ans. Il se voyait mal faire copain-copain avec une sorte de ninja tombé du ciel qui l'avait poignardé avant de braquer un pistolet sur sa tempe, pour finalement terminer par lui poser des questions avant de collaborer avec lui. C'était trop tordu. Digne d'un mauvais scénario de série. Il ne manquait plus que les tasses de thé et une révélation surprenante avant que ne retentisse le générique de fin.
"Retrouvez nous au prochain épisode, dans lequel nos deux héros iront sauver une fillette tétraplégique dotée de supers-pouvoirs hérités de son père qui n'est d'autre qu'un mutant radioactif, afin que cette dernière puisse les aider à lutter contre des extraterrestres voulant envahir la terre pour asservir les humains et utiliser leurs cheveux comme herbes pour vaches inter-stellaires !"
Bien entendu, il n'y eut ni chanson, ni voix féminine extatique déclamant le déroulement du prochain épisode. Non. Il y'eut PIRE. Bien plus horrible et perturbant.

C’est un peu triste et hirsute ta grotte, je te ferai visiter mon appartement si jamais tu veux bien sortir de là. C’est quand même plus confortable.
Horreur. Elle l'avait pris en sympathie. Elle voulait collaborer avec lui. Elle voulait le sortir de sa grotte. Elle voulait lui retirer son statut d'ermite. Elle voulait le débarrasser du silence. Elle voulait. Le sociabiliser. Devenir son ami peut être.
Pour s'assurer qu'il n'était pas en plein cauchemar, le mage la fixa intensément.
Et c'était bien le cas. Une véritable fascination se lisait dans son regard. Il était comme un animal nouveau qu'elle rencontrait, une bête exotique à observer, palper- apprivoiser. C'était une étrangeté de la nature que cet homme qui avait vu naître le monde dans lequel elle vivait, et mourir celui dont on avait abreuvé son enfance. Une chape de plomb tomba sur ses épaules.
Il n'avait pas envie de devenir un témoignage vivant de l'existence de la magie, de sa déchéance et de sa disparition. Il n'avait pas envie de prendre la main de quelqu'un qui le guiderait à travers les méandres d'une société qu'il n'aspirait qu'à détruire. Il n'avait pas envie d'avoir d'ami, tout simplement.
Tout ce qu'il voulait désormais, c'était dormir. Échapper à son regard, aux étoiles dans ses yeux, à la fatigue de son corps. Dormir et se réveiller le lendemain avec pour seul contrainte de continuer à travailler pour exercer sa vengeance. Alors qu'à ce rythme là... Il se coltinerait cette folle dangereuse dont il ne connaissait même pas le nom pour une dérisoire cinquantaine d'années, finirait par s'attacher à elle, puis la verrait mourir alors que lui n'aurait pris de rides que si il l'avait décidé. Et une fois de plus, il serait seul en fin de compte, avec le souvenir de nouvelles joies à ressasser, qui se transformeraient en douleurs avec le temps, car il ne pourrait jamais plus les savourer sans penser à la mort de celle avec qui il les avait partagé. C'était ainsi que cela terminait à chaque fois.
Il ne voulait pas que cela recommence encore une fois. Elle devait partir. Ou mourir tout de suite. Il ne voulait plus la voir, ni lui parler. C'était une intruse, un grain de sable dans la mécanique soigneusement entretenue de sa routine solitaire. Elle ne pouvait pas dégringoler de dieu savait où, bloquer un engrenage, et dérégler tout pour finalement se rendre indispensable. C'était... Immonde. Elle n'avait pas le droit.

Tu peux me raconter un peu comment… C’était ?

Et c'est le drame. Elle n'aurait jamais dû poser cette question.
Dorian la dévisagea. Ses pommettes rougirent. Ses yeux devinrent aussi gris des nuages orageux. Elle présentit que quelque chose clochait et voulut se lever ; mais avant qu'elle n'ait pu faire plus qu'esquisser son geste, Dorian balaya la table d'un revers de bras qui envoya ses jambes valser, la déséquilibra, puis l'envoya à terre.
Il se leva, exhalant une rage brûlante. La fureur crispait sa mâchoire, fronçait ses sourcils à outrance, assombrissait ses yeux et ses joues. Il posa sur Amélia un regard dans lequel la raison n'avait pas sa place. Il s'appuya sur la table de tout son poids, les deux poings serrés contre son bois. Elle émit une protestation en craquant.


-NE POSE JAMAIS CETTE QUESTION ! NE ME DEMANDE JAMAIS CE QU’ÉTAIT LE MONDE AVANT QUE VOUS EN FASSIEZ UNE NICHE POUR HUMAINS ! NE ME DEMANDE JAMAIS CE QU'A ÉTÉ MA VIE AVANT QUE VOUS DÉTRUISIEZ TOUT CE QUI M’ÉTAIT CHER ! NE. ME. DEMANDE. PAS. D’ÉVOQUER. KAIREC ! Hurla t'il d'une voix aux intonations de tempête.
Il sembla sur le point de la réduire en cendres, ou de se mettre à frapper les murs à mains nues en hurlant pour déverser sa colère. Elle n'était même plus diriger contre Amélia elle même, mais... Contre le monde entier. Ce n'était pas une rage cohérente. Ce n'était rien du tout. Seulement une éruption. L'explosion d'une colère si vieille que la tempête qu'elle avait soulevée mourut avant d'avoir pu balayer quoi que ce soit.
Aussi vite qu'elle était venue, elle repartit.
Dorian s'effondra sur sa chaise. Il laissa retomber son visage contre la table. Et fut secoué de sanglots hystériques. Sans aucun égard pour Amélia, ni ce qu'il venait de lui faire, ni ce qu'il lui montrait en cet instant.
Dorian était instable. Colères brûlantes, tristesses étouffantes. Il ne pouvait pas lutter contre ce que l'évocation de Kairec réveillait en lui, l'abîme que le passé ouvrait dans son coeur, et le feu qu'il envoyait dans ses veines. Pantin de ses passions, il vivait en s'époumonant, en pestant, en étant prêt à faire de ce monde un désert sans vie, pour l'instant d'après, abreuver ce dernier de larmes amères et froides qui coulaient depuis quinze mille ans chaque fois pour la même raison. Il n'avait jamais fait le deuil, ni de sa famille, ni de ses amis, ni de Kairec. Il en était incapable.
Il était pitoyable. Si pitoyable qu'il invitait à la violence, que l'envie de le frapper ne pouvait que saisir ceux qui voyait ce soi-disant mage millénaire échouer à se maîtriser, perdant face aux souvenirs. Ne pouvoir combattre un passé vieux de quinze mille ans ? C'était être faible. Faible et misérable, d'une faiblesse écœurante et insupportable.
Sans relever le visage pour regarder Amélia en face, Dorian parla- contradictoire, dégoûtant de par son échec à retenir ses paroles et ses larmes. Faible, simplement. Faible.

C'était... Mieux. Il n'y avait pas que des humains pour habiter la terre. Les arbres étaient comme des immeubles, mais eux vivaient et donnaient la vie. Il y'avait un cycle et des animaux pour le perpétuer. Tout était vrai. Tout était plus beau. L'air n'était pas tout le temps frai, le temps pas toujours ensoleillé : c'était l'âge de la nature, dans ses bons et mauvais points. Mais aussi celui de la diversité. C'était... Différent. Différent de maintenant.
Ses épaules cessèrent de s'agiter compulsivement. Il tourna la tête sur le côté. Ses yeux étaient vides, perdus dans le vague. Il ne pouvait pas en parler autrement qu'en s'y égarant pleinement. Il refusait de confronter le présent et le passé ; c'était soit le présent, soit le passé. Jamais les deux en même temps. Il n'y avait pas assez de place en lui pour ça.
La magie pulsait dans la terre comme un coeur et parcourait les sols du monde. Elle apportait la vie là où elle était la plus forte, et enchantait les choses qui naissaient de son flot. C'était la force et la faiblesse de la nature. La magie lui donnait vigueur, force et conscience ; mais sans cette magie, elle ne pouvait être. Tout à Kairec n'était que magie, chaque arbre, chaque goutte d'eau du lac où nous nous réunissions.
<< C'était aussi un don que tous ne possédaient pas. Tout le monde ne pouvait pas la voir et l'utiliser. Cependant, nombreux étaient ceux qui pouvaient la manipuler. Mais la plupart du temps, elle était mal vu. Kairec était un des seuls lieux où on la tolérait. Dans certaines régions, on chassait ceux qui possédaient un don. La plupart de ceux qui pouvaient faire appel à la magie ne le dévoilaient jamais. Ils restaient aveugles et sourds pour ne pas la voir ni l'entendre. Pour sauver leur vie.
Un sourire sans joie étira ses lèvres, dégoulinant d'amertume.
Kairec n'a jamais été appréciée des humains. Ils craignaient la forêt, et nous laissaient en paix. Depuis toujours, on disait de la sylve qu'elle était le foyer de démons, de dieux sanguinaires et de bêtes folles avides de chair et de sang. Certains petits villages la vénéraient, cependant, mais ils étaient minoritaires, et le temps passant, ils ont tournés le dos à la magie... A Kairec, les animaux parlaient. La terre chantait. Les arbres étaient le foyer de multitudes de créatures.
Ses paupières s'abaissèrent. Il quitta le passé, et son coeur se fêla.
Kairec était mon foyer. Ils n'avaient pas le droit. La forêt était le coeur de ce monde, et ils l'ont poignardé sans égard pour la terre qui leur avait donné naissance. Ils ont trahis leur mère nourricière et l'ont violés pendant quinze mille ans pour élever une nouvelle sylve au dessus de l'ancienne, une sylve dont les arbres ne vivent pas. Aujourd'hui, ils foulent un cadavre, mais personne n'y prête plus d'attention. Ils peuvent continuer de faire comme bon leur semble sur ce corps mort et stérile incapable d'enfanter, maîtres d'une science qui les préserve de leur châtiment.
Dorian releva lentement la tête. Il ouvrit les yeux, et de nouveaux, ils étaient gris. Mais du gris de l'orage qui n'a pas encore éclaté, du gris de plomb qui emplit le ciel avant que ne tombent les salves et ne rugisse la foudre. Il fixa Amélia de ces yeux là, et c'est d'une voix douce et brisée qu'il parla.
Mais je suis là. Je suis leur châtiment. Et ce soir, je m'abat une fois de plus sur eux.
Un sourire trop large passa sur ses lèvres. Il claqua des doigts.
Et en ville, la bombe explosa.
17-08-2012 à 15:10:20
Mais c’était quoi ce bordel ?
Il y a à peine quelques minutes elle débarquait en face d’un inconnu terroriste barbu, histoire de faire original, essayait de le tuer puis il la kidnappait à l’aide d’une magie légendaire et maintenant ils faisaient ami-ami ? C’était quoi la prochaine étape, ils couchaient ensemble tout en sauvant le monde d’une attaque de robots géants ?
C’était un scénario digne d’un mauvais film.
Bon, c’est vrai qu’Amélia avait ressenti un soudain élan de sympathie envers Dorian lorsqu’elle avait compris qu’il désirait lui aussi la chute du gouvernement. Cela lui avait mis du baume au cœur d’apprendre qu’elle n’était pas seule dans sa lutte, que d’autres personnes pensaient comme elle. Bon d’accord, cette autre personne se résumait à un irascible barbu vieux de plusieurs dizaines de milliers d’années.
Mais cela ne justifiait pas tout, d’autant plus que la jeune femme et son ravisseur n’étaient pas les êtres les plus sociables de la création. Enfin bon, il fallait faire avec ce qu’on avait et autant être en bon terme avec le type qui vous détient au fond de l’océan.
A ce propos, Amélia sentait qu’elle venait de faire une connerie.
Sa question, formulée avec hésitation, avait longuement fait écho dans la caverne obscure et puis…


- - NE POSE JAMAIS CETTE QUESTION ! NE ME DEMANDE JAMAIS CE QU’ÉTAIT LE MONDE AVANT QUE VOUS EN FASSIEZ UNE NICHE POUR HUMAINS ! NE ME DEMANDE JAMAIS CE QU'A ÉTÉ MA VIE AVANT QUE VOUS DÉTRUISIEZ TOUT CE QUI M’ÉTAIT CHER ! NE. ME. DEMANDE. PAS. D’ÉVOQUER. KAIREC !

