Andore - Prologue

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06-09-2011 à 00:36:49
Arl, bien que très respectueux, avait envoyé balader ce pauvre Velk... Lui qui se faisait une joie d'avoir trouvé un allié de taille, se sentait minable de s'être fait rejeter comme un boulet. Deux individus armés ne passent pas inapeçus, et je préfère être solitaire, avait-il dit... Comme s'il était invisible avec son énorme faux qui pendait dans son dos !
-Prétencieux, fulmina Velk.
Le pauvre forgeron se sentait traîté comme un boulet, et il détestait que sa valeur soit remise en question. Une fois l'individu éloigné, Kire guida le jeune forgeron sur une piste odorante. Velk n'ayant aucun sens de l'orientation, il devait s'adapter en suivant ce type qui semblait savoir où se trouvait le QG de l'Ordre.
Arl était suivi de loin par les deux frères qui perdaient sa trace d'heures en heures, ne pouvant se permettre un arrêt sous peine de le perdre définitivement. La marché était très rapide, leurs pas comme guidés par une aura mystique. Ils quittèrent rapidement la région Ouest, pour arriver à la région Centrale. A partir de là, Arl était devenu introuvable...
-Cherche encore ! cria Velk à son cadet. On doit le retrouver à tout prix !
Le chien avait beau renifler de tous les côtés, sa piste était perdue...
-Oh non... On était si proches ! Si proches ! enragea le forgeron.
Kire semblait aussi dépité que lui, baissant la tête misérablement. Puis soudain, il releva la tête avant de grogner sur sa droite. La végétation était plus présente dans cette région, aussi furent-ils camoufflés de l'escouade d'Impériaux qui se dirigeait à toute vitesse vers un endroit précis.
-Suivons-les Kire ! Peut-être nous mèneront-ils à l'Ordre ! espéra Velk animé d'une force nouvelle.
Les deux frères se mirent à courrir comme des fous dans les fourrés, tentant de ne pas perdre cette nouvelle chance. La nuit était tombée, l'astre lunaire les éclairant d'une lumière vivifiante. Les chevaux de l'escouade n'étaient qu'au trot, ce qui permettait aux frères de garder l'allure épuisante à pieds. Leur souffle était saccadé ; si la course ne se terminait pas bientôt, leur coeur lâcherait probablement avant même d'avoir pu aider l'Ordre de quelque manière que ce soit. Le sang leur battait dans les tempes. Pourvu qu'ils s'arrêtent bientôt, pensa Velk désespérément.
C'est alors qu'il vit trois... Non quatre ombres à travers les feuillages, quatre êtres qui se dressaient fièrement devant cette soixantaine de soldats. Il y avait une chance pour que ce soit des Chevaliers de l'Ordre... Kire pensa à la même chose, et prit la même direction que son frère. Ils sortirent des fourrés, sans ralentir pour autant, et se rapprochèrent des derniers chevaux.
-ARRACHE-LUI LA GORGE KIRE !!! hurla Velk en se jetant sur le dernier cavalier.
Ce dernier atterrit sur le sol, les os brisés sous le poids du forgeron, tandis que son cheval se renversa sur le flanc. Kire rattrapa l'avant dernier, avant de lui bondir dessus d'une manière majestueuse. Ce bond magistral lui donna accès à la gorge découverte du cavalier surpris. L'animal planta ses crocs aiguisés dans la trachée du soldat, le faisant tomber de son cheval. Les deux adversaires tombèrent au sol de la même manière que les précédents, puis Kire secoua la tête violemment afin de lui lacérer la gorge.
-C'EST L'HEURE DE PROUVER NOTRE VALEUR KIRE !!! hurla Velk en dégainant son cimeterre, un rictus enragé barrant son visage.

Le combat avait pris le dessus, plus rien ne compterait tant que tous les ennemis ne seraient pas achevés.
La nuit serait pourpre pour les deux frères...

Lorsque je te serre la main, c'est une souffrance que j'appréhende. Tu ne sentiras pas le tonnerre de ma haine s'abattre sur ta nuque. Tu ne pourras que pleurer, et saigner. Saigner autant que mon dégoût le désire. Je me délecterai du spectacle macabre de tes chairs broyées sous mon poing vengeur. Personne n'est innocent.
06-09-2011 à 17:47:33
Moon s'envola, quittant son ami humain.
Ils allaient mourir, c'était évident. Mais il refusait d'assister à leur supplice, et de mourir comme un oisillon. Arl lui avait inculqué ceci: peu importe ta vie, si tu la rattrapes au moment de ta mort.
Moon, en cet instant, ne pouvait dire ce qu'avait été sa vie. Du sang, principalement. Des morts et des cris. Et jamais de remords. Ainsi étaient-ils, lui et Arl, de cette race froide et sans pitié, qui regarde devant soit sans se soucier de ce qu'il voit.
Aujourd'hui, c'était différent. Le sang allait couler, certes. Moon n'aurait aucun remord, certes.
Mais il s'était passé quelque chose: cette jeune fille avait aidé Arl, sans aucune idée derrière la tête. C'était de la bonté, seulement de la bonté. Et il suffirait d'une erreur pour que son sang colore la terre.
La notion d'injustice se fit claire aux yeux de Moon lorsqu'il fondit vers le cavalier. L'homme, auréolé de sang, marchait droit, insensible au fardeau de meurtres et de crimes qu'il portait.
Moon prit sa décision. L'homme n'allait pas mourir, du moins pas tout de suite.
Il allait souffrir, par contre. Puis, il se viderait de son sang. Comme Arl. Arl...
Sur le moment, Moon n'existait plus. Il ne restait de lui que de la haine et des reflets bleutés.

Le cavalier fut propulsé au sol, hurlant de douleur. Moon, reprit de l'altitude, puis dessera l'étreinte de ses serres, libérant les débris des yeux de l'homme. Puis, il scruta le sol quelques secondes, piqua et revint vers sa victime. Calmement, avec un sadisme terrifiant, il introduit deux araignées venimeuses dans la bouche de l'homme.
Déjà trop faible, il ne pourrait jamais s'en débarasser. Il lui restait une solution: mordre les araignées. Le venin le tuerait sur le coup.
Mais il était trop lâche. Capable de tuer des enfants, et incapable de mettre fin à sa propre souffrance.
S'il restait une chance à Arl, cet homme n'en avait aucune.
Moon entendit des aboiements et, déduisant que les cavaliers avaient laché les chiens, il prit la fuite, sans même réaliser que les traits impériaux sifflaient autour de lui.
Il retourna près de son ami, et s'endormit sur son torse.
09-09-2011 à 22:44:35
Sèlim sentit quelque chose changer dans la grotte. C'était une sensation viscérale, emprunte d'une force singulière, une sensation brulante qui saisissait ses entrailles et les chauffaient, cuisait son cœur sur un âtre fraichement allumé, faisait bouillir son âme et son sang en galopant des ses artères ; une sensation d'union avec le monde. Son esprit même se fondit dans l'air, s'étendit autour du feu, touchant, allant jusqu'à fouiller chaque apprentis. Un instant, il respira par plusieurs paires de poumons, brassa son sang de plusieurs palpitants dont le rythme venait soudainement de s’accélérer. Les mots avaient du pouvoirs. Les mots avaient attiser les braises mourantes de l'espoir, et un nouveau brasier en surgissait en chacun. Chaque battement de cœur répandait l'incendie dans leurs veines. Ils brulaient tous, pris de la même frénésie, tous emplit de la même force. Ses paroles avaient insufflées au groupe un feu nouveau. Elles étaient le baume qu'il leur fallait en cette sombre soirée. Cette nuit... Ils en avaient tous besoin. De croire en leur réussite, en leur victoire. De croire en l'espoir, en le rêve. Chassé les ombres rôdeuses de la mélancolie de leur pensées, repoussée la honte pour que la foie en l'avenir en prenne la place. Et pour tout cela, il n'avait fallut... Que de simples mots. Qui pouvaient tout changer. Des paroles sans filtre, sans mensonge, issues d'un désir vagissant, nées d'une profonde réflexion ; mais encore pures. Comme cela était beau, de croire en l'avenir.... De penser que le soleil apporterait avec lui le renouveau, la douceur et l'idéale de chacun... C'était un but tellement plus concret que la quête d'un astre dont la lumière leur était inconnue. Ils n'apporteraient pas qu'une sphère céleste à Andore, mais aussi une paix durable, et une ère nouvelle. Au fond, le soleil n'était qu'un prétexte pour mener cette bataille. Ainsi qu'un symbole... Il chasserait les derniers doutes du peuple, chasserait les ombres du passé. Ce soir, ils s'étaient fixés un nouvel objectif.
Bien sûr, l'atteindre ne se ferait pas sans larmes. Ni sans lames. Ils devraient se battre pour ne serais-ce que toucher du bout d'un doigt ce futur idyllique. Danser avec la mort, devenir le cavalier de la survie incertaine, puis se retirer en ne laissant derrière eux que des corps et du sang. Une valse dangereuse qui ne recelait qu'obstacles et souffrances. Leurs pas devaient être assurés ; claqués contre le sol de la grande salle de manière mélodieuse. Suivre le rythme, garder un œil sur les invités qui les fixaient... La métaphore de la danse était belle, mais elle n'impliquait pas que grâce et maîtrise. Autour d'eux, la foule hostile n'attendait qu'un faux pas pour les engloutir. S'était à eux de savoir dompter la musique, de chevaucher les notes et de toujours pouvoir se reprendre à un changement de rythme. Brider leur élan et rester prudent, afin de ne pas risquer un écart malencontreux... Pour beaucoup d'apprentis, cela ne poserait pas de problème. Mais pour d'autres, c'était autre chose... Ils se laisseraient emporter par la musique, et leur danse serait sauvage, impulsive et bestiale ; sans qu'aucune réflexion ne vienne la modérer, la sécuriser. Sèmil s'inquiétait surtout pour Ezraël. Le jeune homme était une véritable torche, au sens propre comme au figuré. il ne demandait qu'à trouer les ténèbres de sa personnalité flamboyante et de sa chevelure rutilante ; un feu de forêt aurait produit moins de fumée que ses colères indomptables, et mille chandelles, moins de lumières que ses joies explosives. Excessif et batailleur, il n'en restait pas moins un compagnon agréable. Les cordes vocales toujours vibrantes, les yeux toujours pétillants, les lèvres toujours souriantes, les mains toujours en action... Un débordement de vie et d'énergie, qu'il était difficile d’appréhender, au premier abord. Mais son amitié était incomparable, et sa force mise à profit avec brio. Si Sèmil aidait de nombreux apprentis à manier mieux leur épée, Ezraël ne se mesurait à lui que pour le plaisir d'un combat. Il n'était pas rare de les voir s'affronter dans un vaste salle de la citadelle, parfois pendant des après-midis entiers, en sueur mais infatigables. Certains jours, seuls les repas leurs permettaient de s'arrêter enfin. Et d'aussi loin qu'il s'en rappelait, Sèmil ne l'avait jamais vu cesser de sourire lors de ces longues passes d'armes.
Et puis, le départ avait tout changé. Changé tant de choses. Le monde ne serait plus le même désormais ; eux aussi. Surtout eux. Ils étaient les premiers concernés ; les apprentis qui auraient dût recevoir l'aide de l'Ordre pour mener à bien leur mission. Quelques années auraient suffit, juste le temps qu'ils soient tous en âge de se défendre de manière optimale. Quelques années pour se préparer, savoir que malgré tout, malgré les révélations de leurs maîtres, la citadelle n'était pas perdue, qu'ils pourraient la retrouver après avoir amener la Terre jusqu'à l'Empereur. Qu'ensuite, ils auraient pus chercher le soleil avec ceux qui les avaient élevés, restituer la lumière et le rêve à Andore ... Mais au final, non. De leur foyer, il n'y avait plus qu'une nappe de poussière. Des ruines. De la roche meurtrière, qui s'était écroulé en ensevelissant les corps. Des salles détruites. Des flots de sang... Un jardin brulé. Et l'exode. L'exode des apprentis, oui, mais pas seulement. Certains oubliaient qu'ils n'étaient pas les seuls à avoir été chassés par l'Empereur et ses hordes... Que tout les serviteurs de l'ordre s'en étaient allés, eux aussi. Tous congédiés, avant les apprentis. Ils s'étaient dispersé autour de la citadelle, et depuis une fenêtre, Sèmil avait vu leurs silhouettes disparaitre, avalées par l'horizon. Déjà, à ce moment là, le jeune homme savait que quelque chose se tramait. Qu'ils ne partaient pas sans raison, ces braves gens dont les mains avaient tant fait pour l'ordre ; la cuisine, le ménage, les caresses ; celles qui avaient tenus des marteaux, des pinceaux, des pics, celles qui avaient plantées des graines, encouragées les bœufs, celles qui avaient tenues des ciseaux... Et puis, ces deux mains chères à son cœur. Celles qu'occupaient des aiguilles. Celles de la couturière...
Malgré la chaleur qui l'entourait, l'union qu'il partageait avec les autres apprentis, Sèmil se sentit soudain vide. Son cœur se fit lourd- et unique. Il ne brassait plus que son propre sang, désormais. Mais cela n'avait plus d'importance... Ce cœur, il ne lui appartenait pas. C'était là la propriété de quelqu'un d'autre, et cela depuis longtemps désormais. Personne ne le savait, ou au moins se plaisait-il à le croire. Car il y'en avait bien un, qui connaissait sa blanche colombe. La femme qui avait ravit son cœur, l’emprisonnant dans le crépuscule de son regard avant de s'envoler... Avec tout les autres serviteurs. La couturière et ses mains qui dansaient. Il l'aimait. De toute son âme, de tout son corps ; chaque fibre de son être vibrait d'une passion ardente. Elle réveillait en lui un feu plus puissant que celui de n'importe quelle pierre volcanique. Pour l'allumer, il suffisait d'un rien, qui devenait alors tout...La serrer dans ses bras en sentant son parfum, sa tête calée contre son torse. Alors, il se sentait serein. Fort, invincible et calme. Son petit corps fragile, sa peau couleur de cendres, et ses yeux qui le happaient, et ses mains dans son dos... Elle s'abandonnait à leur étreinte, acceptait sa chaleur. Sèmil savait enfin qu'une personne en ce monde, qu'une femme en Andore, comptait sur lui plus que sur nul autre. En sa présence, il n'avait plus aucune crainte, car il ne pouvait plus échouer, plus quand son regard plein d'amour croisait le sien, plus quand leur deux corps se mêlaient, simplement, dans une étreinte chaste, tout deux brulant de désir, tout deux aspirant à un union charnelle ; mais n'y cédant jamais. Non. Ils n'avaient pas encore cédés. Pour elle, il avait sut se retenir, il avait sut brider sa passion et ses instincts. Pour elle, il était capable de tout. C'était un ange né du ciel, un être céleste échoué sur Andore. Jamais Sèmil n'avait aimer quelqu'un avec tant d’intensité. Le simple fait de la voir l'embrasait d'amour. Cela allait au delà des mots. Et depuis tant d'années... Mais l'Empereur lui avait arraché. Le départ, la mission. Il avait dût partir ; et elle aussi. Tout deux dans une direction différente. Elle, avec ses aiguilles, chercher du travail dans le sud, et lui, avec son épée, chercher du sang au nord. Du sang et de la liberté. Ils s'étaient quittés sans se dire adieu, car Sèmil savait n'avoir plus le droit de mourir. Il devait vivre pour elle. Alors, doucement, après s'être étreints, après s'être embrassé avec fougue dans une alcôve, ils s'étaient séparés. Sans aucune parole. Elle avait brisé le cercle que ses bras formaient autour de son torse, et lentement, en faisant glissé ses mains le long de sa poitrine, poussé vers l'extérieur, vers le couloir. Le jeune homme avait sentit la légère pression de ses paumes, à travers la tunique. Il avait cessé de respiré, attendant que le contact ne se rompe, retenant son souffle. Son regard était plongé dans celui de sa moitié. Ses yeux s'étaient voilés de larmes, car elle savait. Elle avait lue la supplication à l'intérieur de ses prunelles. Sèmil n'avait put s'en empêcher. Même si cela était inutile... La laisser partir était trop dur. Il avait voulut l'attirer de nouveau contre lui. Mais elle avait reculé. Puis fixé, un instant. Ses yeux scintillaient. Pleins d'étoiles salées, d’étoiles liquides qui allaient couler sur ses houes... Il avait avancé, mut par un reflex indomptable. C'était irrépressible... Il devait sécher ses larmes. Recueillir sa tristesse, sa si douce tristesse. Celle qu'il partageait en la prenant dans ses bras. Leurs étreintes lui semblaient déjà si lointaines ; alors qu'ils venaient d'en partager une. Non, si ils se séparaient, il mourrait à l'instant, dans la seconde. Elle ne pouvait pas partir. Son monde s'écroulerait avec son départ.
Mais malgré tout, cela ne pouvait plus durer. Elle n'avait que trop attendue. Les autres serviteurs s'étaient déjà perdus dans l'horizon. C'était à son tour. A son tour de s'en aller. Même si il était descendu si vite, descendu en courant les marches de la citadelle, simplement pour le rejoindre, pour partager encore une fois sa chaleur. Et dans les couloirs, le secret de son amour s'était défait. Mais il n'en avait cure ; une seule chose comptait, et ce n'était pas de le préserver. Alors qu'il allait emprunter un autre escalier, il avait bousculé Lifaen. L'ancien assassin l'avait observé, surpris, prit de court au point d'en tomber par terre. Sèmil qui courrait dans les couloirs ? S'était du jamais vus, disaient ses yeux. Alors, il avait tendu la main à l’appentis, pour l'aider à se relever, en disant simplement :

