Futur de Kairec

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31-08-2012 à 10:59:21

Vita s'approchait dangereusement de l'objectif. Jamais il n'aurait, ne serait-ce que penser, osé choisir cet endroit. Trop de monde, toujours trop de monde. Parce que c'était un symbole pour beaucoup d'âmes esseulées, parce que c'était... apaisant. Dans une ville et une vie qui battait à cent à l'heure, certains pensaient à se poser, juste un moment dans l'herbe. Pour... se ressourcer. Pour tenter de comprendre. Ce monde qui s'échappait bien trop vite.
Voilà le dernier rempart de la forêt. Ou, à bien moindre échelle, de ce monde du dehors, de l'herbe, de la vie tout court. Ouais. On le murmurait partout et c'était vrai. Il en avait la certitude et beaucoup l'avaient également. Que dire d'autre... tant qu'il y a de la vie, il y a de l'espoir.
Rions.
Doucement, tout doucement donc, pénétrer dans cet Eden. Sentir le vent souffler -mais d'où vient-il?-, respirer un air qui avait encore une nuance de vérité, comprendre que son esprit tient à s'étendre, toujours tout doucement. Il se love autour des arbres, autour de la clairière, il veut. Il veut tout.


- Vous êtes... Vita ?
Le dénommé jaugea d'un regard le vieil homme qui se tenait devant lui. Stressé. A mort. Tressautant d'un pied sur l'autre, il semblait tout sauf à l'aise. Un vieux. Très vieux. Du genre près à clamser. Comme souvent en vérité, c'était avec ceux-là qu'il marchandait habituellement.
-Oui, répondit-il dans un souffle. Il se voulait souriant et avenant.
Puis le jeune homme se tut, attendant que l'autre prenne la parole. Quelques secondes...

- Vous avez vu l'explosion ? Ça a pété de partout. De nos jours... Ça fait peur. A vrai dire... on se sent en sécurité nul part. Vous trouvez pas ?
- Une explosion vous dites ? Fit-il, intéressé au plus haut point.
- Vous avez pas vu sur votre portable ? Y'a eu un flash spécial.
Il n'avait pas de portable. Enfin, si. Mais il préférait ne jamais l'emmener avec lui. Déjà qu'il était assez nerveux comme ça, alors se dire que quelqu'un pouvait suivre ses déplacements, là-haut, dans une des tours... Ça lui flanquait les boules. Oui, Vita avait appris à être un tantinet -que dis-je- paranoïaque. Il grommela un quelque chose.
- Oui, j'ai vu ça. C'est soixante-quinze donc ? Oui, acquiesça t-il sans attendre la réponse de l'autre.
Ce dernier parut reprendre ses esprits, un éclat vif traversa ses yeux.
- On avait dit deux cent cinq.
Il retint un sourire sarcastique. Teigneux le vieux, mais il n'avait pas autant.
- Plus de couvertures et une trentaine de pages en moins. Vous me prenez vraiment pour un con ? Ce sera soixante-quinze et puis c'est tout. Parce que c'est moi qui décide ici.
Vita songea qu'il aurait encore dû faire une quinzaine de centimètres de plus. Ça donnait toujours une meilleure contenance. Surtout lorsqu'il fallait lever la tête. Et puis... il aurait aimé que son sens de la répartie soit plus... mieux. Genre qui ne fasse pas de yo-yo. « Parce que c'est moi qui décide ici. » On aurait dit une réplique d'un très mauvais film, tout droit sorti des services du gouvernement. Genre vieux western. Dont le scénario aurait été écrit par un vieux con alcoolique.
- Soixante-quinze ?
Il paraissait encore plus perdu.
- Oui, soixante-quinze, admit-il, en adoucissant sa voix.
- Putain. Vous pouvez pas faire plus ? J'ai... j'ai le loyer à payer. Les factures d'électricité. Le souper. S'il-vous-plaît Monsieur. Je suis pas pauvre... j'ai travaillé comme un dingue. J'avais un salaire de misère et une retraite de merde. Vous comprenez... de merde. J'aurais jamais vendu ça mais... Ce livre... C'est tout ce qui me reste. J'ai plus de télé, j'ai plus rien.
Monsieur ? Il se sentit vieillir d'un coup.
- Quatre vingt-cinq.
Il mit fin à la transaction par ces quelques mots, s'emparant du sachet que l'homme tenait jusqu'alors à la main. Il vérifierait le contenu derrière un arbre.
- Merci.
- Adieu.

La silhouette malingre du vieux bonhomme disparut derrière une frondaison. Il n'aimait vraiment pas faire ça, mais c'était le seul moyen. Le seul moyen pour quoi ?
Au moins... Il avait le livre. Sur la magie et manuscrit. Un petit bijou qui datait de presque mille ans ; il espérait pouvoir le conserver correctement pour se plonger dans sa lecture. C'était son seul lien avec l'ancien. Quelques lignes tracées maladroitement sur du papier. Il s'adossa à un frêle arbuste.
Chut. Il savait que c'était dangereux de rester au même endroit. Mais bon, il voulait souffler.
Juste souffler.

For Vita, For the Freedom : http://www.youtube.com/v/dZLcBLmph3Q
01-09-2012 à 00:24:19
Elle fixait intensément le tableau numérique. Sa main bougeait au rythme des embardés de son stylo. Elle courrait au dessus de la table, gracieuse et abrupt, sans le concours d'un regard pour la guider. Sa feuille de cours se couvrait lentement, noircie par l'encre bleu qu'un mouvement mécanique délivrait dans un doux son de frottement sur le papier imprimé de lignes...
Bafouées. Billie n'écrivait pas. Elle dessinait. Et au diable droites bleues, violettes et marge rouge. La mine luisante de son stylo profanait l'ordre établi par les machines dont était sortit ce rectangle destiné à être couvert de lettres sagement alignées. Elle changeait l'avenir de cette feuille ; ce ne serait pas le support insipide d'une transmission de connaissances banales mâchées par mille bouches, gribouillées sauvagement par mille mains. Elle allait devenir porteuse du rêve, de l'art. Billie lui offrait le lourd privilège de transporter un peu de son monde. Sa réalité. Elle donnait à cette feuille tout ce que ses doigts serrés sur le stylo pouvaient créer, sans répit, le regard claire et fixe, l'air résolu.
De loin, n'importe quel professeur l'aurait crut sérieuse. De près, ils auraient été étonnés de sa fixité. En regardant sa feuille, ils auraient enfin compris que Billie n'écoutait et ne voyait rien de ce qu'ils s'évertuaient à transmettre. Ils auraient pu voir la fièvre qui l'habitait, étalée en courbes, crachée à l'encre bleu sur le papier soumis dont le sage quadrillage se laissait dévoré par des visages sereins tournés vers une lune dont le ciel était habité d'anges damnés. Sur cette feuille là, il n'y avait pas une seule lettre. Le seul message qu'elle transmettait était celui d'un monde où il n'y avait pas de salle classe. Un monde de beautés étranges où le malaise s'invitait à chaque courbe d'un être difforme, mais singulièrement gracieux. Tout y était élégant, délicat et violent, contrasté de manière à se démarquer, ou rendu terne pour se fondre harmonieusement au reste... C'était un monde de finesse et d'horreur dans lequel rêves et cauchemars se paraient d'un charme fascinant. L'illogisme hypnotique né de la danse d'une mine, initiée par Billie qui rêvait à un monde sans Histoire.
Elle aurait voulu que le passé soit un tableau noir et vierge sur lequel ses craies auraient données au présent d'incroyables fondations. Ces évènements ennuyants qu'on lui servait dans une classe laide, carrée, privée du souffle des bourrasques sur sa peau, lui donnaient l'envie de se saisir de pinceaux pour colorier le monde. Elle préférait aux traités, guerres et autres idioties humaines, les légendes de dieux et de mages où le monde s'emplissait de magie. Tant de choses n'avaient pas leur place dans ce qu'on leur apprenait, qui méritait pourtant d'être hurlées aux foules ! Il y'avait de la folie dans le coeur de Billie quand elle pensait à tout ces textes qui l'avaient fait rêvés- au contraire de ses cours, qui réveillaient en elle une misanthropie oscillante. A quoi pouvait la mener cette dégoûtante logorrhée de gloires meurtrières, de génocides, de crises économiques et autres horrifiantes preuves de la bêtise de l'espèce dominante de cette planète défigurée, sinon à une haine farouche de l'Homme ? Il fallait être fou pour écouter ces cours stupides. Il fallait être fou pour s'infliger un apprentissage pareil.
Billie n'était pas folle ; seulement à part des autres. Peut être même saine d'esprit et clairvoyante au fond. Même si ces moments où la prenait une frénésie artistique étaient tout bonnement terrifiants... Regard fixe, visage impassible, main douée d'une effrayante grâce qui se passait de contact visuelle. A long terme, elle en semblait inhumaine.
Ce n'était pourtant pas le seul mouvement de son corps. Ses pieds tapaient doucement le sol, l'un après l'autre. Depuis déjà une heure et cinq minutes ; deux cours d'Histoire l'un après l'autre, ultime supplice de Billie. Même si Léo était juste à côté d'elle, dans l'autre rangée. L'Histoire était toujours un calvaire. Du temps souillé par les paroles d'une femme frigide et nullipare qui avait laissée son sourire derrière elle, quand elle pouvait encore se vanter d'une beauté aujourd'hui fanée. Une mégère aigrie, somme toute.
Qui avait tout les droits sur cinq heures de sa vie, étalée sur six interminables jours ; voire plus en cas de retenue. Et par ce vendredi après-midi venteux, Billie vivait sa dernière heure d'ennuie de la semaine. Encore cinquante minutes, et c'en serait finis des cours d'Histoires. Elle aurait un répit jusqu'au samedi matin, où cours de langues et d'Arts Plastiques s'occuperaient de meubler quatre heures de son existence. Elle devait tenir le coup. Ne pas faire de dépression nerveuse. Le seul moyen d'y parvenir ? Dessiner. Aveuglément. Sans rien faire d'autre. Dessiner pour ne pas être tenté de se lever et d'hurler de toute ses forces. Forces concentrées dans le dessin pour le moment, l'ultime échappatoire dans cette classe grise d'un lycée gris perdu au milieu d'une ville grise habitée d'une masse grise de gens aux idées grises. Ils ne comprenaient rien. Tout tenait au noir et au blanc : le parfait contraste, l'opposé esthétique le plus pur qui soit. Mais eux, ne vivaient que pour le gris. Indécis. Égarés.
Billie ne sortit de sa transe artistique mêlée de réflexions acerbes qu'au moment où quelqu'un décida de sauvagement choir à côté d'elle. La jeune femme ne comprit pas tout de suite ce qui se passait. Elle sursauta et se tourna promptement vers le bruit qui l'avait interrompu dans son monologue intérieur. Sa main figée laissa morte-née une figure inachevée tendue vers un ciel ténébreux.
Billie fut totalement désamorcée de trouver misérablement étalé par terre un total inconnu. Elle le dévisagea, qui jetait un regard coléreux à... Une craie. Billie comprit que cette dernière était tombée de sa poche. Elle se retint d'aller lui arracher des mains, quand, après s'être lamentablement écrasée face à la harpie défraîchie qui leur servait de professeur, il alla se terrer au fond de la salle en emmenant le précieux bâton blanc. Elle ne se souvint de son nom qu'en voyant son visage.
Arslan. Billie lui jeta un regard oblique. Il avait osé lui voler une parcelle de son seul trésor. Il la privait d'un instrument qui entre ses mains avait ouvert une fenêtre sur un monde conçu par ses soins. C'était comme si il venait de lui toucher les seins... Non. C'était pire. Il violait son univers entier en volant la poignée qui permettait d'y accéder. Lui prendre cette craie, c'était lui prendre un bout de son âme.
Billie commença à fulminer sur chaise. Ses pieds se fixèrent au sol, opposés au carrelage de toute leurs forces. Elle se promit de faire payer cher à ce fantôme cleptomane son horrible crime. Sur la feuille, elle recommença à dessiner.
Le visage pleura des larmes de souffrance, et ses lèvres s'ouvrirent dans un cri d'agonie silencieux.
Arslan NightWalker, alors ? Bien. Elle se vengerait de lui. Bientôt.
Mais pas aujourd'hui... La prochaine fois qu'elle le croiserait. Quand il aurait oublié l'avoir voler. Là, elle lui tomberait dessus.
Et elle serait sans pitié.

Courbes blanches, courbes noires. Un oeil apparaissait sur le sol, aux longs cils lascifs, à la prunelle reflétant une montagne entourée de feu. Ombres et lumières, rouge, beige, jaune, quelques rides dans un coin, un nez esquissé qui se traçait rapidement...
Billie savourait enfin un moment de liberté, hors du lycée, dans un lieu où personne ne pouvait la maintenir prisonnière. Ici, elle pouvait s'étaler partout. Sur les murs, le sol ; le plafond même. Elle avait prévu une échelle pour aller leur dessiner un ciel plein d'étoiles sous lequel exploser des choses et créer des mondes. Léo' était enchantée par l'idée ; elle lui avait promis d'essayer de ne pas gâcher l'oeuvre trop rapidement. Billie lui avait sourit en retour. Elle savait bien que Léo' ne pourrait pas s'empêcher de tout détruire. Ça ne la gênait plus désormais. Elle avait pris l'habitude. Et la disparition de ses précédents dessins lui permettaient de se renouveler.
La jeune femme se lançait dans le tracé de lèvres pulpeuses quand la radio entama la retransmission d'un discours fatidique.


Un attentat a été perpétré sur un immeuble en ville. Une bombe d'origine inconnue a faîte s'écrouler des bureaux, un bar proche a également...

Billie commença a ramasser ses craies dés que le mot "attentat" atteignit ses oreilles. Elle observa avec regret son visage inachevé, et se prépara à subir l'agression auditive que ne manquerait pas de lui faire endurer Léo. La gothique n'eut pas besoin de se retourner pour savoir que son amie venait de se relever brutalement et qu'elle rangeait ses affaires à la va-vite. Billie ne résista pas à la tentation de tracer encore un ou deux traits avant de se préparer à entamer avec Léo' une course à travers la ville. Erreur.

-BILLIIIIIIIE !
L’intéressée ne cilla même pas. Son temps était compté, elle devait faire vite. Elle resta interdite face à sa moitié de visage. Il manquait quelques rides juste là, à côté de la bouche, et...
Y a un mec, ou une femme, qui a fait péter un bâtiment je VEUX voir ça ! Allé on y va !
Trop tard. Billie jeta un regard douloureux à son dessin. Elle n'eut que le temps d'attraper quelques ultimes craies avant qu'une traction sur son poignet la tire hors de son Trou adoré. La course commença.
Elles fendirent la foule sans porter une once d’intérêt aux gens qui leur hurlaient dessus, sauvagement bousculés. Billie ne chercha même pas à parler ; elle se contenta de suivre, rougissant sous l'effort de leur marathon subite. Le sport n'était pas vraiment son fort, malgré la bonne volonté qu'elle mettait à sa balader régulièrement en ville pour dessiner.
Quand elles arrivèrent devant le lieu de l'explosion, son visage avait pris radicalement en couleur, et ses vêtements étaient imprégnés de sueur. Ce qui devait probablement jurer avec leur apparence, car elle s'était vêtu d'une magnifique robe noire à doublure blanche... Certes, extravagante du fait de son aspect moyenâgeux. Et soit, les manches étaient peut être excessivement larges. Mais elle n'en restait pas moins élégante. L'odeur de sa transpiration allait prodigieusement gâcher son effet. Regrettable.
Billie courba le dos pour reprendre son souffle, les mains sur ses genoux. Elle regarda à peine les décombres de l'immeuble, laissant plutôt ce plaisir à Léo. Qui exultait d'ailleurs, folle de joie. Littéralement.

Trop énooooooorme ! Hurla t'elle d'une voix hystérique en levant les bras à la gloire de cette catastrophe. Décidément cinglée.
Cela fit sourire Billie. Elle se redressa, avec l'envie de rire en voyant les gens s'écarter d'eux. Elle ne se demanda même pas si il y'avait eu des morts ; il lui semblait évident que non : personne ne travaillait dans les bureaux la nuit. Elle n'avait pas conscience de s'amuser d'une tragédie. Suprêmement jeune dans sa naïveté.
Billie regarda à son tour les ruines fumantes de l'immeuble. C'était impressionnant. Elle n'aurait jamais cru possible qu'une seule bombe puisse faire autant de dégâts. La jeune femme frissonna en songeant que Léo' cherchait probablement à atteindre le même genre de résultat depuis des années.
Elle recula un peu, et fixa son amie, grisée et démente. Elle grava l'image dans sa mémoire. Une scène pareille méritait d'être dessinée. Il y'avait une certaine beauté dans la joie malsaine de Léo', quelque chose de fascinant et de dangereux comme une flamme... Billie eut peur, soudain. Et si elle finissait par se brûler ? Elle avait toujours eu conscience que Léo' était un peu cinglée et potentiellement dangereuse, mais elle venait de prendre la mesure de ce que la jeune femme était capable de faire. Si elle créait un jour une bombe comme celle-ci, qu'en ferait-elle ? Et d'ailleurs, d'où lui venait cette passion pour les explosions ? Billie fut troublée par ses doutes. Elle ne s'était jamais posé ces questions, malgré sa complicité avec Léo'.
Elle comprit combien leur amitié était singulière et bancale. Une révélation pouvait tout changer. Son coeur se brisa.
Et puis soudain, elle vu Arslan. Il courrait, fuyant les décombres d'un... Bar ? Juste à côté de l'immeuble. Billie se souvint d'un coup que la radio en avait parlée. Elle sauta sur l'occasion pour oublier son trouble et sa peur de perdre son unique amie ; une colère froide l'emplit. C'était un prétexte stupide pour échapper aux questions gênantes qui se posaient, mais Billie préféra se voiler la face. Elle était forte de caractère, mais au fil du temps, elle s'était vraiment attaché à Léo'. Remettre en cause trois ans d'amitié exclusive était trop difficile.
La jeune femme -ou fille en cet instant ?- tenta de se justifier : elle s'était promis de se venger. L'occasion se présentait. Autant sauter dessus.


