Andore - Prologue

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11-09-2011 à 17:37:34
La tête basse comme la tête haute, il y avait ce frisson qui prenait au coeur, agitait les tripes. Il n'était certes pas de même nature pour tous, pourtant il était là, étendant sa cape invisible dans le ciel noir. Ils avaient beaucoup à apprendre encore, les apprentis. Certains étaient excellents bretteurs, géniaux orateurs. Tous regorgaient de talents restant propres à chacun. Il leur manquait pourtant à tous la même chose ; il leur restait à apprendre la vie. Quelle tâche plus dure que celle-ci ; beaucoup de gens mourraient avant même d'avoir pu tourner une page de cet immense livre regorgeant de savoirs. Alors, ils étaient sinistres, tous en proie à leurs démons rougeoyants, tous même ceux qui gardaient un peu de voix pour plaisanter, un peu de sourire pour éclairer. La morsure brûlante de cette constatation, les brûlures ardentes de ces vies laissées pour eux qu'ils abandonnaient dans la citadelle, tout cela anéantissait son coeur. Alors elle n'avait pas assez de courage pour garder la tête haute, et pourtant bien trop d'espoir pour se mettre à fixer ses pieds. Elle gardait le regard droit, noirci d'amour et de culpabilité et ses cheveux retombaient sans entrain sur ses épaules. Tellement de questions et si peu de certitudes lui cramaient le coeur qu'elle ne savait plus par quoi elle pourrait bien commencer à songer. Elle secoua la tête, légèrement en colère contre elle-même. Toute gamine, déjà, elle avait prétendu s'habituer à cette idée. Un jour la citadelle serait attaquée, et leur maison s'écroulerait dans les flammes infernales. Elle avait fait mine de s'y résigner, comme si l'information enfin s'était gravée en lettres brillantes sur son coeur. Cela n'avait jamais été le cas pourtant. Et la raison était si simple qu'elle lui échappait cette nuit-là. Elle avait seulement trop d'espoir. Pour elle, la vie se finirait là, au milieu des pierres rutilantes, fières défenseuses du rêve d'un nouveau monde. C'est comme cela que ça aurait dû se passer. Ce n'était que des illusions, cependant ; ça avait été comme de penser que cet empereur tyrannique séculaire déciderait finalement que la joie était mieux, comme de se dire que le soleil reviendrait seul. Pourtant, elle y croyait de tout son être. Le bonheur triompherait, c'était évident. C'est pour cela aussi que la brûlure avait été si douloureuse, quand sur des lèvres paniquées elle avait lu enfin qu'on menait une attaque contre eux. Toutes les pétales de son sourire, rose ou simple pâquerette, s'étaient fanés, repliés sur elle-même. C'était comme une gifle en plein dans le visage et s'en devenait d'autant plus violent que son espoir refusait de céder. Le combat dans sa tête était un peu trop titanesque, alors son sourire était retombé, formant une route aplanie entre son menton et ses joues pâlies derrière leurs taches de rousseur. C'était trop. Trop d'illusions qui s'écroulaient comme les bâtiments s'ourlaient de sang sous la caresse pudique de la Lune. Ce qui avait toujours été sa vie … ne l'était désormais plus, et c'était comme déchirer son enfance pour la répandre aux quatre vents. Un peu de sa joie voletait dans la brise, et s'écraserait dans l'un ou l'autre champ stérile. Elle ne pouvait pas partir. Ou peut-être qu'elle ne voulait seulement pas.

Et c'était ce maître qui l'avait recueillie orpheline, un sourire ovale au visage, le coeur aux joues et de la crasse plein ses cheveux roux ce maître devenu père et ami, qui l'avait vu en premier. C'était un des rares qui l'avaient vu passer soudain de tout ce vaste optimisme à une rage contrariée et contenue. Peu de choses auparavant était parvenu à tacher son coeur de cette façon ; jamais cela n'avait été si vide en elle. Elle ne se sentait plus vraiment connectée au monde, et son sourire affaissé paraissait absorbé, perturbé, tandis que ses sourcils se plissaient sur des prunelles soucieuses. Alors il avait doucement pris sa main, en posant une autre, ferme et doucement paternelle sur son épaule. Et dans ses yeux fatigués de vieillesse précoce, dans son sourire confiant et autoritaire, dans les rides fières de ses traits, il y avait eu presque tout ce qu'il fallait pour la persuader de partir. Ils avaient parlé vite, lui surtout, elle le coeur ouvert, les yeux bordés de larmes. Il avait confiance en elle, en la mélodie qui grondait dans son coeur. C'était une excellente apprentie, avait-il dit, et les autres avaient besoin d'elle. De cet espoir infini qui pour l'instant défaillait. Il l'avait reconstruit de mots et de sourires, adoucissant peu à peu la courbe dure de ses sourcils froncés, replaçant dans l'ordre des choses la mimique de ses lèvres. Son coeur, pourtant, s'élançait douloureusement, parce que c'était beaucoup qu'elle quittait rien qu'en disant aurevoir à ce vieil ami. Puisant dans son courage ravivé, elle bomba la poitrine, se tenant aussi droite qu'elle le pouvait en vertu de ce fardeau qui pesait encore sur ses épaules jeunes. Une fraction de secondes qu'elle aurait voulu voir durer pour toujours, elle avait serré ce père retrouvé qu'elle allait perdre. Elle savait que cet aurevoir serait un adieu ; il le savait sûrement aussi, cependant, dans ses yeux elle devina qu'il serait fier de mourir là, fier de mourir auprès de ses compagnons pour sauver leurs apprentis et défendre leur demeure. Alors, peut-être que la citadelle tomberait à l'ennemi, peut-être que l'empereur en sortirait plus fort. Il resterait le bastion de leurs coeurs unis pour le contrer, nomades qu'ils seraient désormais. Marchant entre ses camarades le long de la falaise, elle jeta sans ralentir un coup d'oeil derrière elle. Là bas, la forteresse rocheuse s'éteignant, jetant ses derniers cris, hurlements d'espoir rageux. Elle se souvint des mots du maître. Elle était chevalier désormais. Apprentis mais chevaliers, paradoxe irritant ses yeux au milieu de la fille de ses amis. Alors, elle abdiqua. Il fallait désormais laisser derrière eux ce pan entier de leur passé. Dans le ciel, la Lune semblat se rire d'eux, en proie tous à des débats semblables et radicalement différents. Et pourtant les étoiles, chaleureuses courtisanes, chantaent une douce mélodie, glissante, doucereuse. Les yeux brouillés par une colère cédant du terrain à son optimisme retrouvé, elle rejoint la ronde des étoiles, joignant son coeur à elles, qui contemplaient dans haut le malheur des hommes, et qui n'y pouvaient rien. C'était bien triste que leur sort, envable pourtant lui semblait-il selon le point de vue. Elle leur sourit alors, tirant sa révérence aux dames du soir. Espoir retrouvé. Elle agita la tête, faisant virevolter les mêches légères de ses cheveux en crinière autour d'elle. L'appel de l'espoir grondait en tempête dans son coeur, de telle sorte qu'elle n'entendait plus même les murmures des ténèbres voleurs de vie. Ils avaient l'avenir devant eux, et ils en feraient un arc-en-ciel.

La vie était un combat et le leur devait s'achever par une victoire, pour le bonheur du monde entier. Elle rayonnait d'espoir virulent, à nouveau un immense sourire étalé sur le visage. Sans s'en rendre compte elle accéléra le pas machinal duquel elle avançait, et doubla l'un ou l'autre camarade morose. Dans son coeur aussi se trouvait un peu de tristesse compatissante pour eux. Dans l'optique de sa philosophie, le monde entier avait un droit à être heureux, seulement il lui fallait admettre que c'était dur de l'être en permanence, qui plus est dans un monde si ravagé que le leur. Elle n'eût pas le temps d'y penser beaucoup plus. En effet en tête de file, le jeune homme qui commandait leur petite troupe s'était immobilisé. Forcément, tous les compagnons s'arrêteraient bientôt derrière lui. C'était leur étoile montante. Il semblait à la jeune fille qu'il avait cette sorte de charisme posé, cette autorité naturelle, propre aux commandants et possédés aussi par nombre de leurs maîtres. Il était aussi le plus âgé des apprentis, et, pour autant qu'elle en sache sur lui, avait toujours vécu dans la citadelle. Pour lui aussi, le départ avait dû être déchirant. C'était, quoi ? Peut-être presque trente ans qu'il laissait derrière lui. C'était compliqué. En tous cas, il se devait plus qu'eux tous de ne pas perdre espoir, tâche ardue s'il en est. La jeune femme avait cependant confiance en lui. C'était le meilleur. Et quand bien même il avait lui aussi ses failles ; quand bien même il aurait été le plus fini des abrutis, elle lui aurait fait confiance. Parce que c'était une bonne marque d'espoir, et parce que comme tous les camarades, elle l'aimait de son amour universel, ce drôle de feu de joie qui ne se bornait pas à ses simples amis mais au monde entier. Son maître avait beau se désespérer parfois de cette manie l'on lui dangereuse, elle n'y pouvait rien. Elle avait acquis du discernement, et ne se ferait certes pas confiance à un des soldats imbéciles de l'empereur, cependant, le reste de l'univers n'y échapperait pas. Ils en avaient besoin, ces gens dans leurs chaumières, et tous ces enfants terrorisés ; toutes ces personnes surtout que l'espoir avait quittées. Pour ces gens surtout, elle avait une peine infinie ; elle se gardait nonobstant d'en entacher son sourire rayonnant. La voix du jeune chef non loin la tira de ses pensées. Immobile devant une grotte, qui semblait aussi austère qu'elle grondait de l'appel vibrant d'une terre agonisante, il déclara que ceci serait leur refuge pour cette nuit et peut-être quelques autres. Il plaisanta même, affichant sur ce un sourire bourré d'amusement. Celui-ci s'évanouit pourtant très vite. Les apprentis déferlaient doucement dans la grotte, passant devant leur meneur. Vint bien vite le tour de la jeune fille, qui serait passée sans vraiment se retourner devant le jeune homme si elle n'avait pas senti soudain la bref carresse de doigts pâles dans ses cheveux flamboyants. Elle se retourna, ensoleillée un peu plus encore par le parfum sucré de la fleur glissée entre quelques mêches rousses. Hochant la tête, elle lui adressa un sourire chaleureux.

« Tiens. C'est un peu de lumière au milieu de la noirceur d'Andore. Son blanc est si beau, parmi tes mêches rousses. Comme une étoile perdue dans un feu de joie … Ton bonheur resplendit, et il est si chaud qu'il cascade de ton crâne en une chevelure incendiaire. Tu es belle, Eileen, magnifique. Tu resplendis. Si le soleil a un visage, c'est le tien. »

Et le compliment était si beau, si vibrant d'espoir, il faisait si bien écho aux adieux de son maître que son bonheur n'en fût qu'accru. Elle inclina la tête à nouveau, en signe de gratitude, le plus beau des sourires peinturluré de couleurs bariolées sur le visage. D'un geste maniaque, elle enfonça la fleur un peu dans ses cheveux, l'acccrochant à son oreille. Elle n'aurait pas eu vraiment besoin de remercier le jeune homme tant toute sa figure exprimait un merci émerveillé, le mot glissa cependant de ses lèvres. Elle n'avait rien d'autre à dire, c'était déjà beaucoup, tellement plein de sens. Sèmil recula vers la grotte alors qu'elle s'apprêtait à y entrer elle aussi, pleine de son espoir invincible. Ce fut à cet instant-là que claqua dans l'air une plaisanterie entonnée d'une voix sarcastique et amusée. Et l'un comme l'autre des jeunes gens savaient de qui venait la pitrerie. Lifaen. Elle fit volteface, le regard irradié de glace. C'était un geste bien trop magnifique d'aimabilité pour qu'on en fasse un sujet récurrent de plaisanterie. Elle n'eût en retour qu'un bref sourire rieur. N'ayant rien de particulier contre le garçon, qu'elle appréciait au contraire, elle haussa les épaules, avec un demi-sourire faussement vexé ; plutôt plein de rires et de rêveries. C'était un bien drôle de compagnon que ce dernier arrivant, d'ailleurs. Rieur, bombardant souvent de plaisanteries amusées tout autant que sarcastiques, s'enmûrant pourtant dans la solitude le soir venu. Très honnêtement, il l'intriguait. La chaleur des flammes et des compagnons était de loin plus agréable que la seule solitude dans la fraîcheur de la nuit. C'était comme cela, cependant. Elle avait vite appris qu'on ne pouvait pas changer les gens qui n'avaient pas envie de changer. Il fallait vraiment beaucoup de bonne volonté. Alors, tout ce qu'elle se contentait de faire c'était d'être là et de laisser éclater sa joie pour leur en transmettre un peu à tous. C'était mission difficile que celle-ci pourtant, elle continuait à y croire. Un jour tous ces visages renfrognés, recroquevillés sur des pensées sinistres, s'éclaireraient d'un sourire heureux, si petit soit-il. Il faudrait bien qu'il soit un peu joyeux, quand ils auraient démantelé l'empire, et renvoyé le soleil dans son azur natal. Parce que si les héros de cet avenir hyptohétique ne s'en montraient pas contents eux-mêmes, les gens auraient un peu de mal. Ils n'avaient plus l'haitude ; depuis longtemps, l'espoir n'entrait plus dans les us et coutumes. Trop amer, trop perdu, trop beaucoup de choses. Pour elle, il n'y en avait assez. Alors, dans son coeur, elle en recueillait toujours plus, de sorte de pouvoir le distribuer à tout le monde. C'était là son rôle ; celui qu'elle se donnait à elle-même. C'était la route qui donnait un sens à sa vie. Alors, abandonnant-là les deux jeunes gens sur un bref sourire, elle entra à son tour dans la grotte. Heureuse. Déjà, les compagnons s'organisaient dans la pénombre. Bien vite, les apprentis allumèrent un grand feu autour duquel ils se répartirent, plus ou moins sombres, semblant légèrement réconfortés par la douce chaleur des flammes.

Pour commencer, elle remarqua une frêle silhouette renfrognée, se tenant debout non loin des flammes, paraissant observer la grotte sous tous ses travers. Gengis, reconnut-elle rapidement, l'observant promener un regard acéré, à l'affût du moindre détail, sur les murs de la petite grotte. Le fin stratège de leur groupe. Un membre important de la petite compagnie notamment en vertu de cette qualité. Tacticien prodige, excellent dans son art, il jouait à la perfection le rôle de médiateur éventuel. De plus, si elle se souvenait bien – ce qui était sûrement le cas – il était celui qui courait le plus vite, porté fidèlement par ses jambes. A peine plus jeune que le doyen, arrivé cependant bien plus tard dans le groupe, il avait comme tous sa place dans le groupe. Indistinctement, la jeune femme l'entendit marmonner quelque chose pour lui-même, et, aussitôt, il s'empressa de rejoindre le jeune chef. Celui-ci semblait absorbé dans d'obscures pensées, il reporta pourtant bien vite son attention sur le visage concentré du jeune homme venu lui parler. Elle devina qu'ils discutaient sûrement d'un plan de défense en cas d'attaque, ce qui n'aurait sûrement pas lieu – il lui semblait avoir compris que cet abri n'était pas connu des hordes de l'empereur. Elle haussa les épaules. Mieux valait prévenir que guérir, peut-être, aurait dit quelqu'un de raisonnable ; elle avait confiance, de toute façon. Ils s'en sortiraient. Sèmil fit signe à son interlocuteur, enfin, de rejoindre le groupe. Assise près du feu, les jambes croisées en tailleur, elle entendit vaguement une voix entamer un récit probablement tiré d'une épopée, contant les heurs et malheurs d'un chevalier sans tête. Eileen soupira, sereine. Ecoutant d'une oreille la légende par respect pour leur frère d'armes, elle décida cependant de continuer à observer ses amis. Du coin de l'oeil, elle suivit le doyen qui se dirigeait vers un jeune homme aux cheveux noirs et aux grands yeux rouges, isolé avec lui-même, semblant crouler de désespoir. Kaalan, sombre, toujours pris dans une tornade de pensées dures. Elle détacha son regard d'un Sèmil qui ne semblait obtenir aucune réponse à sa tentative de réconforter leur jeune compagnon. Ses yeux noirs pivtèrent, plongeant une seconde dans les flammes, pour finalement trouver un autre visage. Eldän, cette fois-ci, les yeux clos, probablement hanté par quelque souvenir. Ils avaient tous perdus bien trop ce soir-là pour pouvoir être entièrement heureux. Habituellement enjoué, le blond avait l'air un peu morose. Elle ne se risqua cependant pas à aller le déranger pour demander ce qu'il en était. Venait ensuite ce jeune homme aveugle qu'elle ne connaissait pas très bien. Frimain, donc. D'un geste nerveux, elle rajusta la fleur dans ses cheveux. De ce qu'elle savait du jeune homme, il avait plaisir à donner son opinion, et croyait encore en l'espoir. Dans ses pensées résonna une phrase tiré d'un conte très ancien. L'espoir ne meurt jamais. C'était tout à fait ce qu'elle croyait. Elle avait un peu de peine pour lui, se disant que jamais il n'avait vu toutes les beautés de ce monde détruit. Elle songeait à cela, fixant le plafond au-dessus d'eux, quand une voix raisonna, plus loinataine, mais passant au dessus du récit épique qu'on racontait toujours. Flinn qui sortait chasser.