-Madeleine m'attend.
Lifaen avait sourit. D'un sourire narquois. Il s'était relevé sans aide, souple, félin, et l'avait observé avec amusement. Plus jeune, mais si mature en cet instant... Comme si il comprenait. Comme si cette lueur dans ses yeux, lui conférait plusieurs années de plus. Une lueur de tristesse ; un lueur paradoxalement sombre. Il n'avait rien dit, et continué son chemin. Sèmil ne s'était pas laisser le temps d'être surpris. Il avait recommencer à courir, pour la rejoindre au plus vite... Arriver à temps, mais pourtant trop tard. Alors, ils s'étaient enlacés, et... Maintenant, cette étreinte était rompue. Sèmil était silencieux. Parler ne servait à rien. A rien. Pas pour l'instant. Pas avec elle.
Madeleine avait entrouvert les lèvres. Une larme sillonnait sa joue. La lumière de la Lune entrait en flots argentés dans son dos. Sa beauté en était sublimée. Un élan de passion l'avait envahit. Il avait tant besoin de son corps ! Et il savait que c'était une dépendance réciproque. Alors, peut être que, malgré le danger, oui, malgré l'ordre des maîtres, ils pouvaient encore s'enlacer, encore s'unir, ils pouvaient...
Non. Ils ne pouvaient rien. Andore était une maîtresse cruelle. Un acide perpétuel. Si elle voulait les séparer, alors cela serait fait. Croire que que leur amour était inébranlable n'était qu'une douce chimère. Les ténèbres, avides de sang, se nourrissaient de ce genre de drames. Les tragédies étaient son ambroisie. Sèmil ne représentait rien de plus qu'une goutte dans le flot du nectar. Quant à Madeleine... Il valait mieux pour elle d'être loin du nord. Loin de l'Empereur. Son départ la sauverait. Le jeune homme ne pouvait qu'espérer survivre, pour la retrouver une fois le soleil restitué au monde. Mais avant cela, ils devaient tout deux prendre des routes différentes. Des chemins qui s'étaient jouxtés jusqu'à maintenant ; mais qui se séparaient désormais. Alors... Il abandonna. Il ne parla pas. Ne bougea pas. Resta silencieux et figé dans l'alcôve. Madeleine avait sourit.
Puis s'était enfuie. Les bruits de sa course résonnaient dans le couloir, pareille à une mélopée funèbre qui sonnait le glas de leur amour. Pour la première fois depuis longtemps, Sèmil s'était abandonné à l'amertume corrosive. A la douleur. Et aux larmes.
Mais maintenant ? Maintenant quoi ? Dans la grotte, ils avaient tous espoir. Tellement foi dans leurs rêves, et en ses paroles. Il ne pouvait pas les abandonner. La perdition qu'il s'imposait en pensant à elle ne le mènerait à rien. Ni pour ses compagnons, ni pour Madeleine. C'était un holocauste inutile. Il se reprit, et surmonta cette nouvelle vague de peine. La remonta pour la dominer. Au moins jusqu'à ce qu'elle se brise sur la côte- et lui avec...
Son cœur se remit à battre sur un rythme effréné. Le groupe était tourné vers lui. Il vu les flammes qui brulaient au fond de leurs prunelles. Pas des étincelles, mais de véritables langues ardentes. Elles léchaient les bords de leurs yeux, menaçant de déborder sous leurs paupières, de s'écouler sur leurs joues et le long de leur visage. L'espoir était si fort, si puissant en eux... Cet incendie ne pouvait plus être éteint. Sèmil ressentit un étrange sentiment de victoire.
Il croisa le regard pétillant d'Ezraël, et avant même qu'il n'ouvre la bouche, le jeune homme sentit que l'atmosphère d'éternité qui flottait dans la grotte allait être brisée. Cela valait peut être mieux. Il leur fallait plus que de l'espoir en cette soirée. Une chose manquait, indispensable, pour alléger le poids de leurs épaules. Des rires. Et le doyen ne doutait pas que le flamboyant chevalier en distribuerait à tout les apprentis. C'était cela aussi Ezraël ; quelqu'un de généreux.
Sa plaisanterie lui arracha un sourire. Il se sentit forcé d'y répondre. Ce soir, il voulait parler. Il voulait communiquer avec eux tous, ceux qui constituaient ses amis, et même plus ; sa famille. Ces camarades qui étaient devenus des frères et des sœurs. L'espoir ne suffisait pas, oui. Tout comme Ezraël, il leur apporterait autre chose. Encore un peu de bonne humeur. Et puis, il pouvait bien en profiter pour prendre une petite revanche. Deux moqueries en une soirée, voilà qui était déjà de trop !


-Je laisse cette tâche aux plus ardents ! Vois-tu, la corruption doit préalablement être découpée en fines tranches, puis cuit à feu doux. Déclara t'il d'un ton sentencieux. J'ai un couteau d'une belle taille, et je pense qu'il n'attends plus que des morceaux de viandes tendres à transformer en fines rondelles. Figure toi, mon cher Ezraël que cette tâche doit être confiée à des mains délicates, telles que les miennes ou celles de Lifaen ! On ne cuisine pas les soldats de l'empereur sans les avoir tranchés. Voyons mon petit Ezraël ! Tu allumeras le feu, et nous cuirons la viande, cela me parait évident ! Je te laisse la charge de la pierre, et je prend celle de la préparation, veux-tu ? Il eut un sourire faussement compatissant. Mon jeune ami au tempérament explosif... Tu attiseras les flammes à coups de tisonnier. C'est une bonne compensation.

Sélim observa l’apprenti fougueux d'un air qui oscillait entre amusement et sadisme amicale. Il attendait une réaction d'Ezraël, avec un sourire de félin en pleine chasse, visiblement friand de ses colères, qu'il prenait tant de plaisir à appeler "les charmantes explosions de notre cher torche hurlante". Si il y'avait bien un apprenti qu'il aimait taquiner, c'était Ezraël. Ce petit jeux s'était établit entre eux au fil des années, joutes verbales auxquelles ils ressentaient une évidente allégresse à se livrer. Un petit bonheur simple, que ce rituel qui était le leurs. Même ce soir, ils ne s'en étaient pas privés. Le doyen s'en réjouit ; le jeune chevalier n'avait pas cédé à une colère aveugle ou à une tristesse sourde. Cette quête serait peut être pour lui, une possibilité d'apprendre à se maîtriser... Ce qui ne pouvait lui être que favorable.
Néanmoins, il n'eut pas le temps de savourer une réplique d'Ezraël. Alors qu'il ne s'y attendait pas, Flinn prit la parole. Sèmil reprit son sérieux. Quand le jeune homme parlait... Et bien, c'est qu'il avait une chose importante à dire. Il n'aimait pas s'exposer en publique, et préférait aux démonstrations sociales, un silence froid, glacial. C'était un combattant excellent, mais il ne s'était jamais véritablement intégrer au reste de l'Ordre. Flinn était une ombre dans leurs rangs, un voile de ténèbres qui se fondait dans la masse pour y disparaitre. Puis, dés qu'il le pouvait, la quittait afin de chasser, ou de vagabonder aux alentours de cette foule à laquelle il n'offrait qu'un visage impavide. Si Lifaen était secret, au moins des fissures laissaient-elles entrevoir son être véritable, cette âme tendre et sensible, cette âme d'écorché vif qu'il dissimulait si bien derrière sarcasmes et bonne humeur. Mais ce masque de pierre était parcourus de zébrures, et la Panthère, qu'elle le veuille ou pas, se dévoilait peu à peu, morceau par morceau alors que son visage minéral s’effritait... Alors que Flinn n'avait jamais faillit. Il n'était pas granitique ; c'était une statue de carbone pure. Même la chaleur du groupe ne pouvait pas le faire fondre. Pire que de la glace, pire que de la pierre, c'était une ombre insaisissable, qui n'était matérielle qu'au grée de ses envies. Et un mystère. En deux ans, il n'avait jamais abandonné un seul instant son stoïcisme, persistant à se tenir à l'écart du groupe, et à rester en retrait en leur présence, comme lointain, muré dans son silence impassible. Flinn était... Une énigme. Totale et insoluble.
Aussi, quand il exprima son avis, quand il parla, le poings dressé au dessus du feu, présent et exposé à leur regard, Sèmil se sentit singulièrement sonné. Il écouta avec attention, les yeux fixés sur ce jeune homme qui se tenait debout face à l'âtre, prêt à se battre pour l'avenir, auréolé par par une force tranquille et maîtrisée. Il était sec et haut, pâle et délavé dans la lumière des flammes. Et pourtant, sa posture recelait une majesté étrange, ce genre de chose qui se dégageait d'un roi. Il s'imposait, puissant, calme. Un charme étrange planait sur sa conscience. Flinn parlait... Flinn les soutenait. L'ombre qu'il était venait de pénétrer dans la lumière révélatrice du feu. Et malgré son jeune âge, malgré le trésor inestimable, si rare, que représentait le son de sa voix, tous l'écoutaient. Le comprenait. L'approuvait. Avant qu'il n'ait pu se retenir, Sèmil se leva à son tour. Il observa Flinn avec respect nouveau. Ce n'était plus un jeune homme taciturne et glacial... En parlant, il venait de se joindre à eux. D'accepter, même inconsciemment, son appartenance à ce groupe dont il fuyait le contact. Le doyen l'observa d'un œil nouveau, neuf. Encore une fois, il ne retint pas ses mots. Ils fusèrent sans qu'aucun filtre ne les salisse, sans que la morale ou la réflexion ne souille leur vérité.


-Flinn. Tu es des nôtres. Tu as parler... Et nous t'avons tous écouté. Tu as parlé de batailles et de sang. De l'avenir que nous construirons ; et quand je dis nous, je t'y inclue. Tu es ce nous, Flinn. Tu l'as toujours été. Et maintenant, il est temps de le dire enfin : quel que soit ton passé, quelles que soit tes pensées et tes jugements, quel que soit ton opinion, tu fais parti de notre groupe. De notre... Meute.
Il sentit que c'était le bon mot. Une meute. Au fond de lui, il le savait. Une joie féroce s'agita dans les tréfonds de son âme. Il était également membre de cette meute ; il en était le guide. Peut être pas l'alpha... Mais le meneur. Cette responsabilité ne lui faisait plus peur. Une conviction farouche s'empara de sa langue. Il continua sans la brider, la laissant prendre son élan pour enfourcher les mots ; les bons mots.
Ne soit pas un loup solitaire, Flinn. Vient assembler les pierres de l'avenir avec nous, et apporte avec toi du ciment ! Tu vas aussi construire cet édifice. Cette tour qui nous mènera vers le soleil et nos rêves. Même si tu retournes dans l'ombre, même si tu restes silencieux... N'oublie pas que ta meute est toujours là. Ne lèche pas tes plaies seul... Les loups chassent ensemble.
Flinn s'immobilisa soudain. Que ce soit de la faute de ses yeux ou de ses oreilles... Il se fit aussi rigide qu'une idole de granit. Sèmil n'aurait sut expliquer sa réaction. Étais-ce ses paroles qui avaient ainsi perturbées le jeune homme ? Ou alors... Le doyen tourna la tête vers Louve. Ses yeux, immenses, cannibales, fixaient Flinn avec la plus grande attention. Encore une fois, Sèmil se demanda si les prunelles d'un être reflétaient réellement son âme. Si tel était le cas, alors Louve dissimulait en elle la brutalité mirifique d'une sylve. Une sauvagerie envoutante, magnifique, qui attirait l’œil ; non, le harponnait pour mieux tromper les inconscients. Croiser son regard s'apparentait à un voyage sans retour au cœur d'une de ces forêts de légendes, où vivaient des créatures merveilleuses et cruelles. Mais ses iris à elle n'étaient pas un conte de fée. Plutôt des bouches affamées qui n'attendaient qu'une proie sur laquelle se jeter. Si le spectacle de ces yeux si profonds était d'une déroutante beauté, mieux valait pouvoir s'y arracher avant d'y être avalé. Même Flinn ne pouvait lui résister. Louve était dangereuse. Froide et chaleureuse à la fois, généreuse et butée, loyale mais indomptable... Sous bien des aspects, son nom lui convenait parfaitement. Louve. Prédatrice. Venue de nul part par un soirée glaciale, un maître à ses côtés lui ayant remis une cape épaisse, elle était arrivée, sans identité, sans passé, magnifique et grelottante. A cette heure, Sèmil ne dormait pas. Il écrivait dans le jardin, seul, son carnet sur les genoux. Il épanchait sa douleur sur des pages jaunes, fines ; mais rassurantes et secrètes. Elles se couvraient d'un poème, dont chaque mot était habité par une mélancolie corrosive. Et...Louve était soudain apparue, une pierre volcanique posée entre ses paumes. Elle marchait en la fixant, fascinée par ce petit poing charbonneux, aveugle au jardin, sourde au vent, insensible à la froideur sèche de l'air. Le jeune homme l'avait observé un instant, muet de stupéfaction. Nouvelle, mais déjà seule... Aucun maître ne l’avait accompagné après son arrivée. Mais elle ne semblait pas troublée, pas mal à l'aise. Non, simplement absorbé dans la contemplation de sa pierre de feu, cette arme d'apparence anodine qu'on venait de lui remettre. Ce symbole de son appartenance à l'ordre. Et pourtant, elle était seule. En pleine nuit, en cette soirée de noël. Pourquoi un maître ne l'avait-il pas mené aux dortoirs ? Sèmil s'était levé, abandonnant son carnet sur le rebord d'une des fontaines asséchées du petit jardin. Il ne voulait pas la laisser marcher sans compagnie. Pas alors qu'elle venait d'arriver, inconnue de tous, nouvelle venue dans la vaste citadelle. Il se sentait la charge de l’accueillir. Qu'au moins une personne reste à ses côtés, jusqu'aux dortoirs. Pour la rassurer.
Sèmil s'était avancé à travers les quelques buissons rabougris qui jalonnaient la pelouse, puis rejoint l'allée pavé, à quelques pas devant Louves.
Erreur.
Elle avait relevé la tête aussi vivement que si un ressort s'était actionné dans son cou. Avant même d'avoir eu le temps de réagir, Sèmil s'était retrouvé la respiration coupé, une grimace de douleur mêlée de surprise sur le visage. Un coup de pied propulsé sur son menton avait finit de le mettre à terre, interloqué et courbé. La jeune femme s'était enfuit, aussi véloce qu'une bourrasque, abandonnant le doyen en lui laissant plutôt l'impréssion de s'être heurté à une tornade. Pendant une longue minute, sa respiration resta haletante, et il se leva avec lenteur, chancelant. Quand son souffle se stabilisa de nouveau, son torse et son visage irradiaient encore de douleur, et il était en nage. A ses pieds, la pierre volcanique qu'on lui avait enfoncée au niveau du plexus gisait, abandonnée.
Le lendemain matin, en voyant Louve, il lui avait décoché un sourire désabusé.


-Si les tempêtes avaient forme humaine, tu serais l'une d'elle. Le jeune homme lui avait tendu sa pierre volcanique, observant le visage de cette nouvelle arrivante avec une curiosité ouverte, apparente. Elle l'intriguait déjà. Je me nomme Sèmil.