-Léo', regarde ! Le mec qui court, là... C'est celui qui sèche tout le temps les cours! Il m'a piqué une craie en Histoire. Je suis sûr qu'il fuit parce-qu'il a un rapport avec l'explosion. On le suit !
Encore un mauvais prétexte. Cependant, elle ne voulait pas suivre Arslan seule ; il faisait déjà nuit, faute à l'hiver. Elle n'aurait pas été rassurée de le filer sans compagnie. Alors... Autant s'assurer que Léo' la suivrait, en l'attirant avec quelque chose qui lui semblerait alléchant et prometteur.
La jeune gothique fonça à la suite de son camarade de classe... Pour autant qu'on puise parler de lui en ces termes, étant donné que de la classe, il devait à peine se souvenir si l'on prenait en compte ses venues erratiques et son implication scolaire plus que discutable.
Il la distança rapidement, faisant monter l'indignation en Billie. Il ne pouvait s'enfuir ainsi ! Elle avait besoin de se défouler. Vraiment. Il n'avait pas le droit de lui faire faux-bond. Hélas, sa précédente course l'avait déjà fatiguée. Arslan avait toujours une avance considérable sur elles. Le désespoir s'empara de la gothique. Elle n'avait pas envie d'être obligée de réfléchir au sujet de Léo'.
Par chance, Arslan finit par ralentir. Au bout d'un moment, il se mit à marcher. Billie s'interdit de penser à l'heure qu'il était et à ce que ses parents lui diraient quand elle rentrerait à la maison. Elle se concentra sur sa colère, et pourchassa Arslan sans relâche, haletante, marchant rapidement plutôt que de continuer à courir. Il disparut dans une ruelle, sans raison apparente.
Un soupir de soulagement lui échappa. Il était coincé. Elle se mit à marcher plus lentement le temps de reprendre son souffle... Puis quand elle fut proche de la ruelle, elle recommença à courir. Elle allait faire la peur de sa vie à cet ignoble voleur.
...
Ou pas. Elle s'étala de tout son long en glapissant, ayant trébuchée sur quelque chose. Ou plutôt quelqu'un, comme en témoigna le cri d'incrédulité et de douleur qui suivit. Billie se sentit encore plus enragée. Glacée de colère jusqu'aux os.
Elle se releva, impérieuse, et... Fit face à une sorte de monstre. Elle recula de quelques pas, terrifiée. Et heurta une tête au passage ; ce qui la força à s'arrêter.
Juste devant elle se dressait un géant. Il mesurait prêt de deux mètres ou... Quelque chose comme ça. Et il était aussi grand que musclé. Ses larges épaules et sa vaste poitrine le rendaient au moins deux fois plus large que Billie. Elle était farouche, mais pas folle : une vertigineuse envie de prendre ses jambes à sa cou la saisit. Des psychoses nourrit par tout ce dont elle avait entendu parler à la télévision au cours de sa vie déferlèrent dans son esprit.
<< Il va me violer. Il va me tuer. Il va manger mon corps pour qu'il ne reste aucune trace de mon meurtre. >>
Pas une seule seconde, elle n'envisagea une hypothèse qui correspondait à la réalité... Elle ne se dit pas : << Il va rire. >>
Mais voilà. C'est ce qu'il fit. Il éclata de rire. Simplement.


-Par les dieux tout puissants ! Vous étiez pourchassé par des amazones !
Billie n'essaya même pas de comprendre. Il avait une voix aussi forte que l'on pouvait s'y attendre de la part d'un colosse de son envergure. Elle le dévisagea.
Sérieux. Il... Riait ? Non. Vraiment ? Billie se sentit défaillir. Elle se retourna. Et fit face à Arslan. Qui s'était relevé. L'incrédulité s'inscrivit sur leur deux visages. Lui était surpris de la voir ici. Elle, l'avait totalement oublié pendant quelques secondes de pure terreur.
Le seul échappatoire à sa peur, la seule chose qu'elle trouva à faire pour ne pas avoir l'impression de totalement perdre pied, fut de...
Lui donner une gifle. Et d'exploser de rage.


-CONNARD. TU. TU. TU M'AS PIQUÉ UNE CRAIE. TU M'AS VOLÉ. TU AS... TU AS FORCÉ LA PORTE DE MON UNIVERS. DE QUEL DROIT TU SACCAGES MES RÊVES ?! DE QUEL DROIT TU ENTRES DE FORCE DANS MON MONDE ? T'AS PAS LE DROIT. JE VAIS TE... ESPÈCE DE... D'ENCU... RENDS MOI MA CRAAAAAAAAAAAIE !
Et elle éclata en sanglots. Totalement à bout. Dépassée.
Ça ne lui était jamais arrivé. Elle était toujours maîtresse de son corps. Mais c'était trop de chocs pour elle, en trop peu de temps. Même une personnalité forte avait ses limites. Alors des larmes, des tremblements... C'était peut être beaucoup, mais elle en avait foutrement besoin.
Elle se sécha les yeux avec une de ses manches extra-large, mais elle pleurait encore. Où était Léo' nom d'un chien ? Elle avait besoin de son soutient.
Billie se laissa aller contre le mur, et s'assit par terre. En sanglotant toujours. Face au géant et Arslan. Elle s'en foutait pas mal qu'ils la voient... Car elle se promit, pour la deuxième fois de la journée, qu'elle se vengerait. D'eux deux cette fois-ci. Même de ce homme terrifiant qui allait sûrement la violer.
Ils l'avaient forcé à exposer sa faiblesse. Elle était à bout. Et puis... Elle allait avoir ses règles bientôt. Ce qui expliquait aussi en partie sa réaction. Billie n'était pas réellement triste ou quoi que ce soit. En réalité, elle était tellement en colère et si déroutée qu'elle venait de faire une crise de nerf.


-Vous avez volé cette jeune pucelle ? Gronda le géant d'un ton menaçant.
Billie releva la tête, incrédule. Ce violeur prenait son partie, ou elle nageait en plein trip ? La gothique chercha à peine à comprendre. De toute manière, cette journée avait été pourrie. Elle se contenta de hurler.

-OUI. Cracha t'elle d'un air furieux.
Et elle se releva d'un bond, passa comme une flèche à côté d'Arslan, et... Heurta Léo', qui observait tout depuis l'entrée de la ruelle. Elle la dévisagea. Puis la prit dans ses bras.
Et fondit en larmes à nouveau.
Totalement contradictoire. Femme jusqu'au bout des ongles.
01-09-2012 à 22:34:52
- CONNARD. TU. TU. TU M'AS PIQUÉ UNE CRAIE. TU M'AS VOLÉ. TU AS... TU AS FORCÉ LA PORTE DE MON UNIVERS. DE QUEL DROIT TU SACCAGES MES RÊVES ?! DE QUEL DROIT TU ENTRES DE FORCE DANS MON MONDE ? T'AS PAS LE DROIT. JE VAIS TE... ESPÈCE DE... D'ENCU... RENDS MOI MA CRAAAAAAAAAAAIE !
La seconde explosion de la soirée.
Génial. Comme s’il avait besoin de ça.
Mais, à dire vrai, Arslan préférait la première… Cette espèce d’harpie à froufrous lui flanquait une frousse incroyable. Elle fondit en torrents de larmes, secouée de sanglots hystériques, le regard fou et la respiration saccadée. Elle semblait sur le point de s’évanouir, ou bien de se pendre.
Le jeune homme poussa un soupir… Avant de se ratatiner sous le regard inquisiteur de l’ours, s’il s’agissait bel et bien d’un ours.

- Vous avez volé cette jeune pucelle ?
Sa voix roula, semblable le tonnerre. Pucelle ? Avec les temps qui courraient, cette affirmation n’était pas tout à fait sûre… Cependant Arslan préféra ne pas piper un seul mot. Le géant semblait sur le point d’exploser et, franchement, il se passerait bien d’une autre bombe ce soir-là. Il poussa un autre soupir en songeant qu’il pourrait se trouver tranquillement dans le restaurant, à servir quelques sympathiques fonctionnaires qui lui laisseraient un acceptable pourboire…
Mais ils étaient certainement tous morts.
Et par sa faute.
Aurait-il pu en sauver, s’il était venu aider ? Combien de vies auraient été épargnées si Arslan avait bien voulu risquer la sienne ? Ces interrogations le mortifiaient, le dévoraient de l’intérieur. Sa lâcheté était un crime ignoble, un affront pour l’humanité.
L’ouragan - comment s’appelait-elle déjà ? Ah oui, Billie – hurla de nouveau pour répondre à l’intimidant géant.

- OUI !
Un seul mot, craché avec tant de haine que le jeune homme en sursauta. Une soudaine inquiétude s’empara de lui. Et si l’ours parlant décidait de le punir ? Et si Billie la gothique désirait le voir souffrir, pour satisfaire il ne savait quel besoin impérieux de femme ? Allaient-ils s’en prendre à lui ? Le blesser ? Une nouvelle fois, la peur tordit les entrailles d’Arslan, vicieuse et retorse.
Et puis soudainement arriva le dernier protagoniste de cette étrange scène. L’amie de Billie, Eléonora. La cinglée, la furieuse, l’hyperactive, la bombe humaine. En la voyant, le jeune homme poussa un gémissement de détresse… Il en avait vraiment plus qu’assez de ces explosions à la con.
Les deux jeunes femmes s’effondrèrent dans une étrange étreinte. Eléonora semblait tenter de vouloir calmer la crise de larmes de sa si proche amie tout en foudroyant du regard le jeune homme toujours au sol. Fort heureusement pour ce dernier, l’homme-ours s’était détourné de sa cible et se consacrait entièrement aux deux jeunes femmes.
Arslan en profita donc pour se relever discrètement et se préparer à partir. Il ne voulait pas rester une seconde de plus avec ces fous.
Mais l’homme remarqua sa tentative de fuite. Il l’empoigna par l’épaule et tonna d’une voix grondante.

- Ne bougez plus, vil malandrin ! Vous devrez répondre de vos méfaits envers ces demoiselles !
- Mais. Mais. Mais… Bafouilla-t-il pitoyablement.
Il n’avait PAS volé cette craie, se sortir de cette situation devant vital. Arslan prit une grande inspiration.
- Je n’ai pas volé cette craie. Ce matin j’ai juste marché dessus. Et. Je ne voulais pas que cela arrive à d’autres personnes qui auraient pu la réduire en poussière. Je voulais juste la rendre en bon état à sa propriétaire dès que je la reverrai.
Il s’agissait d’un demi-mensonge. Si le jeune homme avait bel et bien toujours eu l’intention de rendre l’objet, il ne l’avait pas empoché pour le sauver d’une quelconque destruction. Cela parut cependant satisfaire l’étrange homme qui gratifia Arslan d’une accolade.
- Un preux chevalier qui désire protéger les biens d’une demoiselle ! Mon brave, je vous aime bien.

Et sur ces mots il éclata de rire.
Arslan ouvrit la bouche. Il devait dire quelque chose. Quelque chose pour se sortir de cette situation.
Allez, réfléchis.
Réfléchis.
Réfléchis !

- Euh…
Il s’exprima d’une toute petite voix.
- Vous n’allez pas me manger, hein ?

… Ah bah bravo. T’es quand même franchement con quand tu t’y mets.
02-09-2012 à 14:56:13
Le garçon les distança dans un premier temps, puis il ralentit et s'enfonça dans une ruelle. Léo finit par ralentir également, fatiguée par la course qu'elle venait de faire accompagnée de Billie. Celle-ci freina également et, sans raison, redoubla de vitesse. Mais pas pour longtemps, car elle s'étala lourdement sur le sol. Fidèle à elle même, Léo éclata de rire. Et à cet instant elle réalisa qu'un espèce d'ours-humain -ou une géant, tout simplement- se tenait face à elle. Elle fronça les sourcils, pas vraiment impressionnée mais surtout impressionnée de voir un homme de cet taille. La jeune fille aux cheveux brûlé ne pipa pourtant pas un mot, étudiant l'homme avec attention. Et il se mit subitement à rire.

Par les dieux tout puissants ! Vous étiez pourchassé par des amazones !

Léo n'était pas d'accord, mais elle ferma sa grande bouche. Elle se contenta d'interroger Billie du regard. Mais celle-ci se tourna vers Arslan et explosa littéralement.


CONNARD. TU. TU. TU M'AS PIQUÉ UNE CRAIE. TU M'AS VOLÉ. TU AS... TU AS FORCÉ LA PORTE DE MON UNIVERS. DE QUEL DROIT TU SACCAGES MES RÊVES ?! DE QUEL DROIT TU ENTRES DE FORCE DANS MON MONDE ? T'AS PAS LE DROIT. JE VAIS TE... ESPÈCE DE... D'ENCU... RENDS MOI MA CRAAAAAAAAAAAIE !

Ça, ça venait du cœur. Léo serra les lèvres pour ne pas en rajouter d'avantage. Cracher son venin piquant était sa spécialité, après la fabrication de pataboom, évidemment. Puis Billie éclata en sanglots. « Oh la galère, pensa Léo. » Voir Billie pleurer la mettait en pétard. Elle serait capable de faire exploser celui qui était à l'origine des larmes de son amie. Personne n'avait le droit de la brusquer sauf elle! Et elle en avait presque oublié le géant, qui prit parole.

Vous avez volé cette jeune pucelle ? Gronda le géant d'un ton menaçant .

Quel langage zarb, songea Léo. Billie leva la tête et s'exprima de nouveau, en hurlant.


OUI!

Et elle se releva d'un bond, passa très rapidement à côté d'Arslan, et se heurta contre son amie qui faillit en tomber à la renverse. Puis, comme s'y attendait Léo, Billie la prit dans ses bras. L'adolescente aux cheveux cramé tapa dans le dos de la jeune fille gothique, essayant de l'apaiser. Pendant ce temps, leur camarade de classe voleur de craie tenta vainement de s'enfuir, car il fut stoppé net par le géant qui le saisit par les épaules.

Ne bougez plus, vil malandrin ! Vous devrez répondre de vos méfaits envers ces demoiselles !
-Mais. Mais. Mais… bredouilla Arslan en réponse.

Et toc! aurait voulu crier Léo. Mais elle était trop occupée à serrer Billie contre elle. Et elle commençait à sérieusement tremper son t-shirt, ce qui ne lui plaisait pas du tout.

Je n’ai pas volé cette craie. Ce matin j’ai juste marché dessus. Et. Je ne voulais pas que cela arrive à d’autres personnes qui auraient pu la réduire en poussière. Je voulais juste la rendre en bon état à sa propriétaire dès que je la reverrai.

Et le géant le prit dans ses bras.

Un preux chevalier qui désire protéger les biens d’une demoiselle ! Mon brave, je vous aime bien.

Le géant rit... Léo, émerveillée, constata avec plaisir qu'elle avait trouvé aussi -ou presque- fou qu'elle. Elle avait trouvé son maître, enfin...

Euh…Vous n’allez pas me manger, hein ? demanda Arslan d'une toute petite voix.

Cette fois, Léo voulut intervenir. Elle poussa brusquement Billie sur le côté et s'approcha du géant ainsi que de son camarade.

L'homme ne digère pas le sang de ses congénères. Donc s'il te mange, il risque la crise de foie.

Elle plissa les yeux et un sourire narquois s'étira sur ses lèvres. Mais elle n'avait pas fini, et cette fois elle s'adressa directement au géant.

Bonjour, je m'appelle Léo, enchantée. Je suis un génie explosif, et je peux faire péter ce que je veux. Mais dites, vous êtes croisé avec un Louis XIV? Parce que vous parlez comme à l'époque des rois coincés du cul! Et c'est bizarre! Enfin, j'aime tout ce qui est bizarre, vu que je suis moi même bizarre, regardez plutôt.

Elle avait parlé si vite que ses interlocuteurs durent avoir du mal à saisir. Pour confirmer ses dires, son visage se changea en un masque horrible : yeux incroyablement écarquillés, sourire anormalement grand découvrant gencives et dents blanches. Puis elle sortit de sa poche un pot qu'elle ouvrit. Il contenait une pâte blanche. Elle en prit un peu et la roula en une petite boulette.

Vous voyez ça?

Elle le jeta sur une poubelle qui explosa.

C'est ma Pataboom.

Elle éclata d'un rire sonore.

Je suis trop un génie du mal!

~Beware~

Côté sucré et kawaii de Tristana : http://www.youtube.com/v/6md5RSnVUuo
Magie de Tristana : http://www.youtube.com/v/UQkxNbgohPg

Léo, tout simplement : http://www.youtube.com/v/tQyEUhedqDY (Juste parce que cette musique est trop démente)

Za, simply Za : http://www.youtube.com/v/24Lm4ue3Fbc
02-09-2012 à 15:27:24
Aux échos perdus d’une douce mélodie, jetés en vrac sur le monde papier à musique ; elle avait sur les pommettes les accents délicats des rires d’enfants qui, l’automne, sautaient dans les feuilles mortes, éclats de vie déchue, gisant sur le sol, dans une douce étreinte colorée. Et, dans ses grands yeux ambre, coulait toute la magie des étoiles de l’été, lorsque que le ciel était si clair que la Lune, reine de la nuit, explosait en camaïeu d’argenté sur les flots paisibles du lac. Elle avait encore les effluves du printemps qui offrait ses fleurs, riantes dames de compagnie à peine écloses, coquettes au point du jour. Elle avait surtout l’hiver neigeux comme la caresse d’un amant éperdu qui lui glissait sur la peau. Elle avait offert tout ce corps bringuebalant la nature, comme un pieu dans le cœur, un cadeau empoisonné, douce Eileen et ses rêves perdus dans le creux de ses reins. Elle n’avait plus des douces étreintes humaines que le plaisir explosif d’un instant, les joues rouges, plongée dans des draps qui n’étaient pas les siens ; et les pas furtifs au matin, lorsqu’encore une fois, elle s’enfuyait, reprenant ce cœur qu’elle n’arrivait à offrir que dans l’oublie, le temps d’une nuit – deux, tout au plus. Elle traînait sa solitude comme elle traînait les restes de son optimisme, brûlé dans les charniers d’apocalypse. Elle reprenait dans ses mains tremblantes les baisers offerts à sa souffrance, au goût de cigüe sur ses lèvres lorsqu’elle abandonnait sa chair. Elle vivait à peine de cela, rares nuits sans cauchemar ; elle tombait, Eileen, à en perdre la raison. Son cœur recollé n’avait déjà plus la force que de survivre. L’aurait-il encore, retrouvés les soupirs d’un amour d’enfance qui avait été le seul de sa vie, retrouvé le soleil de ses jours dans lequel elle se serait brûlée à ne pas fuir assez vite. Elle aurait voulu pleurer, Eileen ; elle n’avait plus rien d’autre que les morceaux brisés de son cœur vide, et les échos des étreintes coupables – cendres dans les brasiers de son sang.