Elle haussa les épaules, le regardant quitter la salle, ne devinant que son dos et ses cheveux gris métallique un peu longs. Elle n'avait rien à opposer à cela. Au contraire ; il était excellent chasseur, et s'il débusquait une proie, ce qui n'étonnerait sûrement personne, ils auraient quelques provisions. Se nourrir ne ferait de mal à personne, c'était évident, personne n'aurait pu contredire cela. Qui plus est, le jeune homme étant de nature solitaire, cela lui changerait sûrement de sortir s'occuper. C'était de loin plus constructif que de rester prostré dans un coin de la grotte, enmuré dans un silence opaque. Il sortit sous les étoiles, sans attendre de réponse. Eileen songea qu'elle connaissait quelqu'un que le fait qu'il sorte chasser embêtait sûrement un peu ; quelqu'un qui pourtant, raisonnable, ne pouvait pas lui reprocher. Zéjaléa. Eileen admirait un peu la jeune fille. Discrète mais bienveillante, elle occupait le boulot de guérisseuse dans leur petit groupe – ce qui représentrait sûrement un travail monstre à l'avenir. Qui plus est, elle lui semblait d'une patience infinie, derrière une figure mélancolique. Eileen fixa un instant le visage absorbé par les flammes, avant de détourner une nouvelle fois le regard. Ce dernier ne trouva pas Lifaen, qui, une fois de plus, s'était isolé. Se promettant d'essayer un jour de le convaincre à rester avec eux et de profiter de la joie légère du feu de camp. A défaut de cela, pour l'instant, ses prunelles tombèrent sur le visage d'Ezraël. Brièvement, elle eut un petit sourire étonné, teinté de peine. Le jeune homme, habituellement flamboyant, aussi ardent que de lourdes flammes lêchant un arbre mort, semblait s'être réduit en cendres, accablé lui aussi par le poids de leur départ. De l'autre côté du feu, elle eut un léger sourire à son attention, sachat cependant que, le regard complètement perdu dans le foyer agité, il ne la voyait pas. Elle espérait de tout coeur qu'il retrouverait la vie innée qui brûlait habituellement dans son sang bouillonnant. Rapidement, cet esquisse d'espoir brouillon se déguisa en une certitude, pleine de volonté. Elle haussa les épaules. La vie les rattrapait toujours. Le garçon ne ferait sûrement pas exception ce soir. L'espoir ne meurt jamais, disait-on. Et on avait raison.

Elle s'apprêtait à faire pivoter une nouvelle fois le regard lourd d'espoir de ses yeux trop foncés, à détailler peut-être une jeune femme blonde qui se tenait un peu en retrait, absorbant le monde entier de ses pupilles vertes. Eileen la connaissait très peu, en partie car cela faisait nettemant moins de temps que les autres qu'elle était membre de l'ordre, et sûrement aussi celle-ci était de nature méfiante, ardente de détermination. Elle l'appréciait cependant. Elle s'apprêtait donc à sortir son regard des flammes quand une voix retentit dans le silence gelé de la grotte, entre les apprentis meurtris. La voix de leur meneur, troublant le silence, probablement dûe à une nouvelle idée qu'il venait d'avoir. Attentive, elle posa son regard sur le visage d'une jeune homme, et l'écouta dûment.

« Je veux retrouver nos rêves. »

Oh. Leurs rêves. Oui. C'était cela ; il fallait rêver, rêver à un monde nouveau, un monde qui soit meilleur, pour que tout le monde puisse en profiter. Il fallait retrouver leurs rêves, et ceux de l'univers, les libérer, réduire leurs chaînes en poussière. Puis les regarder s'envoler, et puis pour finir sourire. Fixer le soleil dans les yeux, comme les parents interdisaient aux enfants dans un autre temps. Quand le soleil brûlait encore … Rêver. Garder espoir. Les mains croisées, son dos vouté soudain redressé, leur guide improvisé continua à parler, impressionnant d'éloquence. Redevenir des humains entiers. Eux ne le serait jamais, ou peut-être l'était-elle tout de même, affranchie de ses doutes, rayonnante d'optimisme, appréciant la beauté dans chacune des ruines du vieux monde et dans les affreux du renouveau. Peut-être l'était-elle, cependant ça ne suffisait pas. Non ce qu'il fallait, c'est qu'un jour retrouvé, tous les soient enfin. Peu importe si l'échéance tombait alors qu'ils se retournaient dans leur tombe, oh non, ça n'avait pas d'importance. Ils auraient réussi. Et par dessus tout, c'était ce qui comptait. Faire du monde sinistré un rêve vivant, pour que tous en profitent.

« L'espoir ne meurt jamais. »

Peut-être était-ce la voix de Sèmil, peut-être était-ce celle d'un coeur grondant à toute folie, elle ne savait pas. Tout ce dont elle se rendit compte, c'est de la joie que ça leur faisait à tous, comme si soudain la Lune et les étoiles moqueuses dans le ciel, s'étaient tous décidés à redresser les bords de leurs sourires, pour les teindre d'argenté. Les autres phrases vinrent sonner telles d'immenses cloches s'ajoutant au choeur de la nuit, vibrant au rythme d'un espoir perdu et trouvé à nouveau. Et sur quelques lèvres fleurit un sourire, à commencer par celles de leur meneur. La vie aussi revint dans le coeur du jeune homme qui tout à l'heure semblait l'avoir égarée, naissant une deuxième fois d'un doux sourire et d'un peu de mots porteurs d'espoir. Oh il y a des mots qui font vivre, et ce sont des mots innocents. Alors c'était évident, elle ne put répondre à ce premier jet d'espoir inattendu en rayonnant un peu plus encore, éclairée d'un sourire baigné d'une lumière gracieusement prêtée par le soleil.

« Nous allons rêver un monde nouveau, et l'édifier sur les cendres de l'ancien. »

C'était exactement ça. Si elle n'avait pas eu déjà entière confiance dans le jeune homme, que ce soit comme ami, chevalier ou meneur, elle l'aurait à ce moment-là accepté comme chef. Nonobstant, c'était déjà chose faite, aussi approuva-t-elle d'un sourire rayonnant et d'un hochement de tête. Il était décidément également excellent orateur. Mais peut-être était-ce aussi parce qu'il le pensait véritablement … La jeune femme ne doutait pas que ce soit le cas. Et elle appréciait cette lueur d'espoir qui miroitait désormais dans les yeux auparavant moroses de la plupart des compagnons. C'était cela qu'elle désirait le plus au monde. Rêve, bonheur, espoir. Le tout se confondait étroitement, en une douce étreinte qui accéléra légèrement les battements de coeur dans sa poitrine. La voix à nouveau joyeuse d'Ezraël, passant d'une extrême ardeur dans toute l'ardeur des flammes de son sang, retentit.

« Tu sais, Sèmil … On brûlerait plus facilement la corruption si tu savais maîtriser ta pierre ! »

Plusieurs des compagnons eurent ou retinrent un sourire amusé. Eileen étouffa un rire heureux. Il fallait reconnaître au jeune homme un humour léger, et ce n'était plus le temps de se lamenter. Rire et sourire étaient au moins un peu de mise s'ils voulaient réussir. C'était ce qui leur manquait. Ou peut-être … Une voix interrompit à nouveau le silence amusé et admiratif. Elle tourna la tête ; Flinn était de retour. Il n'avait pas dû débusquer de gibier dans les environs, aussi était-il à nouveau là.

« Il y a une différence énorme entre rêver sa vie et vivre ses rêves. "Nous allons rêver un monde nouveau" ? C'est bien, ça. … Mais il ne suffit pas de le rêver. Il faut le construire. Et pour cela il faut se battre. Alors, pour ce monde nouveau, quel que soit l'obstacle, nous le franchirons. Quel que soit l'adversaire, nous l'écraserons. Car nous allons vivre des rêves. Et en rêve, on peut tout imaginer. Il n'y a plus de limites. Nous devons donc faire voler en éclat les limites, pour vivre nos rêves. Et pour cela, il n'y a pas de secret. Il va falloir se battre. »

… Et c'était indéniable. Il avait tout à fait raison. Dans le silence de ses pensées, elle l'approuva. Même si l'espoir grondant au fond d'elle aurait voulu que cela se déroule autrement, elle savait qu'il en était ainsi. Elle l'avait appris il y a de cela bien longtemps, et ce n'était que cela dûment rentré dans ses pensées que son maître avait bien voulu poursuivre l'entraînement. Elle souriait toujours. Bien sûr qu'il allait falloir se battre. Ils étaient chevaliers – apprentis, peut-être, mais apprentis chevaliers. La vié était un combat. Surtout pour eux. Et personne de raisonnable ne pourrait nier l'évidence dédaigneuse de cette métaphore. Simplement, elle ne doutait pas qu'ils réussissent. Oh. Ils seraient blessés, mutilés, ils seraient meurtris. Ils mourraient peut-être aussi, mais il réussiraient. Elle avait confiance, autant dans la vie brûlante d'Ezraël, que dans la patience bienveillante de Zéjaléa, dans le talent sarcastique de Lifaen ou dans la force taciturne de Flinn. L'espoir ne meurt jamais. Et la jeune femme plaçait le sien en eux tous, parce qu'elle savait qu'ils pouvaient réussir. Ils pouvaient, donc ils y arriveraient. C'était peut-être aller un peu vite en raisonnement, mais c'était ce en quoi elle croyait. Ils se battraient.

Elle était tellement absorbée dans ses tornades d'espérances qu'elle ne remarqua qu'à peine que Flinn, à nouveau, s'en était allé. Les paroles d'Ezraël, ardant de désir de se battre, glissèrent doucement sur elle. Ce qui la sortit de ses pensées fut un drôle d'oiseau bleu, qu'il lui semblait avoir déjà vu quelque part. Où, c'était bien la question. Le volatile virevoleta entre les apprentis, mais peu semblaient l'avoir remarqué. Il essaya bien Ezraël, qui, lui, ne songea qu'à « manger le pigeon » comme il disait. Eileen doutait que l'oiseau soit un pigeon. Ce devait plutôt être … un geai. Un geai ? Mais où l'avait-elle déjà vu ? Elle porta son attention sur Zéjaléa, qui avait arrêté le jeune roux dans les pulsions dévorantes de son estomac, et la regarda se lever brusquement. Elle semblait avoir reconnu l'oiseau. Ce fut d'ailleurs ce qu'elle confirma de suite, déclarant qu'Arl était tout près, sûrement blessé, poursuivi par des cavaliers de l'empereur. Et aussitôt l'information la frappa au visage. Arl, évidemment. Un jeune homme secret, arrivé depuis quelques deux années peut-être, qui ne se séparait jamais de ce geai bleu. Moon. Zéjaléa, paniquée, leur recommanda encore d'épargner les chevaux, avant de se lancer à la poursuite du geai, suivie de très près par Ezraël et Fenant. La jeune femme eut du mal à réagir, encore un peu perdue dans ses pensées. Elle secoua cependant la tête, et sortit à la suite des autres.

Un peu plus loin devant elle, elle devinait Flinn. Lifaen aussi devait être parti pour la bataille. Quand elle arriva sur le champ de bataille, elle trouva le jeune homme taciturne au côté du jeune roux bouillant d'envie de se battre, tous les deux en garde. Sèmil était arrivé très peu de temps avant elle, qui avait couru au milieu des autres apprentis. En chemin, il lui semblait avoir croisé Zéjaléa et Fenant supportant Arl entre eux. L'espace d'un instant, elle aperçut Lifaan, lui aussi très sûr de lui. Et d'un coup, la bataille se jeta sur eux. Ce fut comme une déferlante, énorme vague, qui soudain les submergea. Pourtant, ils se relevaient, sortant la tête de l'eau. Ils étaient merveilleux. Chacun d'entre eux était une étoile, un petit bout de ciel brûlant vibrant ici, au rythme désastreux du coeur d'Andore. Chacun d'eux était une flamme. Ensemble ils étaient un brasier brûlant. Ensemble ils brûlaient.

C'est à peine si elle s'étonna de voir un inconnu surgir des fourrés, accompagné d'un grand chien. C'est à peine si elle se dit que ce n'était pas normal, qu'elle ne les connaissait pas. Et pourtant, elle le fit. Et en même temps, elle les remercia. Une force de plus dans la bataille ne pouvait faire de mal à personne. Deux forces pas plus. Enfin, elles feraient du mal à leurs adversaires. Mais c'était le but. C'était le but. Faire mal. Il fallait faire mal. Et. Sonnée. Elle était sonnée. Alors elle s'écroula en arrière, sous l'impact croisée de la douleur qui retentissait soudain, venant tout droit d'une flèche plantée dans sa jambe et d'une épée qui lui frappait à l'avant-bras.

Elle remarqua les flammes.

C'était les flammes d'un homme libre. Alors, elle se releva. Et, instinctivement, se battit. Sans vraiment s'en rendre compte. La flèche craqua alors qu'elle glissait sur le côté, esquivant une lame injustement venue d'en haut. Ils étaient à terre, apprentis ; ils étaient sur des cheveux, soldats. Il ne resta plus que la pointe dans sa chair, autour duquel s'agglutinait un peu de sens qui ne pouvait pas couler. Un peu de douleur mordait l'effilochade sur son avant-bras, cependant elle flottait au dessus. Curieusement, son visage fut épargné d'autres blessures que la forme effilée d'une pointe d'épée sous son menton. Ses bras cependant n'eurent pas cette chance. Ils étaient bourrés d'égratignures, heureusement pour elle, trop bénignes pour qu'elle ne se vide de son sang. Elle vit Gengis s'écrouler, elle vit Zéjaléa se pencher sur lui, sans espoir. Elle vit aussi Ezraël tomber. Et puis ce fut Sèmil.

… Est-ce qu'ils étaient perdus ? Est-ce que …

Non. Non, ils n'étaient pas perdus. Ils étaient forts. Ils … ne pouvaient pas mourir. Ils devaient … vivre. Vivre parce qu'on avait donné des vies pour eux. Vivre. Encore. Encore.

Vivre, ils devaient vivre.

Elle écrasa une larme, qui restait coincée au bord de sa joue. S'éloignant en boîtant légèrement, pour contempler la douleur légère de la pointe de flèche enfoncée dans sa chair, elle déchira sa cape et s'appliqua à serrer des bandages sur ses bras gravés d'effilochades meurtries, tournant au rouge de sang séché. Zéjaléa. Elle avait confiance en Zéjaléa. Elle allait sauver au moins Sèmil. Elle … Eileen avait confiance. Elle allait chercher Lifaen. Et elle reviendrait. Elle aiderait. Il n'y avait rien de grave à ses blessures ; elles les soignerait entièrement plus tard. Elle avait vu le jeune homme, alors qu'elle le cherchait des yeux, soutenir un instant son regard pour faire écrouler la sortie de la combe où il était entré. Comment faire pour traverser ? … Et puis, pourquoi faire ébouler la combe ?

L'espoir ne meurt jamais l'espoir ne meurt jamais l'espoir ne meurt jamais l'espoir ne meurt jamais l'espoir ne meurt jamais l'espoir ne meurt jamais l'espoir ne meurt jamais. L'espoir ne meurt jamais.

Seule, elle s'éloigna vers la forêt en feu. Encore sonnée, elle ne songea pas au danger. Elle allait vivre. Vivre. Espérer. Se battre. Alors, elle entra. Instinctivement, elle se mit à courir. Une branche sèche craqua, enflammée, et se heurta à sa joue, brûlant la peau. Une grimace tordue sur le visage, une drôle d'odeur de brûlé lui montant au nez, elle continua cependant à courir. Droit, tout droit devant elle. Droit, toujours tout droit. Elle dévala la pente. Le long de sa joue rosée, douloureuse, coulaient des mèches de cheveux brûlées. Peu importe. Sauver un apprenti. C'était plus important. Une autre branche manqua d'enflammer le tissu sur ses bras. L'épée de carbone tapait contre son dos. Elle courait, courait. Endurante d'espoir. Elle se retrouva au bas de parois rocheuses. Se battre.

Se battre.

Rêver.

L'espoir ne meurt jamais.

Elle se hissa en haut. Se battre, se battre. Elle était forte. Prudentemment, elle descendit l'éboulement provoqué par le jeune assassin qu'elle cherchait. En bas, elle s'accorda quelques secondes, pliée en deux, les mains sur les genoux, pour respirer. Se battre, se battre, se battre, se battre, se battre. C'était une drôle de litanie qui chantait dans sa tête. Elle s'élança, parcourant le chemin de montagne à toute vitesse. Elle déboucha, toujours sonnée, dans un bizarre état second, sur une énorme cuvette naturelle, entre les montagnes. Le regard de ses prunelles foncées engloba un carnage de soldats massacrés.

Ce ne fut pas comme si elle avait le temps de s'en étonner.

Elle file vers la silhouette qui se tient au milieu, les bras écartés. De loin, elle ne voit pas ses yeux fermés mais à mesure qu'elle serpente entre les corps explosés, elle les devine. C'est comme si … comme s'il s'offrait à la Lune, loin dans le ciel. Alors au fur et à mesure qu'elle s'approche, elle ralentit. Elle marche. Doucement, sur la pointe des pieds. Comme si, si elle froissait un brin d'herbe, l'équilibre cosmique allait en être perturbé. Comme si elle avait ce pouvoir … Tout ce qu'elle pouvait, c'était espérer.

Alors elle espérait.

Elle avait souvent vu Zéjaléa soigner. Elle pourrait faire ce qu'il fallait faire sur place avant de lui amener le jeune homme. Elle fait encore un pas. Et elle pose une main douce sur l'épaule du jeune homme, espérant qu'il abandonne l'idée de mourir à la Lune.

Personne d'autre ne mourrait cette nuit-là.

L'espoir ne meurt jamais.

La jeune femme aux cheveux noirs sauverait leur meneur, et elle, elle allait ramener le jeune homme. Elle avait confiance.