Ce fut l’explosion, brusque et gigantesque. Un soudain déferlement d’une telle violence que la jeune femme en tremblait. En face d’elle, Dorian n’était plus que folle colère, météore dévastateur. Sans trop qu’elle comprenne comment, elle se retrouva par terre, le dos douloureux. Le mage millénaire la fixait d’un œil douloureux. Son regard n’était plus celui d’un homme mais d’une bête. Une bête traquée, une bête souffrante.
Il transpirait la haine et la colère, une rage millénaire qui avait enflée au fil des siècles pour devenir une véritable raison de vivre. En cet instant il en était effrayant, semblable aux dieux vengeurs des légendes.
Et tout d’un coup il s’écroula. Aussi subitement que qu’il avait perdu le contrôle, il fondit en larmes et se recroquevilla sur la table. Des sanglots d’une rare violence lui secouaient les épaules.
Amélia s’en voulut. En quelques mots, elle avait causé une douleur des plus intenses à Dorian. Personne ne méritait de souffrir ainsi.
Et finalement, entre deux sanglots, l’homme se mit à parler.
Et la jeune femme écouta.



Tandis que les mots coulaient à flot depuis la bouche de Dorian, Amélia fermait les yeux respectueusement et observait un silence de tombe. Au fil de la description du mage se formaient dans son esprits des images diverses d’endroit fabuleux. A travers les paroles de son ravisseur elle put vivre quelques instants dans la forêt de jadis.
Et c’était beau. C’était la vie à son état sauvage, la splendeur-même du monde. Elle comprit à quel point les Hommes avaient défiguré ce monde, à quel point ils l’avaient violé, comme elle-même l’avait été autrefois.
Sans même qu’elle ait à les imaginer, les créatures d’antan vinrent peupler cette forêt qu’elle s’imaginait. Et avec eux ils amenèrent rires et joies.
Elle put voir la magie à l’œuvre, les flux et les reflux de l’énergie du monde. Comment la forêt avait bercé en son sein de nombreuses vies.
Amélia put plonger durant quelques instants dans ce lieu apaisant, où tout n’était qu’une vie exubérante. Les arbres s’animaient sous les dires de Dorian.
Sans qu’elle s’en rende compte, une larme unique coula sur sa joue. Et elle rouvrit les yeux.
En face d’elle, le mage barbu s’était calmé, mais dans son regard couvait toujours la tempête. Il la fixa quelques secondes dans un silence parfait avant de parler de nouveau de sa voix brisée.


- - Mais je suis là. Je suis leur châtiment. Et ce soir, je m'abats une fois de plus sur eux.

Un rictus déforma son visage alors qu’il claquait des doigts. Et rien ne se passa de visible, mais Amélia comprit que sur cet immeuble anonyme où ils s’étaient rencontrés la bombe venait d’exploser.
Lentement, la jeune femme se releva. Elle fixa Dorian un moment et tenta un mince sourire. Elle s’en voulait toujours d’avoir éveillé des souvenirs si douloureux chez lui. Les secondes devinrent minutes puis s’étiolèrent… Un long moment passa avant qu’elle ne prenne la parole, tous les deux étaient perdus dans leurs pensées.


- - Je… Te comprends. Enfin, tu dois t’en foutre mais je comprends pourquoi tu luttes contre ce monde. Et d’une certaine manière je suis heureuse de ne pas être seule à vouloir renverser cette société. Peut être pas pour les mêmes raisons, mais on a quand même le même objectif.

Elle prit une grande inspiration. Mais putain qu’est ce qui la prenait ? Pourquoi tentait-elle, certainement en vain, de sympathiser avec lui ?

- - Ecoute. Je veux qu’on s’aide. Pas qu’on devienne amis ou ce genre de conneries, on en a tous les deux rien à foutre je pense. Mais si on veut atteindre nos buts, il va falloir qu’on s’entraide. Comme un… Partenariat, en gros.

De nouveaux, de longues minutes s’étirèrent puis délicatement Dorian hocha la tête. Elle ne sut pas si c’était en signe d’assentiment ou un quelconque reflex nerveux mais elle s’en contenta.
Cependant, en se rappelant où elle se trouvait, elle prit un ton plus ferme et planta son regard dans celui de son interlocuteur. Elle parla d’une voix d’acier, plus tranchante qu’une lame.


- - Par contre je te préviens. Jamais je ne tomberai. Jamais plus je ne me retrouverai plongée dans le noir. Je m’envolerai avec les étoiles, et n’essaye surtout par de m’en empêcher.
La menace planait, claire et précise. Ces paroles étaient peut-être obscures pour quelqu’un d’autre, mais elle s’en fichait. Il était important de préciser ce point, vital même. Mais Amélia abandonna bien vite le masque dur qui s’était figé sur son visage et reprit la parole.
- - Euh d’ailleurs… On ne pourrait pas plutôt aller ailleurs ?
- - J’peux pas.
La jeune femme écarquilla les yeux devant la réponse laconique avant de se rendre compte de l’état d’épuisement avancé dans lequel se trouvait Dorian. Il était littéralement harassé.
- - Oh je vois, grand-père a besoin de repos… dit-elle, sardonique avant d’enchainer. Très bien, j’imagine que je vais devoir attendre un peu.

Elle se détourna vivement du mage barbu et sonda la grotte du regard. Cette dernière était si grande qu’elle n’en voyait pas le bout.
Au moins, Amélia savait ce qu’elle allait faire durant tout ce temps.


Elle avait une caverne sous-marine à explorer.

17-08-2012 à 23:21:59
Liwan observa le désastre autour de lui. Etonnamment, très peu de corps jonchaient les rues. Les dégats étaient quasi exclusivement matériels. La bombe avait explosé l'immeuble une fois celui-ci vidé de ses occupants. Une femme en pleurs vint néanmoins lui tirer la manche avec insistance.

-Mon... mari... mon mari... il est revenu à la maison après son travail et puis il s'est... (elle lacha un sanglot déchirant) rendu... compte qu'il avait oublié sa... sa veste. Alors il est rep...reparti le chercher.

Liwan lui jeta un regard méprisant.

-Qu'est ce que ça peut me foutre ? lui lança-t-il avec brusquerie.

Sans tenir compte de son ton et de son attitude, la pitoyable femme reprit alors que les larmes coulaient à flot sur ses joues:

- Vous croyez qu'il est m... mo... mort, hein ? C'est... ça ce que ça veut dire, cette explosion ?

Elle persistait à s'accorcher à sa manche alors il lui envoya une formidable baffe pour s'en débarasser. Elle tomba au sol, choquée. Elle leva des yeux implorants vers lui. En retour il abaissa les siens sur elle. Il eut un rictus effrayant, fou. A ce moment là, la veuve comprit qu'elle n'avait pas affaire à quelqu'un de sain d'esprit.
Liwan l'attrapa au col avec sa main gauche, la releva d'un coup et colla son visage au sien.

- Votre mari doit à présent être éparpillés en divers membre de chairs sanguilonantes.

Il la projeta à nouveau au sol. Il avait des yeux sombre teintés de rouge. Une lueur démente y rodait, prête à bondir. Elle émit un gémissement de peur.

-Mais ce n'est pas ça le plus important. Non. Tu te demandais ce que ça voulait dire ? Et bien ce que ça veut dire c'est que l'ombre poseuse de bombe est de retour. Et cette fois-ci je vais m'occuper d'elle. Je vais l'attraper et puis je la ferai saigner à mort. Et alors elle me suppliera de la pardonner.

Il s'arrêta un instant dans sa tirade.

-Je ne le ferais pas.

Il s'éloigna de la femme à présent plus figée d'horreur que de chagrin. Les flammes s'élevaient derrière lui, rougeoyantes.
L'ombre avait détruit tout ses biens. Tous ses souvenirs. Tous. Y compris la photo de ses parents. Chaque soir il la contemplait. Elle l'adoucissait, le réconfortait, le guérissait. De ses peines. Lui rappelait ce qu'ils avaient tentés de lui inculquer. La seule image qui le ramenait à la réalité, qui l'empéchait de sombrer dans une démence folle.



Déjà leurs visages s'estompaient dans son esprit.

MUSIQUE DE COMBAT: http://www.youtube.com/watch?v=BHRyMcH6WMM
26-08-2012 à 01:27:37
Bon euh désolé, c'est franchement nul et bâclé. ;_;

En face d’Amélia, l’obscurité de la caverne semblait lui tendre la main.
Elle l’appelait, lui susurrait des mots doux, la cajolait pour l’attirer en son sein. Pourtant la jeune femme était terrifiée à l’idée de s’enfoncer dans les bras ténébreux de cet endroit. Elle avait l’impression de suffoquer, écrasée par une puissance supérieure, elle était littéralement clouée au sol.
Et plus que de l’effrayer, cela l’énervait au plus au moins. Amélia sentait une rage sourde s’emparer de tout son être, un puissant désir de liberté. Elle ne pouvait pas supporter d’être enfermée. Elle ne pouvait pas vivre sans voir le ciel, sans sentir le vent sur sa joue. Elle ne pouvait pas vivre sans la douce caresse de la Dame Sélène.
La jeune femme en tremblait presque. Toute sa vie durant, depuis le jour de son premier envol, elle avait avancé sans jamais se retourner. Toujours aller plus haut. Ne pas chuter. Ne pas s’attarder sur le passé. Progresser. Encore et toujours.
Le fait de devoir passer la nuit dans la caverne ne l’enchantait guère, et elle allait certainement devenir folle si elle restait assise dans un coin.
Et puis merde franchement, quoi qu’elle puisse croiser dans les profondeurs de la grotte elle pourrait s’en débarrasser facilement. Du moins, elle l’espérait.
Amélia sortit un petit briquet de sa veste et l’alluma. La flamme tremblotante éclaira légèrement le chemin devant elle. Dans son dos, Dorian se coucha sur son lit miteux, ignorant superbement son "otage". La jeune femme prit une grande inspiration et commença à avancer.

