Andore - Prologue

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05-10-2011 à 19:06:04
Velk était pris au beau milieu d'un maëlstrom de bêtises et d'émotions. Il vivait un délirium joyeux et triste à la fois. Il était comme sous l'emprise de champignons hallucinogènes, ou bien d'un alcool fort. Il ne cessait de raconter sornettes et rêveries à son camarade épuisé et ruiselant de sueur. Ce dernier semblait même attiré dans cette spirale déjantée, perdant peu à peu le sens de l'orientation. Le forgeron tout joyeux lui avait dit de se ménager en se mettant à poser sa jambe valide à terre, s'appuyant dessus pour aider son nouvel ami. Les arbres calcinés formaient des bras qui tentaient de l'attraper, mais il en riait. Il se moquait des arbres maladroits, les pointants du menton et leur tirant la langue. Kire était devenu tout petit, et lui faisait des grimaces affligeantes. Velk lui criait d'arrêter immédiatement, mais l'animal continuait en couinant.
-Hé beau gosse, quand on sera rentrés à la maison, je... sais plus, annonça Velk en regardant le vide. Mais je sais qu'on fera un... un truc toi et moi ! T'es mon n'héros ! gloussa le jeune homme.
Frimain semblait fatigué d'écouter les remarques inutiles du blessé, et c'était parfaitement légitime.
-MAIS TAIS-TOI UN PEU !!! hurla-t-il.
Sa voix raisonna entre les arbres morts sur des dizaines de mètres. Le silence fut total après ça durant quelques minutes.
-Hé mais pas besoin de crier comme ça hein... Tu pouvais me le dire gentiment, je m... Ah oui je t'avais raconté ma première baston ? J'avais cinq ans et c'était un moment inoubliable !
Frimain soupira bruyamment... Il était plus qu'à plaindre.

-Aïe... pesta le forgeron.
Sa tête avait heurtée une surface dure et froide. Il avait été lâché sur le sol brutalement, et sentait maintenant la fourrure de Kire contre lui. Il la serra fort pour se réconforter... La folie s'en allait peu à peu. Peut-être était-on en train de l'endormir avec des plantes ? Il se risqua à ouvrir les yeux lentement, et afficha une mine éblouie devant le spectacle qui s'offrait à lui : Une fille le soignait. Une fille magnifique. De longs cheveux noirs contrastaient parfaitement sur sa peau blanche, et de magnifiques yeux azurs piquaient son coeur d'un regard.
-Tu sais ? Quand je vois tes yeux... je me dis que j'adorerais voir la mer... dit-il en se sentant partir.
Il ne put voir que trois choses avant de partir... Trois choses qui prirent une importance immense à ses yeux. La fille s'était mise subitement à rougir. Elle voulut se cacher le visage avec sa main, s'étalant maladroitement de la pomade sur les joues. Elle prononça quelques mots qu'il ne comprit pas à travers ses doigts.
Mais le mal comme le bien était fait : Velk venait de vivre son second coup de foudre.

Lorsque je te serre la main, c'est une souffrance que j'appréhende. Tu ne sentiras pas le tonnerre de ma haine s'abattre sur ta nuque. Tu ne pourras que pleurer, et saigner. Saigner autant que mon dégoût le désire. Je me délecterai du spectacle macabre de tes chairs broyées sous mon poing vengeur. Personne n'est innocent.
09-10-2011 à 11:15:03
Le cortège silencieux qu'ils formaient était enfin arrivé à un lieu temporairement sécurisé. Eldän, Eileen et Zejaléa déposèrent avec soin Lifaen au sol et la guérisseuse s'empressa d'ausculter le jeune homme pour déceler une éventuelle modification de son état de santé. Elle constata avec soulagement qu'il semblait aller mieux et que son corps ne tarderait pas à avoir la capacité de se réveiller. Quelle merveille que le corps humain ! Malheureusement, il faudrait laisser encore celui de Lifaen se reposer un temps pour le moment indéfini, et l'apprentie se doutait bien que la convalescence de la Panthère leur serait pénible à tous à cause de son obsession pour l'entraînement...Lorsqu'elle eut terminé de vérifier que les bandages de Lifaen tenaient bien, elle se leva et daigna enfin regarder la grotte autour d'elle.

Du feu allumé avant le combat, il ne restait plus que quelques cendres auxquelles se mêlaient des restes de braises moribondes, à l'instar d'Andore. Une aube grisâtre se lèverait bientôt sur cette terre désolée, avec une luminosité terne mais sans l'éclat du jour par un étrange et bien triste paradoxe...
Plus loin quelques ombres représentant ce qu'il restait des Chevaliers du Feu étaient étendues ça et là...Certains gémissaient, d'autres restaient prostrés à terre, mais quoi qu'il en soit, tous se soutenaient mutuellement : Le cœur de Zejaléa brisé par les évènements de la nuit se réchauffa un peu à la vue de cette entraide fraternelle. Car oui, ils étaient bien devenus frères et sœurs dans le sang de la nuit qui les avait scellé ensemble et quelque soient les nouvelles épreuves qu'il affronteraient, il ne seraient plus isolés...Elle ne s'attarda pas plus sur les visages, et était certaine qu'il manquait du monde. Alors, en dépit de son corps qui lui enjoignait avec insistance de s'arrêter et de dormir, elle repartit en direction de la sortie, laissant là les vivants pour secourir les futurs morts...

Discrète, seule dans la nuit, elle quitta le campement et se mit en route sous l'astre Sélène, titubant sous la fatigue qui s'emparait d'elle à intervalles réguliers, comme le flux et le reflux des vagues sur une plage. L'apprentie ne fit que quelques centaines de mètres au hasard des pérégrinations de ses jambes avant d'entendre un cri exaspéré. C'était sans aucun doute la voix de Frimain ! Et pour pousser le jeune aveugle d'habitude calme à bout ainsi, il avait certainement fallu l'ennuyer un certain temps...Zejaléa accéléra l'allure et se retrouva nez à nez avec...Un énorme chien ! Ou plus précisément celui qui avait manqué de l'égorger durant l'assaut Impérial et qu'elle avait soigné par la suite ! Le maître ne devait donc pas être loin...Il avait donc réussi à lire son message ? A moins que...Ce ne soit l'importun de Frimain, ce dernier devant également se trouver dans les parages ? Alors que Zejaléa s'interrogeait sur la question, le canidé massif fit demi tour et clopina à quelques foulées de là. La jeune fille se décida à le suivre avisant qu'il y aurait forcément un humain sinon deux au bout de la piste, et derrière un arbre calciné, elle l’aperçut à nouveau.
Mais il n'était plus seul, il gémissait auprès de son maitre et de Frimain, l'apprentie avait donc vu juste ! Les deux gisaient au sol, épuisés. Aussitôt, la jeune fille se dirigea vers Frimain. Il dut reconnaitre quelque chose d'elle, peut-être sa façon de marcher ou son odeur, grâce aux sens que se cécité avaient exacerbés car il tourna la tête vers elle et ses traits se détendirent sous l'effet du soulagement. Il ne perdit pas son énergie en paroles inutiles, expliquant brièvement à Zejaléa que sa cheville le faisait souffrir et comment pour qu'elle puisse être la plus efficace possible. La jeune fille ne se faisait pas trop de souci pour l'aveugle, elle s'occupa de lui rapidement en lui disant qu'il était simplement éreinté et que la foulure de sa cheville devrait se remettre en un jour ou deux à peine. Mais auraient-ils le temps de se reposer convenablement avec une armée à leurs trousses ? Ce n'était plus qu'une question de temps avant que la grotte ne soit plus un lieu sûr, et alors ils devraient partir vers les contrées les plus hostiles d'Andore : Le Nord...Frimain sombra dans un état léthargique alors qu'elle songeait aux inquiétantes perspectives qui les attendaient, une fois son travail accompli, elle se détourna de lui pour se concentrer sur l'étranger.

Le maître du chien semblait être sous l'emprise d'un mauvais rêve ou de quelque chose d'autre, il n'avait qu'un contact fragile avec la réalité et il marmonnait des propos incohérents. Zejaléa connaissait ce problème, c'était la culpabilité et la douleurs mêlées qui le rendaient fou...Son chien était couché en fusil à ses côtés, geignant à intervalles réguliers pour rassurer celui auquel il était tant attaché...Il avait dû être trop turbulent entre le moment où elle l'avait laissé et le présent, car sa blessure au bras s'était rouverte et il avait perdu le bandage. L'apprentie soupira et s'apprêta à soigner à nouveau le jeune homme. Elle refit le bandage patiemment, le serrant légèrement plus cette fois et prenant un peu plus son temps : Elle n'avait pas un charnier à explorer pour retrouver un Lifaen à secourir cette fois-ci. Puis elle lui fourra dans la bouche quelques graines de plantes, non pas pour le soigner ou endiguer la douleur car elle les avait déjà toutes utilisées auparavant, mais pour faire remonter son esprit à la surface. Un baume totalement inefficace se trouvait à côté...Mais cela ne pourrait pas faire de mal, non ? Même s'il n'avait aucune action particulière, il protégerait les plaies ouvertes...Elle commençait à en appliquer ça et là aux blessures qui avaient le plus de risque de s'infecter lorsque l'inconnu ouvrit les yeux. Zejaléa hoqueta de surprise et eut un léger mouvement de recul instinctif. Les yeux de l'homme papillonnèrent et alors qu'il semblait sur le point de s'évanouir à nouveau, il parla.

"Tu sais ? Quand je vois tes yeux... je me dis que j'adorerais voir la mer..."

Zejaléa s'empourpra brusquement, et cherchant à cacher cette soudaine rougeur, elle mit ses mains sur son visage s'étalant par la même occasion de la pommade sur les joues...

"Que...Tu...Vous êtes sûr que ça va ?" bredouilla-t-elle totalement déstabilisée.

Ce n'était pas du tout ce à quoi elle s'attendait de la part d'un blessé, et elle resta incrédule une poignée de secondes tant cela lui semblait étrange dans ce contexte de désolation. Enfin, elle reprit ses esprits, essuya la pommade qu'elle avait étalé sur son visage et termina de s'occuper de cet individu...spécial. Le chien s'était apaisé en même temps que le maître, et avisant qu'elle n'aurait pas la force de rentrer au campement en traînant deux hommes ou même seule, elle se résolut à se coucher à même le sol, auprès de son frère, Frimain, et elle plongea aussitôt dans les limbes du sommeil qui attendait depuis trop longtemps son tour...
10-10-2011 à 01:34:37
Souffrance.
- Tu sais petit, la vie est dure. Elle ne te fera pas de cadeau car elle est perfide, vicieuse et maligne. La vie te fera souffrir mon bonhomme, elle te fera pleurer, elle te plongera dans le désespoir le plus profond et le plus intense. Et pourtant, tu vas l’aimer. Ah ça oui que tu vas l’aimer ! Car elle est belle la vie, mais piquante. Comme une rose, en fait. Oui, c’est une bonne comparaison ça ! La vie est une rose !
Un éclat de rire, rayon de lumière dans un monde de ténèbres. Des notes qui croulent, qui s’envolent dans un parfait ensemble mélodieux. Un fragment de cristal perdu au milieu d’un océan d’encre opaque. Et puis, le rayon de bonne humeur, une douce fragrance citronnée qui emplie l’air et le cristal qui brille. C’est un éclat intense. Fantabuleusement irréel. C’est l’océan lui-même qui se transforme en un lac d’argent liquide, de lumière intense.
Le monde se résume en un éclat pur et magnifique.
Le monde est un vaste rire.

- Et le pire dans tout ça, mon garçon, c’est que cette rose tu essayeras de l’attraper. Oh que oui tu vas essayer ! Crois ma parole de vieux briscard, tu auras beau t’entailler tes jolies mains et pleurer toutes les larmes de ton pauvre petit corps, tu vas t’avancer encore et encore pour tenter de l’attraper, de la cajoler, de toucher son cœur.
L’éclat qui se ternit. Le marteau de la réalité tombe durement et dans son sillage on peut apercevoir les dernières trainées de rêves absolus. L’éclat qui se brise, le rire qui se meurt. Et le monde avec lui. Tout qui se termine brusquement. La fin des temps qui survient en un souffle, la dure réalité qui brise une fois de plus les rêves d’un enfant. Quelques phrases qui brisent la magie crée par d’autres, des mots qui s’annulent entre eux. Et le monde qui se meurt, qui fane en un instant qui se transforme en un amère souvenir. Le fantôme d’un éclat lumineux qui flotte encore, et le monde noir. Oppressant, sombre.
Puis les larmes, d’amers sillons qui creusent des trainés de feu. Le sanglot qui secoue un monde perdu, une joie éphémère mais enivrante. Les larmes, ce stupide liquide lacrymal ! Et pourtant, ça fait du bien. Ce sont les sentiments qui s’écoulent. Et, s’ils n’éclairent pas cet univers de ténèbres, ils réchauffent au moins le corps glacé de son unique habitant.
Le monde n’est plus que pleurs.