« Il faut te soigner. »

Il était salement amoché, avec l'arcade sourcillière défoncée, les bras effilochés couverts d'hématomes, son torse et son dos crevés de plaies, son épaule gauche amochée et son garrot de fortune fait de sa cape. Le soigner, certes. Mais comment ? Elle haussa les épaules.

« Bon. Tu dois juste ne pas mourir. »

11-09-2011 à 19:14:47
Sèmil était tombé dans l'inconscience. Le sang jaillissait à flots de sa blessure béante qui le trouait de part en part. Il l'avait appelée Zej'...Mais personne ne l'appelait ainsi habituellement...Elle avait peur pour lui, s'il mourrait ? Non, elle ne le permettrait pas ! Le combat se déroulait tout autour d'eux, mais ils étaient comme isolés du reste du monde. Et Zejaléa savait ce qu'elle avait à faire.

Elle arracha la cape de Sèmil après lui avoir ouvert la bouche de manière à ce qu'il crache son sang au lieu de s’étouffer avec, et d'un œil expert jaugea l'ampleur des dégâts. Elle faillit défaillir de bonheur : la lame, plutôt fine, était passée entre deux côtes et avait certainement dû toucher le diaphragme, ce qui ferait que le doyen souffrirait le martyr lorsqu'il respirerait les premiers jours, mais il vivrait !! Elle lui mit une bonne dose du baume qui lui restait...Elle devrait bientôt refaire ses réserves, mais qu'importe ! S'il n'avait pas perdu trop de sang, il avait une chance de s'en sortir. Et Zejaléa allait exploiter cette chance au mieux ! Elle lui murmura quelques mots d'encouragement bien qu'étant consciente qu'il ne les entendrait pas ; à moins que ce soit elle qui ait besoin de réconfort ?

"Tiens bon grand frère ! Tu ne peux pas mourir, tu m'as dit de sauver la Terre, et si c'est toi, je suis en train de le faire en ce moment même !"

Elle avait à peine fini de nouer la cape déchirée en bandage de fortune qu'une épée argentée passa devant ses yeux. Elle n'eut que le temps de reculer la tête pour éviter de finir décapitée que les quelques soldats qui semblaient les avoir pris pour cibles revenaient à la charge. Le cœur de la jeune fille se serra dans sa poitrine...Si Sèmil encaissait une seule autre blessure qui lui ferait perdre un peu trop de sang, il mourrait certainement, sa vie était aussi fragile qu'un pétale de fleur pris dans un orage et elle ne savait pas combien de temps elle tiendrait...Elle se battit avec acharnement, poussant des cris de rage et de douleur lorsque les lames s'approchaient un peu trop près de son corps. Heureusement, les impériaux devaient imaginer que Sèmil était déjà mort car ils ne s'en préoccupaient guère. Et telle une furie, elle continuait à frapper, encore et encore, et quand l'un de ses bras épuisé et meurtri, manquait de lâcher son épée de carbone, elle changeait de main pour continuer à protéger Sèmil...Juste le protéger...Toujours le protéger...Le temps lui manquait pour le soigner, l'air lui manquait pour respirer...Mais elle se défendait toujours, car son esprit brûlant ne connaissait ni la fatigue, ni le repos, juste le combat...

Alors que son âme flamboyait au risque de laisser à son corps des séquelles, elle vit une ombre à cheval arriver...Un cheval plus fin que ceux des cavaliers de l'Empereur, qu'elle identifia en un coup d’œil. Il appartenait à un maître de l'Ordre ! Et Syrian, un apprenti d'ordinaire peu enclin à se mêler aux autres était juché dessus, elle qui pensait qu'il était resté à la citadelle ! L'espoir revint avec le nomade, c'était comme si la Terre en personne s'était dévoilée...Pas que la Terre soit forcément le jeune homme, loin de là, mais il était un candidat potentiel ! Comme Genghis, comme Sèmil...
Syrian qui était encore frais par rapport à elle lui prêta très efficacement main forte, mais il semblait déjà se fatiguer...Il resta pourtant vaillamment en lui laissant quitter la bataille avec le cheval. Habituellement, elle aurait refusé, elle a déjà tant à faire ! Mais l'état de Sèmil ne lui laissait pas le choix...Elle le jucha en selle devant elle le plus rapidement possible, ce qui s’avéra particulièrement malaisé étant donné la taille du doyen, monta sur le cheval en vitesse et le lança au galop, traversant le charnier pour remonter à l'abri...Sèmil serait en sécurité dans la grotte, elle y conduisit donc sa monture. Une fois arrivée, elle déposa le jeune homme en vitesse, et refit son bandage qui s'était desserré lors de la chevauchée...Arl était parti, elle ne connaissait pas très bien le jeune homme mais se doutait qu'il ne supporterait pas l'idée de rester passif alors qu'un combat se déroulait juste à côté. Peu importe, elle n'avait pas le temps de s'inquiéter pour lui, elle devait repartir pour prodiguer un maximum de soins à tous ceux qui en auraient besoin. Elle griffonna un mot à l'intension de Sèmil avec un bout de charbon du feu mourant, laissa quelques herbes pour calmer sa douleur qu'il pourrait manger dès qu'il se réveillerait comme celles qu'elle avait laissé à peine plus tôt à Arl, comme le temps était passé vite cette nuit ! Elle ne pouvait pas réaliser l'étendue des bouleversements dans leur vie en deux jours, c'était trop monumental pour elle...
Elle remonta sur l'étalon grâce à qui elle gagnerait un temps très précieux, et repartit en direction du cœur de la tourmente...
11-09-2011 à 19:31:14
Arl se dirigeait vers le champ de bataille, peinant à aligner les pas. Certes, les soins de Zéjaléa l'avaient grandement aidé à surmonter une partie de la douleur, mais un blessure ne cicatrise pas en une heure.
Des cris de douleur et de fer lui parvinrent et il tenta de se mettre à courir avant de s'écrouler en gémissant.
Il parvint à se redresser, et se remit en route.

Arl était accroupi sur une branche. A quelques mètres de lui, des hommes s'entretuaient, mais il ne les regardait pas. Il savait qu'il ne serait d'aucune utilité dans la bataille, et que les chances de survie d'un homme dans son état étaient nulles.
Juste en dessous de lui, Zéjaléa éventrait un cavalier qui surgissait devant elle.
Arl la regarda pour la première fois pour elle, et non pas comme un fragment du puzzle de l'ordre.
C'était une jeune fille aux cheveux noirs, d'une grande douceur, et dont les grands yeux bleus semblaient défier toute la médiocrité du monde.
Arl se surprit à admirer la grâce de la jeune fille, qui se battait pour le monde et non pas pour elle, et dont la lame volait droit, précise.
Il promena ensuite son regard alentours, observant chaque corps, chaque blessé, chaque homme luttant plus pour survivre que pour vivre.

Lorsque son regard revint sur Zéjaléa, il le vit. Un homme, entaillé au niveau du cou et du bras gauche, et dont le sang coulait abondamment, s'approcha à pas de loup de la jeune fille. Un poignard luisait dans sa main, et, absorbée par son combat, elle ne remarquait rien.
Elle pivotait, esquivait, frappait avec l'insouciance de celle qui voit un avenir devant elle un homme qui mesurait deux têtes de plus qu'elle, et dont le bras se prolongeait d'une hache de guerre qu'il faisait voler comme s'il s'agissait d'un bout de bois. Il criait déjà victoire en voyant son ami s'approcher de sa proie.
Enfin, l'homme au poignard bondit, brandissant son arme dans un geste triomphant, et s'écrasa par deux fois -la tête et le corps- à côté de la fille.
Arl se hissa de ses jambes sur la branche et nettoya sa faux pendant que Zéjaléa achevait son adversaire médusé.
Puis, Arl s'enfuit, craignant curieusement que la jeune personne réalise se présence, mais dont la jambe blessée ne lui permettait pas toute la discrétion voulue.

Son regard fut ensuite attiré par un loup. Certes, un loup n'est pas objet à s'émouvoir; mais celui-ci était seul, calme et droit. Une certaine fierté émanait du canidé, fierté étrange pour un animal fuyant le lieu d'une bataille. Arl comprit, en voyant l'homme qui marchait à ses côtés.
Le loup de Lifaen.
Loin de le rassurer, Arl était médusé par le comportement de l'assassin. Pourquoi quittait-il la forêt, pleine de cachettes, pour se mettre à découvert alors qu'il était blessé ?
Arl le suivit quelques minutes, mais dût abandonner lorsqu'il arriva aux montagnes. Il ne tenait pas à être surpris par un impérial dans son état.
D'un autre côté...
Avait-il le droit de peser sur la vie de ses alliés inutilement ? Les laisser se battre en regardant cicatriser la blessure ?
Il en arrivait pour la première fois à une question qu'il avait esquivé toute sa vie:
"Ma vie a-t-elle plus de valeur qu'une autre ?".
L'image de Moon apparut dans son esprit. Il n'avait pas le droit de mourir, ou Moon mourrait avec lui.
Répondant à ses pensées, le geai surgit des sous-bois et revint se percher sur son épaule, rendant son intégrité à leur âme.
Alors, l'image de Moon se troubla pour faire apparaître celle de la jeune fille qui l'avait sauvé.
Il n'avait pas le droit de mourir étaient inexact.
Aucun des membres de l'Ordre n'en avait le droit.
Et aucun d'entre eux n'avait le droit d'en sacrifier un autre.

Bornac Soulivent. Il chevauchait, sabre au clair, au milieu des cadavres, insensible au massacre qui avait eu lieu ici. Il se réjouissait de l'occasion de tuer, et s'imaginait déjà égorgeant un homme à terre, qui demanderait grâce. Et il mettrait fin à ses souffrances, magnanime, de sa main droite, la gauche levée vers le ciel dans un geste majestueux.
Lorsqu'il aurait tué tout le monde, on le décorerait, puis il deviendrait officier. Il aurait des hommes sous ses ordres et...
Il fut arraché à ses pensées par un petit cri bref, un oiseau, sans doute. Il regretta ce moment d'innatention et se concentra sur sa tache. Soudain, son cheval hennit, la tête ensanglantée, et déclencha une ruade qui propulsa l'homme à terre. Il hurla, les deux chevilles brisés, avant de remarquer qu'un jeune homme penchait sa tête au-dessus de lui.
-Vous pouvez vous estimer heureux. Un peu plus tôt, et vous finissiez agonisant sur le sol, empoisonné par une dague.
Bornac le regarda, incrédule. Qui était-il pour oser se moquer ainsi de l'empereur ? Le jeune homme était en train de regarder ses yeux. De LIRE ses yeux.
-C'est triste, quand on a de si grands projets, de finir décapité par un infirme. Ça vous apprendra à arriver à l'heure pour les batailles.
Soulivent, à terre, ouvrit la bouche.
Il n'eut l'occasion de rien dire. Il n'en aurait plus jamais l'occasion.

Arl appliqua un lambeau de vêtement déchiré à la tête du cheval et partit au galop vers la grotte.
12-09-2011 à 12:57:07
Les flammes.. Tout devenait flamme, rien ne résistait aux flammes dévorantes, rien ne se dressait contre le feu vorace qui s'étendait sans adversaire. Une goutte sueur perla sur le front d'Ezraël.. Zéjaléa allait le tuer. Et pire que ça, c'est tout le champ de bataille qui sombrait dans l'inferno brûlant qu'il avait déclenché. Effaré, il regardait l'incendie s'accroître sans cesse sans pouvoir faire quelque chose. Sa main étroitement serré sur la garde de son épée, il avait complètement oublié les chevaux et leurs cavaliers qui menaçaient sa vie, il avait complètement oublié qu'il fallait se battre. Obnubilé par les flammes, livide devant la catastrophe qu'il avait causé il aurait pu rester pendant des heures sans bouger un pouce, mais le tumulte soudain qui mata le bruit des flammes le ramena brusquement à la réalité.
Ses compagnons.. Ils étaient arrivés, ils se lançaient sans aucun doute dans l'enfer atroce qu'Ezraël avait par mégarde créé, le fer de leurs épées déchiraient la chair de leurs ennemis. Ils se battaient tous.. Pour Andore. Détournant son regard des flammes, il vit avec surprise une lame qui fendait l'air droit sur lui. D'un cheveux Ezraël esquiva l'épée de son ennemi et il plongea aussitôt la sienne sous la garde grande ouverte transperçant le thorax du soldat. Avec un bruit de succion il retira son arme et fit face aux trois autres soldats qui s'approchaient lentement de lui. Sûrement à cause des flammes leurs chevaux avaient refusés d'obéir et ils avaient été forcés de mettre pied à terre. Sans attendre qu'ils soient plus proche, Ezraël s'élança. Au diable les flammes ! Maintenant il fallait tuer et apporter la mort ! Avec une vitesse surprenante il entailla profondément le premier soldat au niveau des hanches avant de parer puis d'esquiver deux autres lames qui fonçaient vers lui. Sa propre lame vint ensuite fendre l'air et un soldat tomba mort. Sa jambe se leva et se logea dans l'estomac de l'autre qui en eut le souffle coupé. D'un geste clair et net Ezraël le décapita un sourire sans joie sur le visage. Il ne souriait non pas parce que tuer lui apportait un plaisir macabre. Non c'est juste qu'il était incapable de ne pas sourire.
À travers un rideau de flammes, il lui sembla apercevoir une silhouette grande et dégageant une puissance inexplicable. Rien ne lui résistait, elle semblait balayer avec grâce tout ce qui se dressait sur sa route, rien ne pouvait l'arrêter. C'était la victoire qui s'avançait sur le champ de bataille semant la mort. C'était Sémil qui se battait. Tel le glaive tranchant de la justice son épée se levait et se rabattait sans qu'aucun ennemi n'en réchappe, rien ne venait le menacer. Il était invincible.
Galvanisé par la présence de son chef, toute catastrophe oubliée Ezraël traversa les flammes en direction du coeur de la bataille . Allez ! Maintenant était l'heure de faire payer leurs infamies à tout les soldats du traître ! Maintenant était l'heure de déchirer toute chair ! Maintenant était l'heure d'instiller la crainte dans le coeur de leurs ennemis !
Au milieu du champ de bataille, c'était le chaos véritable qui régnait. Les chevaliers devaient faire face à une véritable marée d'ennemis. Cavalier, soldats à pied ou chiens de guerre. Leurs seul et unique but était de tuer dans l'oeuf les la révolte que les chevaliers amenaient avec eux.
Manque de chance, ce soir la victoire marchait avec eux. Sémil était parmis ses hommes. Lui qui était leur chef, s'élançait pour les aider sans craindre pour lui. Lui dont la vie était si importante pour qu'ils accomplissent leurs quête se dressait en rempart devant leurs ennemis. Lui, possédait l'étoffe d'un chef. Le coeur gonflé de fierté, Ezraël se battait derrière son chef, faisant lui aussi face à un flot de soldats et chiens, sans véritablement se rendre compte que Sémil boitait, sautillait vers l'incendie omniprésent.
Encore plein de vigueur et d'énergie Ezraël déferlait comme une tempête, son épée arrachant des cris de douleurs à ses adversaires. Dans les yeux de chacun se reflétaient les langues de feu qui léchaient le paysage et luisait une terreur sans nom. Qu'ils craignent, qu'ils redoutent la mort ! Que le sol d'Andore s'abreuve du sang des traîtres ! Ezraël retira son arme du corps de l'animal qu'il venait tout juste d'achever et releva la tête avant de repartir à la charge. Et la.. Et la il s'aperçut qu'une silhouette tombait à travers les flammes présentes partout sur le champ de bataille. Cette silhouette.. Il la reconnaissait pour l'avoir vu tant de fois. Cette silhouette c'était.. C'était.. Ghengis. Non.. Non ça ne pouvait pas être lui ! Avec rage Ezraël se dirigea vers l'endroit où il l'avait vu chuter. Bien devant lui, Sémil semblait également l'avoir vu et se dirigeait également la bas. C'est à ce moment qu'Ezraël se rendit compte des nombreuses blessures que portait son chef. Il était véritablement dans un sale état. Avec empressement il se mit à accélérer du mieux qu'il put pour rattraper un Sémil déjà blessé, mais sans cesse des ennemis vinrent lui couper la route, et le tempétueux chevalier fut lourdement ralenti. Avec inquiétude et colère Ezraël se débarrassa le plus rapidement possible des ennemis qui barraient sans route. Mais à chaque fois il y en avait un derrière pour remplacer l'autre et bientôt la lame du chevalier fut recouverte entièrement de sang, à telle point qu'elle avait du mal à pénétrer les armures et que le carbone était à peine visible. Puis enfin.. Enfin il acheva le dernier chien qui séparait sa route de celle de son chef et… Celui-ci tomba son dos traversé par une arme ennemi. Il tomba à genoux. Le temps semblait s'être figé, tandis que Sémil agonisait dans les bras de.. De Zéjaléa. Non loin Genghis gisait.. Mort sans aucun doute. Les yeux d'Ezraël s'agrandirent et sa bouche s'étira en une grimace horrifiée. Puis la rage. La rage sans nom vint déformer les traits du chevalier et un long rugissement inhumain vint déchirer le tumulte de la bataille. Cette escarmouche n'était plus un jeu. La chute de Sémil l'avait soudainement rendu plus réelle, plus dangereuse. Et surtout elle avait fait naître une violence extrême dans le coeur d'Ezraël. Jamais. Jamais une telle rage n'était jamais venu exploser en lui. La mort de leurs maître. La mort de Genghis, et Sémil qui agonisait… Ils allaient payer !
Avec une nouvelle vigueur Ezraël se mit à courir. Devant un chevalier avait surgi et venait de permettre à Zéjaléa et Sémil de s'échapper, par contre il faisait maintenant face a plusieurs ennemis. Accourant sur la meute de soldats, Ezraël s'élança ses traits exprimant un sentiment indéfinissable de rage et de haine. Il ny allait non pas protéger son camarade, mais plutôt pour tuer les soldats. Ezraël allait s'élever comme le bras vengeur. Bientôt les soldats de l'empereur ressentirait la peur et la terreur. Bientôt la mort viendrait les prendre dans son étreinte glacée. Sans aucun ressentiment, Ezraël massacra ses ennemis de son épée, une force nouvelle dans ses bras. La rage. La puissante rage animait ses bras qui s'élevaient et se rabattaient sans cesse, arrachant des cris de douleurs et des gerbes de sang qui vinrent éclabousser le chevalier. Qu'ils meurent tous ! Qu'ils sentent sa rage ! Comme une déité vengeresse, ses cheveux rouges comme les flammes qui enserraient le lieu tout entier, Ezraël faisait couler le sang de ses ennemis à flot. Tuant sans distinction hommes, animaux. Il ne prenait même pas la peine d'achever tout ses ennemis, laissant certains agoniser sur le sol.
Son bras ne se rabaissa que quand le dernier de ses ennemis tomba mort sur le sol. Pataugeant littéralement dans le sang Ezraël put maintenant reconnaître le chevalier qui était venu en aide à Zéjaléa et Sémil. C'était Syrian. Normalement Ezraël se serait rué sur lui, content de le voir de retour. Cependant il n'était pas dans son état normal. Il aurait voulu lui hurler pourquoi il n'était pas arrivé plus tôt. Pourquoi il n'avait pas put sauver Sémil. Pourquoi il n'avait pas put sauver Genghis. Cependant le bouillant chevalier n'en fit rien et adressa un bref signe de tête à Syrian. Puis il se retourna lentement, les flammes étaient toujours aussi présentes, tout comme il restaient encore pas mal d'ennemis. Avec un rictus, Ezraël s'élança partout ou se trouvait des soldats de l'empire sans plus se soucier de Syrian. Non, il devait venger son chef, il le devait et c'était tout. Rien d'autre ne le motivait plus que maintenant. Maculé de sang, la présence du chevalier vengeur semblait emplir de crainte les troupes ennemis dont les orbites s'agrandissaient à chaque fois qu'ils l'apercevaient. Ayant oublié sa cape, Ezraël ne portait que sa tunique, surmonté de sa légère armure de cuire noir. Cependant le noir se distinguait avec peine, tant il était recouverte de sang. La peau d'Ezraël était dans le même état tout comme son visage. Et les flammes qui reflétaient le rouge sanglant rendait son apparence encore plus terrible.
Pendant de longues minutes Ezraël fit danser sa lame, sur tout ce qui se trouvaient devant lui. Sans faire de distinction il tuait inlassablement. Sans même faiblir. De toutes façon il ne faiblirait pas. Pas tant que la haine était présente. Frappant avec une force inouïe sur les lames et les armures, les soldats semblaient désespéré de ne pas le voir se fatiguer et certains poussèrent des cris de terreur en le voyant arriver. Tant mieux. Ezraël les ferait ressentir toute sa rage et sa haine bouillante. Il allait tous les tuer ! Sans se soucier de ce qu'il pourrait lui arriver il continua le combat à grand renfort de cris et de rugissement. Il allait imprimer au fer brûlant l'image de sa colère. Autour de lui les flammes grondaient aussi fortes que son courroux qui semblait ne pas vouloir s'apaiser. Laissant libre court à toutes ses émotions négatives, son bras virevoltait semant la mort. Il se battait comme un diable sans se soucier d'autres choses, laissant dans son sillon une véritable boucherie humaine et animale. Certains cadavres étaient complètement défigurés, certains n'avaient même plus de visage, d'autres n'avaient plus de membres. Sans crainte il fonçait partout. Ezraël n'avait pas peur de mourir, il n'avait jamais eu peur de mourir. Et ce soir ou tout semblait fou, autant dire qu'il ne pensait pas à mourir. Il pensait à tuer, seulement à tuer et se venger. Cette nuit la violence était sa soeur, la force était sa mère, la terreur était son père et la mort, la mort était dans son épée. Avec toute la puissance d'un volcan crachant son ire, Ezraël parcourait le champ de bataille de long en large, toujours avec la même rage qui semblait ne pas vouloir s'éteindre comme les flammes qui dansaient sempiternellement.
En ce moment même les elles représentaient Ezraël. Sans cesse grandissante, instable, infatigable, incontrôlable, elles étaient Ezraël. Et Ezraël était les flammes.