Après plusieurs minutes de marche, le vieux mage et ses affaires n’étaient plus visibles. Seul sont briquet protégeait Amélia de l’obscurité ambiante. L’air se raréfiait autour d’elle. A ce propos, comme cela se faisait-il qu’elle pouvait respirer dans une grotte sous-marine ? D’où venait l’oxygène ?
Perturbée par cette interrogation, la jeune femme continua d’errer perdue dans ses pensées… Jusqu’à ce qu’elle heurte un obstacle. Elle fut projetée au sol et perdit son briquet dans sa chute. Un liquide poisseux, qu’elle identifia rapidement comme étant du sang, envahit sa bouche.
Putain, comme si elle avait besoin de ça.
La flamboyante rouquine se tâta délicatement le nez. Ce dernier n’était pas cassé mais il avait pris un méchant coup. Ses doigts furent bientôt eux aussi poisseux de sang. Après quelques instants passés à chercher sa précieuse flamme à tâtons, Amélia put de nouveau brandir sa lumière. Elle observa l’obstacle qu’elle avait heurté.
Il s’agissait d’un immense dôme de verre teinté de telle sorte qu’elle ne pouvait pas voir à travers. La jeune femme eut beau en faire le tour, elle ne trouva aucune porte. Elle se campa donc devant le dôme et l’étudia avec attention.
Qu’est ce qu’il foutait là ? Que cachait-il ? Dorian était-il au courant ? Oui, certainement… Un entrepôt d’armes peut être ? Après tout, elle ne savait pas comment l’irascible homme fabriquait ses bombes…
Mue par un instinct incontrôlable, Amélia posa sa main recouverte de sang sur la paroi. Cette dernière se mit soudainement à briller intensément et, avant que la rouquine ne réagisse, une ouverture se fit dans le verre, tout juste de la taille d’un homme.
Sans se faire prier, la jeune femme pénétra à l’intérieur.

Elle eut l’impression d’avoir changé de monde, d’avoir été transportée dans les anciennes légendes.
Devant elle s’étendait une petite clairière à l’herbe d’un vert étincelant, un grand arbre se dressait en son centre. Et au pied de ce dernier… Amélia s’étrangla de surprise, il y avait des corps ! Mais pas des humains, des êtres étranges, tout droit sortis d’un quelconque rêve. Ils semblaient tous dormir d’un sommeil paisible, bien loin de tous les tourments du monde…
Observant un silence religieux, la rouquine se retira rapidement hors du dôme et reprit sa route dans les ténèbres.
Sans même rallumer son briquet.

Comme ça elle-même ne pourrait voir les larmes qui roulaient sur ses joues.
27-08-2012 à 23:03:47
Liwan circulait dans les rues d'un pas rapide. Il était hors de lui. A cause de cette fichue explosion il était privé de tout ses biens et part dessus tout, d'endroit ou dormir. Il était fatigué et en colère, non plus que ça... la haine l'envahissait. Envers tout. D'abord pour ce qu'il venait de se passer et l'ombre poseuse de bombes. Puis pour tout les Etres Magiques en général, dont l'Homme Lumière. Et enfin pour sa vie. Qu'il n'avait jamais voulu comme ça. Remplie de rage, de sentiments mauvais, de meurtres. Surtout de rage. Envers ses parents morts aussi. Ils n'avaient jamais eu le temps de lui fournir une éducation convenable et assez d'amour. Trop occupés qu'ils étaient par leur putain de "Magie" de merde.

Un jeune homme le bouscula. Vêtu d'un antique blouson en cuir, de lunettes de petit péteux, et une clope à la bouche, un petit voyou comme tant d'autre.
Non content de l'avoir dérangé, il l'apostropha:

-Fais attention où tu marches, connard.

Ton pédant, insupportable.

Dans un accès de fureur froide, Liwan dégaina son Berreta et l'exécuta sèchement d'une balle entre les deux yeux. Le corps sans vie du voyou tomba sur le béton tel une poupée de chiffon. Un cri retentit dans la rue. Du sang vermeil se propaga sous le cadavre. N'y prétant plus attention continua son chemin, à nouveau plongé dans ses pensées.

Le parc vert. Il devait aller au parc vert avec le lac. Le seul et unique lieu de la ville où se trouvait de la vrai herbe, pas synthétique comme dans les autres. Les CEM avaient tout lieu de croire que c'était le dernier vestige du Vieux Kairec. Ils le laissaient uniquement à cause de la surprenante résistance des gens des alentours quand il était envisagé de le supprimer. Il avait un effet "apaisant" sur eux. Des balivernes. Ou peut-être pas. Au fond il s'en fichait, après tout il...

-M... monsieur vous êtes en état d'arrestation pour meurtre.

Liwan jeta un regard à l'homme qui venait de s'adresser à lui, une once de peur dans la voix. Un gardien de la loi. Si il le tuait aussi, il risquerait d'avoir quelques problèmes.
Il piocha sa carte de CEM dans sa poche et la tendit devant lui.

-Liwan Sayn, Chasseur d'Êtres Magiques. Cet homme était d'origine Vieux-Kairecienne. mentit-il aisément.

L'homme en face de lui sursauta et bafouilla quelque mots d'excuses. De la sueur coulait le long de ses tempes. Il esquissa une ridicule salutation et s'éloigna d'un pas hésitant.

Liwan faillit sourire devant la démarche mal à l'aise du gardien.

Il remit à marcher et se dirigea vers le parc. Qui sait, peut-être y trouverait il un quelquonque indice ? Peuh... il savait que c'était se mentir. Secrètement, il espérait y trouver comme tant de personnes le disait la paix. Cela lui sembalit une notion si lointaine, si abstraite.

Quand il parvint devant un grand portail en fer forgé, il sentit une sensation étrange et diffuse se manifester en lui. Quelque chose comme... il ne savait comment le définir.
Il entra et s'engagea sur un petit chemin clair. Ses pieds crissaient dessus. De la terre ? Il continua sur quelques mètres puis déboucha sur une grande clairière entourée de quelques petits mais vrais arbres verts. Au centre une étendue d'eau claire. La sensation se fit plus forte. Il s'avança juste au dessus du lac. Une image de lui se refletait dans l'eau calme qui ondoya doucement quand une légère brise parcourut l'air.

Soudain il mit le doigt sur la sensation qu'il éprouvait. Pas de la paix, non, certainement pas: la fureur régnait encore en maitre dans son coeur, trop longtemps abreuvée. Plutôt une sorte de... résonnance. Voilà. Une résonnance au tréfond de lui, qui s'agitait et lui remuait les tripes.

Un pépiement d'oiseau s'éleva. De l'arbre juste au dessus de lui, une colombe blanche, cousine des rares pigeons gris qu'on trouvait de temps en temps en ville, l'observait la tête penché comme si elle s'étonnait de le voir. Leur regards se croisèrent et...

La sensation en lui explosa, répandant ses tourbillons colorés autour de lui, les yeux bleux de la colombe emplirent son âme. Il se sentit décoller du sol. Puis une brève et puissante déflagration et...

Il se retrouva à contempler de haut un homme aux cheveux noirs et désordonnés, pâle, et crispé, qui s'ébroua puis agita ses bras en émettant des cris étranges. Un instant déstabilisé, Liwan réalisa deux choses primordiales.

Ce qu'il regardait, c'était lui.

Sauf qu'il était à quelque mètres au dessus, sur une branche. Sur une putain de branche.

Une énorme vague s'empara de lui. Une existence défila dans sa mémoire. L'existence d'une colombe. Sa naissance, floue, puis son premier vol, les premiers jours grisants à se détacher du nid et de sa famille. Enfin, l'apprentissage de la vie simple d'oiseau, ses déboires et ses plaisirs, ses joies et ses malheurs.

Déstabilisé, il remarqua qu'il, que son corps, l'autre lui, celui qui courait autour de l'arbre, tombait, sautait en bougeant ses bras et ses jambes et retombait, devait être possédé par l'esprit de la colombe.

La vision de lui même en train de faire des choses aussi stupides lui fit lacher un rire... qui se transforma en pépiement joyeux. A ce bruit, les yeux verts de la colombe qui se déménait dans un corps étranger se levèrent vers lui et...

Une explosion transperça son cerveau, et des rubans-tourbillons de toutes les couleurs apparurent autour de lui dans un flou total, une déflagration et...

Il avait le nez dans l'herbe, des brins d'herbres chatouilleurs se faufilaient dans ses narines. Ses narines. Son nez. A nouveau dans son corps. Liwan poussa un soupir de soulagement.
Il se releva lentement, profitant de chaque sensation que lui procuraient ses muscles humains. Il avait eu l'impression d'être resté colombe une éternité. Le temps d'une courte vie en fait.
Complètement ébranlé par ce qu'il venait de se passer, il se traina jusqu'à l'extérieur du parc. La dérangeante résonnance disparut.

Il fit encore quelques pas et se laissa glisser sur un mur sale d'un quelquonque immeuble. Avant d'entrer dans ce putain de parc, il était fatigué, maintenant il était épuisé. Plus, même. Exténué. Harassé. Chacun de ses membres pesaient trop pour qu'il puisse les déplacer.
Il piqua du nez mais un battement d'ailes incongru le fit redresser la tête.

Une colombe blanche vint se poser à côté de lui. Il n'eut pas la force de la chasser.