Depuis cette nuit de noël, un peu plus de deux ans étaient passés. Ses relations avec la jeune femme étaient restées cordiales... Mais n'avaient jamais franchis ce stade. Sèmil n'arrivait pas à placer sa confiance en Louve. Son regard était tellement... Fascinant. Dévorant. Ses yeux semblaient prêt à engloutir le monde. En ces prunelles si vertes, au fond de la sylve qui bruissaient en silence dans ses iris ; dans les abysses de ses pupilles ténébreuses, il décelait quelque chose de sombre, de dangereux. Des souvenirs et un passé de bête sauvage, de bête traquée. Une existence froide, dure. Sans pitié. Le jeune homme ne connaissait rien de Louve. Elle même ne paraissait pas en savoir tant sur son enfance... Il y'avait juste son âme, imbibée de larmes, imbibé de sang. L'errance et le combat, tout cela pour survivre, et au final ne garder de cette âme tant délaissée, qu'un draps humide et poisseux. Et cela se lisait au fond de ses yeux cannibales. Tout au fond,
Et quant à la surprendre de quelque manière que ce soit... Il avait prit garde à ce que ça ne se reproduise plus.
Sèmil garda le silence, et se rassit près du feu. Flinn profita de ce blanc soudain pour sortir. Il s'enfuit presque, précipitamment et disparut quelque part entre les ombres de la nuit. Le doyen se retint de soupirer, et se plongea de nouveau dans la contemplation des flammes. L'énergie qui l'avait animé quelques minutes plus tôt s'évapora lentement, comme si elle n'était qu'eau face à l'âtre brulant. Il se laissa aller à un nouveau vagabondage, se tournant vers l'avenir pour essayer de voir à travers la brume qui l'entourait. Il se surprit lui même à avoir des pensées positives malgré la précarité de leur situation. Un peu plus d'un heure s'était écoulée depuis leur arrivée dans la grotte ; peut être même deux, et son état d'esprit avait changer du tout au tout. En si peu de temps, était-il vraiment devenu plus objectif ? Ou son optimisme s'apparentait-il à une utopie stupide et irréaliste, de celles qui germaient sans que rien ne l'annonce, avant de grandir chaque jour un peu plus pour finalement obstruer tout raisonnement logique ? Comme une plante parasite dont les racines auraient puisées dans son espoir pour croître... Et dont les branches chargées de feuilles empêcheraient bientôt la lumière falote d'Andore de continuer de l'atteindre. Plongé dans les ténèbres, pourrait-il encore mener le groupe ? Sèmil resta songeur. Il ne parvenait pas à déterminer quelles pensées étaient les plus dangereuses ; celles qui le plongeaient dans le désespoir, ou celles qui lui faisaient croire à une dérisoire réussite ?
Le doyen secoua lentement la tête. Trop d'interrogations dansaient dans sa tête pour qu'il puisse répondre à une seule d'entre elle. Quelques questions masquées s'étaient même jointe au bal, énigmatiques, incertaines, qui se mêlaient aux autres sans qu'il n'arrive à les saisir. Elles changeaient de cavalier, se faufilaient dans la foule, sautillaient sur leurs pieds jusqu'à la sortie... Puis disparaissaient. Sèmil avait vaguement conscience de leur importance, mais il n'arrivait pas à se concentrer sur une seule question à la fois. Alors, elles le narguait en se lançant dans de folles farandoles, entrecroisant les cercles de leur danse à tel point qu'ils en devenaient abstraits. Se fondaient en une foule au mouvement insaisissable.
Sèmil respira profondément. Le bal reflua dans un coin de son crâne, abandonnant quelques retardataires derrière lui. Le doyen les expédia avec les autres, renvoyant les interrogations éparses dans les ténèbres de sa conscience. Avant qu'elles ne puissent de nouveau s'imposer à son esprit, il se fixa sur une autre pensée... A la fois douce et douloureuse. Corrosive et apaisante. Madeleine. Un feu languissant s'alluma en lui, répandant sa chaleur onctueuse le long de ses veines. Tel un poison voluptueux, délicat, qui n'attendait pour s'écouler que l'évocation de l'amour.
Sèmil ferma les yeux, s'abandonnant à la beauté de ce rêve. Elle attendait, patiente, sous ses paupières. Sa peau de cendre satinée, couvrait les courbes gracieuses de son corps. Elle était nue, souriante. Et de tout son être, se dégageait cette intense chaleur qu'elle irradiait toujours. Une flamme ardente brulait en elle, occultée par son corps magnifique, mais présente dans son aura, présente dans l'air ; cette chaleur dont il se laissait enveloppé avec délice. Des braises dormaient au fond de son cœur, des flammèches courraient dans ses veines, et à l'intérieur de ses prunelles, le feu de l'aube rougeoyait. Mauve et incarnat, orangé et doré... Et cette légère nuance bleue. Chaque regard était un trésor. Ses lèvres gris de plomb n'étaient pas lestées. Elles restaient en tout temps légères, prêtes à dévoiler les rangées nacrées de sa dentition en un radieux sourire. Elle n'était que chaleur et beauté. A la fois fille du vent et de l'eau ; fragile et grise, mais encadrée par l'écume soyeuse de ses cheveux. Enveloppé par sa propre douceur... Madeleine et ses mains si fines, où dansaient des aiguilles qui faisaient des mailles leurs cavalières. Femme jusque dans ses mouvements, femme divine, angélique ; femme dans son corps et ses creux, dans ses courbes et sa démarche. Tout en elle lui paraissait lascif. Elle éveillait son désir comme nulle autre n'aurait pu le faire. Il fondait d'amour pour elle, brulait d'envie pour son corps ; n'était qu'une idole de cire que l'amour consumait.
Madeleine était comme une présence immuable. Il pouvait sentir son doigt qui parcourait son bras. Courant le long de ses muscles, traçant des lignes de feu sur sa peau, remontant jusqu'à son épaule... La main s’aplatissait, glissait sur son torse en en suivant les reliefs, enflammait son épiderme, descendait lentement, sinuait...
Le jeune homme ouvrit subitement les yeux. Il sentait vraiment une main sur son bras. Il se prit à rêver que la fuite n'était qu'un songe cauchemardesque. Que Madeleine le caressait vraiment. Et il éprouva du remords. Non. Il ne pouvait pas renier la vérité, aussi douloureuse soit-elle. Son père était mort pour qu'il puisse vivre en ce monde à la vérité cruelle ; tout l'Ordre était mort pour eux. Ils ne pouvaient pas rejeter la réalité... Mais ils pouvaient la changer.
Sèmil tourna la tête vers son bras. Il fut surprit d'y découvrir un petit oiseau bleu. Un geai azuré, dont les petits yeux noirs luisants le fixaient. Le doyen fut attendris par la vision. La vie était encore présente en Andore. Sa faune n'avait pas disparue totalement. Il caressa les plumes du geai, doucement, essayant d'échapper à ses autres pensées en fixant son attention sur le reste du groupe. L'oiseau resta un instant immobile, ses serres crispés... Puis il s'envola au dessus du feu. Sèmil cligna des yeux, surpris. Le geai alla se poser sur d'autres apprentis, et exécuta le même manège par quatre fois. Ezraël fit une tentative pour l'épingler, comme si le volatile représentait pour lui un repas potentiel. Cela lui parut à la fois risible et affligeant.
Par chance, l'oiseau réussit à éviter les coups d'estoc du jeune homme, et il alla se percher sur le bras de Zejaléa. Celle-ci se raidit, et un cri s'échappa d'entre ses lèvres. En un bond, elle fut sur pied. En quelques secondes, elle avait délivré un message venu d'une source inconnu. Et en moins de temps qu'il ne le fallait pour le dire, elle était dehors, ayant lâchée un dernier vœux au reste du groupe. Sèmil resta abasourdis. Arl ? Qui étais-ce ? Et ce geai... Quelques images lui revinrent, surgit des tréfonds de sa mémoire. Des informations vagues, un visage floue. Cela s'assembla dans son esprit, d'un bloc.
Arl Kairul. Apprenti assigné à la surveillance de la garde royale, futile groupe d'hommes qui s'apparentaient plus à une assemblée de soudards qu'à l'organisation de guerriers aux cœurs nobles, comme c'était le cas dans la passé. Il avait été envoyé dans un village proche de la citadelle, une année plus tôt. Depuis, il n'était pas revenu... Jusqu'à maintenant. Visiblement, les soldats impériaux avaient réussit à le trouver, et le prenait maintenant en chasse.
Le doyen fit écho à Zejaléa, en se levant brusquement. Il se précipita vers la sortie de la grotte, précédant Ezraël etFenant. Mais il s'arrêta un instant, pour se tourner vers les autres apprentis, encore sonnés.


-Suivez moi. Si des impériaux poursuivent Arl, il faut lui venir en aide. Ezraël et Fenant ne suffiront pas à les décimer : ils doivent être au moins deux dizaines. Un petit détachement envoyé à la suite de l’effondrement de la citadelle ; quelques patrouilleurs. Ils n'auraient pas attaqués si nous étions plusieurs, mais Arl a dût nous rejoindre seul... Ils en ont profité. Montrons aux soldats de l'Empereur ce qu'il en coûte de s'attaquer aux nôtres ! Gronda t'il en dégainant son épée.
Le jeune homme s'élança vers le sous bois, en jetant un coup d’œil autour de lui. Flinn était partit. Sûrement sur les lieux du combat. Quand il fixa de nouveau son attention sur la forêt, Sèlim perçut le mouvement d'une ombre qui s'y enfonçait. Elle s'enfonçait dans les ténèbres qui régnaient entre les troncs, fluides, félines...
Le jeune homme eut un sourire funèbre. La Panthère aussi était partit en chasse.
Ce soir, ils allaient tous pouvoir venger leurs maîtres... Et leurs pères.


Ce soir, il y'a du plomb dans mon cœur.
Nulle habituelle douleur ;
Celle qui me fait espérer des couleurs,
Non,
Je souffre de solitude,
Tout comme la Terre de décrépitude.

La nuit est lourde,
Son air leste mes poumons,
Mais je ne puis cesser,
Malgré cette souffrance fourbe,
De respirer.

Ce soir, il y'a du plomb dans mon bonheur,
Il coule là où se noient les songes,
Dans une abysse sans torpeur,
Quand je ne puis dormir,
Pas de sommeil pour me soutenir ;
J'aimerais trouer cette onde.

La nuit est lourde,
Les ombres m'étouffent,
Les ténèbres m'embourbent,
En moi, Andore s'engouffre ;
Je suis remplit d'acide,
Corrosion familière,
Douleur qui me ronge,
Mais pas éphémère :
Noyade si longue...

Ce soir, je voudrais du plomb sous mes paupières,
Au moins une nuit pour m'échapper,
Au moins un rêve pour oublier ;
Ce soir, je ne veux plus de pierres.
Plus de pierres qui me frappent,
Plus d'Andore qui m'attaque,
Plus d'abandon de foyer,
Plus de pères sacrifiés.

Ce soir, je voudrais mourir à leur place,
Libéré de la vie,
Libéré de la peur...
Ce soir, je veux rejoindre mon père.
10-09-2011 à 00:48:34
Brûlant, le souffle d'Ezraël s'était accéléré, atteignant un rythme saccadé. Une seconde. Une seconde c'était le temps qu'il suffisait à Ezraël pour passer d'un extrême à l'autre. Une seconde c'était le temps qu'il suffisait pour que son sang se transforme en magma brûlant. Une seconde c'était le temps qu'il suffisait pour qu'il réagisse. Une seconde c'était moins que le temps qu'il mettait pour réfléchir. A vrai dire il ne réfléchissait pas. Pour lui il y avait juste des évidences dans lesquels il se précipitait sans prendre la peine de peser pour le contre. Prudence et subtilité était des choses bien futiles qui ne possédaient aucune vertu aussi loin qu'on demandait son avis. Ezraël était une véritable tête brulé, il le savait, il le revendiquait. Il vivait à fond sans jamais penser aux conséquences. Au combat il s'élançait avec pour seul bouclier son ardeur de combattre.
Ses doigts se resserraient si fort contre la garde de son épée qu'ils paraissaient encore plus blanc que d'habitude. Non loin à ses côtés se trouvait Flinn qui venait de sortir des.. Baguettes ? Étonné les yeux d'Ezraël s'écarquillèrent. Se battre avec des bouts de bois.. Quelle drôle d'idée ! Il ne posa cependant aucune question, ne souhaitant pas manquer les prémices d'un combat qui tardait à venir. Mais les armes originales de Flinn étaient.. surprenante. Le bouillant chevalier jeta un regard de l'autre côté pour apercevoir un chien.. Non un loup. Enfin bref il y avait également Lifaën… Le jeune homme à la chevelure écarlate appréciait grandement la présence de ce dernier. Son côté enjoué et espiègle donnait matière à vivre au groupe. Par ailleurs, il se révélait être un précieux allié lorsqu'il s'agissait de taquiner Sémil. Ezraël savait qu'il pouvait toujours compter sur le jeune homme à la chevelure de jais, pour faire quelques taquines remarque à leurs valeureux chef. D'ailleurs si Sémil n'avait pas été leurs chef, Ezraël aurait eu un mal énorme à suivre les ordres. Le chef des chevaliers était l'une des rare personnes capable de canaliser le turbulent jeune homme. La force calme qui émanait du chef et sa volonté de faire vivre le groupe avait tendance à maîtriser les ardeurs d'Ezraël. Tout comme le jeune homme aux cheveux rouges ne recevait d'ordre que de lui. Sémil avait gagné son respect au cours de son apprentissage, ou pas une fois il avait dénigré sa valeur, acceptant souvent de s'entraîner avec lui de nombreux après-midi, ou bien souvent Ezraël dut admettre la défaite. Cependant il ne s'en offusquait pas. Le chef des chevaliers était également l'une des rare personne qu'il avait accepté comme supérieur. Donc toutes ces raisons faisait qu'Ezraël tentait du faire du mieux qu'il pouvait pour respecter les ordres de Sémil, bien que sa nature ait souvent tendance à prendre le dessus et le pousser à faire des choses irréfléchies.


Une brise fraîche vint souffler sur la clairière, cependant aussi froide qu'elle était, c'était dérisoire comparé à la chaleur qui semblait émaner du corps d'Ezraël. Déjà au taquet alors que le combat n'avait même pas commencé, bientôt il se transformerait en un véritable volcan déchaîné. Le bouillant chevalier ne tenait plus sur place et il jeta un regard en biais à Lifaën. Avant de s'écrier :


« Lifaën ! Ça te dirais de voir lequel de nous deux arrive à ramener le plus de casques ? »


C'était un défi puéril sans aucun intérêt. Et pourtant c'était exactement pourquoi Ezraël l'avait proposé. Si on ne s'amusait pas dans ce monde bien sombre plus rien ne subsisterai. Il avait besoin d'un peu de légèreté dans ce monde fade qu'était devenu Andore.
Soudain la nuit commença s'emplir d'un bruit régulier montant en crescendo. Comme si le sol se faisait marteler dans un tambour incessant. L'esquisse d'un sourire carnassier se forma sur le visage d'Ezraël. Enfin l'heure du combat ! Sans prendre la peine d'attendre plus longtemps, le bouillant chevalier s'élança droit devant lui, fonçant à toute vitesse épée en main vers les premiers cavaliers qui apparaissaient. Sans se rendre compte du désavantage que représentaient les chevaux il continua sa course, sortant prestement sa pierre de feu.
Plus que quelques mètres le séparait désormais des premiers soldat de l'empereur. Dominé par les chevaux, Ezraël ne pensa même pas une seconde à reculer, faisant plutôt jaillir de grandes flammes devant lui, qui s'éteignirent rapidement et abruptement. Les chevaux hennirent de terreur et ruèrent devant l'obstacle ardent. Sans perdre encore plus de temps, l'épée du chevalier fila dans l'air et sans faire dans la dentelle, elle entailla profondément cavalier et cheval qui s'écroulèrent tout deux lourdement au sol. Sans les achever Ezraël projeta le second cavalier à bas de sa selle avant que sa monture ne reprenne ses esprits. En une fraction de seconde plus tard il acheva les deux hommes ainsi que la bête agonisante, dans des gerbes de sang qui éclaboussèrent ses avant-bras. Ôtant aussi vite qu'il le put, leurs casque, il rattrapa de justesse par la bride l'autre bête et de lui claquer l'arrière train, pour lui dire de partir plus loin.
Soudain un bruit sifflant derrière lui, le fit faire un bond de trois mètre en arrière. Ne devant la vie qu'a de réflexes incroyable. La joue d'Ezraël était cependant légèrement entaillé et il regarda avec un sourire sauvage le cavalier qui venait d'attaquer. Se ruant à l'assaut, sans se soucier de l'avantage non négligeable que représentait le cheval, Ezraël chargea à une vitesse qui pouvait sembler folle. Tout son sang était en ébullition et il allait écumer sa rage comme la foudre purge la fureur du ciel. Dans un choc d'une puissance incroyable leurs lames se rencontrèrent en un bruit de fracas, puis la monture rua brusquement et Ezraël fut forcé reculer brusquement pour ne pas se prendre un coup de sabot. Puis le cavalier sans perdre un instant chargea l'épée levée. Sourire aux lèvres, Ezraël se précipita à la rencontre et de toutes ses forces il fit valser sa lame en direction de celle que le soldat tenait à l'horizontal dans le but de le décapiter, encore une fois le choc fut d'une violence inouï. Toute la puissance phénoménale du choc se répercuta dans le bras du jeune homme aux cheveux rouges qui grogna. Pendant que le cavalier lui était projeté par la puissance de l'impact au sol alors que son destrier continua sa course. Levant péniblement son bras engourdi Ezraël acheva l'homme au sol et prit son casque.
Et de trois ! Le fougueux chevalier releva la tête, faisant quelques brefs moulinet afin que son bras reprenne sa vigueur, et il dut faire un énième bond pour éviter la lame tendue d'un chevalier. À peine fut-il réceptionné qu'il dut éviter une autre lame. Puis une troisième. Puis une quatrième. Mécontent il releva la tête pour apercevoir que quelque cavaliers l'avaient encerclé et décrivaient un large cercle et chacun à leur tour il s'essayait à la charge. Les faire tomber de leurs chevaux s'annoncerait ardu. Le choc précédent avait été beaucoup trop violent. Encore un et sa lame se briserait sûrement et son bras avait déjà pris chère. Il évita encore une fois un chevalier en se jetant sur le côté et en faisant une roulade. Entailler les articulations des chevaux étaient la seule option possible. Bien qu'il lui répugnait quelque peu de faire ça. Ou sinon.. il y avait les flammes. Même si Ezraël trouvait que la pierre consommait pas mal d'énergie. Il lui faudrait attendre le moment opportun. Ne lâchant pas ses ennemis du regard il recula lentement à petits pas et soudain son dos vint heurter le tronc d'un arbre. Il lâcha soudainement la pierre et sans le vouloir, sous le coup du moment il fit jaillir de gigantesques langues de feu qui apparurent en un bruit de bourrasque. D'un rouge flamboyant elle s'élevèrent si haut qu'elle vinrent toucher le feuillage de l'arbre. Et puis petites flammes accidentelles, se transformèrent en un arbre enflammé et sous le coup du vent, petit feu devint grand feu. Illuminant la clairière de sa lueur embrasé, le feu commençait à grandir, bosquets et buissons environnant succombant à l'appel des flammes. La nuit qui était si sombre avait soudainement prit une teinte ardente. Et certains chevaux maintenant se refusèrent à charger sur un Ezraël effaré devant la catastrophe qu'il avait causé. Le paysage semblait se faire engloutir par un océan de flamme vorace et la nuit si fraiche se transforma en un enfer brûlant de rage.

Quelques secondes.. C'était le temps qui avait suffi pour qu'Ezraël cause une catastrophe.

Pour une fois il regrettait de s'être élancé seul.











10-09-2011 à 12:38:06
Fenant et Zejaléa étaient enfin arrivés à la grotte. Elle remercia le jeune homme et lui ne lui prêta plus grande attention, se concentrant sur une tâche autrement plus ardue qui l'attendait.

La jeune fille constata que tous les autres étaient déjà partis, certainement pour contrer les cavaliers impériaux. Elle brûlait d'inquiétude pour chacun de ses compagnons et il lui tardait de les rejoindre sur le champ de bataille pour leur prêter main-forte...Mais tout d'abord, il y avait Arl...Il avait été déposé par les deux apprentis à une distance du feu, abandonné à la hâte, qui lui permettait d'être réchauffé par les flammes sans souffrir de leur ardeur. Moon semblait contrôler les opérations de ses yeux perçants, ses serres ensanglantées témoignant de sa vengeance. Il sautillait près de Arl et penchant la tête vers lui en une interrogation muette. Zejaléa sentit son cœur se réchauffer à cette vision, cela faisait si longtemps que l'harmonie de Andore était rompue ! Il ne subsistait plus que quelques étincelles éphémères de cette dernière, si fragiles qu'elles pourraient s'éteindre si facilement...Moon et Arl étaient deux de ces étincelles, fusionnées jusqu'au plus profond de leur essence, plus fortes et plus fragiles à la fois, car avec plus de points faibles. Néanmoins, c'était réconfortant de voir ces deux êtres, si différents en apparence, résonner au diapason...S'extrayant de ses pensées qui menaçaient une fois encore de l'engloutir, la jeune fille se reconcentra sur sa tâche actuelle. Elle se pencha vers Arl et écouta sa respiration tout en prenant son pouls. Les deux étaient réguliers et plus vigoureux que lorsqu'elle l'avait soigné. Zejaléa en conclut que le jeune homme pouvait se réveiller d'un instant à l'autre...Elle s'assit alors à ses côtés prévoyant de le veiller encore longtemps, mais seulement quelques minutes plus tard, les yeux de Arl tremblèrent et commencèrent à papillonner...Zejaléa n'attendit pas et prit immédiatement la parole en phrases laconiques, elle savait qu'il était faible et encore peu conscient du fait de ses blessures, mais si elle tardait trop alors que d'autres Chevaliers du Feu avaient besoin d'elle, aucune parole ne pourrait jamais la réconforter...