12-09-2011 à 18:12:48
Inspiration profonde. Flinn ferma les yeux et se concentra sur chaque parcelle de son corps. Chaque muscle, chaque articulation. Son esprit avait plongé à l'intérieur de lui-même, physiquement. Il s'était glissé jusqu'au bout de chaque doit, chaque ongle, chaque cheveux. Les yeux toujours fermés, le jeune guerrier amplifia sa perception des choses extérieures. D'abord, l'ouïe. Le plus facile... Ensuite, l'odorat. Pour finir, le toucher. Maintenant il contrôlait non seulement son corps dans ses moindres détails, mais il ressentait aussi tout ce qui l'entourait. Le claquement sec des sabots des nombreux chevaux qui s'approchaient résonnait dans ses oreilles. La vibration grandissante du sol au rythme du martèlement de ces mêmes sabots s'offrait à lui sous ses pieds, de même que la caresse du vent sur sa peau. Il pouvait déjà sentir l'odeur de sang et de métal qui flotterait sur tout le champ de bataille une fois les combats engagés. Ses mains se serrèrent sur les manches de ses tonfas de bois.
Son esprit était vide. Seul comptait lui-même et ce qui l'entourait.
Comme on allume une torche dans le noir, Flinn définit avec soins ses objectifs pour ce combat. Ses objectifs... Il ne s'était jamais battu contre un cavalier, ni contre autant d'adversaires armés et disciplinés. Son principal objectif aurait du être la survie, dans ce cas. Pourtant, il ne parvenait pas à s'en contenter... Après une longue réflexion, il choisit de n'allumer qu'une seule torche. Il est bien plus aisé de se concentrer sur une seule lumière.
Le combat.
Oui, c'était tout. Cela suffisait amplement. En se concentrant là-dessus, il ferait une chose qu'il savait faire. Son manque d'expérience ne serait plus un handicap. Il devait simplement se battre.
Le combat.

Flinn ouvrit les yeux. Les ennemis étaient déjà visibles. Portant à ses lèvres l'anneau qui pendait à une chaînette autour de son coup, il adressa à la Lune un prénom qui se perdit dans le vent. Flinn plaça soigneusement ses appuis et leva ses armes.
Il était prêt à se battre.

Le premier cavalier qui l'approcha ne sembla pas étonné de le voir rester immobile devant sa charge. Sa lame fouetta l'air. Lancé à pleine vitesse, avec un mouvement répété des centaines de fois, destiné à décapiter un ennemi à pied, la force et la rapidité du coup étant décuplées par le galop du cheval. Jamais il ne pourrait éviter cela, ni même le parer. L'acier décrivit une courbe meurtrière en direction de la gorge de l'apprenti... Et passa à travers. Comment cela était-il possible ?? Le soldat n'eut pas le temps de se poser la question. L’extrémité d'une grande tonfa d'un bois sombre, peut-être de l'ébène, venait de lui pulvériser les côtes. Flinn bondit sans chercher à savoir si son adversaire était mort. Il savait que celui-ci ne pourrait pas se relever.

Ses armes ne perturbait pas du tout ses mouvements, il pouvait se déplacer comme s'il n'avait rien dans les mains. Il lui suffisait de leva le bras pour bloquer une lame : le bois des tonfas longeait ses avants-bras jusqu'au coude, même un petit peu plus loin. L'autre extrémité s'avançait d'une dizaine de centimètres devant son poignet, ce qui lui permettait de donner des coups de poing de divers Arts Martiaux en frappant avec le bois. Cette force destructrice était sans pareil. Mais la plupart de ses ennemis ne s'en rendaient compte qu'au moment où il les frappait. Une impulsion puissante, un éventuel mouvement du buste pour passer sous une attaque ou une garde, un coup. Cela suffisait au moins à mettre à terre les soldats impériaux.

Flinn avisa à peine les flammes qui s'élevaient, de plus en plus menaçantes, sur un côté du champ de bataille. Ses yeux se posèrent sur une silhouette grande et très bien bâtie, aux poings énormes qui faisaient un ravage considérable. Il ne s'en préoccupa pas, le fait de le voir fracasser le crâne d'un ennemi lui confirmant que ce combattant était un allié. Sautillant sur la pointe des pieds, d'un rythme rapide, il se décala imperceptiblement, tourna la tête d'environ un millimètre, recula les épaules si peu qu'on ne pouvait s'en apercevoir à l’œil nu. La pointe d'acier d'une épée chatouilla ses cils, tandis que le cavalier qui venait de frapper le regardait, hébété. Il y avait de quoi : sa lame venait de traverser l’œil de cet adversaire capuchonné ! Certes, on n'y voyait pas bien, l'ombre de cette capuche masquant légèrement le visage de l'apprenti. Mais il était sûr de son coup. Lui, soldat d'élite, connaissait avec une précision diabolique les dimensions de son arme, véritable extension de son bras. Son épée venait de traverser sa cible sans la toucher. Alors que l'atémi que Flinn porta au plexus de l'impérial, qui paralysé par la surprise avait arrêté la course de son cheval, toucha bel et bien. Avec une violence inouïe. L'uppercut droit qu'il plaça amena sa tonfa à percuter le menton de l'homme plié en deux sur son cheval, et lui brisa à la fois la mâchoire, la nuque et la plupart des os du visage probablement. Flinn était froid et implacable. Si sa vitesse de course n'était pas la plus rapide du groupe, ses impulsions sur un pas rivalisaient avec les mouvements de Lifaen, lui procurant à la fois l'occasion d'esquiver, de passer sous la garde et de frapper d'une puissance mortelle.

Le combat.
Sous le regard de la Lune, Flinn n'avait besoin que d'un coup pour vaincre. Mais il ne réalisait pas encore tout ce qui se passait autour de lui. Il ne voyait pas ce qui arrivait à ses compagnons, à Lifaen, à Genghis, à Zéjalèa, à Eileen, à Ezraël, à Sèmil.

"- Crois-tu en le Destin, Néo ?
- Non. Je ne supporte pas l'idée que quelqu'un dirige ma vie à ma place.
- Précisément. Et je suis fait... pour te comprendre.
" - Matrix.
14-09-2011 à 20:31:49
Zejaléa galopait en direction du champ de bataille après avoir mis Sèmil à l'abri. Elle n'entendait plus de cris, plus de hurlements ni de lamentations. Le combat contre les cavaliers impériaux semblait s'être terminé, mais il restait un ennemi tout aussi dangereux à vaincre...Le Feu qui brûlait les quelques rares restes de vie d'Andore...La jeune fille sentit malgré elle ses yeux s'embrumer, la terre était moribonde, il ne pleuvait presque plus, il n'y avait jamais de soleil et la Lune elle-même était bien pâle, alors si un feu passait par là, jamais les arbres ne repousseraient avant des centaines d'années...
La forêt flamboyait de plus belle au fur et à mesure que Zejaléa s'approchait de sa destination. Cela ressemblait à un purgatoire où la Terre exhalait sa colère envers la cruauté du monde de l'avoir dépossédée à ce point.

Le Feu...Mais les cavaliers n'en avaient pas ?! De plus, ils n'avaient aucun intérêt à en allumer un durant le combat...Ce serait donc un Feu d'origine magique ? Un feu accidentel déclenché par l'un des apprentis de l'Ordre ? Un infime espoir apparut alors dans le cœur de Zejaléa, comme un échappatoire lointain, mais présent, se dévoilerait à un prisonnier. Elle pourrait certainement éteindre le Feu grâce à sa Pierre s'il était issu de l'une de ses semblables ! Pourtant, il lui restait un obstacle de taille. Elle n'avait jamais éteint de feu sur une si grande distance et ne savait même pas comment s'y prendre, elle n'avait jamais éteint que des petits feux de camp aisément maitrisables ! Sans compter qu'elle ne pourrait pas éteindre un feu normal avec son manque de connaissances, et dans cet incendie le feu de base avait beau être d'origine magique, elle ne savait pas s'il avait gardé la propriété du lien avec les Pierres de Feu. Pourtant, elle n'avait pas le choix, car même si elle ne prenait pas en compte la flore locale, plus le feu brûlerait longtemps et plus d'autres troupes éventuelles de l'Empereur, que le souverain aurait pu envoyer pour s'assurer de l'extermination totale des apprentis, avait de chance de les repérer !

Sa décision était prise. Zejaléa arrêta son cheval à quelques mètres des flammes qui venaient lécher les flancs de la montagne de plus en plus haut à chacun de leurs assauts, mais elle ne descendit pas de sa monture. Elle sentait qu'elle devait faire quelque chose. La jeune fille prit sa Pierre de Feu d'entre ses mains et se concentra intensément sur le brasier chatoyant qui rugissait si près d'elle.

Des fragments de lumière...Des liens entrelacés entre eux...Si chauds...Sa Pierre si douce brillant comme le Soleil perdu de tout un monde froid au creux de ses mains blanches. Si elle parvenait a dénouer ces entrelacs, le vent pourrait peut-être se charger du reste...Mais comment devait-elle procéder ? N'ayant aucune technique, elle se décida de se fier à son instinct, et elle plongea...
Elle sentait le feu dans ses veines et sur sa peau, elle entendait une mélodie lugubre dans cette immensité onirique qui résonnait sur le même tempo que son désespoir. Elle s'en éloigna à la recherche d'une solution et elle vit alors ce qu'elle cherchait. Devant elle, des nœuds dévorants, teintés d'amertume et de colère. Le feu n'était pas vivant à proprement parler pourtant, mais celui-là semblait avoir un esprit propre...Puis elle comprit que c'était en réalité les arbres fraîchement brûlés qui exhalaient cette rage. Ils avaient été abattus et leur esprit se dissipait comme leur enveloppe charnelle...L'instinct de Zejaléa la guida jusque dans le cœur de la tourmente, et sa Pierre de Feu scintilla alors comme elle ne l'avait jamais fait. La jeune fille ne savait plus déterminer la frontière entre le réel et l'irréel, elle ne savait même pas si elle était simplement en train de faire un rêve fou, ou peut-être était-elle morte en combattant aux côtés des autres apprentis ? Peu importe, Zejaléa se sentait vivante et jamais elle n'avait encore eu l'impression de ne faire qu'un avec le monde à ce point...Elle se sentait enfin complète plus qu'elle ne l'avait jamais été et sentait en sa Pierre plus qu'une arme puissante...Elle contrôlait le Feu...Avec une facilité qui lui parut déconcertante, elle délia les nœuds avec précaution jusqu'au dernier en oubliant le temps. Enfin, elle s’extirpa et revint subitement à la réalité...

Elle était seule, debout au milieu des arbres carbonisés, mais sans flammes ! Le cheval la regardait quelques mètres plus loin, comme surpris par sa distance...Dans sa "transe", elle avait dû descendre de sa monture qui était heureusement entraînée à côtoyer le feu comme tout cheval de l'Ordre. Elle comprenait enfin l'éclat qui brillait dans les yeux des plus adroits des maîtres du Feu. Zejaléa n'avait aucune idée de comment réitérer son exploit, mais peu importe, l'important était que le feu ait cessé d'indiquer leur position aux armes impériales...

La jeune fille s'avança pantelante auprès de son cheval et parcourut les dernières centaines de mètres qui l'éloignait du lieu où Genghis avait perdu la vie...En pensant à lui, la jeune fille dut refouler ses larmes. Il était mort trop vite, trop tôt...En arrivant sur les lieux, seules quelques silhouettes étaient debout. Des Chevaliers du Feu, assurément. Mais dans quel état ? Zejaléa s'en voulut de s'être laissée griser par sa fusion imprévue avec la Pierre, et si un autre de leurs amis était mort alors qu'elle aurait pu le sauver ? Elle en eut la nausée. Elle se dirigea vers ses compagnons, mit pied à terre et chercha les visages qui lui étaient si familiers du regard. Ils présentaient des blessures plus ou moins graves et des brûlures à divers degrés, mais ils semblaient qu'ils soient tous là, à part...Eileen et Lifaen ? Sans même prendre le temps de parler longuement aux autres, elle remonta sur le cheval, et traversa le charnier à la recherche de l'un d'entre eux...Vivant ou mort...
15-09-2011 à 08:30:24
Entre les arbres enflammés et les soldats agonisants, Leahna tentait tant bien que mal de reprendre son souffle qui se faisait fuyant. Elle était littéralement épuisée. Le combat l'avait vidée de toute force tant il avait été rude, de part le fait que les fumées qui s'échappaient des flammes étaient extrêmement désagréables, et des chiens tout droit sorti des livres de biologie qu'elle avait lu. Mais à présent tout semblait terminé. Enfin ! Avec un sourire ironique, elle se rappela du début de soirée qui avait été bien rude pour tout les chevaliers.