Paumée dans l’absurdité de son sourire en clair-obscur, vaguement tendu sur ses lèvres pincées, elle n’avait pas même remarqué les pas qui la suivaient. Il n’y avait plus rien d’autre que la magie des mots qui tourbillonnaient dans son cœur en vrac ; douce magie à laquelle elle avait cessé de croire. Ça avait été le jour de son désespoir comme finissent par l’avoir les gens qui vivent trop longtemps et voient naître un monde de haine sur la déchéance du leur. C’était peut-être le lot des gens qui avaient grandi sans les leurs, et fini par vieillir tellement qu’il n’y avait plus rien pour échapper à la lame mortelle de la réalité, plantée dans leur cœur, fichée dans le gouffre de leur souffrance. Elle n’avait plus rien, Eileen, plus rien d’autre que les corps décharnés de ses souvenirs, riant dans ses lourdes larmes, qu’elle écrasait dans sa paume. Elle n’était plus qu’un soupçon de vie qui crevait à en plus finir dans les hurlements de son sourire trop pâle. Quinze mille ans passés à reconstruire les échos d’un bonheur qui n’était plus que gouffre dans les méandres de son cœur serré, aux limites de sa conscience. Elle avait eu il y avait longtemps déjà ce jour où l’amour se transformait en douleur omniprésente, ce jour où il n’y avait plus d’espoir pour se relever, où même l’amour dans les traits de son visage, échos à ceux d’un père depuis longtemps éteint, avait fini par arrêter de croire que la vie était un terrain de jeux. Les échos d’une mélodie fielleuse ne cessaient de lui courir sur la peau, amères déglutitions d’hommes déchirés, qui avaient entrevu la mort de si près qu’il n’y avait plus que ça : les accents d’un chant marmonnant des mots qui ne voulaient rien dire, sinon le désespoir infini. Elle aurait presque éclaté de rire tant elle se sentait morte, Eileen. Elle se contenta de lancer un nouveau sourire à l’adolescente encore toute pleine de vie.


« Restez-là, mademoiselle, il ne fait pas bon courir les rues ; encore moins à ma suite. – S’il vous plaît, monsieur, veillez sur elle. »

Les mots avaient le goût en demi-teinte des paris perdus d’avance. Doucement, elle crevait les étoiles de son cœur, cachées dans les méandres d’une beauté douce, à cause de mots amers qui passaient presque tendrement ses lèvres. Des mots pour faire disparaître un passé, jeté dans des larmes amères, dans des hoquets de dégoût. Des mots quand elle embrassait des lèvres aux effluves d’alcool, des mots dans une voix qui se brise quand les corps se tordent et s’enchaînent. Elle ne les aimait plus Eileen, parce que les mots ne valaient rien ; il y en avait murmurés dans des hoquets de larmes qu’elle tentait vainement de repousser, il y en avait aussi valsant comme des fantômes, qui chuchotaient des promesses jamais tenues. Même le silence acide, plein de secrets dissimulés, avait plus de valeurs à ses yeux en étoiles éteintes. Alors elle n’entendait plus, Eileen, les mots mal-articulés, les questions bousculées de l’inconnue qui l’avait suivi, comme un pari perdu qu’on aurait gagné dans sa tête. Derrière les portes closes de son cœur béant, il n’y avait plus que Bergeau, et le chemin des émotions tacites qui la portait vers lui. Enfoncées dans ses poches, la pression d’une main, tout doucement, froide étreinte du 9mm qu’elle portait toujours sur elle. Et la mort dans les balles, promise par le métal froid, comme le sourire absurde d’une agonie approchée de trop prêt. Elle ne sait plus, Eileen, elle est paumée. Peut-être qu’elle ne sait plus que crever et mourir, peut-être qu’elle ne sent plus rien d’autre que la souffrance dans les cris des mourants. Il n’y a plus les soupirs lancés au ciel bleu, plus les rires emplis d’enfances – plus rien d’autre que le néant barricadé derrière son cœur condamné. Aux échos mensongers des notes d’un bonheur oublié.

Aux mains qui s’arrêtent de trembler lorsque les silhouettes se devinent à ses yeux écarquillés, jetant à sa figure les issues indécises d’un combat comme elle en a déjà trop vu ; au sourire qui reste fiché sur ses lèvres alors qu’elle se hisse à leur hauteur. Il gagne, sûrement, quand même, même s'ils sont quinze gardiens de la paix, même s'il est blessé, même si, même si Alors il faut, qu'elle fasse quelque chose, elle, il faut le protéger. Elle a l’air douce, Eileen, elle a l’air tendre, comme ça, avec son amour abandonné et son cœur brûlé, et elle ne sait pas quoi faire. A ses joues rougies où aurait dû serpenter sa terreur, à son sourire évanescent lorsqu’elle pointe l’arme sur lui, vise son cœur avec une précision toute pleine d’absolue. Et elle lui sourit, mais son regard est effroyablement dur – et elle se sent minable, Eileen, minable, minable, minable, minable. Elle ne vaut plus rien, quand elle abandonne tout pour le protéger. Il ne doit pas être capturé, Bergeau, il doit être libre, libre. Il ne doit pas finir comme elle, pas être si minable. Elle ne veut pas tirer, mais son doigt glisse sur la détente, prêt à la pression fatale. Bêtement, ses lèvres articulent un pardon silencieux, comme si un seul mot pouvait couvrir ces quinze mille ans à tenter de l’oublier dans les caresses charnelles. Elle aurait d’abord voulu n’être qu’à lui, ne pas succomber à son corps effervescent. Elle aurait voulu l’oublier ensuite, le perdre sur les lèvres d’un autre, dans des mots chuchotés d’une voix qui n’était pas la sienne, elle aurait voulu le jeter, arriver à crever cet amour comme une comète explosive dans son cœur, elle aurait voulu le détester comme les autres qu’elle n’avait aimés qu’un instant. Vivre sa vie, peut-être, au lieu de vivre la leur si loin de lui. Un instant, elle aurait voulu se jeter dans ses bras, et lui murmurer qu’il lui avait manqué, lui dire qu’il pouvait commencer. Elle n’avait rien fait de tout ça ; elle s’était contentée de se laisser sombrer. Son coeur manque des battements, décale son tempo, et la mélodie n'est plus que fausses notes. Et son sourire disparaît dans la morsure glacée de ses yeux vides. Alors, il s’en va.

Et elle est là, encore une fois, avec le goût des hoquets de désespoir sur la langue. Elle se retrouve sur le trottoir, mais elle ne sait pas vraiment comment, Eileen, elle est là, et elle est vide.

Elle aurait dû arrêter de sourire il y a longtemps déjà.

02-09-2012 à 15:30:56
La rouquine lui tendit une main. Dorian cacha à peine sa surprise devant ce geste d'un civisme improbable, émanant d'une personne qui se baladait avec des couteaux comme certaines femmes portaient des bijoux. Une main tendue, c'était symbolique. Cela signifiait beaucoup de choses. En tout cas, pour Dorian. Il avait vécut à travers de nombreuses époques, et put constater de ses yeux l'évolution des moeurs.
Une poignée de main signifiait auparavant beaucoup, et tous en avaient conscience. Elle transmettait aussi quantité d'informations, et l'on savait en être conscient dans le passé. Elle pouvait même être trompeuse et servir à cacher la véritable personnalité de ceux qui l'utilisaient pour se saluer. Chaleureuse, moite, ferme, distante, proche... Signe d'ouverture, ou paradoxalement de rejet. Aujourd'hui, tout cela n'avait plus court, ou du moins, plus consciemment. La poignée de main était devenue une simple banalité. Et pourtant... Dorian continuait à y voir plus de choses qu'il n'y en avait réellement à comprendre. Passer d'une époque à une autre n'était pas évident ; il lui restait toujours des jugements et de avis qui n'avaient plus leur place dans le temps durant lequel il évoluait. La société changeait, mais lui non. Il avait finis d'évoluer depuis longtemps. Il était adulte depuis... Qu'importait. Depuis assez d'années pour s'être stabilisé en ce qu'il était aujourd'hui. A son âge, il ne changerait plus.
Ce qui était regrettable : si il avait des réactions de vieillard, dépassées depuis longtemps, il n'en avait jamais acquis la proverbiale sagesse.


-Je m’appelle Amélia. Amélia Nightingale.
Et soudain, il regretta ce manque. Ses sourcils se relevèrent sans qu'il puisse les en empêcher. Puis se froncèrent ensuite. Il observa la main que la rouquine- Amélia, lui tendait, sans la toucher.
Une désagréable impression de passer à côté de quelque chose l'avait saisit à l'entente de ce nom. "Nightingale." Il avait le sentiment que ces trois syllabes étaient importantes. Il se sentait incroyablement stupide, sans savoir pourquoi. Comme si une partie de lui avait réalisé quelque chose pendant une seconde, mais qu'il avait aussitôt oublié cette dernière au profit du choc qu'elle avait suscité. Comme si cette chose était trop improbable pour être réelle. Et la sensation perdurait. Il avait une révélation sur le bout de le langue, mais elle ne voulait se manifester à nouveau. Une prémisse de doute en réalité, la graine d'une hypothèse plus tordue qu'un massif de ronce. Qui impliquait... Beaucoup.
Dorian fixa la main d'Amélia, frustré. Il n'aimait pas que ses pensées lui échappaient. Dans ces moments, il avait l'impression que son âge le rattrapait et qu'il devenait gâteux. Ce qui était agaçant et... Effrayant. Si il se mettait à vieillir de la même manière que le commun des mortels, qu'adviendrait-il de lui ?
<< Un vieux paranoïaque amnésique irascible qui ne se souvient plus du passé qui l'a tourmenté, mais vivant dans la perpétuelle crainte qu'on découvre sa magie alors qu'il n'a nul par où aller, étant donné qu'il ne connait personne et a oublié son foyer de fortune. Ajoutons à cela un soupçon de folie frisant la démence dangereuse, plusieurs millénaires de trou, transformant le vide béant de l'amnésique lambda en un véritable abysse digne d'une faille sous-marine. Me voici, touché par la vieillesse, destiné à finir mes jours dans un laboratoire pour servir de sujets à des expériences qui ne manqueront pas de me tuer ; définitivement cette fois-ci, la magie ne pouvant me permettre de revenir, celle-ci étant trop faible. Je disparaîtrai soudain dans les limbes après maintes tortures, comme n'importe quel humain. C'en serait finis de moi. Il n'y aurait plus de possible retour de Kairec. Plus de magie. Les Êtres de la caverne resteront à jamais endormis, avant de mourir à leur tour après que la magie ait agonisé pendant de longs millénaires encore. >>
Une perspective somme toute peu alléchante. Et si désespérément probable... C'en était désolant.
Dorian serra la main que lui tendait Amélia, sans entrain, d'un geste mou et sans énergie qui avait tout de l'étreinte d'une limace mourante. Il avait les yeux dans la vague, plongé dans des réflexions aussi sombres que l'humeur de la rouquine. Songer à ce qui lui réservait le futur n'était peut être pas une bonne idée...

Bon. Alors. A ce que je comprends, toi et moi on opère depuis quelques années chacun de notre côté et puis tout d’un coup on se rencontre comme par… Magie.
Elle lui fit un sourire de loup.
Une partie de lui trouva cette remarque amusante. Il n'avait même pas vu les choses sous cet angle. Son existence avait été parsemée d'évènements tellement plus étranges que tout ça ne lui était pas apparu très surprenants. Après tout, il avait déjà été enlevé par les sbires d'une pieuvre à tête de choux et avait dû visiter une île volante habitée par des patates bouddhistes, qu'un condor géant avait ensuite littéralement explosé... Difficile de faire plus bizarre.
Cependant, une fois soulevé, les faits paraissaient tout d'un coup suspects. De plus... Ce que sous-entendait cette remarque... Si il ne se trompait pas, Amélia essayait de lui faire comprendre que le hasard n'avait joué en rien dans leur rencontre. Qu'elle avait été organisée, en quelque sorte. Ou alors il était totalement paranoïaque, et ce n'était qu'un mauvais jeu de mot.

J’imagine que ton ancestrale magie là, n’est pas totalement gâteuse. Donc, si elle n’a effectivement pas totalement disparu elle doit chercher un moyen de se relever. Ou je sais pas quoi. Donc je pense que quelque chose s’est passé, quelque chose qui va soudainement accélérer les choses.
Non. Il était tombé juste. Et mieux encore : Amélia aussi. Elle venait de soulever un fait encore plus intéressant qu'elle n'en avait conscience. Car en effet, la magie agissait, comme un être doué de raison. Elle pouvait parler, et se manifester directement sous la forme d'êtres matériels. Ce n'était pas qu'une énergie, c'était une entité. Dorian l'avait appris à Bergeau longtemps auparavant. Il lui avait expliquer que ce qu'il pensait être un flot homogène était composé de différentes énergies, négatives, neutres et positives. Différentes énergies, qui formaient un tout : la magie. Statique ou dynamique, lente ou rapide.
Et cette dernière, l'énergie rapide, celle qu'on désignait de positive... Elle avait disparue. La plus puissante. Celle qui était synonyme de la vie pulsante, là où ses deux soeurs se partageaient les choses minérales, les végétaux, l'ombre. Son absence était responsable du déclin soudain de la magie. Sans elle, le flot cessait de circuler. Il se faisait plus lent, puis n'ayant plus d'avatars pour le protéger, tarissait. Il n'en restait plus que la source. Non alimentée, lentement asséchée... Ainsi un monde perdait-il son sang, au profit de prothèses froides. Ainsi la magie avait-elle disparue, abandonnée de son soutient le plus solide.
Où était donc passée l'énergie positive ? Pourquoi avait-elle disparue avant toute les autres ? Dorian n'avait jamais trouvé de réponse. Il s'était résigné à ce que la magie ait perdue sa volonté, de ce fait réduit à endurer son agonie, incapable de se relever seule de cette défaite, incomplète, privée d'une partie de ce qui la composait. Comme si on amputait un humain d'une partie de son âme. Qu'on lui prenait sa fougue et sa volonté.
La technologie avait dépouillée la magie de libre arbitre.
Et pourtant... Ce qui disait Amélia était d'une troublante vérité. La magie cherchait à se relever. Elle avait retrouvé sa volonté. Comment ? Pourquoi maintenant ? Pourquoi s'éveiller après quinze mille ans ?
Le mage frissonna en pensant à l'ampleur de ce qui était de entrain de se mettre en branle. Si ce qu'Amélia disait était vrai, le monde allait connaître à nouveau un bouleversement radical. En faveur de qui cette fois-ci ? Si la magie échouait une fois de plus, ce pourrait bien être la dernière fois. Elle disparaîtrait. Mais si jamais son flot se déversait de nouveau sur le monde, alors la société allait sombrer dans le chaos. Les humains étaient les derniers habitants de cette planète défigurée ; si ils ne s'adaptaient pas, sombreraient-ils dans une dernière folie, refusant d'accepter les changements qu'imposaient le retour de la magie ? Ils pourraient profaner une dernière fois la terre, et lancer sur elle un ultime assaut suicidaire... Ils en étaient capables.
Dorian eut le vertige devant l'issue incertaine de ce qui s'augurait. Avait-il vraiment cru, hier encore, pouvoir combattre seul pour rétablir le règne de la magie ? C'était incroyablement vaniteux et stupide. Il n'avait pas la moindre chance de réaliser une quête aussi colossale sans aide. Amélia lui en fit prendre conscience.
Il resta muet, choqué. Comment avait-il pu se vautrer dans une telle absurdité prétentieuse ?

Personnellement, je ne sais pas si je veux revoir le monde comme il était il y a 15000 ans...
Dorian sentit le désespoir s'abattre sur lui. Allait-elle l'abandonner, juste après lui avoir fait prendre conscience qu'il cherchait une fois de plus à porter le ciel sur ses épaules alors qu'il en était incapable ? Son coeur se serra. Il ne pouvait plus continuer seul désormais. Plus maintenant qu'il mesurait l'ampleur de sa tâche.
Mais y a un truc qui est sûr, c’est que moi aussi je veux la chute de cette société de merde. Hier soir, les flics étaient sur les dents. Pas à cause de toi ou de moi. Il y a eu un évènement qui a alerté toutes les autorités de la ville.
Dorian autorisa une bouffée d'espoir à gonfler ses poumons. Elle ne comptait pas le laisser seul. Ses raisons n'étaient pas semblables aux siennes -ou pas totalement-, mais elle continuait de poursuivre un but qui les rapprochaient. Le mage essaya de calmer les battements de son coeur.
Il était encore prêt à la laisser en plan, trois minutes auparavant. Si il l'avait fait, il serait encore aveugle à l'heure qu'il était.
Il suivit distraitement ses manipulations sur un rectangle brillant. Dorian n'en connaissait que le nom. "Portable". Les gens l'utilisaient pour se parler partout, comme l'auraient fait des télépathes, et pour apprendre des choses sur l'actualité en rejoignant une sorte de "toile" invisible qu'on appelait "internet". Il ne s'était jamais vraiment penché dessus, se contentant d'en apprendre assez pour ne pas se laisser trop distancer par les progrès de la science.
Le mage fut donc peu surpris de voir apparaître une sorte de deuxième écran à l'intérieur du premier, qu'Amélia lui montra avec un cri de triomphe. Il s'approcha pour écouter ce dont parlait la vidéo. ( Concept que Dorian avait eut le temps de saisir depuis déjà plusieurs centaines d'années. )

« Flash info spécial. Hier dans la soirée un Être Non Identifié a survolé notre ville, causant de multiples dégâts aux infrastructures publiques.»
Dorian n'en croyait pas ses oreilles. Hier ? Alors même qu'Amélia et lui se rencontraient pour la première fois... L'être non identifié était forcément magique. Sûrement était-ce un descendant de Kairec très puissant, dont les pouvoirs avait été soudain exacerbés par l'éveil de la magie. Tout ça devenait trop gros pour que ne soit qu'un hasard. Il se passait forcément quelque chose.
« Comme vous pouvez le voir sur ces images, l’être a mis en déroute toute une patrouille de gardiens de la paix avant d’être mis en fuite par une courageuse servante de l’Ordre qui n’a pas hésitée à braquer son arme sur l’être et que l’on nous a présenté comme étant "Eileen". »
Dorian ne vit pas grand chose sur les dîtes images. Une lumière éblouissante, quelques explosions... Le tout dans un chaos de cris et d'hommes en fuite.
Mais le nom d'Eileen éveilla en lui une amère nostalgie. Eileen... Une charmante petite elfe à la mère divine, lumineuse, souriante. L'amour étoilée de Bergeau. Dorian se souvenait avoir présagé à son père Thymo un grand destin à la fillette. Il lui avait dit qu'elle deviendrait une puissante magicienne, en sentant en elle les prémices d'un grand pouvoir. Toute ses prédictions s'étaient révélées fausses. Eileen était morte, et elle n'avait jamais utilisée de magie autre que celle de ses sourires. Elle avait même refusé de se battre, trop pure, déroutée, pleine d'optimisme jusqu'au bout... Jusqu'à ce qu'elle finisse seule face aux engins des humains. Jusqu'à ce qu'ils tuent cette enfant après lui avoir d'abord enlevé son père.
Cela faisait quinze mille ans. Y penser était toujours aussi douloureux.

« Cette héroïne de Kairec-city sera décorée par le grand chancelier dans quelques jours. Une vidéo amateur montrant l’attaque nous est parvenue (...) »
Dorian observa vaguement la vidéo, saisit d'une tristesse morne. Abattu, larmoyant. Presque sur le point d'éclater en sanglots. Une de ces crises qui s'emparaient parfois de lui.
Puis, le portable afficha en gros plan le fauteur de trouble, l'être magique qui avait secoué la ville le jour d'avant.
Ce n'était pas un descendant.