- Mais… Oh petit ! Ne pleure pas ! Non, ne pleure pas ! Tu sais, la vie elle est comme ça, il faut l’accepter. Ne pleure pas, tu auras besoin de ces larmes plus tard. Tu sais la vie, elle est comme une vielle catin. Des jeune hommes avec la bouche en cœur et pleins d’espoirs, elle en a vu des tonnes alors elle ne réagit plus tellement. Mais elle est toujours là, à notre écoute. Alors petit, tout ce que tu peux faire face à ses coups, c’est de te relever et de marcher.
Se relever et marcher ? Facile à dire. Pourtant, le monde n’est plus aussi noir. Il y a. Une petite flamme.
Se relever et marcher ?
Survivre ?
Alors être fort, c’est ça ?
Rester à terre ce. Non. Ce n’est pas une solution. Alors. Il faut… Se lever ? Tout simplement se lever ? Ce monde noir… ce ne serait que la terre sur le visage du terrassé ?
La flamme grandit. Elle devient brasier puis incendie, elle pénètre au plus profond de l’univers. Le sang qui s’enflamme, le cœur qui bât, la respiration sifflante…
Vivre, ce n’est pas survivre.
Alors, la Vérité, c’est ça ? Tout ne tient qu’à une pensée ?
Son monde, il doit le construire lui-même.

« Allez, lève-toi ! »



Froid.
Il faisait froid. Incroyablement froid. Le corps de… Mais, comment s’appelait-il déjà ? Il ne savait plus. Mais. Peut importe. Son corps était gelé. La glace s’enracinait au plus profond de son être, plantant ses insidieuses griffes dans l’âme-même du jeune homme. La seule chose dont il avait conscience, c’était de ces griffures, de sa peau lacérée par d’invisibles instruments de torture. Et par ces plaies ne s’écoulait pas son sang, mais son âme. Son anima suintait de tous les pores de sa peau, cherchant à s’évader de cette prison de chaire et d’os. Sa Vie lui échappait, ses souvenirs, ses sentiments, son caractères… Tous ce qui le définissait s’enfuyait par ses innombrables blessures. Et tout autour, le monde n’était qu’une gangue de glace.
Qui était-il ? Où était-il ? Comment en était-il arrivé là ?
Ces questions l’oppressaient, elle lui vrillait le crâne, défonçant les dernières portes qui le séparait de la folie.
La folie. Encore une notion subjective. Car, tous les hommes ne sont-ils pas fous ? La Raison n’est-elle pas inventée ? Le monde lui-même n’est-il pas qu’un jeune enfant fou ?
Et si.
La Folie était la clé de tout ?
Et si c’était à eux de la créer ?
Et si s’abandonner à soi-même était la solution ?
Mais, y a-t-il seulement une solution ?
Le problème existe-il ?
Le Folie. La Vérité.
Le monde est Fou. Voila la Vérité.
Alors soudain, il a conscience. La Vérité, c’est celle de la Folie.
Et la Folie est subjective.
Donc, la Vérité est subjective. Elle est celle que l’on crée soi-même. Alors, tout lui apparait. Soudain, chaque chose s’illumine, le jeune homme peut distinguer le tout du rien. Mais, le rien est tout. Bien que le tout ne soit pas rien. Le monde lui apparait, cet enchevêtrement de fils minces et flamboyants, la vie des êtres vivants. Il voit les destins qui s’entrecroisent, se lient et se délient, dessinant des motifs d’une complexité insondable. Il voit deux jeunes femmes affairées autour d’un corps anonyme, certainement le sien. Et cela ne lui fait rien. Il a tout perdu de ses souvenirs. Il ne sait plus rien. Il n’est plus que le Tout, l’araignée de cette toile brûlante. Il perçoit absolument chaque chose. Il est omniscient et omnipotent. A cet instant précis, il est Dieu.
Mais, qui est-il ?
« Eh, tu crois que le soleil, c’était le papa des nuages et que quand il pleut, c’est les nuages qui pleurent ? »
Dieu. Il est Dieu. Le tout-puissant. Pourtant, il ne ressent rien, ses sentiments sont partis en même temps que ses souvenirs. Il ne reste que des bribes, des phrases isolées, des prénoms.
Qui est-il ?
Il est à la limite de deux mondes, l’un vers lequel part son âme, l’autre depuis lequel elle vient. Dieu voit, Dieu sait. Un monde pour les morts, un monde pour les vivants. Et entre les deux, une frontière, celle sur laquelle il se tient. Il est Dieu. Il peut tout faire.
Qui est-il ?
Dieu. Dieu. Il est Dieu. Il est le Créateur. Le Salvateur. Le Destructeur. Pourtant, il voit ses souvenirs s’envoler et il se sent attiré, comme un papillon par une flamme. Un dernier vestige de sentiment remonte, un mince effluve de curiosité.
Qui est-il ?
Dieu. Dieu. Le Puissant. Celui-Qui-Sait-Tout.
Qui est-il vraiment ?
Dieu ! Il est DIEU.
Non. Qui ?
DIEU
MAIS QUI EST-IL ?
DIEU. IL EST DIEU LE DÉMENT. DIEU LE PERDU.
QUI EST-IL VRAIMENT ?
DIEU. DIEU. DIEU. DIEU. DIEU. DIEU.
MAIS QUI EST-IL ?
TUEZ-MOIIIIIIIIIIIIIIIIIII.
QUI ?
Alors il s’élance. Il poursuit ses souvenirs. Dans un élan prodigieux il saute la frontière.
Mourir pour savoir.
« Eh, où ils vont, les gens qui meurent ? »

Lifaen atterrit violement sur le sol froid et dur. La douleur se diffuse dans chaque os de son corps, que nerfs. Cette chaleur remplace doucement les serres de glaces qui lui enserraient le cœur et achève de le réveiller totalement. Les yeux encore fermés, il se redresse, tâte le sol atour de lui et découvre avec surprise des pavés. Lentement, le jeune assassin calme les battements de son cœur, force la douleur à refluer. Il tombe dans un état second, proche d’un coma. Doucement, les souvenirs parviennent à lui. Lentement, il retrouve son intégrité, son lui profond. Il ne sait pas vraiment ce qui lui est arrivé, il se souvient juste d’une lumière, d’avoir fait parti d’un tout et puis… la chute. Alors lentement, il ouvre les yeux, car il ne pourra pas se cacher indéfiniment dans les ténèbres réconfortantes de ses paupières.
Il hoquette.
« Eh, elle est où ma maman ? »
Des rues. Des maisons. Des magasins. Une ville. Il est au beau milieu d’une ville. Pourtant, quelque chose cloche. Il n’y a personne. La rue aurait dû être bondée à cette heure, mais pas âme qui vi… Non, cette expression n’était pas adaptée. Car Lifaen ne se faisait pas d’idée, il était mort. Alors… Pas une personne en vue. Par un bruit pour troubler l’inquiétant silence. Pourtant, l’assassin se relève et un sourire confiant s’étire sur ses lèvres et met en valeur pommettes de son visage d’ange. Il est en ville.
Il est sur son terrain de jeu.

Il pleut.
Les nuages vomissent leur dégout pour ce… simulacre de monde à grands torrents. C’est une véritable tempête miniature, impressionnante et farouche. Le Zéphyr se rebelle, la pluie se met à fouetter tout ce qu’elle touche et tombe avec fracas sur les pavés. Et, au milieu des éléments, Lifaen court. Il court, impressionnante explosion de puissance et de fluidité. Il court comme un prédateur qui fonderait sur sa proie. Il est panthère. La ville est vide. Désespérément vide. Et pourtant, le jeune homme court, s’accrochant à un espoir tenu et futile. Et, alors qu’il court, ses souvenirs émergent doucement. Le passé prend le pas sur le présent.
« Eh, pourquoi j’ai pas le droit d’avoir des amis ? »
« Eh, Ellun’dril, tu penses que y a des panthères à Andore ? »

Un éclair, une bourrasque et la pluie qui martèle le sol avec fureur, voilà tout l’univers du petit garçon.
Il court, frêle silhouette contre les éléments, petite feuille prise dans la tempête. Il pleure aussi, de grosses larmes qui coulent sur son visage plein des rondeurs de la jeune enfance, des larmes qui creusent ce minois si naïf et innocent, des larmes qui le souillent à jamais.
Il court, le petit Lifaen, il fuit. Il ne veut plus, il en a marre de sa vie, marre de tuer, marre de se battre, marre de ses conditions, il a à peine six ans.
Tout ce qu’il veut, c’est le bonheur. Il voudrait être heureux comme tous les autres, comme cette jolie fille rousse qu’il a aperçue alors qu’il s’infiltrait dans un château pour en tuer un modeste serviteur.
Pourtant, tout ce qu’il a, c’est la peur. Alors il fuit, il veut partir vers des horizons lointains. Il veut entamer un grand voyage, en vie ou non.
Le vide. Le vide devant lui, le petit enfant perdu dans le noir. Il y est. C’est là qu’il pourra faire le premier pas de son nouveau voyage. Alors il s’avance. Six ans, c’est tôt pour mourir.
Mais, le petit Lifaen a toujours été précoce, de toute manière. Alors il court.
Un bras. Une poigne de fer qui retient son frêle corps enfantin. Le petit garçon se retourne et plante sa sylve dans le regarde d’Ellun’dril. Son maître.
Une larme coule, suivit de toute ses sœurs, et pourtant le petit bonhomme sourit.
Il est venu.

Le choc, une fois de plus. La douleur qui tire Lifaen de ses souvenirs. Il a… trébuché. Tout simplement. Comme lorsqu’il était ce petit garçon. Il est seul.
Désespérément seul.
Une première larme coule, tombe comme au ralenti, émet un doux "plic" qui résonne par-dessus le vacarme de l’averse. Une deuxième roule tout aussi timidement, osant à peine se montrer à ce monde hostile. Puis une troisième qui dévale la pente de ses joues, traçant un sillon enflammé. Enfin, une quatrième, une cinquième, une sixième, une septième, une… De plus en plus s’enhardissent, quittent la sylve du regard de Lifaen pour vivre une courte existence. Il pleure Lifaen, sans retenue maintenant. Un long sanglot le déchire en deux, en cet instant, il est redevenu un petit garçon. Sa solitude lui pèse, une fois de plus. Tout ce qu’il voudrait, ce serait d’avoir pu être un tant soi peu normal durant son enfance. Il pleure, toutes ses années perdues, cette innocence qu’il n’a jamais eue… Il pleure, Lifaen.
Et puis, tout bascule soudainement.
« Eh, tu penses que si je fais un joli dessin à une fille, elle m’embrassera ? »
Le monde se met à tournoyer, de plus en plus vite, de plus en plus follement. Les bâtiments fondent, le sol change brutalement de texture. L’assassin semble être pris dans une tempête d’une violence rare.

Arrêt sur image.
« Eh, pourquoi l’empereur il est méchant ? »

Lifaen est un dans un gigantesque champ. Le blé, d’une couleur étrangement grisâtre, s’étend à perte de vue et rien ne vient troubler cette régularité. A une exception prête. Quelques mètres devant Lifaen, un gigantesque Saule Pleureur s’élève. A son pied, une silhouette encapuchonnée, vêtue d’une longue robe noire et portant une gigantesque faux. Le jeune homme dégluti se doutant se qui il s’agit.
Avec un air faussement calme, l’assassin s’approche de la mort. Celle-ci redresse son visage et, bien qu’on ne puisse distinguer aucune partie de con corps, une fois en face d’elle, il s’immobilise, avant de se mettre soudainement à genoux. Puis, une voix d’outre-tombe s’élève, tranchant avec le silence.

- Allons allons, Lifaen mon, enfant, que fais-tu ici ?
Un choc ébranle l’assassin qui ne parvient plus à bouger. La voix s’élève de nouveau.
- Ta place n’est pas parmi nous Lifaen ! Lève-toi !
Un feu intérieur envahit Lifaen, ses sens implosent, du feu liquide se répand dans ses veines. Dans le monde des morts, un incendie de flammes écarlates vient lécher les vêtements de l’assassin, toujours prostré au sol, comme vomi par le jeune homme lui-même.
- Lève-toi ! Bat-toi !
Puis, un parfum s’impose, interrompant tout le reste.
Une odeur musquée et légèrement citronnée.
La senteur d’Eileen…
« Lève-toi ! »
Les flammes l’entourent.
« Bat-toi ! »
Elles se rapprochent, brûlent Lifaen.
« Lève-toi ! »
Il est prêt.
« Bat-toi ! »
Il le fera.
« Ellun'dril, un jour, je te surpasserai. »
« LEVE-TOI ! »
Il s’est jeté dans les flammes, il faut qu’il se lave avec.
« BAT-TOI ! »
Inspiration.