Haine, rancoeur, dépit, peine, tristesse, appréhension, Leahna avait ressenti tout ce flot d'émotions à la fois. Bien trop complexes pour qu'elle les comprenne avec exactitude, leurs poids avait semblé cependant peser lourd sur les épaules de la jeune fille qui avait marché accablée. Comme tout les membres du groupes, elle n'avait été guère d'humeur joyeuse ce soir la. A vrai dire qui aurait pu vraiment l'être ? Les chevaliers avaient de tout quitté, pour se lancer dans une quête incertaine dont personne ne connaissait les probabilités de réussite. Mais il fallait espérer, sinon on tomberait. Espoir. C'est fou comme un mot permet aux hommes de survivre, s'accrocher désespérément à la vie. Vie que leurs maîtres avaient sacrifiés sans hésitation pour leur permettre de survivre et d'échapper aux hordes de l'empereur. Il avait éé drôle pour Leahna de penser que son père aurait normalement dût faire parties de ces braves chevaliers, mais qu'il avait été trop lâche pour le devenir. La jeune fille ne savait plus quoi penser à propos de lui. Petite elle l'avait toujours adulé, c'était son héros d'enfance, celui avec qui elle avait rêvé d'un jour, se marier. Puis quand ses parents l'eurent abandonnés à la citadelle, ses sentiments devinrent complexes. Partagée entre la culpabilité de ne pas avoir été une bonne fille, la haine qu'il ait osé l'abandonner et l'amour qui lie un père à sa fille, elle n'avait plus sut quoi penser par la suite. Mais plus tard, son maître lui parla d'un de ses compagnons qui s'était jadis enfui de la citadelle dans la peur de devenir chevalier et dans le portrait physique qu'il lui fit, elle avait reconnu son père. La haine s'était ensuite substitué aux autres sentiments, avant de céder à l'amertume et une fois de plus à la culpabilité. Elle avait mis du temps à s'habituer à l'absence de ses parents..

Puis après la dure marche, il y avait eu l'épisode de la grotte, ou trop lasse elle s'était directement installé près du feu. Tombant très vite dans un demi sommeil, l'arrivé d'un geai bleu l'avait subitement réveillée. Celui après avoir voleté d'un chevalier à l'autre avait choisi Zéjàléa comme perchoir et très vite elle s'était levée pour annoncer un combat et qu'un de leurs compagnons était blessé avant de sortir dehors. Ezraël et Fenant s'étaient rué à sa suite, puis tout les chevaliers sous l'ordre de Sémil avaient aussi déserté la sombre grotte pour se jeter dans les griffes du champ de bataille.


Ensuite était venu.. Le véritable chaos, l'enfer véritable du combat acharné que décrivaient les livres de la bibliothèque de la citadelle. Les chevaliers avaient du faire face à une véritable marée d'ennemis, à cheval et accompagnés de chiens au crocs bien long et pointus. Mais surtout.. Surtout à la véritable fournaise qui avait calcinée tout les arbres et la végétations des alentours et grandement gêné tout le monde. Dès les premiers instants du combat, Leahna avait complètement perdu de vue tout ses camarades et avait eu la désagréable et fausse impression de se battre seule. Le combat avait continué ainsi durant de longues minutes, de très longues minutes avant qu'elle n'aperçoive plus aucun ennemi à l'horizon.


À présent elle marchait sur le champ de bataille en jetant des regards effarés aux flammes qui elles, ne s'étaient pas éteintes et étaient toujours aussi vivace. Le sol était jonché de cadavres sanglants et elle remarqua avec effroi que beaucoup n'avaient plus de visage, ou que certaines portaient de très grosses blessures sanglantes. Par endroit le sol était avait été rendu si poisseux par le sang, qu'on n'apercevait qu'avec peine la couleur du sol. On aurait eu aucun mal à croire que le champ de bataille avait été un abattoir destiné à recueillir des montagnes de liquide vermeille, . Les chevaliers s'étaient ils battu avec tant de sauvagerie ? Apparemment.. Même eux aussi n'étaient pas à l'abri de commettre des actes de barbarie, mais eux au moins contrairement à l'empereur leurs cause était juste, bien que cependant rien sur Terre ne méritait sur cette terre une telle effusion de sang.
D'un geste lent Leahna replaça une mèche de cheveux derrière ses oreilles, en se demandant où étaient ses camarades. Les langues de feu encore présentes partout sur le champ de bataille l'empêchait de voir correctement et elle poussa de nombreux grognement agacé. Puis soudain sans prévenir, elles vacillèrent, rétrécirent et s'éteignirent dans un bruit de bourrasque. Surprise Leahna haussa un sourcil avant de se dire que c'était tant mieux, peu importe la cause. D'un pas traînant elle continua de marcher en respirant péniblement. Elle était vraiment très.. Très.. Très fatigué. Le combat avait décidément été vraiment très ardu. Cependant elle était globalement plutôt contente d'elle. Elle n'avait reçu aucune blessure très grave durant le combat, seules quelques légères entailles parsemaient ses deux bras, la faisant parfois grimacer, mais c'était tout. Par contre, les fumées qu'elle avait inhalée pendant la bataille la faisait toussoter maintenant. Elle avait la désagréable impression d'avoir les bronches encombrées et que sa respiration était légèrement sifflante. Mais bon. Le plus important pour l'instant était de retrouver ses camarades et elle continua d'arpenter le champ de bataille en long et en large. La peur de voir le cadavre d'un de ses compagnons commença à s'instiller douloureusement en elle. Puis enfin heureusement une silhouette sembla se découper entre deux arbres fumant. Leahna mit un certain temps avant d'identifier la silhouette assise sur un cheval, avant de l'identifier comme étant Zéjaléa. Un grand sourire se forma sur les lèvres de la jeune fille et elle glapit de joie en se traînant vers la guérisseuse. Heureuse de la voir en vie elle se serait volontiers jeté dans ses bras, mais euh.. La présence du cheval rendait cela impossible. Aussi elle se contenta de poser une main sur le museau de la brave bête, de toussoter crachoter quelques secondes avant de se redresser et de dire.

« Contente de te voir en vie Zéjaléa ! Ce combat.. c'était absurde… Je n'ai même pas pu voir ce qui était arrivé aux autres.. Et je commençais a avoir peur de vous morts. Oh ! J'ai eu si peur.. »

Elle marqua une courte pause. Parler lui faisait étrangement mal au ventre.

« Tu sais comment vont les autres d'ailleurs ? »

Elle pria silencieusement pour que Zéjaléa lui dise que tout le monde allait parfaitement bien. Et du plus profond de son coeur elle espéra que rien de grave ne leurs soit arrivé. La perte d'un de ses camarades était.. Horrible à imaginer.. Tout d'abord il y avait Sémil. Le chef, son papa, son nounours, elle portait en lui une très grande admiration, il était un peu son modèle depuis que son maître n'était plus la. Puis il y avait Gengis le stratège, toujours plein de bonnes idées et très bon médiateur. Après venaient Flinn, Fenant, Kalaan. Tout trois plutôt froid, elle adorait les embêter et voir leurs réactions. Puis il y avait Frimain.. Frimain l'aveugle.. Mais surtout Frimain le courageux. Ensuite Eldan, qu'elle aimait bien aussi. Puis la femme du groupe qu'elle admirait.. Adorait.. Eileen, toujours les bon mots, toujours de bonne compagnie. Et encore bien d'autres.. Ezraël la tête brulée, Lifaën l'enjoué, Louve femme forte et affirmée… Enfin bref, tout ses camarades comptaient, il n'y en avait aucun qu'elle n'appréciait pas.
15-09-2011 à 19:10:15
Arl marchait au milieu des débris de sang et de cendres. La bataille qui avait eu lieu ici avait été un véritable carnage. Les cadavres entassés regardaient le ciel et le sol, le sang coulant de leurs orbites. Certains avaient passé leurs derniers instants dans une agonie sans nom, sans doute erraflés par une infime quantité de poison qui leur avait promis la pire mort qu'on imagine. En les regardant, allongés dans la boue et le sang, Arl pouvait les entendre crier, demander la mort, il pouvait les voir perdre peu à peu la raison et s'abîmer dans les recoins les plus sombres de leurs esprits.
Il regarda un corps. C'était incroyable. Un homme, pas plus de seize ans, qu'on avait envoyé au front. Toute l'innocence du monde se reflétait dans le visage du jeune homme enrôlé de force. Au moins, il n'avait pas subi la lente agonie de certains de ses confrères. Un petit cri retentit près de lui, et quelque chose lui toucha la jambe. Il vit un homme, les jambes coupées, qui tentait de lui dire quelque chose.
-Harrr...Harrrr...
C'était horrifiant. L'homme semblait voir tous ses crimes passés défiler devant ses yeux, et un tel remord se lisait dans son regard qu'Arl eut pitié de lui. Les citoyens n'étaient pas les seuls victimes de l'Empereur. Celui-ci déchirait aussi l'âme de ses alliés. Arl s'assit devant le mutilé, sortit une gourde d'eau de la sacoche qui pendait à son côté et la tendit au malheureux.
Il absorba la moitié de son contenu, puis se tourna vers ses jambes disparues. Il n'avait même plus l'espoir de survie. Il regarda alors le dos d'Arl, dans lequel pendait sa faux, et lança vers lui un air suppliant.
-Tu as vécu par la mort, et tu as regretté ta vie. Tu as eu droit à une époque terrible, tu n'as pas eu le choix. Puissent les Dieux, s'ils existent, t'accueillir.
Et il frappa. C'était inimaginable. Il essaya de s'absoudre de ce spectacle, et les visages souriants de ses amis apparurent.
Il enjamba encore un cadavre, avançant au hasard, perdu dans ses pensées.

Et au milieu de ses pensées, de noms apparurent. Moon, sur son épaule, partageait sa conscience.
Il y avait Velk. Ce jeune homme qu'il avait affronté dans les rues de son village, aussi volontaire que souriant, et qui, de toute évidence, lui en voulait d'être parti sans lui. Ses cheveux longs tombant au hasard sur ses épaules, et sa carrure avait fait de lui un membre respecté de l'Ordre.
Quelque chose pointa en lui. De la jalousie ? Ou du respect, peut-être. La fierté de le connaître, ou quoi que ce soit d'autre. Arl n'était pas habitué à nommer ses sentiments.
Quoi de plus normal lorsqu'on n'en éprouve pas ?
Néanmoins, il songea avec une pointe de regret qu'il aurait voulu être aussi intègre que son ami.

Ensuite venait Zéjaléa. La jeune fille frêle et renfermée qui lui avait sauvé la vie. Ses yeux verts, ses cheveux noirs autan que sa timidité n'amenaient pas à la craindre, mais il l'avait vue à l'oeuvre. C'était une bretteuse extraordinaire.
Il n'arrivait pas non plus à savoir pourquoi il pensait à elle. C'était peut-être de la reconnaissance, de l'étonnement face à une personne aussi attentionnée par ces temps, ou...
Elle était également indispensable au fonctionnement de leur petit groupe, sa connaissance des herbes ayant sauvé d'autres vies que la sienne.
Il était regrettable qu'elle ose aussi peut intervenir, mais il en était ainsi de beaucoup de personnes complètes, qui semblent se croire inférieurs aux autres. Face aux désastres de cette époque, les hommes ont tous la même valeur. Ce qui compte, ce n'est pas la vie; c'est ce que l'on en fait.

Il y avait aussi Ezraël. Arl ne l'avait vu que par Moon, "l'homme qui voulait faire cuire le pigeon", et Arl admirait son énergie et sa bonne humeur, son courage et son adresse dans le maniement de l'épée, qui juraient si bien avec son amour de la vie et son impatience continuelle en faisaient un être cher avant d'en faire un allié.
Mais Arl craignait que cette fougue ne lui joue des tours. On ne joue pas avec la mort, on l'affronte, on la provoque, mais on ne la défie pas. Jamais.
-Si il meurt, il pourra manger du pigeon au paradis, fit remarquer Moon, sarcastique.
Arl sourit. Moon était rancunier, mais même lui, Arl le sentait, ne pouvait arriver à éprouver de la rancoeur pour le garçon.

Lifaen. L'assassin occupait une place toute particulière dans l'esprit d'Arl. Il lui semblait si proche de lui, dans sa froideur et son réalisme désarmant qu'il n'avait pu s'empecher de voir le loup en lui.
Mais il s'était trompé.
Lifaen était un fauve. Un de ceux qui se battent pour eux et pour eux seuls, lucides de la mort qu'ils font frapper, et qui n'ont pas besoin de haine pour vous faire comprendre que vous aller mourir. Mais de la haine, il en portait.
Bien cachée au fond de lui, pas comme celle d'Ezrael qui explosait n'importe quand. C'était une haine qu'il s'était créée, et qui était, peut-être sans qu'il le sache, sa meilleure arme, car elle lui permettait de tuer sans y penser.

Flinn était aussi de cette race renfermée qui s'était forgée au fil des années de répression.
Sémil, leur chef, qui menait l'Ordre avec une autorité incontestable, Arren, qui ne supportait pas l'idée de mort...
Arl se savait trop différent des autres membres pour être vraiment accepté dans l'Ordre, mais il savait qu'il devait continuer à se battre.
Parce que toutes les générations avaient le droit d'entendre le chant du geai.
15-09-2011 à 22:57:39
Il ne rêvait pas : tout n'était que souvenirs. Confus mais précis, ils tournaient, s'élevaient dans son esprit, allaient visiter les hautes sphères de l'inconscience en planant sous la surface ; comme une volée de flèches douées de vie. Elles attendaient le moment opportun, corbeaux sans plumes qui croassaient le passé comme si il eut s'agit d'une mélopée funèbre. Réminiscences brumeuses, scènes marquantes, conversations décisives... Tout se mêlait et rien n'en sortait qu'une suite décousue de souvenirs. Aucune forme temporelle. Simplement la perdition houleuse de son bonheur, qui grimpait et descendait, bondissait puis chutait, courbe effrénée dont l'éclair caoutchouteux ne se décidait pas à tomber pour de bon. Tout dépendait de la prochaine salve. Dés qu'un souvenir se terminait, se diluait dans son inconscience, une autre flèche s'élançait, droit vers le sol, droit vers lui. Il recevait le nouveau coup, et plongeait dans son enfance, son adolescence ; puis d'autres périodes plus récentes... Combien de trais encore lui tirerait sa mémoire ? Sa corde finirait-elle par s'user ? Un arc ne pouvait pas rester bander trop longtemps. Aucun arc. Pas même celui de son esprit... Et son carquois se trouverait fatalement vide. Plus de souvenirs pour le transpercer.
Il fallait juste attendre, patienter, endurer le passé qui se jetait sur lui... Simplement souffrir une fois de plus. De manière différente. La douleur était tellement relative, de toute manière. Ne se tintait-elle pas de mélancolie ? N'était-elle pas brodée sur un fond de regret ? La nappe était ouvragée, mais avec le temps, elle avait prit l'eau. Des larmes s'était écoulées, des cercles humides s'étaient dessinés ; puis il y'avait cette large flaque. La nappe était poisseuse. Une pourriture toxique gangrénait le tissus, dévorait les mailles, souillant le lin tissé avec amour. C'était là que tout s'arrêtait, au bout de cette table vieille de vingt sept années. Que cela était long, vingt sept ans... Et pourtant, tellement ridicule. Pas même un chiffre pair. Pas même un petit cerceau pour arrondir tout cela. Non. Juste un deux et un sept, juste des nombres qui frissonnaient de ce savoir menacés par le défilé des années : le temps passait, les nombres changeait. Le deux trouverait un nouveau compagnon. Un huit éphémère. Puis un neuf. Et enfin, il serait happé lui aussi, avalé par la trentaine candide, qui ne savait pas encore que dans un an, on la séparerait de son cher ami le zéro. L'âge était d'une telle futilité... Il changeait tout le temps, n'arrivait pas à se fixer. Il était tellement épuisant. Ne pouvait-il pas s'immobiliser un peu ? C'était inévitable, il allait finir par s’essouffler, et ralentirait... Alors, les années seraient plus longues, plus reposantes. Il allait vieillir doucement, avec cette exquise lenteur de l'homme qui se sait tranquille. Et il y'aurait des doigts mêlés aux siens, des paumes collées contre les siennes. Une chaleur partagée, deux peau tièdes l'une contre l'autre... C'était l'avenir, n'est-ce pas ? La beauté du monde et des contactes, restituée à Andore en même temps que son cœur. La Terre retournerait se blottir dans son véritable corps, serait de nouveau chauffé par le soleil matriarche, et les hommes vivraient libres, libres et heureux... Il y'aurait de nouveau le printemps, de nouveau les fleurs aux coroles soyeuses qui s'ouvraient face au ciel, emportée par le vent dans un harmonieux balancement, un mouvement semblable pour tous. Les enfants pourraient rire, se pourchasser à travers des landes paisibles, cicatrisées. Car la Terre refermerait ses fissures, n'est-ce pas ? Elle se suturerait, se ferait de nouveau hermétique, paisible. La vie serait douce, le monde lumineux. Andore onirique, perdue... Ils allaient la retrouver, n'est-ce pas ? La connaître enfin.
Il songea que ses pensées étaient étranges. "Ils". Pourquoi donc ? Désormais, ce n'était plus "qu'eux". Lui mourrait. comme cela, si stupidement, de manière si risible. Fauché par derrière, troué par le fer glacé d'une épée. Il n'y avait plus d'unité. Tout comme Genghis, sa vie était déjà terminée. Les engrenages crissaient gaiement, actionné par la souffrance, par la mort qui l'enveloppait de ses bras. Elle attendait, couchée sur lui, quelque part sur ce corps qui n'était plus que douleur, loin, si loin, à la surface, au niveau de sa conscience, en dehors du milieu sous-marins de ses rêves. Ici, tout au fond des abysses ténébreuses, il n'avait plus peur de mourir. Zejaléa annoncerait aux autres qu'un soldat l'avait tuer, et ils pourraient continuer leur chemin. "Ils", pensa t'il, "ils" dont je ne fais plus partit. Je ne dois plus m'y inclure. Personne n'était irremplaçable. Sèmil avait cela quelque part, un jour, quelques centaines d'années auparavant, quand il était encore conscient de son corps. Ou peut être plusieurs millénaires ? Le temps jouait à cache. Il dispersait les minutes, les heures, les secondes, les mois, les semaines ; semait des graines partout, lui laissant la charge d'assembler ces moments éparses. Cela passait si vite ! Une image qui flashait dans la noirceur de son esprit, une journée qui déroulait ses vingt quatre heures par terre, une année qui explosait sourdement en lui, cacophonique, énorme, bombe titanesque qui ne contenait ni poudre noire, ni mèche en ficelle ; simplement le temps passé. Alors, les fragments de sa vie s'éparpillaient partout, et il les pourchassait, suivant les trajectoires folles de ses souvenirs, les saisissait pleinement, les attrapant entièrement pour revivre cette vie dont le déroulement logique n'était plus qu'une insaisissable absurdité... Et la scène se rejouait. Lumière dans les ténèbres.
Comme si la Lune et les étoiles s'étaient soudain allumées... Ou alors, peut être le soleil ? .