MUSIQUE DE COMBAT: http://www.youtube.com/watch?v=BHRyMcH6WMM
29-08-2012 à 01:02:05
Dorian eut l'impression d'avoir déjà les yeux ouverts quand il se réveilla. L'obscurité de ses paupières laissa place à celle de la caverne. Il fixa la roche nue durant quelques minutes, à peine conscience de ne plus dormir.
Il avait fait un rêve. Un rêve dans lequel un jeune rouquin affolé tentait de lui parler. Il hurlait désespérément, séparé de lui par une immensité blanche délavée, enfermé dans une carré de pelouse perdu en un néant immaculé. Ou du moins, un vide complet. Aucun son, ni aucune image. Dorian était seul, et il observait le rouquin s'époumoner en silence. Il lui semblait que quelque chose d'important ne pouvait pas lui parvenir. Il s'approchait du seul élément coloré de cet espace blafard dans lequel il évoluait. Plus le mage marchait, plus le rouquin se fatiguait. Ses lèvres devenaient molles. Ses épaules se déphasaient, se laissant aller à ployer sous une masse invisible. Ses paupières tombaient lentement. Il cessait de s'agiter. Puis tombait sur l'herbe, seul sol qu'il pouvait fouler. Ses lèvres se mouvaient lentement, paresseuses. Autour de lui, le vert devenait jaune, puis brun.
Dorian n'arrivait que face à un tapis de cendres, un vieil homme enveloppé de ses longs cheveux gris comme dans un linceul couché sur lui. Il entrait dans le carré poussiéreux, et s'agenouillait. Des lèvres flétries et desséchées par les années murmuraient encore sur le visage malmené de l'homme. Il se penchait pour entendre son chuchotis rauque.
Un seul mot parvenait à ses oreilles.
<<...Björn... >>
Puis ses lèvres de bronze se craquelaient, tandis que ses cheveux tombaient en poussières. L'homme se faisait une poudre cuivrée qu'un vent rugissant emportait. En la suivant du regard, Dorian constatait que du néant, il n'y avait plus trace. Une forêt spectrale défiait une sylve de verre, de métal, et de plastique. Des arbres pâles, translucides, jaillissaient des rues et déployaient leurs branches à travers les immeubles. Ils émettaient une faible lumière, semblables à des feux boréaux nés du sol plutôt que du ciel, jetant sur une humanité terne et aveugle leurs couleurs évanescentes. La foule défilaient, repeint par la forêt sans substance, mais elle ne voyait rien...
Seules trois silhouette observaient le spectacle des deux sylves mêlées. L'une d'elle était assez grande pour se targuer de sortir du lot. Les deux autres appartenaient à une jeune fille et à un garçonnet qui laissait pendre d'une de ses mains un ours en peluche. Dorian distingua aussi quelqu'un d'autre, en retrait, qui ne bougeait pas... Observant de loin le trio absorbé dans la contemplation des arbres irisés. La poussière cuivrée passa un nuage au dessus d'eux, et soudain...
Les ombres l’accueillirent. Il les admira, paupières rabattues, puis prunelles nues. Le vague souvenir d'une vision évocatrice qui devait signifier beaucoup hantait sa mémoire. Ce n'était cependant que l'image floue et fuyante de couleurs tordues au milieu de gris et de blanc. De son rêve, il ne lui restait qu'un élément certain. Une chose dont il pouvait être sûr qu'elle avait habitée son esprit durant son sommeil.
Björn.
Ce qui n'était pas grand chose... Voire strictement rien. Ce mot n'avait pas une once de sens pour lui. A vrai dire, il ne pouvait même pas déterminer à quelle langue il appartenait. Il semblait pourtant être important. C'était un élément crucial de... De quoi d'ailleurs ? Dorian n'en avait aucune idée. Mais il était certain que ce mot était porteur de sens, et que ce qu'il désignait avait un rapport obscure avec Kairec. Il était certain qu'on avait voulut lui faire passer un message. Mais qui et pourquoi, cela, il ne le savait pas. Le mage ne se tortura pas l'esprit pour autant : les réponses venaient toujours avec le temps. Il avait vécut dans le mystère et l'attente durant une grande partie de son existence, aussi cette interrogation soudaine qui se posait à son esprit embrumé retint-elle à peine son attention. Elle prendrait bientôt un sens, probablement.
Dorian se leva de son lit en baillant. Dés qu'il fut sur pieds, il balaya l'air d'une main. Les couvertures froissées s'ordonnèrent dans son dos. Le mage n'y prêta aucune attention, jusqu'à ce qu'il remarque que sa chère invité le dévisageait. Il fronça les sourcils.


-Heu. Oui ?
Il tourna la tête vers le lit qui se faisait seul. Puis regarda de nouveau la folle furieuse qui avait passée la nuit chez lui.
Non mais. Ecoute, si on travaille ensemble à dézinguer le monde, il va falloir que tu t'y habitues, hein. Allez, remet toi. Et puis... Arrête de me fixer, sérieux. C'est perturbant. Je sais que je devrais théoriquement ressembler à Ramsès II, mais c'est pas le cas, alors arrête de m'observer comme si mon nez servait de refuges à une colonie d'insectes nécrophages.
Le mage alla s'asseoir à sa table. Il ne proposa pas à son invitée de venir l'y rejoindre, et se contenta de faire apparaître assez de nourriture pour eux deux. Elle ne serait sûrement pas follement emballée par son déjeuner, mais au fil du temps, Dorian avait perdu le souvenir du goût des aliments. Ceux qu'il créait étaient plus fades qu'en réalité. Il s'en contentait.
En mordant dans un croissant qui embaumait exagérément l'air, tout en ayant un goût de viennoiserie de super marché, il jeta un coup d'oeil à la jeune femme qu'il avait embarqué avec lui sans le vouloir.
Elle restait pensive, les yeux fixés quelque part sur le plafond. Elle n'avait même pas réagis à sa demande plaintive, ce qui lui sembla, pour le peu qu'il la connaissait, plutôt inhabituelle. Un curiosité mal placée le fit se tourner vers elle.

T'es silencieuse. Fit-il remarquer en mastiquant avec un entrain digne d'une vache sous somnifère.

-Mange la bouche fermée.

-Bon, t'as encore aucune répartie, c'est rassurant. Tout en toi n'est pas mort pendant la nuit.

-Mes bottes dans ta tronche, c'est le genre de répartit qu'y t’intéresse où tu la fermes et on reste là ?

-Mademoiselle est bien sensible ce matin. Des hémorroïdes t'ont poussés sur le cul pendant la nuit ?
Ses joues s’empourprèrent et elle braqua sur lui un regard meurtrier. Il lui sourit.
Peut être ais-je mis trop de piment dans ton existence... Il paraît que l'excès de piment a ce genre d'effet. Vraiment, tu m'en vois désolé.
La jeune femme attrapa une de ses dagues et s'apprêta à lui lancer à la figure, le poignet ferme et sûr ; mais elle se ravisa au dernier moment, un éclat calculateur dans l'oeil. Incapable de rester immobile, elle bondit sur ses pieds et le gratifia d'un regard impérieux, plein de coère et de dédain.

-Ecoute le vieux, j'en ai ma claque de cette putain de grotte. Sors moi d'ici. Tout de suite.

-Heu... Ouais, ok.
Dorian abandonna son déjeuner, surpris. Il sentait de la tension dans sa voix, et même une certaine véhémence.
Tu veux pas prendre un truc à manger avant ?

-Tu comptes jouer à papa-fifille maintenant ? Rétorqua t'elle d'un ton mordant.
Il se rembrunit et ne lui répondit pas. Sans un mot, il se dirigea vers elle et lui attrapa le bras. Elle se dégagea violemment, avec méfiance.

-Ah non, mais tu vas pas faire chier non plus. Soupira le mage avec lassitude. Passe ton bras, sinon je ne pourrai pas te téléporter.
Elle lui jeta un regard hostile. Visiblement, elle était vraiment d'une humeur massacrante, et franchement à cran. Dorian remarqua enfin, avec retard, que ses yeux étaient rougies, gonflés. Une partie de lui voulut lui lancer une pique, mais il se retint dans un sursaut de diplomatie.
Il attrapa de nouveau son bras, et les téléporta sans attendre.
Il eut la joie de découvrir son visage verdâtre et ses ongles enfoncés dans sa peau, quand ils apparurent dans une ruelle coincée entre deux immeubles. Elle se pencha pour vomir, mais ne fit qu'hoqueter en plantant ses ongles plus profondément encore à l'intérieur de son bras. Dorian grimaça en balançant le bras pour se délivrer de ses griffes.
La jeune femme ravala sa bille, et lui jeta un regard plein de colère.

Mais bordel, quelle chieuse ! C'est TOUJOURS comme ça la première fois, pas besoin d'essayer de m'assassiner avec tes beaux yeux, espèce de tarée lanceuse de couteaux.
Il croisa les bras, la laissant réfréner son haut de coeur. Si elle n'avait pas eut envie de vomir, elle lui aurait sûrement déjà trancher la gorge avant de se mettre à sauter sur son cadavre pour lui briser les os un par un.
Bon. D'accord, maintenant on est ville, et puis ? Tu comptes faire quoi ? T'as pas un plan génial qui expliquerait un peu pourquoi tu m'as ordonné en mode "Sisi l'Impératrice", de quitter un endroit sûr pour nous précipiter là où je risque d'attirer des gens pas très sympas qui essaieront de nous tuer tout les deux si ils me repèrent ?

-J'ai vu le dôme. Lâcha t'elle pour toute réponse.
Dorian ne dit rien, interloqué. Il la fixa en se maudissant de n'avoir pas pris sur lui pour ne pas l'empêcher d'aller visiter les galeries.

-Ah.

-C'est tout ? Ah ? Tu te fous de ma gueule papy ?

-J'ai pas vraiment matière à faire quelque chose d'aussi plaisant, en fait. Ce que t'as vu... Ce sont des êtres magiques. Des elfes, des centaures, des lutins. Ce genre de trucs. Des créatures qui habitaient Kairec et le reste du monde il y'a quelques quinze milles ans, et pour lesquelles la magie était primordiale. Elles sont... Entrées en hibernation. En quelque sorte.
Il ne put s'empêcher de faire coulisser son regard pour s'assurer que personne ne les écoutait. C'était ridiculement théâtrale, mais ils discutaient de quelque chose d'important. D'un secret si bien gardé qu'aucune légende ne le mentionnait.
Ecoute. La magie n'a pas disparue, théoriquement. Elle est juste étouffée, affaiblie. Tant que ce sera le cas, qu'elle sera encore présente, ces choses que tu as vue, elles ne mourront pas. Elles attendent juste que la magie soit de nouveau assez présente pour pouvoir s'éveiller. Pour le moment, elles sont physiquement mortes. Mais quand le flot de la magie sera de nouveau assez puissant ; si il l'est un jour, en fait... Alors elles reviendront à la vie.
Il se tut un moment.
Waw. Dis comme ça, on dirait une mauvaise creepypasta.
Le mage haussa les épaules.
Enfin bref. Tiens ta langue là dessus... Machin. Heu. Amazone ? Rouquine ? Chose ? Crazy-girl ? M'enfin. On s'en fout de ton nom, n'en parle pas, c'est tout.
Dorian s'adossa au mur.
Même si ce conseil est complètement con. Vu qu'il te met en garde contre quelque chose d'évident. Enfin, bref. On fout quoi ici ? Sinon je te laisse, hein. J'ai des bombes à fabriquer, tu vois.
30-08-2012 à 11:32:18
Trois gosses. Une dizaine d'années, pétillants jusqu'au bout des ongles. Il leur reste la vie à découvrir et toutes ses joies. Ou pas. Un avenir brillant, beaucoup d'argent, une petite copine et cette impression que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. Ou pas. Dire qu'il se surprenait à citer du Voltaire... Il tombait bien bas.
Les trois enfants riaient haut et fort, sûrement très fiers d'eux, dans cette ruelle qui avait tout de sordide. Et puis ils s'amusaient bien aussi : voilà qu'ils jouaient aux grands. Tandis que l'un sortait de ses poches un énorme marqueur noir, les autres forment un barrage de leurs corps, cachant aux simples badauds la cause de leur excitation. Sa tâche une fois accomplie, il s'écarta vivement, bientôt suivi de ses compagnons, pour le moment très peu rassurés. Ils avaient incommensurablement raison : une fleur maladroite s'étalait désormais sur le mur de parpaing. Un jeu comme un autre, même s'il ne s'agissait pas d'un jeu à proprement dit. Les enfants ne saisissaient peut-être pas tout, mais lui, oui. Une révolution muette qui couvait. Ou peut-être était-ce seulement une mode de passage... Il valait mieux ne pas y penser.
Vita arrangea ses cheveux et suivit la petite bande, comptant bien leur faire la leçon. Au tant s'amuser un peu, il en avait tellement peu l'habitude. De faire la morale, je veux dire. Il les coinça, riants, sous un porche mal éclairé.