-Bergeau ! Hoqueta le mage.
Il l'aurait reconnu même si son corps avait été fripé de rides. Même si l'âge avait voûté ses épaules. Mais bien sûr, non... Il était encore frai comme gardon. Et beau comme un dieu, bien entendu.
Dorian sentit un sourire énorme étiré ses lèvres. Il n'était pas seul. Un autre gardien de Kairec avait surgit en cette époque, malgré quinze mille année de technologie. Ils étaient deux maintenant. Deux êtres magiques venu d'un passé que tout le monde ou presque avait oublié. La magie avait rappelée Bergeau d'entre les morts... C'était bien son oeuvre. Sa conscience qui réunissait les partisans de sa cause. Il n'y avait plus aucun doute. On cherchait à les réunir.
Et si Amélia était avec lui en ce moment même, cela ne pouvait signifier qu'une chose...
Il se tourna vers elle. Ses yeux bleus grisaillés étaient d'une clarté presque anormale, saisissante. Pour la première fois, il parut totalement présent, et pas égaré quelque part en même temps qu'il était face à elle. Dans le passé, c'est ce regard d'une intensité vertigineuse qu'il avait dû porter sur le monde. Un regard qui semblait pouvoir tout comprendre et tout voir. Le regard de quelqu'un qui n'avait pas vécut pendant des milliers d'années.

Amélia. Cet homme est un dieu. Cet homme est un gardien de Kairec. Il a été mon élève. Il était mort pourtant, j'en suis certain, tout ce temps, il a disparu et... Il est là aujourd'hui.
L'émotion le submergeait.
<< Je crois que la magie a retrouvée sa volonté perdue, je crois qu'en effet, elle cherche à nous réunir. Et que si nous sommes ensemble aujourd'hui, ce n'est pas pour rien.
Ses iris étaient comme deux lunes bleutés irradiant une lumière aveuglante... Alors qu'il n'en était rien. Mais un sourire heureux illuminait ses lèvres, si franc, spontané, qu'il apportait la clarté jusqu'en dans ses yeux.
Amélia... Tu es une descendante de Kairec.
02-09-2012 à 20:07:58
La respiration sifflante, Liwan tentait avec plus ou moins de succès de ralentir les battements de son cœur. D'abord la colombe puis ça. La rencontre avec deux Êtres Magiques dans une ruelle, ceux-ci ayant apparemment tout rapport avec l'Homme Lumière. Surtout le vieux, apparemment.
Il jaillit soudain de sa planque au coin de la rue donnant sur la ruelle ou se tenait les deux personnages. Il braqua ses deux ATM2000 ( Armes Tueuses de Magie quatrième génération) et s'exclama:
-Vous... Bordel vous êtes en état d'arrestation. Non. Vous êtes... bordel, colombe de meeerde!

Il reprit son souffle puis rectifia d'une voix plus sûre:

-En tant que Chasseur d'Êtres Magiques je vous ordonne de ne plus bouger.

Généralement, c'était à ce moment là que ses proies l'attaquaient où fuyaient. Il crispa ses doigts sur la détente.

Ils ne réagirent pas. Ils se contentèrent de le regarder, hébétés. Comme surpris. Le vieux le regardait avec un regard sans émotion alors que la fille semblait totalement... bouleversée ? En tout cas, le danger viendrait du barbu à gauche. Son détecteur de magie sur son poignet s'affolait totalement, affichant des mesures incroyables. La rousse dégageait un faible taux, comme tant d'autres ÊM.

Liwan se remémora comment il en était arrivé là, épuisé, face au plus gros danger qu'il n'avait jamais eu à affronter de sa carrière.


La colombe blanche l'avait suivie avec acharnement. Le très peu de vigueur qui lui restait s'était envolé bêtement à cause de ses différentes tentatives de la semer. Mais tête de mule, elle s'était accroché à lui comme une sangsue à sa peau. Se servant de la quantité infintésimale de forces qui subsistait en lui il se rendit au plus haut immeuble de la ville, où se trouvait la vase et le siège en générale de la société qui l'employait.
La BB company, celle qui grâce à toutes ses tentacules filiaires dominait à peu près tout le marché Kairecien. Engager et payer les CEM n'était qu'une partie de ses fonctions

Il s'y rendit donc, à la vitesse d'un escargot atrophié, cette maudite colombe à quelques mètres au dessus de lui.
Quand il franchit les portes automatiques de l'entrée, personne ne fit attention à lui. Un brouhaha pénible régnait, entre les travaux de réparation du hall pas tout à fait terminées, les bavardages animées et les voix métalliques qui traversaient l'air. Il sortit très très lentement son Beretta - chaque parcelle d'énergie comptait, il sentait qu'il était à la lisière de s'évanouir - et tira trois coups secs en l'air. Le silence se fit d'un coup. Il exhala quelques mots:

- Une chambre et un lit. Tout de suite. Plus d'appart'. La bombe...

Une femme se précipita vers lui, jeta un regard étonné à l'oiseau qui voletait derrière lui et le supporta jusqu'à un canapé noir sans poser de questions.

Elle lui demanda de patienter et tapota un instant sur un ordinateur dernier cri. Après avoir fait une moue préoccupée elle se tourna vers lui.

-Désolé Monsieur Sayn, mais la chambre ne sera libre que dans quelques heures. Le temps qu'on vous l'installe et qu'on vous la vide de ses occupants.

Il n'eut pas la force de hurler de colère mais le regard chargé de fureur qu'il lança à la femme la fit déglutir et rajuster son tailleur sombre.

-Herm... je peux vous emmenez dans le vestiaire où il y a toutes vos affaires de CEM, ainsi qu'un Vigorant.

Liwan hocha imperceptiblement la tête en signe d'assentiment.

Elle le mena donc à l'ascenceur moderne maintenant réparé et le fit marcher encore - quel supplice! - sur quelques mètres dans un long couloir verni et propre. La femme ouvrit la porte, osa le saluer d'un minuscule " Au revoir Monsieur Sayn " et le quitta.

Il s'assit en soupirant sur un banc et s'empara de ses affaires déjà sorties. Il fouilla puis y trouva le salvateur Vigorant. Une sorte de longue baguette noire. Il la posa sur sa peau et une décharge fulgurante d'énergie le parcourut.
Il décida ensuite de se changer avec ses habits de CEM vu que l'explosion puis ses... déboires dans l'herbe du parc avaient bien endommagés ses vêtements. Il enfila sa tunique noire AM, pour Anti Magie et puis après un haussement d'épaule, prit aussi ses accessoire de CEM.

Revigoré par le... Vigorant, il prit la décision de ressortir dans la ville, puisque il devait attendre avant que sa chambre soit libre.

Evidemment la colombe blanche le suivit.

Quand elle se posa sur son épaule alors qu'il patientait au mileu d'une foule de passant pour traverser une avenue, il tressaillit.
Quelque chose claqua dans son cerveau et il cria, sortit son Berreta et la pointa sur le volatile. Il tira dessus, encore et encore tandisque les gens s'éloignaient de lui et quand elle s'enfuit la poursuivit à travers un dédale de rue et de ruelles.

Essoufflé Liwan l'avait laissé s'échappé. Une brusque chape de plomb s'abbatit sur lui. L'inconvénient avec les Vigorants c'est que la fatigue revenait aussi vite qu'elle repartait.

Puis alors qu'il s'apprétait à retourner à la base il avait entendu deux personnes parler au fond d'une ruelle. Intrigué, il s'était adossé à la paroi du coin d'un mur et avait jeté un coup d'oeil: un vieux avec une barbe et une fille jeune et rousse. Mu par son instinct de CEM il avait sortit de son bracelet accroché au bras gauche un appareil permettant d'écouter à longue distance.

"Bon. Alors. A ce que je comprends, toi et moi on opère depuis quelques années chacun de notre côté et puis tout d’un coup on se rencontre comme par… Magie."

D'accord. Doute confirmé ou expression ?

"J’imagine que ton ancestrale magie là, n’est pas totalement gâteuse. Donc, si elle n’a effectivement pas totalement disparu elle doit chercher un moyen de se relever. Ou je sais pas quoi. Donc je pense que quelque chose s’est passé, quelque chose qui va soudainement accélérer les choses."

Ok. Doute confirmé.

Il marmonnèrent des paroles sans intéret à propos de la destruction de la société - mais bien sur, comme si il y avait une chance... - puis ils se penchèrent sur le portable de la rousse. Grâce à l'appareil il découvrit avec stupeur qu'ils connaissaient l'HL.

Et c'est là que par un excès d'héroïsme doublé d'une stupidité sans nom il s'était mis à découvert et les avait menacé.

Quand la colombe blanche pépia joyeusement derrière lui et se posa sur son épaule, il se dit que ça ne pouvait pas être pire.

MUSIQUE DE COMBAT: http://www.youtube.com/watch?v=BHRyMcH6WMM
03-09-2012 à 14:27:09
La jeune femme lança un nouveau sourire à Tristana qui le lui rendit.

Restez-là, mademoiselle, il ne fait pas bon courir les rues ; encore moins à ma suite. – S’il vous plaît, monsieur, veillez sur elle.

La jeune femme s'apprêta à protester mais son interlocutrice s'en alla. Elle reporta son regard sur le barman qui lui servit sa grenadine. Elle détailla le verre, huma le contenu et en but une gorgée.


Très bon ! Merci !

Elle se leva et posa quelques pièces sur le comptoir, mais l'homme la retint par le bras.


Restez voyons, finissez votre verre.

A cet instant, la rousse comprit que le barman ne la laisserait pas partir aussi facilement. Sirotant son sirop -heh oui...- elle mijotait un plan. Ses yeux se déplacèrent de bouteilles en bouteilles, situées derrière l'homme. Une idée lui traversa l'esprit. Elle posa son verre paisiblement et posa son regard sur une des bouteilles. Ses yeux s'écarquillèrent et elle plaqua sa main sur sa bouche, étouffant un cri aigu.

Un raaaaaaat !

Le barman, surpris, se tourna vers le soit disant rat que pointait la jeune femme. Mais lorsqu'il réalisa qu'il s'était fait duper, celle qu'il devait surveiller avait disparu.
Elle courrait vite, heureusement, et avait une bonne endurance. Vive le sport. Elle devait vite retrouver la piste d'Eileen. Elle ferma doucement les paupières et, pour s'aider, se pencha et se retrouva en équilibre sur ses mains. Cette étrange position lui permettait d'étendre plus facilement ses sens magique. Elle trouva finalement ce qu'elle cherchait, et se laissa retomber en pont arrière. Souple comme du pain frais, elle se releva sans dommage et recommença à courir dans la direction d'Eileen. Elle arriva face à une scène horrible : plusieurs hommes entouraient Bergeau, le jeune dieu qu'elle avait rencontré le matin même. Hommes et femmes, car Eileen en faisait partie et braquait son 9mm en direction du jeune homme. Tristana se cacha et assista à la fuite du jeune dieu avec un soupir de soulagement. Puis elle même l'imita, craignant la foule. Elle rentra chez elle calmement et croisa en chemin une personne qui fit battre son cœur plus vite que si elle courrait encore. Elle se mordit la lèvre, essayant de s'empêcher de pousser un cri hystérique. Mais elle ne réussit pas.


Mon suuuuuuuucre !

Elle se rua vers la moitié qui la regardait les yeux écarquillés et le sourire au lèvres. Se jetant dans ses bras, elle le fit chuter. Il poussa un grognement de douleur mais caressa la joue de la jeune femme.


Bonjour mon amour, je voulais te faire la surprise de venir chez toi mais il semblerait que ce soit moi le plus surpris dans l'histoire de te voir ici.

Il plongea ses yeux dorés dans les iris couleur océan de Tristana qui l'embrassa avec passion. Avec douceur, il la poussa, se releva puis l'aida à faire de même.

On rentre ?

Elle acquiesça, oubliant par cette heureuse rencontre toutes les autres qu'elle avait faite dans la journée -cerveau de moineau!-. L'esprit apaisé par la présence de Lucas qu'elle passa le reste de sa journée avec lui, jusqu'à ce que sa tante rentre. Celle-ci pourtant l'autorisa à rester à dormir avec sa nièce.

Elle s'allongea sur son lit et le jeune homme aux cheveux noirs d'encre s'installa à ses côté et passa sa main dans les cheveux flamboyants de sa chérie. Pandémon s'installa entre eux. Tristana le fusilla du regard mais il ne bougea pas et s'endormit, narquois.


T'as passé une bonne journée mon amour?

Elle opina et se blottit contre lui. Peu à peu, elle sombra dans les abysses du sommeil. En murmurant deux petits mots adressés à son aimé.

Je t'aime...

~Beware~

Côté sucré et kawaii de Tristana : http://www.youtube.com/v/6md5RSnVUuo
Magie de Tristana : http://www.youtube.com/v/UQkxNbgohPg

Léo, tout simplement : http://www.youtube.com/v/tQyEUhedqDY (Juste parce que cette musique est trop démente)

Za, simply Za : http://www.youtube.com/v/24Lm4ue3Fbc
03-09-2012 à 15:41:31
Indomptable.

-Rendez vous et nous nous assurerons que vous serez traité du mieux que nous pourrons !

Un rictus déforma le visage parfait du dieu de la lumière, un rictus qui ne présageait rien de bon pour les impie qui osait s'opposer à lui, qui osait croire que leur technologie pourrait rivaliser avec sa magie ! L'épée pulsait lentement dans la main du guerrier tandis qu'il observait ses adversaires approcher à l'intérieur d'engin volant comme il en avait vu un ou deux il y avait quinze mille ans de cela. D'autre ennemis approchait au sol mais dans l'immédiat il n'avait rien à craindre de celles-ci puisqu'il se trouvait à plus de quinze mètres du sol. Bergeau effectua quelques moulinets de sa lame lui faisant irradier une puissante lumière, puisque personne ne venait à lui, ce serait lui qui viendrait aux autres. Un flash de lumière et l'être divin se retrouva sur l'une des voiture de ces poursuivants, sans même analyser la situation il abattit rageusement sa lame sur la carrosserie du véhicule et le trancha comme si c'était une simple feuille de papier, aucune étincelle, aucune résistance. Le véhicule perdait peu à peu de l'altitude mais qu'importe ? L'important c'était de se venger, d'extérioriser sa colère et sa peine et de faire payer à ces gens ! De faire payer à ces mortels ce qu'ils avaient oser faire de son monde, ce qu'ils avaient osé faire de ses rêves, ce qu'ils avaient osé faire de son étoile ! Un cri retentit a l'intérieur du véhicule et une gerbe de sang jaillit par la carrosserie, apparemment il avait tué un de ses adversaires mais qu'importe ? Il ne voulait pas en tuer un seul, il voulait tous les massacrer. Un soldat terroriser sauta de la voiture espérant éviter l'explosion lorsqu'inévitablement l'objet volant allait s'écraser mais peut être finalement aurait il mieux valut pour lui d'y rester et d'exploser car d'un couperet de lumière Bergeau le cisailla en deux.
Plus haut les autres véhicules ouvrirent le feu de concert avec les troupes au sol mais le dieu avair déjà disparu et se trouvait sur une autre voiture. Le dieu vengeur leva son épée au dessus de sa tête et l’abattit de toutes ses forces faisant exploser l'objet de son courroux dans une gerbe de flamme et fissurant l'armure de lumière qu'il avait placé autour de lui. Il était évident que le prince divin ne cherchait pas à se protéger, il cherchait simplement à faire mal, à détruire la vie de ceux qui avait détruit la sienne. Le guerrier des temps ancien n'eut pas le temps de se réjouir, il fut percuté de plein fouet par l'un des véhicules qui l'envoya directement goûté au bitume le faisant s'écraser sur la route et déraper sur une bonne dizaine de mètre. Les badauds d'abord curieux fuyaient maintenant dans tout les sens, difficile de dire ce qui leur faisait le plus peur, l'être de lumière ou la folie meurtrière du gouvernement.
Déjà les premières difficultés apparaissaient pour le prince divin tandis qu'il se relevait en haletant, son armure de métal tombait en petit morceaux complètement pulvérisée par la violence du choc. Les CEM ne semblaient pas décider à laisser de répits à leur proie et ouvrirent de nouveaux le feu, un flot de plasma, de balles, de flammes s'abattit sur l'homme nu qui eut juste le temps de dresser un bouclier de lumière devant lui. Les projectiles frappèrent avec une violence inuit dans une véritable explosion de lumière qui força les opposants à détourner les yeux laissant une minute au dieu pour réagir. Cette fois-ci ce fut la grande expérience des combats du prince qui parla et il se téléporta au milieu de troupes au sol pour éviter que celles en l'air ne lui tirent dessus. Visiblement les mortels avaient déjà affronté des dieux puisqu'ils ne mirent pas longtemps à réagir, dés que Bergeau fut réapparu il se fit cueillir par une rafale de plasma qui l'envoya une fois encore s'écraser au sol et neutralisant totalement sa magie. Si le guerrier des temps ancien se releva une nouvelle fois c'est que la rage qui l'animait actuellement était bien plus forte que la raison qui l'animait par le passé.
Le corps du dieu était recouvert de bitume et il portait la marque du plasma sur le corps, il n'avait pas encore récupéré tout ses pouvoirs, il aurait fallut sans doute plusieurs jours mais il n'avait pas pu attendre, il avait besoin de faire payer, faire payer à ces enfoirées. Les forces de l'ordre reculaient prudemment intimidées par le simple regard courroucé et rempli de larme que le mage leur adressa. Jamais, jamais ils n'auraient du le défier ! Bergeau se jeta sur le premier homme qui lui passa à porté de main en poussant un hurlement de rage et en le décapitant dans une gerbe de sang et de lumière digne des plus grands spectacles pyrotechniques. C'était un véritable cyclone qui s'abattait au milieu des mortels frappant tout ce qui lui passait a porté de main, esquivant et parant tout ce qu'il pouvait. A vrai dire c'était l'allégorie de la noblesse qui se tenait au milieu d'eux et qui même face à un ennemi supérieur en nombre, même dominé refusait d'abandonner. Les hommes tombaient comme des mouches contre cet être magique qui semblait ne pas pouvoir être arrêtés. Les brûlures s'accumulaient sur son corps il n'avait plus de magie mais son épée tranchait les armures comme du sushi et bientôt sa magie reviendrait, qui pourrait alors l'arrêter ?
En vérité Bergeau n'était plus véritablement conscient de ses propres actes, seule la vengeance et ses sens magique guidaient son bras, ses yeux étaient remplis de larmes. Un cercle apeuré s'était fait entre le dieu et ses adversaires qui étaient désormais conscient de la supériorité de l'être magique, comment pouvait-il être si puissant ? Jusque là ces bâtards avaient été matés sans rébellion alors pourquoi se chien enragé se rebellait-il . Une salve de plasma faucha le prince au torse de plein fouet mais ce dernier par on ne sait quel miracle se maintint debout titubant. Le guerrier avait littéralement la bave au lèvre, son corps était souillé de sang, de poussière et de bitume cependant on avait presque l'impression que les coups le galvanisaient. A peine sa magie revenu l'être magique faucha deux autres CEM qui s'étaient trop approchés de lui, combien en restait-il ? Une vingtaine ? Une dizaine ? Il allait les anéantir ! Quelque soit leur nombre, leur origine ou leurs opinions ! Il allait les annihiler !