Lifaen ouvre les yeux.
12-10-2011 à 10:58:14
Flinn fendait les airs, ne touchait plus le sol. une branche frôla sa tête en sifflant, une autre le griffa en se brisant dans un craquement sinistre. Mais le bois mort ne comptait pas. Il n'avait même jamais existé. Le seul objectif était de retrouver le groupe. Enfin... Lifaen, Sèmil, Ezraël ou même Frimain pouvaient très bien se débrouiller seuls. Mais si une fille était blessée, il ne se le pardonnerait jamais. Et il ne voulait plus avoir de regrets. Plus jamais.
Tout-à-coup, il changea de direction. Pourquoi à gauche ? Il ne savait pas, et ne le saurait sans doute jamais. Il devait le faire, tout simplement. Poussé par un vent inconnu, il avançait. De plus en plus vite, toujours plus vite. Et il la vit. Il la vit avant de la voir, la silhouette étendue au sol. Il vit sans vraiment les voir, les deux silhouettes qui l'accompagnaient, au sol elles aussi. Mais il savait, laquelle était Zéjalèa.

Lorsque Flinn s'approcha, un imposant chien au pelage noir orné de reflets rouges rappelant des flammes, se dirigea vers lui. Flinn n'avait aucune idée de ses intentions, de toute façon, il ne s'était même pas aperçu de la présence de l'animal. Animal qui, pour une raison inconnue, s'arrêta. Probablement un choix guidé par l'instinct. Il fallait laisser le jeune combattant faire ce qu'il avait à faire. Cela prit peu de temps : il vit très vite qu'elle était encore vivante. Non, il ne le vit pas. Il le ressentit au fond de lui-même, comme une Vérité pure. Une certitude. Une Vie. Etrange phénomène que le doute... D'ordinaire le plus grand ennemi de Flinn, il ne profitait pas de l'occasion cette fois-ci. Il était totalement absent, lui laissant la Liberté des certitudes. Lui laissant ? Non. Il ne pouvait rien faire, tout simplement, balayé par la Vérité. car c'est à ce moment, que Flinn comprit.

La Vérité est celle que l'on choisit. Lui qui avait compris que son Destin était celui qu'il choisissait d'accomplir, comprenait maintenant ce qu'il aurait du savoir depuis bien longtemps. Il s'approcha du corps endormi.

"Ouf, elle dort." Après quelque secondes à la regarder, une autre pensée lui vint. "Elle est mignonne." Il sentit alors contre sa main une truffe humide. Des petits coups au creux de sa paume, simple demande d'attention. Le chien. Flinn se rappela soudain de la présence des deux autres corps...

Le premier était Frimain. Lui aussi était simplement assoupi. Le deuxième, par contre, semblait bien plus amoché... C'était probablement le grand guerrier qu'il avait vu frapper à tout va sur les soldats pendant la bataille. Une montagne de muscles. Certainement plus grand qu'aucun membre de l'Ordre, et au moins aussi lourd que deux apprentis réunis. Son souffle respirait la puissance. Le torse, surplombant deux troncs d'arbres en guise de jambes, qui se gonflait et se dégonflait, semblait indestructible, les cicatrices qui l'ornaient en étaient témoins. Cependant, assez étrangement, son visage était d'une finesse qui tranchait avec la largeur de ses épaules. Il aurait été plutôt joli, s'il n'était pas barrait de sanguinolentes ouvertures. Flinn savait que cet être survivrait. Mais il ne devait pas être en bon état.

Bien, il était temps de réveiller Zejalèa. Un bilan des pertes s'imposait. Et il fallait faire ce sacrifice. Il devait savoir.
Une légère secousse accompagnée du prénom de l'intéressée suffit à la réveiller, cependant un mauvais réflexe était à anticiper.

- C'est moi, ne t'inquiète pas.
- Flinn ! Tu es... commença la belle jeune fille.
- Aucune importance, la coupa-t-il immédiatement. Toi, tu vas bien ?

Voyant qu'elle n'avait pas pris peur et qu'aucun métal ne venait de le transpercer, Flinn avait décidé de ne pas perdre de temps.

- Oui, mais...
- Il y a des pertes ? demanda le chasseur avant qu'elle ne puisse ajouter quelque chose.
- Genghis, il...

Un sanglot étouffa la suite. Mais le nom de Genghis était seul dans la tristesse. C'était une triste, très triste nouvelle. Sauf que Flinn n'avait pas le temps pour les larmes.

- Seulement Genghis ?

La question sembla beaucoup désarçonner la guérisseuse, mais elle confirma. Son regard était si immense et profond, et en même temps tellement empreint de souffrance et de chagrin... Le Fils de la Lune ferma son cœur, et encaissa. Il résista, pour une fois. Et la mort de Genghis ne l'importait même plus.

- Bien. Merci. Les autres sont retournés à la grotte ?
- Oui, répondit-elle simplement.
- Bon, alors j'y vais. Je reviens te chercher juste après. Tu peux te rendormir.

Flinn suivit le vent, rassuré. Fort. Libre.

"- Crois-tu en le Destin, Néo ?
- Non. Je ne supporte pas l'idée que quelqu'un dirige ma vie à ma place.
- Précisément. Et je suis fait... pour te comprendre.
" - Matrix.
15-10-2011 à 13:49:38
D'autres morts ? Ezrael n'en savait trop rien et il se sentit soudainement honteux d'avoir déserté le champ de bataille d'une façon aussi précipitée. Il détourna son visage pour fixer la pierre de la caverne et lâcha d'une voix éteinte :

- Je ne sais pas.

Son coeur se serra lorsqu'il prononça ses mots et son corps fut secoué d'un hoquet douloureux. Ezrael avait attendu avec impatience ce jour.. Ce jour où ils seraient tous lâchés dans l'inconnu afin de faire face au mal récurrent qui rongeait Andore. Mais maintenant que ce jour était arrivé, son seul désir était de remonter dans le temps. Il s'était bercé d'illusion en se disant que cette aventure serait palpitante. Exaltante. Mais jusqu'à la, il n'avait connu qu'une seule chose.
La mort.
Soudain, le son sourd, caractéristique du choc de quelque chose sur une surface dur se fit entendre. Ezrael se retourna aussitôt, pour apercevoir une jeune fille étendue sur le sol qu'il n'avait jamais vu auparavant. Sans plus attendre et sans se poser de question, les pensées étrangement déliées il se précipita vers elle, accompagné de Sémil. Arrivé à sa hauteur, les deux chevaliers s'agenouillèrent sur le sol. Et Ezrael avec le même regard tout aussi éteint avait l'impression de la voir, sans vraiment la voir. Il ne distinguait pas grand chose et son esprit était brumeux. Trop brumeux pour qu'il réfléchisse convenablement à ce qu'il était censé faire. Un autre son le même que tout à l'heure se fit une nouvelle fois entendre. Tiens, c'était à la mode de se fracasser la tête sur le sol ? Ivre de fatigue, le coeur lourd, Ezrael trouvait un certain plaisir à ironiser en ce moment et il releva la tête pour voir Syrian étalé par terre au devant d'un imposant cheval sur lequel Leahna se tenait. Sans rien dire à Sémil, Ezrael se leva douloureusement et tituba d'une façon étrange jusqu'à son frère d'arme. Au vu de son état Syrian semblait lui aussi avoir payé le lourd du tribut du combat qu'ils avaient livrés. Et bien heureusement ce n'était pas une hémorragie ou une quelconque blessure qui semblait l'avoir mis au sol, mais plutôt la fatigue. La même fatigue qu'Ezrael ressentait et qu'il tentait de faire taire. Prudemment le chevalier aux cheveux rouges se baissa, avant de soulever le corps inerte de son camarade. Il vacilla quelques secondes sous son poids en poussant des grognements tant il avait mal partout avant de se diriger du mieux qu'il pouvait vers la grotte. Avec toute la volonté du monde, il parvint à marcher sans vaciller, jurant contre les pierres qui parsemaient le sol. Une fois dans la grotte, il jeta presque le corps de Syrian au sol, s'en vraiment en être totalement conscient et se laissa tomber à ses côtés. Sa perception de l'environnement se limitait désormais au feu éteint devant lui et à ses bottes noirs tachés de sang. Il aurait bien voulu repartir dans la nuit noir comme l'encre, mais il ne pouvait plus.. Il ne pouvait plus. Il avait fait de son mieux pour l'instant et c'était ce qui comptait.. Enfin normalement. Comme une sorte de zombie, à moitié-réveillé, à moitié endormi Ezrael attendait. Il attendait quelque chose. Il ne savait pas exactement quoi.. Mais il s'en fichait. Si un cas de force majeure nécessitait son intervention il sortirait de sa léthargie. Pour l'instant il se contenterait de veiller et de faire taire ses sentiments confus.

15-10-2011 à 14:36:14
Elle avait froid. Un genre de froid qui vous paralyse lentement, doucement. Qui, si l'on ne s'en sort pas tue à petit feu feu.
Et Regan le sentait s'enfoncer en elle tel un parasite, un virus carnivore qui plantait ses longues dents pointues et acérées dans son corps.
Et elle brûlait de l'intérieur, consumée par ce gel que se faisait à chaque instant plus présent, meurtrie par la douleur.
Quand son sang devint trop lourd à transporter dans ses veines, elles s'écroula.
Ensuite, une étrange sensation s'installa.
Celle de ne plus rien peser, d'être entre le temps et l'espace, nichée dans une sorte d'entre-deux. Alors la jeune fille tomba et voulu ouvrir les yeux. N'y parvenant pas, elle se prépara à l'impact mais rien ne vint. Peut-être n'était-elle jamais tombée finalement.
Puis ses paupières s'ouvrirent d'elles-même. Il lui sembla que la gravité imposait à nouveau ses lois, car elle se retrouva collée à une paroi sèche et brûlante dans une atmosphère pesante et chaude. Des craquelures barraient le sol de toutes parts.
Elle n'en avait jamais vu mais curieusement elle reconnu tous de suite l'endroit, un canyon.
La tête vide, l'adolescente n'eut pas le temps d'observer les lieux que le sol s'était ouvert sous ses pieds, et elle chuta pour la deuxième fois. Le coeur serré, elle se demanda pourquoi elle ne se réveillait pas. D'expérience, elle savait qu'une fois une certaine limite franchie, la frayeur chassait le sommeil.
Des cauchemars, elle en avait fait beaucoup depuis qu'elle avait perdu son frère. Sentant qu'elle allait dégobiller tripes et boyaux, elle se demanda si en fait elle n'était pas en train de mourir. Finalement, la chute s'arrêta. Cent mètres au dessus du sol.
Elle aspira une grande goulée d'air. Au dessous de Regan se trouvait un petit hameau. Mais ce n'était pas ça ce qui était étonnant.
L'herbe était verte, l'eau bleu, la terre..vivante. Les gens souriaient. Et elle était devenue oiseau dans le ciel, libre.
A l'entrée du village, quatre silhouettes lui faisaient de larges signes de bras.
Alors elle quitta le ciel et son corps d'oiseau. Ce fut Méron qui se mit à courir en direction de Regan.
Elle le serra dans ses bras, son coeur battant très fort dans sa poitrine. Elle en avait le souffle coupé.
- C'est,c'est Papa et, et Maman,hein?
Il hocha la tête. Oui. Des parents qu'ils s'étaient inventés pendant leur long, s moments de solitude lorsqu'ils avaient fui la Citadelle.
Des parents imaginaires, mais tellement nécessaires! Des parents créés du plus profond de l'âme de leur enfants.
- Et elle. C'est. Eledelle, oui? Ma.. soeur'
- Oui. La nôtre...bien réelle, ajouta Méron après une légère hésitation.
Il ne lui en avait pas parlé énormément. Eledelle avait été bien vivante, et la plaie dans le coeur de son frère ne s'était jamais vraiment refermée. Pour le peu que Regan en savait, elle était une fille droite et honnête. Elle était apprentie de l'Ordre, quelqu'un de vraiment bien.
Quand la Citadelle s'était écroulée, elle avait sauvée une jeune apprentie et en était morte.
Par ailleurs, l'Ordre actuel ne devait plus compter énormément de monde. Les deux personnes à ses cotés, Papa et Maman n'étaient que des ombres. mais ça réconforte de se savoir en famille.
Rien qu'un instant.
Un instant seulement. les morts ne doivent pas avoir de contact avec les vivants. Mais Regan avait bien envie de rester.
Le soleil et les forêts, le monde brillait d'une lueur éclatante. Le terne éclat qu'était devenue la vie lui faisait horreur.
Méron, comme s'il avait pu lire dans ses pensées se retourna vivement et la fixa d'un regard qui disait "va-t-en maintenant". Eldelle la stoppa.
- Tu n'as pas le droit de te réfugier ici pour échapper à la misère de là-bas. Tu as le feu sacré en toi, et ceux que tu cherches sont tout près. Tu dois te battra à leur côté. Tue l'Empereur, tue le monde qu'il a créé. Fait-le pour nous. Alors, l'image de sa soeur et celle de son frère s'éloignèrent et Regan pleura de toutes ses forces, hurla de rage, criant les nom de Méron et d'Eledelle. La voix résonna encore une fois dans sa tête.
"Fais-toi de amis. Ce seront eux qui te donneront la force de te battre. Crois-moi, c'est la meilleure chose qui puisse t'arriver. Rien ni personne, même pas l'Empereur ne peut annihiler ça. Réveille-toi, petite soeur, et n'oublie pas de vivre!"
Alors elle se réveilla. Sans ouvrir les yeux. Elle entendit des bruits à l'extérieur, et sans savoir pourquoi se sentit soulagée.
Elle avait la drôle de sensation d'avoir rêvé à quelque chose sans savoir quoi. Elle s'était réveillée avec la douleur, mais également le courage.
Regan se redressa et ouvrit les yeux
16-10-2011 à 12:26:40
Les brumes du sommeil berçaient Zejaléa dans leur doux ensemble vaporeux, et le sentiment de quiétude qui flottait dans ses rêves était un délice absolu. Son corps tout entier s'offrait au sommeil paradoxal, instant si reposant. L'apprentie avait appris assez tôt à dompter son corps pour rentabiliser un maximum son sommeil si elle ne pouvait s'offrir le luxe d'une vraie nuit. Elle se réveillerait dispose, faute d'être fraiche ou détendue et, comme les chevaux, la jeune fille attendrait d'être en lieu sûr autant pour ses camardes que pour elle avant de dormir longuement et profondément.
Mais alors que son repos si précieux l'éloignait lentement de l'épuisement, quelque chose ou plutôt quelqu'un s’immisça dans son océan de calme pour la ramener la surface crue du monde éveillé...