-Les mômes, vous êtes en état d'arrestation, dit-il d'une voix qui se voulait fatidique. Et sérieuse. Une pointe de fou rire lui tiraillait déjà l'estomac. Très peu pour lui, ce putain de rôle moralisateur. Mais il fallait leur faire peur : déjà les jeunes se taisaient, et fixaient d'un air terrifié le jeune adulte. Ils avaient les boules, et ils avaient raison.
- Enfin... ça, c'est ce que je vous aurez dit si j'avais été un marchand de mort. Ce qui n'est pas mon cas : j'ai une trop bonne tête pour ça, finit-il dans un sourire hypocrite.
Les petits levèrent les yeux, alertes.

- Vous allez pas nous arrêter ?
- Non, c'est pas mon job. Cependant, sachez que si j'ai été capable de vous voir, n'importe qui le pouvait aussi. Il vaudrait mieux être prudent à l'avenir. Sinon... Pan !
Il fit mine de leur tirer dessus. Les jeunes n'eurent d'autres choix que de frissonner. Certes, c'était brutale comme approche, mais il valait mieux cela qu'autre chose. Quelque chose de plus... définitif.
- Oui, Monsieur. On le fera plus Monsieur.
Vita secoua la tête, souriant.
- Je n'ai jamais dit qu'il ne fallait plus le faire. Juste être plus prudent. Il faut des enfants, comme ça. Ça donne de l'espoir. Renversons donc le monde à coups d'espoir.
Mélodramatique à souhait. Le jeune adulte tourna les talons. Ouais, vraiment, juste pour une petite fleur tracée au marqueur noir, maladroite dans ses petits pétales même pas égaux.

Elle écoute pousser les fleurs
Au milieu du bruit des moteurs.

C'est bien beau tout ça, mais trois gosses n'allaient pas le mettre en retard. Et puis si, pourquoi pas après tout. Quelques minutes de plus ou de moins, pour peu que le bonhomme qu'il devait rencontrer ne soit pas de ces gens qui se mettent facilement en rogne. Et puis non : échanger un livre contre de l'argent, il aimait pas ça d'habitude. Son kif suprême, c'était le troc. Pas de traces, pas de rien, juste un objet contre un objet. Et puis c'est tout. Fallait être con pour pas partager son avis.
Rendez-vous au parc qu'il avait dit au jeune homme. Lequel ? Vous savez très bien...
Fichu bonhomme trop sûr de lui.
D'un pas allègre et les pieds contre l'asphalte dur, Vita poursuivit son chemin dans le méandre de ruelles. Sordides, malsaines, la vie quoi. Pas synthétique, juste la vie. Dur. Manger et dormir, vivre et survivre. Comme on le peut et non comme on le veut.


C'est moche tout ça.
C'est la vie.
C'est la merde.
Merde donc.
Et que le monde se l'enfonce profond.
Ras le cul.
Faudrait une révolution.
Un courant novateur.
Une nouvelle vie.
Mais pourquoi ?
Mais comment ?
Y voudront jamais.
Y ont jamais vécu qu'avec ça.
Peut-être pas comme avant.
Mais mieux.
Une vraie vie.
Comme tous les cris, les SOS.
Comme tout ceux qui hurlent dans le noir.
Voilà une impasse.
Et c'est moche.

Les pensées qui s'écoulent de lui et qui font comme un fleuve. Il veut. Profondément et là, dans son cœur. Ou pas. Il veut pousser un cri et regarder le monde le reprendre. Libre. Comme un oiseau trop longtemps enfermé qui étend ses ailes parcheminées. Comme un envol de colombes... Comme...
mais c'est trop, c'est trop c'est trop, c'est trop.
Il voudrait hurler, hurler. Mais hurler quoi ? Hurler « Merde ».
Et puis tuer le monde à coups d'espoir.

Mais ça, c'est un projet annexe.

For Vita, For the Freedom : http://www.youtube.com/v/dZLcBLmph3Q
30-08-2012 à 15:29:20
Le hurlement strident du réveil déchira la pénombre de la chambre.
Arslan se redressa avec un grognement et jeta un coup d’œil à l’écran analogique.
14h30.
Putain.
Il était ENCORE en retard. A croire qu’il le faisait exprès. Bon. C’est vrai qu’il ne mettait pas toute sa volonté à suivre les cours du lycée, mais quand même… Le jeune homme caressa l’idée de ne pas venir en classe et de rester bien au chaud dans son lit avant d’y renoncer avec un soupir. Il ne pouvait quand même pas sécher tous les jours de la semaine, ça serait bien trop gros.
Arslan sortit de son lit douillet et alluma les lumières de son studio. Il avait une migraine féroce et plusieurs canettes de bière jonchaient le sol, ce qui était assez significatif de ses activités nocturnes.

- Plus jamais d’alcool. Geignit-il un moment avant de se reprendre.
Il avait besoin d’une bonne douche bien froide pour se remettre les idées en place. Il se traina avec des râles de zombie vers sa petite salle de bain. Il avait besoin d’un bon café, aussi. Le jeune homme accueillit le jet d’eau chaude avec un frissonnement de plaisir. Il laissa le liquide s’écouler sur son corps en fermant les yeux de délice et manqua même de s’endormir de nouveau.
Une fois lavé et habillé de ses sempiternels vêtements trop grands, Arslan ouvrit grand sa fenêtre et s’y pencha, une cigarette dans la bouche et une tasse de café fumante dans la main droite. Il prit une grande bouffée de tabac qui le traversa de part en part. L’astre solaire réchauffait délicieusement son corps fourbu de fatigue. Le jeune homme se perdit dans la contemplation des nuages.
Un petit sourire se peignit sur son visage. La journée s’annonçait magnifique, certainement pas propice à rester assis sur une chaise à écouter des conneries. Mais Arslan se devait tout de même de passer au lycée, ne serait-ce que pour montrer qu’il était encore en vie.

Une fois sorti de son immeuble du quartier universitaire, il enfourcha son vélo et…

- Bordel, où sont mes lunettes ?
Il eut beau chercher partout dans son sac, il ne les trouva pas.
- Fait chier.
Avec un soupir, le jeune homme dut faire un aller-retour vers son appartement pour retrouver ses précieuses lunettes. Une fois cela fait, il fut enfin prêt à partir. Il se mit à pédaler en direction du lycée. Cette fois encore, Arslan tourna son regard vers les cieux. De paresseux nuages dérivaient doucement dans cet immense océan azur. La caresse du soleil se faisait toujours aussi insistante, à peine masqué par les buildings. Arslan laissa son esprit dériver avec les cumulus. Un nouveau sourire des plus niais se fixa sur son visage, il flâna avec des créatures de légende, virevolta entre milles et unes possibilités, réinventa le monde d’un battement de cil et… S’encastra dans un lampadaire.
Forcément, à ne pas regarder devant… Il fut projeté au sol et se cogna durement la tête contre le poteau de métal. Pour couronner le tout, son vélo lui tomba dessus. Après quelques minutes à pousser de multiples jurons, Arslan se releva finalement et s’inspecta rapidement. A part quelques égratignures il n’avait rien de grave, plus de peur que de mal. Ceci fait, il reprit la route vers le lycée, il était déjà en retard alors pas la peine d’en rajouter plus.

Il traversa silencieusement le couloir. Son cours d’Histoire avait déjà commencé depuis une bonne dizaine de minutes, l’horloge murale affichait 15h40. Le jeune homme était arrivé à passer outre les remontrances des autorités en se faufilant par une entrée à l’arrière du bâtiment. Il devait juste entrer discrètement dans la salle de classe et prendre sa place à l’arrière. C’était le dernier cours de la journée, il pourrait le passer à griffonner sur son carnet sans que personne ne le dérange. Arslan s’autorisa un sourire.
En pénétrant dans la salle, plusieurs têtes se tournèrent vers lui parmi ses camarades. Fort heureusement, l’irascible professeure n’en fit rien. Le jeune homme commença à avancer discrètement vers sa table, faisant attention à ne pas faire grincer le parquet de la salle. Alors qu’il marchait à pas de loup, il posa soudainement le pied sur une craie qui traînait par terre, certainement tombée des foutues poches de cette fille gothique. Comment s’appelait-elle déjà ? Ah oui, Billie.
Tant et si bien qu’Arslan en perdit l’équilibre et s’étala de tout son long. Aussitôt, la professeure se tourna vers lui et l’apostropha.

- Ah, monsieur Nightwalker ! Deux semaines qu’on ne vous avait pas vu, je commençais à respirer un peu.
- … Bonjour madame. Se contenta-t-il se répondre, laconique.
- Oui oui, c’est ça. Allez vous asseoir, je vous parlerai à la fin du cours.
- Oui madame. Bien madame.
Il empocha la craie, alla s’asseoir, sortit son carnet et commença à écrire dessus sans se préoccuper du reste du monde.

18h30. Il était en retard putain. Le patron n’allait pas apprécier.
Arslan entra timidement dans le restaurant où il travaillait ces temps-ci. C’était un petit lieu de restauration juste à côté d’un immeuble de fonctionnaire. Ces derniers passaient souvent après leur travail pour dîner dans l’établissement. L’affaire était florissante et c’est ce qui avait permis au jeune homme d’obtenir l’emploi. Il fut accueillit par un regard noir devant lequel il s’écrasa poliment. On l’envoya en cuisine pour se préparer à ramener les toutes premières commandes. "Un serveur se doit de garder le sourire en toute circonstance" disait-on.
Plusieurs heures passèrent, d’une banalité affligeante. Ce travail était morne à en pleurer, et payé une misère. Mais Arslan n’avait pas vraiment le choix, à vrai dire.
Et soudainement, alors que le jeune homme allait servir une des tables les plus proches de la sortie, le monde s’écroula.
Il y eut une explosion. Immense. Intense. Dévastatrice.
L’immeuble d’à côté s’écroula, s’effondrant sur le petit restaurant. Dans la pluie de gravats qui s’ensuit, Arslan ne pensa qu’à une seule chose : sa vie. Il se rua à l’extérieur et assista à l’effondrement fatal de son lieu de travail avec de grands yeux ronds.
Une telle violence… C’était inimaginable. Son cœur battait durement, lui meurtrissant les côtes, sa respiration était saccadée et ses genoux tremblaient comme des feuilles. Dans l’instant qui suivit, les passants s’amassèrent autour du restaurant en poussant des cris affolés. Qui avait bien pu causer un tel désastre ?
Un homme l’alpagua.