-Eileen...

Elle était là fendant le cercle des CEM survivant, elle était là mais apparemment pas pour se faire pardonner, non elle était là pointant une arme sur lui. Que cherchait-elle donc à faire ? Cherchait-elle à faire disparaître toute trace d'une existence révolu ? D'un ton où elle semblait heureuse ? L'était elle seulement réellement ? Après tout il lui en avait fait voir de toute les couleurs... Il lui avait mentis, il lui avait faussé compagnie, l'avait mise en danger... Le prince laissa tomber son épée ensanglantée dans un grand bruit de métal tandis que ses yeux s'embuaient de larme en observant celle qui par le passé avait éclairé ses journées et ses nuits. C'était donc cette existence qu'elle avait décidé de mener, une existence comme tout ces moutons... Comme tout ces gens esclaves de la technologie... Elle avait décidé d'être prisonnière d'un monde qu'elle détestait sûrement. Le prince des dieux tituba, son corps ne le portait plus, il ne portait aucune blessure sérieuse pourtant tout n'était que douleur. Bergeau tenta un où deux pas en direction de son étoile, acte totalement inconsidéré qui les mettait en danger mais finalement l'être magique décida de disparaître, de se téléporter dans un lieu paisible où personne ne viendrait l’embêter.

-Je t'aime.


A peine ses jambes eurent-elles toucher le sol de la caverne sous le lac que son corps cessa de le porter, il s'affala sur la roche froide incapable de bouger.

04-09-2012 à 21:40:36
Björn avait totalement oublié l'histoire du vol de chaussettes. Les trois lycéens avaient radicalement changés la donne ; il ne pouvait pas s'empêcher de rire, en imaginant le pauvre bougre qui lui était rentré dedans tenter d'échapper à deux jeunes filles, dont une étant habillée d'une robe à froufrous qui était peut être le seul danger véritable apte à lui faire peur : on aurait pu étouffer un enfant à l'intérieur de cette masse de tissu superflu. Sa robe ressemblait plus à un instrument de torture sado-masochiste qu'à autre chose.
Quant à l'autre adolescente, elle avait au choix ratée sa nouvelle couleur pour finir affublée d'une chevelure qui donnait l'impression qu'elle portait une perruque de mauvaise qualité, ou ses goûts en matière de coupe de cheveux étaient si extravaguant que le résultat restait le même pour ceux qui lui faisaient face : c'était affreusement ridicule. Et fort laid.
A elles deux, on aurait pu croire à une secte, un pari perdu, ou une fête costumée qui avait mal tournée. A eux trois, on se demandait si il n'y avait pas quelque chose d'encore plus louche. C'était hilarant. Björn avait trouvé son prétexte de la journée pour laisser libre court à sa bonne humeur naturelle.
Froncer les sourcils et prendre l'air menaçant, ce n'était pas vraiment son truc. Quitte à aller remettre quelqu'un en place, il aurait préféré le faire en souriant, sa hache à la main, pour lui foutre une frousse de tout les diables ; mais si il en arrivait là, on risquait de le dénoncer en tant que porteur d'une arme, puis de l'interner dans un établissement psychiatrique. Alors il était bien forcé de jouer aux sombres géants colériques.
Mais au fond, si ça n'avait tenu qu'à lui, il aurait passé son temps à rire comme il le faisait en cet instant, devant les trois lycéens ébahis. Quand il s'agissait de rire, Björn était toujours le premier à commencer et le dernier à s'arrêter. Il ne connaissait rien de plus exaltant que ces spasmes violents, ce tremblement de sa poitrine qui diffusait en lui une énergie plus pure que n'importe quelle autre, ces bonds de son coeur enjoué qui se mettait en tête de devenir acrobate, sautant ça et là dans sa cage thoracique en faisant frémir de bonheur chaque veine de son corps, et cette incroyable sensation que soudain, il pouvait s'envoler. Qu'à ouvrir la bouche si grand pour délivrer autant de joie, il aspirait assez d'air pour se mettre à flotter parmi les vents libres de la ville, comme un petit nuage dont les seules averses seraient faîte de pluies de larmes de bonheur. Car même en étant aussi grand que Björn, même en ayant une carrure d'ours, on pouvait se sentir petit parfois.
Par exemple, quand venait justement ce genre de rire qui le retournait tout entier, os, moelle et tout la barda de son long corps si lourd, impuissant à résister aux charmes de la bonne humeur lascive et délurée qui l'emportait dans ses sauts à travers la misère du monde. Là, dans ces moments, il savait qu'il était minuscule, qu'il ne faisait pas le poids face à un sourire qui valait mille fois sa carcasse d'ours, qui pouvait habiter à l'infinie une mémoire en tant que glorieux souvenir d'une joie passée, qui pouvait rendre fou n'importe quelle personne saine d'esprit et propre de sa petite vie tranquille ; un sourire, ça pouvait tout chambouler, un sourire, ça vous envoyait des tartes à la figure et des souffles sucrés dans les poumons. Un sourire, un rire... C'était du pareil au même. Il devenait aussi petit et insignifiant qu'un grain de poussière, jouet de sa poitrine, jouet du son grondant et si fort de son bonheur. Il en éclaboussait le monde et les gens alentours ; il leur vomissant à la figure sans leur demander leur avis, et c'était comme un virus : il riait, et les autres, soudain, sentaient naître en eux une chose étrange, comme un gargouillement. Un ou deux souffles hachés leur échappaient ; puis ils prenaient conscience qu'ils voulaient le rejoindre dans son hymne à la joie. Et alors, ils riaient aussi, et le monde entier aurait pu venir avec eux, et...
Björn pris conscience qu'il riait tout seul. En fait, parfois, il ne suffisait pas d'être heureux. Malgré toute sa bonne volonté, il continuait de mesurer un mètre quatre vingt dix et de peser plus que les trois lycéens réunis, qui, effarés qui le dévisageaient. La nuit. Dans une ruelle sombre. Un homme traumatisé juste derrière lui. Et ça, c'était sûrement pas mal effrayant quand même.
Ce qui l'aurait fait encore plus rire en temps normal ; mais il était en présence de dames, aussi Björn fit-il preuve de décence en retenant à grande peine son hilarité. Il y'avait tout de même des choses à ne pas faire : offenser une femme faisait partie de ses choses. Alors deux femmes, voilà qui devenait dramatique... Voire dangereux. Il s'en serait voulu de provoquer la colère de ces deux charmants énergumènes qui poursuivaient le pauvre jeune homme. Il n'en avait sûrement pas finis avec elles. Björn l'en plaignait.
Mais d'un côté, il riait bien grâce à lui. Ce type était un véritable trésors sur pattes, au fond. Il venait de donner naissance à une situation cocasse par sa seule arrivée dans cette ruelle, par le plus grand des hasards. Björn se promit de le remercier, souriant, muet, ayant cessé de rire, mais les yeux et les lèves encore pleine d'une joie qui ne s’embarrassait pas de pudeur. Il avait l'air d'un enfant, à sa manière, d'un gosse heureux d'avoir fait une bêtise, qui ne pensait pas au lendemain ou "à tout à l'heure", quand il regretterait sûrement sa témérité bienheureuse. Parce-que de toute manière, Björn ne pensait jamais plus loin que son action présente. Il vivait comme ça, pas un instant perdu dans un passé qui n'avait rien de bon à lui offrir, ou en pleine exploration stupide et bien inutile d'un futur qui ne lui réservait sûrement pas plus que le jour vécut. Il se contentait de profiter de chaque seconde plutôt que d'essayer de penser à celles qui suivraient après ces parcelles de temps gâchées à se projeter dans d'autres secondes durant lesquels il penserait aux secondes qui... Stop. Björn n'était pas comme ça, simplement, et ne le serait jamais.
Aussi, heureux, amusé, bouffis d'un bonheur simple et imbécile, Björn ne s'attendait pas le moins du monde à ce que l'étrange jeune fille habillée d'une robe anormalement pourvue en tissus se mettent à vociférer. Ce qui cassait franchement l'ambiance qu'il avait cru mettre sur pieds.


-CONNARD. TU. TU. TU M'AS PIQUÉ UNE CRAIE. TU M'AS VOLÉ. TU AS... TU AS FORCÉ LA PORTE DE MON UNIVERS. DE QUEL DROIT TU SACCAGES MES RÊVES ?! DE QUEL DROIT TU ENTRES DE FORCE DANS MON MONDE ? T'AS PAS LE DROIT. JE VAIS TE... ESPÈCE DE... D'ENCU... RENDS MOI MA CRAAAAAAAAAAAIE !
Il fronça les sourcils à l'entente des faits. Son âme de justicier le fit tourner vers Arslan, mine sombre et regard promettant mille tourments au fieffé voleur qui avait dépouillé cette vierge innocente -certes, extravagante et particulièrement ridicule- de... Quelque chose. Soit, ce n'était pas vraiment clair, entre un autre univers, ses rêves et une craie, il y'avait de quoi se perdre un peu. Björn n'était pas certain de comprendre où voulait en venir la jeune fille, mais il se souvint tout d'un coup qu'il se trouvait dans cette ruelle pour ramener ses chaussettes à Simon. Ce qui lui faisait donc deux pauvres âmes auxquelles rendre justice ; il sentit un frisson d'allégresse le traverser. Pour le moment, il passait de viking à chevalier. C'était tout aussi plaisant.
Avec la délicieuse impression d'être soudain pourvu d'un coeur noble et courageux, Björn croisa les bras et écrasa le jeune homme qui était passé de victime à coupable d'un regard ténébreux.


-Vous avez volé cette jeune pucelle ?
Il eut envie d'éclater de rire face à la mine déconfite et inquiète du lycéen. Tout prêtait à rire ce soir, en réalité. Il était arrivé irrité, mais il allait sûrement partir sourire aux lèvres. Cependant, il ne pouvait décemment pas laisser cette faute impunie, aussi, jouer de sa voix grondante et de son air sombre était nécessaire.
Et puis, cela restait drôle malgré tout.
Mais plutôt qu'un aveux, ce fut une nouvelle accusation qui siffla aux oreilles de Björn, comme si on venait de lui tirer une flèche au dessus de l'épaule. La fille à la robe étrange se releva d'un bond et cracha un "OUI" haineux. Björn remarqua alors qu'elle pleurait, et ce fut à ce moment qu'il perdit pied.
Des larmes ?! C'était. Affreux. Horrible. Il eut envie de sauter par dessus le jeune homme pour aller secouer la pleureuse en lui criant de se reprendre. Il ne supportait pas les larmes. C'était un tue-rire. Les larmes brouillaient le bonheur en le diluant dans leur tristesse liquide. Les larmes noyaient impitoyablement la joie et la bonne humeur sans que personne puisse rien empêcher. Quand il voyait des larmes, Björn se sentait impuissant. Pas de la même manière que quand un rire venait le bringuebaler tout entier pour qu'il répande le tremblement de terre de l'hilarité à travers le monde, pas avec cette euphorie délicieuse induit par une poitrine secouée et les notes crépitantes de cette musique jubilatoire, mais plutôt à la façon d'une mauvaise nouvelle qui l'ébranlait profondément, même si il n'avait rien avoir avec ces larmes, même si un instant plus tôt, une vibration tenue n'attendait que de se propager en lui pour le faire éclater de bonheur sous pression. Il était soudain minuscule, mais cette fois-ci sous l'ombre d'une chose énorme qui allait l'écraser. Et même si il n'avait peur de rien de matériel, des pleurs suffisaient à le paniquer complètement. Placez Björn au milieu d'enfants tristes : il ne saura tout d'un coup plus quoi faire, et bafouillera de vagues paroles pour les consoler, tentera de les rassurer maladroitement, puis les suppliera d'arrêter de pleurer, avant de s'y mettre aussi en faisant redoubler les larmes de ceux qui l'entourent. C'était son talent, son fardeau... Il était incroyablement communicatif. Quoi qu'il fasse, il finissait par entraîner les autres, car il avait une foi absolue dans tout ce qu'il faisait. Il ne se posait pas de questions. Il fonçait. Toujours. Et en riant.
Effronté !
Mais pas pour l'heure.
Il observa l'étrange jeune femme filer vers son amie aux cheveux bleus qui n'avait bougée, plantée à l'entrée de la ruelle, totalement perdu face à ses larmes. Comment aurait-il pu réagir promptement à ce genre de choses ? Ce n'était vraiment pas de son ressort. Dans une situation pareille, il devenait tout bonnement incapable de faire quoi que ce soit. Il se contenta de fixer les deux jeunes filles en tentant de ne pas laisser son visage se décomposer. Et encore une fois, il oublia totalement ce qu'il faisait là.
... Pour ne s'en rappeler qu'au moment où il aperçut une tête brune se profiler, rasant les murs. Le responsable de cette crise de larmes essayait de s'enfuir. Pour le laisser seul en compagnie d'une fille de perruquière au talent inexistant -c'était forcément cela- et d'une démone habillée en poupée ? C'était hors de question. Il devait assumer les conséquences de ses actes ! Et supporter les larmes de son effrayante victime.
Björn étouffa dans l'oeuf son espoir d'une fuite salvatrice en l'attrapant par l'épaule. Il veilla à mettre assez de force dans sa poigne pour lui faire comprendre que sa tête serait tout juste un tendre raisin entre ses paumes. Là, il était en colère, pour de bon.
Parce-que l'abandonner face à deux jeunes femmes en détresse aux allures si étranges qu'elles en devenaient légèrement inquiétantes, c'était pas sympa. Pas sympa du tout.

Ne bougez plus, vil malandrin ! Vous devrez répondre de vos méfaits envers ces demoiselles !
Et il n'eut même pas à se forcer pour paraître menaçant. Autant dire qu'Arslan était en très mauvaise posture. Il avait intérêt à se trouver une excuse apte à balayer ses horribles crimes ; sans quoi Björn s'imaginait bien en train de le secouer en lui hurlant dessus, comme il l'avait fait pour le clochard juste derrière. Histoire de mettre un peu de plomb dans cette tête aux idées malfaisantes.

-Mais. Mais. Mais…
... Bon. Pour les excuses, il faudrait attendre un autre jour. Le jeune homme ne lui opposa qu'un regard larmoyant, l'air de lui aussi être prêt à faire une crise de nerfs, mais plutôt en s'effondrant par terre pour se mettre à pleurer sur son sort. Björn douta de lui un instant.
Après tout, ce n'était qu'un lycéen. Bien que le vol ne doive pas rester impuni... Il se retrouva face à un déchirant dilemme. Laisser passer ce crime odieux, ou tenir jusqu'au bout son rôle de géant sentencieux ?
Et certes, c'était un dilemme ridicule. Hurler sur un gamin, apporter des chaussettes à un ami clochard... Le genre de choses tout à fait normales à trancher dans la vie de Björn.

Je n’ai pas volé cette craie.
Miracle ! On choisissait à sa place. Le jeune homme déterminait de son destin, en cet instant même. Ses explications pouvaient le faire échapper à une sentence auditive particulièrement douloureuse.
Ce matin j’ai juste marché dessus. Et.
Une hésitation ? Alors que son argumentation commençait si bien ! Björn haussa un sourcil, impitoyable. Le sort des oreilles dépendrait d'un éventuel rattrapage de cet accroc dans son discours. Tout se jouait maintenant.
Du moins, était-ce ainsi que Björn, désespérément théâtrale, voyait les choses.

Je ne voulais pas que cela arrive à d’autres personnes qui auraient pu la réduire en poussière. Je voulais juste la rendre en bon état à sa propriétaire dès que je la reverrai.
Et c'était une victoire.
Un sourire ravis s'inscrivit sur les lèvres du jeune homme. Il gratifia le lycéen d'une bourrade enjouée, l'air de féliciter un vieil ami d'une réussite particulière. Réaction quelque peu excessive, d'autant plus qu'il n'avait pas dosé la force de sa claque amicale ; Arslan allait écoper d'une sacrée douleur à l'épaule gauche pendant quelques temps. Mais l'intention était bonne, et ne disait-on pas que c'était l'intention qui comptait ?
Certes. Il ne s'en tracassa donc pas outre mesure, heureux d'échapper à son rôle de méchant géant, et prodigieusement naïf dans sa béatitude spontanée : il ne douta pas une seule seconde des paroles du lycéens. En réalité, il fut même comblé et ému par son héroïsme chevaleresque, comme si il venait d'avoir un fils qui lui apprenait que ses poings avaient servis une juste cause.
...
Théâtrale, ne l'oublions pas. Incroyablement théâtrale. Drogué au bonheur. Toujours prêt à sourire ; mais aussi à donner des coups. Il se baladait avec une hache dans le dos, ce qui était pour le moins originale. D'autant plus qu'elle reposait dans un énorme étuis à guitare. Et qu'elle était prête à servir... Björn ? Une véritable creepypasta ambulante. Aux réactions à peine démesurées. Notez bien.


-Un preux chevalier qui désire protéger les biens d’une demoiselle ! S'exclama t'il d'une voix vibrante d'émotion. Mon brave, je vous aime bien.
Puis sans vraiment savoir pourquoi, peut être parce-qu'il était heureux, peut être parce-qu'il faisait nuit et que l'atmosphère froide lui donnait envie d'aspirer des goulées glaciales de l'air nocturne, peut être parce-que la lune jaunâtre, couleur de vieille cire, pouvait le voir depuis son domaine enfumé, souillé, et que savoir qu'on avait encore un peu joie pour faire ballotter les coeurs ici-bas avait une chance de lui faire retrouver un peu de bonheur, à elle aussi, peut être pour tout ça, ou alors sans aucune raison valable, pour rien, juste comme ça, il éclata de rire. Encore. Pour célébrer le monde entier et le sang qui coulait dans ses veines, et ses poumons qui continuaient de se froisser, comme hier, comme demain si il ne se faisait pas attraper par la mort d'ici là.
Il rit, et il espéra sincèrement que ça leur ferait peut être comprendre quelque chose à ces trois là, ces deux filles bizarres qui pourchassaient un pauvre bougre adoubé chevalier d'une accolade et d'un sourire, tout bêtement, par sa grosse main chaleureuse qui lui avait sûrement filée un beau bleu sur l'épaule gauche. Il espérait qu'ils apprendraient, comme ça, en un soir, que le bonheur tenait à quelques soubresauts et des lèvres étirées, que même quand on se retrouvait face à trois jeunes probablement échappés d'une fête louche qui avait mal tournée -la fille à la robe noire ayant sûrement consommé trop d'alcool-, alors qu'on venait de traumatiser brutalement un clochard, on pouvait quand même trouver prétexte à rire franchement sans contrainte du ridicule. ( Quoique qu'avoir des cheveux bleus ou porter une robe si outrageusement pourvue de tissu que c'en était douteux, devait vouloir signifier que la peur du ridicule étaient pour les deux lycéennes quelque chose d’inconnue. )
Mais Björn était d'un incorrigible optimisme. Il avait simplement oublié qu'en fait, une des deux filles venait de fondre en larmes, et que le garçon était absolument terrifié par son apparence. Ceci-dit, il n'avait même pas fait attention à ce dernier point en réalité ; qu'on puisse avoir peur de lui quand il ne faisait pas les gros yeux le dépassait. Il n'avait pas l'impression d'être effrayant. Ce qui avait souvent pour conséquence de mettre les gens mal à l'aise, car il ne faisait rien pour les rassurer, candide qu'il était sur la perception des autres à son égard.
Imbécile heureux.
Mais fortuitement, Arslan l'aida un peu à prendre conscience de son pouvoir d'intimidation inné...