Ses yeux s'ouvrirent immédiatement. Une demi-seconde lui suffit pour analyser la situation et desserrer légèrement les doigts sur son épée dont sa main gauche s'était saisie par réflexe. Lorsque l'on est un Chevalier du Feu, c'est-à-dire l'ennemi principal de l'Empereur, forcément on se doit de rester toujours sur ses gardes, et ce même dans le plus profond des sommeils. Mais heureusement, c'était Flinn, l'un des leurs...
Dès l'instant où elle fut réveillée, un flot de phrases laconiques s'abattit sur elle. Si elle avait été parfaitement reposée, elle aurait pu trier avec précision les informations qu'elle recevait, mais elle ne comprit que la présence du combattant...Certainement curieux et peut-être même inquiet du sort des autres chevaliers, Flinn l'interrogea brièvement et elle se contenta de répondre machinalement, remarquant au passage que le jeune homme ne pouvait s'empêcher de l'interrompre en milieu de phrase pour lancer une nouvelle interrogation. Il voulait savoir, et c'était normal. Zejaléa ne sortit de sa torpeur que lorsqu'elle prononça le nom de Genghis. Un sanglot incontrôlable monta en elle et des abîmes de détresse s'ouvrirent dans ses yeux en l'espace d'un éclair...Puis la magnitude de ses émotions revenant à la normale, elle parvint enfin à émerger de son monde interne pour répondre à peu près correctement à Flinn, qui continuait l'interrogatoire, imperturbable comme à son habitude. Elle lui avoua dans quel état étaient Lifaen et Sèmil, précisant qu'elle les avait soigné. Le jeune homme distant se releva alors tandis qu'il annonçait son intention de partir en direction de la grotte puis il s'éclipsa, la laissant seule avec Frimain et l'inconnu au chien toujours aussi inconscients.

La jeune fille était encore fatiguée. Pourtant, elle était incapable de se rendormir à présent. L'apprentie fit comprendre au chien massif en quelques mouvements qu'elle revenait bientôt et qu'il n'y avait à priori pas de danger imminent. Puis elle s'éloigna en direction de ce qui ressemblait à une forêt décrépie, miraculeusement épargnée par les flammes qui n'avaient pas eu le temps de s'en approcher.
Zejaléa marchait lentement à travers les quelques végétaux rabougris, mue comme par une sorte d'instinct profond qui la menait où elle devait aller. Pas d'incertitudes ni de questions, c'était si reposant de se laisser mener. L'apprentie comprit soudain ceux qui s'abandonnaient à la facilité. Mais elle avait choisi une autre voie, qu'elle ne regrettait pas une seule seconde, celle de la Justice.
Elle se promenait dans ces lieux sans d'autre occupation que laisser ses sens et ses pensées vagabonder où bon leur semblait quand une ombre rapide masqua la Lune. Surprise, la jeune fille leva les yeux pour apercevoir l'oiseau bleuté qui planait au-dessus d'elle. C'était un geai bleu, et Zejaléa ne pouvait pas s'y tromper : Il s'agissait de Moon, ce qui signifiait que Arl n'était pas loin. L'esquisse d'un sourire fleurit sur le visage de l'apprentie qui comprenait maintenant pourquoi elle s'était rendue ici. Son regard suivit le vol soyeux de l'oiseau qui s'arrêta au sommet d'un petit hêtre, où une silhouette sombre l'y attendait. Zejaléa s'approcha sans précipitation et s'arrêta au pied de l'arbre. C'était bien Arl, mais il ne l'avait pas remarqué, plongé dans les fosses insondables de son esprit les yeux fermés. L'apprentie attendit quelques instants, puis elle murmura son nom de manière à ce qu'il ne soit pas pris au dépourvu...

"Arl ?"
16-10-2011 à 19:45:20
Risque d'être modifié

Je vole. Un courant chaud passe sur mon aile droite. Pas sur la gauche. Je lui fais la remarque et il s'excuse, puis il s'en va. Je me retourne, et je vole sur le dos. En fait, ça revient au même, il n'y a pas de sol. Avant il y avait un sol. Ou alors était-ce un plafond ? Il ne voulait pas me laisser jouer dehors...
Alors j'ai fugué, et je me suis retrouvé ici, dans cet océan vert. Ou bleu, peut-être. Ou noir, ou un mélange des trois.
Ou aucun d'entre eux.
J'ai fait un rêve étrange, cette nuit. J'ai révê que j'étais un humain. Il y avait du sang. J'avais un étrange outil, dans le dos. En bois et en fer. Il y avait aussi des morts, il me semble, au milieu des morts. Et une sylphe aux cheveux noirs et aux yeux bleus.
Oui, maman, j'arrive. J'ai cassé mon jouet...
Tiens, il y a Moon, là-bas. Non, c'est juste une étoile; elle est malade. Est-ce que les sylphes soignent les étoiles ? Non, les étoiles brûlent les plantes. Pas les geais. Moon dit que si, mais celle-là ne brûle pas. Peut-être que je ne suis pas un geai ? Ou alors elle a pris froid ?
Dans mon jardin, il y avait un petit trou, avec une boîte dedans. Mais je ne sais plus ce qu'il y avait dans la boîte.
-Arl...
Tiens, qui c'est, ça ? C'est peut-être Moon ? Non, Moon il s'appelle Moon. Il me semble. L'étoile ne réagit pas non plus. Peut-être qu'avec un plafond, on verrait mieux les étoiles ?

J'ai à nouveau rêvé, cette nuit. C'était un feu follet, il courait à côté de la sylphe. Mais la sylphe a soigné un humain. Le feu follet en a tué. Je ne vois pas trop la différence, mais ça m'a l'air important. Le plus bizarre, c'est que j'ai l'impression que c'était moi, l'humain. Pourtant, je suis un geai. Un bleu. C'est beau, le bleu.
Moon est reparti. Ça l'a toujours fait peur mais... Je crois que je vais le rejoindre dans Là-Bas.

Arl ouvrit les yeux. Il avait oublié... C'était ça, le Monde ? C'était moche, c'était vide. Un besoin de retourner au Ciel le prit; il ne voulait pas rester là. Cet endroit empestait la violence et la mort. Pourquoi une sylphe restait-elle habiter ici ?
Il descendit de l'arbre d'un bond. Il n'avait plus d'ailes, mais étrangement, cela ne l'étonnait pas. Un voile disparaissait devant ses yeux. Il leva la tête vers elle. Entre deux mondes, il prit quelques secondes à identifier le visage qui lui faisait face.
Il vit de la tristesse, de la peur, et, enfin, de la résignation.
Il tressaillit. Comment un endroit aussi vide pouvait-il anéantir ainsi une sylphe ?
Moon piqua vers eux et se posa sur son épaule.
-Tu m'as fait peur.
-Pourquoi ne sommes-nous pas restés là-bas, Moon ?
-Parce que tu t'en voudrais de tuer une sylphe.
Arl resta silencieux. Enfin, il se tourna vers Zejaléa.
-Bonjour, peut-être.
Elle sursauta, avant de bafouiller un bonjour gêné. Puis, elle prit sa respiration. Arl crut voir une larme perler avant de disparaître.
-Genghis est mort.
Elle avait laissé tomber ces quelques mots, et elle se plia d'un coup, comme si on l'avait frappée. Le jeune homme ne réagit pas. Il repassait en boucle les duels d'escrime qui les avaient opposés, avant qu'il ne quitte la citadelle. Mais cela ne l'attristait pas. Genghis aurait voulu mourir ainsi, et il n'avait plus à se soucier de rien là où il était.
-Tu crois peut-être que tu es vivante ?
Zejaléa s'arrêta net.
-P... Pardon ?
Un rire triste lui répondit.
-Personne ici n'est vivant, dit-il en haussant les épaules. Sauf Moon, peut-être. Réfléchis-y, tu n'as devant toi que la violence. Et si par miracle tu t'en tires, tu auras le sang de dizaines d'hommes, enrôlés de force et arrachés à leur foyer, sur les mains. Tu penses pouvoir être heureuse après ça ? Nous sommes sacrifiés. Notre maîtrise du feu n'est pas un don. C'est une malédiction.
Il s'en voulut. La jeune fille éclata en sanglot. Il oubliait ce qu'elle avait subi la veille. Pour lui, cette journée remontait à quelques siècles, mais il avait perdu le cours du temps. Il regrettait ses mots autant qu'il les pensait.
-Je suis désolé.
Il se mordit la langue. Il aurait voulu la consoler, mais il n'arrivait plus à parler. Sémil aurait du être ici. Il s'agenouilla près d'elle.
-Je suis désolé, répéta-t-il.
Elle redressa la tête vers lui. Son visage ruisselait de larmes, et il ne put s'empêcher de penser que lorsque l'on l'avait vue, on pouvait mourir. Il passa sa main sur son visage pour sécher une larme.
-Je peux peut-être faire quelque chose ?
La voix de Moon s'était à nouveau élevée, malicieuse. Il comprit ce qu'il voulait dire. Lorsqu'il allait mal, il fermait les yeux, et Moon l'emmenait voler. Il lui transmettait ses émotions d'une manière si réelle qu'il avait toujours peur qu'un rapace l'attaque. Il ne se contentait alors pas de penser comme un geai. Il était un geai. Arl comprenait l'ampleur du présent. Moon n'en avait jamais fait profiter quelqu'un d'autre que lui.
_Zej' ? Tu as déjà volé ?
-Que...
Avant qu'elle ne finisse sa phrase, Moon s'était posé sur son épaule. Une seconde plus tard elle rouvrit les yeux.
Elle lui sourit.
30-10-2011 à 21:29:54
Sèmil sentit son cœur qui mourrait au fond de lui.
Celui-ci s'arrêta de battre pendant une longue seconde. L'incertitude... Des sacs de pierres s'entassèrent à l'intérieur de sa poitrine. Il les sentit qui dévalaient son crâne, pour s'écraser quelque part contre ses os, dans la caverne creuse où séjournait son cœur déjà trop fatigué. L'angoisse, la peur. Elles avaient un gout. Une saveur de poussière errante et de cendres antiques. C'était une de essences même de l'humanité. La vie était une perpétuelle terreur, parfois dormante, assoupie... Mais elle finissait toujours par ressurgir. Ne pas savoir. Cela suffisait à la réveiller. Ne pas savoir quoi faire, ne pas savoir quoi dire... Ne pas savoir ce que l'on risquait. Ce que nos proches risquaient. Depuis longtemps, cela remuait dans l'ombre, telle une chimère en formation qui se repaissait des doutes et du temps en mouvement. Elle avait été patiente, discrète. Et aujourd'hui, elle était née. Son vagissement pierreux résonnait tout juste dans son âme. Oui. L'incertitude. Stèles posées sur ses épaules. Doucement.
Il était tellement faible, tellement mou... Sa garde baissée, il se prit à fermer les paupières. Ses poumons s'embrasaient encore, et inexorablement, la souffrance le tirait de nouveau vers le sommeil. Mais il ne pouvait pas s'endormir, pas maintenant, pas ainsi. Devant lui, l'incarnation physique de la volonté démontrait son désir ineffable d'exister, de rester debout à tout prix ; et pas pour elle, mais pour les autres, ceux qui comptaient sur sa ténacité, sa détermination de briller toujours, même quand la nuit était si noire que la Lune n'osait pas s'y élever. Ezraël. Flamme vacillante, dévouée à l'amitié sous sa forme la plus primale, la plus pure, l'amitié sans contrainte ; flamme qui rugissait, crachotait ses étincelles ardentes, quelle que soit l'épaisseur des ténèbres qui enveloppaient le monde. Devant pareil volition, comment aurait-il pu se laisser aller au sommeil ? Cette force qui animait le jeune homme était la seule motivation, le seul motif actuel qui justifiait le combat mené contre sa fatigue. Face à elle, Sèmil sentait son corps s'alléger, et le feu de ses poumons se résorber à l'intérieur de la pièce close qu'était le passé. Un jardin de cendres enfermé par des murailles de pierre grises. Et si ce n'était qu'un vergé pulvérulent offert au ciel, il ne s'envolerait pas pour autant. Les cieux d'Andore étaient plus lourds que n'importe quel plafond... Et le vent n'était que trop tardif à venir depuis quelques temps.
Tout s'entassait. Il était lourd, brulant. Son torse irradiait une douleur incendiaire, et... Ces mots qui résonnaient en un écho funèbre. Ce hoquet plein de souffrance issu des entrailles d'Ezraël. Lourds. Ils étaient lourds tout les deux.
Sèmil se ressaisit, et offrit un sourire blême au jeune homme.