- Eh, toi ! Viens avec nous, on va chercher des survivants !
- Quoi ? Moi ? Mais. Mais. Mais.
Un sentiment prit soudainement Arslan aux tripes. C’était une terreur franche et féroce. Lui, risquer sa vie pour les autres ? Il pourrait se faire écraser par les décombres, rester piégé ou un tas d’autres horreurs… Non. Non. NON. Il ne pouvait pas. Il était trop terrorisé à l’idée de risquer sa vie. Sans un mot, il se détourna et partit en courant.

- Minable. Minable. Minable. MINABLE.
Il s’apostrophait lui-même en arpentant les rues de Kairec-city. Comment avait-il pu faire une chose pareille ? Etait-il lâche à ce point ?
Pour avoir fui, Arslan s’en voulait terriblement. Il se haïssait d’avoir peut être causé la mort de dizaines d’êtres humains. Il broyait du noir, se traitant de tous les noms. Marchant la tête basse, les mains tremblantes et le cœur au bord des lèvres. Il se donnait lui-même la nausée, une envie irrépressible de vomir.
Et puis soudainement, alors qu’il fonçait vers une destination inconnue, le jeune homme heurta un mur.
Enfin non, pas un mur.
Un ours. Ou bien une personne, il ne savait pas vraiment.
Une gigantesque masse de muscles qui le dominait de très haut. Arslan en fut projeté au sol, pour la troisième fois de la journée.
L’énorme chose tenait un clochard à bout de bras. Elle lâcha sa proie qui roula au sol et se recroquevilla avant de se pencher vers le jeune homme.

- Vous dérangez.
Hein ? Le monstre se pencha vers lui et huma l’air.
- Vous sentez la poussière.

Un ours qui parle ?
30-08-2012 à 16:32:47
Elle écrivait à une vitesse folle sur deux cahiers à la fois. Sur l'un, à gauche, elle retranscrivait de sa main valide et dans son propre dialecte les cours dictés par la prof et sur l'autre, à droite, elle détaillait diverses formules plus folles les unes que les autres. Mais le résultat serait encore et toujours le même, au grand bonheur de Léo. BOOM! Elle ricana à l'idée de faire péter une nouvelle fois la trousse de Billie. Mais elle allait innover et travailler la mise en scène : la fumée sera bleue, comme ses tifs! Elle reporta une nouvelle fois son attention sur le cahier à sa gauche et copia les dires de la prof mot pour mot avec ses abréviations et tournures étranges. Personne ne pouvait déchiffrer ce qu'elle écrivait. Sauf Billie, quelques fois, mais rarement. Tout comme Léo ne pouvait pas toujours comprendre ce que dessinait -ou barbouillait- sa meilleure amie. Elles avaient chacune leur monde, leur propre façon de penser que personne ne pouvait comprendre. La jeune fille aux cheveux brûlés leva les yeux vers la porte qu'elle avait entendu s'ouvrir. Ah, ce n'était qu'Ars... Arslan? Oui, Arslan. Ce mec, c'était presque un fantôme, quelqu'un de transparent qui ne signale que rarement sa présence. Il approche discrètement de son bureau, mais marche et donc trébuche sur une des craies de Billie. Un sourire bien plus fou qu'à son habitude étire les lèvres de Léo. « Elle devient dangereuse c'te fille! pense t-elle. » Léo se penche légèrement vers Aslan, mais ne fait pas mine de l'aider à se relever, elle en a rien à foutre en fait... Elle préfère savourer la scène plutôt comique. Quant à la prof, elle s'est tournée. Manqué, pour la discrétion!

Ah, monsieur Nightwalker ! Deux semaines qu’on ne vous avait pas vu, je commençais à respirer un peu.

Léo hausse les sourcils. Toujours aussi aimable cette femme...


… Bonjour madame, se contenta de répondre Arslan.

La répartie, ce n'est pas trop son truc à Arslan, constata Léo. Mais bon, il la prend grave pour une idiote en disant ça là, elle a même pas tilté l'irritée de la vie.

Oui oui, c’est ça. Allez vous asseoir, je vous parlerai à la fin du cours.
_Oui madame. Bien madame.

Comme ça fait enfant sage... La jeune fille regarda le jeune homme mettre la craie de Billie dans sa poche et aller s'asseoir. Elle ne le fit même pas remarquer à son amie. après tout, elle en avait pleins, des craies. Il sortit son carnet et commença à écrire dessus.


La fin des cours. Qui dit fin des cours, dit direction le Trou! Le meilleur moment de la journée selon Léo. A pied depuis l'école, c'est à environ dix minutes. Arrivées dans leur petit domaine de pierres brisées et couvertes de mousses, les filles s'installèrent chacune de leur côté. Un pan de mur est déjà presque entièrement gribouillé de craie, mais Billie prévoiyait toujours de quoi effacer et recommencer. Léo s'assit à même le sol de roche grise, à quelques mètres de son amie. Elle sortit de son cartable son cahier rempli de formule, ses fioles, des outils et une radio vieille de trois ans. Se mordant la langue de concentration, elle la règla sur la fréquence des infos récentes.

Un a attentat a été perpétré sur un immeuble en ville. Une bombe d'origine inconnu blablabla.

Le reste n'était que charabia. Le mot qui avait focalisé toute son attention était le mot « bombe ». Il fallait qu'elle voit ça de ses propres yeux avant que tous les restes carbonisés ne soient nettoyés et l'immeuble rasé! Elle se dressa d'un bon, rangea à la hâte ses possessions et se rua vers Billie qui dessinait déjà d'étranges formes.

BILLIIIIIIIE! hurla t-elle sur un ton strident.

Habituée, la jeune fille ne se boucha même pas les oreilles.

Y a un mec, ou une femme, qui a fait péter un bâtiment je VEUX voir ça! Allé on y va!

Sans demander son reste, elle saisit son amie par le poignet et l'entraîna en dehors du Trou. Au passage, Billie récupèra quelques craies laissées au sol et les fourre à même ses poches.

Arrivée devant le bâtiment encore fumant, Léo poussa un soupir extasié et leva les bras vers le ciel.


Trop énooooooorme!

Ses yeux brillaient de folie. Son sourire était tellement grand que ses gencives inférieures et supérieures étaient visibles. Quel travail d'artiste! pensa t-elle. L'air lui manqua presque d'admiration. Elle ne prêta même pas attention aux passants terrifiés par ses propos ou par la catastrophe. Elle en pleurerait presque de bonheur.

Léo', regarde ! Le mec qui court, là... C'est celui qui sèche tout le temps les cours! Il m'a piqué une craie en Histoire. Je suis sûr qu'il fuit parce-qu'il a un rapport avec l'explosion. On le suit !

Et Billie partit en courant, dans sa robe noire à doublure blanche aux manches ultra-larges, poursuivre Arslan. Léo se tira de sa rêverie et rejoint rapidement son amie, grognant son mécontentement.

~Beware~

Côté sucré et kawaii de Tristana : http://www.youtube.com/v/6md5RSnVUuo
Magie de Tristana : http://www.youtube.com/v/UQkxNbgohPg

Léo, tout simplement : http://www.youtube.com/v/tQyEUhedqDY (Juste parce que cette musique est trop démente)

Za, simply Za : http://www.youtube.com/v/24Lm4ue3Fbc
30-08-2012 à 21:59:24
-Ouais Björn, il m'a carrément piqué mes chaussettes ! C'est bientôt l'hiver Björn, dis, j'peux pas rester sans chaussettes. Ils nous laisseront pas aller au centre ville, là où c'est chauffé, bien entendu, bordel de merde ! Et le mec là, s'tun jeune tu vois, et moi...

-Je vois parfaitement Simon. Cesse de te tracasser pour cela tes pieds seront de nouveaux au chaud dés ce soir. Je t'en fais le serment. Tonna t'il d'un ton solennel... Présentement ridicule. Il aurait plutôt eut sa place dans une histoire tragique et sombre. Mais Björn adorait ce ton. Il l'utilisait à tout bout de champ. Alors, pour promettre à un de ses protégés -quarante six ans, les dents jaunes et l'air déjà aussi fatigué que si il avait le double de son âge véritable- d'aller reprendre ses chaussettes des mains de celui qui les lui avaient odieusement volées... Pourquoi pas ?

-T'es trop sympa Björn. Cimer.