"Arl. Je suis Zejaléa, mais peu importe si tu te souviens de moi ou non. Ici tu es en sécurité pour le moment, c'est un repère de l'Ordre. Ton épaule guérira vite, mais ta jambe est plus gravement atteinte. Ne parle pas. Ne bouge pas. Tu n'es pas passé loin de la mort. Les cavaliers qui étaient à ta poursuite sont certainement en train de combattre les apprentis de l'Ordre. Il faut que j'aille les rejoindre."

Elle prit ensuite quelques feuilles et les lui mit dans la bouche tout en continuant à parler.

"Mastique le plus longtemps possible avant d'avaler, ça t'aidera à guérir. Moon, prends soin de lui."

Zejaléa avait confiance en l'oiseau, elle savait qu'il la comprenait et se doutait qu'il pouvait parfaitement communiquer avec Arl. La jeune fille recouvrit ce dernier de la cape d'Ezraël qu'il avait probablement oublié là, et quitta la grotte.

Elle courait dans la nuit. La Lune était haute dans le ciel et sa course nocturne était déjà bien avancée. Zejaléa songea qu'elles étaient toutes deux dans une course épuisante à la recherche de la Terre en dépit de leur nature totalement différente...C'était une étrange amalgame, et pourtant bien réelle. Les apprentis seraient-ils des éclats de Lune ? Non. Ils étaient le Feu, des éclats de Soleil, et c'était eux la Lumière perdue...Sauf un...La Terre. Lequel d'entre eux était celui qui était l'enfant céleste de l'amour de deux Astres ? Une divinité vivante qui n'avait pas même conscience qu'elle l'était ? Comment la Terre pouvait ne pas se rendre compte qu'elle l'était ? Il y aurait dû exister un signe distinctif apparent pourtant. Mais non...S'il aucun d'entre eux ne l'était ? Zejaléa eut peur de cette idée, et continua à courir comme pour s'y soustraire.
Soudainement, elle entendit un bruit de galop martelant le sol et elle s'arrêta net. Un cavalier impérial était-il parvenu à franchir la ligne protectrice des apprentis ? Si c'était le cas, Arl et elle seraient en grand danger...Zejaléa dégaina sa lame de carbone qui pendait dans son dos en cas de besoin et attendit, l'angoisse lui comprimant la poitrine. Un grand cheval massif déboula alors tout harnaché et elle constata avec soulagement que sa selle était vide, mais en attendant, il lui fonçait dessus totalement affolé. Zejaléa réagit immédiatement, elle se mit devant l'animal et bras en croix et émit un bruit qui ressemblait au vent dans les arbres. Instantanément, la bête retomba sur ses quatre membres et se calma. Zejaléa le prit par la bride, se retourna, et devinant que ce cheval provenait du lieu de l'affrontement, monta souplement sur son dos et le lança au galop dans la direction d'où il venait.

Lorsqu'elle arriva sur le lieu de l’affrontement, elle aperçut certains apprentis qui se battaient contre la masse indistincte des troupes impériales, des chevaux hennissaient de terreur et les hommes hurlaient de douleur.. Quelques dizaines de mètres plus loin, Ezraël était en mauvaise posture, entouré de soldats qui s'approchaient du jeune homme d'un air mauvais, mais surtout, de flammes ! Quant à Lifaen, il était introuvable dans ce maelström...

10-09-2011 à 14:29:20

Bulles. Pétillements. Eclats. Compréhension.
Il se souvient. De la misère. De la boue. Du chagrin. De son chagrin. Un chagrin inexorable, mais qu'il cachait, montrant cette face, la meilleur qu'eux aimeraient voir. Celle qu'il montrait au monde. Et celle qu'il aurait aimé "voir", rendue par une surface ; rendue par un "miroir". Et pourtant... Il ne devait pas s'attarder sur cela, c'en était ainsi, depuis sa naissance déjà, depuis trop longtemps même. Il n'avait jamais été défaitiste, loin de là. Mais ce que les autres concevaient pour un handicap, il n'allait pas tarder à le voir comme tel. Bien qu'il ne le voulait pas, pour rien au monde. Ce qu'il qualifiait comme étant l'espoir n'avait pas besoin de cela. Non. Pas besoin.
Il avait vécu trop de choses pour faire demi-tour, pour se rabattre dans une coquille forgée de toutes pièces. Il voulait vivre, il voulait sentir la chaleur du Soleil caresser sa joue. Un rêve. Qui pourrait devenir réalité. Cela ne dépendait que de lui, que d'Eux, que de Sèmil, que de Flinn, que de Louve, que d'Ezraël ; que de tous les apprentis en général.
Il avait tué des gens, il avait volé. Pour survivre, peut-être, mais en anéantissant des familles, des familles telles qu'il aurait aimé se la représenter. Des familles qui n'étaient sûrement pas une vérité. Mais qu'importait... tant que les choses seraient représentaient ainsi, dans son coeur, il ne pourrait avancer, il ne pourrait "voir". Et il tentait, il tentait d'y parvenir. Si seulement il arrivait à se défaire du passé...

Oui ! Aujourd'hui, sa cause était juste ! Sa cause était défendable ! Il méritait de vivre pour cette cause. Oui ! Et quoi qu'en dise sa conscience...

Un froufroutement, un déplacement d'air dans cette grotte. Un oiseau ? Alors que la nuit tombait ? Cette façon de lisser le vent, ce léger bruit. Et puis tout le reste... Un geai. Oui. Il en était sûr.
On l'avait souvent interrogé, interloqué, sur cette faculté à voir. Sans les yeux. Il avait alors sourit, puis pointé la main vers son oreille, riant franchement. Car, il le savait plus que quiconque, ces sens-là étaient plus que développés, résultat de sa soi-disante cécité. Presque l'équivalent de ce que pouvait ressentir un animal. Et il s'imaginait sous cette forme, libre et heureux. Enfin. Liberté.
L'oiseau virevoltait, passant de personne en personne. Puis Zéjaléa, qui se lève, brusquement.


- Écoutez-moi ! Arl est tout près, il est blessé gravement, il va mourir ou se faire tuer par des cavaliers de l'Empereur qui arrivent sur nous ! Moon va me montrer où il est et je m'efforcerais de le guérir, mais préparez de quoi vous battre, je ne sais pas combien ils sont, je n'ai pas pu le voir !

La jeune fille de dix-sept ans, cette petite chose frêle et timide venait de parler, venait de s'exprimer. D'une voix sûre, posée, certaine de son choix. Elle s'élança, courant à perdre haleine, laissant derrière elle les jeunes apprentis. Effarés.

- Et dans la mesure du possible...Épargnez les chevaux...

Si ce qu'elle disait était vraie, et cela, il n'en doutait pas, ne mettant pas en doute la voix d'une de ses compagnons, cela signifiait qu'il avait été découvert, et que très peu de temps se profilait désormais devant eux. Ils auraient pu fuir, se cacher. Mais désormais, la vie de plusieurs des leurs étaient en jeu, sous la forme d'Arl et de Zéjaléa. Tous les deux aussi importants l'un que l'autre. Tous les deux qu'il fallait sauver. Coûte que coûte. Oui... Dit ainsi, c'était bien puéril. Mais qu'est-ce qui ne l'était pas ?

Ezraël et Fenant venait de s'élancer, maigres espoirs pour Eux tous. C'était idiot de partir ainsi, sans que quelconque ne les accompagne, sans que quelconque ne les aide. Futile, dangereux. Mais tellement humain... Le doyen se lève, en un bond, puis se tourne vers eux, la rage dans la voix.


-Suivez moi. Si des impériaux poursuivent Arl, il faut lui venir en aide. Ezraël et Fenant ne suffiront pas à les décimer : ils doivent être au moins deux dizaines. Un petit détachement envoyé à la suite de l’effondrement de la citadelle ; quelques patrouilleurs. Ils n'auraient pas attaqués si nous étions plusieurs, mais Arl a dût nous rejoindre seul... Ils en ont profité. Montrons aux soldats de l'Empereur ce qu'il en coûte de s'attaquer aux nôtres !

L'homme jeta un dernier coup d'oeil aux apprentis, encore hébétés. Puis s'élança dans l'inconnu. Tous le suivirent, la lame dégainée, de la rage plein le coeur. Mais cela était si véridique... La vérité d'une alliance commune de plusieurs millénaires. La vérité de l'espoir bientôt oublié.
Le jeune homme attendit un moment, les laissant prendre de l'avance sur lui. Il n'aimait pas combattre à leurs côtés, il n'aimait pas cela, pas cela du tout. Car dans l'ivresse de la bataille, c'était là qu'il était le moins approchable. Frimain se leva douloureusement, fourbu par une journée intense de marche et de course. Il sentit, dans sa poche, battre en pulsation lente sa Pierre de Feu, sa Pierre de Vie. Il était temps, temps de venger leurs aînés. Mais bien sûr, comme on le dit toujours, la vengeance ne mène à rien. N'est-ce pas ?

For Vita, For the Freedom : http://www.youtube.com/v/dZLcBLmph3Q
10-09-2011 à 14:43:11
Les sons retentirent quelques instants aux oreilles d'Arl, premiers échos de son retour à la vie. Puis vinrent deux piallements brefs, emprunts de soulagement et d'amitié. Et tour à tour, de la lumière, de l'ombre, et la danse lancinante des flammes.
Arlgarda les yeux clos.
Il sentait Moon, peletonné sur sa poitrine, serein. Et la douce chaleur du brasier...
Il voulait s'endormir, prolongé cette instant dans l'éternité, se libérer d'un monde absurde, violent et cruel.
Il était las. Las de donner la mort.
De la braver.
Las aussi de savoir que demain, Moon ne serait peut-être plus là.
Le geai enfonça sa tête sous ses plumes.
Arl sentait sa faux, à côté de lui. Il en venait à la considérer comme une amie, et il s'en sentait coupable. Il restait encore des taches de sang sur la lame; peut-on considérer la souffrance et la mort comme des amies ? Pire que tout, il savait qu'il avait tué, et qu'il tuerait encore de sang-froid. Impitoyable...
Mais il ne regrettait rien. La mort est une chose toute naturelle, il ne faut pas la regretter. De plus, Arl était depuis plus de dix ans incapable d'avoir des remords. C'était... autre chose. Cette fille, peut-être.
Elle lui avait sauvé la vie, et elle n'espérait rien en échange.
"Juste de la bonté", se dit-il, comme Moon avant lui. Et c'était quelque chose de merveilleux. Les êtres humains étaient donc encore capables de cette générosité exceptionnelle que le monde croyait avoir anéantie, qui vous pousse à donner de vous-même, à souffrir, parfois, pour aider un autre être ?
L'espoir existe-t-il encore ?
Existe-t-il encore ?
Existe-t-il...
Arl s'endormit sur cette pensée, tourmenté par son passé.

Il marchait, calme, dans le jardin gris de ses parents. Il avait compté jusqu'à cinquante, maintenant il devait chercher Moon. Arl, huit ans, se mit à courir partout, soulevant les pots de fleurs, retournant les jouets éparpillés sur le petit carré de jardin, qui fut vert autrefois mais sur lequel ne poussait plus rien. Il riait.
Un enfant n'a besoin de rien pour être heureux.
Mais il ne faut rien pour bouleverser l'avenir d'un enfant.
Il vit un grand oiseau, une buse peut-être, qu'importe. Qu'a-t-on besoin de savoir de plus, d'ailleurs ?
Un cri bref retentit, et Arl vit le rapace s'élever. Les reflets bleus se reflétèrent dans ce qu'il tenait dans ses serres.
-Moon...
Arl saisit une pierre et atteignit sa cible à la tête. Elle lacha un bref cri et sa proie, puis s'envola.
-Moon...

Changement de décor.
Arl dans une bibliothèque, arpentant les rayons médecine et animaux.
Arl chez un vétérinaire.
Arl pleurant dans son lit.

Changement de décor.
Arl tenait en ses mains le corps de Moon. Ses blessures étaient soignées, mais il ne se réveillait pas. Il ne se réveillerait plus jamais...
Arl ne pleurait plus. Accroupi sur la terre, il regardait son ami.
Des parties de cache-cache, des farces, toute la joie qu'un enfant peut avoir qui s'en allait. Et il se sentit partir. Il suffoqua.
Il n'arrivait plus à bouger, ni à respirer.
Il sentait son âme se réfugier dans le corps de Moon. Son âme qui s'étiolait, pour se reformer ensuite, sous la forme d'un geai.
Une âme partagée.

Arl se réveilla, dans la grotte où il s'était endormi. Moon, levé près de lui, chantait quelques notes.
Il reconnut une comptine qu'ils chantaient tout deux, étant enfants.
Arl se leva, saisit sa faux, et, Moon sur l'épaule, il quitta la grotte.
10-09-2011 à 15:55:40
Le grabuge soudain qui anima la grotte le réveilla de son sommeil sans rève. Il entrouvrit un oeil et vit Zéjaléa s'élancer hors de la grotte après avoir lancé une phrase dont il n'entendit que la fin. Il allait falloir combattre. Seulement une demi-journée qu'ils avaient fui la citadelle que déjà la mort et le sang se présentait à eux. Il referma les yeux. Plusieurs apprentis sortirent de la grotte. Leurs pas vif résonnaient dans sa mémoire, faisant écho aux souvenirs du passés. Les pas... à chaque fois qu'il les avait entendus, sa vie avait changé.




Des années plutôt...


il a 12 ans.

Quatres ans déjà qu'il avait découvert la vérité sur son père. Quatres ans déjà que ce pauvre homme était mort en pleine rue sous les coups d'un homme sans pitié. Quatres déjà que son père l'avait battu quans il avait entendu Eldän en larmes raconter ce qu'il avait vu quelques minutes plus tôt. Quatres ans déjà que son père s'était effondré sur le sol lustré de leur maison, de plusieurs coups de poignards assénés par sa propre femme. Quatres ans déjà que sa mère avait été pendue sur la place principale, sous les yeux de personnes qui la connaissaient, qui l'appréciaient. Qui n'avait rien fait, rien dit. Quatres ans déjà qu'il fuyait sur les routes. Seul. Son indépendance, sa débrouillardise et son arc l'avait sauvé à plusieurs reprises. Il était resté un peu plus d'un an chez un viel homme qui le logeait et le nourrissait en échange de menu services. Mais depuis quelques temps, ce dernier le prenait de plus en plus pour son larbin. Alors Eldän était parti et avait repris sa route, sans aucun but.
Le bruit caratéristiques des fers à cheval le fit reculer. Un cheval sur lequel un homme aux cheveux noirs et coupés courts était perché surgit au milieu du chemin. L'épée qui battait dans le dos de l'inconnu, le fait qu'il possédait une monture - une chose extrèmement rare - et la pierre rougeoyante qu'il tenait dans la main indiquait qu'il s'agissait d'un homme riche. Et donc méprisant, condescendant et belliqueux.
-Bonjour, mon garçon que fais tu sur ses routes ? Elles sont dangeureuses et ne sont pas faites pour être parcourus par une si jeune personne.
Le regard bienveillant de l'inconnu et sa voix chaude poussa Eldän à se confier. Une longue heure plus tard, après l'avoir écouté patiemment, l'homme ouvrit la bouche et raconta des choses invraisemblables. D'une citadelle, perdue au entres les vallées ou de puissant chevaliers se trouvaient, de feu, de soleil, de lumière.
D'espoir.


il a 8 ans.

Il court. Le plus vite possible. La plante de ses pieds étaient en sang à force de galoper sur les caillous.
Et il pleure aussi. Les larmes l'aveuglaient et à plusieurs reprises, Eldän avait déjà failli tomber. Mais il s'en fiche. Il pleure. De toutes les larmes de son corps. Son papa lui avait menti et les gens avaient raison. Il tuait des gens pour rien. Il leurs faisaient mal alors qu'ils suppliaient d'arrêter. Il tenta d'oublier ce qu'il avait vu quelques minutes plus tôt.
Aujourd'hui Eldän se baladait dans la rue quand il avait entendu le claquement de chaussures en métal sur les pavés. Il s'était approché et avait vu un Soldat en armure noire se faire bousculer par inadvertance par un badaud. Le Soldat s'était énervé et avait commencé à tabasser le pauvre malheureux. Personne n'avait bougé. Personne ne lui avait dit d'arrêter.
Alors que le monsieur commençait à avoir du rouge sur les vêtements et ne criait presque plus et sanglotait. Finalement la personne avait arrêté de bouger. Et le Soldat était parti. Ce Soldat, s'était son père.
Alors il courrait. Il courrait vers la maison pour dire à maman que papa était très méchant. Alors après ils allaient partir de la maison et aller habiter autre part. Oui. C'est ça que sa maman lui dirait...

il a 5 ans.


Il ne comprenait pas. Pourquoi son papa ne voulait pas jouer avec lui ? A chaque fois il partait de la maison après avoir mis sa grosse armure noire. Parfois il revenait avec des taches rouges dessus. Il disait que des gens n'était pas gentil avec leur Empereur et racontait des choses fausses sur lui. Alors il devait leur demander d'arrêter. Ça par contre Eldän comprenait. Lui aussi il n'aimait pas qu'on dise des mensonges sur lui. Ca le mettait en colère.
Y'en a qui disait par exemple que son papa il tuait des gens et leur faisait mal alors qu'ils lui avaient rien fait. Mais Eldän savait que c'était n'importe quoi et que son papa, il ne tuait personne. Le rouge sur son armure c'était juste de la sauce qu'il s'était reçu quand il mangeait avec ses copains. Le son des lourdes chaussures de son papa se fit entendre. Eldän voulut se jeter dans ses bras. Voulut. Son père le repussa. Dans les yeux du petit garçon, une lumière d'incompréhension s'alluma.