-C'est notre lot de cette nuit, à tous. Ne pas savoir.
Mais il n'eut pas le temps d'en dire plus ; alors même qu'il aurait fallu bien d'autres paroles pour apaiser le jeune homme. Un bruit parasite, perturbateur, les interrompit. Il se tourna, et eut juste le temps de voir une jeune fille se rouler en boule. Son petit corps brun frémissait sur le sol, enveloppé d'un rideau soyeux de cheveux blancs. Elle était menue et semblait une enfant ; recroquevillée, ce n'était guère plus qu'une forme vague couverte d'un linceul argenté. Il y'avait quelque chose d'émouvant dans sa beauté délicate et fragile. Sèmil ne réalisa pas tout de suite qu'il s'agenouillait près de la jeune fille, et il ressentit une certaine surprise en éprouvant au fond de lui un désir impérieux de la protéger. Il la souleva doucement dans ses bras, étudiant son visage brun, sa peau aussi sombre qu'une pierre volcanique. Elle paraissait extrêmement jeune. Plus encore que n'importe quel membre de l'ordre. Moins de dix sept ans... C'était encore une enfant. Une enfant harassée, à la peau rendue rugueuse par la poussière, aux mains et aux genoux écorchés, et dont le visage juvénile était creusé à la fois par la faim et la fatigue. A nouveau, son cœur se brisa en plusieurs morceaux qui retombèrent au fond de sa poitrine comme les éclats dentelés d'une poterie jetée au sol. N'y avait t'il jamais assez de souffrances en ce monde ?
Il posa la jeune fille près du feu ; de l'autre côté de l'âtre. Une nausée étourdissante le traversa quand il eut la vision de ces deux corps, posés en une quasi-parallèle. Celui de Genghis à droite, et celui de la l'adolescente à gauche. Mais l'une des poitrines, elle, se soulevait encore... Ce qui faisait toute la différence. Sèmil se retourna.
Déjà livide, il pâlit encore. Ezraël portait un nouveau compagnon. Syrian, le Kahalan, emmitouflé dans son turban et sa cape comme dans un draps mortuaire. Il n'était pas mort, ou en tout cas, pas blessé gravement ; mais il semblait plongé dans un sommeil aussi profond que les abysses du Vaste, l'océan du nord où sommeillaient des créatures nées dans les ténèbres les plus profondes qui soient. Ainsi, il avait l'air d'une poupée de chiffon abandonnée à la flasque immobilité de l'oublie. Ses yeux verts fermés, plus rien n'animait son visage. Il était plat et lisse, sans vie. Son sommeil paraissait une mort fraiche et indolore, de celles qui surgissaient de l'ombre et faisaient cesser les cœurs. Mais Sèmil se ressaisit : une faible respiration soulevait encore son corps, dans un imperceptible mouvement du tissu et de peau. C'était là, sur son visage, presque invisible, ce léger jeu de ses lèvres, à peine détéctable, à peine réel semblait-il, mais pourtant présent dans toute sa miraculeuse régularité. Syrian vivait. Endormi, épuisé, son corps probablement perclus de douleurs et ses poumons tout aussi fatigués que les siens, mais Sèmlil n'en doutait pas, il était vivant. Il n'en demandait pas plus.
Le jeune homme s'avança pour aider Ezraël dans sa tâche ; ce pauvre Ezraël, titubant, dévoué dans sa fatigue mortifère. Il n'eut pas le temps de l'approcher que celui-ci s’effondrait sur le sol. Lui aussi. Le centième aujourd'hui, à se laisser rattraper par la pesanteur tyrannique. Comme tant d'autres soldats couchés dans la boue, comme Genghis rigide près du feu, comme l'inconnue exténuée crachée par la nuit dans la grotte, comme Syrian tout juste arrivé, qui venait de faire sa deuxième chute, lâché par son porteur que la fatigue avait rattrapé, et comme d'autres peut être, comme d'autres apprentis fauchés en cette première nuit... Ce soir, tout s’effondrait. Il n'y avait plus d'illusions de force ou de sécurité. Seulement des corps qui retournaient au cycle de la matière, déjà prêt à entamer leur déliquescence. Seulement la mort et son glacial pragmatisme. La terre était froide et la poussière s'abattait sur le monde, mêlée de cendres de rêves et d'espoirs. Tout retournait à la poussière... Tout se fondait en un nuage d'hivers qui dévorait leur âme et usait la volonté. Ce n'était que le début de la tempête, ses prémices funèbres dont la danse mortelle présageait mille douleurs à venir, et pourtant, Sèmil se sentait déjà aussi fatigué qui si il avait dût en affronter autant qu'un vieux loup de mer buriné par le vent et la pluie. Peut être car désormais, plus rien ne serait jamais comme avant ? Il avait peur de l'avenir et de ce qu'il réservait. Tant de tragédies possibles, tant de chemins qui ne conduisaient qu'à des impasses, des cimetières et à la mort de chacun... Il se sentait perdu. Quelle décision prendre ? Que faire si il se fourvoyait ? Un mauvais choix pouvait être tragique, un pas de travers pouvait les faire dévier vers un précipice ; et si il se trompait, pourrait-il arranger son erreur ? Comment ? Avait-on assez confiance en lui pour le suivre ? Et... Lui même avait-il cette confiance ? Se croyait-il vraiment capable de les protéger ? Avait-il des épaules assez larges pour soutenir tout le groupe ? Non. Non. Non. Non partout. Il n'était pas aussi fort, pas aussi solide. Plein de bonne volonté, oui, plein d'espoirs, de rêves et d'amour, mais il n'avait pas la carrure d'un chef. Pendant cette bataille, il était tombé. Il avait faillit, et il avait envoyé les apprentis se battre sans réfléchir. Il n'avait pas cru qu'ils seraient si nombreux, qu'autant de soldats poursuivraient Arl. Il s'était attendu à une victoire facile, pour mettre les apprentis en confiance, pour les rassurer ; ils devaient simplement se glisser comme des ombres dans les ténèbres d'Andore, et avancer vers le nord, sans se faire remarquer, en évitant de se battre. Ors, en cette première nuit, ils avaient déjà fait couler du sang. Et réciproquement. Que penserait l'Empereur ? Pour lui, un mort du côté adverse n'était rien ; ses soldats à lui n'étaient pas grand chose aussi. Il penserait simplement que les apprentis s'étaient échappé, et qu'un seul d'entre eux était mort. Il redoublerait d'ardeur et lancerait ses troupes à travers les territoires septentrionales, les piégeant un jour ou l'autre, que ce soit près ou loin de son palais. Il avait détruit la citadelle, certes, mais c'était bien peu de choses au bout du compte. Peu de gens croyaient en l'existence de l'Ordre, et la nouvelle génération de chevaliers avaient réussie à s'enfuir. Ce n'était qu'une demie victoire, et l'Empereur n'en avait pas l'habitude ; il avait toujours écraser la résistance sans plus de problèmes. Allait-il s'acharner pour éradiquer les jeunes fous qui osaient s'opposer à son règne ?
Sèmil chassa cette nouvelle salve de pensées sombres, pour s'agenouiller près d'Ezraël. Il posa une main sur son front, et il s'effraya de le trouver glacial. Aussi froid que les neiges factices qui faisait pleuvoir l'Empereur trois mois par an, afin de donner l'illusion de l'hiver. Aussi froid que devait l'être celui de Genghis... Sèmil aurait préféré qu'il soit brulant de fièvre. Il s'apprêta à poser sa cape sur le jeune homme, pour le réchauffer, mais il se rendit alors compte qu'elle était nouée autour de son torse, poissée de sang. Un sourire effleura ses lèvres, telle une brise chargée d'étincelles qui alluma un pétillement sucrée dans sa bouche. Zejaléa, la petite Zej', menue, discrète et calme. La tête sur les épaules, les pensées ordonnées ; c'était un don du ciel. Elle avait la connaissance des plantes et des corps, ses mains étaient douces, et elle n'aspirait qu'à sauver Andore de la perdition. Et pas seulement pour l'humanité couarde qui foulait la terre mourante en courbant le dos ; elle avait en elle l'amour de la faune et de la flore, autant que celui de ses compagnons. La jeune femme voulait aussi rendre sa majesté d'antan à la nature racornie. Zejaléa. Elle l'avait sauvé, comme elle le ferait et l'avait sans doute fait pour d'autres. Un don du ciel, oui. C'était un don.
Il perdit son sourire en songeant qu'elle n'était pas encore revenue. Le gout métallique du sang s'installa sur sa langue. Il en avait sûrement craché durant son inconscience.
Sèmil se pencha vers le jeune homme écroulé près de Syrian. Il passa ses bras dans son dos, et le souleva. Ses muscles protestèrent, mais la douleur de ses bras était si moindre en comparaison de celle de ses poumons, qu'il réussit à en faire abstraction.

Ezraël, tu peux dormir maintenant. Tu as fais plus que tu ne l'aurais dût. Je vais prendre le relais maintenant... Aller, dors. Fais le pour toi, autant que pour les autres. Nous allons tous avoir besoin de sommeil. Et tout le monde ne pourra hélas pas se permettre d'en prendre. Alors dors. Et rêve, rêve en couleurs comme jamais tu ne l'as fait.
<< Ezra'... Pour ta volonté, merci. Pour ta force. Merci.
Il le posa aussi doucement qu'il le put, près du feu lui aussi, mais contre une des pierres qui entourait l'âtre. Puis il se tourna de nouveau, encore, et cette fois-ci, refit le trajet pour Syrian. Il compléta le cercle : quatre corps autour du feu. Trois endormis... Puis Genghis. Sèmil laissa le brasier derrière lui, et marcha vers l'entrée de la grotte. Ses jambes étaient en feu, autant que ses bras, mais il avait toujours été endurant. Son entraînement n'avait pas été totalement vain ; ces longues heures de passes d'armes en compagnie d'Ezraël, des maîtres, et des autres apprentis, lui rendaient aujourd'hui le temps perdu au quintuple. Du temps pour rester debout, et attendre le retour de ses compagnons... De ses frères.
Et cela tarda moins qu'il ne l'aura pensé.
Telle un ange auréolé de lumière, Leahna fendit les ténèbres du sous bois. Elle s'avança dans la nuit, fatiguée, mais un sourire éclatant étirant ses lèvres roses, éclairant son visage perdu dans la danse soyeuse de sa chevelure incarnat. Ses grands yeux bleus s'emplirent de larmes, et elle courut vers lui.
La jeune femme le percuta tout bonnement, et le sera dans ses bras comme si elle voulait se fondre en lui. Sèmil chancela, mais il se rattrapa d'un bras contre une parois, et ne put s'empêcher de sourire malgré la douleur réveillée par l'étreinte de Leahna. Il la laissa un instant encore l'enserrer, mais ne put en supporter d'avantage ; en grognant, il s'écarta. Pour adoucir cette rupture, il lui caressa la joue. Sa peau était douce, comme celle d'un enfant. La candeur et la jeunesse... Telle étaient les forces de la jeune femme.