-Euh... Vous n'allez pas me manger, hein ?
... Ou pas.
Le rire de Björn redoubla. Il crut à un blague, et rejeta la tête en arrière, hilare, frappant dans ses mains comme si on venait d'atteindre le summum de l'humour, inimaginable, irrésistible, tout bonnement divin. Sombre crétin. Complètement heureux, sans se douteur une seconde qu'Arslan devait simplement s'inquiéter sincèrement sur sa situation ; entrain de se demander, probablement, de quel asile s'était échappé le géant joyeux qui lui faisait face. Et à combien de pour cent ses muscles étaient composés de restes humains disparus fatalement entre ses lèvres souriantes. Aussi. Et tient, il avait peut être remarqué le large étuis à guitare dans son dos.
Il devait se demander si Björn ne planquait pas un cadavre ou deux là-dedans. En effet, il aurait pu. L'étuis était assez grand pour ça.
Mais bien entendu, ce n'était pas le genre de Björn de penser à ce genre de choses. Alors imaginer que les autres puissent avoir des idées aussi glauques et morbides ? Sûrement pas. Non. Le monde était habité de poneys souriants et de monstres gentils. Sans blague. Bienvenue dans la tête de Björn, où les idées horrifiantes n'apparaissent pas naturellement. Dans la tête d'un gaillard enjouée et innocent d'un mètre quatre vingt dix qui ne voit quasiment que le bon côté des choses et aime à peu près le monde entier. Le genre de personne qui voudrait vous faire sourire à coup de pinces à linges aux commissures des lèvres. C'est ça Björn. Habituez vous.
Ou fuyez très loin.


-L'homme ne digère pas le sang de ses congénères. Donc s'il te mange, il risque la crise de foie.
Björn tenta de réfréner son rire, pour comprendre un peu mieux la situation et être certain de savoir qui avait parlé ; mais c'était décidément quelque chose de trop puissant pour être rejeté. Son coeur continua de valdinguer follement, et plutôt que de l'étouffer, les paroles de la voix moqueuse qui venait retentir firent redoublé son hilarité. Parce-que franchement, manger ce grand échalas à lunettes, puis, comble de tout, être nantis par sa faute d'une crise de foie ? C'était bigrement drôle. Il ne mangerait personne, à part peut être si l'un d'eux s'avérait être en nougat. Mais c'était peu probable, sûrement.
Bonjour, je m'appelle Léo, enchantée. Je suis un génie explosif, et je peux faire péter ce que je veux. Mais dites, vous êtes croisé avec un Louis XIV ? Parce que vous parlez comme à l'époque des rois coincés du cul ! Et c'est bizarre ! Enfin, j'aime tout ce qui est bizarre, vu que je suis moi même bizarre, regardez plutôt.
Et il aurait adoré regarder, car cette jeune fille là devait être celle avec les cheveux bleus, et qu'elle était mille fois ; dix mille fois ; cent mille fois plus drôle que l'autre. Sauf que en cela tenait toute la différence entre la pâle lycéenne enrobée de tissu comme un ultime dragée perdu dans son sac, et cette énergumène à mèches azurés qui venait lui débiter des paroles si vite q'il n'en comprenait rien ou presque. Il avait retenu "Léo, explosif, je veux, dîtes, Louis X.... Louis quelque chose, époque, coincés du cul, bizarre, regardez." Et tout ça n'arrivait pas à s'assembler en quelque chose cohérent dans son esprit. Il ne put donc que rire de ce joyeux foutoir incompréhensible, fidèle à lui même, les cottes douloureuses, incapable de fixer son regard sur la gargouille absurde et effrayante du visage de Léo'. Grand bien lui en pris : il n'aurait sûrement pas réussit à s'arrêter de rire avant longtemps sinon.
Or, le tremblement finit par s'atténuer, et le son mourut au bord de ses lèvres ; il n'en resta qu'une respiration haletante et des étoiles dans ses yeux. Le reflux laissa en lui un léger soubresaut. Il offrit à la jeune fille aux cheveux bleus un immense sourire. Elle loucha sur lui, les dents étincelantes, un pot entre les mains. Elle en sortit une pâte blanche, qu'elle roula entre ses doigts avec un air halluciné.

Vous voyez ça ?
Björn hocha la tête, se prêtant au jeu, tout sourire. L'autre se contenta d'expulser la boulette de pâte d'une pichenette, droit vers une poubelle, qui... Explosa. Projetant une pluie de détritus aux alentours. Björn reçut une boîte de conserve vide sur la tête... Et éclata de rire à nouveau.
Il se promit de proposer à la lycéenne de devenir son Fou ; ou plutôt sa Folle. Sa cour manquait cruellement de ce genre de personnalité exubérante. Pour cause : elle se composait de trois clochards, dont un drogué. Il n'était drôle qu'une fois les stupéfiants injectés dans ses veines. C'était ennuyant.
Rien ne l'assurait que la jeune femme n'était pas drogué, mais il avait bon espoir qu'elle soit vraiment folle ; un petit éclat dans son regard peut être ? Un joyeuse cinglée. Comme les adorait Björn.
Il applaudit à sa démonstration, public parfait en toute occasion, semblant prêt à voir n'importe quoi sur le champ. Il avait presque l'air émerveillé, comme un gosse devant un magicien.

Je suis trop un génie du mal !
Björn sourit plus largement encore, et il eut envie de se joindre à elle quand elle commença à rire ; mais on ne lui permit pas. En fait, il écarquilla soudain les yeux, incrédule. Un grognement de douleur lui échappa.
Le lycéen recula prudemment ; il se heurta à Léo qui riait toujours, et s'écarta d'elle avec encore plus de crainte. Mais il rentra dans Billie, qui fixait Björn d'un air incrédule. Elle lui jeta un regard assassin.
Björn poussa un cri de rage. Il fit passer une de ses énormes mains dans son dos ; immobilisa son bras en tiquant. Puis contracta ses muscles en regardant droit devant lui d'un air furieux, terrifiant. Il tira sur quelque chose. Hurla de colère et de douleur à la fois.
Et jeta à terre, juste aux pieds de Léo', un couteau ensanglanté jusqu'à la garde.
Björn se retourna. Il attrapa le clochard qui venait de lui planter son arme dans le dos par les épaules, et lui donna un coup de boule fulgurant. L'autre ne cria même pas, inconscient avant même d'avoir put ressentir la douleur. Björn l'envoya valdinguer contre un mur comme une poupée de chiffon. Le corps retomba pitoyablement sur des poubelles ; l'homme avait sûrement plusieurs cottes brisées. Mais il était vivant. Et il allait souffrir le martyre.
Mais cela ne lui suffit pas. Sous le coup d'une fureur à l'en faire trembler, il poussa un hurlement en se penchant vers le clochard inconscient comme si il comptait l'incinérer avec sa rage en la crachant dans une gerbe de flammes, tel un dragon.
Cela dura au moins vingts secondes. Il donna un coup de pied aux poubelles ; elles tressautèrent, projetant le corps par terre.
Björn se retint d'en faire plus. Il se retourna.
Les trois adolescents étaient partit. Il crispa les mâchoires, poings serrés et jointures blanches. La soirée avait pourtant eut l'air prometteuse, réservant moult rires et assez de joie pour le combler une semaine durant. Et maintenant, quoi ? Tout était gâché.
Björn sortit de la ruelle, furieux. Il ne jeta pas un seul regard derrière lui, et erra sans but à travers la ville sans se soucier de rentrer dans des gens ou de retrouver sa ruelle. Une heure passa, peut être même deux, ou trois.
Il termina dans un parc, devant un lac. Il s'effondra sur l'herbe, fixa le ciel sombre... Et s'endormit. Et pour une fois, ses lèvres ne souriaient pas.
Pourtant, il venait de retrouver son seul véritable foyer, même si il n'en avait aucune conscience. Sous la terre, juste là, la magie coulait doucement, tournait en rond, assoupie, faible, chantant d'une voix éraillée et ancienne... Elle attendait. Attendait que ses champions ne la délivrent de la ville étouffante.
En sentant l'âme tourmentée de Björn, elle monta lentement vers la surface, et s'y hasarda quelques instants. Elle berça son esprit, lui murmurant ses souvenirs, comme des doux songes emplit de merveilles...
Dans son sommeil, malgré la colère qui l'avait animé quelques minutes auparavant, il sourit enfin, comme tout les soirs.
Il ne le savait pas encore, mais on venait enfin de lui rendre son héritage.
On venait enfin de ranimer la braise au fond de lui.
Juste là, au fond de son coeur, son Don latent venait de s'éveiller.
Björn, Descendant, tu connaîtras bientôt le goût du feu.
21-09-2012 à 22:11:59
L'homme immense eut un immense sourire. Léo s'en sentait d'autant plus heureuse d'être folle -et dieu sait qu'elle n'avait pas besoin de ça pour être fière de sa différence mentale presque auto-déclarée. Mais un grognement lui échappa. Ignorant toute prudence, l'adolescente aux cheveux bleutés s'avança d'un pas, riant encore légèrement. Arslan la percuta en essayant de fuir, et il avait l'air encore plus terrifié par celle-ci que par le géant. Elle se contenta de pousser un gémissement plus agacé qu'autre chose. Elle l'aperçut rapidement rentrer dans Billie, mais rien davantage. Connaissant son amie, elle l'avait surement fusillé du regard. Björn poussa un cri de rage, qui fit sursauter l'adolescente aux cheveux brûlés. Il tira de son dos un couteau ensanglanté qu'il jeta à ses pieds. Björn se retourna. Il attrapa le clochard qui venait de lui planter la lame dans le dos par les épaules, et lui donna un coup de boule fulgurant. Léo ne put s'empêcher de grimacer de dégoût, non pas à la vue du sang se trouvant sur l'arme, mais vis à vis de la lâcheté de l'homme qui avait attaqué le géant par derrière -après tout, du sang, elle en avait vu beaucoup le jour où elle avait perdu ses deux doigt.

Le fameux clochard ne réagit même pas, inconscient avant même d'avoir put ressentir la douleur. Le géant l'envoya avec force contre un mur comme et le corps retomba sur des poubelles épargnées par l'explosion de pataboom. Vu le bruit, l'homme avait sûrement plusieurs cottes brisées. Mais il était vivant en conclut Léo en voyant sa poitrine se soulever régulièrement, et il allait souffrir le martyre. Un hurlement terrifiant surgit de la bouche du géant, penché sur le clochard inconscient. Léo s'enfuit sans crier gare, ni attendant Billie qui l'imita en partant de son côté.

En chemin, elle repensa à tout ce qui venait de se passer. Bouarf, pas grand chose de bien extraordinaire, en y réfléchissant bien. Elle aura tout oublié dans quelques heures. Augmentant sa cadence, elle fila à travers la foule. On aurait pu la confondre avec un courant d'air tant elle courrait vite quand elle le voulait. Son corps semblait compenser son manque de dextérité manuelle par une vivacité inégalée par le commun des mortels. Elle arriva face au portail de sa maison au bout de quelques minutes, freinant brutalement mais quasi-instantanément. Elle se retenait régulièrement de faire péter ce fameux portail, mais elle gardait un certain respect pour ses parents qui, bien qu'absent, finançaient son matériel. Un aboiement lui parvint, et elle le fit cesser d'un sifflement. L'aboiement se transforma en couinement.


Storm chériiiiii!

Elle fouilla dans sa poche et en sortit un trousseau de clé. Elle entra la plus longue dans la serrure de l'obstacle qui se trouvait entre elle et son labrador noir. L'animal énorme se jeta sur elle, manquant de la faire chuter. Elle siffla une nouvelle fois, et le labrador s'assit en remuant la queue, langue dehors.

Ils sont rentrés?

Le chien aboya sur un ton grave. Non, ils n'étaient pas rentés, ni l'un, ni l'autre. Tant pis. Quoique, elle pourrait mettre en application la formule qu'elle avait mise au point en cours ce matin même! Enjouée, elle entra dans sa propriété et referma le portail. Le chien la suivit, remuant un peu plus fort la queue. Ils avaient une espèce de connexion, elle et son chien. Ils étaient très communicatifs l'un envers l'autre. Presque comme des jumeaux -étrange comparaison, certes. Il sentait l'impatience de sa maîtresse à faire ce qu'elle savait faire le mieux, mais qui pourtant le terrifier. Il haïssait le bruit, mais son amour immense pour l'adolescente lui permettait de combattre ses peurs canines.

Léo courut dans sa chambre et se jeta sur son lit. Se penchant pour accéder au tiroir sous celui-ci, elle poussa un petit gémissement. Son chien bondit à ses côtés en jappant. Elle tira le tiroir en bois et sortit de celui-ci des fioles et des notes, qu'elle compléta avec celles effectuées en classe. Le résultat du mélange devrait donner une belle explosion avec une fumée bleue virant au violet pour devenir argentée. Du grand spectacle! Elle enfila une paire de gants, les deux derniers doigts de plastiques flottants car à peine remplis par une phalange. Avec précaution et se mordillant la langue, elle mit des lunettes de protection, et débuta son mélange.

Après quelques manipulations, la préparation commença à fumer. Avec précautions, l'adolescente ajouta une pincée de poudre qui fit imploser la substance. Comme prévu, celle-ci produit une fumée d'un bleu intense, presque électrique, puis vira au violet lavande pour terminer sur une couleur argentée semblable à du mercure.


Ow yeah!

~Beware~

Côté sucré et kawaii de Tristana : http://www.youtube.com/v/6md5RSnVUuo
Magie de Tristana : http://www.youtube.com/v/UQkxNbgohPg

Léo, tout simplement : http://www.youtube.com/v/tQyEUhedqDY (Juste parce que cette musique est trop démente)

Za, simply Za : http://www.youtube.com/v/24Lm4ue3Fbc
24-10-2012 à 21:09:25
Du soleil. Dans un beau ciel gris, tailladé de nuages d'un blanc sale, hésitant. Et là dessus, d'étranges formes, se balançant doucement... Vertes. Filigranées. Une foultitude à vrai dire, doucement agitées par un vent léger, qui soufflait sur sa peau une fraîcheur singulière. L'air sentait quelque chose d'étrange. Une odeur entêtante, à peine souillée par la pollution. A vrai dire, il voyait la fumée, quelque part, en périphérie de son champ de vision fixe, mais ne la sentait pas. Ses narines étaient occupées par un tout autre parfum, étranger à la ville. Quelque chose d'ancien et de mélancolique. D'obsédant et de capiteux.
Il n'avait même pas envie de rire, alors qu'il se sentait bien. Simplement reposé, serein, conscient du souffle qui l'animait à outrecuidance, bouffis d'une satisfaction exquise de vivre. Il n'avait jamais connu ça. Cette sensation de calme, de repos totale. Sans rire ! Simplement, un sourire plaqué sur les lèvres, sûrement idiot et niais, un sourire d'enfant peut être, incongru au milieu de sa barbe en friche incomplète, encore trouée au niveau de ses joues nanties de poils vagabonds qui n'avaient pas encore poussés suffisamment pour arriver au niveau du reste. Il sentait, aussi, d'étranges caresses sur sa peau, et... Il avait trop chaud, dans son manteau de fourrure, avec son pull dont la grosse laine l'étouffait littéralement.
Mais ça ne le dérangeait pas. Il savait qu'il devait sentir la transpiration, et cette simple constatation l'emplissait de bonheur : il était vivant, et il embaumait l'air autour de lui. Il sentait les choses, de tout ses pores. C'était une journée délicieuse. Délicieuse de chaleur, délicieuse de grisaille, délicieuse de TOUT car TOUT était délicieux. Même la moiteur de sa peau, son poil mouillé sous ses aisselles, sur son torse ; et au diable le dégoût que ne manquerait pas de ressentir les gens quand leurs narines seraient flattées du désagréable fumet que dégageait son corps. Lui l'adorait, autant pour la sueur qu'il impliquait que pour les froncements de nez que'il suscitait. Il riait sous cape en voyant les visages interloqués des gens ; tient donc. Une autre raison d'être heureux. Indisposer le monde entier. C'était une bonne motivation pour vivre, non ? Répandre son odeur partout, pour le plaisir stupide de savoir qu'il laissait quelque chose de son passage, que son corps fonctionnait bien, et qu'il était là, coeur battant, poumons brassant, que tout fonctionnait bien dans sa grande carcasse, que parce-que c'était le cas, il pouvait se permettre de la secouer d'énormes rires badins à en faire éclater des tympans, et que cette possibilité là, d'être heureux pour rien, il pouvait alors la saisir à chaque instant. Mais faire tout ça sous un ciel tel que celui-ci... Cela changeait tout. La moindre folâtrerie deviendrait un souvenir à ressasser avec moult soupirs, transfiguré par la beauté de cette journée. Tout ce qui l'entourait le clamait : ce jour était spéciale. En quoi ? Il ne le savait pas encore. Cela viendrait, bientôt peut être. Un évènement surprenant, une vision amusante ou magnifique ; n'importe quoi, mais cela finirait par lui tomber dessus, et alors, là, il pourrait se mettre à rire, pour retrouver son vieux compagnon, le tremblement de poitrine. Il suffisait d'un petit prétexte. Attendre qu'il ne se présente, ou le chercher à bout de bras... Björn se demanda ce qu'il allait faire de cette journée si spéciale. Se lever et marcher, peut être retourner chercher les chaussettes de Simon -qu'il avait oublié de récupérer- ou alors rester coucher ici et regarder les ciel, les branches paresseuses, les nuages ? Pour se décider, il inspira une grande bouffée d'air.
Son sourire s'élargit. Aurait-il inhalé du parfum qu'aucune différence n'ait été pointée par son esprit béat.
Le choix était fait, sans franche surprise : il passerait la journée à flâner ici, où que ce soit, peut être même sans se lever, et savourerait toute ces sensations étranges d'herbes caressantes, de bouffées grisantes, de frais baisés du vent et de contemplation ravie. N'étais-ce pas aussi bien que d'aller traumatiser des lycéens et casser des cottes à quelque larron malpoli ? Quoique son aventure du soir d'avant l'avait mis de mauvais poil, il s'en était remis avec l'aide salutaire de la nuit. Ses rêves avaient eu de plaisants accents de vieilles histoires. Il se souvenait, vaguement... Des créatures étranges, de grands arbres chaleureux dont l'ombre était comme une cape de fourrure. D'enchanteresses visions, derrière chaque tronc, et des vies qui se croisaient, des dieux amoureux, des mages fatigués, des hommes venu d'autres mondes... Une multitude d'existences passionnantes dans lesquelles s'invitait la magie, cette vieille chose qui avait fait rêver tout les enfants lors de leurs jeux innocents. Une antiquité, cette magie. Plus ancienne que les humains, aussi âgée que l'univers, omniprésente dans les légendes, toujours là pour sauver les pauvres bougres, châtier ceux qui la défiaient, offrant à quelques élus de prodigieux pouvoirs ; et on en racontait des tonnes là dessus. Il y'avait ces histoires de cités édifiées par des mages, ces lieux où le temps n'avaient pas d'emprise, et les vieux fantasmes sur la création du monde. Du jour au lendemain, la magie vous transformait une vie morne et insipide en quelque chose de palpitant et de dangereux, qui vous apprenait la vie, et pourquoi ne pas rencontrer l'amour grâce à elle, et pourquoi ne pas aller visiter d'autres univers au gré de ses envies, et pourquoi ne pas se transformer en tout et n'importe quoi, mais surtout en animaux fabuleux ou sauvages ?
En oiseau, en loup, en lion, en poisson, en dragon, en... Ours.
N'avait-il pas été un ours ? Dans un rêve, parmi tant d'autres durant cette soirée, il s'était sentit énorme, affamé et hirsute. Comme d'habitude aurait-il pu penser, mais ça n'avait pas été le cas. Dans ce rêve là, des pattes griffues lui tenaient lieu de mains, et pas de petites bouches emplie de dents carrées, mais une véritable gueule formidablement émaillée de crocs pointus. De quoi attraper les petites bêtes frétillantes des rivières. Déchirer leur chair filandreuse et savoureuse, encore fraîche ! Les écailles humides, le sang chaud, la sensation agréable de se remplir le ventre avec quelque chose de prodigieusement succulent. Il avait connu des délices plus que de raison, dans une forêt ressuscitée le temps de cent songes... Et maintenant qu'il était éveillé, il lui semblait s'y trouver encore. Ne manquait que la fourrure et la panse pleine. Mais pour peu, avec toute ces odeurs, il aurait pu se croire encore un ours.
Björn en était à peu près là dans ses réflexions, quand quelqu'un trébucha sur lui. Il eut le temps de cligner des yeux, de laisser flancher son sourire à demi pour prendre une expression surprise, et de voir le ciel s'emplir d'une silhouette noire. Puis on lui tomba dessus, ce qui lui coupa un instant la respiration... Et plus singulièrement, la vue lui fut ôté.