-Papa ?
-Non. Père.
Rétorqua une voix sèche.

Il baissa la tête, retenant un soupir. Oui, père. Toujours père. Simplement ce qualificatif... Froid, impersonnel. Les lettres de glaces se plantaient dans son cœur, décochées par les lèvres de son... Son père. Y'avait-il un sens ? Fallait-il comprendre quelque chose ? Sèmil ne savait pas. Il était jeune, il était petit, et il était seul. C'était tout. Pourquoi chercher à y remédier ? Si cela était possible, sa situation aurait changée depuis longtemps, n'est-ce pas ? Il était et resterait "Père". Ses lèvres continueraient de souffler le vent sec de l'hiver sur son cœur, et un jour, fatalement, celui-ci finirait de se dessécher... Il n'en resterait qu'une coquille vide, une sculpture de sable qui n'attendait qu'une brise pour s'éparpiller dans poitrine et se mêler à son sang. Il allait coaguler, durcir, et plus rien ne circulerait dans son corps ; alors, il serait aussi froid que lui. Un morceau de glace à visage humain, qui ne portait d'amour qu'au simulacre d'un passé aimant. Fadaises.
Sèmil releva la tête. Le rituel se répétait chaque jour : il essayait d'abattre la muraille qui le séparait de son géniteur, mais chaque fois, la même voix le reprenait. Corrigeait son espoir ingénu. Et chaque jouir, pourtant, malgré tout, il recommençait. Chaque jour il avait ce geste mécanique, cette affaissement de ses vertèbres qui faisait pencher sa tête. Quelques secondes pour observer ses pieds. Depuis trois ans que la scène se répétait, il connaissait chaque détail du dallage. Il lui semblait qu'il avait grandit, depuis la première escarmouche. Ou peut être n'étais-ce qu'une illusion semblable à celle de sa famille ?

-Père, ais-je votre autorisation de m'entraîner à manier ma pierre ? Dans la cour. Maître Siyin m'a conseillé de m'exercer. Je dois rattraper mon retard.
-Retard que tu n'aurais pas dût avoir.Remarqua t'il froidement. Va t'entraîner, et ne reviens pas avant le soir. Ta médiocrité m'indispose... A ton âge, je maîtrisais déjà parfaitement ma pierre. Je ne comprends pas ton obstination à me décevoir. Veux-tu donc exercer sur ma personne une quelconque vengeance, Sèmil ? Me considères-tu comme responsable de la mort de ta mère ? Tu veux me faire payer ? Répond.
-Non père. Je ne vous en veux pas. C'est l'Empereur qui l'a prise. Vous n'avez aucun tord. Récita t'il d'une voix éteinte. Il n'y croyait plus. Au début, ce discours l'avait convaincu, mais ce n'était désormais qu'une formalité. Son père n'aurait pas posé la question si il ne se sentait pas coupable. Au fond de lui, il savait qu'elle était morte par sa faute. Cela ne faisait aucun doute. Même Sèmil le savait... Le savait mais se taisait. Pour maintenir un semblant de cordialité entre cet homme qui se disait son géniteur, et lui, ce fils qui semblait tant l'accabler.
Le jeune garçon tourna les talons, un sentiment de défaite faisant sentir sa douloureuse présence dans son âme. C'était une plaie invisible, mais une plaie tout de même... Blessure sanglante qui le déchirait.

-Sèmil ? Le retient une voix.
Espoir.
Cesse ce jeux stupide ; n'essaie plus de me donner ce nom puéril. "Papa". Soit un homme.
L'amertume avait un gout si familier... Distillée par les paroles de son père, elle prenait une saveur étrange. Presque rassurante. Sa bouche en était emplit, et il se surprenait à éprouver une joie lugubre à la sentir de nouveau. C'était une vieille amie, cette amertume... Alors qu'il s'enfonçait dans les couloirs, Sèmil eut un sourire. Pour la saluer.

Il respirait des braises. Elles roulaient dans ses poumons, incendiaient sa gorge. L'air était un vaste brasier. Ou étais-ce la douleur ? Une douleur ardente, matérielle. Du feu dans sa poitrine. Il remontait les fibres de ses nerfs, mordait sa moelle épinière, enflammait sa peau, ses muscles... L'incendie remontait de son torse, s'étendant en ramifications traîtresses dans son corps. Pourquoi ? Quelle en était la raison ? D’où venait la souffrance ?
Près de lui, un âtre aveuglant agitait ses flammes rouges dans le vide. Elles paraissaient prêtes à s'abattre. Des flammes tueuses, affamées... Cela lui rappelait quelque chose. Trois ombres mouvantes qui dansaient à la surface d'un incendie. Des troncs carbonisés, tendant leurs branches noires vers le ciel dans une parodie de prière. S'était une supplication à la Lune ; un vacarme infernal de craquements, de fibres brisées, d'humidité sucée, extraite en volutes blafardes qui tournaient dans les cieux, pareilles à des spectres errants. L'écorce s’émiettait, l'humus se desséchait, devenait brun, puis se dispersait dans la foule grise des cendres. Mais surtout... Face à tout cela, les trois ombres. Parades, grâce mortelle. L’épée qui s'enfonçait dans une des silhouettes, cette masse anonyme de ténèbres qui se dressait face au brasier. Elle s’affaissait, avec cette beauté sinistre propre à la mort. La vison avait quelque chose d'irréel, d'onirique... Ce corps privé d'attaches, qui tombait, chutait, basculait... Succombait à cette douce torpeur qu'instillait la mort.
Un soubresaut l'agita. Souvenirs. Lance de douleur qui traversait à nouveau son torse. Les réminiscences se perdaient, à peine revenues, comme si elles coulaient dans ses veines... Et se répandaient sur son menton comme le sang qu'il venait de vomir. Il se purgeait de sa vie. Les braises dansaient dans ses poumons, paillettes d'incendies dont la brulure calcinait l'impréssion qu'il avait de respirer. Non. Il souffrait, simplement.
Et pourtant, il y'avait bien une chose qui ne changeait pas. Une rancœur qu'il avait toujours voulu brider, une haine qu'il essayait depuis si longtemps de retenir... Tant de colère silencieuse.
Il fallait , une fois seulement, l'exprimer à haute voix. La revendiquer.


-Père. Haleta t'il en fixant le vide à travers la sueur qui coulait dans ses yeux. Je te hais.
Revanche, peut être ? La respiration de trop ; son être brulant, la fièvre qui embrasait son crâne. Son corps recouvert de sueur. Dégageant les relents acides et âcres de la douleur, de la mort... Non. De l'agonie. La souffrance avait une odeur. Son odeur.
Une fois de plus, les ombres. Justice illusoire.

16-09-2011 à 21:07:48
La bataille était épuisante, morbide, infinie, douloureuse, et pathétique... Les visages étaient broyés sous une puissance meurtrière incontrôlable, les hommes souffraient sous la folie d'un adolescent perturbé. Le sang des ennemis coulait goutte par goutte de son arme ; des giclées de sang avaient recouvertes sa peau et tachées ses vêtements. La chimère morbide qu'était devenu Velk écrasait toute résistance, allant jusqu'à arracher une main à la force de la mâchoire. La douleur ne l'atteignant pas, rien ne le ralentissait. Il était là pour tuer, comme sous l'emprise de la légendaire faucheuse. Kire était lui aussi transperçé d'une flèche au niveau de l'épaule droite. Il était couvert d'hématomes, d'entailles, de plaies, et de morsures. Son visage si intellect d'habitude était devenu une vision cauchemardesque, un cerbère envoyé par la faucheuse qu'était Velk.
Lui même n'était pas en bon état. Sa fougue et son intrépidité l'avait conduit à subir de nombreuses blessures. Il n'avait toujours pas enlevé la flèche plantée dans son bras. Une plaie grande ouverte traversait son dos. Une petite dague s'était nichée dans sa cuisse droite pour ne plus en sortir... Son visage démoniaque était barré d'une plaie impressionnante qui lui avait découpé l'arcade sourcillière droite, et finissait à la frontière que formait sa mâchoire volumineuse.
Un soldat à pied courut vers lui, une lueur désespérée dans les yeux. Leurs lames s'entrechoquèrent. L'épée du soldat se brisa en deux... Le malheureux se fit découper les joues d'un coup violent et rapide, avant de voir une arme écarlate lui transperçer le torse...

Puis plus rien... Personne dans les environs... Seulement un sol de macchabées donnant naissance à un torrent de sang. Les yeux monstrueux des deux frères redevinrent normaux, leurs iris rétrécissant à vue d'oeil. La douleur heurta soudain leur cerveau, les faisant hurler de souffrance. Cette plainte abominable ne cessait pas. La douleur était si terrible qu'il en virent des étoiles... Puis la vision de dizaines de cadavres à leurs pieds les frappèrent de stupéfaction. Velk en tomba d'horreur, enfonçant un peu plus la dague dans sa cuisse.
-Ca a recommençé, gémit le forgeron. On a recommençé Kire... Mais cette fois... ils sont une bonne centaine...
Des larmes vinrent purifier son visage.
-Comment a-t-on pu...? Comment a-t-on pu tuer autant de monde ?! C'EST IMPOSSIBLE !!!
Le jeune homme voulut se prendre le visage dans les mains, mais ressentit une forte douleur à leur contact. Le forgeron se toucha le visage avec précaution, constatant avec effroi la coupure qui décorait macabrement son visage angélique à présent.
-Dis-moi... Kire... sanglotta Velk en tremblant. Est-ce que... mon visage... il est...
Kire pleura à son tour, confirmant les craintes du jeune homme. Le gémissements canins et les yeux humides du chien montraient une profonde tristesse, un désarroi total qui ne pouvait être guérit.
Velk prit son fidèle frère dans ses bras, fondant littéralement en larmes. Le canidé léchait la joue de son frère pour lui montrer qu'il était désolé de ne pas l'avoir mieux protégé. Kire s'en voudrait jusqu'à la fin de ses jours de ne pas avoir su préserver ce visage d'une beauté frappante. Une beauté divine même... Une telle beauté souillée par une balafre due à une guerre insensée, générée par un fou avide de pouvoir. Ce fut à cet instant, les yeux brillants de tristesse, que l'animal se jura de tuer l'Empereur... Dans cette vie, ou dans une autre...

Les deux frères se levèrent difficilement, mettant de longues minutes à trouver une façon de se tenir qui ne causait pas trop de mal. Le feu qui ravageait la forêt un peu plus tôt s'était éteint. Quelle force avait donc pu être assez puissante pour stopper un tel brasier ? Velk s'en fichait complètement. Il lui fallait de l'aide, et ceci très vite sous peine d'en mourrir d'hémoragie... Le jeune homme fit la conclusion hâtive et très naïve de penser que la présence ayant éteinte le brasier pouvait encore se trouver à l'intérieur de ce qu'il fut...
Ils ne marchèrent pas cinq minutes avant de perdre tout espoir. Ils auraient au moins aidés l'Ordre, et leur vie se tasserait comme toutes les autres dans l'oubli... Tout cela était bien loin de ce que s'était imaginé l'ambitieux forgeron... Bien trop loin...
C'est alors qu'ils virent une ombre pâle marcher au loin entre les arbres. Velk n'avait plus la force de lui crier à l'aide. Kire aboya faiblement, avant de couiner de douleur. Le chien s'écroula aux pieds du jeune homme. Ce dernier était avachi sur un arbre mort horriblement chaud.
-Sauve Kire... Sauve Kire... et emmène... le av... ec toi... murmura Velk à l'ombre toute proche avant de s'évanouir.

Sa fin était venue... La fin de son histoire... Kire le vengerait le moment venu. Il était heureux de se sacrifier pour lui.
Car ce chien était son petit frère...
Et le grand frère se doit de protéger son cadet...

Lorsque je te serre la main, c'est une souffrance que j'appréhende. Tu ne sentiras pas le tonnerre de ma haine s'abattre sur ta nuque. Tu ne pourras que pleurer, et saigner. Saigner autant que mon dégoût le désire. Je me délecterai du spectacle macabre de tes chairs broyées sous mon poing vengeur. Personne n'est innocent.
17-09-2011 à 02:15:56
Les ténèbres.
Les ombres voraces, insatiables habitantes de la nuit glacée par la présence de la mort.
Les ténèbres, pressantes, impatientes, une armée enfonçant violemment les portes de l’univers de Lifaen, passant insidieusement dans son dos pour le frapper d’un coup mortel.
L’obscurité omniprésente, l’odeur du sang qui monte, enlace l’assassin de sa douce fragrance, le goût métallique de ce fluide vital qui coule légèrement dans sa bouche, emplissant tous ses sens d’une extase exquise.
Plus de lumière, plus de lumière, plus de lumière. Lifaen est seul dans le noir le plus complet que lui impose le voile de ses paupières.
Il est entrain de mourir.
Il est à l’agonie, une souffrance lente, douloureuse et perverse. Un châtiment infligé par quelconque cruelle divinité, comme si on cherchait à lui faire expier toutes ses fautes.

Lifaen avait une conscience aigue de tout ce qui se passait autour de lui, de la caresse de la Dame Sélène qui essayait d’apaiser ses blessures avec la douceur d’une amante, des cadavres qui parsemaient la cuvette, de ses armes plantées un peu partout et surtout de son corps qui n’était guère plus qu’un vaste morceau de chaire à vif. Le jeune homme étaient couvert de plaies, son sang s’écoulait paresseusement de ses innombrables blessures, se transformant peu à peu en une flaque de ce si précieux liquide carmin. L’assassin était sur le point de mourir, il en était sûr, au plus profond de son être il n’était qu’un diapason résonnant en parfaite harmonie avec la Grande Faucheuse, la dame de la fin, la Mort elle-même.
La Mort, qui était tout pour lui, qui le définissait tout entier, un être dévoué corps et âme au service de cette dame macabre. Un assassin, tout simplement.
Enfant de la mort, il s’apprêtait à rejoindre sa génitrice. Lui qui avait toute sa vie durant été le bras armé de la Faucheuse, il se trouvait désormais à son tour sur le fil de la lame de la Dame Mortelle.

C’était pourtant à la Dame Sélène qu’il s’offrait, prostré dans une attitude d’abandon total, les yeux clos, un léger filet de sang coulant de sa bouche et d’autres plus importants sortant de ses multiples plaies, les bras écartés et la tête légèrement relevée. Les yeux de Lifaen étaient clos, le vouant aux ténèbres les plus éternelles. Ce cocon d’obscurité semblait le protéger, l’enlacer comme une amante pour lui faire oublier ses blessures, l’embrasser sur le front pour lui dire que tout ira bien, qu’il n’avait qu’à faire un pas pour s’abandonner à lui. La douleur lui paraissait ainsi moins forte, à moins qu’il ne s’agisse de la caresse de la Lune, majestueuse reine des cieux.
Pourtant, cela ne changeait pas grand-chose, Lifaen était tout de même entrain d’entamer sa toute dernière aventure. Seul contre vingt soldats surentrainés, des vétérans de la guerre, un groupe parfaitement soudé, il s’en était sorti, il les avait tous exterminés, un par un. Et pourtant…
« Pathétique. » Pensa-t-il.
C’était ce que son maître lui aurait dit. Son VRAI maître, Ellun’dril, pas cet imposteur que l’Ordre lui avait imposé à son arrivé. Le légendaire assassin l’aurait sermonné, peut être même battu pour oser terminer dans cet état contre un nombre d’ennemi si ridicule. C’était facile de dire ça pour lui, cette légende vivante était le fléau des armées, le messager de l’ombre, capable de se débarrasser d’une centaine d’ennemis à lui seul. Le jeune homme doutait même parfois qu’il soit humain, tant cette performance semblait improbable. Pourtant, Lifaen s’en voulait terriblement, il avait l’impression de faire honte à sa formation, d’être désespérément faible. Il avait honte, car malgré s’être surpassé, il n’était même pas arrivé à la cheville de ce que faisait son premier maître. Il savait que les autres apprentis penseraient comme lui, que sa participation si dérisoire serait très vite oubliée et à peine évoquée.
L’assassin connaissait déjà l’histoire de cette bataille comme elle serait évoquée : Les apprentis de l’Ordre, menés par le Lion Sèlim, le courageux Sèlim, Sèlim l’invincible, s’étaient courageusement battus contre les impériaux en surnombre écrasant, chaque apprenti rivalisant d’adresse et de courage. Sauf Lifaen. Bien qu’il ait certainement offert la victoire à ses frères d’armes en leur débarrassant dès le début de la bataille de la moitié des forces adverses au départ, il ne serait retenu de lui que son absence dans la mêlée et une supposée couardise le poussant à se réfugier dans les Ombres maternelles.
Il n’en méritait pas plus. Son minuscule acte ne méritait pas d’être écrit dans les récits héroïques, sa lutte dérisoire contre un nombre ridiculement petit, une vingtaine d’Impériaux, ne méritait pas de trouver une place dans les souvenirs de ses compagnons de route.
Mais, cela important peu.
Car, après tout, Lifaen était sur le point de mourir, de s’effacer enfin de ce monde maudit. Son cadavre sera certainement incinéré, quelle ironie cosmique, l’assassin ayant la phobie du feu ! Ce qu’aurait voulu Lifaen, ça aurait été qu’on laisse son corps là, cadavre anonyme parmi tant d’autres. Alors, il ne bougeait pas, priant pour qu’on l’ait une fois de plus oublié et, de toute façon, incapable du moindre petit geste. Rien ne venait troubler la quiétude macabre de la scène.
Et puis…