Leahna ! Tu es revenue, tu es là... C'est merveilleux. Tu es là.
Il sourit de sa propre fébrilité. Sa voix transpirait le soulagement. Sèmil laissa retomber son bras.
Ezraël et Syrian sont couchés dans la grotte. Tout les deux exténués. Précisa t'il vivement, en faisant un signe vague vers l'âtre. Et ils ne sont pas seuls... Une jeune fille c'est écroulée peu avant Syrian. Je ne sais pas qui elle est ; sûrement pas une servante de l'Ordre, sinon j'aurais pu la reconnaître. Mais ça n'a pas d'importance. Nous ne pouvons pas l'abandonner à son sort, ainsi.
<<Leahna, je suis heureux que tu sois là. Repose toi en attendant les autres... Je vais m'occuper du cheval de Syrian, puis je reviendrais. En attendant, profite en pour te ressourcer ; je veillerais moi même sur Ezraël et Syrian après.
Il lui sourit une dernière fois, puis attrapa la bride de l'imposant destrier qui soufflait près d'eux, visiblement agité. C'était une bête imposante et puissante ; le cheval d'un maître à n'en pas douter. Sèmil jeta un regard vers la grotte, en avançant vers le sous-bois. Il était étrange que Syrian soit venu sur le dos de ce cheval. Peut-être celui-ci s'était-il échappé avant l'effondrement de la citadelle...
Sèmil laissa ces nouvelles questions de côté, et enroula la bride autour d'un tronc assez large pour supporter une traction. Il entreprit alors de rassurer le grand destrier de longues caresses et de chuchotements apaisants. Ses yeux étaient plantés dans ceux du cheval. Par son regard, il lui transmit tout ce qu'il y'avait de serein en lui. Et il savait que c'était important, de fixer l'animal en lui parlant. Il fallait le mettre en confiance, lui faire oublier la terreur de la bataille pour le projeter dans la situation présente, sécurisante, apaisante. La bête était très nerveuse, mais Sèmil prit son temps pour la calmer. Dix minutes, puis vingts... Une demie-heure. Il rejoignit la grotte en laissant le cheval apaisé, sagement couché, la tête posée entre ses pattes musculeuses.
Quand il rentra dans la grotte, Leahna se tourna vers lui. Elle était agenouillée près de la jeune fille surgit de la nuit.
Et cette dernière était réveillée.
Sèmil s'approcha, et s’accroupit près de Leahna, et lui jetant un regard interrogatif. Elle comprit sa question silencieuse.


-Elle vient de se réveiller.

Il hocha la tête, et observa la jeune fille. Son visage avait encore quelques rondeurs de l'enfance, mais ses yeux mordorés en avaient trop vu. Combien de morts ? Sûrement assez pour la familiariser avec le sang versé et les corps immobiles. De toute manière, un aurait déjà été un de trop...
Il lui sourit avec toute la chaleur qu'il put tirer de son cœur fatigué. Elle en avait bien plus besoin que lui. Si jeune, et pourtant déjà pleine de souffrance...


-Tu vas bien ? J'ai remarqué les écorchures sur tes genoux et tes mains. Depuis combien de temps fuis-tu ? Et dit moi, car c'est le plus important en premier lieu... Quel est ton nom ?
31-10-2011 à 13:26:30
Flinn se trouvait étrangement énergique. Cette nuit avait été pleine de violence, pleine de souffrance, il aurait du être exténué... Au lieu de ça, son sang bouillait. Comme à son habitude, il ne comprenait pas un seul sentiment dans cette tourmente qui l'assaillait, mais il suivait son instinct, seul allié, seul guide ; la route se traçait devant lui, il avançait sans y penser. Non, car il pensait à autre chose. Tout d'abord, il était soulagé. Soulagé qu'aucune des filles du groupe ne soit morte. Il ne s'en serait pas remis... Pas une deuxième fois. Son esprit dériva vite avant d'être pris dans le tourbillon des souvenirs. Il ne pouvait pas se permettre de se noyer dans le passé, et il se reposa la question.
"Pourquoi ? Mon corps est en si bon état..."
Après avoir constaté l'épuisement de Zejalèa, les blessures de l'inconnu... Après avoir appris la mort de Genghis... Cette nuit n'avait été qu'un déferlement de fer et de sang, de douleur et de mort. Mais lui courait. Il volait presque.

Soudain, il s'aperçut qu'il était presque arrivé à la grotte. La première cachette des apprentis en fuite... Et déjà leur premier combat, d'ailleurs. Si tôt... Et si dur. Le groupe allait devoir se renforcer, grandir à une vitesse surnaturelle. Et malheureusement, cette Force ne viendrait qu'à coups de souffrance et violence, à l'image de cette dernière bataille. Et de Genghis. Mais ce n'était pas au stratège qu'il pensait maintenant. Il ne pensait pas d'ailleurs, il pressentait. Quelque chose d'étranger était dans la grotte, il le savait. Dans un chuintement cristallin, sa lame adressa aux étoiles le reflet sanglant de la Nuit. Il bondit prestement jusqu'à la paroi rocheuse, juste à côté de l'entrée de la caverne, et écouta. En réalité, il ne s'agissait que d'une mesure de précaution, il n'avait pas réellement senti le danger. Mais même les pressentiments peuvent jouer des tours...

- Et dis-moi, car c'est le plus important en premier lieu... Comment t'appelles-tu ?

C'était la voix de Sèmil. Sa voix de protecteur, de guide, une voix apaisante. Il n'y avait donc pas de danger, mais bien un inconnu. La lame toujours au clair, Flinn s'avança dans la grotte. Le feu brûlait, réchauffant l'air nocturne dans toute la cachette. Les flammes projetaient une lumière orangée sur les visages des quatre corps étendus sur la roche, et le jeu des ombres dansantes soulignait la dureté froide de leurs traits. Bien sûr, cela était moins marqué sur le visage emmitouflé du Kahalan... Comment s'appelait-il déjà ? Syrion ? Syrian ? Bref, seul le visage de Genghis semblait apaisé... Mais c'était aussi le seul dont la poitrine ne se soulevait plus. Alors qu'Ezraël et Sèmil étaient éveillés, auprès d'une très jeune fille, et semblaient attendre la réponse de cette petite chose autant qu'une réaction, un commentaire de Flinn, ce dernier prit le temps de rendre un court mais sincère hommage à Genghis. Ensuite, sans attendre que l'inconnue ne donne son prénom, et songeant à toutes les complications que sa présence impliquait, il s'adressa aux deux apprentis :

- J'ai trouvé Zejalèa et Frimain étendus dans une petite clairière, au milieu de ce qu'il reste de la forêt. Il y avait aussi un grand inconnu aux poings énormes, qui nous a soutenu pendant la bataille, ainsi que son chien. Ils sont tous vivants, mais certains auront besoin d'aide pour marcher.

Le regard du doyen transperça alors son esprit et son cœur. Flinn prit conscience, à ce moment, du poids qui pesait sur les épaules de ce jeune homme. Après toutes les épreuves qu'ils venaient de traverser, le soulagement qu'il lu dans les yeux de Sèmil percuta le jeune chasseur comme une flèche dans sa conscience. Il y avait tellement de blessures à supporter... Son visage était presque mortifié par la bataille qu'il venait de livrer, une plaie béante déversait son sang au niveau de la poitrine, son seul véritable ami venait de mourir au combat... Et il devait en plus se sentir responsable de ce groupe. Ce qui surprit le plus Flinn : la Force de cet homme. Il était incroyablement Fort. Mais il y avait des limites. Il avait besoin d'aide... Et lui, il était dans un état fabuleux, épargné par les blessures. Epargné par le retour du passé. Epargné par la souffrance.

Sans attendre de connaître le nom de la nouvelle arrivante, il sortit de la caverne, et s'arrêta, immobile, tournant le dos à l'ouverture dans la roche. Les flammes dansaient sur sa silhouette, projetant devant lui une ombre dans la Nuit étoilée. Levant la tête vers la voûte, il adressa une pensée au Ciel.

"Sèmil... Auras-tu les épaules assez fortes pour supporter le fardeau qui pèse sur toi ? Tu découvriras que nous pouvons le porter tous ensemble. Et je vais immédiatement te soulager de ce poids autant que je le peux."

Alors que dans la nuit chante le vent
Le choc du fer résonne dans leur tête,
Elle reste amère l'odeur du sang
Douloureux vestiges de la tempête.

Un homme se dresse fouetté par les rafales
Du tourbillon de la souffrance qui l'accable
La douleur le déchire, mais il reste debout
Dans peu de temps, sa peine le rendra fou...

Soudain la bourrasque faiblit
Silhouette froide et sombre
Qui se lève devant lui

Soutien glacial mais précieux
L'homme ne tombera pas
Car à présent ils sont deux.

Comme l'eau qui coule la vie s'écoule,
Un cœur qui bat, un combat,
Dans la Nuit chante le vent.

"- Crois-tu en le Destin, Néo ?
- Non. Je ne supporte pas l'idée que quelqu'un dirige ma vie à ma place.
- Précisément. Et je suis fait... pour te comprendre.
" - Matrix.
02-11-2011 à 06:13:35
Fatiguée mais contente, de son pas aérien, de son sourire joyeux, Leahna s'approcha de Syrian. L'apparence légèrement morbide qu'était celle d'un compagnon aux yeux rouges et au corps mutilé ne la rebuta nullement. Elle lui tendit la bride de sa monture et hocha vivement de la tête lorsqu'il la remercia. Un instant plus tard, ce dernier se retrouvait déjà en selle sans qu'il ne semblât avoir commis d'effort trop violent. Ainsi juché sur son cheval, malgré la fatigue oppressante qui pesait sur lui, Syrian avait fier allure. D'un physique plus frêle que la plupart de ses frères d'armes, il se démenait pourtant aussi bien qu'eux lors d'affrontement physique et gardait en permanence son visage masqué par un turban, ne laissant à la vu de tous, qu'un regard vert émeraude aux reflets scintillant. Ainsi voilé de mystère, il était parmis les compagnons de la jeune fille, celui qui attirait le plus sa curiosité. Déjà, parce que personne ne pouvait se targuer de savoir à quoi il ressemblait réellement, mais également de part ses origines. Issu de tribus nomades dont les moeurs lui étaient totalement inconnues, elle avait toujours voulu en savoir plus sur le jeune homme. Malheuresement elle n'avait jamais réellement trouvé le temps d'étancher sa curiosité quant aux trop nombreuses choses qui drapaient le personnage mystérieux du Kahalan. Et n'était pas encore venu ce moment. Pour l'instant le plus important était de retourner à la grotte. Mais Leahna n'était guère enthousiaste quant à l'idée de monter à cheval. Si elle était sociable et avait le contact facile, elle était incertaine et doutait facilement lorsqu'il s'agissait de traiter avec des animaux. Elle n'avait ni le talent de Zéjaléa pour les approcher, ni même l'intuition basique quant à la démarche à suivre, ne serait-ce que pour monter en selle. Et c'est avec appréhension, que Leahna observa la bête, sans savoir que faire, puis la main de Syrian vint se tendre à sa rescousse, comme si il avait comprit sa détresse. Loin d'elle la pensée qu'il ne pouvait s'agir qu'un simple geste de galanterie. Néanmoins, elle saisit la main tendue et afficha un pale sourire en signe de reconnaissance. Elle se laissa hisser sur le dos de la bête et une fois bien assise elle se cramponna au dos de Syrian. La peur futile d'une chute, la terrorisait tout bêtement et elle se faisait un devoir de coller du mieux qu'elle pouvait son compagnon. Ce dernier ne tarda pas à talonner la bête qui s'élança aussitôt dans le noir de la nuit. Leahna se cramponna d'avantage et ferma les yeux. Elle se rendit compte un instant plus tard, que Syrian n'avait aucune idée d'où il fallait se diriger et que c'était à elle que revenait la tâche de les guider. Elle se força à rouvrir les paupières et osa un regard par dessus l'épaule de de son compagnon. La vue d'un paysage défilant à toute allure lui donnait l'envie irrépressible et maladive de rendre son dernier repas, mais elle se retint et fit appel à toute la bravoure dont elle était dotée pour donner des instructions à son compagnon. Au bout de quelques dizaines de minutes qui parurent une éternité aux yeux de la jeune femme, la grotte fut enfin visible dans le noir de la nuit. Alors qu'elle se sentait soulagée d'apercevoir enfin leurs refuge et qu'elle s'apprêtait à glapir de joie, Syrian chuta au sol. Privé de main directrice le cheval stoppa sa course aussitôt. Étonnée, voir désemparée les yeux de Leahna s'écarquillèrent. Elle était surprise, de ne pas avoir détecter des signes de faiblesses chez son compagnon. Après tout il s'était hissé sur sa monture sans aucun problème et rien n'avait laissé présager que ses forces l'abandonnerait. Avait-il été la cible d'un malaise soudain ? Leahna en doutait fortement. Mais trop étonnée, elle l'observa encore un moment, alors que l'absurde réalité et le poids de la mort revenait l'accabler soudainement. Avant qu'elle ne songeât à sauter au sol, l'effroyable pensée qu'était la disparition de son camarade l'avait déjà assaillie. Une fois de plus la peur revenait. Présente encore une fois, comme elle l'avait été tout au long de la nuit. Puis soudain, l'arrachant tout à coup de ses craintes morbides, des cheveux rouges flammes vinrent danser dans son champ de vision. Uks voletaient allègrement comme le brasier qui avait dévasté la forêt puis, leurs propriétaire, s'agenouilla au sol, et vint cueillir Syrian dans ses bras avant de l'emmener dans la grotte muni d'une démarche titubante. Le choc passé, Leahna secoua vivement sa tête pour reprendre ses esprits et sauta au sol. Elle sortit du sous bois, s'engageant sur les traces d'un Ezrael dont le passage semblait avoir été bref, tant sa notion du temps avait été altérée par une surprise aussi soudaine qu'imprévue. C'est alors, qu'à l'entrée de la grotte se découpa la silhouette forte, musculeuse de celui, qu'elle reconnut sans tarder comme étant celle du chef. Le pas mesuré avec lequel marchait Leahna, se transforma en une course soudaine. La vue seule d'un Sémil vivant, venait de suffire pour la soulager à nouveau. Ainsi devant leurs refuge, il était semblable à un ours avertissant les personnes hostiles de ne pas s'approcher et se dressant en protecteur des siens. Souriant de sa comparaison, peine transformée en une joie irrépressible, Leahna se rua dans les bras du guide. Elle l'étreignit jusqu'à lui rompre le cou, comme pour s'assurer qu'il était vivant. Comme une enfant ayant besoin d'être rassurée, elle se réconforta dans la chaleur de l'étreinte paternelle. Pendant de longues minutes elle resta à étreindre Sémil de toute ses forces, la respiration courte et soulagée. Puis il la repoussa doucement en grognant. Prenant conscience de ne pas avoir montré sa joie à moitié, Leahna afficha un large sourire plein de candeur et elle laissa la main rugueuse de son chef parcourir sa joue. Elle se serait volontiers jetée à nouveau dans les bras de Sémil, mais elle était « grande » maintenant. Et elle devait se faire forte. Malgré le fait qu'elle tremblait légèrement, tant elle était heureuse et fatiguée à la fois. Elle tapota légèrement l'épaule de son chef, lorsqu'il lui fit part de son soulagement de la revoir. Elle aussi était contente, elle peinait cependant à trouver ses mots pour s'exprimer convenablement. Aussi la jeune fille se contenta de dire :