Le jeune homme ne répondit rien. Il se contenta de déplacer sa grande carcasse en dehors de sa ruelle. La sienne. Celle qui lui appartenait, officieusement aux yeux de l'état, officiellement à ceux des autres clochards de la ville. Cinq poubelles, des cartons et plusieurs couvertures : un véritable trésors dans les rues. Björn était heureux de posséder ce coin ténébreux et crasseux. Il y'avait une boulangerie tout près. La gérante acceptait de lui offrir quelques petites choses gratuites, parfois.
Il se mêla à la foule, ou du moins, la rejoignit en fendant sa masse mouvante sans faire attention aux gens autour de lui. Il savait qu'on s'écarterait à son passage de toute manière. Un mètre quatre vingt dix de muscles, ça dispensait de regarder vers qui on fonçait en marchant dans la rue. Si sa hache de guerre à double tranchant n'avait pas été rangée dans un immense étui à guitare à la mesure de celui qui le portait, on aurait peut être même évité de le dévisager comme si sa peau était verte et que des antennes pointaient de ses cheveux ébouriffés. Sa taille lui permettait de se prendre tout les vents de la ville en plein visage. Certains s'en seraient plaint... Mais Björn adorait ça. Plus que tout. Il souriait en avançant au milieu des badauds prudents et interloqués, d'un sourire comme ceux qu'en faisaient les enfants face au pied d'un sapin de noël. Un sourire si parfaitement heureux qu'il lui donnait l'air d'un idiot finis. Parce-que ce sourire là n'avait pas sa place sur le visage d'un jeune homme dont les joues se couvraient de barbe. Mais il n'en avait strictement rien à faire. C'était son bonheur à lui, qu'aucune convenance ni notion de normalité ne viendrait réfréner de ridicules barrières. "Ceci n'a pas sa place ici", "Tu ne devrais pas être ainsi", "Cela ne se fait pas."
Björn s'en balançait éperdument. Il vivait sans s'imposer de contraintes. C'est ce qui faisait de lui quelqu'un de tellement effrayant, d'une certaine façon. Et qui inspirait la pitié, également : vingt quatre ans, pas d'emploie, et visiblement stupide. Tout le monde vous l'aurait dis : "Ce mec n'a pas d'avenir."
Mais voilà, justement, si. Simplement, il fallait être Björn pour comprendre que l'avenir tel que le concevait la majorité des gens n'aboutirait jamais, abaissant tout leurs efforts au rang d'énergie gaspillée et de temps perdu. Car lui en était convaincu : il allait permettre le retour de la magie. Il allait réveiller les arbres endormis sous le béton et l'acier, et envoyer aux oubliettes les choses importantes de ce monde, les choses qui comptaient tant désormais. La réussite sociale, l'accumulation de possessions, la technologie dernier crie possédée pour ne pas avoir l'impression d'être lésé, la richesse ou sa recherche honteusement affichée pour susciter l'envie et l'admiration.
"Lui, il est riche, qu'est-ce qu'il a de la chance !","Il sue sang et eau pour atteindre ses rêves, qu'est-ce qu'il est courageux..."
La société entière était de mauvais goût. Ce qu'on y valorisait semblait à Björn dénué d'intérêt. Ce qui l'intéressait, lui, n'était rien de ce que les autres pouvaient chercher dans cette ville grise. Il trouvait cette réalité ennuyeuse et proprement fade.
Non, ce qui comptait pour Björn, c'était de devenir un héros. Le sauveur de Kairec, celui qui rappellerait à la surface toute les anciennes légendes enfouie par un monde aseptisé duquel la nature avait été bannie. Son seul objectif consistait à imposer le rp à la réalité.
Il avait lut et écrit tant d'histoires qui se déroulaient à Kairec, en un passé où tout était meilleur, que vivre dans un monde privé de forêts jusqu'à la fin de ses jours lui semblait impossible. Il était fermement décidé à faire jaillir une nouvelle Kairec d'ici les prochaines années, à brûler les racines de la ville en libérant la magie à l'intérieur de la terre qu'elle avait autrefois irriguée de vie. Il allait ramener le passé à l'intérieur du présent. Et personne ne pourrait rien y faire, car Björn était un viking, qu'il n'avait peur d'absolument rien, et qu'il était le seul à connaître ses projets.
Le monde allait changer. Grâce à lui. A cause de lui... De son fait en tout les cas, que ce soit bon ou mauvais. Et bien entendu, ce serait bon, car la nature l'était forcément, de même que la magie. Björn était naïf. C'est ce qu'il le rendait si touchant.
A ce monde magique où fleurissait la diversité dans toute sa splendeur, ce monde où il n'y avait plus seulement des humains et des pigeons, ce monde là, il y croyait, dur comme fer, dur comme l'acier de sa hache, dur comme son énorme poitrine. Quand il y pensait, son coeur battait aussi fort que pulsaient ceux de cent hommes à la fois- il pouvait se le permettre, avec tout le sang qu'il devait pomper.
Björn marcha béatement jusqu'au lieu du rapt, que son protégé de quarante six lui avait indiqué. Quand il l'atteignit, une ruelle étriquée entre deux immeubles -qui ne valait clairement pas la sienne-, il fit un effort pour arrêter de sourire, et adopta un air ombrageux qui lui seyait parfaitement au contraire de sa joie enfantine. Son visage était clairement fait pour ce genre d'expression. Björn, aurait dû être quelqu'un de sérieux et d'intimidant... Pas un gentil géant à moitié fêlé qui vivait plus dans ses rêves que dans le monde réel. Il n'en restait pas moins intimidant, mais en le connaissant un peu, on s’apercevait vite combien il était facile de le faire tourner en bourrique. Sa gentillesse n'avait d'égal que la force de ses coups. Sauf que généralement, c'était lui qui en pâtissait, et pas un quelconque adversaire.
Demandez à Björn de vous tendre la main, il vous donnera ses épaules sur lesquelles s'asseoir. Son cou de taureau ne soutenait pas une tête vide pour autant ; il avait simplement une foie absolue en l'amitié -vie accordée en retour- qu'on lui manifestait. Avoir Björn comme allié, s'était faire ami-ami avec une sorte de grosse bête affectueuse qui vous protégeait du reste du monde. Il ne se laissait pas aller à des effusions ou autres sentimentalismes, mais était toujours là pour veiller sur vous. Tout le temps enjoué, théâtralement solennel face aux problèmes, et surtout, d'une simplicité si prosaïque dans son bonheur qu'elle en sciait plus d'un. Pour être heureux, il suffisait à Björn de respirer. C'était déjà beaucoup, de vivre. Et ça, personne ne pouvait le comprendre.
Il suffisait pourtant de se concentrer sur l'air dans ses poumons, le battement de son coeur à l'intérieur de sois, les sensations si nombreuses que la peau permettait de percevoir, le tremblement exquis d'un rire qui agitait le corps tout entier... Ses choses simples qui constituaient l'existence, chaque seconde pleine d'odeurs et d'images. Björn les voyait toutes. Il en savourait chacune. Quand bien même on le prenait pour un idiot en voyant son contentement de tout les instants ; il n'avait que faire du regard des autres. Il se sentait bien, tout le temps.
Même en cet instant, où il redevenait le guerrier envoyé défendre les siens de l'injustice. Il était le souverain d'un minuscule -et puant- royaume, mais quand ses sujets venaient réclamer son aide... Il réagissait. Promptement. Sans poser de questions. Il était là pour eux, simplement, comme se devait de l'être un protecteur avisé. Et par chance pour les quelques clochards malins qui gravitaient autour de lui, Björn était un protecteur très avisé. Certains n'avaient ni foi ni loi et profitaient de lui ; d'autres éprouvaient une réelle sympathie envers ce jeune homme singulier qui était prêt à le protéger sans contrepartie. Mais une chose était certaine : pas un habitant des rues n'ignorait qui il était.
A part, visiblement, le sot qui s'en était pris à l'un de ses fidèle sujet... A son plus grand dam, même si il ne le savait pas encore.
Björn s'avança dans la ruelle, l'étui à guitare en travers du dos, un air sombre et mortuaire plaqué sur le visage. Tout au fond de l'espace réduit mais long, assis contre un mur, une silhouette releva la tête vers lui. Il marcha lentement et sans un mot vers elle.


-Hey, qui t'es ?

-Björn Osbern. Je viens vous châtiez, malandrin. Gronda t'il d'une voix caverneuse.

-Me chât...? Ouais ok. Dégage espèce de taré.

-Je vous prierais de pas me manquer de respect, vil aigrefin. Il n'y a rien d'honorable à voler les plus faibles. Or, vous vous êtes attaquez à un de mes loyaux sujet. De manière odieuse. Et déplacée.
Björn s'arrêta face à l'homme. Il devait lever les yeux pour regarder en face le géant outrageusement poli qui le toisait du haut de ses vingt centimètres supplémentaire. Ses prunelles d'un bleu limpide avaient quelque chose de glaçant. Une fois un sourcils épais froncé au dessus d'elles, le regard innocent et engageant qu'elles donnaient au jeune homme laissait place à l'expression d'une colère glacée.
Qu'il ne ressentait pas vraiment, en réalité. Mais il savait être très convainquant, et était tout de même irrité qu'on s'en soit pris à de ses compagnons. Le malotru méritait bien une leçon.
Aussi, faisant fis du couteau qui apparut dans les mains du jeune homme, qui devait avoir deux ans de plus que lui et possédait somme toute assez de muscles pour intimider un clochard lambda, Björn l'attrapa par la taille le plus simplement du monde, et le tendit à bout de bras. L'autre hurla, terrifié. Il lâcha son arme.

NE VOUS ATTAQUEZ PLUS JAMAIS A UN DE MES SUJETS, OU JE VOUS LE FERAIS VÉRITABLEMENT REGRETTER ! Rugit-il à la figure du voleur qui cria de plus belle, secoué d'avant en arrière, voyant flou et tremblant jusqu'aux tréfonds de son corps malmené. JE VIENDRAIS VOUS APPRENDRE CE QU'EST LA DOULEUR SI VOUS ME FAÎTES L'AFFRONT D'AGRESSER UN AUTRE DE MES SUJETS. RETENEZ MON NOM ET CRAIGNEZ DÉSORMAIS DE VOUS EN PRENDRE A CEUX QUI BÉNÉFICIENT DE MA PROTECTION : BJÖRN OSBERNE. BJÖRN OBSERNE. GRAVEZ LE DANS VOTRE MÉMOIRE ABJECT SCÉLÉRAT.
Il dévoila ses dents dans un rictus bestial tiré du désir d'effrayer plutôt que d'une véritable sauvagerie, et approcha l'autre de son visage. Il émit un pitoyable couinement. Björn le fixa dans les yeux. Sans un mot. Le silence se fit. Quelques secondes passèrent...
Puis on le heurta en émettant un hoquet de surprise. Le jeune homme se retourna. Il lâcha le voleur, qui tomba au sol sans chercher à se réceptionner de manière convenable. Il se recroquevilla pathétiquement, croyant sûrement que le colosse s'apprêtait à le rouer de coups, ou à lui exploser le crâne.
Björn n'en fit rien. Il dévisagea la personne qui lui était rentrer dedans, surpris et agacé qu'on l'ait interrompu dans son châtiment, qui aurait fait passer l'envie au misérable qui s'était attaqué à Simon de recommencer une seule fois dans sa vie à voler quelqu'un d'autre. Il comptait lui hurler encore un peu à la figure, avant de le poser par terre, de le toiser pendant quelques secondes, de lancer une dernière menace puis de tourner les talons. Mais son effet était gâché.
C'était un jeune escogriffe au nez paré de lunettes qui l'avait heurté. Il était aussi grand que lui, mais plus jeune et totalement banale d'apparence. En fait, si il avait dû le recroiser dans la rue suite à cette confrontation, Björn ne l'aurait même pas remarqué. Ils se dévisagèrent mutuellement pendant de longues secondes. L'un d'eux faisant sûrement plus forte impression à l'autre que le contraire.
Rien de plus normal.

Vous dérangez. Fit finalement remarquer Björn avec retard.
Il se pencha vers son interlocuteur -à sens unique pour le moment.-, et plissa les yeux. De près, il n'avait vraiment rien de spécial ce type. Il devait être au lycée, et sûrement cherchait-il son dealer, ou quelque chose comme ça. Cependant... Le jeune homme ne put s'empêcher de faire quelque chose de totalement déplacé.
Il renifla ce parfait inconnu. La pauvre lycéen parut choqué. Björn, nanti d'un naturel désespérant -comme si aller sentir les gens faisait partie de ses occupations quotidiennes- recula, étonné.