Des pas. Des vibrations sourdes, résonnants sur la pierre et trouvant un écho en Lifaen. Un souffle, rauque et court, une nouvelle odeur de sang, une senteur de brûlé, et une dernière odeur, celle si caractéristique de… D’Eileen ? Oui, pas de doute, il ne peut s’agir que d’elle.
Elle. Eileen. Celle qui mettait Lifaen dans tous ses états, qui faisait battre son cœur plus vite, qui lui faisait tourner la tête. Eileen, la seule chose qu’il avait à perdre en quittant se monde.
Ses pas, d’abords course désespérée, se firent marche silencieuse, presque respectueuse de l’attitude de Lifaen. En lui-même, l’assassin fut légèrement déçu, comme tous les apprentis, elle semblait l’approcher avec méfiance et un respect non mérité. Pourtant, cette courte colère fut vite balayée par son cœur battant la chamade, chassant toute autre pensée que l’odeur musquée, enivrante de la jeune femme. Elle s’approcha encore, le bruit de son souffle chaud envahissant l’ouï du jeune homme pour ne plus la quitter. Pourtant, Lifaen était encore immergé dans son bain de ténèbres, son monde d’obscurité. La flamboyante rouquine s’arrêta à quelques centimètres de lui et, bien que l’assassin n’ait pas ouvert les yeux, il la voyait avec précision, s’aidant de ses autres sens sublimés par l’instant.
Elle était elle aussi blessée, elle transpirait l’ardeur de la mêlée, le sang et le désespoir de ses ennemis. La jeune femme sentait aussi le feu, les apprentis ayant certainement utilisé la totalité de leurs ressources, Pierres de Feu y comprit.
De la magnifique rouquine se dégageait une sorte… d’aura. Un puissant sentiment d’espérance, une promesse de beaux jours à venir. Elle hésita un instant, n’osant franchir la barrière de ténèbres qui enveloppait le jeune homme.
Puis, dans un accès soudain d’une tendre témérité, elle posa sa main menue sur l’épaule de l’assassin.
Sans un seul effort, elle pénétra son univers, son monde de ténèbres pures. En une respiration elle y prit toute la place. Elle était là, rayonnante, vibrant d’un espoir sans borne. Le cœur de l’assassin s’emballa et il craignit que la jeune femme ne le remarque. Il souhaita que ce contact ne se termine jamais, que cette douce chaleur qui l’envahissait ne le quitte pas .La Rouquine était là, telle un véritable astre dans le cœur de Lifaen, chassant les ténèbres durant un court moment de bonheur exquis.
Puis, la voix de la flamboyante rouquine s’éleva, d’une douceur incomparable.

- Il faut te soigner.
A peine une phrase qui résonna comme un écho dans l’univers de Lifaen. Ce dernier tourna la tête au prix d’un effort titanesque et d’une violente douleur et plongea son regard émeraude dans les yeux marron presque noirs de la jeune femme. Le regard de l’ex assassin se fit doux, presque caressant.
Puis, il détourna les yeux, rompant ce sublime lien, un peu trop brutalement, peut être. Son cœur continuait de battre la chamade, ses veines pulsaient plus fort que jamais, répandant de plus en plus de sang sur la pierre froide et lisse. La vie quittait peu à peu le jeune homme, aussi sûrement que ces sentiments qu’il sentait éclore en lui s’envolaient dans le ciel nocturne dans un l’espoir silencieux d’une réciproque.
Mais, ces sentiments, qu’étaient-ce ? Il ne le savait pas vraiment. Sa tête était une tempête de pensées chaotiques et de sentiments disparates. Son corps tout entier réagissait au simple contact de la main d’Eileen sur la peau nue de son épaule, vibrant dans une note pure et claire.
Unique rayon de lumière parmi les ombres envahissantes, Eileen retira finalement sa main, abandonnant finalement l’assassin à sa terrible immersion. Les ombres reprirent leurs droits et revinrent à la charge avec une violence renouvelée, tant et si bien que Lifaen se plia en deux, crachant un peu de sang au sol. Le sang… Il en avait besoin, plus que tout. Non seulement de soins pour ses blessures, il devait à tous prix se procurer sa dose du liquide carmin… Mais seule Zejaléa était au courant de sa maladie, du fait de son rôle officieux de guérisseuse. Et le jeune homme n’était prêt à ne l’avouer à personne d’autre.
La flamboyante apprentie de l’Ordre prononça une autre phrase, qui parvint assourdit aux oreilles de l’assassin, la Mort prenant peu à peu possession de son corps.

- Bon. Tu dois juste ne pas mourir.
L’assassin retint un rire ironique. C’était trop tard. Il était déjà entrain de mourir. Pitoyablement, en tant qu’ombre, ce qu’il avait toujours été.
Pourtant, il regrettait.
Il aurait voulu être un enfant normal, juste un enfant normal.
Il aurait tant voulu…

Avec les derniers soubresauts des mourants, il pivota, pour se retrouver face à Eileen. D’une main tremblante, poisseuse de sang et froide comme la glace, il caressa doucement la joue de la Rouquine, une fugace caresse prometteuse, déclenchant une trainée de feu dans ses veines. Sa voix, guère plus qu’un grondement rocailleux s’éleva, nécessitant une dernière promesse, deux même. Il fit péniblement cette courte tirade, toussant du sang entre chaque mot.

- S’il. S’il te plait. Ne. Ne me met pas. près. D’un feu ou d'une flamme. Jamais. Et. Aussi. Mes. Mes armes. Ne les laisse. Pas. Là. S’il. S’il te plait… Promets-le-moi.
Sans oser dire quelque chose, la jeune femme se contenta d’acquiescer et un léger sourire se peignit sur son visage tuméfié. Au moins, c’était ça de gagner sur la Mort.
Mais… Pouvait-il réellement s’engager dans cette voie sans aucuns regrets ? N’avait-il vraiment rien à perdre ?
Il savait très bien que si.
Il y avait. Eileen.
Encore et toujours Eileen.

Lifaen ne devait pas mourir.
Mais la Faucheuse était forte. Peut être trop.

Sans qu’il ne s’en rende compte, le corps de l’assassin heurta la pierre froide de la cuvette.
Lifaen se laissa happer par les ténèbres.

Eileen hurla.
17-09-2011 à 12:47:03
L'apprentie aux yeux clairs n'avait pas beaucoup avancé qu'elle tomba nez à nez avec Leahna qui poussa un cri de soulagement en la voyant. Zejaléa ne comprenait pas cette apprentie, mais leurs relations avaient toujours été cordiales sinon amicales et elle était ravie de la voir indemne. Leahna arrêta la monture de la jeune fille et commença à lui parler avec un soulagement non feint...Puis elle lui demanda des nouvelles des autres apprentis...Zejaléa descendit de cheval et s'efforça de soutenir le regard de Leahna tandis qu'elle prit la parole d'une voix rendue tremblante par les circonstances.

"Leahna...L'ensemble des apprentis est durement touché, nous avons tous reçu un nombre de blessures incroyables. Je dirais que pour la plupart d'entre eux, ils s'en sortiront...Mais il faut que tu saches...Genghis...Il est tombé. Sèmil ne reviendra peut-être jamais parmi nous en dépit de mes efforts et...Eileen et Lifaen sont introuvables...Je suis désolée de n'avoir pu faire plus pour Genghis, je..."

Elle ne put contenir plus longtemps ses sanglots, les larmes roulèrent en silence sur ses joues tandis qu'elle s'efforça de garder une contenance pour ne pas déstabiliser l'apprentie aux cheveux roses plus profondément encore.

"Prends le cheval. Peu importe si tu montes dessus ou non. Je vais chercher nos camarades et à pied j'aurais plus de chance de les apercevoir s'ils sont à terre. Continue dans la direction où je suis arrivée, et tu trouveras les autres...Ou du moins, ce qu'il en reste" Conclut-elle d'une voix brisée. Puis laissant Leahna effarée en compagnie de l'animal, Zejaléa reprit sa course...Elle aurait aimé rassurer cette fille qui avait le même âge qu'elle, et la réconforter, mais si elle restait plus longtemps à ses côtés, elle aurait peut-être une autre mort à lui annoncer.

Le charnier était horrifiant, partout des flaques de sang dans lesquelles s'abîmaient les cadavres grimaçants de ceux qui furent leurs propriétaires. Certains étaient brûlés par les flammes qui les avaient ravagé alors qu'ils étaient déjà au sol, et une odeur insoutenable de charogne brûlée s'exhalait de ce lieu de désolation. Et si elle tombait sur un de ses amis partiellement dévoré par les flammes ? Elle faillit vomir à cette idée et chercha à l'extraire de ses pensées, sans succès. Alors qu'elle dépassait des restes d'arbres brûlés et aperçut quelqu'un qui semblait plus vivant que la plupart de macchabées qu'elle avait déjà croisé...Le cœur empli d'espoir, elle s'approcha de cette silhouette massive en espérant trouver l'un de ses compagnons en vie. Puis elle le reconnut. C'était l'étranger qui s'était battu à leurs côtés avec son chien. Moribond, il était en train d'agoniser par la fautes de ses nombreuses plaies. Elle s'approcha et frissonna tant son corps était abîmé...Elle resta durant un quart de secondes immobile. Devait-elle le sauver ? Il s'était battu avec eux, mais peut-être pour régler des comptes personnels sans aucune volonté de venir réellement en aide aux apprentis, sans compter qu'Eileen était peut-être au seuil de la mort, et Lifaen aussi... Puis l'homme chercha ses paroles. Il ne lui dit que quelques mots. Des mots qui changèrent tout. Elle ferait tout son possible pour le sauver, lui et son chien. Aussitôt elle observa d'un œil expert ses blessures pour évaluer les plus graves, faisant de même pour l'animal. Si elle voulait les ramener tous les deux à la vie, elle devait faire vite, très vite. Et jongler entre les deux pour soigner d'abord l’extrême urgence, puis l'urgence, et enfin les blessures graves.
Le chien émettait des brefs jappements de douleur par intermittence, mais elle commença par le maître. Il avait perdu connaissance, donc c'était certainement le plus mal en point...Elle sectionna les vêtements pour découvrir ses plaies, et hoqueta en voyant la blessure béante dans son dos. Elle avait profondément labouré la chair en un sillon rouge et c'était certainement la cause de son évanouissement...Mais pour une plaie de cette taille, elle ne voyait qu'une solution...Elle appliqua quelques gouttes d'arnica distillé dans la blessure n'ayant plus de vrai baume et sortit sa Pierre de Feu. Elle allait détester ça, et l'homme aussi. Resserrant les bords de la plaie de la main droite et tenant sa Pierre dans la main gauche, elle la fit flamboyer et cautérisa la plaie tout le long avec les flammes...Le hurlement déchirant de l'homme lui vrilla les tympans, elle murmura un "Je suis désolée" avec voix entrecoupée de sanglots. Il devait tant souffrir ! Des cloques se formèrent autour de la blessure tant la chaleur était importante et un odeur de chair brûlée emplit les narines de la jeune fille...Le chien aboya d'un cri déchirant, à l'unisson avec son maître, qui retomba immédiatement dans l'inconscience. Mais quand elle eut fini, elle sut qu'elle avait fait le bon choix. La plaie avait été stérilisée par la chaleur et cautérisée, ce qui avait quasiment arrêté l'écoulement du sang. Elle remit quelques gouttes d'arnica sur la longue plaie brûlée, et passa au chien. Il avait été durement touché, en particulier à l'épaule où la flèche s'était enfoncée bien trop profondément pour n'être qu'anodine...Mais il n'avait pas perdu une quantité de sang qui pouvait mettre sa vie en danger si elle le soignait correctement, et il ne boiterait même plus d'ici quelques semaines. Elle prit un lambeau de vêtement de l'homme pour faire un garrot qu'elle attacha le plus haut possible puis enleva la flèche en tirant dessus d'un coup sec et précis. L'animal glapit tandis qu'un jet de sang jaillissait de la plaie. Zejaléa appliqua quelques gouttes d'arnica, utilisa un autre morceau de tissu pour en faire un bandage rudimentaire et passa à une autre plaie. Le maître, le chien, le maître, le chien. Et quelques gouttes d'arnica, remplacée parfois par le plantain ou la calendula selon les cas. Il ne s'était écoulé que peu de temps étant donné que la jeune fille avait travaillé extrêmement vite, mais toutes les plaies étaient soignées et bandées du mieux possible étant donné de l'urgence. La chemise entière de l'homme y était passée, et heureusement, elle était parvenue à éviter d'utiliser sa Pierre de Feu à d'autres reprises. Le garçon gisait sur le sol à côté de son ami canin, mais l'apprentie pensait qu'elle leur avait évité le pire. Il serait malheureusement défiguré à vie...Si seulement ils avaient été à la citadelle de l'Ordre, il n'aurait pu n'avoir qu'une légère cicatrice, mais malheureusement, la citadelle était tombée et avec elle les espoirs d'un peuple qu'ils devaient maintenant incarner...

Elle se résolut à les laisser là, elle n'avait rien pour les transporter et elle n'avait pas le temps de faire plus pour eux, elle avait peut-être sacrifié les deux apprentis qu'elle cherchait à ces deux-là...Elle traça à la hâte quelques mots dans la poussière du sol en espérant que l'homme savait lire, et reprit sa route courant et sautant entre les cadavres. Elle n'avait pas avancé bien loin qu'elle entendit un cri déchirant le silence oppressant qui s'était abattu quelques secondes plus tôt. Ce ne pouvait être que Eileen ! Le cœur de Zejaléa fit un bond dans sa poitrine, et elle accéléra en provenance du son. La puissance de sa voix l'avait rassurée momentanément sur l'état de santé de Eileen, une personne moribonde ne pourrait jamais hurler comme ça, mais si elle avait hurlé à cause d'une découverte macabre...Et si cette découverte était Lifaen ? Zejaléa avait peur...Pouvu qu'il ne soit pas trop tard...
17-09-2011 à 16:35:13
Parfait, Zejaléa était parvenue à hisser Sémil sur le cheval de guerre et à partir loin du champs de bataille. Au moins il n'aurait plus à se soucier de protéger ses compagnons, désormais la seule chose qui comptait c'était sauver sa propre vie, et c'était loin d'être gagné. Avec une force redoublée Syrian tournoya au milieu de ses adversaires qui arrivaient toujours plus nombreux. Pendant un moment, le chevalier nomade avait semblé capable de retenir la marée qui s'abattait sur lui. Cependant le poids du nombre faisait son effet et toujours plus de blessures légères s'accumulait sur le corps du jeune guerrier qui pourtant continuait sa danse mortelle, faisant voler les têtes, déchirant les thorax et brisant les os simplement avec son cimeterre. Les soldats royaux se battaient avec l'énergie du désespoir, car il semblait que malgré leur surnombre la bataille était perdue pour eux. La férocité, la magie et la véhémence des apprentis étaient effrayantes à voir tant elles les poussaient à se dépasser. Ainsi ont pouvaient lire la peur dans les visages de leurs adversaires, la peur de la mort, la peur de perdre pieds avec la conscience.

Syrian tourbillonnait autour du corps de Genghis, empêchant les impériaux de souiller la dépouille de son frère. De nombreux ennemis gisaient aux pieds du nomade qui était obligé de grimper sur la butte de cadavre afin de pouvoir continuer le combat. Peu à peu les soldats impériaux prenaient l'avantage, la maladie du chevalier nomade ne cessait de l'affaiblir à mesure que le combat gagnait en durée et il était évident qu'il ne tiendrait pas seul éternellement entouré de tant d'ennemis. La fatigue, les crampes, les nerfs, les gémissements des agonisants, les cris de rages... Tout poussait le jeune guerrier à craquer, à sortir de sa transe, mais si une telle chose arrivait, nuls doutes qu'ils se feraient trancher la tête et percer le coeur, nul doute que les impériaux sauteraient sur l'occasion pour percer ses défenses qui demeuraient impénétrables tant il était vif et agile. Syrian sentait son souffle se faire plus rauque et difficile à mesure que le bataille avançait. Ses poumons ne tiendraient pas longtemps à un tel rythme... Son maître lui avait souvent dit de préférer le combat de l'ombre à un choc frontal, cependant cette fois il n'avait pas eu le choix. Il devait sauver ses frères et soeurs. Il avait déjà failli à sa tache en laissant mourir Genghis, mais désormais il était là et il n'en laisserait plus aucun mourir. Il les protégerait, même si pour cela il devait sacrifier sa propre vie... Plus jamais il ne verrait sa famille mourir par la faute de l’empereur. Il serait toujours là pour les protéger et ce quoi qu'il advienne. Le chevalier nomade poussa un cri de guerre à peine étouffé par son manque de souffle. Jamais il n'abandonnerait... Il serait leur ange gardien. C'était le renouveau, la fleur avait repoussé et ses épines étaient plus dangereuses que jamais. Chaque coup touchait, chaque coup tuait, mais il y avait toujours cette infériorité numérique qui pénalisait affreusement le jeune chevalier et qui l'obligeait à protéger ses arrières tant bien que mal.