-PARDIEU ! Tonna t'il. QU'EST-CE DONC QUE CE SORTILEGE ? OMBRE MALADROITE, ME JOUERAIS-TU UN MAUVAIS TOUR ? GARE A TOI MANANTE, IL T'EN CUIRA D'AVOIR EU SI PEU D’ÉGARD POUR LE SEIGNEUR OSBERN. RENDS MOI LA VUE, JE TE L’ORDONNE.
Il se leva ; puis se rendit compte de l'absurdité de la solution, puisque l'ombre en question était toujours étalée en travers de son torse. Il aperçu brièvement des cheveux noirs en broussaille, une tenue de mauvais goût, bigarrée à souhait, délicieusement anticonformiste... Et le vieux livre tombé de devant ses yeux jusque sur sa poitrine. Glissant, glissant, heurtant un jean.
Brièvement, donc, cette ombre plus si ténébreuses que ça. Le livre capta toute son attention.
Une chose antique, toute jaune et brune, qui s'effriterait sûrement si il la prenait entre ses gros doigts. Elle devait puer, sûrement, la poussière, le cuir pourrie et... Oh. Du cuir. Vrai, faux ? Vieux comment ce bouquin ? Quelle langue ? Quelles histoires ? Bref déchiffrage. Langue vernaculaire, un petit peu vieille quand même, légèrement barbare... Mais reconnaissable entre tous, ce mot là, qui disait tout sans qu'il y'ai besoin de résumé, d'explications, de quoi que ce soit.
Kairec.
Yeux qui s'écarquillaient, son grave et bas d'incrédulité bienheureuse. Une tête d'abrutit. Une bien jolie tête d'abrutit.

KAIREC. Qui êtes-vous donc, gentille ombre malhabile de ses jambes si longues ? Un historien ? Björn Osbern veut tout savoir de vous ! TOUT ! Mon brave, vous eûtes bien de l'esprit à enter en possession de pareil ouvrage ! Lisez en moi les lignes !
Et sans gêne, parce-que s'appeler Björn Obsern et avoir des bras énormes permettaient de faire ce genre de choses, il souleva l'autre, sans problème, encore couché pourtant, le posa à côté de lui, rafla le livre dans une de ses grandes mains, et fut sur pieds avant même que l'étourdit qui n'avait pas regardé devant lui n'ait eu le temps de se redresser.
Avec un sourire aussi large qu'une demie-lune, il tendit le livre à son propriétaire. Et mine de rien, lui jeta un regard plein d'étoiles au visage. Avec un de ces airs totalement ingénu et confiant dont il avait le secret.
<< Dessine moi un mouton. >>
Le petit prince avait grandit. Un mètre quatre vingt vingt dix, c'était pas mal quand même. Il y'avait juste ce petit hic : il n'avait pas moins de vingt quatre ans, le bougre. ( Et toute ses dents, parce-que ça rime. )
Alors lui lire une histoire, bon, d'accord.
Mais bon dieu, était-il fou ou simplement employé par la gouvernement ?
21-05-2013 à 22:40:11
Il dansait. Assis, les yeux fermés, le bout des lèvres en perdition dans le creux de fossettes pailletées par du son caramel. Son sourire était croissant, ses cheveux sucreries chimiques, saturées de colorants. Il dansait dans ce doux costume, retranché tout entier dans le bonheur de sentir ses pas le porter vers les notes ; chaque instant avait la sienne. Le temps était une mélodie. Il s'écoulait en musique, et en passant sur lui, devenait miel qui lui dégoulinait sur le visage. En séchant, il emprisonnerait son doux visage dans une gangue doré, lui fichant l'éternelle félicité des morts sur la figure. C'était sans importance. De visage, il n'avait pas besoin. Il pouvait continuer de danser sans lui, pour jamais. Car il ne trémoussait que ses doigts. Vivement. Fougueusement.
Ils bondissaient sur les touches, virevoltaient au-dessus des rectangles de nacre et d'obsidienne. L'univers entier était d'une limpidité cristalline, alors même que ses paupières s'étaient collées entre elles. L'opale du bois synthétique, avalé par sa chair indolente, se faisait un souvenir taquin qui vibrait derrière les ténèbres. Nonobstant ces ombres moites collées contre ses prunelles, agrippées à sa pupille, coulant à l'intérieur de son regard pour l'emplir de goudron, il avait mille yeux pour voir encore au-delà de cette obscurité tamisé et rougeâtre, sanguine. Il avait des doigts pour continuer à sentir, de cet univers, la seule chose qui comptait : le piano, tout près. Devant, en dessous, il était là. Dominé et jouissant de chaque caresse qu'il lui prodiguait. Il gémissait, hurlait, ahanait, abandonné au jeu émoustillant de ses doigts. Il précipitait ses touches vers lui, se cabrant de tout son soul, lui sa masse contre les mains, ondulait pour que la tâche soit plus aisé. Il demandait plus. Il était affamé de sensations, de coups. Masochiste, le piano hurlait pour se faire frapper. Ses plaintes et ses râles, ses cris enjoués, formaient une musique dont l'air se devait de porter la beauté dérangeante... La salle entière retentissait de ces violences démentes et délicieuses. Le monde devait pulser plus fort sous ses pieds, l'air avait gagné en fraîcheur.
Transfiguré, l'univers du virtuose s'épanchait en mélodies érotiques au toucher. A n'importe qui d'autre, la musique était douce, sage. A l'entendre, on l'aurait cru la douce chanson d'une vierge assise au bord d'un lac, s'habillant de fleurs et se parfumant d'ondées sylvestres... Les oreilles passagères, trompées, auraient goûtées à l'harmonie de ces envolées lyriques, émerveillées de la beauté ancienne qui jaillissait d'entre les mains du virtuose. Classique, familière, la musique avait l'innocence des bambins pour les esprits incultes. Ils y voyaient une répétition sempiternelle, un héritage que des générations de pianistes préservaient l’en faisait refleurir à chaque jeu, identique chaque fois... Sourds, ils ne comprenaient pas.
Elle n'était jamais la même. Entre les mains, elle changeait. Elle prenait un sens nouveau, des émotions secrètes se glissaient entre ses notes, des images renouvelées jaillissaient, sinuaient, rampant de l'esprit jusqu'aux doigts, pour chaque pianiste que se risquait à approcher une partition déjà mise en forme impalpable des milliers de fois. Le cœur seul comprenait ce changement parfois. Pour beaucoup, elle avait un unique représentation, une platitude rassurante. Ni pics, ni vallons. Pas de reliefs. Tous y voyaient la même plaine infinie : on ne pouvait insuffler autre chose à la musique, la tordre, l'intérioriser... Le pianiste n'était qu'un pantin, exécutant les même gestes que ses semblables, qu'un compositeur vieux de plusieurs siècle, millénaires, avait fait pour la première fois, les privant ainsi de tout élan créatif véritable. Ils ne savaient pas ce qu'on pouvait ressentir. Ils ne savaient pas qu'une fois intériorisée, la musique n'était plus la même, qu'elle devenait une œuvre nouvelle aux oreilles de celui qui la jouait. Aux oreilles, elle restait fidèle à sa première incarnation en ce monde, au travers de toutes les époques, multitudes qu'elles puissent être. Aux cœurs, c'était une entité qui évoluait. Se gondolait, bouillonnait, se couvrait de visages qu'elle tendait ensuite aux différents orgueilleux qui voulaient la dompter.
A ce virtuose-là, on avait tendu un faciès de peau moite, de lumière pourpre et de lèvres tordues. On lui avait donné le sordide, l’érotique. C'était son dû. La chair palpitante et humide, les membres collés qui glissaient les uns contre les autres. Quelque chose de visqueux et d'épais hantait cette musique. Fluide et claire, elle dégoulinait à ses yeux, horrifiante, poisseuse. Quand ses doigts dansaient à son rythme, le piano se tortillait sous ses mains. Créature obscène et fascinante, l'instrument se mettait à cambrer, suintant d'un fluide gluant qui lui prêtait un touché squameux ; les coups légers de ses doigts devenaient des caresses. Une chose obscure tremblait dans le bois. Il semblait se boursoufler, prêt à éclater en libérant des bulles huileuses dans l'air ; gondolé de mille façons, il laissait s'extirper de sa pulpe putréfiée des corps luisants et informes, qui entamaient dans le vide glacial de l'air une danse enfumée. Il vivait alors dans un nuage de souffre. Esclave du monstre qui jouissait sous ses doigts, il précipitait ses gestes pour faire cesser la musique.
Obsédant, un refrain lui saisissait les tripes pour les écarter les unes des autres.
Quelque chose en lui se déchirait dans un bruit ligneux, faisant sauter des fibres carnées aux ballottements nauséeux.
Un organe vomissait des flots de pus à l'intérieur de son ventre.
De la sanie lui emplissait la bouche, soumettant ses papilles à des saveurs mortifère.
Il voulait vomir. Il voulait projeter hors de lui tout le contenu de son ventre, n'en laissant qu'un vide rouge ; étaler sur les touches humides ses intestins, ses boyaux, et tomber face la première contre son cœur encore pulsant pour le faire éclater dans une gerbe brûlante. Et alors, il serait serein. Apaisé.
Soudain, il pourrait enfin dormir. Pour de bon.
La bruit retomba ; bruit pour son âme tout du moins, hurlements, halètements, gémissements de plaisir... Tout ce qu'était la musique à ses oreilles décrut, commença à s'éteindre dans un délicieux decrescendo -râles d'agonie, bruits liquides, puis sirupeux, voilà ce qu'entendait son cœur-, jusqu'à n'être plus qu'un murmure léger, une ariette entêtante qui courait note à note vers son terme, puis... Le silence.
Débarrassé de sa moiteur, banal à pleurer. Le silence. Un silence de chambre. De maison vide. Tout relatif, avec ses vibrations lointaines de voitures volantes, ses murmures diffus de foule empressée. Dans ce silence dormait une chanson sourde. La musique du monde extérieur. Celle qu'aucun piano ne pouvait reproduire. Étouffée par les murs, par le double vitrage, c'était à peine un chuchotement... Pourtant, elle courrait sur les nerfs du virtuose. Jour et nuit. Jamais elle ne se taisait.
Sylvestre ouvrit les yeux, et se leva. Devant lui, le piano reposait sagement contre son mur attitré. Laqué, propre ; aucun fluide n'en suintait. Ce n'était que du bois synthétique, des touches blanches, des touches noires. Un instrument inerte et tiède au touché. Le jeune garçon le fixa quelques secondes, presque persuadé qu'il allait se mettre à ramper.
Il n'en fit rien. Un mince sourire fit tressauter ses lèvres, animant pour un instant ses yeux injectés de sang. Il caressa le faux bois, soupira en claquant des dents, puis sortit de sa chambre. La fièvre le tenaillait. Elle pulsait sous son crâne, comme un deuxième cœur qui l'emplissait de feu plutôt que de sang. On l'embrasait. On frottait l'intérieur de ses veines, une paroi contre l'autre. C'était douloureux.
Il se traîna dans le couloir, laissant ses pieds nus frotter contre le tapis verdâtre. Le monde continua de chuchoter autour de lui, tandis qu'il traversait lentement l'espace qui le séparait de la première marche d'un interminable escalier festonné de guirlandes flamboyantes. Les décorations de décembre hantaient la maison depuis trois mois. Personne n'avait encore pris l'initiative de les renvoyer à leurs boîtes de plastique. Tous les ans, cela recommençait. Il faudrait attendre la prochaine fête pour qu'elles ne disparaissent... Aussitôt remplacées par d'autres. Ici, elles défilaient toute chacune leur tour, et connaissaient des heures de gloire qui s'étalaient sur des mois entiers. Avant, il ne trouvait rien à en redire ; mais désormais, ces foutus babioles brillantes lui donnaient la migraine. A étinceler, à luire... Ostentatoires, d'un mauvais goût pendable. Proprement inepte. Il aurait bien mit le feu à l'ensemble pour se rouler dans les cendres ensuite.
En descendant lentement les escaliers, il plissa les yeux pour se soustraire à leur éclat affreux. Cela ne suffit pas.
Arriver en bas, il jeta un coup d'oeil à la montre qui cerclait son poignée. Il était aux alentours de vingt-deux heures. Peut-être moins dix. A tout casser. Il fronça les sourcils, avec la vague impression d'avoir oublié quelque chose. Cette pensée le turlupina un temps, alors qu'il avançait avec mollesse vers la cuisine, puis, elle s'évanouit dans le brasier qui brûlait derrière son front. Il ne chercha pas à la retenir, songeant que ce ne devait pas être important, saisit d'une fainéantise de l'esprit qui ne tolérait pas de fouilles assidues de sa mémoire. Les paupières à demies-closes, Sylvestre traîna des pieds sur le contreplaqué de plastique et d'acier, jusqu'au plan de travail le plus proche. Ouvrant une porte au-dessus de sa tête pour en sortir un verre tout en se massant le front avec une grimace, le jeune garçon essaya tant bien que mal de ravaler une soudaine montée de bile. Elle lui abandonna des relents d'amertumes acidulées.
Il appuya, exhalant un soupir lourd, sur un des boutons de la machine chromée qui lui faisait face. Un jet d'aspirine diluée jaillit d'un trou tout juste apparu... Pour s'abattre sur le formica du plan de travail. Sylvestre poussa un gémissement : il avait totalement oublié de placer le verre sous la machine. Sans prendre le temps de nettoyer, il poussa ce dernier de quelques centimètres, puis enfonça de nouveau bouton. Cette fois, le liquide trouble tomba dans son contenant. Sylvestre s'empressa de le porter à ses lèvres, avalant tout d'une traite.
Il resta immobile le temps de trois battements de cœur, appuyé à deux mains sur le plan de travail. En tentant de se ressaisir, il avança à pas comptés jusqu'à l'évier, tâtonnant pour trouver une éponge. Les yeux serrés si fort qu'il voyait rouge dans l'ombre de ses paupières, il se saisit du rectangle mou qui reposait quelque part dans le bac, retourna devant la machine, épongea le formica... s'en revint vers l'évier, abandonna l'éponge d'un geste sec, se fit violence pour sortir de la cuisine... traversa un mince espace, trouva le premier canapé du salon dans un choc violent, puis s'y laissa choir en soufflant comme un bœuf. Son cœur battait trop vite.
Il resta étalé de tout son long, apathique. Quelques minutes passèrent, ou seulement des secondes. Il les sentit lui courir sur l'échine à pas précipités. Quelques frissons s'emparèrent de lui. Il eut à nouveau envie de vomir. Ses paupières étaient aussi lourdes que si des corbeaux obèses avaient choisis ses cils comme perchoirs. Ils lui pissèrent dessus... A moins que ce ne fut de la sueur. Peu importait. Aussi mal qu'il se sentit, le sommeil ne venait pas. Rien ne venait. Rien.
Il n'y avait que son mal de crâne, sa peau brûlante et les étranges remous auquel étaient sujet quelque fluide obscur à l'intérieur de son ventre ; les chuchotements de la ville, qui formaient une musique, une litanie obsédante, l'oraison télépathique d'un monstre qui lui bouffait les pensées, une chose énorme, obsédante, lancinante, qui le torturait autant que les flammes de sa fièvre -peut-être même plus,-, s'insinuait de force dans son crâne, l'empêchant de penser, sciant ses nerfs ; une chanson horrible, une chanson cruelle, une...
Une porte claqua, l'agitant d'un soubresaut. Il se releva, les tempes battantes, une grimace sur son visage moite. Faisant un effort surhumain pour ouvrir les yeux, il aperçut Billie. Elle semblait agitée.
Sans prendre le temps d'enlever ses chaussures, elle verrouilla la porte à grands tournoiements de clé magnétique, fila vers la cuisine dans un bruit précipité, et s'y servit quelque chose de liquide avec force tapotements nerveux du pied. Serrant les dents en tentant de supporter l’insupportable salve de ses brefs coups de semelles sur le contreplaqué, il approcha.


-Billie... Mais pourquoi tu rentres à cette heure ? Et puis arr-

-Je suis restée avec Léo' après les cours et on a passée beaucoup de temps au Trou, le coupa t'elle d'une voix blanche. A bien y regarder, elle était plus blême que d'habitude... Ce qui relevait de l'exploit. Désolé Sylv', je sais que j'ai tardé, mais... Enfin, ne dis rien à papa et maman d'accord ? Quand ils seront rentrés. Et puis salut quand même.
Elle lui baisa le front de ses lèvres noires.
Tu as une petite mine. Prends une Aspégic.