Vous sentez la poussière.
Il dévisagea le lycéen de plus belle, se frottant le menton d'un air méditatif, théâtral jusqu'au bout des phalanges.
D'où venez vous jeune homme ? Il n'est pas naturel de sentir la poussière. Expliqua t'il avec tout le sérieux du monde. Cherchez vous à échapper à quelqu'un ? Je peux vous protégez. Je ne pourrais être à mon aise en sachant qu'on s'attaque à un homme désarmé. Si jamais vous aviez besoin de d'aide, sachez que je suis là.
Il lui tendit une paluche énorme, effrayant de sympathie spontanée. Cette main là avait soulevé un homme à peine une minute auparavant. Il était toujours recroquevillé par terre d'ailleurs. Juste derrière lui.
Björn Osberne, au service des faibles, de ses loyaux sujets, et des victimes d'injustices. Quand j'en vois, bien entendu. Vous m'avez perturbé lors d'une de mes tâches en tant que souverain, néanmoins, je constate que vous êtes fort secoué.
Björn se tut. L'autre n'avait toujours pas serré sa main. Ce n'était pas polis. Il fronça les sourcils.
Et à ce moment là, deux lycéennes surgirent dans la ruelle. Une d'elle trébucha sur le jeune garçon encore assis, et s'étala face à Björn. L'autre se stoppa avant de heurter quelqu'un en entendant son ami glapir, puis le fixa d'un regard halluciné. Ses cheveux étaient bleus. Ce qui n'était assurément pas naturel.
Le jeune homme leva les bras au ciel, un sourire plaqué sur le visage. Théâtrale. Encore.

Par les dieux tout puissants ! Vous étiez pourchassés par des amazones ! Rugit-il en éclatant de rire.
Il ne se rendit pas compte que les trois lycéens le fixaient avec des yeux ronds.
L'air de se demander sur quel genre de cinglé ils étaient au juste tombés.
31-08-2012 à 01:05:21
Amélia pleurait silencieusement.
Ce qu’elle avait vu quelques instants plus tôt l’avait bouleversé, sans trop qu’elle ne comprenne pourquoi. La rouquine se sentait désormais porteuse d’un secret. Un terrible secret qui risquerait bien de la faire couler…
Elle était déchirée par tous ces êtres si magnifiques qu’elle venait de voir. Soudainement, la jeune femme comprit Dorian. Elle comprit sa rage. Elle comprit sa peine. Les Hommes étaient responsables du plus horrible des crimes. Ils avaient perverti cette terre, rasée cette civilisation qui les avait abrités. Ce monde d’antan n’était plus, tout cela pour satisfaire l’égo démesuré d’une espèce.
Alors qu’étaient ces êtres figés ? Une source d’espoir, ou bien une blessure encore ouverte ? Etaient-ils les relents douloureux d’un passé révolu ou alors une promesse d’un avenir radieux ? Amélia n’en savait fichtrement rien et elle n’avait pas le cœur à y penser.
Elle retrouva rapidement la partie aménagée de la caverne. Le vieux mage dormait déjà poings fermés… Et sur le seul lit ! La flamboyante jeune femme poussa un soupir exaspéré, mais un sourire vint tout de même éclairer son visage baigné de larmes. Cela ne serait pas la première fois qu’elle dormirait par terre… De fugaces souvenirs lui revinrent mais elle les chassa d’un mouvement de tête. Elle n’avait franchement pas besoin de ça dans son état actuel.
La rouquine s’allongea donc sur la froide pierre, tentant désespérément de trouver une position confortable. Et le sommeil, par la même occasion.

Elle se réveilla un peu avant Dorian, percluse de douleurs diverses. La roche n’avait pas été tendre avec son corps et les images des êtres fantastiques l’avaient assaillie toute la nuit durant. La jeune femme était groggy de fatigue et d’une humeur massacrante. Lorsque le mage se réveilla, une soudaine lumière éclaira la caverne.
Comme si le soleil se levait, fallait arrêter avec les délires mégalos…

Amélia se leva, tentant vainement de dissimuler ses yeux rouges d’avoir pleuré. Elle se mit à fixer intensément son… Hôte ? Oui, on pouvait dire ça. Elle le dévisageait d’un regard perçant. Que savait-il du dôme ? Pourquoi garder toutes ces créatures ? Quel était son véritable but ?

- Heu. Oui ?
Il regarda successivement le lit qui se faisait tout seul, étrangeté que la jeune femme n’avait même pas remarqué, puis son interlocutrice.
- Non mais. Ecoute, si on travaille ensemble à dézinguer le monde, il va falloir que tu t'y habitues, hein. Allez, remet toi. Et puis... Arrête de me fixer, sérieux. C'est perturbant. Je sais que je devrais théoriquement ressembler à Ramsès II, mais c'est pas le cas, alors arrête de m'observer comme si mon nez servait de refuges à une colonie d'insectes nécrophages.
Mais il était con ou il le faisait exprès ? La rouquine roula des yeux, exaspérée. Elle n’était vraiment pas d’humeur ce matin, son dos lui faisait un mal et chien et son estomac était sans dessus-dessous. Elle entendit le bruit typique de la nourriture qu’on dévore, une odeur de supermarché flottait dans l’air, mais elle ne daigna pas descendre les yeux, s’abandonnant à la contemplation du plafond de pierre.
Tout son être voulait hurler, lui demander des explications, lui donner une paire de baffe, s’effondrer au sol et puis. Rien. Elle n’avait pas la force, pas l’envie. A vrai dire, si cela avait été une journée normale, Amélia l’aurait passée couchée dans son lit douillet. Si seulement…
Elle se perdit dans des pensées noires, sans prêter attention à la ridicule conversation qu’elle avait avec Dorian. L’humeur n’y était pas, la jeune femme n’avait aucune envie de jouer au petit jeu du plus acerbe. Elle ne vit pas les minutes suivantes passer, elle agissait comme dans un rêve.
La rouquine se dégagea par reflexe lorsqu’il lui prit le bras.

- -Ah non, mais tu vas pas faire chier non plus. Passe ton bras, sinon je ne pourrai pas te téléporter.
Ah oui. Elle venait de lui demande l’emmener en ville, la téléportation allait être nécessaire. Amélia hocha la tête pour lui affirmer son consentement et ne bougea pas lorsqu’il saisit de nouveau son bras.

Putain.
La téléportation, c’était VRAIMENT un truc de merde.
Elle avait la nausée, sa tête lui tournait et ses jambes ne semblaient pas prêtes à la soutenir plus longtemps. La jeune femme lança un regard assassin tout en se contenant.

- Mais bordel, quelle chieuse ! C'est TOUJOURS comme ça la première fois, pas besoin d'essayer de m'assassiner avec tes beaux yeux, espèce de tarée lanceuse de couteaux
Amélia eut envie de rire. C’était comme ça qu’il faisait des compliments ? Ce n’était pas un monstre de tact, elle plaignait sa femme. En avait-il seulement une ? Ou bien en avait-il eu une ? Du mystère, du mystère et encore du mystère.
- Bon. D'accord, maintenant on est ville, et puis ? Tu comptes faire quoi ? T'as pas un plan génial qui expliquerait un peu pourquoi tu m'as ordonné en mode "Sisi l'Impératrice", de quitter un endroit sûr pour nous précipiter là où je risque d'attirer des gens pas très sympas qui essaieront de nous tuer tout les deux si ils me repèrent ?
C’était le moment. Elle pouvait enfin lui en parler.
- J'ai vu le dôme.
Elle attendit, le cœur battant. Mais quoi au juste ?
- Ah.
Ah ? AH ? Ce qui était sûr, c’est qu’elle n’espérait pas ça comme réponse… Ulcérée, elle se laissa emporter.
- C'est tout ? Ah ? Tu te fous de ma gueule papy ?
Il s’humecta les lèvres avant de répondre, prudent.
- J'ai pas vraiment matière à faire quelque chose d'aussi plaisant, en fait. Ce que t'as vu... Ce sont des êtres magiques. Des elfes, des centaures, des lutins. Ce genre de trucs. Des créatures qui habitaient Kairec et le reste du monde il y'a quelques quinze milles ans, et pour lesquelles la magie était primordiale. Elles sont... Entrées en hibernation. En quelque sorte. Ecoute. La magie n'a pas disparue, théoriquement. Elle est juste étouffée, affaiblie. Tant que ce sera le cas, qu'elle sera encore présente, ces choses que tu as vue, elles ne mourront pas. Elles attendent juste que la magie soit de nouveau assez présente pour pouvoir s'éveiller. Pour le moment, elles sont physiquement mortes. Mais quand le flot de la magie sera de nouveau assez puissant ; si il l'est un jour, en fait... Alors elles reviendront à la vie.
Il y eut un moment de silence avant qu’il ne reprenne.
- Waw. Dis comme ça, on dirait une mauvaise creepypasta. Enfin bref. Tiens ta langue là dessus... Machin. Heu. Amazone ? Rouquine ? Chose ? Crazy-girl ? M'enfin. On s'en fout de ton nom, n'en parle pas, c'est tout. Même si ce conseil est complètement con. Vu qu'il te met en garde contre quelque chose d'évident. Enfin, bref. On fout quoi ici ? Sinon je te laisse, hein. J'ai des bombes à fabriquer, tu vois.
La jeune femme le laissa mariner un instant, tentant de digérer ce qu’il venait de lui apprendre. Etonnement, elle y parvint avec succès, son esprit n’ayant pas l’air de comprendre l’absurdité de la chose. Un instinct en elle lui soufflait que le vieux mage disait la plus pure vérité. Finalement, Amélia tendit la main devant elle.
- Je m’appelle Amélia. Amélia Nightingale.
Il tiqua légèrement à son nom et observa avec circonspection la main qu’elle tendait. Après un long moment de réflexion, il accepta de la serrer brièvement. La rouquine enchaina directement.
- Bon. Alors. A ce que je comprends, toi et moi on opère depuis quelques années chacun de notre côté et puis tout d’un coup on se rencontre comme par… Magie.
Elle eut un sourire carnassier.
- J’imagine que ton ancestrale magie là, n’est pas totalement gâteuse. Donc, si elle n’a effectivement pas totalement disparu elle doit chercher un moyen de se relever. Ou je sais pas quoi. Donc je pense que quelque chose s’est passé, quelque chose qui va soudainement accélérer les choses.
La jeune femme frissonna un moment avant de reprendre.
- Personnellement, je ne sais pas si je veux revoir le monde comme il était il y a 15000 ans. Mais y a un truc qui est sûr, c’est que moi aussi je veux la chute de cette société de merde. Hier soir, les flics étaient sur les dents. Pas à cause de toi ou de moi. Il y a eu un évènement qui a alerté toutes les autorités de la ville.
Elle sortit son téléphone portable de sa poche et commença à naviguer sur internet. La jeune femme se dirigea vers le site d’information du gouvernement et, avec un cri de triomphe, lança une vidéo sur l’actualité.
« Flash info spécial. Hier dans la soirée un Être Non Identifié a survolé notre ville, causant de multiples dégâts aux infrastructures publiques. Comme vous pouvez le voir sur ces images, l’être a mis en déroute toute une patrouille de gardiens de la paix avant d’être mis en fuite par une courageuse servante de l’Ordre qui n’a pas hésitée à braquer son arme sur l’être et que l’on nous a présenté comme étant "Eileen". Cette héroïne de Kairec-city sera décorée par le grand chancelier dans quelques jours. Une vidéo amateur montrant l’attaque nous est parvenue (...) »
Quelques images confuses défilèrent avant de s’arrêter sur le gros plan de l’être.
Dans le dos d’Amélia, Dorian poussa un cri de surprise. La jeune femme soupira.

Les véritables ennuis allaient commencer.

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