C'est alors qu'il arriva, comme si le ciel avait entendu le chevalier nomade. Ezraël déboucha de nul part comme un boulet de canon, tranchant tout sur son passage avec une rage incroyable. Les adversaires se jetaient désespérément sur le bretteur qui les balayait tous avec une hargne digne d'un maître de l'ordre... Maintenant Syrian n'avait plus besoin de surveiller ses arrières et il se concentra uniquement sur la protection du cadavre de Genghis. C'était la moindre des choses qu'il pouvait faire puisqu'il était arrivé trop tard pour le sauver. En quelques minutes, les efforts combinés d'Ezraël et du chevalier nomade avait permis de débarrasser la zone des soldats impériaux. Le jeune chevalier resta tout de même pendant qu'Ezraël allait passer sa rage ailleurs sur le champs de bataille. Lui était décidé à éliminer tout soldat s'approchant de son ancien frère aujourd'hui mort. La bataille n'était pas terminée mais les maigres poches de résistance adverse ne suffiraient pas à voler la victoire au chevalier. Ils avaient gagné... Mais à quel prix ? Ils avaient sans doute perdu deux frères si ce n'était plus... Les larmes montèrent aux yeux de Syrian. Sa seule consolation était d'être arrivé assez tôt pour sauver Zejaléa, mais c'était bien maigre... Il aurait dû être là pour sauver Sémil et Genghis, ses grands frères... C'est lui qui aurait dû mourir à leur place... Syrian fut tiré de ses pensées par le bruit caractéristique d'une épée fendant l'air. Il eut tout juste le temps de sauter en arrière pour esquiver la lame qui lui ouvrit sa cuisse dans le sens de la longueur, le faisant s'étaler au sol dans la boue et le sang.


-J'en ai tué un ! J'ai tué un de ces chiens de chevalier !

Comment osait il ? Comment osait il les insulter de chien alors qu'eux ne faisaient qu'obéir aveuglément à leur empereur dans la crainte de lui déplaire ? Comment osait il souiller la mémoire de ses maîtres ? Comment osait il souiller le nom de ses frères et soeurs ? Syrian parvint à se relever avec l'énergie que seul les sentiments peuvent procurer. Il était recouvert de boue et son turban était noir de sang. On pouvait voir l'intérieur de sa cuisse tant la blessure était profonde, cependant il se refusait à laisser ce soldat salir les chevaliers... L'impérial écarquilla les yeux, se demandant comment le nomade avait pu se relever avec de telles blessures. D'ailleurs le chevalier ressemblait davantage à un fantôme qu'à un guerrier. L'adversaire de Syrian ne perdit pas de temps. Il attaqua l'adolescent, profitant de son avantage et des blessures de son ennemi, pourtant malgré cela il ne parvint pas à le toucher. Son adversaire était déjà derrière lui et lui avait tranché la tête... Avant de s'écrouler une nouvelle fois dans la boue, à bout de souffle, à bout de force. Cette fois c'était vraiment terminé, il n'y avait plus d'ennemis debout aux alentours, les seuls adversaires survivants agonisaient ou priaient pour leur salut.
Syrian rampa à travers les cadavres jusqu'à Genghis. Il avait toujours considéré ce chevalier comme un grand frère, tout comme Sémil... Et aujourd'hui ses deux grands frères étaient morts... Qui prendrait la tête maintenant ? Qui aurait les épaules pour mener leur mission à bien ? Lifaen ? Non le chevalier était plutôt du genre à agir en solo... Alors ce serait sans doute Eileen ou Zejaléa, c'étaient les deux seules qui avaient les épaules pour un tel rôles, qui avaient la maturité pour les mener au combat. Finalement le nomade parvint à se traîner jusqu'à la dépouille de son frère d'arme. Syrian posa son front sur celui de Genghis, ils étaient là, tout les deux au milieu de la boue, réunnis une dernière fois...


-Je suis désolé Genghis, j'aurait du être là pour te sauver.... Je n'aurai pas dû désobéir aux ordres... J'aurais dû être là à ta place, c'est moi qui aurait du mourir... Tu es bien plus utile au groupe que moi... Je te promet que désormais je les protégerai comme tu l'as toujours fait, je n'en laisserai plus aucun mourir... Adieu... Mon frère.

Après ces dernières paroles, le chevalier nomade rampa s'adosser à la butte de cadavre de soldats impériaux. Syrian ne savait pas où était le campement. Il ne pouvait pas marcher sous peine d'aggraver sa blessure... Sa sacoche d'herbe était sur le cheval de son maître... Dans le doute, le nomade siffla. Le cheval parfaitement dressé accourrait au galop s'il l'entendait, mais visiblement il ne l'avait pas entendu. Il était en vie, c'était sûr, puisque c'était Zejaléa qui le chevauchait. Jamais elle ne laisserait quelqu'un tuer un animal innocent. En tout cas, il allait devoir improviser. L'adolescent s'empara d'une lance et en arracha la lame. Il recommença l’opération avec une deuxième, puis avec la plus grande douleurs du monde il se remit debout se servant des lances comme de béquilles. La mort dans l'âme, Syrian quitta le cadavre de Genghis et se mit à la recherche de ses frères et soeurs à travers le champs de bataille.

17-09-2011 à 21:39:16
Laroni se tenait au sommet du monde, parmi les flammes et le sang. Ses yeux jaunes contemplaient le gigantesque brasier qui alimentait la bataille. Laroni était à l'apogée de son pouvoir. Il serait promu chef de toutes les armées impériales pour avoir réduit l'Ordre à néant. Son Empereur le décorerait et le couvrirait d'or. Un sourire carnassier assombrissait son visage de démon. La citadelle était sienne. Son regard de serpent appréhendait le corbeau qui sillonnait le ciel. Inoral lui conterait sa victoire sur l'Ordre des Chevaliers de Feu. Alors il pourrait repartir pour la Forteresse, le cœur léger, avec du sang impur sur les mains. Ces rebelles ridiculement faibles... Quelle erreur monumentale que de se dresser contre l'Empereur en personne quand l'on n'est qu'une poignée d'hommes. Et le pire n'était pas là... L'ordre comportait aussi des femmes.
Laroni pouffa de rire à cette idée. C'était si saugrenu, si futile que de recruter des femmes pour le combat. Ces "chevaliers" étaient bien ridicules. Ils n'étaient que des moustiques face à la puissance démesurée du grand souverain. Rien que les "maîtres" de cet ordre étaient faibles à en pleurer de rire. Cette poignée de vieillards s'était fait laminer par l'escouade d'assaut. L'un d'eux gisait à ses pieds dans une flaque de sang, l'oreille gauche découpée à la dague. Celui-ci n'avait pu résister qu'une petite dizaine de minutes face à la folie sanglante qui prenait Laroni aux tripes avant chaque combat. L'oreille était sa carte de visite, une marque macabre pour montrer aux éventuels résistants que personne ne pouvait échapper éternellement à Laroni, l'Esprit Ravagé.
La cicatrice traversant la partie gauche de son visage en était la première preuve. On le reconnaissait grâce à cette légendaire cicatrice, dont on disait qu'il l'avait reçu de la main même de l'Empereur. Sa forte carrure et son regard pénétrant étaient eux aussi des critères définissant le général.
Si jamais par le plus grand des malheurs, tu croises la route d'un homme fort comme une montagne, au visage balafré, au regard poignardant avec un corbeau sur l'épaule, offre-lui mille richesses. Car cet homme est plus redouté que la mort. S'il décide de te tuer, estime-toi heureux qu'il n'ait pas décidé de te torturer. Il est bien préférable de se faire arracher les pieds et d'avaler des charbons ardents que de croiser le fer avec un tel individu... Son nom, nul ne doit l'oublier... Ce démon se nomme Laroni Krostom, gare à toi si tu l'oublie...
Inoral, de son vol spectral, se présenta à nouveau aux yeux de Laroni qui jubilait d'avance. Le volatile se posa sur son bras, lui montrant les terribles images du combat. Laroni vit un carnage impressionnant. Ses hommes s'étaient fait battre à plate couture par... une dizaine d'enfants. Seuls trois sont tombés sous les coups de ses meilleurs hommes. C'était simplement impossible... Cent hommes, laminés par quelques enfants... L'ordre était-il finallement à la hauteur de sa réputation ? Une idée précise se forma dans l'esprit tordu du général. Les maîtres étaient vieux, leurs os fragiles, et leurs sens affaiblis. Ces jeunes pousses étaient un danger assez important. Le savoir des ancêtres ont été transmis à ces jeunes guerriers.
- J'ai vu une chose inquiétante, Laroni... J'ai vu ton reflet au milieu de la bataille, annonça Inoral en lui montrant les images.
Une forme imposante dévastait tout sur son passage, accompagnée d'un chien que Laroni reconnaitrait entre mille. Ce regard, cette balafre, ces cheveux, cette carrure, ces yeux, ces muscles... Velk s'était finallement joint au combat.
- On savait que ce jour arriverait Laroni...
- J'espérais tout de même qu'elle le retiendrait, avoua Laroni d'une voix grave et imposante.
- Il n'est pas mort... Il est simplement mourrant...
- Ses jours ne sont pas en danger s'il est comme moi.
- Un jeu tordu va commençer...
- Où nous prendrons un plaisir sans bornes...
Il allait affronter son reflet. Il allait s'affronter.
Il allait affronter sa progéniture...

Lorsque je te serre la main, c'est une souffrance que j'appréhende. Tu ne sentiras pas le tonnerre de ma haine s'abattre sur ta nuque. Tu ne pourras que pleurer, et saigner. Saigner autant que mon dégoût le désire. Je me délecterai du spectacle macabre de tes chairs broyées sous mon poing vengeur. Personne n'est innocent.
18-09-2011 à 01:33:31
Sang. Douleur. Cri. Sang. Un homme tombait. Puis un autre et ainsi de suite. Porté par la rage, épaulé par la mort la lame d'Ezraël fendait, éventrait, décapitait sans jamais faiblir dans une danse sans fin. Les soldats de l'empereur étaient tous emportés dans le torrent de fureur que répandait Ezraël. Autour de lui les flammes brûlantes semblaient encourager ses efforts tandis qu'elles happaient le paysage tout entier dans leurs chaudes étreintes. Puis, lorsqu'un énième soldat tomba mort au sol, il n'y eut plus rien. Le silence tomba soudainement sur le champ de bataille, seuls subsistaient le crépitement des flammes et les cris de douleurs des blessés. Le choc des lames ne se faisaient plus entendre, les hurlements de rages, les cris de guerre étaient finis.
La bataille était terminée.

Ezraël retira avec un bruit de succion son épée plantée dans le ventre d'un soldat. Sa lame était gorgée de sang et les gouttes écarlates suintaient à très grosses gouttes. La ou quelques heures auparavant le carbone avait été gris, se trouvait désormais des plaquettes de sang séchées. Et à d'autres endroit le sang était encore chaud et brillait de sa couleur vermillon. Le pâle reflet des flammes se dessinait sur elles parcourant allègrement l'arme dans toute sa longueur et Ezrël se retourna. le brasier était toujours aussi vivace, de larges volutes de fumées s'échappaient vers le ciel. Crépitant toujours autant avec la même ardeur l'incendie se propageait encore sur les arbres environnant. Et la rage d'Ezraël était toujours aussi forte. L'exutoire géant qu'avait constitué les troupes impériales n'avaient même pas suffit ! Il en voulait encore, pourtant il haletait, vacillait, mais la force motrice de ses membres semblaient toujours aussi présentes. L'oeuvre macabre de cette nuit voulait encore se poursuivre. Et Ezraël éclata d'un rire hystérique en regardant le ciel. Le monde était fou. La guerre était la folie des hommes. Mais l'était-il lui aussi ? Sûrement, il tuait sans remords, il tuait pour le plaisir d'afficher sa supériorité. Oui il était fou. Son coeur était pris dans un maëlstrom gigantesque d'émotions qu'il n'arrivait pas à démêler. Haine côtoyait compassion, rage se situait auprès de joie. Oui c'était de la folie pur et simple. Après tout ne dit-on pas que la colère est un moment passager de folie ? En tout cas Ezrël riait à gorge déployé, toujours un rire hystérique qui se répandait en écho dans la nuit. Il riait de ce qu'il avait fait. Combien d'hommes, combien de pères de familles avaient-il envoyé valsé ? Des dizaines, des centaines ? Le pire était qu'il ne regrettait rien. Il riait de lui même et de tout ce qu'il s'était passé. En ce moment il donnait la vision effrayante d'une silhouette solitaire couverte de sang, debout au milieu d'un sol jonché de cadavre, prise dans une crise de folie. Sans qu'il ne s'en rende compte les flammes s'étaient éteintes depuis bien longtemps.. Très longtemps même.
Et lentement le rire cessa et Ezraël observa le ciel, de l'amertume aux lèvres.. Avant de lentement se mettre en mouvement et d'arpenter le champ de bataille en achevant les hommes qui agonisaient d'un coup d'épée rageur. Il s'avançait au milieu des arbres calcinés de la terre brûlé répandant encore une fois la mort, sans que cette fois on ne lui résiste. Certains auraient pu vivre, mais non. C'était le prix qu'ils avaient à payer pour s'être lancé dans cette bataille. C'était le prix que les perdants avaient à payer ! Ezraël était vainqueur. Les chevaliers avaient vaincus. Puis soudain le poids lourd de la mort de Gengis vint charger ses épaules, suivit de celle de la blessure de Sémil. La rage s'estompa d'un seul coup, remplacé par la culpabilité de ne pas avoir pu empêcher ça. Subitement accablé Ezraël cessa son oeuvre mortuaire et se dirigea prestement vers l'endroit ou Gengis était mort.. Mais, peut-être.. Peut-être qu'il avait mal vu ? Peut-être que Gengis avait été seulement bléssé lorsqu'il l'avait vu.. Peut-être que Zéjaléa avait eu le temps de le soigner ? Sans s'en rendre compte il s'était mis à courir, sautant par dessus les cadavres et en très peu de temps il arriva à l'endroit où se trouvait le stratège l'espoir luisant dans ses yeux. Sur la route il lui semblait avoir croisé quelqu'un mais il avait été trop obnubilé par son espoir pour y prêter attention. L'ardent chevalier jeta quelques coup d'oeil et ne tarda pas à apercevoir Gengis.. Il gisait encore au sol.. Dans la même position la peau blanche.. Trop blanche.. Ezraël accourut immédiatement et s'agenouilla auprès de son camarade. La main tremblante il chercha avec désespoir la pulsation qui indiquerait qu'il était encore en vie.. Rien.. Il ne percevait rien.. Comme un enfant apeuré Ezraël continua portant sa main au cou, à la poitrine, aux poignets sans qu'il ne sente rien. Le corps froid comme la pierre il fallait se rendre à l'évidence.. Gengis était mort.. De dépit et de rage Ezraël frappa le sol de toutes ses forces. Si seulement.. Si seulement il était arrivé un peu plus tôt ! Il aurait pu empêcher ça ! Haletant péniblement il se redressa lentement, les yeux humides, sa bouche tirée en une sorte de grimace apeuré. Puis encore une fois la rage d'avoir été impuissant vint se mêlé à tout les autres sentiments. Il n'avait rien pu faire pour Gengis.. Ezraël murmura des excuses et il se remit debout, en soulevant le corps inerte de son camarade dans ses bras. Sans se préoccuper de la fatigue harassante, le chevalier mit le cap en direction de la grotte.

Chaque mètres qu'il parcourait avec le corps du stratège dans ses bras, était sa façon de s'excuser. Lentement au fur et à mesure qu'il progressait dans la nuit, l'entrée de la caverne se dessina et Ezraël continua d'avancer dans sa direction. Tandis qu'il pénétrait enfin dans la grotte, il ne savait même plus quoi ressentir. Tout ses sentiments s'étaient emmêlés inexplicablement et il ne savait plus quoi faire. Crier. Courir. Tuer. Pleurer. Rire. Tout, il voulait tout faire en même temps sans savoir quoi faire.. Le visage en proie à la torture Ezraël déposa le corps de Gengis près du feu qui luisait encore. Non loin un Sémil blessé reposait, le visage également en proie à l'agitation.. Était-il lui aussi en train de dépérir ? Non Sémil était fort.. Il fallait qu'il survive. Il fallait que sa flamme continue à les éclairer.. Toujours torturé, Ezraël laissa son regard se perdre dans l'âtre d'un feu qui crépitaient allègrement. Pourquoi lui s'en était-il sorti avec une unique légère entaille au niveau de la joue ? Pourquoi cette nuit n'avait il reçu qu'une unique blessure ? Alors que la mort elle même venait de happer Gengis et menaçait grandement Sémil.. Est-ce que ça voulait dire qu'il ne s'était pas battu avec assez d'ardeur ? Le sang qui recouvrait entièrement son corps et masquait sa peau pale n'était pas le sien.. Oui Ezraël était couvert de sang, mais pas du sien.. Il aurait voulu être blessé comme ses compagnons.. Mais lui n'avait quasiment rien subit, il aurait voulu que son propre sang vienne témoigner de la rage qu'il avait mis dans le combat.. Mais il n'avait rien.. Juste la fatigue qui commençait à peser lourdement sur ses épaules.. Des courbatures commencèrent à se faire sentir et il haletait encore.. Puis lorsqu'il voulut se relever pour retourner à la recherche de ses compagnons, son corps sembla crier stop et ses jambes cédèrent. Il s'écroula sur le sol harassé. Le poids de la fatigue n'était-il pas une preuve de son ardeur ? Sûrement.. Il ne savait plus quoi penser de toute façon.. Et l'arrachant au tourbillon de sentiments contradictoires dans lequel il était prit, cette même fatigue resserra son étreinte sur lui. Et les paupières d'Ezraël se fermèrent.

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