Une larme coula de ses yeux. Il s'extirpa de la gangue du passé et revint à la réalité, au présent. Tout les apprentis avaient quittés la grotte et ne l'avaient sans doute pas perçut, dans l'ombre ou il s'était installé. Zéjaléa, accompagné de Fenant et d'une personne inerte dont le visage ne lui était pas inconnu entrèrent brusquement dans la grotte. Un geai entra dans la grotte.
La jeune fille, de quelques gestes précis, entreprit de soigner Arl puis quitta la grotte après avoir dis à un dénommé Moon - Eldän ne le voyait nul part - de prendre soin de l'homme à la faux.

Eldän s'étira les articulations, empoigna son arc, son carquois et se leva. Le geai, recroquevillé sur la poitrine du blessé sembla lui jeter un long regard qui le mit mal à l'aise. Cet oiseau avait l'air... intelligent. Sans s'attarder plus longuement sur ce mystère, il sortit du refuge des apprentis et s'élança sous les étoiles.
La nuit était belle ce soir.





MUSIQUE DE COMBAT: http://www.youtube.com/watch?v=BHRyMcH6WMM
11-09-2011 à 04:11:53
Tension.
S’il y avait un mot pour décrire l’ambiance de la petite combe rocheuse, c’était bien celui-ci. La bataille allait bientôt éclater et les trois apprentis en étaient parfaitement conscient, déjà on entendait les cliquetis des armures des soldats et les aboiements des chiens. A la droite du jeune homme, Ezraël piaffait d’impatience, rempli d’une soif de sang débordante et à sa gauche le loup grondait légèrement et s’était ramassé dans une position agressive, sentant le danger. Pour compléter le tableau, Flinn se tenait légèrement devant eux et avait dégainé deux sortes de matraques étranges que Lifaen n’avait jamais vues. Quant à l’assassin, il enduisait soigneusement ses dagues de jets d’un poison paralysant, promenant un regard attentif aux alentours.
La combe était d’une taille plutôt petite et de nombreux arbres commençaient à y reprendre leurs droits, envahissant peu à peu l’endroit depuis la forêt. Devant les apprentis, la seconde entrée de la combe, la première étant celle par laquelle ils étaient passés, s’ouvrait sur une montagne dénudée et rude, ne gardant aucune trace du miraculeux bois qui avaient poussé près du refuge de l’Ordre.
Après avoir achevé la préparation de ses dagues empoisonnées, Lifaen fit quelques courts étirements, réchauffant ses muscles engourdis par la fraicheur mordante de la nuit. Les bruits se faisaient de plus en plus proches et l’assassin put estimer que leurs opposants étaient en large supériorité numérique pour trois apprentis et un loup. Le jeune homme eut un grand sourire : Voila qui s’annonçait intéressant ! Enfin le premier défi de taille de cette quête insensée, enfin le premier combat.
En lui, Lifaen bouillonnait encore, plein de cette furieuse rancœur et de cette amère colère qui l’avaient pris à la gorge quelques instants plus tôt. Une violente contraction parcourut sa poitrine et Ezraël jeta un regard inquiet à son compagnon qui lui assura d’un sourire que tout allait bien. Se détournant légèrement, il sortit une fiole de sang de sa sacoche et en vida le contenu d’un trait, un frisson de bien-être le parcourant. Lorsqu’il fixa de nouveau l’entrée de la combe, son regard avait gagné en acuité, ses sens étaient plus aiguisés.
D’un geste fluide et souple qui dura une ultime seconde d’éternité, l’assassin dégaina dix dagues de jet, chacune étant reliée à l’un de ses doigts par l‘un de ses fameux files d’Arachne. Il s’écarta légèrement de ses compagnons pour avoir plus de marge de manœuvre et son ami lupin le suivit.
Les impériaux n’étaient plus loin, déjà les premières lueurs de leurs torches se reflétaient sur sinistrement dans la combe, promesse de milles morts atroces. Ils étaient LARGEMENT en surnombre, les apprentis n’avaient presque aucune chance, surtout face à la charge dévastatrice de leurs chevaux… Sauf si…
Mais pour le moment, Lifaen ne devait plus être l’apprenti de l’Ordre. Le jeune homme devait complètement se laisser aller à celui qu’il était vraiment.
L’assassin ferma les yeux et fit appelle à sa formation de tueur. Les conseils de son premier maitre lui revinrent, chacun des enseignements du légendaire assassin remontèrent en lui. Lorsqu’il rouvrit les yeux, le jeune homme n’était plus le même. Son faciès s’était transformé en un véritable masque mortuaire, son attitude changea imperceptiblement, ses yeux brillèrent d’un nouvel éclat. A cet instant, il n’était plus un apprenti de l’Ordre mais bel et bien un assassin surentrainé. Un être voué à devenir le meilleur de son milieu.
Un tueur.

Enfin, les opposants au trio de l’Ordre furent à porté de vue. Ezraël hoqueta, mais Lifaen ne sut pas déterminer s’il s’agissait là d’un mouvement de peur ou d’enthousiasme, Flinn ne broncha pas et l’assassin eut un petit sourire en coin et la sylve de ses yeux brilla plus ardemment.
Ils entrèrent dans la combe.
Le loup grogna plus fort, achevant de dévoiler ses longs crocs, lui répondirent des aboiements de chiens enragés. Lifaen fit un rapide décompte.
Il hoqueta.
Pire même, il douta.
Les impériaux étaient une petite soixantaine, tous montés sur des étalons de guerres et suréquipés d’armes en tout genre. Le long de la longe de leurs montures pendaient les laisses de chiens de guerre, de massifs molosses destinés à égorger littéralement leurs adversaires. Autant dire que les trois pauvres apprentis et le loup n’avaient aucune chance face à cette vague de métal. L’empereur n’y était pas allé de main morte, pour poursuivre Arl. Ezraël tremblait presque d’impatience, il brûlait de foncer dans la mêlée pour arracher tripes et organes du corps de leurs ennemis. Le bouillant apprenti lança une boutade pour détendre l’air, ce qui parut curieusement déplacé vu la gravité de leur situation.

- Lifaen ! Ça te dirais de voir lequel de nous deux arrive à ramener le plus de casques ?
Un défi absolument puéril. Et stupide.
On ne jouait pas avec la mort.
A force de la côtoyer au quotidien, à en faire toute sa vie, à accepter la lourde tâche de donneur de mort, Lifaen en était venu à respecter la mort comme on respecte une mère. La mort avait été la présence maternelle qu’il n’avait jamais eue, c’était son sein qui l’avait nourri, ses bras qui l’avaient enlacé et sa présence qui avait veillée sur lui. D’une autre manière, Lifaen et la mort étaient comme deux amants, inextricablement enlacés dans une étreinte charnelle et fusionnelle. Cette pensée faisait souvent rire le jeune homme, l’idée d’être comme amant avec ce qui représentait aussi sa mère était fort déplacé, même parmi les temps de débauche qui courraient sur Andore.
Pourtant, Lifaen décida de se prêter au jeu, ne serait-ce que pour attiser l’ardeur d’Ezraël qui serait plus que nécessaire dans ce combat à trois contre cents.

- Désolé mon petit Ezzy’, je déteste humilier les plus jeunes. lui répondit-il sur un ton ironique et chargé de confiance.
Dans cette courte phrase, il avait de mis de la confiance quant à leurs chances de survie pourtant très minces. Ezraël se contenta de s’embraser, encore plus impatient d’aller au combat, mais Flinn parut comprendre l’assassin. L’insensible chasseur se retourna vers le jeune homme et planta son regard dans le sien. Il savait lui aussi.
Lifaen aimait bien Flinn, ou "le fils de la Lune" comme il le surnommait, il le respectait et sentait que c’était réciproque. Le chasseur avait parfaitement compris que leur survie n’était qu’une utopie, il n’était pas comme l’ardent Ezraël. Lifaen hocha lentement la tête, un dernier salut envers celui qui allait l’accompagner vers une mort certaine, un geste empreint d’une triste solennité. Il ne sut pas si Flinn lui rendit son salut car il se détourna pour fixer de nouveau les cavaliers impériaux.
Alors comme ça, c’était aujourd’hui qu’il allait se fondre totalement dans l’étreinte glacée de la mort ? C’était la fin de tout ?
Oh et puis, pourquoi pas ? Il n’avait plus rien à perdre.
Pourtant, un visage envahit son esprit, pour démentir cette dernière affirmation.
Eileen…
Son cœur se mit à battre plus fort, son sang s’embrasa et sa respiration se fit courte à la pensée de la jeune apprentie de l’Ordre.
Si, il avait quelque chose à perdre. Quelqu’un plutôt.
Alors, Lifaen se fit une promesse. Il leva le poing et le tendit droit devant, en plein centre de la masse des impériaux. Sa voix s’éleva, tranchant le silence en deux, résonnant avec force et courage. Une voix de meneur.

- Nous ne mourrons pas.
Après ces quatre mots, énoncés comme une affirmation de la plus grande des simplicités, l’assassin baissa le poing et se remit en garde, prêt à se battre.

La tension était à son paroxysme, atteignant des sommets encore jamais égalés. La bataille allait débuter d’ici quelques secondes, plus aucun combattant ne semblait respirer, plus aucun ne bougeait.
Sauf Lifaen.
Ces quelques secondes, il s’agissait là d’un moment que seules certaines personnes pouvaient appréhender, c’était l’avant-bataille. Durant ces quelques secondes, le temps s’arrêtait, d’une façon imperceptible, délicate comme l’éclosion d’une fleure de printemps. On ne devenait pas un "parcoureur de temps", on naissait ainsi.
Ellun’dril, le premier maître de Lifaen, était l’un d’eux et c’était lui qui avait fait prendre conscience à son élève de ce pouvoir qu’il détenait. Peut être était-ce même pour cela qu’il l’avait choisi comme élève, qu’il avait été comme son père.
A la différence des autres apprentis, l’assassin n’avait jamais considéré celui que l’Ordre lui avait désigné comme "maître" comme tel, il s’échappait de son emprise à la moindre occasion et ne l’avait finalement que peu côtoyé.
Lifaen savait que s’il voulait espérer une possible victoire, il devait exploiter au maximum ces quelques secondes qui lui étaient imparties. Avec une fluidité surnaturelle, il lança deux de ses dagues de jet qui se plantèrent entre deux arbres qui bordaient la combe et formèrent un étrange piège à quelques mètres des cavalier impériaux. Parfait, tout était en place, les serviteurs de l’Empereur allaient certainement tomber dans le panneau, semant la confusion dans leurs rangs.
Lifaen dégaina deux autres dagues de jet pour compenser celles qui servaient de piège et se mis en garde juste avant que les autres recommencent à respirer normalement. Le temps imparti était écoulé.
La bataille allait enfin débuter.

Dans un seul et même souffle, tous les cavaliers s’élancèrent dans une charge glorieuse, vibrante d’un triomphe assuré… Charge que s’acheva lamentablement au sol. Après avoir parcouru quelques mètres, la première ligne des cavaliers avait brutalement été envoyée à terre, leurs chevaux tombant sur un obstacle invisible. Rapidement, la chute des cavaliers impériaux s’était propagée telle une onde sur un lac, n’épargnant que l’arrière garde d’une vingtaine d’hommes.
Sans attendre, Ezraël fonça vers les cavaliers tombés à terre pour engager le combat, quant à Flinn, Lifaen ne l’avait pas dans son champ de vision. Après avoir poussé un petit soupire, après tout à 5 contre 60 ils n’avaient que peu de chance de survie, l’assassin rentra lui aussi dans la danse, mais d’une autre manière. Il apparut rapidement que le fougueux Ezraël se faisait déborder, l’apprenti avait foncé en plein dans le gros des forces, sans se soucier de ses arrières.
Lifaen était alors entré en scène.
Avec des gestes d’une fluidité absolue, tel un virtuose de la musique, le jeune homme commença à lancer ses dagues de jets et à tordre ses doigts pour les ramener à lui ou leur faire décrire des courbes improbables. Ses dagues, extensions mêmes de lui, fendaient les airs et s’immisçaient dans les moindre failles des armures des impériaux, le poison agissait à une vitesse fulgurante et paralysait sa victime en quelques secondes. L’assassin sauva ainsi plusieurs fois la vie de son camarade, le protège ant des attaques dans son dos, l’évitant de se faire déborder par ses trop nombreux adversaire.
Heureusement pour Lifaen, le loup veillait au grain quant à sa protection. L’assassin se dévouait entièrement à la son travail avec ses dagues qui demandait toute son attention pour maintenir ce ballet infernal de yoyos diaboliques. Lorsqu’un impérial avait réussi à s’approche du jeune homme, une tempête de crocs et de griffes lui tombait dessus, arrachant sans ménagement sa gorge et sa vie par la même occasion. L’être lupin défendrait son compagnon au péril de sa propre vie, une force étrange l’animait, le liait à Lifaen aussi sûrement que l’arbre était lié à ses racines.

Au bout d’un petit moment, Lifaen arrêta le ballet mortel de ses dagues et contempla la situation. Ezraël portait à bout de bras cinq casques et laissait plusieurs blessés dans son sillage, Flinn était lui aussi d’une efficacité redoutable, bien que ne tuant peu ses ennemis, la plupart des soldats au sol étaient simplement paralysés par le poison de Lifaen, ce qui portait le nombre d’impériaux en état de combattre à une quarantaine, plus les chiens de guerres.
Le combat était perdu d’avance, les renforts des apprentis arriveraient trop tard… A moins que… Si les impériaux étaient moins nombreux… S’ils étaient attirés dans un piège en dehors… Mais…
Une idée folle germa dans la tête de l’assassin, une idée que seul quelqu’un habitué à côtoyer la mort peut avoir. Après quelques instants de réflexions, il s’accroupit devant le Loup et le fixa dans les yeux avant de parler, sûr qu’il le comprenait.
Son plan était suicidaire.
Mais c’était la seule solution.

Quelques minutes plus tard, Lifaen s’éclipse de la bataille, non pas dans la direction du refuge de l’Ordre mais vers l’endroit d’où viennent les impériaux ! C’est après d’autres longues minutes que Lifaen revient sur le champ de bataille, non loin de l’arrière garde, toujours juchée sur leurs fiers destriers. L’assassin fait un sourire narquois, parfait !
Après un court moment d’hésitation, il siffle.
C’est alors que l’enfer commença.
Non pas pour les hommes, mais pour les chevaux. Le loup surgit soudain des fourrés, comme s’il était fait d’ombres et de crocs. Sans hésiter, il fait claquer ses mâchoires à quelques centimètres des jarrets des montures des impériaux.
Ces derniers perdirent le contrôle de leurs bêtes et n’osèrent pas descendre, de peur de se faire piétiner par les puissants sabots des animaux. Peu à peu, comme un chien de berger guide son troupeau, le loup parvint à réunir un peu moins de vingt cavaliers impériaux qui tentaient tant bien que mal d’empêcher le canidé de s’approcher de leurs bêtes. Pourtant, malgré tous leurs efforts, ils ne purent rien faire contre le canidé qui parvient à faire passer au petit groupe d’impériaux la sortie de la combe pour entrer dans une sorte de petite route. Toujours de la même manière, l’être lupin guida ses otages le long de la route pour déboucher sur une cuvette de taille moyenne et au sol rocheux. Ici, aucune trace d’arbres, seule la roche froide et lisse occupait tout l’espace, formant une petite arène naturelle. La sortie de la cuvette se trouvait à l’autre bout et s’ouvrait sur des plateaux prometteurs d’une liberté sauvage.
Avec un cri de joie, les cavaliers impériaux se ruèrent en avant, pressé d’échapper à se loup démoniaque. Leurs cris moururent dans un gargouillis incrédule. Devant eux, Plusieurs centaines de rochers venaient de s’affaisser, bloquants entièrement la sortie. Dépités, les cavaliers se retournèrent… Et virent que le loup n’était plus seul. A côté de lui, Lifaen se tenait, jonglant nonchalamment avec une de ses dagues. D’une voix calme, légèrement amusée, il se contenta d’une remarque :

- C’est fou comme tout s’écroule lorsqu’on frappe à la base, non ?
Sans attendre de réponse, il se détourna, laissant le loup, et la peur qu’il inspirait, garder l’entrée de la cuvette. Il se retrouva rapidement face à l’entrée de la combe, celle par laquelle les impériaux étaient arrivés.
La bataille faisait toujours rage dans la combe mais Lifaen ne s’y attarda pas. Il remarqua juste que les apprentis de l’Ordres étaient tous arrivés et maitrisaient totalement la situation, bien qu’ils ne semblent plus lutter uniquement contre les impériaux… Peut importe, l’assassin devait mener à bien sa mission, pour que ses frères et sœurs d’armes survivent à l’affrontement.
Il leva le bras, s’apprêtant à effectuer le geste qui libèrerait sa dague et ferait s’effondrer la sortie de la combe. Puis, la sylve de son regard rencontre celui, plus sombre, d’une autre personne.
Eileen…
Hypnotisé, l’assassin resta un moment sans bouger, sans même oser respirer, se noyant simplement dans le regard de la rouquine qui semblait lui crier « Que fais-tu ? ».
Puis, sa formation reprit le dessus, sa détermination remplaça tout le reste.
Il baissa le bras.