« Moi aussi.. »

Elle jeta ensuite un vague regard, aux corps endormis d'Ezrael, Lifaen, Edlan et Syrian allongés autour du feu tandis qu'une vague de soulagement la traversait. Ses compagnons étaient sains et sauf pour la plupart. D'ailleurs maintenant qu'elle y repensait, il lui semblait avoir reconnu une ombre familière, se faufilant dans la nuit. Silhouette distinctement féminine. Et elle pensa que Zéjaléa avait du s'en tirer.
Elle haussa un sourcil interrogateur lorsque Semil évoqua la jeune fille qui s'était écroulée à l'entrée de la grotte. Si elle n'était pas une servante qui était-elle donc ? Sans prendre la peine de chercher une réponse qu'elle savait introuvable, elle préféra écouter les « instructions » donnés par son chef, qui lui disait d'aller se ressourcer, pendant que lui irait calmer le cheval de Syrian. Elle n'émit aucune opposition et lui adressa un faible sourire alors qu'il sortait de la grotte. Elle jeta ensuite sa légère épée de carbone dans une des nombreuses cavités de la grotte ainsi que sa cape et alla s'agenouiller près du corps de Gengis. Les traits glacées, dur et froid comme le marbre, il n'y avait pas de doute à avoir. Le conteur était bel et bien mort. Emplie d'une soudaine tristesse, une larme épaisse s'échappa des yeux humides de Leahna et s'écrasa sur le corps du défunt. Il était étrange de se dire, qu'on ne le verrait plus jamais ouvrir les yeux, ni rire, ni même sourire. Ne plus le voir vivre en fait. Le maigre chevalier, semblait encore plus frêle dans la mort qu'il ne l'était de son vivant. Et son triste sort, vint arracher d'autres larmes à Leahna qui cessa de se retenir. Comme une plaie béante à travers son corps, la perte d'un camarade était dure. D'ailleurs les chevaliers devraient être unis, encore plus que jamais, pour faire face aux prochains périls. La mort de Gengis les rapprocherait sûrement et contribuerait à renforcer leurs liens.. mais elle laisserait une douleur insoutenable à chacun d'eux.. Aussi, même si elle n'était pas un gros atout lors des combats, elle ferait de son mieux, pour dérider ses camarades. Mais pas tout de suite bien sûr. Ça serait bien trop irrespectueux. Perdue dans sa contemplation, perdue dans l'océan de tristesse dans lequel elle se noyait. Puis soudain rompant le silence, des faibles gémissements se firent entendre. Alertée aussitôt, Leahna releva aussitôt la tête, à la recherche de l'origine du bruit. Elle ne tarda pas à se rendre compte qu'il s'agissait de la fille inconnue. Laissant de côté sa peine et Gengis, elle se précipita vers elle et se plaça à ses côtés. Là, elle fut forcée de constater que l'inconnue était jeune.. Très jeune même. Elle semblait minuscule ainsi, dans la pénombre de la caverne. Les yeux semblaient à demi-ouverts et semblaient zieuter la caverne. Elle devait s'être réveillée. Sans perdre de temps, Leahna chuchota doucement avec pour but de la rassurer :

« Ça va.. ça va.. Ne t'inquiète pas. Tout va bien. »

Elle plaça sa main sur le front de la jeune fille et joua un instant avec son cuir chevelu avec pour but de la détendre. Leahna releva la tête, lorsqu'elle entendit le pas distinct de Sémil, qui venait tout juste de revenir. Elle l'observa, marcher vers elle et s'assoir à ses côtés. Il lui porta un regard gris interrogateur et elle interpréta aussitôt sa question et répondit que la jeune fille venait tout juste de se réveiller. Avant qu'ils ne puissent tout deux, songer à l'interroger, l'arrivé d'un nouveau compagnon les forcèrent à détourner le regard. Cette fois c'était Flinn qui était de retour. Son regard était d'acier comme à son habitude, et lui ne semblait pas trop avoir souffert du combat. Contente de le voir sans blessures graves, Leahna lui adressa un faible sourire. Alors qu'elle s'attendait à le voir parler, ou bien faire un geste pour les saluer, il marcha vers le cadavre de Gengis et lui rendit un court hommage. Le léger moment qu'il avait prit pour le faire, donna un air étrangement solennel à la grotte silencieuse. Puis Flinn se redressa et il se mit à parler. Leahna ne se priva pas le moins du monde, pour émettre un soupire sonore exprimant son soulagement lorsqu'il leur fit part de la survie de Frimain qui se trouvait dans une clairière en compagnie de Zéjaléa et d'un autre inconnu. Leahna était contente.. Très contente même, la seule ombre au tableau qui subsistait était bien sûr l'ineffaçable disparition de Gengis. Mais ils faudraient faire avec. Le plus important était que tout le reste de leurs compagnons était vivant et qu'aucune autre regrettable perte n'était à déplorer. Sans qu'elle ne le veuille, sans vraiment savoir si elle pouvait, Leahna laissa échapper une autre larme, tant elle était soulagée et dut cacher son visage entre ses mains, pour ne pas dévoiler à tous la soudaine rougeur de ses yeux. Elle hoqueta légèrement, une nouvelle fois à cause du soulagement et se força à reprendre un faciès normal. Ceci fait, elle ôta ses mains gantés de son visage et demanda d'une petite voix à Sémil de quel façon, ils devaient procéder maintenant.
05-11-2011 à 15:04:27
La grotte n'était plus qu'à une centaine de mètres, enfin Syrian apercevait l'endroit où ses frères d'armes avaient établis le campement et, enfin il allait pouvoir les revoir, les serrer dans ses bras et bientôt la bataille ne serait plus qu'un mauvais souvenir. Le guerrier nomade sentait Leahna serrée contre lui, quelques minutes plus tôt elle était arrivé avec son destrier et l'avait aidé a retrouvé le chemin du campement, désormais tout deux n'aspirait qu'à une chose retrouver leurs frères et sœurs d'armes et partager un bon repas avec eux. Plus les deux cavaliers approchaient de la grotte et plus l'atmosphère qui régnait autour leur semblait bizarre, il s'en dégageait une puanteur innommable et on voyait un grand brasier s'élever au milieu de l'entrée comme si on avait érigé un bûcher mortuaire, l'odeur de la chaire brûlée prenait les deux chevaliers au nez augmentant leurs pires craintes à mesure qu'ils approchaient de la grotte. Les derniers mètres les séparant du campement furent avalé en quelques secondes, Syrian avait poussé le destrier de son maître au galop dés qu’il avait sentis l’odeur âpre du brasier. A peine furent-ils devant la grotte que le jeune nomade sauta de son cheval et courut à l’intérieur de la grotte.
Leurs frères et sœurs d’armes étaient là… Mais pourtant il n’y eut aucune effusion de joie, aucun cris pour signaler l’arrivé de Leahna et Syrian, aucune larmes de soulagement. Rien. Leurs camarades avaient été massacrés, Zejaléa, Lifaen, Sémil, Flinn, tous ils avaient tous été massacrés… Leurs visages étaient tordus de douleurs, figés dans un dernier cri d’agonie, dans une dernière mimique de souffrance. Aucun mots à ce moment là n’aurait pu décrire la douleur qui assaillait le cœur du nomade, son cœur était comme déchiré et un immense vide s’était formé au plus profond de son être, personne ne pourrait apaiser cette douleur, une nouvelle fois il avait perdu sa famille, sa deuxième famille, il revivait son pire cauchemar une deuxième fois. Syrian tomba a genoux et se mit à gratter frénétiquement le sol de la grotte tandis que de froides l’arme venait tremper son turban. Le jeune cavalier n’avait plus conscience de ce qui l’entourait, Leahna devait se trouve quelque part près de lui mais il ne s’en préoccupait pas, il aurait pu la consoler mais d’abord il devait accepter le gouffre béant formé au tréfonds de son âme. Peu à peu la tristesse céda place à la culpabilité, il avait promis de protéger tout ses frères d’armes mais une nouvelle fois il avait lamentablement échoué, il n’avait pas été là au bon moment et ça s’était parce qu’il avait désobéit aux ordres des maîtres… Il avait coûté la vie à tous ses compagnons. Désormais ils n’étaient plus que deux, ils étaient les deux seuls survivants de l’ordre. Y’avait il seulement une seule chance pour que l’un d’entre eux soit la Terre ? Son maître lui avait toujours appris à gardé espoir mais face à une situation si désespéré il était difficile de ne pas se laisser aller au désespoir…


-Syrian !!

Plongé dans ses pensées et ses remords le jeune nomade n’avait pas entendu les bruits de sabots derrière lui et seule la voix de Leahna était parvenu à le tirer de ses sombres pensées, c’était une voix emplie de peur et de désespoir… En une demi seconde Syrian se retourna, juste à temps pour voir Leahna se faire abattre d’une flèche dans le dos, à l’entrée de la grotte se trouvait davantage de soldats de l’empereur qu’il n’en avait jamais vu, tous avaient une arme à la main et semblaient bien décidés à avoir sa peau… Il était le dernier de l’ordre et désormais sa mission n’avait plus aucune importance de toute façon il serait tué alors autant emporter le plus d’ennemi possible dans la tombe. Le guerrier nomade dégaina son cimeterre toujours recouvert de sang et s’empara lui semblait il de l’épée de Zejaléa qui trainait au sol recouverte du sang de sa propriétaire puis sans attendre la réaction des soldats de l’empereur il se jeta sur la marée qui lui faisait face dans un cri à glacer l’âme. Syrian était comme un oiseau piégé dans un filet, il se débattait de toute ses forces s’agitant avec rapidité et agilité, voletant pour tenter de se débarrasser de ses liens et tentant désespérément de récupérer sa liberté. Chaque coups portés par le cavalier nomade semait la mort chez ses adversaire, il était tel une tornade au milieu d’un champ de blé, il fauchait tout sur son passage et était sur tout les fronts, il parait, attaquait, esquivait avec une aisance déconcertante et ses poumons ne semblaient pas affectés par l’ardeur du combat. Les soldats de l’empereur étaient déconcertés par la rage de vaincre du jeune nomade, la peur s’installait peu à peu dans leur rang tandis que leurs effectifs fondaient comme neige au soleil. Finalement Syrian se retrouva seuls au milieu d’un épais cercle de soldats, ces derniers avaient pris une distance de sécurité rassurante et jaugeaient leur adversaire. Les arbalètes et armes furent sorties rapidement et lorsque le chevalier de flamme s’en rendit compte il se précipita sur ces ennemis mais il était trop tard… Quelques secondes suffirent pour percer le nomade d’une vingtaine de flèches. Jambes, bras, torse, rien n’avait été épargné mais Syrian tenait toujours debout brandissant bravement son cimeterre, il avait perdu l’épée de Zéjaléa depuis longtemps. Une seconde volée de flèche lui fit poser genoux à terre tandis que la troisième lui fut fatale. La mort l’avait fauché comme tous ses compagnons.
Un cri sorti du plus profond de son être raisonna dans la grotte, enfin il était réveillé, la folie était passée .