Puis elle s'éclipsa sans qu’il ne comprenne rien de ce qui venait de se passer, abandonnant un verre de jus d'orange à demi plein derrière elle. Il le fixa stupidement, soudain gêné. C'était donc cela, la pensée sans importance qui l'avait taraudée... Il y'avait de quoi frissonner. Oublier une chose pareille... Tout de même.
Il convoqua Morgane à son esprit, se risquant à hésiter sur la raison de son absence. Il n'en fut rien : elle dormait chez une amie. Sa mémoire ne flancha pas cette fois-là au moins. Bon. Tout n'était pas perdu. La fièvre n'avait pas encore des apparences d'Alzheimer. C'était un constations optimiste à prendre en compte... Mais seulement après avoir essayé de dormir.
Sylveste traîna sa carcasse jusqu'au canapé, s'y étala de nouveau, et tenta de trouver enfin le sommeil aux abonnés absents depuis déjà une semaine. La bouche ouverte, les paupières lourdes et la tête vide, il resta allongé sur le canapé. Attendant quelque chose qui ne viendrait pas... Au contraire de la magie.
Qui, dans ses veines, commençait à croître... Et bientôt, il ne pourrait plus échapper à cet héritage maudit.
22-05-2013 à 18:51:54
Des lendemains de bataille il en avait essuyé des dizaines, ces centaines au cours de son existence millénaire. Des blessures il en avait récolté des milliers sur son corps divin immaculé. Des cauchemars il en avait des millions durant sa longue méditation de plusieurs milliers d'année. Et pourtant, pourtant il ne s'était jamais senti aussi mal. Sans doute aurait-il mieux valu qu'il meurt la veille, qu'il disparaisse emportant avec lui les deniers vestiges d'un temps révolu. Celle qu'il avait aimé lui avait bien fait comprendre qu'il n'était pas le bienvenue dans cette époque, il était un étranger, une aberration, il n'y avait qu'à voir le regard que lui portaient les gens la veille. Alors que devait-il faire ? Mettre fin à ses jours ? S'accrocher à un astre qui ne produirait plus de lumière ? Devenir un mouton parmi les moutons et tenter de se reconstruire ? Il était évident que cette dernière alternative était impossible, le décalage était trop grand, c'était désormais un gouffre qui séparait les mortels et le prince des dieux, d'ailleurs pouvait-on encore l'appeler comme ça ? De dieu il n'avait plus que le nom puisqu'il ne devait pas rester beaucoup de mortels qui croyaient en lui. Et prince de qui ? Il était sans aucun doute le dernier survivant parmi ses semblables, Bergeau prince des fantômes ça sonnait plutôt bien.
Distraitement le dieu laissa ses sens magiques parcourir les sombres ruelles de la ville à la recherche de son astre, de son étoile, de celle qui éclairait son passé. C'était davantage un réflexe qu'autre chose, c'était comme si il était un enfant dans une forêt et qu'il avait perdu sa mère. Bien sûr elle n'était pas sa mère ! Mais c'était tout de même elle qui le guidait, qui le consolait, qui lui procurait de la joie et qui lui évitait de prendre des décisions inconsidérées. Que deviendrait-il sans elle ? Que deviendrait-il sans aucune relations ? Ils ne connaissaient plus personne ! Ses sens magiques ne détectaient rien, personne. Désormais il était seul dans un monde particulièrement hostile où semble t'il pas mal de monde cherchait à lui mettre la main dessus. Evidemment il ne craignait pas grand chose ni grand monde et à cet instant la personne qu'il craignait le plus c'était sans doute lui même. L'être divin se connaissait parfaitement et il savait donc ce qui allait se passer une fois que la tristesse et le doute seraient passés, une fois que ces deux émotions auraient laissés la place à la colère. Cette dernière allait le submerger et il allait probablement se mettre à la recherche des personnes responsables de la destruction de son foyer et de l'assassinat de ses amis, il allait se mettre à la recherche de ceux qui avaient ruiné son existence, déchiré son passé. Cette colère qui montait en lui le garçon ne l'avait éprouvé qu'une seule fois et cela s'était produit il y a plus de quinze milles ans ! Même à travers ses vagues souvenirs il parvenait à s'en rappeler... Dorian lui avait demandé d'arrêter de défendre la forêt, il lui avait demandé d'abandonner son foyer ? De laisser tout les habitants de Kairec mourir, d'abandonner les végétaux, les animaux... Ce jour là Bergeau avait compris ce qui attirait tant Night dans la destruction, il s'était délecté de voir les humains le supplier, de voir la peur sur leur visage, de les entendre cirer et pleurer...
Alors qu'il était toujours étalé au sol un froid sourire illumina son visage. Maintenant qu'il était seul il pouvait faire ce qu'il désirait sans se soucier de la conséquence de ses actes. Ils n'auraient aucun moyen de pression sur lui. Cette fois il n'y aurait personne pour le stopper dans sa folie meurtrière. En quinze milles ans les mortels semblaient avoir oublier quelque chose, la colère d'un dieu. Il n'avait jamais été partisan d'attaquer les mortels cependant aujourd'hui il était conscient que tout bon parent se devaient de couper le membre de son enfant si ce dernier était gangrené et c'est ce qu'il allait faire. Le dieu posa la main sur le manche de son arme laissant la magie dont elle était chargée affluer dans son corps lui restaurant peu à peu ses forces. Ces idiots pensaient que la technologie pouvait avoir raison de la magie ? Et bien ils se trompaient lourdement ! Rien ne pouvait faire disparaître la magie, les flux étaient toujours là, autour de lui, autour des humains, autour des êtres magiques qui avaient survécus et ils ne demandaient qu'un chose, être utilisés, être déchaînées une dernière fois. Bien sûr ils étaient moins puissants que par le passé cependant ils semblaient n'avoir jamais été aussi agités. La magie était affaiblie mais la magie grondait, elle grondait sa colère, sa fureur et il était temps de la libérer et de souffler la technologie sur son passage.
Le prince des dieux se téléporta juste au dessus de sa position, dans le parc sous le regard médusé des passants qui venaient encore ici, quelle ne fut pas leur surprise lorsqu'ils virent ce jeune homme nu, soigner l'intégralité de ses blessures et laver son corps d'un simple geste de la main. Si aux premiers abords il leur avait semblé beau, ils étaient maintenant hypnotisés tant l'être émanait de pureté et de blancheur. C'était comme si son corps était parfait, aucun ride, aucun blessure, aucun reflet. Dans une ville aussi lugubre et part des temps aussi sombre on aurait dit qu'un fantôme venait de surgir au milieux du parc. La voix qui s'éleva dans le parc était pareil à un grondement de tonnerre, c'était comme si les cieux se déchaînaient et que des milliers d’éclairs s'abattait à l'unisson.


-Et alors qu'avez-vous ? Vous ne savez sans doute plus reconnaître un dieu lorsque vous en croisez un ? Il faut croire qu'avez le temps en plus d'être devenu tous aussi insipides les uns que les autres vous êtes devenus stupides !

Bergeau observa les passants qui n'étaient d'un coup plus curieux du tout, ils passaient leur chemin, certains couraient en direction de l'extérieur du parc, d'autre semblaient pétrifiés de peur. Ce n'était pas le genre du prince des dieux de tenir un tel discours mais il tenait à faire parler de lui, d'abord pour que les dirigeants de cet endroit connaisse son existence mais aussi pour que les êtres magiques sachent qu'ils n'étaient plus seul. Lorsque le dieu s'adressa à une fillette qui l'observait apeurée et qui semblait s'être perdue sa voix s'était adoucis, elle était devenue cristalline presque intemporelle.

-Comment avons nous pu en arriver là ? Regarde ce ciel noirâtre, regarde les arbres malades, écoute les oiseaux comme ils sont tristes... Cela n'aurait jamais du arriver. Tu aurais du connaître le plaisir de vagabonder dans la forêt...

Le prince des dieux se détourna de la jeune mortelle et se dirigea en direction d'un arbre qui semblait particulièrement ma en point. Il avait davantage l'air d'un arbuste d'ailleurs alors que c'était probablement un chêne. C'était lamentable! Qu'un arbre aussi majestueux en soit réduit à ça... Il semblait si jeune et pourtant, pourtant il semblait pousser depuis si longtemps, mais la pollution avait peu à peu raison de lui si bien qu'il ne pouvait s'épanouir. Il était étouffé par la souillure et la pourriture. Bergeau posa délicatement sa main sur le tronc si on pouvait appeler ça comme ça et fit couler sa magie dans les veines du végétal telle une sève nouvelle, une sève forte, une sève qui détruisait toutes traces de pourriture, toutes traces de pollution. Sous les yeux écarquillés de la gamine et de sa mère qui s'était rendu compte de son absence l'arbre se mit à grandir, il devint plus grand qui n'importe lequel des arbres, qu'elles connaissaient plus touffus aussi. Bergeau sourit, si il devait faire ça pour tout les arbres alors il le ferait, la forêt retrouverait sa splendeur et ses assassins payeraient.

26-05-2013 à 18:44:33
dghfhdgfgh désolée ;; c'est un peu weird et tout, et c'est pas du tout ce que je voulais que ça donne, mais c'était super dur à écrire surtout que je suis rouillée >D, en fait. amour sur toi ashi <3 (et puis genre, no worries pour répondre, de toute façon, j'ai forcé mon PC à démarrer sur un live CD d'Ubuntu pour écrire ça, mais je pourrais rien forcer du tout quand il sera pour un délai sûrement long au SAV donc)

— Bergeau-

Elle était belle, Eileen, comme les étoiles déchues ou comme les fleurs fanées qui se cambrent dans les caresses amantes du vent. Elle était belle, Eileen, dans sa déchéance. Elle était là, Eileen, face à un fantôme qu'elle avait cherché à retrouver dans des baisers et des caresses dégueulasses, qui avaient le goût amer des cauchemars, comme la bile qui lui remontait à la gorge, lorsqu'elle ouvrait brusquement les yeux, le corps agité dans les couvertures. Elle était là, Eileen et elle était vide. Elle se serait résumée à sa voix brisée entre ses lèvres pâles, sur lesquelles glissait encore le spectre d'un baiser séculaire. Elle n'était plus rien d'autre que l'enfant étincelante qui, tapie au fond de son cœur, l'avait aimé si fort. Elle aurait voulu pleurer, Eileen. Elle vacillait sur la pointe de ses pieds nus, tremblante dans sa robe blanche, dont l'étoffe légère soulignait les courbes tendres de son corps de femme. Le cœur sanguinolent, palpitant en harmonie avec la magie d'un monde qui n'était plus que songe évanescent, elle n'était plus qu'une gamine dont le cœur explose dans l'étreinte de mains affreuses. Elle n'était plus que l'enfant qui regarde son père tomber dans les ruines d'une sylve qu'elle a tant chéri. Alors, elle aurait voulu pleurer, Eileen, jusqu'à noyer dans ses larmes les volutes ambrées de ses yeux étincelants. Elle se sent tomber, Eileen, tomber, tomber, tomber, tomber, tomber. Encore une fois.

Elle aurait voulu faire quelques pas vers le soleil d'un espoir séculaire, Eileen, se brûler les ailes, peut-être, comme dans cette légende que la voix douce de son père, marquée par les âges, lui contait encore parfois lorsqu'elle était seule dans ses couvertures. Elle aurait voulu pleurer, Eileen, encore une fois. Elle voudrait le serrer si fort contre elle qu'elle se serait éteinte dans sa lumière. Elle restait là, Eileen, tellement belle dans sa chute que l'on aurait dit qu'elle allait se briser d'une caresse du vent. Elle aurait voulu murmurer ces mots qui avaient fait voler en éclats son cœur sur l'asphalte. Elle aurait voulu – le les lui crier, les hurler si fort que le monde entier saurait. Il ne fallait pas. Il ne fallait pas. Elle devait rester minable, Eileen, minable, minable, minable, minable. Le monde ne pouvait pas savoir. Elle aurait voulu, pourtant. Il ne fallait pas. Son sourire l'avait abandonné. Oh, Eileen, douce Eileen, si loin de là où elle devrait être. Oh, Eileen, douce Eileen, désarmée, déboussolée, Eileen, plus rien d'autre qu'amour là où personne d'autre que lui ne pourrait la trouver. Elle voudrait lui dire, elle voudrait pleurer, elle voudrait se lover dans ses bras si bien qu'il ne pourrait plus jamais la lâcher. Elle aurait voulu pouvoir l'aimer, Eileen, l'aimer si fort que quinze mille autres années auraient disparu dans ses tendres caresses. Alors, elle ne bouge pas, Eileen, par peur de se briser. Elle ne bouge pas, Eileen, la taille flouée par les mèches étincelantes de ses cheveux blonds - comme un champ de blé où se serait accrochée des étoiles d'onirisme. Les lèvres entrouvertes sur une tendresse qu'elle ne parvient pas à exprimer, elle laisse glisser son regard plein d'astres chatoyants sur le corps éblouissant de lumière d'un prince qu'elle n'aurait jamais cru retrouver. Alors, elle lève les yeux vers lui, revenue sur le plat de ses pieds nus, pour chercher son regard et s'y accrocher, comme une main tendue vers des mondes de rêves auxquels elle avait cessé de croire.


— Je-

Et son cœur se brise, encore une fois, comme les mots l'abandonnent, bilieuse vengeance à leur bûcher dans les flammes de son cœur. Les mots ne sont que cendres chuintantes sur la courbe de ses lèvres. Elle est belle, Eileen, parce qu'elle a dans les yeux quinze mille comètes qui lui content l'histoire de quinze mille années passées comme un claquement de doigts. Au firmament de ses prunelles, exhalent, synesthètes, les fleurs écloses, les champs de blé doré, ondulant au soleil, les soupirs d'un monde magique où ils étaient heureux. Alors, Eileen a l'air fragile, délicate comme un coquelicot dont les pétales rouges s'envolent, planant sur la bise. Alors, Eileen fait comme une apothéose à tout ce qu'elle a aimé. Au soleil d'été. Aux étreintes délicates. Au crépitement du feu de bois. Au vent chantant dans les branches. A la pluie sur ses joues mutines. A la neige fondante sur la langue. A tous ces songes oubliés, ces joies simples, quotidiennes. Et la magie de la forêt pulse dans ses veines, pressant avec une tendresse maternelle sur le carcan qui retient ses étoiles prisonnières. Alors, son cœur rate un battement, deux, peut-être. Elle suffoque, Eileen, de l'air lourd de ce monde qui s'épaissit dans ses poumons, même sous cet arbre nouveau, né de la magie de son aimé. Alors, elle porte une main à son cœur, Eileen, comme si elle pouvait l'empêcher de sombrer dans le gouffre de ses cauchemars. Et les étoiles de ses yeux se brouillent de larmes. Elle hoquette, Eileen. Son cœur, souffreteux, s'affole dans sa poitrine, déboussolé, cramé par ses flammes dégueulasses. Carbonisé par cet espoir absurde qui rencontre sa fin. Elle se sent minable, Eileen, resplendissante de la magie épurée de sa Kairec natale. Autour de son cœur, une magie onirique souffle sur les cendres de la sienne. Elle ne s'arrête plus de pleurer, Eileen et elle oublie dans toutes ces larmes sucrées le devoir militaire laissé à la maison, elle oublie, Eileen. Et elle tombe. Elle ne fait que tomber, oh, Eileen, douce Eileen. Chancelante, elle fait un pas vers l'astre de ses jours. Plusieurs. Elle oublie qu'elle ne l'a retrouvé que par hasard, cherchant refuge dans ce dernier havre de quiétude, suivant par instinct les figures dégoûtées. Encore un pas, encore une fois. Elle voudrait lui hurler à quel point elle l'aime, Eileen, elle voudrait le chuchoter tout contre lui, encore et encore. Il ne faut pas. Il ne faut pas, Eileen. Elle ne peut pas. Alors, elle lève vers lui ses yeux embués de larmes.

— Je t'aime.

Les mots ne sont qu'articulés, doux aveu silencieux qui lui fait comme du baume au coeur. Oh, Eileen, héroïne d'un monde qu'elle n'a pas voulu voir naître. Elle va se briser, Eileen, elle le sent quand elle vacille sur ses jambes et qu'un éclat de toux la fait trembler, comme si son coeur cherchait à s'échapper dans les hoquets de bile qui lui remontent à la gorge. Elle est tellement belle, Eileen, dans la déchéance de ses larmes, tellement douce dans les aveux doucereux qu'elle tend comme une main ouverte à l'amour qui l'anime. Elle n'est qu'allégorie à l'espoir retrouvé. Pourtant, elle se sent brisée, Eileen, par peur qu'il n'ait pas compris. Il ne fallait pas. Il ne fallait pas. Elle voudrait s'excuser. Il faudrait. Il faudrait lui dire qu'elle ne peut pas. Qu'elle doit partir, Eileen, parce qu'elle les met en danger, parce qu'il ne fallait pas, parce que c'était une erreur. Elle voudrait s'en aller, Eileen, elle voudrait claquer les portes de son cœur. Flageolant sur ses jambes, scintillante de sa magie libérée par la volonté d'une magie immémoriale, elle tourne le dos au fiévreux soleil de ses rêves inavoués. Il ne fallait pas. Elle voudrait courir, Eileen, elle voudrait sceller à nouveau sa magie en elle, elle voudrait l'oublier, la jeter dans le gouffre de son cœur, créé par ce monde qui lui a tout arraché. On dirait qu'elle va se consumer dans les flammes de sa folie, Eileen. Elle est toute cassée, Eileen, comme si elle ne tenait debout plus que par une magie dégueulasse. Elle ne peut pas.

— Emmène-moi.

Alors, elle se brise, étoile filante dans les éclats d'une voix fracassée sur la jetée des hécatombes. Elle se laisse vaciller, tomber contre lui, légère comme une brise. Elle est perdue, Eileen et elle se sent tellement morte qu'elle en rirait presque, incontrôlable, dans l'ombre du phénix de son amour ensoleillé, déployant ses ailes. Elle voudrait qu'il tienne ses promesses. Il faudrait qu'il l'emmène faire le tour du monde. Ou peut-être simplement qu'il l'arrache à l'humanité, qu'il la sublime au monde, pour la garder pour lui. Il ne faut pas. Elle voudrait se redresser, Eileen, le repousser avec douceur, pour pouvoir le protéger. Pourtant, ses jambes se dérobent sous elle dans l'ailleurs où elle se détache de son étreinte. Alors, elle reste contre lui, le visage enfoui dans son étreinte, par peur de chercher ses lèvres sur les siennes et de se perdre dans ses baisers. Elle ne bouge plus, Eileen, frémissante mais indomptable.

Elle est heureuse, Eileen, mais seulement dans les bras de Bergeau.

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