Se détournant vivement, le jeune homme n’assista pas à l’effondrement du passage, il ressentit juste les vibrations causées par le choc des pierres sur les pierres. Maintenant, seul ne comptait qu’une chose : Tous les tuer. Tous autant qu’ils étaient. Il n’était pas question de rater sa mission, quoique le résultat soit le même pour lui, seul la mort l’attendait à la fin.
Tout en marchant, il sortit de sa sacoche trois morceaux de bois noirs possédants des points métalliques et, d’un geste expert, les assembla pour former un arc de bois sombre. De son carquois dépassaient ses flèches à l’empennage noir et or, toutes enduites d’un poison mortel.
Il pénètre dans la combe, la capuche de sa cape rabattue sur son visage d’ange. Avant que les impériaux ne puissent réagir, le premier d’entre eux tombait, une flèche en plein milieu du front. Lifaen était loin d’être le meilleur archer du groupe, il maîtrisait les bases, de quoi assassiner une cible à distance si le besoin s’en faisait sentir. Avant que les impériaux ne soient sur lui, le jeune homme eut le temps d’en abattre un autre. Le premier arriva au contact alors même que le jeune homme démontait son arc. Sans réfléchir, Lifaen lui planta la première pointe métallique dans l’œil et la seconde en plein torse. Il laissa l’homme agonisant tomber en avant et s’empaler lui-même sur les morceaux de l’arc de Lifaen. D’un geste expert, il dégaina un une hachette au manche orné de plumes de sa ceinture et sectionna la main armée d’un autre de ses adversaire avant de lui briser un genou d’un coup de pied de sa botte ferrée et l’achever en plantant sa hachette dans sa nuque. Le sang sous pression explosa à gros bouillon, éclaboussant les alentours et Lifaen avec du fluide vital poisseux.
Jusque là Lifaen avait eu de la chance et n’avait affronté que des bleus, des enrôlés de forces. Cependant, les seize guerriers impériaux en face de lui étaient des vétérans des habitués de la guerre et de ses horreurs. Personne, à part peut être son VRAI maître Ellun’dril, ne pouvait se sortir d’une pareille situation. Le compagnon lupin de Lifaen avait disparu, conformément à ce que le jeune homme lui avait indiqué, mais le privant aussi de son dernier soutient.
Pourtant, l’assassin ne dégaina pas ses dagues de jet qui lui auraient été d’une grande aide durant cette bataille. Il voulait se battre d’égal à égal avec les impériaux, souffrir comme eux de la fatigue et de la douleur. Il faut comprendre son ennemi pour mieux le vaincre.
Une détermination nouvelle brillait dans les yeux de Lifaen, un éclat jamais aperçu auparavant. Plus qu’un éclat de tueur ou de panthère, un éclat aussi froid que la glace, aussi indomptable que le feu… Dans cet éclat, on y lisait de la résignation, de la colère, de l’amertume, de la tristesse mais aussi de la joie. Joie que ce long calvaire s’achève enfin, que cette existence passée sur Andore se termine. Une aura nouvelle englobait l’assassin, une sorte de lumière.
Sans un mot, Lifaen dégaina l’épée de carbone qui pendait dans son dos et, avec un rictus, il se rua vers son avenir.

Plusieurs dizaines de minutes s’étaient écoulées. Des minutes de calvaire, de combat intense et de mêlée sauvage. Le jeune apprenti de l’Ordre avait tué deux autres de ses ennemis, le premier éventré et le second le crâne littéralement défoncé par le pommeau de l’épée en carbone de Lifaen, épée qui était actuellement plantée jusqu’à la garde dans le ventre d’un soldat impérial. Ce dernier s’écroula, le sang coulant à gros bouillons de sa plaie. L’assassin essaya de dégager son arme sans y parvenir, il se résolut donc à la laisser là mais ne put reculer à temps pour éviter la lame du soldat qui lui entailla légèrement le torse.
Au niveau des blessures, Lifaen avait l’arcade sourcilière défoncée, l’épaule gauche transpercée par un coup d’épée et cette blessure au torse. Ce qu’il l’inquiétait le plus était son épaule, car si il pouvait maintenir les douleurs mineure à distance en ingérant un peu de sang, les plus grosses blessures lui causait la même souffrance qu’à d’autres. D’un geste toujours d’une fluidité étonnante, il dégaina deux longues dagues d’une treintaine de centimètres à la lame longue et fine. L’assassin leva les bras pour bloquer un coup se dirigeant vers sa tête, à ce moment, une flèche à l’empennage rouge pénétra son flanc explosé. Avec un grognement de douleur, Lifaen termina son mouvement et ses dagues s’enfoncèrent dans le crâne de son adversaire comme dans du beurre. Un autre soldat s’avançait déjà vers lui, le jeune homme enfonça son genou dans les côtes de l’homme et cloua sa main droite au crâne de sa précédente victime pour l’égorger. Il abandonna ses dagues là, ne prenant pas le risque de récolter une autre blessure. Sans attendre, le jeune homme cassa la pointe de la flèche qui dépassait, pour empêcher le projectile de pénétrer encore plus.
Une autre flèche fusa et il réussit à l’éviter de peu, ralenti pas sa nouvelle blessure. L’archer des impériaux était une priorité.
Excité par le risque et l’adrénaline, Lifaen éclata de rire, ce qui déconcerta légèrement ses adversaires. D’un geste fluide et vif, il dégaina deux nouvelles dagues. La première était plutôt massive, à un unique tranchant et à la lame dentelée. Quant à la seconde, elle avait une forme plus alambiquée, légèrement courbe, à double tranchant et à la lame ondulée, comme un serpent ou un vague. D’un geste expert, l’assassin fit tournoyer ses armes dans ses mains, un sourire confiant sur les lèvres.
Puis, soudain, il s’élança, panthère en action. Il se déplaça à une vitesse surnaturelle, tout bonnement irréelle. Il semblait n’être fait que d’ombre, n’être qu’une chape de brume, insaisissable et mortelle. Il était de nouveau panthère en chasse.
L’unique archer impérial s’écroula, la gorge tranchée en un sourire macabre.
Lifaen était enfin passé aux choses sérieuses.
Les soldats impériaux parurent le comprendre et eux aussi décidèrent de monter le niveau. Leurs traits se firent plus durs, leur prises sur leurs armes bien plus assurée, leurs mouvements de groupes plus coordonnés et plus stratégiques. Ils étaient plus que des vétérans. Ils étaient visiblement très bien entrainés. Mais, pourquoi ? Pourquoi l’Empereur aurait-il envoyé parmi ses meilleures troupes humaines pour poursuivre un homme ? A moins que… L’Empereur sache qu’Arl était un chevalier du feu ? Le sang de l’assassin se glaça, ses camarades devaient être entrain d’affronter bien plus que de simples novices… Le sang coulerait des deux côtés ce soir et personne ne pouvait prédire qui sortirait vainqueur de ce conflit, bien que le sacrifice de Lifaen ait donné un coup de pouce aux apprentis de l’Ordre en séparant cette petite armée d’un tiers de son effectif de départ, ce qui correspondait à la moitié de son effectif en état de combattre lorsque Lifaen avait mis son plan à exécution.
Lifaen fixa les soldats impériaux encore survivants. Ce soir, la lutte allait être rude.
L’assassin fit tournoyer ses dagues avant de disparaitre, se déplaçant trop vite pour être vu à l’œil nu. Il réapparut derrière un des soldats, prêt à le poignarder pourtant son adversaire se retourna vivement et bloqua son coup avec une force insoupçonnée.
Le jeune homme sourit.
Enfin le vrai combat allait commencer.


La Lune est à son zénith, elle illumine de sa froide clarté une cuvette. Dans celle-ci des cadavres. Mais pas que, aussi deux vivants qui se toisent tranquillement. Lifaen et le dernier survivant des soldats impériaux. Partout autour d’eux gisent des soldats, des armes diverses et variées encore plantées dans leurs corps chauds, le sang coulant encore à flot. Le soldat est grand, bien bâti, vêtu d’une armure de cuir, armé d’une épée et indemne. Lifaen quant à lui… Il n’est pas beau à voir. Son armure part en lambeau et ses jambes constellées d’entailles plutôt profondes, son arcade sourcilière est encore en mauvaise état et saigne, son épaule gauche est toujours trouée mais pas assez pour inquiéter sur le long terme et le jeune homme s’est fabriqué un garrot de fortune avec sa cape. Son épaule droite est en bon état, ses bras sont striés de plaies et de traces des choques causés pas les armures ou les pommeaux des soldats. Dans son dos un sillon sanglant part de son omoplate pour se finir vers ses reins, sur son flanc gauche deux flèches sont profondément enfoncés et le sang coule encore à flot. Les protections de son torses ont totalement été détruite, le laissant torse nu dans la fraicheur nocturne. Son thorax est lui aussi parcourue par plusieurs plaies dont une très impressionnante partant de son épaule droite et descendant jusqu’à sa hanche gauche, creusant un large sillon au niveau de son cœur et de ses poumons, cependant pas assez profond pour atteindre ses organes vitaux. Il n’a plus d’armes, elles sont toutes dispersées sur les corps des cadavres, il ne lui reste plus que ses poings. Et pourtant, ses yeux brillent. Ils brillent de cette nouvelle lueur si intrigante, si dure, si froide, si… Forte. C’est déjà un miracle s’il est encore en vie après avoir perdu tant de sang et il s’apprête à se battre à mains nues contre un militaire d’élite armé d’un sabre à lame courbe ? Parfaitement.
Trois heures. Trois heures que Lifaen se bat sans aucune pause, sans aucun répit. Trois heures qu’il se surpasse, qu’il s’améliore, qu’il devient meilleur qu’il ne l’a jamais été. Malgré ses blessures, la douleur que lui cause chacun de ses gestes et le désavantage par rapport à son adversaire, l’assassin se met en garde. Une garde simple, polyvalente et dangereuse. D’une main tremblante, il fouille dans sa sacoche et en tire une fiole de sang, presque sa dernière. Il la boit rapidement et frissonne d’extase alors que sa maladie décide enfin de se retirer de lui. Le jeune homme se remet en garde, jaugeant son adversaire.
Puis soudain, avant même qu’on ne s’en soit rendu compte, ils sont au corps à corps, déplacés à une vitesse impossible à suivre à l’œil nu. Le soldat fait une entaille dans la cuisse de son adversaire avant de reculer pour attaquer de nouveau. L’assassin esquive aisément le second coup d’épée, brise le poignet de l’autre main de son adversaire avant de déboiter son épaule dans le même mouvement. Avant même que le soldat n’ait le temps de réagir, Lifaen le désarme et plante violement le sabre dans le pied de son ennemi. D’un violent coup de genou, il lui coupe le souffle avant de lui enfoncer le nez avec son coude.
D’un petit bon, l’assassin recule et toi son dernier adversaire qui gémit pitoyablement. Après un regard méprisant, il pivote légèrement et assène un coup de pied d’une rare violence sur la nuque de son adversaire qui s’affaisse sur le sol. Au craquement qu’il a entendu lors du choc, Lifaen sait qu’il est mort.
Il a gagné.
Il est encore en vie. Enfin, pour le moment il est plus agonisant.
Et pourtant, malgré toutes ses blessures, le jeune homme se dirige au centre de la cuvette, à un endroit qu’aucun corps ne souille. Alors, il écarte les bras et lève la tête pour s’offrir à la Dame Sélène.
Il sait que s’il bouge plus, il va s’effondrer.
Et pourtant, malgré tout ça, il reste une chose.
La panthère est panthère.

Lifaen est seul.
Et il accueille la mort bras ouverts.
11-09-2011 à 12:15:12
La bataille avait commencée. La violence le possédait. Son esprit se noyait dans une marre de sang. La mort guidait ses gestes. Velk n'était qu'un outil fou furieux. Ses yeux étaient grands ouverts, ses paupières tremblaient, ses iris étaient rétrécies, son sourire était abominable et carnassier. Personne ne pouvait plus l'arrêter. Nulle blessure ne viendrait à bout de lui. Il était en parfaite synchronisation avec Kire qui donnait une impression tout aussi maccabre. Les âmes non-endurcies en cauchemarderaient. Ce soir, comme tant d'autre avant, les deux frères étaient des tueurs... A cause de ce passé douloureux...
Les chiens furent lâchés, ce qui excitait encore plus la bête enragée qu'était devenue Velk. Le premier bondit sur lui pour lui arracher la peau, mais l'énorme poing du forgeron s'enfonça profondément dans sa gorge, le faisant couiner lamentablement. Son autre main agrippa la mâchoire supérieure, et brisa littéralement la bête en deux. Velk émit un rire démoniaque et sadique, une giclée de sang assombrissant son visage. Velk était terrifiant, il était tout droit sorti d'un cauchemars abominable.
Le second chien bondit de la même manière que le précédent, ce qui démontrait un dressage particulier. Le forgeron n'eut que le temps de se protéger avec son bras droit. Le chien était en suspension, ne lâchant pas prise. Ses crocs s'enfonçaient profondément dans son bras, mais Velk ne ressentit aucune douleur. Le jeune homme lui écrasa le crâne avec son poing aussi dur que de la pierre. Un troisième animal fit son apparition, accueilli par un puissant revers de son poing. Kire était un peu plus gros qu'eux et bien mieux entraîné. Ce dernier esquivait des assauts maladroits et déchiquetait les parties non protégées, laissant parfois des organnes à côté des corps. Le carnage était de masse, les corps de chiens parfois agonisants sur le sillage des deux machines à tuer. Le rire sinistre de Velk semblait perturber les soldats qui combattaient pourtant à des dizaines de mètres de là.
Maintenant, Velk voulait tuer l'homme, tout comme Kire. Les chiens étaient de bien trop faibles proies, qui ne laissaient que des blessures minimes et indolores dans l'état de folie carnassière où il était. Il décida d'utiliser son cimeterre pour la première fois, qu'il tenait pourtant en main depuis le début du combat. Une dizaine de chiens s'approcha en aboyant comme des idiots. Les deux frères allaient s'en débarrasser rapidement... Ceux-ci gonfflèrent leurs poumons, devenant plus imposants un court instant, et hurlèrent de toutes leurs forces. Velk émettait un hurlament grave et imposant de prédateur affammé que personne ne pouvait ignorer, tandis que Kire hurlait tel un loup. Un cri magnifique de puissance, où se mélangeaient fureur et force. Les chiens stoppèrent leur course, pour repartir à l'exact opposé des frères qui frôlaient la rupture d'anévrisme... Ces derniers reprirent leur souffle difficilement. Velk avait perdu l'élastique qui attachait ses longs cheveux légèrement ondulés et d'un noir saisissant. Ce léger détail accentuait beaucoup le côté sauvage et dangereux du prédateur aux yeux ambres que les frères partageaient. Tous deux retrouvèrent leur regard horrifiant et leur sourire carnassier.
Le combat était déjà bien engagé chez les hommes mais...
-Les animaux vont se prêter au jeu, maintenant ! jubila Velk.
Kire lui répondit d'un petit jappement tout aussi joyeux. Les deux frères se mirent en position de course, et... partirent simultanément à toute vitesse. Kire devança Velk rapidement, s'attaquant tout de suite à des cavaliers sur la gauche, tndis que le forgeron se dirigea vers un immense brasier qu'entouraient plusieurs soldats. Velk bondit agilement sur le postérieur d'un cheval, et fendit l'air de son cimeterre et poussant un cri de violence. La lame aiguisée se planta dans la gorge de l'Impérial qui sombra ridiculement de son cheval. Ne se préoccupant pas du type proche du brasier, le forgeron s'assit sur le dos de la bête et ordonna d'avançer, ne sachant pas du tout diriger cet animal inconnu. Velk se tortilla dans tous les sens pour trouver le moyen de sa faire bouger, évitant au maximum les coups d'épée qui voulaient lui entailler la peau.
Le cheval finit par galoper subitement, mettant le jeune homme très mal à l'aise. Comment pouvait-on chevaucher un tel animal pendant des heures ?! La bête courait à sa guise, sans écouter les ordres du forgeron.
-MAIS VA A DROITE SALE BESTIOLE !!! lui hurlait celui-ci.
Etrangement, l'animal s'exécuta peut-être sous le fruit du hasard. Velk se dirigeait tout droit vers un drôle de type qui se battait avec deux bouts de bois qui semblait se faire surmener par le nombre inégal d'opposants.
Une flèche siffla, puis se planta dans le bras gauche du jeune homme qui ne sentit presque rien. Le sang l'aveuglait, ainsi la douleur n'atteignait pas son cerveau. Le cheval s'approcha de très près d'un cavalier, que Velk fit tomber de sa monture en se jetant maladroitement dessus. Le soldat à terre tentait de résister, aussi le forgeron l'acheva de trois coups de poing dévastateurs... Puis c'est alors qu'il leva les yeux sur le type aux bâtons.
Un prédateur, lui aussi, au regard froid et dur. Un guerrier impitoyable comme lui, mais pas un avide de sang.
Velk l'aimait déjà.