06-11-2011 à 11:12:48
Elle s'était relevée et avait observé la situation aux alentours.
Ses yeux dorés flamboyaient dans l'obscurité et ce fut eux qui la trahirent alors qu'elle scrutait les plusieurs personne se trouvant encore autour des braise rougeoyantes de ce qui jadis, il y a très, très longtemps, selon elle, fut un feu.
Regan était à présent tout à fait réveillée, mais ses membres engourdis refusaient de fonctionner. Voilà pourquoi il n'y avait que ses yeux qui se baladaient à présent dans la grotte.
Un grand jeune homme, voyant qu'elle avait ouvert les yeux s'approcha d'elle. La jeune fille n'essaya même pas de s'enfuir.
Elle avait la conviction que cette personne ne lui voulait aucun mal. On l'avait déplacée près du feu dans son sommeil, pour la réchauffer.
Une voix de femme lui avait murmuré des paroles apaisantes. Regan s'aperçut soudain que le garçon qui était presque un adulte s'était mis à lui parler. Elle tendit l'oreille.
- .. Et dis-moi, car c'est le plus important en premier lieu... Comment t'appelles-tu?
Il n'y avait pas d'animosité, ni de haine ou de menaces d'aucune sorte dans ses paroles. Il lui parlait gentiment..
Ce ne pouvait être un soldat. Avait-elle enfin trouvé ceux qu'elle cherchait?
A ce moment, un adolescent arriva en trombe dans la grotte, essoufflé. Il lui jeta un regard chargé d'un mélange d'animosité et de haine. Il avait une lame à la main.
Puis, l'ignorant purement et simplement, il se mit à discuter avec le jeune homme. Il eu soudain l'air de comprendre quelque chose et sortit en courant.
L'adolescente ne pouvait pas lui en vouloir. Elle était à présent presque certaine qu'ils étaient de l'Ordre.
Et en ce cas même elle constituait une menace à leur yeux. Elle se souvint tout à coup qu'on lui avait posé une question.
Et si même sa bouche refusait de s'ouvrir? Regan bougea un orteil. Ses fonctions nerveuses revenaient petit à petit. Elle souleva légèrement le bras et son coude heurta soudain quelque chose de froid. Un froid qu'elle reconnut aussitôt. Elle l'avait tant et tant haï..
La Mort.
C'était lui aussi un jeune garçon, plus âgé qu'elle cependant. Et il était mort. Elle laissa retomber son bras et ferma les yeux pour échapper à cette vision.
Ouvre-les Regan, tout va bien! Non, il y sera toujours et tu le saisOuvre les yeux!Jamais!!
- Tu vas bien?
Regan sursauta.
Oui..non..Non. Rien ne va. Rien n'ira-t-il jamais!?
La jeune fille se ressaisit. Elle ouvrit la bouche et aspira un grande goulée d'air.
- Je m'appelle Regan.
Voilà. C'était un bon début. Ne pas le laisser poser d'autres questions, surtout.
- Tu fais partie de l'Ordre, hein. Ecoute.. Raconte-moi. Que s'est-il passé pour vous tous quand la Citadelle a été détruite?
03-12-2011 à 18:55:13
Pardon pour les fautes. T-T


La vie.
Fanal ardent dans l’obscurité de la nuit, brûlante présence qui imbibe les sens, énergie fabuleuse qui fait battre les cœurs de tous. Vie ardente, vie omniprésente, vie mortuaire. Chaque être est destiné à mourir, pourtant la mort n’est qu’une étape de plus dans le long chemin de la vie. De cette mort, d’autres êtres pourront tirer la force de vivre, de propager une petite étincelle de lumière dans les oppressantes ténèbres. La vie, leur d’espoir éternelle, rêve émerveillé et force étrange.
C’est cette vie qui caractérise tout les hommes, l’univers entier. C’est cette vie qui est le but final de tous, un renouveau et une fin. La vie n’est qu’une longue chute vers les bras de la mort, une décadence croissante, indécente, burlesque comme tragique. Mais au final, toujours la même chose, la mort. Encore et toujours. La mort qui attire incessamment les êtres vivant dans ses bras, elle qui confère une étreinte universelle, où tous sont égaux.
Pourtant, c’était cette-même mort qui avait repoussé Lifaen quelques instants auparavant… Qui lui avait elle-même dit de se lever, de se battre pour vivre… Pourquoi ? La faucheuse l’avait appelé "mon enfant"… Certes, Lifaen était bel-et-bien un enfant de la mort, de tout son être car il était un assassin. Mais à quel point était-il enfant de la faucheuse ? Est-ce que "tout son être" prenait une autre dimension ?
Des questions semblables à celles-ci, il en venait une horde au jeune homme, une armée vorace et pressante, menaçant de faire sombrer son esprit dans la folie. Pourtant, au milieu de ce chaos, une question se démarquait clairement, comme portée par toutes les autres, tête de file de cette troupe.
Qui était-il ?
Qui était-il VRAIMENT ?
Lifaen n’était plus sûr de rien, après cette expérience ô combien dérangeante. Il se souvenait de tout, d’avoir été durant un court instant de félicité aux teintes de folie l’égal d’un dieu, d’avoir pu durant l’espace de quelques battements de cœur distinguer la trame infinie de la vie, d’avoir pu poser ses yeux sur cette toile éblouissante. Frêle battement de folie, il était resté là, à la frontière exacte entre la mort et la vie. Il se souvenait de cette identité effacée, de sa lente assimilation anonyme dans les rouages de l’univers. Un moment, il eut toutes les réponses à toutes les questions, et un battement de cils plus tard, il ne possédait plus rien. Il se rappelait, dans une quête désespérée de lui-même, d’avoir basculée vers l’étreinte de la froide faucheuse. Tout ce qui suivait restait aussi profondément ancré dans son esprit, désagréable cicatrice de cette bataille. Oh ça, des cicatrices il allait en avoir un nombre incalculables, au vu de ses blessures. Mais cela n’était qu’un détail peu important.
Le jeune homme se souvenait clairement de ces flammes écarlates qui l’avaient emplie, comme un torrent ardent, et qui l’avait ramené à la vie. La Mort l’avait peut être congédié, mais sa résurrection ne tenait pas que de ce fait, les vivants y étaient aussi pour quelque chose. Ces flammes… Certainement du sang. Oui, il n’y avait que cela qui avait pu être suffisamment fort. Il était évident que Zejaléa avait sacrifié une partie de son fluide vitale pour le sauver, elle était la seule au courant de sa maladie et Lifaen tenait à ce qu’elle le reste. A ce propos, une seule personne connaissait la peur de Lifaen, le feu. Il s’agissait de Sèmil, évidemment. C’en était presque amusant, les différences entre les deux jeunes hommes étaient tellement extrêmes qu’ils en étaient devenu étrangement proche. Le jeune assassin ne saurait décrire leur relation, tant elle lui paraissait incongrue. Bien sûr, d’autres membres de l’Ordre devait bien se douter de la phobie de Lifaen, mais ils ne s’étaient jamais manifestés, peut être par peur.
Mais peu importe, le jeune homme aurait tout son temps pour y songer plus tard.
Cela faisait à peine une petite seconde que Lifaen avait ouvert les yeux, son cœur restait pourtant à l’arrête et son souffle désespérément absent. Mais malgré ça, il était bien en vie, à fixer le plafond de la grotte dont le feu s'était éteint, dieu merci. Tout cela le ramenait toujours à une chose.
La mort et la vie. Oui, bel et bien une et unique chose. La mort et la vie, inextricablement liées, deux faces d’une même pièce. La mort la vie, les reflets d’un même monde. Et lui dans tout ça, comment pouvait-on le qualifier ? A qui appartenait-il ? A bien y réfléchir, Lifaen était comme un envoyé de la mort dans le château de la vie.
Pour faire se qu’il faisait de mieux. Se battre, tuer.
Et maintenant ?
Se battre.
Encore et toujours.
Pour changer, se battre pour l’avenir. Se battre pour savoir.
Se battre pour exister.
La poitrine de Lifaen bouge doucement.

Vivre.
04-12-2011 à 13:20:41
Si... calme...
Il était si bien... et pourtant si triste...
Il sentit une douce chaleur monter en lui. Kire était toujours aussi chaud. Son poil toujours aussi doux, même tâché de sang séché. Il sentit le cœur de l'animal battre contre sa main. Il songea qu'il pouvait le lui arracher. Pourquoi cette pensée ? S'il tuait son frère, il mourait. Kire était bien plus qu'un animal, c'était son frère. Et bien plus qu'un frère encore, il était son âme. Oui, ce jour-là ils s'étaient tout donnés. Ils ne faisaient qu'un. Ils n'étaient qu'un seul être. Si Kire mourait, Velk se trancherait la gorge pour mourir dans l'agonie. Il l'aurait amplement mérité de toute manière.
Et cela marchait dans les deux sens. Si Velk mourait, Kire aussi. Et Velk en avait déjà assez de cette vie. Il espérait un triomphe écrasant pour son entrée en scène. Totalement raté. Et pourquoi ? A cause de ce foutu traumatisme, de ce putain de problème qu'il avait avec le sang ! Si seulement... Si seulement il avait pu mieux la protéger ce soir-là, peut-être n'aurait-il pas cette maladie mentale. Il aurait dû... ne pas hésiter...
Velk serra Kire plus fort contre lui. Ils pensaient les mêmes choses simultanément. Si le jeune homme serrait un peu plus fort, son frère se laisserait mourir pour lui. Kire était un animal intelligent et d'une générosité impressionnante. Oui il se laisserait mourir pour soulager son ami. Il s'en sentait capable.
Puis il pensa à cette fille...
Il avait vu un ange... Le plus bel ange d'Andore. Il voulait vivre pour elle. Il voulait lui demander son nom, qu'elle lui réponde avec un sourire, l'embrasser amoureusement, puis fougueusement, lui dire qu'il l'aimait, mourir pour elle... Oui il était prêt à mourir pour sauver cet ange. Sa générosité était semblable à celle de Kire. Une générosité canine. Sauf que Velk était un ours.

Puis son cœur s'embrasa. Il brûlait d'amour pour cette inconnue dont il ne connaissait pas le nom. Son esprit mal irrigué l'emmenait dans une persuasion presque malsaine. En pensant à sa peau laiteuse, il respira plus fort. En revoyant ses yeux de saphir, il ouvrit difficilement les yeux.
Il faisait encore nuit. Sa vue était encore trouble. Kire se réveilla également. Velk continua. Il s'imagina une voix douce et enchanteresse, et s'assit en faisant taire ses affreuses douleurs. Il pensa à la cascade de cheveux qui coulait dans son dos, et se leva, ne pouvant s'empêcher de gémir.
Le voilà debout. Ses muscles tremblaient sous l'effort, mais il tenait bon. Il devait tenir jusqu'au campement de ses nouveaux équipiers. Il le fallait absolument. Il toisa Frimain du regard, qui dormait lui aussi. Il ne pouvait se baisser.
-Frimain, appela-t-il en le secouant avec un pied.
Son ami se réveilla doucement, et observa Velk de toute sa hauteur sans prononcer un mot.
-On va retrouver les autres ou quoi ?

Lorsque je te serre la main, c'est une souffrance que j'appréhende. Tu ne sentiras pas le tonnerre de ma haine s'abattre sur ta nuque. Tu ne pourras que pleurer, et saigner. Saigner autant que mon dégoût le désire. Je me délecterai du spectacle macabre de tes chairs broyées sous mon poing vengeur. Personne n'est innocent.
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