Lorsque je te serre la main, c'est une souffrance que j'appréhende. Tu ne sentiras pas le tonnerre de ma haine s'abattre sur ta nuque. Tu ne pourras que pleurer, et saigner. Saigner autant que mon dégoût le désire. Je me délecterai du spectacle macabre de tes chairs broyées sous mon poing vengeur. Personne n'est innocent.
11-09-2011 à 14:16:14
Quand Eldän parvint à l'endroit ou le combat se déroulait, il resta un instant figé de stupeur. De l'endroit en surplomb ou il se tenait, à une cinquantenne de mètre du combat, il voyait que la situation était asser catastrophique. Les soldats impériaux étaient largement supérieur en nombre et étaient accompagnés de chien dressé, un feu ravageait un coin de la combe, plus haut, Lifaen se battait seul contre une vingtaine d'impériaux dont la moitié était déjà au sol, Ezrael était encerclé par des soldats et Flinn se battait avec d'étranges batons. Le champ de bataille était un bordel sans nom.
Eldän banda son arc et avisa un immense et musculeux homme accompagné d'un chien juché sur un cheval de guerre. En quelques secondes il amena l'emmpénage d'une flèche à son oeil et lacha la corde. Avec stupeur, il décala au dernier moment son arc quand il vit sa cible annéantir un Impériaux. La flèche se ficha néanmoins dans le bras du colosse. Qui n'en sembla pas du tout géné. Qui n'accorda même pas une seule seconde à sa blessure.
Eldän eut un rictus d'incompréhension puis rapporta son attention sur les Soldats impériaux.
Quand il retendit sa corde, une magnifique sensation de bien-être l'emplit. Il faisait corps avec son arme. Il n'était plus un homme tenant un arc. Il était à la fois, l'archer, l'arc, et la flèche. Ses sens s'aiguisèrent démésurément. Il écarta les doigts. Avant même que la flèche atteigne l'oeil gauche d'un des soldats, une autre flèche fusait en direction de la gorge d'un chien de combat.
Ses bras s'animaient à une vitesse folle, son premier carquois se vida en quelque minutes. Tout les projectiles qu'il avait tiré s'était enfoncé avec précision et mortellement dans le corps d'un ennemi.
Il entama sa deuxième réserve.
Gorge, front, oeil, coeur, poitrine, jarret, machoire, gueule... bêtes et soldats s'effondrèrent.
Sa dernière flèche fut pour un Soldat qui allait asséner un coup mortel à un apprenti.
Il s'étira. Il avait fait ce qu'il pouvait.
Il devait faire plus.
Eldän dégaina sa longue dague du fourreau et courrut dans le maelstrom du champ de bataille. Même si il n'était pas un exellent bretteur, le peu d'impériaux qui restaient ne pouvait pas le mettre trop en danger.
Son arme fendit l'air, trancha un bras, fusa vers une gorge, se fit parer, s'enfonça dans une poitrine. Un adversaire s'écroula. Les deux autres qui l'encerclaient commencèrent à le harceler avec un talent surprenant. Ces hommes étaient extrèmement expérimentés. L'Empereur devait voir en eux un sérieux danger.
Au terme d'une âpre passe d'arme, il réussit à se débarasser des soldats.

D'un coup d'oeil autour de lui, il vit que le combat était terminé.

MUSIQUE DE COMBAT: http://www.youtube.com/watch?v=BHRyMcH6WMM
11-09-2011 à 15:31:23
Il était sourd à la bataille. Ses yeux suivaient les mouvements du soldats, ses mains dansaient sur le pommeau de l'épée, et la mort tombait devant lui. S'était tout. Il tuait sans haine, sans hargne ni sauvagerie. Simplement avec une froide maîtrise.
Sèmil avançait plus chaque minute. Il marchait vers les soldats, engageait le combat, puis laissait derrière lui le corps proprement tués. Un sillage de cadavres marquait sa route, sentier sanglant qui s'étendait au rythme de la danse des lames. Tout son être était fixé sur les batailles qu'il menait à intervalles réguliers. Il abattait les soldats les uns après les autres, jetant des coups d’œils autour de lui afin de surveiller les autres apprentis. Son corps ne vibrait pas d'une irrépressible soif de sang, n'irradiait pas de chaleur incendiaire ; ses gestes n'étaient pas emprunt de brutalité ou de grâce. Il se contentait de se battre sans crier, sans rire, sans gémir. Il était silencieux, calme. Presque serein. D'une certaine manière, c'était un spectacle effrayant. Là où d'autres se laissaient envahir par le feu du combat, lui restait paisible, comme détaché de la bataille. Et pourtant, il était tout entier tourné vers celle-ci. Sèmil savait comment parer, comment en finir au plus vite. Il ne cherchait pas de vengeance dans ce combat. Simplement la paix. La paix par la mort. Son corps lui obéissait dans ses moindres parcelles, ses muscles réagissaient avec exactitude à ses désirs. Et la lame vrillait l'air, fendait le vide pour s’abattre, déchirer. Trancher.
Un autre soldat tomba à sa pieds, privé de jambes. Son sang s'écoula sur la terre sèche, l'abreuvant de cette vie volée par une épée aussi noire que de l'ombre. Des ténèbres affûtés dans lesquelles se terrait la mort. Le jeune homme baissa les yeux sur le visage luisant du l'impérial. Il devait avoir son âge. Une souffrance insoutenable tordait ses traits. Il était en nage, terrifié, et ses yeux n'exprimaient plus rien qu'une douleur sans pareille. Sèmil l'acheva d'un geste précis. Un coup au cœur. Il continua son chemin, repoussant l'horreur du meurtre qui se répandait en lui. Ce n'était pas le bon moment pour avoir des remords. Il pourrait mesurer se permettre de se haïr plus tard. Après avoir combattu encore. Après avoir tué d'autres hommes. Il ne s'arrêta pas et continua de marcher. Nouveau soldat sur sa route. Sur un cheval celui-ci. Sèmil ne toucha pas la bête. Non. Zejaléa comptaient sur eux pour ne pas leur faire de mal. Le doyen se contenta de parer la lame qui se précipitait vers lui. Le fer tinta. Fer contre carbone... Lumière métallique contre ombre profonde. Il se glissa sur la droite du cavalier, avec cette rapidité qui n'avait rien d'humain. Puis attrapa le pied du soldat. Tira. L'homme tomba en hurlant. Alors même qu'il chutait, Sèmil lui trancha la gorge. Puis abandonna le destrier paralysé par la terreur, privé de son maître. Où était le petit mammifère qui montait sur son dos ? Où était son poids rassurant, et le contact des jambes contre ses flancs ? Il l'avait tant aimé, cette chose pâle qui marchait à deux pattes, qui l'avait cajolé, caressé... Recueillit. C'était un parent. Un maître. Alors, où était-elle passée ? Petit mammifère ? Où s'était-il donc caché ? Petit maître aux mains fermes mais douces...
Le doyen s'arrêta, soudain seul. Face à lui, le vide. Une des entrées de la combe. Il avait fait son chemin à travers la bataille. D'un bout à l'autre de la combe, ainsi, en livrant la mort sans jauger le temps qui passait. Il se retourna. Le sentier qu'il avait tracé était à nouveau occupé. Les apprentis se battaient encore. Ses compagnons se fendaient, paraient, attaquaient, blessés, ensanglantés... Sèmil courut pour leur apporter son aide. Ce fut de nouveau un moment hors du temps.
Il arriva près d'eux, les soutint de son épées, frappa du pommeau ; quelque fois, détourna des coups fatales. Il avançait ente eux, et modifiait l'inclinaison des lames en pleine parade, pour en faire des enchaînements mortelles. Lui même trouva des soldats à combattre le long de sont trajet. Et toujours, il frappait avec une force efficace, une précision qui ne souffrait d'aucun rater. Toujours et encore silencieux, une expression indéchiffrable sur le visage. Il glissait parmi les combattants, fauchait sans regarder leur visage, et apportait son aide sans réussir à déterminer qui en bénéficiait. Mais les apprentis étaient comme des flammes au milieu des impériaux. A eux tous, ils formaient un incendie qui s'étendait aux rangs de la cavalerie, ravageait l'infanterie ; brulait tout sur son passage. Peu importait qui il aidait, tant que c'était un de ses compagnons. Sèmil se contentait de combattre, toujours encore, cuisant ses muscles par l'activité sans répit qu'il leur imposait, trempant sa cuirasse par la sueur dont son corps se couvrait ; une fatigue cotonneuse s'emparait de lui, progressant chaque instant, gagnant du terrain, l’affaiblissant un peu plus chaque seconde qui passait. Il se fit moins véloce. Commit des erreurs. Et le sang se mêla à la sueur, s'échappa de ses épaules, de son bras droit, de sa jambe transpercée par un flèche. Son visage fut ciselé par une balafre au front. Il s'en était de fallut de peu pour que la lame pénètre plus profondément son crâne, ne fasse plus qu'en effleurer la surface... Les blessures le couvraient. De la tête au pied. Seul son torse avait échappé aux épées jusqu'à maintenant. Ses points vitaux n'étaient pas touchés, mais la souffrance et l'épuisement brouillaient sa vision- ou étais-ce du sang qui coulait dans ses yeux ? La Lune, haute, nimbait la combe de sa lumière spectrale. Les corps abandonnés au sol avaient quelque chose d'onirique. Une beauté singulières auréolait les macchabées. Ils semblaient surgit d'un rêve. Tous sublimé par la reine des astres, la mère de la Terre. La mère d'Andore... Peut être observait-elle leur combat, en cet instant ? Étais-elle fière d'eux, de toute les enfants de sa fille ? Sèmil s'immobilisa. Il avait trop mal. Ses pensées fusaient en tout sens. Il commençait à divaguer. Le doyen chancela. Il planta sa lame dans la terre pour ne pas s'écrouler. Et de tout son poids, s'appuya sur elle. Le jeune homme avait la vague impression de haleter. Ses poumons brassaient des braises ardentes, un feu ravageur avait gagné ses bras, ses épaules, courraient dans les fibres de son corps en le laissant tremblant. Il savait devoir se reprendre. ne pas s'arrêter. Soutenir l'effort... Encore. Il se redressa, de nouveau en garde. Les soldats étaient presque décimés. Une vingtaine, peut être. Mais ce n'était pas terminé. Non. Un d'eux avait dût s'échapper, fuir pour prévenir le reste des troupes.
Au loin, dans la plaine, une trentaine d'impériaux venaient soutenir les troupes déjà présentes... Une nouvelle salve. Cavaliers, dresseurs de molosses enragés, soldats allant à pieds... Sèmil retint un hurlement bestial. Et alors qu'il avait toujours sut se maîtriser, il se laissa aller à une sauvagerie sans conscience. Le feu qui l'avait tant fait souffert le galvanisais désormais. L'incendie voila son regard, brula la douleur. Il s'élança en soufflant, en grondant, épuisé, ensanglanté. Il boitait. La flèche n'avait pas quittée sa jambe. Il ne l'avait pas arraché.
Sèmil se jeta sur un soldat qui allait se replier vers les troupes de renfort, et abattit sa lame sur son épaule. Elle traversa la chair, brisa les os en arrachant à l'impérial un hurlement de souffrance. Avant d'avoir pus se retourner, il avait la tête tranchée. Le doyen fit volte face et para une lame fourbe. Mais ce n'était pas assez. Un chien aux mâchoires puissantes bondit sur son avant-bras pour y planter ses crocs. Le jeune homme ne put s'empêcher de gargouiller un cri. Sans réfléchir, alors que le maître du molosse allait revenir à la charge, il abattit le pommeau de son épée sur le crâne du canidé. Les os se brisèrent, et du sang gicla des oreilles de l’animal. Son maître le vengea.
Sèmil fut atteint à l'épaule. Toujours la même. La plaie s'élargit, saigna de plus belle. Elle se déboita. Simple grognement. Le doyen envoya son pied dans la poitrine du soldat qui se plia en deux. Un coup de coude asséné dans le creux de sa nuque. Il tomba à genoux. Le jeune homme secoua le bras pour se débarrasser du cadavre du chien, qui s’affala devant l'impérial. Il sanglota, serrant la dépouille contre lui. Et leva le visage. Son regard haineux ne fut visible qu'un instant. Puis la lame traversa son corps du part en part. Un instant, elle remplaça la colonne vertébrale de l'homme, ombre tranchantes et luisante de sang frais qui avait brisé son véritable pilier osseux. Mais il n'avait plus le temps d'observer son œuvre. Plus le temps de penser. Il dégaina l'épée de ce fourreau sanglant, et se tourna de nouveau.
Et pour la première fois, il remarqua l'incendie. Titanesque, dévorant, incontrôlable. Il engloutissait la forêt, prédateur ardent qui rongeait le bois, enflammait l'humus. Dans la nuit, c'était un monstre informe, un démon de flammes pures. Et un signal visible à des kilomètres à les rondes, peut être même depuis les sommets de la vallée... Ils étaient perdus. Toute l'armée de l'Empereur pouvait les repérer désormais. Depuis combien de temps ce brasier était-il né ? Et personne ne l'avait éteint...
Le jeune homme se remit à courir. Il trébucha, boitilla par moment. Mais il fallait arrêter la propagation du feu. Alors il se traîna à travers le champs de bataille dans une parodie de course, déterminé à ne pas faillir. C'était un enfer. Il n'y avait plus rien d'onirique dans la combe. Juste du sang, des corps, et la mort qui rôdait. Elle n'était pas cruelle ; simplement pragmatique. Au milieu des ténèbres du ciel, la Lune était à son zénith, muette, spectatrice céleste de la bataille. Que voyait-elle de son perchoir d'ombres ? Croyait-elle seulement en leur victoire ? Un astre pouvait-il ressentir de la pitié envers les mortels qui mourraient sous sa lumière ? Sèmil ne put retenir des pensées incongrues. Une fièvre emprunte de folie s'emparait de son esprit. Une folie silencieuse, perfide. Il abattit quelques soldats sur son passage, mais cela lui sembla improbable, sortit d'un cauchemars quelconque. Dans un état second, il arriva devant l'incendie.
Et face aux flammes, ombres chinoises évoquant un théâtre funèbres, trois silhouettes se battaient. L'une d'elle tomba sur le sol. Sèmil perçut un cri de triomphe à travers le bouillonnement de ses pensés. Vite étouffé. L'épée de la troisième ombre traversa sa gorge. Le doyen se précipita comme il pouvait vers la dernière silhouette. Celle-ci s'agenouilla. En s'approchant, il découvrit une scène horrifique. La première qui perça la fièvre. Il ne put la repousser, cette fois-ci.
Car devant lui, Genghis agonisait, couché sur le sol. Destiné à mourir. Zejaléa tourna son visage vers lui. Elle pleurait. La jeune femme savait. Elle lui confirmait. Genghis était perdu. Ce n'était plus qu'une question de temps... Le doyen resta figé, tétanisé. Il avait faillit. Un apprentis.... Un de ses compagnons... Il était tombé. Il était déjà mort, alors même que ses poumons se froissaient laborieusement. Il aurait voulut crier de rage, de tristesse. Il aurait voulut dégager une force brutale qui aurait venger le jeune homme. Ou le ranimer.
Mais il ne put pas. Jamais il n'aurait dût faire preuve d'autant d'inconscience. La bataille continuait derrière lui, et son dos exposé était une invitation à l'attaquer. De plus, il était face au feu. Trop visible. Il ne comprit le cris de détresse de Zejaléa que trop tard.
La lame lui traversa le torse. Il baissa le regard, incrédule. L'épée était bien là, pointe de fer fichée dans sa chair. Elle trouait son armure, le trouait lui. Ses points vitaux avaient-ils été touchés ? Allait-il mourir ? Alors que Zejaléa le fixait... Non. Il ne pouvait pas périr devant ses yeux. C'était une fin répugnante. Elle ne méritait pas ça. Le groupe ne méritait pas ça. Il devait encore les guider, leur apprendre d'autres techniques combat. Il ne pouvait pas mourir maintenant. Il ne pouvait pas les lâcher dans la nature ! Pas les abandonner en mourant. Était-il si égoïste ?
Sèmil tomba à genoux. Ses muscles se contractèrent autour du fer froid. Il cracha une gerbe de sang. Mais ne cria pas. Il ne pouvait pas se permettre de crier face à la jeune femme. Il redressa la tête, et la fixa. Ses yeux gris étaient métallique. Lucides et durs.


-Zej', je suis désolé. J'aurais dût venir plus tôt. Tenir plus longtemps.
Il voulait en dire plus. Tellement plus... Mais la souffrance était trop forte. Il s'affala face contre terre, happé par la douleur et l'inconscience. Juste un dernier murmure, pour être certain qu'elle comprenait. Qu'elle sache qu'il avait des remords. Il s'en voulait tant d'avoir faillit ! Depuis si peu de temps, mais la sensation était déjà si forte...
Sauve la Terre Zej'.
Puis ce fut tout, avant les ombres.
11-09-2011 à 16:41:21

L'air sifflait, le frappant en pleine face, ralentissant sa course. Car oui, il courrait, le plus vite possible, sautant agilement devant les obstacles qui se profilait devant lui. Il courrait, risquant sa vie à chaque seconde ; et il aimait cela, cette sensation de liberté indéfinissable, cette sensation qu'il oubliait, parfois, dans les moments les plus durs. Cette sensation...

Frimain se baissa, esquivant une branche à hauteur de visage. Pour s'en prendre une plus grosse, quelques secondes plus tard. Douleur. Goutte de sang perlant le long de sa joue. Cela ne le ralentit en rien. Il courrait, et rien ne pourrait arrêter cette course, cette course de la dernière chance. Il trébucha, s'étendant de tout son long au sol. Merde.
Le jeune adulte se releva avec difficulté, respirant calmement, attentif au moindre bruit. La nuit était calme ce soir, une légère brise soufflait, traversant les feuillages dénudés, dans une symphonie jouée avec ardeur. Au loin, un craquement, un souffle, puis quelque chose d'autre encore. Quelque chose qui se rapproche, quelque chose de chaud, de vivant. Gros, très gros, à a longue respiration qui réveillait tout les instincts primaires du jeune homme... Puis un brame. Puis une fuite... Apparition ou autre ? Il ne le saurait jamais...

Frimain dégaina son épée de carbone, les sens sur le qui-vive. Plus près que ce à quoi il s'était attendu, la bataille. Un maëlstrom puissant de ferraille, de cris et de pleurs, de larmes et de sang. Et de flammes. Oui, il les sentait d'ici ces flammes, hautes, magnifiques, totalement incontrôlables. Le Feu à l'état pur, Ezraël en action, cela ne faisait aucun doute. Le jeune homme entend le sang bouillir au fond de lui, il pressant la chose proche. Il entend, il apprécie. L'avant-bataille...

L'homme marche à petit pas, prudent, pour enfin déboucher sur quelque chose, quelque chose de grandiose, mêlée de mille senteurs, de mille émotions. Chevaliers du Feu... Espoir...
Il ne les voyait pas, mais il les sentait, il savourait le moindre détail, la moindre chose, avant de passer à l'acte. Il sentit Ezraël, tout d'abord, dans un état de confusion indescriptible, chose que le jeune homme jugea plus qu'étrange. Et son compagnon était cerné, par ses flammes, par les hommes, par sa rage, par sa propre stupidité... Bien plus proche de lui, Flinn, le guerrier froid, accompagné d'un homme. Grande stature, du moins il lui semblait, qui venait d'abattre un des cavaliers, venant donc en aide à un des leurs. Allié ? Si c'en était bien le cas, l'homme ne serait pas de trop face à cette... cinquantaine ? D'hommes. Qui semblaient savoir se battre. Grands, puissants, montés sur de puissants destriers ; et accompagnés de chiens. Bref, l'empereur n'y était pas allé de main morte... Malheureusement pour eux...
Sous ses pieds, un homme, monté sur un imposant cheval, tirant à l'arc. Le jeune homme était plus qu'heureux qu'il ne l'ait pas aperçu. Doucement, il montra sa lame au clair. Puis sauta. Un beau saut, une vingtaine de mètres peut-être. D'un mouvement fluide se son épée, il trancha la gorge de l'homme. Pour se rétablir ensuite somptueusement bien. Enfin... Sa cheville, elle, protestait, et bruyamment avec cela. Mais Frimain n'en tint pas compte, se remettant douloureusement sur ses pieds. Il devait se battre, il devait montrer sa valeur... Il leur montrerait à tous qu'il n'était pas un poids mort... Le jeune homme poussa d'une main sûre le cadavre du soldat, puis monta sur le dos du magnifique animal.


-Allez ! Hue !

Feu. Larmes. Douleur. Sang.
La bataille fut rude.

For Vita, For the Freedom : http://www.youtube.com/v/dZLcBLmph3Q
11-09-2011 à 16:55:46
Un carnage. Le sang, la douleur et la mort entrelacées dans une funeste soirée s'agitaient autour de Zejaléa et de sa monture galopant vaillamment comme un cheval de guerre bien dressé devait le faire. Personne n'y échappait, même les rares végétaux brûlaient et leur épaisse fumée rendait le champ de bataille suffoquant. Pourtant, mue par un instinct inexplicable, la jeune fille s'élança au cœur du combat, l'épée tirée et s'apprêtant à donner la mort d'un instant à l'autre. Elle arriva à pleine vitesse devant plusieurs soldats impériaux qui surgirent du néant, mais ils la laissèrent passer avant même qu'elle n'ait eu le temps d'entamer les hostilités...Pourtant elle ne devait pas avoir l'air bien effrayante. Puis elle comprit ; c'était une silhouette d'un cheval monté qu'ils avaient aperçu, ils pensaient donc avoir cédé le passage à l'un des leurs, car en dépit de la carrure frêle de la jeune fille, la purée de pois dans laquelle ils se battaient les avait trompé...Un fol espoir surgit dans son cœur tel un torrent brûlant. Elle serait le Feu qui consumerait de l'intérieur, la fièvre ardente qui les emporterait dans l'au-delà...

Mais elle n'eut pas le temps de s’enfoncer plus profondément dans les rangs ennemis pour mettre son plan à exécution qu'elle entendit plus qu'elle ne vit un grand déplacement d'air arriver jusqu'à elle...Lorsque Zejaléa réalisa de quoi il s'agissait, l'énorme chien était déjà sur elle, tous crocs dehors et visant sa gorge...Ses yeux aqueux croisèrent alors ceux du canidé...Un regard...Puis la marche inexorable du temps reprit son cours, et elle sentit le poids de l'animal la percuter avec tant de violence qu'elle tomba de l'étalon encore lancé au galop. Le sol l’accueillit brutalement et le choc se répercuta au travers de tout son corps. L'animal qui avait cherché à la tuer était encore près d'elle, mais il ne bougeait plus. Ses yeux exprimaient un silencieux remord et lorsque la jeune fille se releva, encore sonnée, le canidé ne bougea pas plus. Un homme massif qui semblait lutter lui aussi contre les soldats la regardait d'un œil interrogateur, puis le chien le rejoignit et ils reprirent leur danse macabre.

Zejaléa quant à elle s'éloignait d'eux telle une ombre, profitant de la confusion pour se rapprocher de Genghis qui semblait en bien mauvaise posture. Il était entouré de six soldats dont agonisait. La jeune fille acheva ce dernier sans aucun état d'esprit et prit place auprès du stratège. Deux contre quatre, le combat était aurait été équilibré à armes égales mais Genghis avait de nombreuses estafilades partout sur le corps et boitait lourdement, sans compter qu'il n'avait que sa dague courte pour se défendre à cause de son handicap...Zejaléa n'attendit pas que le danger soit plus élevé encore et attaqua instantanément. Elle serpentait entre les soldats, se jouant des lames grâce à son agilité et son petit gabarit, louvoyant entre les armures et plantant sa lame aux endroits les plus vulnérables des cuirasses. Deux soldats tombèrent en un instant à peine. Ils pouvaient s'en tirer indemnes, ou du moins en vie ! Elle ne vit pas le troisième soldat foncer sur elle ne sentit que le violent coup qu'il lui assena dans l'estomac du plat de son épée...Pour la seconde fois de la bataille, son souffle se coupa ; mais son entrainement au sein de l'Ordre lui avait donné un certain nombre de réflexes et l'homme en paya le prix. La fine lame de carbone le traversa au niveau de l'estomac, lui assurant un trépas lent et douloureux.
Maintenant, Zejaléa ne plaisantait plus. Elle avisa le dernier des fantassins du regard et se mit en garde...Genghis, qui ne pouvait même plus se servir de sa jambe, l'avait blessé à la hanche et le soldat serrait les dents pour ne pas hurler. Mais comme toute personne au seuil de la mort, c'était un adversaire particulièrement imprévisible, et donc dangereux. Il attaqua directement Zejaléa de front, avec une rage non feinte, elle para d'une façon irréprochable, mais sa musculature et son poids n'étant pas du tout égaux à celui du soldat, elle sentit l'onde lui tétaniser les bras et rompit le contact des lames avant de devoir lâcher son épée...La jeune fille aperçut alors que Genghis venait à cloche-pied vers l'homme pour le poignarder, mais le soldat l'entendit...Le temps ralentit à nouveau alors que le fantassin beuglait, se retournait et enfonçait sa lame en plein dans la cage thoracique du courageux stratège qui sembla épouser le sol avec une douceur inquiétante...Elle ne pouvait y croire, ce n'était pas possible, l'arme n'avait pas pu ! Mais le soldat pour un cri de joie, presque surpris d'avoir réussi à infliger cette blessure coulant à flots à l'un des légendaires chevaliers du Feu ; et ce vivat lui confirma le pire : Genghis avait été très gravement atteint. Son cœur se rebella, son visage se ferma et elle envoya son bras prolongé par sa lame mordre le cou de celui qui avait mis un des leurs à terre...Le carbone transperça de part en part la chair et alors que l'homme tombait, le temps redevint terriblement normal.

Zejaléa courut au chevet de Genghis...Après tout, peut-être qu'il n'était pas trop tard ? Mais son espoir s'évanouit lorsqu'elle vit la blessure causée par l'ennemi. Il était comme déjà mort...L'un de ses deux poumons n'était plus que chair difforme et le sang emplissait sa bouche. Des larmes amères coururent sur son visage. Elle le connaissait peu, mais sa vie lui avait tant importé comme celle de chacun d'entre eux ! Pourquoi devait-il partir si vite ? Sentant une présence, elle releva la tête les yeux emplis de larmes et vit Sèmil...Il semblait sonné, il ne comprenait pas lui non plus. Mais elle n'eut rien le temps de lui dire que déjà le danger le guettait lui aussi...Elle lui cria un avertissement arrivé trop tard, mais avant qu'il n'ait eu le temps de se retourner, le métal avait déjà pénétré dans son corps...

Sèmil lui adressa alors quelques mots, désespérés alors que le soldat repartait semer la mort dans les rangs des apprentis...Mais elle ne le laisserait pas mourir, lui ! Délaissant le corps de Genghis qui avait rendu son dernier souffle entre ses bras, elle s'approcha du doyen le plus vite possible et s'effondra à ses côtés...
11-09-2011 à 17:12:21
L’ordre avait été donné... Il avait claqué, implacable, tout les apprentis avait du quitter la forteresse, ils étaient le dernier espoir d'Andore, la Terre était parmi eux et elle ne devait absolument pas tomber entre les mains des sbires de l'empereur. Les maîtres avaient été clairs, ils protégeraient la fuite de leurs élèves même si ils allaient devoir y laisser la vie. La survie de la Terre était plus importante que tout au monde. Syrian savait tout cela, il savait aussi que les hordes de l'empereur était en route, elles allaient submerger la citadelle balayant tout sur leur passage, elles allaient noyer tout les maîtres sous le nombre, elles allaient piller ce bâtiment sacré, elles allaient sûrement aussi le brûler... Tout cela le jeune chevalier le savait et pourtant il n'avait pu se résoudre à obéir à l'ordre des maîtres, il avait fauché la compagnie des autres apprentis dés qu'il en avait eût, il ne pouvait se résoudre à avoir sa famille mourir une deuxième fois, non, une fois suffisait amplement, il avait assez souffert lors de la mort de sa tribu, il ne pouvait se résoudre à laisser les maîtres seuls face aux hordes qui allaient déferler sur la forteresse, l'ordre des maîtres était idiot si l'ordre entier combattait ils allaient écraser leurs adversaires puis renverser l'empereur mais il ne fallait pas que les maîtres meurent, jamais les apprentis ne pourraient survivre sans leurs mentors.
Syrian remontait les couloirs en courant, jamais il ne laisserait ses pères commettre une telle folie, la fuite était peut être préférable après tout à quoi cela servait de mourir dans l'honneur et le sacrifice si ce dernier se révélait finalement vain ? C'était idiot... Inutile... Stupide... Des larmes perlaient sur le visage du jeune nomade trempant son turban, pour lui c'était comme si il revivait les pires souvenirs de sa vie, il se revoyait traversant seul l'étendue de l'ouest recouverte de champignons, il se rappelait l'odeur immonde, il se rappelait la vue de sa famille s’écroulant peu à peu, il se rappelait les cris de son clan... Syrian essuya ses larmes d'un revers de sa manche, jamais il ne laisserait un tel hécatombe se produire, il allait persuader les maîtres de renoncer à leur folle entreprise. L'adolescent pressa l'allure, ses pas résonnaient des les couloirs de la citadelle de l'ordre qui pour une fois était étrangement vide, le genre de silence qui précède un catastrophe, un cataclysme... Le clame avant la tempête.
Syrian heurta un chevalier en tenue de l'ordre, armée de pieds, derrière lui se tenait d'autre maître, ils avaient fier allure engoncé dans leur armure, tous avaient une expression grave et solennelle sur le visage, ils savaient ce qu'ils avaient à faire et ils l'accompliraient quel qu'en soit le prix, ils allaient protéger leur apprentis. Le jeune nomade fut surpris de reconnaître son maître dans la trouve cependant celui-ci fut encore plus surpris que son élève et lorsque son regard se posa sur Syrian alors ce dernier se sentit particulièrement honteux et idiot d'avoir désobéit, qu’espèrait il ? Que sa seul présence suffirait à permettre au maîtres de terrasser leurs adversaires ? Ridicule. A ce moment là il était plus inutile que jamais, il était un problème pour les maîtres... Ceux-ci allaient évidemment vouloir le sauver coûte que coûte après tout il était peut être la terre et on allaient pas prendre le risque de le laisser risquer sa vie...

-Syrian... Je t'avais pourtant ordonner de partir avec tes compagnons... La situation est critique, ce n'est vraiment pas le moment de discuter mes ordres, tu m'as toujours obéit et tu as été un apprenti formidable je comprends ce que tu ressens en ce moment mais il faut bien que tu comprennes que tu es peut être la terre... On ne peut te laisser combattre à nos côtés. Je sais que tu as perdu ta famille il y a longtemps, lorsque je t'ai trouvé au bord de ce champs de bataille j'ai su que tu ne l'avais pas traversé seul et plus tard tu m'as appris la tragédie... Je suis désolé de devoir t'imposer ça aujourd'hui mais il faut que tu saches qu'il te reste de la famille même si nous nous nous éteignons, tout les apprentis sont tes frères et soeurs et tu dois les protéger, ta place est à leur côté...
-Mais...
-Ne t'inquiète pas Syrian, c'est le rôle d'un père que de protéger son fils. Je suis désolé.
Le maître s'approcha de Syrian, sans attendre sa réponse car il la connaissait déjà, il décocha un uppercut dans l'estomac qui envoya ce dernier dans les vapes.
-Tu ne m'aurais pas écouté...
Ce n'est que bien plus tard que Syrian ouvrit les paupières, son maître était devant lui et il lui sembla que lui chevauchait une bête toutefois il ne pouvait en être sûr car il était encore dans la brume. Le nomade observa son maître avec tristesse, ce dernier l'observait avec fierté, il ne disait rien et pourtant on pouvait comprendre ce qu'il pensait, on pouvait deviner que son coeur était empli de fierté et d'amour pour son apprenti, pour son fils.
-Merci pour tout ce que tu m'as apporté, tu as donné un sens à ma vie, tu as illuminé mes vieux jours, protège tes frères et soeur, accomplissez votre quête et faites jaillir la gloire sur notre ordre et la lumière sur ce monde.
A ces mots le vieux maître donna une claque à la monture de Syrian et celle-ci jaillit des écuries au triple galops tandis que son cavalier s'accrochait tant bien que mal au rênes et mettait les pieds aux étriers. Il fallait quelques minutes au nomade pour reprendre ses esprits et se rendre compte qu'il montait le cheval de son maître, il était donc inutile d'essayer de revenir à la citadelle car la bête obéirait à la dernière volonté de son maître et ce quoi qu'il en coûte. Les hordes n'étaient pas encore arrivées et le cavalier nomade put rapidement s'éloigner de la forteresse. Pendant que sa monture parcourait la distance qui le séparait de ses compagnons Syrian repensa aux dernières paroles de son maître et son coeur se gonfla de fierté lorsqu'il réalisa que son maître l'avait considéré comme un fils ainsi ce sentiment et avait été réciproque durant les cinq années qu'ils avaient passé ensemble. Désormais Syrian n'avait qu'un objectif, retrouvé ses compagnons et les protéger après tout ils étaient sa seule famille, les derniers vestiges d'un passé bientôt brûlé. Il fallut attendre plusieurs heures avant qu'un évènement vienne perturber la course du chevalier nomade cependant au bout de cette longue attente il entendit des bruits de cavalcades et remarqua que devant lui un groupe de trois cavalier avançais au galop, des gardes royaux à tout les coups... Et ils étaient sur la trace de ces compagnons... Peut être d'autre gardes les avaient-ils déjà retrouver... Le jeune cavalier poussa sa monture au triple galop rattrapant les gardes royaux qui ne furent alertés de la présence que par le bruit des sabots du cheval dur le sol rocailleux. Syrian dégaina son cimeterre que son maître avait pris soin d'accrocher à sa selle et sans attendre une seconde il décapita le garde qui était le plus proche de lui. Le deuxième garde ne subit qu'une éraflure mais le poison dont la lame de Syrian était recouverte le terrassa sur le champs, profitant de l'élan conféré par sa charge le jeune cavalier dépassa son troisième adversaire et décapita proprement la monture de celui avant de faire faire demi tour à la sienne pour revenir achever on ennemi qui se trouvai au sol. Le nomade sourit en pendant au sermon que Zejaléa lui aurait administré pour barbarie. Finalement l'apprentis n'eût pas le temps de profiter de sa victoire car l'écho d'une bataille parvint à ses oreilles et il poussa nue nouvelle fois sa monture au galop pour arriver sur le lieu des affrontements. La rage s'empara du jeune homme lorsqu'il arriva en vue du champs de bataille, ses compagnons combattaient un ennemi bien supérieur en nombre au milieu d'un véritable maelström de flamme.
La barbarie voilà ce qui caractérisait cette bataille et Syrian ne fut pas tarder à être contaminé, du haut de sa monture il fauchait tout ce qui passait à porté de son cimeterre, ouvrant les abdomens, séparant les torses des têtes, il se sentait comme un dieu châtiant des mortels, du haut de sa monture il lui semblait que rien ne pouvait lui arriver. La bataille semblait perdue d'avance pour les apprentis pourtant la lutte était équilibrée et de nombreux cadavres de garde jonchaient déjà le champs de guerre. Les royalistes semblaient combattre plus sous la contrainte qu'autre chose car la peur emplissait leurs yeux, peut être était ce aussi du à la sauvagerie des apprentis qui se battait à un contre dix sans abandonner, une telle détermination ne pouvait que terroriser, il semblait que les jeunes chevaliers étaient invincibles, il y a avait aussi un homme que Syrian ne connaissait pas mais qui se battait lui aussi avec barbarie. Le poison du chevalier nomade faisait des ravages, une ouvertures dans la peau suffisait à paralyser un adversaire, il était alors comme mort et se faisait piétiner par adversaire et alliés. Non, il ne fallait pas rêver... Les chevaliers n 'étaient pas invincibles... Syrian aperçut non loin Zejaléa qui protégeait Sèmil comme elle pouvait, ce dernier avait sombré dans l'inconscience, non loin d’eux le cadavre de Genghis était étalée. Le sang du nomade ne fit qu'un tour et il lança sa bête au triple galop dans le champs de bataille, en une fraction de secondes il eût rejoint le petit groupe. Le jeune chevalier sauta à bas de la monture jetant un regard à ses deux compagnons tout en tenant les royalistes à distance. Syrian entama sa danse et son cimeterre ravagea les rangs des soldats autour, pour chaque coup reçu le nomade en rendait deux, il ne savait pas combien de temps il pourrait tenir, il ne savait pas si ce serait ses blessures ou ses poumons qui auraient raison de lui en premier mais il devait protéger ses compagnons.

-Il faut que vous quittiez le champ de bataille, vous n'être plus en état de vous battre toi et Sèmil, prenez ma monture et quittez la bataille.
Le jeune homme sentait déjà son souffle lui manquer, sa longue cavalcade et la violence des combats allaient sans doute avoir rasino de ses poumons mais il défendrait ses frères et soeur quoi qu'il en coûte. Le souffle du nomade ne tarda pas à devenir rauque mais il continua sa danse mortelle, esquivant les lames avec légèreté, passant derrière ses ennemis avec rapidité pour mieux leur ouvrir la gorge. Il était une ombre au milieu des flammes.

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